CA Nîmes, 5e ch. soc. ph, 29 septembre 2025, n° 24/00977
NÎMES
Arrêt
Autre
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
ARRÊT N°
N° RG 24/00977 - N° Portalis DBVH-V-B7I-JEF7
CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE DE NIMES
16 février 2024
RG:22/00139
[M]
C/
Me [Y] [F] - Mandataire liquidateur de S.A.S. LES MAISONS AVENIR TRADITION
Association AGS-CGEA DE [Localité 14]
Grosse délivrée le 29 septembre 2025 à :
- Me PINCHON
- Me [Localité 7]
COUR D'APPEL DE NÎMES
CHAMBRE CIVILE
5ème chambre sociale PH
ARRÊT DU 29 SEPTEMBRE 2025
Décision déférée à la Cour : Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de NIMES en date du 16 Février 2024, N°22/00139
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :
Mme Nathalie ROCCI, Présidente,
Mme Leila REMILI, Conseillère,
M. Michel SORIANO, Conseiller,
GREFFIER :
Monsieur Julian LAUNAY-BESTOSO, Greffier à la 5ème chambre sociale, lors des débats et du prononcé de la décision.
DÉBATS :
A l'audience publique du 11 Avril 2025, où l'affaire a été mise en délibéré au 23 Juin 2025 puis prorogée au 29 septembre 2025.
Les parties ont été avisées que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour d'appel.
APPELANT :
Monsieur [P] [M]
[Adresse 6]
[Localité 4]
Représenté par Me Lucile PINCHON, avocat au barreau de NIMES
INTIMÉES :
Me [F] [Y] - Mandataire liquidateur de S.A.S. LES MAISONS AVENIR TRADITION
[Adresse 1]
[Localité 3]
Représenté par Me Delphine ANDRES de la SCP LOBIER & ASSOCIES, avocat au barreau de NIMES
Association AGS-CGEA DE [Localité 14]
[Adresse 2]
[Localité 5]
Représentée par Me Delphine ANDRES de la SCP LOBIER & ASSOCIES, avocat au barreau de NIMES
ARRÊT :
Arrêt contradictoire, prononcé publiquement et signé par Mme Nathalie ROCCI, Présidente, le 29 septembre 2025, par mise à disposition au greffe de la cour
FAITS PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS
La SAS Les Maisons Avenir Tradition (MAT) exerce une activité de construction de maisons individuelles. Elle emploie plus de 100 personnes et applique la convention collective du Bâtiment.
M. [P] [M] (le salarié) a été embauché le 24 avril 2006 par la SAS MAT (l'employeur) suivant contrat de travail à durée indéterminée à temps complet, en qualité de conducteur de travaux.
Le 1er avril 2019, le salarié a été promu au poste de directeur technique Méditerranée Ouest, statut cadre, position B, échelon 2, catégorie 2 et coefficient 120 de la convention collective applicable.
Par courrier du 31 mai 2021, M. [M] a pris acte de la rupture de son contrat de travail imputant à l'employeur divers manquements tels que sa placardisation, le non-paiement de primes sur le chiffre d'affaires réalisé, et de primes chantiers, le non-respect de la législation relative aux congés payés, au forfait en jours, aux entretiens obligatoires, et de la classification conventionnelle au regard du poste occupé.
Par jugement du tribunal de commerce de Nîmes en date du 15 novembre 2021, la SAS MAT a été placée en redressement judiciaire.
Par jugement du tribunal de commerce de Nîmes en date du 15 février 2022, la SAS MAT a été placée en liquidation judiciaire, Me [Y] [F] étant désigné mandataire liquidateur de la société.
Par requête du 09 mars 2022, M. [M] a saisi le conseil de prud'hommes de Nîmes aux fins de voir condamner la SAS MAT au paiement de diverses indemnités.
Par jugement contradictoire rendu le 16 février 2024, le conseil de prud'hommes de Nîmes:
'
- JUGE la demande sur le harcèlement recevable, mais constaté que ce harcèlement n'est pas caractérisé ;
- FIXE la créance de Monsieur [P] [M] à l'encontre de la procédure collective de la Société MAT aux sommes suivantes :
- 30 000 euros pour la convention Forfait-Jours nulle de ses effets
- 5 623,89 euros bruts, ainsi que les CP afférents, au titre des congés payés non pris
- DEBOUTE les parties du surplus de toutes les autres demandes.
- DECLARE le présent jugement commun et opposable au CGEA de [Localité 14] gestionnaire de l'AGS ;
- DIT que la garantie de cet Organisme interviendra dans les limites et plafonds réglementaires applicables en la matière, au vu du relevé qui lui sera produit et du justificatif de l'absence de fonds disponibles au titre de ladite procédure collective ;
- DIT que les dépens seront considérés comme frais privilégiés de la présente procédure collective.'
Par acte du 15 mars 2024, M. [M] a régulièrement interjeté appel de cette décision qui lui a été notifiée le 20 février 2024.
En l'état de ses dernières écritures en date du 10 mars 2025, le salarié demande à la cour de :
' CONFIRMER le jugement rendu par le Conseil de prud'hommes en ce qu'il a jugé que la convention de forfait en jours de Monsieur [M] était nulle
CONFIRMER le jugement rendu par le Conseil de prud'hommes en ce qu'il a accordé à Monsieur [M] la somme de 5 623,89 euros bruts à titre de rappel de salaire pour les congés payés indûment décomptés, outre 562,38 euros au titre des congés payés afférents
INFIRMER le jugement rendu par le Conseil de prud'hommes sur le surplus et,
statuant à nouveau :
Sur la demande nouvelle de remboursement des jours de récupération
DECLARER irrecevable la demande de remboursement des jours de récupération, cette demande nouvelle étant formulée pour la première fois en cause d'appel,
Sur l'exécution du contrat de travail
JUGER que Monsieur [M] devait bénéficier d'une classification à la position C, échelon 2, coefficient 162, et ce dès le 1 er avril 2019 au vu de ses attributions,
CONDAMNER la société LES MAISONS AVENIR TRADITION à régler à Monsieur [M] la somme de 909 euros bruts à titre de rappel de salaire conventionnel, outre 90 euros bruts au titre des congés payés afférents,
CONDAMNER la société LES MAISONS AVENIR TRADITION à régler à Monsieur [M] la somme de 3.371,59 euros bruts à titre de rappel de primes de chantiers, outre 337,16 euros bruts au titre des congés payés afférents,
CONDAMNER la société LES MAISONS AVENIR TRADITION à régler à Monsieur [M] la somme de 5.000 euros bruts à titre de rappel de prime sur le chiffre d'affaires 2019, outre 500 euros bruts au titre des congés payés afférents,
CONDAMNER la société LES MAISONS AVENIR TRADITION à régler à Monsieur [M] la somme de 247 948,53 euros bruts à titre de rappel d'heures supplémentaires, outre 24 794,53 euros bruts au titre des congés payés afférents,
CONDAMNER la société LES MAISONS AVENIR TRADITION à régler à Monsieur [M] la somme de 93 243 euros nets de CSG-CRDS à titre d'indemnité forfaitaire pour travail dissimulé,
CONDAMNER la société LES MAISONS AVENIR TRADITION à régler à Monsieur [M] la somme de 137 785,82 euros bruts à titre de rappel de 75 contrepartie obligatoire en repos, outre 13 778,58 euros bruts au titre des congés payés afférents,
CONDAMNER la société LES MAISONS AVENIR TRADITION à régler à Monsieur [M] la somme de 7 500 euros nets de CGS-CRDS à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice résultant de la privation de congés annuels,
CONDAMNER la société LES MAISONS AVENIR TRADITION à régler à Monsieur [M] la somme de 11 438,06 euros bruts à titre de rappel de prime de vacances,
CONDAMNER la société LES MAISONS AVENIR TRADITION à régler à Monsieur [M] la somme de 7 500 euros nets de CGS-CRDS à titre de dommages et intérêts pour violation des durées maximales de travail et non-respect des temps de repos obligatoires,
CONDAMNER la société LES MAISONS AVENIR TRADITION à verser la somme de 3 000 euros nets à la Caisse des Dépôts et Consignations, qui le créditera sur le compte CPF Monsieur [M]
CONDAMNER la société LES MAISONS AVENIR TRADITION à verser la somme de 5 000 euros nets de CGS-CRDS à titre de dommages et intérêts en réparation des préjudices subis du fait du manquement de l'employeur à ses obligations en termes d'organisation des entretiens obligatoires
JUGER que Monsieur [M] a été victime d'un harcèlement moral
CONDAMNER la société LES MAISONS AVENIR TRADITION à verser la somme de 91 230 euros nets de CGS-CRDS à titre de dommages et intérêts pour harcèlement moral
CONDAMNER la société LES MAISONS AVENIR TRADITION à verser la somme de 45 615 euros nets de CGS-CRDS à titre de dommages et intérêts pour manquement de l'employeur à son obligation de sécurité de résultat
PRONONCER l'inscription de l'ensemble de ces sommes au passif de la société LES MAISONS AVENIR TRADITION,
JUGER que les dispositions du jugement à intervenir seront opposables aux AGS-CGEA dans la limite de leur garantie,
Sur la rupture du contrat de travail
A titre principal
JUGER que Monsieur [M] a été victime d'un harcèlement moral,
JUGER que la prise d'acte de la rupture du contrat de travail de Monsieur [M] du 31 mai 2021 produit les effets d'un licenciement nul
CONDAMNER la société LES MAISONS AVENIR TRADITION à régler à Monsieur [M] la somme de 279 730 euros nets de CGS-CRDS à titre de dommages et intérêts pour licenciement nul,
CONDAMNER la société LES MAISONS AVENIR TRADITION à régler à Monsieur [M] la somme de 91 389,36 euros nets à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement,
CONDAMNER la société LES MAISONS AVENIR TRADITION à régler à Monsieur [M] la somme de 46 620 euros bruts à titre de rappel d'indemnité compensatrice de préavis, outre 4 662 euros bruts au titre des congés payés afférents,
A titre subsidiaire
JUGER que la société M.A.T. a commis de nombreux manquements graves à l'encontre de Monsieur [M],
JUGER que la prise d'acte de la rupture du contrat de travail de Monsieur [M] du 31 mai 2021 produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse
CONDAMNER la société LES MAISONS AVENIR TRADITION à régler à Monsieur [M] la somme de 202 028 euros nets de CGS-CRDS à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
CONDAMNER la société LES MAISONS AVENIR TRADITION à régler à Monsieur [M] la somme de 91 389,36 euros nets à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement,
CONDAMNER la société LES MAISONS AVENIR TRADITION à régler à Monsieur [M] la somme de 46 620 euros bruts à titre de rappel d'indemnité compensatrice de préavis, outre 4 662 euros bruts au titre des congés payés afférents,
En tout état de cause
PRONONCER l'inscription de ces sommes au passif de la société LES MAISONS AVENIR TRADITION,
JUGER que les dispositions du jugement à intervenir seront opposables aux AGS-CGEA dans la limite de leur garantie,
CONDAMNER Maître [F], ès qualité de liquidateur de la société LES MAISONS AVENIR TRADITION à remettre à Monsieur [M] les bulletins de salaire rectifiés ainsi que les documents de fin de contrat rectifiés sous astreinte de 50 euros par jour de retard et par document à compter du 15ème jour suivant la notification du jugement à intervenir, le Conseil se réservant la possibilité de liquider l'astreinte,
RAPPELER que les intérêts au taux légal courent sur les sommes à caractère salarial à compter de la réception par l'employeur de la convocation à comparaître devant le bureau de conciliation, et à défaut de demande initiale, à compter de la date à laquelle ces sommes ont été réclamées, et qu'ils courent sur les sommes à caractère indemnitaire à compter du jugement à intervenir,
PRONONCER l'inscription au passif de la société LES MAISONS AVENIR TRADITION de la somme de 4 000 euros au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile,
CONDAMNER Maître [F], ès qualités de liquidateur de la société LES MAISONS AVENIR TRADITION, aux entiers dépens.'
Aux termes de ses dernières conclusions contenant appel incident en date du 10 mars 2025, L'AGS CGEA de [Localité 14] demande à la cour de :
'Sur l'exécution du contrat de travail :
A titre principal,
INFIRMER le jugement du Conseil de Prud'hommes de NIMES du 16 février 2024 en ce qu'il a jugé nulle la convention de forfait en jours conclue entre Monsieur [M] et la société MAT,
JUGER la convention de forfait en jours valide,
En conséquence,
DEBOUTER Monsieur [M] de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions afférentes à la remise en cause de la convention de forfait en jours.
A titre subsidiaire,
JUGER la convention de forfait en jours inopposable à Monsieur [M] à compter du 1er avril 2020,
LIMITER la créance de Monsieur [M] à la somme de 19.897,87 euros bruts à titre de rappel d'heures supplémentaires, outre 1.989,79 euros de congés payés afférents,
LIMITER la créance de Monsieur [M] à la somme de 24.006,87 euros bruts à titre de contrepartie en repos pour les heures supplémentaires réalisées au-delà du contingent annuel, outre 2.400,69 euros de congés payés afférents.
En tout état de cause,
CONFIRMER le jugement du Conseil de Prud'hommes de NIMES du 16 février 2024 en ce qu'il a débouté Monsieur [M] de ses demandes afférentes à la classification conventionnelle, aux primes, au travail dissimulé et aux congés payés,
JUGER la classification conventionnelle appliquée à Monsieur [M] conforme aux missions exercées,
JUGER Monsieur [M] rempli de ses droits en matière de primes,
JUGER l'infraction de travail dissimulé non caractérisée,
JUGER Monsieur [M] rempli de ses droits en matière de congés payés.
En conséquence,
DEBOUTER Monsieur [M] de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions afférentes à l'exécution de son contrat de travail.
Sur la rupture du contrat de travail :
A titre principal,
CONFIRMER le jugement du Conseil de Prud'hommes de NIMES du 16 février 2024 en ce qu'il a fait produire à la prise d'acte de Monsieur [M] les effets d'une démission,
FAIRE PRODUIRE à la prise d'acte de la rupture de son contrat de travail par Monsieur [M] les effets d'une démission.
En conséquence,
DEBOUTER Monsieur [M] de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions afférentes à la rupture de son contrat de travail.
CONDAMNER Monsieur [M] au paiement de la somme de 24.255,25 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis,
Le CONDAMNER au paiement de la somme de 3.000,00 euros au titre de l'article 700 du CPC,
Le CONDAMNER aux entiers dépens.
A titre subsidiaire,
LIMITER les créances de Monsieur [M] aux sommes suivantes :
- 24.255,25 euros bruts à titre d'indemnité compensatrice de préavis, outre 2.425,53 euros de congés payés afférents ;
- 44.581,92 euros nets à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement ;
- 24.255,25 euros nets à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.
EN TOUT ETAT DE CAUSE
RAPPELER la limite de garantie applicable à Monsieur [M] à hauteur du plafond 6, représentant la somme brute de 82.272,00 euros.
LIMITER les avances de créances de l'AGS au visa des articles L 3253-6 et L 3253-8 et suivants du Code du travail selon les termes et conditions résultant des dispositions des articles L 3253-17 et L 3253-19 et suivants du Code du travail,
LIMITER l'obligation de l'UNEDIC-AGS de procéder aux avances des créances garanties, compte tenu du plafond applicable, à la présentation d'un relevé par le mandataire judiciaire et à la justification par ce dernier de l'absence de fonds disponibles entre ses mains pour procéder à leur paiement.'
La société les Maisons Avenir Tradition et le mandataire liquidateur n'ont pas constitué avocat.
Pour un plus ample exposé des faits et de la procédure, ainsi que des moyens et prétentions des parties, il convient de se référer à leurs dernières écritures.
Par ordonnance en date du 28 novembre 2024, le conseiller de la mise en état a prononcé la clôture de la procédure à effet au 11 mars 2025. L'affaire a été fixée à l'audience du 11 avril 2025.
MOTIFS
I- Sur les demandes au titre de l'exécution du contrat de travail
A) sur la classification conventionnelle:
Le salarié expose qu'il a été nommé le 1er avril 2019, Directeur Technique Méditerranée Ouest, statut Cadre, avec la classification suivante: statut cadre, position B, échelon 2, catégorie 2, coefficient 120 de la convention collective nationale des ingénieurs et cadres du bâtiment et soutient qu'il aurait dû être classé à la position C, échelon 2, coefficient 162, compte tenu du fait reconnu par le mandataire, qu'il dirigeait de nombreux conducteurs de travaux, techniciens et secrétaires.
Le salarié soutient qu'il avait cinq services sous sa direction ( secteur Occitanie, secteur PACA, service dessin/conception, service Bureau d'études, service après- vente), représentant plus de 18 salariés, tel que cela ressort de l'organigramme.
Il sollicite un rappel de salaires de 909 euros au titre des mois d'avril, mai et juin 2019.
L'association AGS CGEA de [Localité 14] s'oppose à cette demande en soutenant que la classification à la position C, échelon 2, coefficient 162 de la convention collective des ingénieurs et cadres du bâtiment exige que le cadre technique ou administratif qui la revendique justifie du commandement d'un nombre important d'autres cadres, ce que M. [M] ne démontre pas.
Il incombe au salarié qui revendique une classification différente de celle qui lui est reconnue, et à lui-seul, de rapporter la preuve de la réalité des fonctions qu'il exerce.
Selon la classification des emplois de la convention collective applicable, les positions sont définies comme suit:
- Position B, échelon 2, catégorie 1: ' Au moins 6 ans de pratique de la profession ( sauf promotion individuelle anticipée; initiatives et responsabilités pour diriger les travaux des ETDAM et représenter l'entreprise à l'extérieur'.
- Position B, échelon 2, catégorie 2: 'mêmes conditions que la catégorie 1 + soit
connaissance des techniques nouvelles, soit initiatives fréquentes en collaboration avec d'autres cadres';
- Position C, échelon 2: 'Cadres techniques ou administratifs avec commandement sur un nombre important d'autres cadres ou avec une compétence ou des responsabilités équivalentes'. Pour ce positionnement, la grille de classification donne à titre d'exemple le responsable d'un grand chantier de travaux publics.
Pour solliciter son repositionnement au niveau C, échelon 2, le salarié s'appuie essentiellement sur l'organigramme du service technique lequel mentionne des secteurs géographiques sous sa direction, avec la précision, pour la majorité des secteurs, des catégories de personnels concernés , soit par exemple:
- pour le secteur occitanie: 1 PO
- pour le secteur [Localité 12]: 1 cdt + 1 PO
- pour le secteur de [Localité 10]: 1 secr + 2 cdt +1PO.
M. [M] qui ne rapporte pas la preuve d'actions d'un commandement effectif sur plusieurs autres cadres de même niveau que lui, n'est pas fondé en sa demande de repositionnement au niveau C échelon 2, coefficient 162.
La cour confirme par conséquent le jugement déféré en ce qu'il a débouté le salarié de sa demande de repositionnement conventionnel et de la demande de rappel de salaires subséquente.
B) Sur les primes de chantiers:
Le salarié soutient que depuis le 1er avril 2019, il devait, conformément à l'annexe 2 de l'avenant de son contrat, percevoir une prime calculée au prorata des primes perçues par les conducteurs de travaux de chaque secteur dont il avait la responsabilité, ce pourquoi il demande qu'il soit fait sommation au mandataire liquidateur de produire les bulletins de
salaire des conducteurs de travaux encadrés par lui.
Il expose qu'il n'a été réglé intégralement des primes qui lui étaient dues qu'au titre de l'année 2019, mais il n'a été que partiellement réglé des primes qui lui étaient dues au titre des années 2020 et 2021.
L' association AGS CGEA soutient que:
- l'allégation selon laquelle M. [M] n'aurait perçu aucune prime de chantier entre le mois d'avril 2019 et le mois de mai 2021 est mensongère, et l'annexe 2 à l'avenant contractuel régularisé par les parties mentionne expressément que l'attribution de cette prime est « fonction des délais d'ouverture des chantiers et des livraisons »;
- la lecture des bulletins de salaire de l'appelant révèle le paiement régulier au cours de la période litigieuse de primes intitulées « Prime délai OAC & LIVRAISON »;
- sur la totalité de la période, M. [M] a perçu la somme de 7.553,45 euros bruts à titre de primes de chantier et il ne donne aucune explication sur le quantum qu'il retient.
L'annexe 2 de l'avenant au contrat de travail prévoit, s'agissant des primes de chantier que:
' La société MAT octroie à Monsieur [P] [M], Directeur Technique, des primes qui ont pour objet de récompenser le bon déroulement des chantiers et le respect des délais impartis.
Monsieur [M] percevra une prime qui sera calculée, au prorata des primes perçues par les conducteurs de travaux de chaque secteur, dont Monsieur [M] a la responsabilité.
En effet, chaque conducteur de travaux se voit attribuer des primes par chantier en fonction des délais d'ouverture des chantiers et des livraisons.
Monsieur [M] bénéficiera d'une prime correspondant à la moyenne de la totalité des primes perçues par les conducteurs de travaux dont il a la responsabilité, par chantier et par secteur.(...)'
M. [M] produit en pièce n°57 un tableau récapitulatif comportant pour chaque année de la période de 2019, 2020 et 2021, le total des primes perçues par les conducteurs de travaux chaque mois, ainsi que le nombre de conducteurs de travaux et le montant de sa prime.
Sur cette base, le salarié réclame:
- au titre de l'année 2020, un total de primes de chantiers de 3 938, 33 euros
- au titre de l'année 2021, un total de primes de chantiers de 1213, 93 euros.
Les intimés ne produisent aucun élément chiffré contraire, alors qu'il appartient à l'employeur de justifier les bases de calcul qu'il retient pour évaluer la rémunération variable de son salarié.
Par ailleurs, le salarié produit ses bulletins de salaire, dont il résulte qu'il a perçu de janvier à décembre 2020, un total de 1 299, 29 euros correspondant aux primes 'délai OAC &livraison', et de janvier à mai 2021, un total de 481, 38 euros au même titre. Dés lors, faute de tout élément contraire, et après déduction des dites sommes, déjà perçues par le salarié, ce dernier est fondé en sa demande à hauteur de 2 639, 04 euros au titre de l'année 2020 et à hauteur de 732, 55 euros au titre de l'année 2021, soit un total de 3 371, 59 euros, outre la somme de 337, 16 euros au titre des congés payés afférents.
Le jugement déféré qui a débouté M. [M] de sa demande de rappel de primes de chantier est infirmé en ce sens.
C) Sur la prime sur le chiffre d'affaires réalisé en 2019:
Le salarié demande le paiement de cette prime soutenant qu'elle est calculée sur le chiffre d'affaires annuel du secteur d'activité concerné au titre de l'année 2019, et non comme le soutient le mandataire judiciaire, sur la base du chiffre d'affaires de la période d'activité du salarié sur son secteur, du mois de mai 2019 au mois de décembre 2019.
Le salarié invoque un chiffre d'affaires de plus de 17 millions d'euros sur son secteur d'activité et soutient que le mandataire ne conteste pas ce chiffre et ne produit aucun élément comptable.
Le salarié sollicite un rappel de prime de 5 000 euros à ce titre.
L'association AGS-CGEA et Maître [F] , es qualités, s'opposent à cette demande en indiquant que:
- M. [M] n'a été affecté sur le secteur Occitanie et [Localité 8] qu'à partir du mois de mai 2019 et ne peut donc revendiquer le bénéfice du chiffre d'affaires réalisé sur ce secteur pour l'année entière;
- l'avenant contractuel instituant le versement d'une prime de chiffre d'affaires a été conclu à effet du 1er avril 2019 et, comme tout contrat, n'a aucun effet rétroactif, sauf stipulation expresse en ce sens;
- il n'est donc absolument pas question d'une proratisation du montant de la prime ou de la période considérée mais d'une application pure et simple des dispositions contractuelles, lesquelles ne prévoient pas d'effet rétroactif pour la prime de chiffre d'affaires.
L'annexe 2 de l'avenant au contrat de travail de M. [M] prévoit:
' Primes sur chiffre d'affaire 2019
Au titre de l'année 2019, M. [P] [M] percevra une prime brute annuelle, fonction du chiffre d'affaires hors taxes réalisé sur son secteur d'activité.
Cette prime est déterminée par tranches de CA HT, lesquelles ne se cumulent pas si elles sont atteintes.
Ainsi, Monsieur [M] se verra attribuer:
- une prime brute de 3 000 euros à partir de 15M euros de CA HT sur son secteur d'activité
- une prime brute de 5 000 euros à partir de 17M euros de CA HT sur son secteur d'activité
- une prime brute de 10 000 euros à partir de 19M euros de CA HT sur son secteur d'activité (...)
Il est précisé que cette prime sera versée 1 fois par an ( janvier N+1), et qu'elle ne fait pas l'objet d'une reconduction tacite. Les parties apprécieront ensemble lors de l'établissement des budgets et objectifs de l'entreprise la mise en place d'une prime fonction du Chiffre d'affaires ou de tout autres indicateurs, en fonction de l'activité de l'entreprise et de l'évolution du marché de la construction de maisons individuelles.
En cas de réduction ou d'augmentation du secteur d'activité de Monsieur [P] [M], les parties devront envisager l'adaptation des seuils de déclenchement de la prime (...)'.
L'Unedic AGS/CGEA et Maître [F], es qualités, concluent que le calcul du chiffre d'affaires ouvrant droit au règlement d'une éventuelle prime au bénéfice de M.[M] doit se faire sur les bases suivantes:
- Chiffre d'affaires réalisé au cours du mois d'avril 2019 sur le secteur d'affectation de l'appelant, à savoir le secteur Pontet = 757.612,20 euros
- Chiffre d'affaires réalisé au cours des mois de mai à décembre 2019 sur le nouveau secteur d'affectation de l'appelant, à savoir Occitanie et [Localité 8] = 12.172.515,30 euros
- Soit un chiffre d'affaires total bénéficiant au salarié pour le calcul de la prime litigieuse de 12.930.127,50 euros, n'atteignant pas le seuil de déclenchement de la prime de chiffre d'affaires.
Il en résulte que l'Unedic et Maître [F] font des termes de l'annexe 2 du contrat de travail relatifs à la prime sur chiffre d'affaires 2019, une interprétation non conforme à la lettre de cet avenant rédigé de façon univoque quant à l'absence de clause de proratisation, et ce alors même que cet avenant, daté du 25 mars 2019, aurait pu distinguer la période antérieure à l'affectation du salarié sur son nouveau secteur, de celle résultant de cette affectation.
M. [M] est par conséquent fondé à solliciter le paiement de la prime de chiffres d'affaires pour l'année 2019 à hauteur de 5 000 euros et le jugement déféré qui l'a débouté de cette demande est infirmé en ce sens.
D) Sur la durée du travail:
Le salarié soutient que:
- dans les entreprises du bâtiment occupant plus de 10 salariés, la possibilité d'avoir recours à une convention de forfait annuel jours est prévue par l'accord du 06 novembre 1998;
- or, la Cour de cassation a jugé que les dispositions de cet accord du 06 novembre 1998 relatives au forfait annuel en jours ne sont pas de nature à garantir que l'amplitude et la charge de travail restent raisonnables et assurent une bonne répartition dans le temps du travail de l'intéressé, et donc, à assurer la protection de la sécurité et de la santé du salarié;
- les conventions de forfait conclues sur le seul fondement de cet accord encourent donc la nullité.(Cass. soc., 11 juin 2014, n° 11-20.985, n° 1197 F-P + B);
- contrairement à ce que prétend le mandataire liquidateur, l'avenant à son contrat de travail ne vise aucun autre texte;
- l'accord d'entreprise du 17 décembre 1999 produit par l'employeur ne contient aucune disposition relative au forfait jours, et son prétendu avenant n'est ni daté ni signé ;
- par ailleurs, l'avenant du 11 décembre 2012 (article 3.3 de la Convention collective), qui est évoqué mais non produit par la partie adverse est un accord non étendu, qui ne s'applique donc pas en l'espèce.
L'association AGS-CGEA et Maître [F], es qualités, font valoir en réponse, prenant acte de ce que les dispositions de l'accord du 6 novembre 1998 autorisant le recours au forfait jours ont été jugées comme n'étant pas de nature à garantir les droits des salariés, que:
- la convention de forfait en jours litigieuse est conclue en application:
* d'un accord d'entreprise en vigueur au sein de la société MAT, lequel n'a jamais été remis en cause;
* de nouvelles dispositions conventionnelles issues de l'avenant du 11décembre 2012 (article 3.3 CCN), lesquelles n'ont, elles non plus, jamais été remises en cause;
* mieux, la clause relative au forfait en jours insérée dans la convention collective des ETAM du bâtiment, laquelle est rédigée en des termes identiques à celle présente au sein des dispositions applicables aux cadres, a été validée par la Cour de cassation (Cass.Soc. 5 juillet 2023, n° 21-23294).
1°) sur l'absence de suivi du temps de travail:
Le salarié soutient que:
- au cours de la relation contractuelle, la société M.A.T. ne lui a jamais demandé de compléter un document de contrôle des jours travaillés, pas plus qu'elle n'a réalisé un suivi effectif et régulier de son temps de travail;
- ses relevés horaires démontrent que son amplitude de travail dépassait systématiquement les 13 heures quotidiennes;
- il ressort des plannings qu'il a réalisé plus de 4 780 heures supplémentaires au cours des années 2018 à 2021, qui ne lui ont pas été réglées.
2°) sur le non-respect des temps de repos quotidiens et hebdomadaires:
Le salarié soutient que la charge de travail était telle que les 11 heures de repos quotidien n'étaient quasiment jamais respectées et qu'il travaillait tous les samedis et parfois même les dimanches. Ainsi, il déclare avoir travaillé, au mois d'avril 2021 tous les samedis et dimanches pendant quatre semaines consécutives.
3°) sur le nombre de jours travaillés:
Le salarié soutient que le nombre de 215 jours de travail prévus par la convention de forfait en jours n'a jamais été respecté et qu'il a travaillé 280 jours en 2019, 291 jours en 2020 et 133 jours sur 151 jours, du 1er janvier au 31 mai 2021. Il souligne que cette situation était parfaitement connue de la direction puisque, en juin et juillet 2019, Mme [N], chargée des missions RH, écrivait à M.[B], dirigeant de la société, que M. [M] a cumulé 36 jours de congés payés à prendre avant le 31 mai 2018 et 33 jours de congés payés à prendre avant le 31 mai 2019.
4°) sur le droit à la déconnexion:
Le salarié fait grief à son employeur de ne l'avoir jamais informé de son droit à la déconnexion.
5°) sur l'absence d'entretien de suivi du forfait en jours:
Le salarié reproche à l'employeur au visa de l'article L. 3121-65 du code du travail, de ne jamais l'avoir fait bénéficier de cet entretien annuel.
L'association AGS-CGEAet Maîrte [F] soutiennent que:
- pour chacune des années concernées, des informations relatives au volume de jours travaillés, au nombre de jours de congés et de RTT ainsi qu'aux modalités de prise des congés et RTT ont été transmises à M. [M];
- ces documents rappellent expressément que les périodes de week-end, congés payés, RTT et jours fériés ne doivent pas être travaillées et constituent les périodes de repos du salarié;
- le salarié a également été destinataire, pour chacune des années concernées, des informations relatives à la prise des congés au sein de la société MAT et du caractère obligatoire de la prise de congés;
- le salarié a également reçu des emails l'alertant sur un solde important de jours de congés payés et le sollicitant afin que celui-ci se positionne sur des périodes de congés (Pièce n° 9 : emails des 20 juin et 8 juillet 2019) et un email de rappel sur les règles élémentaires en matière de durée du travail;
- en sa qualité de cadre, le salarié disposait d'une autonomie et d'une liberté totale d'organisation.
L'association et maître [F] soutiennent que:
- à titre principal, la convention de forfait est valide;
- à titre subsidiaire, l'absence de suivi de la charge de travail ne peut pas entraîner la nullité de la convention de forfait mais seulement son inopposabilité au salarié à compter du non-respect par l'employeur de ses obligations (Cass.Soc. 2 juillet 2014, n° 13-11940), soit en l'espèce à compter du mois d'avril 2020, l'obligation de suivi étant annuelle et la convention de forfait ayant été mise en oeuvre à compter du 1er avril 2019;
- contrairement aux effets de la nullité, aucune rétroactivité ne peut intervenir.
Toute convention de forfait en jours doit être prévue par un accord collectif dont les stipulations assurent la garantie du respect des durées maximales de travail ainsi que des repos, tant journaliers qu'hebdomadaires, telles que définies par le code du travail et selon les Directives communautaires de 1993 et 2003, dans le respect des principes généraux de la protection de la sécurité et de la santé des travailleurs.
Il est constant que ne respectent pas ces principes les dispositions du titre III de l'accord national du 6 novembre 1998 relatif à la durée du travail dans les entreprises du bâtiment et des travaux publics ni les stipulations de l'accord d'entreprise qui, s'agissant de l'amplitude des journées de travail et la charge de travail qui en résulte, prévoient seulement qu'il appartient aux salariés de tenir compte des limites journalières et hebdomadaires et d'organiser leurs actions dans ce cadre et en cas de circonstances particulières d'en référer à leur hiérarchie de rattachement.
Les intimés se réfèrent :
- d'une part, à un accord sur les 35 heures du 17 décembre 1999 conclu entre la Sarl [Adresse 9] et Tradition et les syndicats CGC et CFDT, dont force est de constater qu'il ne comporte aucune disposition relative aux conventions de forfait;
- d'autre part, à un avenant à cet accord comportant un paragraphe 4-3 intitulé 'dispositions relatives au personnel d'encadrement non commercial', qui prévoit que les cadres percevront une rémunération forfaitaire et s'agissant du contrôle de l'horaire de travail, indique dans un article 7:
'* En ce qui concerne le personnel non cadre, un planning mensuel sera établi et signé par les salariés;
* En ce qui concerne le personnel cadre en forfait jour, il s'engage à établir un relevé récapitulatif annuel sincère et véritable du nombre de jours travaillés.'
L'avenant à l'accord du 17 décembre 1999 ainsi produit n'est ni daté ni signé et la date de son entrée en vigueur n'est pas renseignée. Cet avenant est inopposable aux salariés. En tout état de cause, il ne comporte aucune mention de nature à garantir que l'amplitude et la charge de travail restent raisonnables et assurent une bonne répartition dans le temps du travail et donc, à assurer la protection de la sécurité et de la santé du salarié.
Les intimés ne peuvent se prévaloir d'aucun texte conventionnel offrant les dites garanties dans la mise en oeuvre d'une convention de forfait.
Par ailleurs, l'article L. 3121-65 du code du travail, en vigueur depuis le 22 décembre 2017 énonce:
'I- A défaut de stipulations conventionnelles prévues aux 1°et 2° du II de l'article L. 3121-64, une convention individuelle de forfait en jours peut être valablement conclue sous réserve du respect des dispositions suivantes:
1° l'employeur établit un document de contrôle faisant apparaître le nombre et la date des journées ou demi-journées travaillées. Sous la responsabilité de l'employeur, ce document peut être renseigné par le salarié;
2° l'employeur s'assure que la charge de travail du salarié est compatible avec le respect des temps de repos quotidiens et hebdomadaires;
3° l'employeur organise une fois par an un entretien avec le salarié pour évoquer sa charge de travail , qui doit être raisonnable , l'organisation de son travail, l'articulation entre son activité professionnelle et sa vie personnelle ainsi que sa rémunération.
II- A défaut de stipulations conventionnelles prévues au 3° du II de l'article L. 3121-64, les modalités d'exercice par le salarié de son droit à la déconnexion sont définies par l'employeur et communiquées par tout moyen aux salariés concernés. Dans les entreprises d'au moins cinquante salariés, ces modalités sont conformes à la charte mentionnée au 7° de l'article L. 2242-17.'
Les intimés se prévalent en l'espèce des éléments suivants:
- une note administrative informant le salarié du nombre de jours de RTT dont il dispose ainsi que des modalités de prise des RTT, étant précisé que seule la note du 22 novembre 2018 est signée;
- une note administrative relative aux congés pour chaque exercice;
- un échange d'emails du 20 juin 2019 sur des demandes de congés payés non enregistrés;
- un email de la responsable RH du 26 novembre 2020 refusant une feuille d'heures supplémentaires d'une salariée ( [X]), mentionnant des heures effectuées le samedi 14 novembre et le dimanche 15 novembre, rappelant que les heures supplémentaires sont faites à la demande du responsable, la durée de travail effectif ne doit pas dépasser la durée maximale de 10 heures par jour et la durée de travail effectif hebdomadaire ne doit pas dépasser 48 heures sur une même semaine.
Aucun de ces éléments ne correspond à un outil de contrôle du temps de travail de nature à garantir que l'amplitude et la charge de travail restent raisonnables et à assurer une bonne répartition dans le temps du travail du salarié , et donc, à protéger la sécurité et la santé du salarié. En outre, les intimés ne sont pas en mesure de se prévaloir de la tenue régulière d'entretiens sur la charge de travail.
Le jugement doit par conséquent être confirmé en ce qu'il a écarté la convention de forfait invoquée par les intimés.
M. [M] est par conséquent fondé à décompter ses heures supplémentaires conformément au droit commun.
E) sur les heures supplémentaires:
M. [M] demande le paiement de ses heures supplémentaires à compter du 1er juin 2018.
Les intimés concluent à titre subsidiaire que:
- la demande ne peut porter sur la période débutant le 1er avril 2019 compte tenu de l'inopposabilité et non de la nullité de la convention de forfait;
- le salarié ayant saisi le conseil de prud'hommes par requête du 9 mars 2022, ses prétentions à titre de rappel d'heures supplémentaires ne peuvent pas valablement prospérer pour la période antérieure au 9 mars 2019, en sorte que les demandes formulées sur la période du 1er juin 2018 au 9 mars 2019 seront écartées comme étant prescrites.
M. [M] expose qu'il tenait un planning sur lequel il notait systématiquement ses heures d'arrivée, de départ ainsi que de ses pauses déjeuner et ses jours de congés, en sorte qu'il est en mesure de produire ses relevés horaires quotidiens (Pièce 11).
Le salarié soutient aussi qu'il lui était demandé de poser des congés fictifs afin de faire diminuer son solde de congés auprès de la caisse, alors que son agenda professionnel révèle de nombreux rendez-vous pris pendant les dits jours de congés.
Le salarié produit par ailleurs:
- en pièce n°12, un tableau de synthèse des heures supplémentaires qu'il a effectuées;
- des emails envoyés les samedis, dimanches et pendant des jours décomptés en RTT ;
- en pièce n°46, une synthèse par mois et par année des rappels de salaires qu'il réclame.
Sur la base de ces éléments, le salarié soutient qu'il a réalisé plus de 4 780 heures supplémentaires au cours des années 2018 à 2021, qui ne lui ont pas été réglées, soit:
* En 2018 (du 1er juin au 31 décembre 2018)
- 213,75 heures supplémentaires majorées à 25% effectuées et non payées
- 723,25 heures supplémentaires majorées à 50% effectuées et non payées
* En 2019
- 363,25 heures supplémentaires majorées à 25% effectuées et non payées
- 1.239,25 heures supplémentaires majorées à 50% effectuées et non payées
* En 2020
- 385 heures supplémentaires majorées à 25% effectuées et non payées
- 1.102,50 heures supplémentaires majorées à 50% effectuées et non payées
* En 2021
- 168 heures supplémentaires majorées à 25% effectuées et non payées
- 592,25 heures supplémentaires majorées à 50% effectuées et non payées
Le salarié demande l'inscription au passif de la société de la somme de 247 948, 53 euros bruts à titre de rappel d'heures supplémentaire outre 24 794, 53 euros bruts au titre des congés payés afférents.
L'Unedic et Maître [F], es qualités , soutiennent que:
- pour la période postérieure au mois d'avril 2019: le temps de travail allégué par l'appelant est très largement surévalué;
- il ne peut pas sérieusement solliciter le règlement d'une journée entière de travail au motif de l'envoi ou de la réception d'un mail ou d'un SMS;
- l'appelant prétend avoir été occupé par une activité particulièrement dense sur les semaines 12 à 19 de l'année 2020, lesquelles correspondent à la période de confinement national du 17 mars au 11 mai 2020;
- la diminution substantielle de l'activité de la société MAT au cours de la période de confinement est d'ailleurs démontrée par le graphique « CA ' ANNEE 2020 » produit par le demandeur: en effet, le mois d'avril 2020 est, de loin, celui au cours duquel la société a réalisé le chiffre d'affaires le plus bas et le mois de mars 2020 fait également partie des 3 mois pour lesquels l'activité a été la plus faible.
Maître [F], es qualités, demande à titre subsidiaire que soient déduites des sommes réclamées au titre des heures supplémentaires:
- l'excédent de rémunération perçu par le salarié par rapport au salaire conventionnel, soit pour l'année 2020, la somme totale de 20 736 euros bruts correspondant à 2 304 euros bruts par mois et pour l'année 2021, la somme totale de 11 410 euros bruts correspondant à 2 282 euros bruts mensuel;
- une somme totale de 3 069, 77 euros correspondant à 11 jours de RTT octroyés pour la période du 1er avril 2020 au 31 mai 2021.
Conformément aux dispositions de l'article L. 3245-1 du code du travail, selon lequel:
« L'action en paiement ou en répétition du salaire se prescrit par 3 ans à compter du jour où celui qui l'exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer. La demande peut porter sur les sommes dues au titre des 3 dernières années à compter de ce jour ou lorsque le contrat est rompu, sur les sommes dues au titre des 3 années précédant la rupture. », le salarié qui a saisi le conseil de prud'hommes de sa demande, le 16 mars 2022, et qui a pris acte de la rupture de son contrat de travail le 31 mai 2021, est fondé à solliciter un rappel d'heures supplémentaires à compter du 1er juin 2018 , soit au titre des trois années précédant la rupture, en sorte que l'employeur n'est pas fondé à soulever la prescription pour la période antérieure au 9 mars 2019.
En effet, si le salarié est fondé à décompter ses heures supplémentaires conformément au droit commun à compter du 1er avril 2019 compte tenu de l'inopposabilité de la convention de forfait, il est par ailleurs fondé à exiger des heures supplémentaires pour la période antérieure non soumise à une convention de forfait et ce dans la limite des dispositions de l'article
L. 3245-1 du code du travail sus-visé.
Il résulte des dispositions des articles L. 3171-2, alinéa 1, L. 3171-3, et L. 3171-4 du code du travail, qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l'ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précitées. Après analyse des pièces produites par l'une et l'autre des parties, dans l'hypothèse où il retient l'existence d'heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l'importance de celles-ci et fixe les créances salariales s'y rapportant.
Les juges du fond doivent apprécier les éléments produits par le salarié à l'appui de sa demande au regard de ceux produits par l'employeur et ce afin que les juges, dès lors que le salarié a produit des éléments factuels revêtant un minimum de précision, se livrent à une pesée des éléments de preuve produits par l'une et l'autre des parties.
La précision des éléments produits doit être examinée au regard de cet objectif d'organisation du débat judiciaire. Elle n'est ni de la même nature, ni de la même intensité que celle qui pèse par ailleurs sur l'employeur dans le cadre de son obligation de contrôle de la durée du travail.
En outre, il est constant que lorsque la convention de forfait en jours est privée d'effet, l'employeur ne peut opposer au salarié le fait que son salaire est supérieur au minimum conventionnel en sorte que la demande de déduction du montant des heures supplémentaires, de la part de rémunération dépassant le minimum conventionnel n'est pas fondée.
En revanche, la demande de remboursement des jours de RTT n'est pas une demande nouvelle mais la conséquence de la demande tendant à voir déclarer la convention de forfait nulle ou de nul effet. La demande de Maître [F], ès qualités est donc parfaitement recevable et fondée .
En l'espèce, le décompte horaire produit par le salarié qui mentionne pour chaque journée une heure de prise de fonction, une heure de fin de prise de fonction et déduit ses temps de pause compris entre 30 minutes et 1h15, ainsi que les jours de RTT et les jours fériés, répond à l'exigence de précision permettant à l'employeur d'apporter ses propres éléments en réponse.
En l'espèce, force est de constater que les intimés ne produisent aucun élément résultant du contrôle du temps de travail exercé par l'employeur.
Le salarié produit pour sa part des extraits d'agenda révélant notamment qu'une activité était maintenue pendant les périodes de confinement, ainsi que la synthèse du chiffre d'affaires de son secteur pour l'année 2020 illustrant une activité soutenue.
Il produit également plusieurs emails envoyés certains jours décomptés en RTT ( 23 et 24 décembre 2020 notamment) ainsi que des emails adressés le dimanche ( 11 avril 2021 et 25 avril 2021) ou le samedi.
Ces éléments témoignent du fait que les tâches inhérentes au travail commandé ne pouvaient pas être effectuées dans les limites des horaires de travail fixés, les heures supplémentaires ayant été été rendues nécessaires par la nature ou la quantité du travail imposé ainsi que les responsabilités confiées au salarié aux termes de son contrat de travail et de ses annexes.
Considérant cependant que même si l'activité a été maintenue pendant les périodes de confinement, elle a cependant été impactée par la crise sanitaire et par les confinements et que si des heures supplémentaires ont été nécessaires, elles l'ont été dans une moindre mesure, justifiant de les ramener à la somme de 165 299, 02 euros, outre les congés payés afférents dont il convient de déduire le montant des JRTT, soit 3 069, 77 euros.
La créance de M. [M] au titre des heures supplémentaires s'élève par conséquent à la somme de 162 229, 25 euros.
F) Sur le travail dissimulé:
Le salarié soutient que:
- la société M.A.T. s'est intentionnellement affranchie de tout suivi du forfait en jours de M. [M],
- la société M.A.T. était parfaitement consciente de l'importance des heures de travail réalisées par M. [M] et que son employeur n'hésitait pas en sus à lui demander de travailler les samedis et les dimanches,
- l'employeur lui décomptait des jours de congés factices, élément qui, à lui seul, démontre le caractère intentionnel de la dissimulation,
- la société était informée que M. [M] dépassait largement le nombre de jours de travail prévu par sa convention de forfait sans toutefois lui régler aucun jour de travail supplémentaire au-delà du forfait.
L'Unedic et Maître [F], ès qualités, s'opposent à cette demande en faisant valoir que:
- le défaut de production par l'employeur des éléments de décompte du temps de travail n'est pas de nature à caractériser l'infraction de travail dissimulé (Cass.Soc. 14 mars
2018, n° 16-13541);
- l'erreur commise par l'employeur dans l'application des dispositions légales ou conventionnelles ne peut, à elle seule, caractériser l'intention dissimulatrice.
L'article L 8221-1 du code du travail prohibe le travail totalement ou partiellement dissimulé, et l'article L 8 221-5 2° du même code dispose notamment qu'est réputé travail dissimulé par dissimulation d'emploi salarié, le fait pour un employeur de mentionner sur les bulletins de paie un nombre d'heures inférieur à celui réellement accompli.
Au terme de l'article L 8223-1 du code du travail, le salarié auquel l'employeur a recours en commettant les faits prévus à l'article L 8221-5 précité a droit, en cas de rupture de la relation de travail, à une indemnité forfaitaire égale à six mois de salaire.
Toutefois la dissimulation d'emploi salarié prévue par ces textes et ouvrant droit à indemnité forfaitaire n'est caractérisée que s'il est établi que l'employeur a agi de manière intentionnelle et l'élément intentionnel ne peut se déduire de la seule absence de mention des heures supplémentaires sur les bulletins de paie.
Faute pour le salarié de caractériser la volonté de l'employeur de soustraire des heures de travail à ses obligations déclaratives, la cour le déboute de sa demande d'indemnité au titre du travail dissimulé, par confirmation du jugement déféré.
G) Sur la contre partie obligatoire en repos:
Le salarié soutient qu'il est indéniable qu'il a largement dépassé le contingent annuel d'heures supplémentaires de 180 heures prévus par la convention collective et qu'il est par conséquent en droit de prétendre au paiement d'une contrepartie obligatoire en repos de 100 %, calculée de la manière suivante:
- 757 heures supplémentaires hors contingent soit 17 967,96 euros bruts en 2018
- 1 422,50 heures supplémentaires hors contingent soit 43 715,14 euros bruts en 2019
- 1 307,50 heures supplémentaires hors contingent soit 51 724,14 euros bruts en 2020
- 580,25 heures supplémentaires hors contingent soit 22 954,44 euros bruts en 2021.
Le salarié réclame à ce titre la somme de 137 785, 82 euros nets de CSG-CRDS au titre de la contre partie obligatoire en repos, outre la somme de 13 778, 58 euros de congés payés afférents.
Compte tenu de l'issue du litige relatif aux heures supplémentaires, la cour accorde au salarié la somme de 91 857, 22 euros au titre de la contre partie obligatoire en repos.
H) Sur la demande au titre des congés payés indument décomptés et sur le manquement de l'employeur à son obligation de permettre au salarié d'exercer son droit à congé:
M. [M] soutient que le service des ressources humaines lui a indûment décompté des jours de congés payés et demande le paiement de ces jours de congés payés dés lors qu'il a travaillé au cours des périodes suivantes :
- du 24 au 30 mai 2019, pour un montant total retenu de 1 061.55 euros bruts de salaire;
- du 09 au 17 mars 2020, puis du 25 au 31 mars 2020, pour un montant total retenu de 3 361,94 euros bruts de salaire;
- du 1er au 06 avril 2020, pour un montant total retenu de 1 200,40 euros bruts de salaire;
- du 1er au 06 septembre 2020, sans retenue de salaire.
Les intimés s'opposent à cette demande en faisant valoir que le salarié a été destinataire:
- des informations relatives au volume de jours travaillés, au nombre de jours de congés et de RTT ainsi qu'aux modalités de prise des congés et RTT, au cours de chaque année de travail;
- ces documents rappellent expressément que les périodes de week-end, congés payés, RTT et jours fériés ne doivent pas être travaillées et constituent les périodes de repos du salarié;
- également, pour chacune des années concernées, des informations relatives à la prise des congés au sein de la société MAT et du caractère obligatoire de la prise de congés;
- des emails l'alertant sur un solde important de jours de congés payés et le sollicitant afin que celui-ci se positionne sur des périodes de congés.
Le salarié fait état de congés factices sur la base de quelques emails adressés pendant des périodes de congés. Compte tenu des informations données par l'employeur, des mentions figurant sur son bulletin de salaire, ainsi que le décompte de ses jours de congés et RTT, il apparaît que le salarié a été mis en mesure de bénéficier de ses jours de congés.
Le jugement est infirmé en ce qu'il a fixé la créance au titre des congés non pris à la somme de 5 623, 89 euros .
J) Sur la prime de vacances:
Le salarié demande l'application de la convention collective du bâtiment qui prévoit le versement d'une prime de vacances d'un montant de 30% de l'indemnité de congés calculée sur la base de 2 jours ouvrables de congés par mois de travail.
Les intimés s'opposent à cette prétention qui est la conséquence exclusive des différents rappels et indemnités sollicités préalablement.
La convention collective indique que le montant de la prime de vacances est égale à 30% de l'indemnité de congés payés correspondant à 24 jours ouvrables, c'est à dire calculée sur la base de 2 jours ouvrables de congé par mois de travail.
Compte tenu de l'issue du litige, la cour faisant droit à la demande de primes de chantiers, à la demande de prime sur chiffres d'affaires, aux heures supplémentaires dans une moindre proportion, ainsi qu' à la contre partie en repos compensateur, la prime de vacances sera calculée sur la base de ses seuls rappels de salaires et indemnité.
Conformément à la méthode de calcul exposée en page 41 des conclusions de M. [M] et non remise en cause même à titre subsidiaire par les intimés, la cour accorde à M. [M] au titre de la prime de vacances la somme de 8 195, 68 euros ( 809, 18 + 120 + 3967, 17 + 2 204, 57 + 1094, 76) et rejette la demande pour le surplus.
K) Sur la violation des durées maximales de travail et le non-respect des temps de repos:
Le salarié soutient qu'il résulte de son décompte journalier de ses heures de travail que:
- il était amené à dépasser quasiment tous les jours la durée maximale quotidienne de travail, réalisant même parfois plus de 15 heures de travail par jour comme en mars 2021;
- il n'a quasiment jamais bénéficié du repos hebdomadaire de 35 heures;
- au mois d'avril 2021, il a travaillé tous les samedis et dimanches pendant 4 semaines consécutives, sans aucun jour de repos hebdomadaire;
- le directeur général de la société n'hésitait pas à lui adresser des sms les samedis et dimanches qui nécessitaient une réponse immédiate de sa part;
L'Unedic et Maître [F] ès qualités s'opposent à cette demande indemnitaire en indiquant que:
- M. [M] disposait d'une liberté totale d'organisation de son temps de travail en ce qu'il assumait des fonctions de cadre au sein de la société;
- l'employeur lui a rappelé de façon récurrente la nécessité de respecter les temps de repos, pour lui, comme pour ses collaborateurs, ainsi que les durées maximales de travail, par des informations relatives au forfait jours, ou aux congés.
Il résulte des dispositions de l'article L. 3121-18 du code du travail, que la durée quotidienne de travail ne peut dépasser 10 heures.
Concernant la durée hebdomadaire de travail, l'article L. 3121-27 du code du travail rappelle que la durée légale de travail effectif des salariés à temps complet est de 35 heures par semaine.
Enfin l'article L. 3121-20 du code du travail énonce que la durée du travail maximale hebdomadaire ne peut excéder 48 heures sur une même semaine de travail, sauf autorisation par l'inspection du travail pour circonstances exceptionnelles.
Le décompte du salarié en pièce n°11 révèle des dépassements réguliers de la durée quotidienne de travail de 10 heures, avec plusieurs journées à 12h, 12h25, 12h50 , 12h75, 13h de travail et des semaines à plus de 60 heures avec un maximum à 75h75, que l'employeur ne combat par aucun décompte contraire.
La cour fait droit par conséquent à la demande du salarié à hauteur de 5 000 euros à titre de dommages-intérêts pour non respect des durées maximales quotidienne et hebdomadaire de travail.
L) Sur le défaut d'organisation matérielle des entretiens obligatoires et ses conséquences:
Le salarié demande au visa des dispositions des articles L. 6323-13 du code du travail et R. 6323-3 du même code, le versement par l'employeur de la somme de 3.000 euros à la caisse des dépôts et consignations, laquelle le créditera dès réception sur le compte CPF du salarié et l'inscription de cette somme au passif de la société.
Il soutient en outre que l'abondement sur le compte CPF du salarié a pour vocation de sanctionner l'absence d'organisation matérielle des entretiens obligatoires, mais ne l'empêche pas de solliciter une indemnisation complémentaire pour le préjudice distinct causé par l'absence de ces entretiens, qui a eu des conséquences sur sa carrière, son employabilité et sa rémunération.
Il demande en conséquence la somme de 5 000 euros à titre de dommages-intérêts au visa de l'article L. 6315-1 du code du travail.
L'AGS et Maître [F] ès qualités s'opposent à ces demandes en faisant valoir que:
- en aucune manière, l'abondement d'un compte personnel de formation ne peut être garanti par l'AGS;
- il ne s'agit pas d'une prétention à caractère salarial;
- en cours de première instance, M. [M], non content de ne pas pouvoir bénéficier du versement direct de la somme de 3.000,00 euros susvisée, sollicitait, en sus, la fixation d'une créance supplémentaire à hauteur de 5.000,00 euros sur le fondement de l'article
L 6315-1 du code du travail;
- la demande indemnitaire est formulée au visa des mêmes griefs et en l'absence de toute démonstration de la réalité du préjudice allégué.
L'article L. 6323-13 du code du travail, dans sa version applicable au litige, dispose :
« Dans les entreprises d'au moins cinquante salariés, lorsque le salarié n'a pas bénéficié, durant les six ans précédant l'entretien mentionné au II de l'article L. 6315-1, des entretiens prévus au même article L. 6315-1 et d'au moins une formation autre que celle mentionnée à l'article L. 6321-2, un abondement est inscrit à son compte dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat et l'entreprise verse, dans le cadre de ses contributions au titre de la formation professionnelle, une somme dont le montant, fixé par décret en Conseil d'Etat, ne peut excéder six fois le montant annuel mentionné à l'article L. 6323-11. Le salarié est informé de ce versement. »
L'article R. 6323-3 du même Code précise :
« Le salarié mentionné au premier alinéa de l'article L. 6323-13 bénéficie d'un abondement de son compte personnel de formation d'un montant de 3 000 euros».
Il résulte des dispositions de l'article L. 6315-1 du code du travail qu'à l'occasion de son embauche, le salarié est informé qu'il bénéficie tous les deux ans d'un entretien professionnel avec son employeur consacré à ses perspectives d'évolution professionnelle, notamment en termes de qualifications et d'emploi. Cet entretien ne porte pas sur l'évaluation du travail du salarié.
En outre, tous les six ans, l'entretien professionnel mentionné ci-dessus fait un état des lieux récapitulatif du parcours professionnel du salarié.
Il n'est pas contesté par les intimés que M. [M] n'a pas bénéficié de ces entretiens périodiques et que les conditions d'application des textes sus-visés sont réunies en sorte que le salarié est fondé à solliciter l'abondement de son compte personnel de formation et qu'il convient de fixer la somme de 3 000 euros à ce titre au passif de la liquidation judiciaire de la société Les Maisons Avenir Tradition.
Compte tenu de la durée de la relation contractuelle sans que l'employeur ne justifie ni de la tenue des entretiens, ni d'aucune formation professionnelle, dans un secteur où l'évolution rapide des techniques et de la prévention impose une mise à jour permanente de la formation professionnelle, M. [M] a subi un préjudice d'employabilité qu'il convient de réparer par la somme de 2 000 euros à titre de dommages-intérêts.
N) Sur le harcèlement moral:
Le salarié expose les éléments de contexte suivants:
- les relations de travail se sont déroulées sans difficulté jusqu'à la fin de l'année 2020, sous la direction de M. [B], Directeur Général de la société M.A.T. ;
- M. [B] a quitté l'entreprise au mois d'octobre 2020, puis le 02 novembre 2020, M. [S] a pris la Présidence de la société M.A.T. par intérim, avec pour conseiller, M.[Z], ancien Président fondateur de M.A.T, lequel est devenu seul décisionnaire à compter du mois de mai 2021;
- à compter de cette date, ses conditions de travail se sont brutalement dégradées.
S'agissant du harcèlement, il invoque la suppression de ses attributions et responsabilités en termes de gestion du personnel ainsi que sur le secteur PACA le 11 mai 2021, sur le service après-vente, le 21 mai 2021, sur le secteur Occitanie, le 26 mai 2021 et sur le service bureau d'études, le 31 mai.
Le salarié expose qu'alors qu'il disposait d'une délégation de pouvoirs en matière de gestion du personnel et qu'il était le seul décisionnaire pour l'embauche des salariés de son service, il apprenait:
- le 3 février 2021, l'embauche de 2 conducteurs de travaux sur le secteur PACA, sans même avoir été consulté;
- le 11 mai 2021, le recrutement en qualité de responsable d'agence sur son secteur de M. [K] [D], lequel était placé sous la responsabilité de M. [U] [T];
- le 12 mai 2021, que de nouveaux intérimaires allaient être recrutés au sein du service SAV sans qu'il en ait été informé et qu'il était demandé à M. [U] [T] de définir les missions confiées à ces intérimaires;
- le 11 mai 2021 que la responsabilité du chantier de [Localité 13] ainsi que celle des chantiers du secteur des Alpes Maritimes lui était retirée au profit d'[U] [T];
- le 17 mai 2021, par Mme [N], « [V], J'avais compris que [U] [T] reprenait la gestion du LR [Languedoc-[Localité 11]] et avait géré cette situation avec [A] [G] pour apaiser la situation » .
M. [M] verse aux débats plusieurs échanges d'emails relatifs à:
- sa décision de mettre un terme à la période d'essai de M. [K] [D], décision désavouée par les actionnaires de la société ( échange courant avril et mai 2021);
- la perte de responsabilité dans la direction de M. [D] et dans le suivi du chantier Salançon ( à l'occasion d'un autre échange d'emails entre M. [M] et Mme [E] du service 'relation service après-vente', celle-ci a informé M. [M] que M. [D] n'est plus sous sa responsabilité, mais sous celle d'[U]. Puis M. [I] [C] a informé M. [M] le 11 mai 2021 qu'il avait reçu le matin même un appel d'[U] lui indiquant qu'il reprenait le suivi du chantier Salançon. M. [C] se disait surpris de ne pas avoir été informé au préalable.)
M. [M] fait état d'une délégation de pouvoirs en matière de gestion et de recrutement des personnels de son service.
L'annexe 3 de son contrat de travail intitulée 'délégation de pouvoirs' est ainsi libellée:
' la société MAT délégue, compte tenu de ses compétences professionnelles et de ses fonctions à M. [P] [M], Directeur Technique, tous pouvoirs de façon effective et permanente afin qu'il soit en mesure de conclure certains contrats ou d'effectuer certaines opérations et qu'il soit en mesure d'assurer l'entière responsabilité de l'application des règles en matière économique et commerciale d'hygiène et de sécurité, de gestion du personnel, de signalisation des chantiers et en matière de sous-traitance.
(...)
II- Délégation de pouvoirs en matière de gestion du personnel:
M. [P] [M] assurera le suivi de la gestion du personnel composant le personnel dont il a la charge, tant sur le plan administratif que disciplinaire.
Il devra cependant se référer aux représentants légaux pour toute sanction disciplinaire ou tout licenciement.
(...)'
Il résulte par ailleurs d'un email adressé par M. [R] [J], Directeur Administratif et Financier au sujet de la rupture de la période d'essai de M. [K] [D], l'appréciation suivante: '[P] n'a pas la délégation pour le faire sans aval de sa hiérarchie, mais il l'a fait historiquement je pense sans aval écrit'.
Il en résulte par conséquent que M. [M] a bénéficié jusqu'au mois de mai 2021, d'une large délégation de pouvoirs dans la gestion du personnel placé sous sa responsabilité à laquelle l'employeur a souhaité apporter des correctifs. Le retrait du suivi de chantiers est également constant. Ces éléments sont de nature à laisser supposer une situation de harcèlement moral, en sorte qu'il appartient à l'employeur de démontrer que ses décisions sont étrangères à toute situation de harcèlement moral.
Les intimés se réfèrent aux termes du contrat de travail du salarié et à son annexe 3 pour soutenir que M. [M] n'a jamais eu de pouvoir disciplinaire sur ses collaborateurs ce qui est effectivement conforme aux termes de son contrat.
Les intimés soutiennent que l'employeur a été contraint de prendre des mesures destinées à redresser la situation compte tenu des carences de M. [M] dans le suivi et la planification des chantiers de son secteur d'activité et que la revue des chantiers en difficulté sur le secteur de M. [M] a révélé l'existence de dérives à hauteur de 70 000 euros HT sur le seul mois de mai 2021. Ils indiquent que l'employeur avait initié une procédure disciplinaire avant que le salarié ne prenne acte de la rupture de son contrat de travail.
Les intimés produisent, pour illustrer les dites carences, les pièces n°14 et 15:
- un message de M. [R] [J] à M. [M], exprimant son insatisfaction quant aux éléments demandés aux salariés en vue d'une planification, dans le cadre d'un audit, dans les termes suivants:
" (...)
La non production, malgré les rappels qui t'ont été faits, de ces éléments dans le format demandé constitue une obstruction majeure à ce travail d'audit, tu es responsable des conséquences de cette obstruction."
- plusieurs messages, tous datés du 11 mai 2021, relatifs à des dérives de coûts sur différents chantiers;
- un message daté du 12 mai 2021 adressé par un client pour signaler des désordres en attente de réparation, indiquant: " nous habitons la maison depuis 2 semaines mais nous n'avons toujours pas signé le PV de réception car les finitions ne sont pas faites, merci de faire le nécessaire si possible..."
La cour observe que les intimés ne produisent ni l'audit auquel il est fait allusion, ni aucun élément chiffré ou statistique permettant d'objectiver les carences invoquées à l'occasion de quelques emails portant sur une courte période de quelques jours en mai 2021. Ces éléments ne sont pas de nature à justifier que le retrait effectif de responsabilités de M. [M] sur le suivi des chantiers qui lui étaient confiés relève de décisions étrangères à tout harcèlement moral.
En l'absence de ces justifications, le harcèlement moral est caractérisé à l'encontre de M. [M] qui sera indemnisé par la somme de 5 000 euros à titre de dommages-intérêts.
O) Sur le manquement de l'employeur à son obligation de sécurité:
Le salarié soutient que l'employeur, tenu d'une obligation de sécurité de résultat en matière de protection de la santé et de la sécurité des travailleurs, manque à cette obligation lorsqu'un salarié est victime, sur le lieu de travail, d'agissements de harcèlement moral ou sexuel exercés par l'un ou l'autre de ses salariés, quand bien même il aurait pris des mesures en vue de faire cesser ces agissements (Cass. soc., 19 janv. 2012, n° 10-20.935 Cass. soc., 11 mars 2015, n° 13-18.603).
Les intimés s'opposent à cette demande aux motifs d'une part que les allégations du salarié sont injustifiées, d'autre part que l'appelant prétend, ce faisant, à une double indemnisation de son préjudice, sa demande étant strictement identique à celle formulée au titre du harcèlement moral.
M. [M] qui ne justifie pas d'un préjudice distinct de celui réparé au titre du harcèlement moral est débouté de cette demande d'indemnisation supplémentaire au titre du manquement de l'employeur à son obligation de santé et de sécurité.
III- Sur la rupture du contrat de travail:
Compte tenu de l'issue des litiges relatifs aux manquements retenus contre l'employeur, la prise d'acte de M. [M] qui est fondée par ailleurs sur une situation de harcèlement moral concomitante à la prise d'acte, produit les effets d'un licenciement nul.
Les intimés ne sont dés lors pas fondés à soutenir que la totalité des reproches formulés à l'endroit de la société MAT sont anciens de plusieurs années, et qu'ils ne sauraient dés lors en aucune manière venir justifier cette prise d'acte.
1°) S'agissant du calcul du salaire de référence, le salarié conclut à un salaire brut mensuel de 14 895, 96 euros outre 335, 60 euros au titre des primes de chantiers, soit un total mensuel de 15 231, 56 euros sur la base duquel il forme ses demandes.
Les intimés concluent que le salarié qui remet en cause sa rémunération forfaitaire ne peut cumuler le bénéfice de sa rémunération forfaitaire et les heures supplémentaires qu'il réclame.
Ils concluent, dans l'hypothèse où la cour prononce l'inopposabilité de la convention de forfait en jours à compter du 1er avril 2020, que le salaire moyen mensuel brut des trois derniers mois s'élève à 8 085, 03 euros selon le calcul suivant:
- Rémunération conventionnelle minimale = 3.718,00 euros bruts pour 39h hebdomadaire ;
- Prétendues heures supplémentaires sur les 3 derniers mois :
o Sur le mois de mars 2021:
Au-delà des 39h hebdomadaires comprises dans la rémunération conventionnelle, M. [M] aurait, selon son décompte, accompli 20h supplémentaires majorées à 25% et 143,5 heures supplémentaires majorées à 50%,
soit 20 x 26,36 (taux majoré à 25%) = 527,20 euros bruts +143,5 x 31,64 (taux majoré à 50%) = 4.540,34 euros représentant une rémunération mensuelle totale pour le mois de mars de 8.785,54 euros bruts.
o Sur le mois d'avril 2021
Au-delà des 39h hebdomadaires comprises dans la rémunération conventionnelle, M. [M] aurait, selon son décompte, accompli 16h supplémentaires majorées à 25% et 123,25 heures supplémentaires majorées à 50%,
soit 16 x 26,36 (taux majoré à 25%) = 421,76 euros bruts +123,25 x 31,64 (taux majoré à 50%) = 3.899,63 euros représentant une rémunération mensuelle totale pour le mois de mars de 8.039,39 euros bruts.
o Sur le mois de mai 2021
Au-delà des 39h hebdomadaires comprises dans la rémunération conventionnelle, M. [M] aurait, selon son décompte, accompli 16h supplémentaires majorées à 25% et 104 heures supplémentaires majorées à 50%, soit 16 x 26,36 (taux majoré à 25%) = 421,76 euros bruts + 104 x 31,64 (taux majoré à 50%) = 3.290,56 euros représentant une rémunération mensuelle totale pour le mois de mars
de 7.430,32 euros bruts.
***
Le salaire de référence correspond soit à la moyenne mensuelle des douze derniers mois précédant le licenciement, soit à la moyenne des trois derniers mois.
La Cour de cassation juge que la clause de forfait en jours étant inopposable au salarié, ce dernier peut prétendre à ce que les heures accomplies au-delà de la durée légale du travail soient considérées comme des heures supplémentaires et rémunérées comme telles, avec une majoration portant sur le salaire de base réel du l'employeur , en sorte que les intimés ne sont pas fondés à demander que la rémunération soit fixée sur la base du salaire minimum conventionnel.
Ainsi, le salaire de base mensuel réel de M. [M] est de:
- 6 337, 67 euros pour le mois de mars 2021
- 6 439, 75 euros pour le mois d'avril 2021
- 6 314, 18 euros pour le mois de mai 2021;
A ces montants, il convient d'ajouter les heures supplémentaires accordées, soit, conformément au calcul des intimés sus-visés:
- 5 067, 54 euros au titre du mois de mars 2021
- 4 321, 39 euros au titre du mois d'avril 2021
- 3 712, 32 euros au titre du mois de mai 2021.
Ainsi le salaire moyen des trois derniers mois avant la prise d'acte, dont il n'est pas contesté qu'il est le plus favorable au salarié, s'élève à 10 730,95 euros.
2°) sur les indemnités de rupture:
La prise d'acte produisant les effets d'un licenciement nul, le salarié peut prétendre au paiement d'une indemnité compensatrice de préavis et des congés payés afférents, ainsi qu'à une indemnité légale de licenciement calculées comme suit;
- indemnité de licenciement:
Les intimés soutiennent qu'il convient d'appliquer les dispositions conventionnelles qui prévoient que le calcul de l'indemnité de licenciement se fait sur la base de la dernière rémunération brute mensuelle.
Mais l'article R. 1234-4 du code du travail qui énonce que le salaire à prendre en considération pour le calcul de l'indemnité de licenciement est, selon la formule la plus avantageuse pour le salarié:
1° soit la moyenne mensuelle des douze derniers mois précédant le licenciement (...)
2° soit le tiers des trois derniers mois (...), plus favorable au salarié, doit recevoir application, en sorte que le salaire à retenir pour le calcul de l'indemnité de licenciement est de 10 730, 95 euros.
Les modalités de calcul sont en revanche celles de l'indemnité conventionnelle soit : (10 730, 95 x 0,3 x 10 ans) + ( 10 730, 95 x 0,6 x 5 ans).
L'indemnité conventionnelle de licenciement due à M. [M] est donc de: 64 385,70 euros.
- L'indemnité compensatrice de préavis est de trois mois, soit la somme de 32 192, 85 euros.
3°) Sur les dommages- intérêts:
En application des dispositions de l'article L.1235-3-1 du code du travail, M. [M] ayant eu une ancienneté supérieure à deux ans dans une entreprise occupant habituellement 11 salariés au moins, peut prétendre, en l'absence de réintégration dans l'entreprise, à une indemnité qui ne peut être inférieure aux salaires des six derniers mois.
Compte tenu de l'effectif de l'entreprise, dont il n'est pas contesté qu'il est habituellement de plus de onze salariés, des circonstances de la rupture, du montant de la rémunération versée à M. [M] âgé de 43 ans lors de la rupture, de son ancienneté de quinze années complètes, de ce que l'intéressé justifie par la production de ses avis d'imposition au titre des années 2021, 2021 et 2023, de revenus annuels modestes, la cour estime que le préjudice résultant pour ce dernier de la rupture doit être indemnisé par la somme de 64 385,70 euros. Le jugement qui a débouté M. [M] de sa demande est infirmé en ce sens et le salarié est débouté de sa demande pour le surplus.
- Sur les demandes accessoires:
Les dépens de première instance et d'appel, suivant le principal, seront supportés par Maître [Y] [F], ès qualités.
L'équité et la situation économique respective des parties justifient qu'il ne soit pas fait application de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais en cause d'appel.
PAR CES MOTIFS
La cour,
Statuant contradictoirement et publiquement par mise à disposition au greffe, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions de l'article 450 du code de procédure civile;
Dans la limite de la dévolution,
Confirme le jugement déféré en ce qu'il a rejeté les demandes de M. [P] [M] de repositionnement dans la classification conventionnelle et de rappel de salaire subséquent, de sa demande d'indemnité au titre du travail dissimulé,
Infirme le jugement pour le surplus
Statuant à nouveau sur les chefs infirmés et y ajoutant
Dit que la prise d'acte du 31 mai 2021 de M. [P] [M] produit les effets d'un licenciement nul compte tenu d'une situation de harcèlement moral
Dit que la convention de forfait en jours de M. [P] [M] est nulle
Fixe la créance de M. [P] [M] au passif de la liquidation judiciaire de la société Maisons Avenir et Tradition aux sommes suivantes:
* 3 371, 59 euros de rappel de primes de chantiers au titre des années 2020 et 2021, outre
* 337, 16 euros au titre des congés payés afférents;
* 5 000 euros à titre de prime de chiffre d'affaires pour l'année 2019;
* 162 229,25 euros à titre de rappel d'heures supplémentaires, outre
* 16 222,92 euros de congés payés afférents.
* 91 857, 22 euros au titre de la contre partie obligatoire en repos;
* 8 195, 68 euros au titre de la prime de vacances;
* 5 000 euros à titre de dommages-intérêts pour non respect des durées maximales quotidienne et hebdomadaire de travail;
* 3 000 euros au titre de l'abondement du compte de formation
* 2 000 euros au titre du préjudice d'employabilité
* 5 000 euros de dommages-intérêts au titre du harcèlement moral .
* 64 385,70 euros à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement
* 32 192, 85 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis
* 64 385,70 euros de dommages-intérêts en réparation du préjudice résultant de la perte de l'emploi
Déboute M. [P] [M] de sa demande au titre des congés non pris;
Rappelle que les sommes allouées par la cour sont exprimées en brut ;
Dit que l'obligation de l'UNEDIC-AGS de procéder aux avances des créances garanties, compte tenu du plafond applicable, est soumise à la présentation d'un relevé par le mandataire judiciaire et à la justification par ce dernier de l'absence de fonds disponibles entre ses mains pour procéder à leur paiement;
Dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile
Condamne Maître [F], ès qualités de liquidateur de la société Les Maisons Avenir Tradition aux dépens de l'appel.
Arrêt signé par la présidente et par le greffier.
LE GREFFIER LA PRÉSIDENTE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
ARRÊT N°
N° RG 24/00977 - N° Portalis DBVH-V-B7I-JEF7
CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE DE NIMES
16 février 2024
RG:22/00139
[M]
C/
Me [Y] [F] - Mandataire liquidateur de S.A.S. LES MAISONS AVENIR TRADITION
Association AGS-CGEA DE [Localité 14]
Grosse délivrée le 29 septembre 2025 à :
- Me PINCHON
- Me [Localité 7]
COUR D'APPEL DE NÎMES
CHAMBRE CIVILE
5ème chambre sociale PH
ARRÊT DU 29 SEPTEMBRE 2025
Décision déférée à la Cour : Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de NIMES en date du 16 Février 2024, N°22/00139
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :
Mme Nathalie ROCCI, Présidente,
Mme Leila REMILI, Conseillère,
M. Michel SORIANO, Conseiller,
GREFFIER :
Monsieur Julian LAUNAY-BESTOSO, Greffier à la 5ème chambre sociale, lors des débats et du prononcé de la décision.
DÉBATS :
A l'audience publique du 11 Avril 2025, où l'affaire a été mise en délibéré au 23 Juin 2025 puis prorogée au 29 septembre 2025.
Les parties ont été avisées que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour d'appel.
APPELANT :
Monsieur [P] [M]
[Adresse 6]
[Localité 4]
Représenté par Me Lucile PINCHON, avocat au barreau de NIMES
INTIMÉES :
Me [F] [Y] - Mandataire liquidateur de S.A.S. LES MAISONS AVENIR TRADITION
[Adresse 1]
[Localité 3]
Représenté par Me Delphine ANDRES de la SCP LOBIER & ASSOCIES, avocat au barreau de NIMES
Association AGS-CGEA DE [Localité 14]
[Adresse 2]
[Localité 5]
Représentée par Me Delphine ANDRES de la SCP LOBIER & ASSOCIES, avocat au barreau de NIMES
ARRÊT :
Arrêt contradictoire, prononcé publiquement et signé par Mme Nathalie ROCCI, Présidente, le 29 septembre 2025, par mise à disposition au greffe de la cour
FAITS PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS
La SAS Les Maisons Avenir Tradition (MAT) exerce une activité de construction de maisons individuelles. Elle emploie plus de 100 personnes et applique la convention collective du Bâtiment.
M. [P] [M] (le salarié) a été embauché le 24 avril 2006 par la SAS MAT (l'employeur) suivant contrat de travail à durée indéterminée à temps complet, en qualité de conducteur de travaux.
Le 1er avril 2019, le salarié a été promu au poste de directeur technique Méditerranée Ouest, statut cadre, position B, échelon 2, catégorie 2 et coefficient 120 de la convention collective applicable.
Par courrier du 31 mai 2021, M. [M] a pris acte de la rupture de son contrat de travail imputant à l'employeur divers manquements tels que sa placardisation, le non-paiement de primes sur le chiffre d'affaires réalisé, et de primes chantiers, le non-respect de la législation relative aux congés payés, au forfait en jours, aux entretiens obligatoires, et de la classification conventionnelle au regard du poste occupé.
Par jugement du tribunal de commerce de Nîmes en date du 15 novembre 2021, la SAS MAT a été placée en redressement judiciaire.
Par jugement du tribunal de commerce de Nîmes en date du 15 février 2022, la SAS MAT a été placée en liquidation judiciaire, Me [Y] [F] étant désigné mandataire liquidateur de la société.
Par requête du 09 mars 2022, M. [M] a saisi le conseil de prud'hommes de Nîmes aux fins de voir condamner la SAS MAT au paiement de diverses indemnités.
Par jugement contradictoire rendu le 16 février 2024, le conseil de prud'hommes de Nîmes:
'
- JUGE la demande sur le harcèlement recevable, mais constaté que ce harcèlement n'est pas caractérisé ;
- FIXE la créance de Monsieur [P] [M] à l'encontre de la procédure collective de la Société MAT aux sommes suivantes :
- 30 000 euros pour la convention Forfait-Jours nulle de ses effets
- 5 623,89 euros bruts, ainsi que les CP afférents, au titre des congés payés non pris
- DEBOUTE les parties du surplus de toutes les autres demandes.
- DECLARE le présent jugement commun et opposable au CGEA de [Localité 14] gestionnaire de l'AGS ;
- DIT que la garantie de cet Organisme interviendra dans les limites et plafonds réglementaires applicables en la matière, au vu du relevé qui lui sera produit et du justificatif de l'absence de fonds disponibles au titre de ladite procédure collective ;
- DIT que les dépens seront considérés comme frais privilégiés de la présente procédure collective.'
Par acte du 15 mars 2024, M. [M] a régulièrement interjeté appel de cette décision qui lui a été notifiée le 20 février 2024.
En l'état de ses dernières écritures en date du 10 mars 2025, le salarié demande à la cour de :
' CONFIRMER le jugement rendu par le Conseil de prud'hommes en ce qu'il a jugé que la convention de forfait en jours de Monsieur [M] était nulle
CONFIRMER le jugement rendu par le Conseil de prud'hommes en ce qu'il a accordé à Monsieur [M] la somme de 5 623,89 euros bruts à titre de rappel de salaire pour les congés payés indûment décomptés, outre 562,38 euros au titre des congés payés afférents
INFIRMER le jugement rendu par le Conseil de prud'hommes sur le surplus et,
statuant à nouveau :
Sur la demande nouvelle de remboursement des jours de récupération
DECLARER irrecevable la demande de remboursement des jours de récupération, cette demande nouvelle étant formulée pour la première fois en cause d'appel,
Sur l'exécution du contrat de travail
JUGER que Monsieur [M] devait bénéficier d'une classification à la position C, échelon 2, coefficient 162, et ce dès le 1 er avril 2019 au vu de ses attributions,
CONDAMNER la société LES MAISONS AVENIR TRADITION à régler à Monsieur [M] la somme de 909 euros bruts à titre de rappel de salaire conventionnel, outre 90 euros bruts au titre des congés payés afférents,
CONDAMNER la société LES MAISONS AVENIR TRADITION à régler à Monsieur [M] la somme de 3.371,59 euros bruts à titre de rappel de primes de chantiers, outre 337,16 euros bruts au titre des congés payés afférents,
CONDAMNER la société LES MAISONS AVENIR TRADITION à régler à Monsieur [M] la somme de 5.000 euros bruts à titre de rappel de prime sur le chiffre d'affaires 2019, outre 500 euros bruts au titre des congés payés afférents,
CONDAMNER la société LES MAISONS AVENIR TRADITION à régler à Monsieur [M] la somme de 247 948,53 euros bruts à titre de rappel d'heures supplémentaires, outre 24 794,53 euros bruts au titre des congés payés afférents,
CONDAMNER la société LES MAISONS AVENIR TRADITION à régler à Monsieur [M] la somme de 93 243 euros nets de CSG-CRDS à titre d'indemnité forfaitaire pour travail dissimulé,
CONDAMNER la société LES MAISONS AVENIR TRADITION à régler à Monsieur [M] la somme de 137 785,82 euros bruts à titre de rappel de 75 contrepartie obligatoire en repos, outre 13 778,58 euros bruts au titre des congés payés afférents,
CONDAMNER la société LES MAISONS AVENIR TRADITION à régler à Monsieur [M] la somme de 7 500 euros nets de CGS-CRDS à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice résultant de la privation de congés annuels,
CONDAMNER la société LES MAISONS AVENIR TRADITION à régler à Monsieur [M] la somme de 11 438,06 euros bruts à titre de rappel de prime de vacances,
CONDAMNER la société LES MAISONS AVENIR TRADITION à régler à Monsieur [M] la somme de 7 500 euros nets de CGS-CRDS à titre de dommages et intérêts pour violation des durées maximales de travail et non-respect des temps de repos obligatoires,
CONDAMNER la société LES MAISONS AVENIR TRADITION à verser la somme de 3 000 euros nets à la Caisse des Dépôts et Consignations, qui le créditera sur le compte CPF Monsieur [M]
CONDAMNER la société LES MAISONS AVENIR TRADITION à verser la somme de 5 000 euros nets de CGS-CRDS à titre de dommages et intérêts en réparation des préjudices subis du fait du manquement de l'employeur à ses obligations en termes d'organisation des entretiens obligatoires
JUGER que Monsieur [M] a été victime d'un harcèlement moral
CONDAMNER la société LES MAISONS AVENIR TRADITION à verser la somme de 91 230 euros nets de CGS-CRDS à titre de dommages et intérêts pour harcèlement moral
CONDAMNER la société LES MAISONS AVENIR TRADITION à verser la somme de 45 615 euros nets de CGS-CRDS à titre de dommages et intérêts pour manquement de l'employeur à son obligation de sécurité de résultat
PRONONCER l'inscription de l'ensemble de ces sommes au passif de la société LES MAISONS AVENIR TRADITION,
JUGER que les dispositions du jugement à intervenir seront opposables aux AGS-CGEA dans la limite de leur garantie,
Sur la rupture du contrat de travail
A titre principal
JUGER que Monsieur [M] a été victime d'un harcèlement moral,
JUGER que la prise d'acte de la rupture du contrat de travail de Monsieur [M] du 31 mai 2021 produit les effets d'un licenciement nul
CONDAMNER la société LES MAISONS AVENIR TRADITION à régler à Monsieur [M] la somme de 279 730 euros nets de CGS-CRDS à titre de dommages et intérêts pour licenciement nul,
CONDAMNER la société LES MAISONS AVENIR TRADITION à régler à Monsieur [M] la somme de 91 389,36 euros nets à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement,
CONDAMNER la société LES MAISONS AVENIR TRADITION à régler à Monsieur [M] la somme de 46 620 euros bruts à titre de rappel d'indemnité compensatrice de préavis, outre 4 662 euros bruts au titre des congés payés afférents,
A titre subsidiaire
JUGER que la société M.A.T. a commis de nombreux manquements graves à l'encontre de Monsieur [M],
JUGER que la prise d'acte de la rupture du contrat de travail de Monsieur [M] du 31 mai 2021 produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse
CONDAMNER la société LES MAISONS AVENIR TRADITION à régler à Monsieur [M] la somme de 202 028 euros nets de CGS-CRDS à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
CONDAMNER la société LES MAISONS AVENIR TRADITION à régler à Monsieur [M] la somme de 91 389,36 euros nets à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement,
CONDAMNER la société LES MAISONS AVENIR TRADITION à régler à Monsieur [M] la somme de 46 620 euros bruts à titre de rappel d'indemnité compensatrice de préavis, outre 4 662 euros bruts au titre des congés payés afférents,
En tout état de cause
PRONONCER l'inscription de ces sommes au passif de la société LES MAISONS AVENIR TRADITION,
JUGER que les dispositions du jugement à intervenir seront opposables aux AGS-CGEA dans la limite de leur garantie,
CONDAMNER Maître [F], ès qualité de liquidateur de la société LES MAISONS AVENIR TRADITION à remettre à Monsieur [M] les bulletins de salaire rectifiés ainsi que les documents de fin de contrat rectifiés sous astreinte de 50 euros par jour de retard et par document à compter du 15ème jour suivant la notification du jugement à intervenir, le Conseil se réservant la possibilité de liquider l'astreinte,
RAPPELER que les intérêts au taux légal courent sur les sommes à caractère salarial à compter de la réception par l'employeur de la convocation à comparaître devant le bureau de conciliation, et à défaut de demande initiale, à compter de la date à laquelle ces sommes ont été réclamées, et qu'ils courent sur les sommes à caractère indemnitaire à compter du jugement à intervenir,
PRONONCER l'inscription au passif de la société LES MAISONS AVENIR TRADITION de la somme de 4 000 euros au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile,
CONDAMNER Maître [F], ès qualités de liquidateur de la société LES MAISONS AVENIR TRADITION, aux entiers dépens.'
Aux termes de ses dernières conclusions contenant appel incident en date du 10 mars 2025, L'AGS CGEA de [Localité 14] demande à la cour de :
'Sur l'exécution du contrat de travail :
A titre principal,
INFIRMER le jugement du Conseil de Prud'hommes de NIMES du 16 février 2024 en ce qu'il a jugé nulle la convention de forfait en jours conclue entre Monsieur [M] et la société MAT,
JUGER la convention de forfait en jours valide,
En conséquence,
DEBOUTER Monsieur [M] de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions afférentes à la remise en cause de la convention de forfait en jours.
A titre subsidiaire,
JUGER la convention de forfait en jours inopposable à Monsieur [M] à compter du 1er avril 2020,
LIMITER la créance de Monsieur [M] à la somme de 19.897,87 euros bruts à titre de rappel d'heures supplémentaires, outre 1.989,79 euros de congés payés afférents,
LIMITER la créance de Monsieur [M] à la somme de 24.006,87 euros bruts à titre de contrepartie en repos pour les heures supplémentaires réalisées au-delà du contingent annuel, outre 2.400,69 euros de congés payés afférents.
En tout état de cause,
CONFIRMER le jugement du Conseil de Prud'hommes de NIMES du 16 février 2024 en ce qu'il a débouté Monsieur [M] de ses demandes afférentes à la classification conventionnelle, aux primes, au travail dissimulé et aux congés payés,
JUGER la classification conventionnelle appliquée à Monsieur [M] conforme aux missions exercées,
JUGER Monsieur [M] rempli de ses droits en matière de primes,
JUGER l'infraction de travail dissimulé non caractérisée,
JUGER Monsieur [M] rempli de ses droits en matière de congés payés.
En conséquence,
DEBOUTER Monsieur [M] de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions afférentes à l'exécution de son contrat de travail.
Sur la rupture du contrat de travail :
A titre principal,
CONFIRMER le jugement du Conseil de Prud'hommes de NIMES du 16 février 2024 en ce qu'il a fait produire à la prise d'acte de Monsieur [M] les effets d'une démission,
FAIRE PRODUIRE à la prise d'acte de la rupture de son contrat de travail par Monsieur [M] les effets d'une démission.
En conséquence,
DEBOUTER Monsieur [M] de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions afférentes à la rupture de son contrat de travail.
CONDAMNER Monsieur [M] au paiement de la somme de 24.255,25 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis,
Le CONDAMNER au paiement de la somme de 3.000,00 euros au titre de l'article 700 du CPC,
Le CONDAMNER aux entiers dépens.
A titre subsidiaire,
LIMITER les créances de Monsieur [M] aux sommes suivantes :
- 24.255,25 euros bruts à titre d'indemnité compensatrice de préavis, outre 2.425,53 euros de congés payés afférents ;
- 44.581,92 euros nets à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement ;
- 24.255,25 euros nets à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.
EN TOUT ETAT DE CAUSE
RAPPELER la limite de garantie applicable à Monsieur [M] à hauteur du plafond 6, représentant la somme brute de 82.272,00 euros.
LIMITER les avances de créances de l'AGS au visa des articles L 3253-6 et L 3253-8 et suivants du Code du travail selon les termes et conditions résultant des dispositions des articles L 3253-17 et L 3253-19 et suivants du Code du travail,
LIMITER l'obligation de l'UNEDIC-AGS de procéder aux avances des créances garanties, compte tenu du plafond applicable, à la présentation d'un relevé par le mandataire judiciaire et à la justification par ce dernier de l'absence de fonds disponibles entre ses mains pour procéder à leur paiement.'
La société les Maisons Avenir Tradition et le mandataire liquidateur n'ont pas constitué avocat.
Pour un plus ample exposé des faits et de la procédure, ainsi que des moyens et prétentions des parties, il convient de se référer à leurs dernières écritures.
Par ordonnance en date du 28 novembre 2024, le conseiller de la mise en état a prononcé la clôture de la procédure à effet au 11 mars 2025. L'affaire a été fixée à l'audience du 11 avril 2025.
MOTIFS
I- Sur les demandes au titre de l'exécution du contrat de travail
A) sur la classification conventionnelle:
Le salarié expose qu'il a été nommé le 1er avril 2019, Directeur Technique Méditerranée Ouest, statut Cadre, avec la classification suivante: statut cadre, position B, échelon 2, catégorie 2, coefficient 120 de la convention collective nationale des ingénieurs et cadres du bâtiment et soutient qu'il aurait dû être classé à la position C, échelon 2, coefficient 162, compte tenu du fait reconnu par le mandataire, qu'il dirigeait de nombreux conducteurs de travaux, techniciens et secrétaires.
Le salarié soutient qu'il avait cinq services sous sa direction ( secteur Occitanie, secteur PACA, service dessin/conception, service Bureau d'études, service après- vente), représentant plus de 18 salariés, tel que cela ressort de l'organigramme.
Il sollicite un rappel de salaires de 909 euros au titre des mois d'avril, mai et juin 2019.
L'association AGS CGEA de [Localité 14] s'oppose à cette demande en soutenant que la classification à la position C, échelon 2, coefficient 162 de la convention collective des ingénieurs et cadres du bâtiment exige que le cadre technique ou administratif qui la revendique justifie du commandement d'un nombre important d'autres cadres, ce que M. [M] ne démontre pas.
Il incombe au salarié qui revendique une classification différente de celle qui lui est reconnue, et à lui-seul, de rapporter la preuve de la réalité des fonctions qu'il exerce.
Selon la classification des emplois de la convention collective applicable, les positions sont définies comme suit:
- Position B, échelon 2, catégorie 1: ' Au moins 6 ans de pratique de la profession ( sauf promotion individuelle anticipée; initiatives et responsabilités pour diriger les travaux des ETDAM et représenter l'entreprise à l'extérieur'.
- Position B, échelon 2, catégorie 2: 'mêmes conditions que la catégorie 1 + soit
connaissance des techniques nouvelles, soit initiatives fréquentes en collaboration avec d'autres cadres';
- Position C, échelon 2: 'Cadres techniques ou administratifs avec commandement sur un nombre important d'autres cadres ou avec une compétence ou des responsabilités équivalentes'. Pour ce positionnement, la grille de classification donne à titre d'exemple le responsable d'un grand chantier de travaux publics.
Pour solliciter son repositionnement au niveau C, échelon 2, le salarié s'appuie essentiellement sur l'organigramme du service technique lequel mentionne des secteurs géographiques sous sa direction, avec la précision, pour la majorité des secteurs, des catégories de personnels concernés , soit par exemple:
- pour le secteur occitanie: 1 PO
- pour le secteur [Localité 12]: 1 cdt + 1 PO
- pour le secteur de [Localité 10]: 1 secr + 2 cdt +1PO.
M. [M] qui ne rapporte pas la preuve d'actions d'un commandement effectif sur plusieurs autres cadres de même niveau que lui, n'est pas fondé en sa demande de repositionnement au niveau C échelon 2, coefficient 162.
La cour confirme par conséquent le jugement déféré en ce qu'il a débouté le salarié de sa demande de repositionnement conventionnel et de la demande de rappel de salaires subséquente.
B) Sur les primes de chantiers:
Le salarié soutient que depuis le 1er avril 2019, il devait, conformément à l'annexe 2 de l'avenant de son contrat, percevoir une prime calculée au prorata des primes perçues par les conducteurs de travaux de chaque secteur dont il avait la responsabilité, ce pourquoi il demande qu'il soit fait sommation au mandataire liquidateur de produire les bulletins de
salaire des conducteurs de travaux encadrés par lui.
Il expose qu'il n'a été réglé intégralement des primes qui lui étaient dues qu'au titre de l'année 2019, mais il n'a été que partiellement réglé des primes qui lui étaient dues au titre des années 2020 et 2021.
L' association AGS CGEA soutient que:
- l'allégation selon laquelle M. [M] n'aurait perçu aucune prime de chantier entre le mois d'avril 2019 et le mois de mai 2021 est mensongère, et l'annexe 2 à l'avenant contractuel régularisé par les parties mentionne expressément que l'attribution de cette prime est « fonction des délais d'ouverture des chantiers et des livraisons »;
- la lecture des bulletins de salaire de l'appelant révèle le paiement régulier au cours de la période litigieuse de primes intitulées « Prime délai OAC & LIVRAISON »;
- sur la totalité de la période, M. [M] a perçu la somme de 7.553,45 euros bruts à titre de primes de chantier et il ne donne aucune explication sur le quantum qu'il retient.
L'annexe 2 de l'avenant au contrat de travail prévoit, s'agissant des primes de chantier que:
' La société MAT octroie à Monsieur [P] [M], Directeur Technique, des primes qui ont pour objet de récompenser le bon déroulement des chantiers et le respect des délais impartis.
Monsieur [M] percevra une prime qui sera calculée, au prorata des primes perçues par les conducteurs de travaux de chaque secteur, dont Monsieur [M] a la responsabilité.
En effet, chaque conducteur de travaux se voit attribuer des primes par chantier en fonction des délais d'ouverture des chantiers et des livraisons.
Monsieur [M] bénéficiera d'une prime correspondant à la moyenne de la totalité des primes perçues par les conducteurs de travaux dont il a la responsabilité, par chantier et par secteur.(...)'
M. [M] produit en pièce n°57 un tableau récapitulatif comportant pour chaque année de la période de 2019, 2020 et 2021, le total des primes perçues par les conducteurs de travaux chaque mois, ainsi que le nombre de conducteurs de travaux et le montant de sa prime.
Sur cette base, le salarié réclame:
- au titre de l'année 2020, un total de primes de chantiers de 3 938, 33 euros
- au titre de l'année 2021, un total de primes de chantiers de 1213, 93 euros.
Les intimés ne produisent aucun élément chiffré contraire, alors qu'il appartient à l'employeur de justifier les bases de calcul qu'il retient pour évaluer la rémunération variable de son salarié.
Par ailleurs, le salarié produit ses bulletins de salaire, dont il résulte qu'il a perçu de janvier à décembre 2020, un total de 1 299, 29 euros correspondant aux primes 'délai OAC &livraison', et de janvier à mai 2021, un total de 481, 38 euros au même titre. Dés lors, faute de tout élément contraire, et après déduction des dites sommes, déjà perçues par le salarié, ce dernier est fondé en sa demande à hauteur de 2 639, 04 euros au titre de l'année 2020 et à hauteur de 732, 55 euros au titre de l'année 2021, soit un total de 3 371, 59 euros, outre la somme de 337, 16 euros au titre des congés payés afférents.
Le jugement déféré qui a débouté M. [M] de sa demande de rappel de primes de chantier est infirmé en ce sens.
C) Sur la prime sur le chiffre d'affaires réalisé en 2019:
Le salarié demande le paiement de cette prime soutenant qu'elle est calculée sur le chiffre d'affaires annuel du secteur d'activité concerné au titre de l'année 2019, et non comme le soutient le mandataire judiciaire, sur la base du chiffre d'affaires de la période d'activité du salarié sur son secteur, du mois de mai 2019 au mois de décembre 2019.
Le salarié invoque un chiffre d'affaires de plus de 17 millions d'euros sur son secteur d'activité et soutient que le mandataire ne conteste pas ce chiffre et ne produit aucun élément comptable.
Le salarié sollicite un rappel de prime de 5 000 euros à ce titre.
L'association AGS-CGEA et Maître [F] , es qualités, s'opposent à cette demande en indiquant que:
- M. [M] n'a été affecté sur le secteur Occitanie et [Localité 8] qu'à partir du mois de mai 2019 et ne peut donc revendiquer le bénéfice du chiffre d'affaires réalisé sur ce secteur pour l'année entière;
- l'avenant contractuel instituant le versement d'une prime de chiffre d'affaires a été conclu à effet du 1er avril 2019 et, comme tout contrat, n'a aucun effet rétroactif, sauf stipulation expresse en ce sens;
- il n'est donc absolument pas question d'une proratisation du montant de la prime ou de la période considérée mais d'une application pure et simple des dispositions contractuelles, lesquelles ne prévoient pas d'effet rétroactif pour la prime de chiffre d'affaires.
L'annexe 2 de l'avenant au contrat de travail de M. [M] prévoit:
' Primes sur chiffre d'affaire 2019
Au titre de l'année 2019, M. [P] [M] percevra une prime brute annuelle, fonction du chiffre d'affaires hors taxes réalisé sur son secteur d'activité.
Cette prime est déterminée par tranches de CA HT, lesquelles ne se cumulent pas si elles sont atteintes.
Ainsi, Monsieur [M] se verra attribuer:
- une prime brute de 3 000 euros à partir de 15M euros de CA HT sur son secteur d'activité
- une prime brute de 5 000 euros à partir de 17M euros de CA HT sur son secteur d'activité
- une prime brute de 10 000 euros à partir de 19M euros de CA HT sur son secteur d'activité (...)
Il est précisé que cette prime sera versée 1 fois par an ( janvier N+1), et qu'elle ne fait pas l'objet d'une reconduction tacite. Les parties apprécieront ensemble lors de l'établissement des budgets et objectifs de l'entreprise la mise en place d'une prime fonction du Chiffre d'affaires ou de tout autres indicateurs, en fonction de l'activité de l'entreprise et de l'évolution du marché de la construction de maisons individuelles.
En cas de réduction ou d'augmentation du secteur d'activité de Monsieur [P] [M], les parties devront envisager l'adaptation des seuils de déclenchement de la prime (...)'.
L'Unedic AGS/CGEA et Maître [F], es qualités, concluent que le calcul du chiffre d'affaires ouvrant droit au règlement d'une éventuelle prime au bénéfice de M.[M] doit se faire sur les bases suivantes:
- Chiffre d'affaires réalisé au cours du mois d'avril 2019 sur le secteur d'affectation de l'appelant, à savoir le secteur Pontet = 757.612,20 euros
- Chiffre d'affaires réalisé au cours des mois de mai à décembre 2019 sur le nouveau secteur d'affectation de l'appelant, à savoir Occitanie et [Localité 8] = 12.172.515,30 euros
- Soit un chiffre d'affaires total bénéficiant au salarié pour le calcul de la prime litigieuse de 12.930.127,50 euros, n'atteignant pas le seuil de déclenchement de la prime de chiffre d'affaires.
Il en résulte que l'Unedic et Maître [F] font des termes de l'annexe 2 du contrat de travail relatifs à la prime sur chiffre d'affaires 2019, une interprétation non conforme à la lettre de cet avenant rédigé de façon univoque quant à l'absence de clause de proratisation, et ce alors même que cet avenant, daté du 25 mars 2019, aurait pu distinguer la période antérieure à l'affectation du salarié sur son nouveau secteur, de celle résultant de cette affectation.
M. [M] est par conséquent fondé à solliciter le paiement de la prime de chiffres d'affaires pour l'année 2019 à hauteur de 5 000 euros et le jugement déféré qui l'a débouté de cette demande est infirmé en ce sens.
D) Sur la durée du travail:
Le salarié soutient que:
- dans les entreprises du bâtiment occupant plus de 10 salariés, la possibilité d'avoir recours à une convention de forfait annuel jours est prévue par l'accord du 06 novembre 1998;
- or, la Cour de cassation a jugé que les dispositions de cet accord du 06 novembre 1998 relatives au forfait annuel en jours ne sont pas de nature à garantir que l'amplitude et la charge de travail restent raisonnables et assurent une bonne répartition dans le temps du travail de l'intéressé, et donc, à assurer la protection de la sécurité et de la santé du salarié;
- les conventions de forfait conclues sur le seul fondement de cet accord encourent donc la nullité.(Cass. soc., 11 juin 2014, n° 11-20.985, n° 1197 F-P + B);
- contrairement à ce que prétend le mandataire liquidateur, l'avenant à son contrat de travail ne vise aucun autre texte;
- l'accord d'entreprise du 17 décembre 1999 produit par l'employeur ne contient aucune disposition relative au forfait jours, et son prétendu avenant n'est ni daté ni signé ;
- par ailleurs, l'avenant du 11 décembre 2012 (article 3.3 de la Convention collective), qui est évoqué mais non produit par la partie adverse est un accord non étendu, qui ne s'applique donc pas en l'espèce.
L'association AGS-CGEA et Maître [F], es qualités, font valoir en réponse, prenant acte de ce que les dispositions de l'accord du 6 novembre 1998 autorisant le recours au forfait jours ont été jugées comme n'étant pas de nature à garantir les droits des salariés, que:
- la convention de forfait en jours litigieuse est conclue en application:
* d'un accord d'entreprise en vigueur au sein de la société MAT, lequel n'a jamais été remis en cause;
* de nouvelles dispositions conventionnelles issues de l'avenant du 11décembre 2012 (article 3.3 CCN), lesquelles n'ont, elles non plus, jamais été remises en cause;
* mieux, la clause relative au forfait en jours insérée dans la convention collective des ETAM du bâtiment, laquelle est rédigée en des termes identiques à celle présente au sein des dispositions applicables aux cadres, a été validée par la Cour de cassation (Cass.Soc. 5 juillet 2023, n° 21-23294).
1°) sur l'absence de suivi du temps de travail:
Le salarié soutient que:
- au cours de la relation contractuelle, la société M.A.T. ne lui a jamais demandé de compléter un document de contrôle des jours travaillés, pas plus qu'elle n'a réalisé un suivi effectif et régulier de son temps de travail;
- ses relevés horaires démontrent que son amplitude de travail dépassait systématiquement les 13 heures quotidiennes;
- il ressort des plannings qu'il a réalisé plus de 4 780 heures supplémentaires au cours des années 2018 à 2021, qui ne lui ont pas été réglées.
2°) sur le non-respect des temps de repos quotidiens et hebdomadaires:
Le salarié soutient que la charge de travail était telle que les 11 heures de repos quotidien n'étaient quasiment jamais respectées et qu'il travaillait tous les samedis et parfois même les dimanches. Ainsi, il déclare avoir travaillé, au mois d'avril 2021 tous les samedis et dimanches pendant quatre semaines consécutives.
3°) sur le nombre de jours travaillés:
Le salarié soutient que le nombre de 215 jours de travail prévus par la convention de forfait en jours n'a jamais été respecté et qu'il a travaillé 280 jours en 2019, 291 jours en 2020 et 133 jours sur 151 jours, du 1er janvier au 31 mai 2021. Il souligne que cette situation était parfaitement connue de la direction puisque, en juin et juillet 2019, Mme [N], chargée des missions RH, écrivait à M.[B], dirigeant de la société, que M. [M] a cumulé 36 jours de congés payés à prendre avant le 31 mai 2018 et 33 jours de congés payés à prendre avant le 31 mai 2019.
4°) sur le droit à la déconnexion:
Le salarié fait grief à son employeur de ne l'avoir jamais informé de son droit à la déconnexion.
5°) sur l'absence d'entretien de suivi du forfait en jours:
Le salarié reproche à l'employeur au visa de l'article L. 3121-65 du code du travail, de ne jamais l'avoir fait bénéficier de cet entretien annuel.
L'association AGS-CGEAet Maîrte [F] soutiennent que:
- pour chacune des années concernées, des informations relatives au volume de jours travaillés, au nombre de jours de congés et de RTT ainsi qu'aux modalités de prise des congés et RTT ont été transmises à M. [M];
- ces documents rappellent expressément que les périodes de week-end, congés payés, RTT et jours fériés ne doivent pas être travaillées et constituent les périodes de repos du salarié;
- le salarié a également été destinataire, pour chacune des années concernées, des informations relatives à la prise des congés au sein de la société MAT et du caractère obligatoire de la prise de congés;
- le salarié a également reçu des emails l'alertant sur un solde important de jours de congés payés et le sollicitant afin que celui-ci se positionne sur des périodes de congés (Pièce n° 9 : emails des 20 juin et 8 juillet 2019) et un email de rappel sur les règles élémentaires en matière de durée du travail;
- en sa qualité de cadre, le salarié disposait d'une autonomie et d'une liberté totale d'organisation.
L'association et maître [F] soutiennent que:
- à titre principal, la convention de forfait est valide;
- à titre subsidiaire, l'absence de suivi de la charge de travail ne peut pas entraîner la nullité de la convention de forfait mais seulement son inopposabilité au salarié à compter du non-respect par l'employeur de ses obligations (Cass.Soc. 2 juillet 2014, n° 13-11940), soit en l'espèce à compter du mois d'avril 2020, l'obligation de suivi étant annuelle et la convention de forfait ayant été mise en oeuvre à compter du 1er avril 2019;
- contrairement aux effets de la nullité, aucune rétroactivité ne peut intervenir.
Toute convention de forfait en jours doit être prévue par un accord collectif dont les stipulations assurent la garantie du respect des durées maximales de travail ainsi que des repos, tant journaliers qu'hebdomadaires, telles que définies par le code du travail et selon les Directives communautaires de 1993 et 2003, dans le respect des principes généraux de la protection de la sécurité et de la santé des travailleurs.
Il est constant que ne respectent pas ces principes les dispositions du titre III de l'accord national du 6 novembre 1998 relatif à la durée du travail dans les entreprises du bâtiment et des travaux publics ni les stipulations de l'accord d'entreprise qui, s'agissant de l'amplitude des journées de travail et la charge de travail qui en résulte, prévoient seulement qu'il appartient aux salariés de tenir compte des limites journalières et hebdomadaires et d'organiser leurs actions dans ce cadre et en cas de circonstances particulières d'en référer à leur hiérarchie de rattachement.
Les intimés se réfèrent :
- d'une part, à un accord sur les 35 heures du 17 décembre 1999 conclu entre la Sarl [Adresse 9] et Tradition et les syndicats CGC et CFDT, dont force est de constater qu'il ne comporte aucune disposition relative aux conventions de forfait;
- d'autre part, à un avenant à cet accord comportant un paragraphe 4-3 intitulé 'dispositions relatives au personnel d'encadrement non commercial', qui prévoit que les cadres percevront une rémunération forfaitaire et s'agissant du contrôle de l'horaire de travail, indique dans un article 7:
'* En ce qui concerne le personnel non cadre, un planning mensuel sera établi et signé par les salariés;
* En ce qui concerne le personnel cadre en forfait jour, il s'engage à établir un relevé récapitulatif annuel sincère et véritable du nombre de jours travaillés.'
L'avenant à l'accord du 17 décembre 1999 ainsi produit n'est ni daté ni signé et la date de son entrée en vigueur n'est pas renseignée. Cet avenant est inopposable aux salariés. En tout état de cause, il ne comporte aucune mention de nature à garantir que l'amplitude et la charge de travail restent raisonnables et assurent une bonne répartition dans le temps du travail et donc, à assurer la protection de la sécurité et de la santé du salarié.
Les intimés ne peuvent se prévaloir d'aucun texte conventionnel offrant les dites garanties dans la mise en oeuvre d'une convention de forfait.
Par ailleurs, l'article L. 3121-65 du code du travail, en vigueur depuis le 22 décembre 2017 énonce:
'I- A défaut de stipulations conventionnelles prévues aux 1°et 2° du II de l'article L. 3121-64, une convention individuelle de forfait en jours peut être valablement conclue sous réserve du respect des dispositions suivantes:
1° l'employeur établit un document de contrôle faisant apparaître le nombre et la date des journées ou demi-journées travaillées. Sous la responsabilité de l'employeur, ce document peut être renseigné par le salarié;
2° l'employeur s'assure que la charge de travail du salarié est compatible avec le respect des temps de repos quotidiens et hebdomadaires;
3° l'employeur organise une fois par an un entretien avec le salarié pour évoquer sa charge de travail , qui doit être raisonnable , l'organisation de son travail, l'articulation entre son activité professionnelle et sa vie personnelle ainsi que sa rémunération.
II- A défaut de stipulations conventionnelles prévues au 3° du II de l'article L. 3121-64, les modalités d'exercice par le salarié de son droit à la déconnexion sont définies par l'employeur et communiquées par tout moyen aux salariés concernés. Dans les entreprises d'au moins cinquante salariés, ces modalités sont conformes à la charte mentionnée au 7° de l'article L. 2242-17.'
Les intimés se prévalent en l'espèce des éléments suivants:
- une note administrative informant le salarié du nombre de jours de RTT dont il dispose ainsi que des modalités de prise des RTT, étant précisé que seule la note du 22 novembre 2018 est signée;
- une note administrative relative aux congés pour chaque exercice;
- un échange d'emails du 20 juin 2019 sur des demandes de congés payés non enregistrés;
- un email de la responsable RH du 26 novembre 2020 refusant une feuille d'heures supplémentaires d'une salariée ( [X]), mentionnant des heures effectuées le samedi 14 novembre et le dimanche 15 novembre, rappelant que les heures supplémentaires sont faites à la demande du responsable, la durée de travail effectif ne doit pas dépasser la durée maximale de 10 heures par jour et la durée de travail effectif hebdomadaire ne doit pas dépasser 48 heures sur une même semaine.
Aucun de ces éléments ne correspond à un outil de contrôle du temps de travail de nature à garantir que l'amplitude et la charge de travail restent raisonnables et à assurer une bonne répartition dans le temps du travail du salarié , et donc, à protéger la sécurité et la santé du salarié. En outre, les intimés ne sont pas en mesure de se prévaloir de la tenue régulière d'entretiens sur la charge de travail.
Le jugement doit par conséquent être confirmé en ce qu'il a écarté la convention de forfait invoquée par les intimés.
M. [M] est par conséquent fondé à décompter ses heures supplémentaires conformément au droit commun.
E) sur les heures supplémentaires:
M. [M] demande le paiement de ses heures supplémentaires à compter du 1er juin 2018.
Les intimés concluent à titre subsidiaire que:
- la demande ne peut porter sur la période débutant le 1er avril 2019 compte tenu de l'inopposabilité et non de la nullité de la convention de forfait;
- le salarié ayant saisi le conseil de prud'hommes par requête du 9 mars 2022, ses prétentions à titre de rappel d'heures supplémentaires ne peuvent pas valablement prospérer pour la période antérieure au 9 mars 2019, en sorte que les demandes formulées sur la période du 1er juin 2018 au 9 mars 2019 seront écartées comme étant prescrites.
M. [M] expose qu'il tenait un planning sur lequel il notait systématiquement ses heures d'arrivée, de départ ainsi que de ses pauses déjeuner et ses jours de congés, en sorte qu'il est en mesure de produire ses relevés horaires quotidiens (Pièce 11).
Le salarié soutient aussi qu'il lui était demandé de poser des congés fictifs afin de faire diminuer son solde de congés auprès de la caisse, alors que son agenda professionnel révèle de nombreux rendez-vous pris pendant les dits jours de congés.
Le salarié produit par ailleurs:
- en pièce n°12, un tableau de synthèse des heures supplémentaires qu'il a effectuées;
- des emails envoyés les samedis, dimanches et pendant des jours décomptés en RTT ;
- en pièce n°46, une synthèse par mois et par année des rappels de salaires qu'il réclame.
Sur la base de ces éléments, le salarié soutient qu'il a réalisé plus de 4 780 heures supplémentaires au cours des années 2018 à 2021, qui ne lui ont pas été réglées, soit:
* En 2018 (du 1er juin au 31 décembre 2018)
- 213,75 heures supplémentaires majorées à 25% effectuées et non payées
- 723,25 heures supplémentaires majorées à 50% effectuées et non payées
* En 2019
- 363,25 heures supplémentaires majorées à 25% effectuées et non payées
- 1.239,25 heures supplémentaires majorées à 50% effectuées et non payées
* En 2020
- 385 heures supplémentaires majorées à 25% effectuées et non payées
- 1.102,50 heures supplémentaires majorées à 50% effectuées et non payées
* En 2021
- 168 heures supplémentaires majorées à 25% effectuées et non payées
- 592,25 heures supplémentaires majorées à 50% effectuées et non payées
Le salarié demande l'inscription au passif de la société de la somme de 247 948, 53 euros bruts à titre de rappel d'heures supplémentaire outre 24 794, 53 euros bruts au titre des congés payés afférents.
L'Unedic et Maître [F], es qualités , soutiennent que:
- pour la période postérieure au mois d'avril 2019: le temps de travail allégué par l'appelant est très largement surévalué;
- il ne peut pas sérieusement solliciter le règlement d'une journée entière de travail au motif de l'envoi ou de la réception d'un mail ou d'un SMS;
- l'appelant prétend avoir été occupé par une activité particulièrement dense sur les semaines 12 à 19 de l'année 2020, lesquelles correspondent à la période de confinement national du 17 mars au 11 mai 2020;
- la diminution substantielle de l'activité de la société MAT au cours de la période de confinement est d'ailleurs démontrée par le graphique « CA ' ANNEE 2020 » produit par le demandeur: en effet, le mois d'avril 2020 est, de loin, celui au cours duquel la société a réalisé le chiffre d'affaires le plus bas et le mois de mars 2020 fait également partie des 3 mois pour lesquels l'activité a été la plus faible.
Maître [F], es qualités, demande à titre subsidiaire que soient déduites des sommes réclamées au titre des heures supplémentaires:
- l'excédent de rémunération perçu par le salarié par rapport au salaire conventionnel, soit pour l'année 2020, la somme totale de 20 736 euros bruts correspondant à 2 304 euros bruts par mois et pour l'année 2021, la somme totale de 11 410 euros bruts correspondant à 2 282 euros bruts mensuel;
- une somme totale de 3 069, 77 euros correspondant à 11 jours de RTT octroyés pour la période du 1er avril 2020 au 31 mai 2021.
Conformément aux dispositions de l'article L. 3245-1 du code du travail, selon lequel:
« L'action en paiement ou en répétition du salaire se prescrit par 3 ans à compter du jour où celui qui l'exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer. La demande peut porter sur les sommes dues au titre des 3 dernières années à compter de ce jour ou lorsque le contrat est rompu, sur les sommes dues au titre des 3 années précédant la rupture. », le salarié qui a saisi le conseil de prud'hommes de sa demande, le 16 mars 2022, et qui a pris acte de la rupture de son contrat de travail le 31 mai 2021, est fondé à solliciter un rappel d'heures supplémentaires à compter du 1er juin 2018 , soit au titre des trois années précédant la rupture, en sorte que l'employeur n'est pas fondé à soulever la prescription pour la période antérieure au 9 mars 2019.
En effet, si le salarié est fondé à décompter ses heures supplémentaires conformément au droit commun à compter du 1er avril 2019 compte tenu de l'inopposabilité de la convention de forfait, il est par ailleurs fondé à exiger des heures supplémentaires pour la période antérieure non soumise à une convention de forfait et ce dans la limite des dispositions de l'article
L. 3245-1 du code du travail sus-visé.
Il résulte des dispositions des articles L. 3171-2, alinéa 1, L. 3171-3, et L. 3171-4 du code du travail, qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l'ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précitées. Après analyse des pièces produites par l'une et l'autre des parties, dans l'hypothèse où il retient l'existence d'heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l'importance de celles-ci et fixe les créances salariales s'y rapportant.
Les juges du fond doivent apprécier les éléments produits par le salarié à l'appui de sa demande au regard de ceux produits par l'employeur et ce afin que les juges, dès lors que le salarié a produit des éléments factuels revêtant un minimum de précision, se livrent à une pesée des éléments de preuve produits par l'une et l'autre des parties.
La précision des éléments produits doit être examinée au regard de cet objectif d'organisation du débat judiciaire. Elle n'est ni de la même nature, ni de la même intensité que celle qui pèse par ailleurs sur l'employeur dans le cadre de son obligation de contrôle de la durée du travail.
En outre, il est constant que lorsque la convention de forfait en jours est privée d'effet, l'employeur ne peut opposer au salarié le fait que son salaire est supérieur au minimum conventionnel en sorte que la demande de déduction du montant des heures supplémentaires, de la part de rémunération dépassant le minimum conventionnel n'est pas fondée.
En revanche, la demande de remboursement des jours de RTT n'est pas une demande nouvelle mais la conséquence de la demande tendant à voir déclarer la convention de forfait nulle ou de nul effet. La demande de Maître [F], ès qualités est donc parfaitement recevable et fondée .
En l'espèce, le décompte horaire produit par le salarié qui mentionne pour chaque journée une heure de prise de fonction, une heure de fin de prise de fonction et déduit ses temps de pause compris entre 30 minutes et 1h15, ainsi que les jours de RTT et les jours fériés, répond à l'exigence de précision permettant à l'employeur d'apporter ses propres éléments en réponse.
En l'espèce, force est de constater que les intimés ne produisent aucun élément résultant du contrôle du temps de travail exercé par l'employeur.
Le salarié produit pour sa part des extraits d'agenda révélant notamment qu'une activité était maintenue pendant les périodes de confinement, ainsi que la synthèse du chiffre d'affaires de son secteur pour l'année 2020 illustrant une activité soutenue.
Il produit également plusieurs emails envoyés certains jours décomptés en RTT ( 23 et 24 décembre 2020 notamment) ainsi que des emails adressés le dimanche ( 11 avril 2021 et 25 avril 2021) ou le samedi.
Ces éléments témoignent du fait que les tâches inhérentes au travail commandé ne pouvaient pas être effectuées dans les limites des horaires de travail fixés, les heures supplémentaires ayant été été rendues nécessaires par la nature ou la quantité du travail imposé ainsi que les responsabilités confiées au salarié aux termes de son contrat de travail et de ses annexes.
Considérant cependant que même si l'activité a été maintenue pendant les périodes de confinement, elle a cependant été impactée par la crise sanitaire et par les confinements et que si des heures supplémentaires ont été nécessaires, elles l'ont été dans une moindre mesure, justifiant de les ramener à la somme de 165 299, 02 euros, outre les congés payés afférents dont il convient de déduire le montant des JRTT, soit 3 069, 77 euros.
La créance de M. [M] au titre des heures supplémentaires s'élève par conséquent à la somme de 162 229, 25 euros.
F) Sur le travail dissimulé:
Le salarié soutient que:
- la société M.A.T. s'est intentionnellement affranchie de tout suivi du forfait en jours de M. [M],
- la société M.A.T. était parfaitement consciente de l'importance des heures de travail réalisées par M. [M] et que son employeur n'hésitait pas en sus à lui demander de travailler les samedis et les dimanches,
- l'employeur lui décomptait des jours de congés factices, élément qui, à lui seul, démontre le caractère intentionnel de la dissimulation,
- la société était informée que M. [M] dépassait largement le nombre de jours de travail prévu par sa convention de forfait sans toutefois lui régler aucun jour de travail supplémentaire au-delà du forfait.
L'Unedic et Maître [F], ès qualités, s'opposent à cette demande en faisant valoir que:
- le défaut de production par l'employeur des éléments de décompte du temps de travail n'est pas de nature à caractériser l'infraction de travail dissimulé (Cass.Soc. 14 mars
2018, n° 16-13541);
- l'erreur commise par l'employeur dans l'application des dispositions légales ou conventionnelles ne peut, à elle seule, caractériser l'intention dissimulatrice.
L'article L 8221-1 du code du travail prohibe le travail totalement ou partiellement dissimulé, et l'article L 8 221-5 2° du même code dispose notamment qu'est réputé travail dissimulé par dissimulation d'emploi salarié, le fait pour un employeur de mentionner sur les bulletins de paie un nombre d'heures inférieur à celui réellement accompli.
Au terme de l'article L 8223-1 du code du travail, le salarié auquel l'employeur a recours en commettant les faits prévus à l'article L 8221-5 précité a droit, en cas de rupture de la relation de travail, à une indemnité forfaitaire égale à six mois de salaire.
Toutefois la dissimulation d'emploi salarié prévue par ces textes et ouvrant droit à indemnité forfaitaire n'est caractérisée que s'il est établi que l'employeur a agi de manière intentionnelle et l'élément intentionnel ne peut se déduire de la seule absence de mention des heures supplémentaires sur les bulletins de paie.
Faute pour le salarié de caractériser la volonté de l'employeur de soustraire des heures de travail à ses obligations déclaratives, la cour le déboute de sa demande d'indemnité au titre du travail dissimulé, par confirmation du jugement déféré.
G) Sur la contre partie obligatoire en repos:
Le salarié soutient qu'il est indéniable qu'il a largement dépassé le contingent annuel d'heures supplémentaires de 180 heures prévus par la convention collective et qu'il est par conséquent en droit de prétendre au paiement d'une contrepartie obligatoire en repos de 100 %, calculée de la manière suivante:
- 757 heures supplémentaires hors contingent soit 17 967,96 euros bruts en 2018
- 1 422,50 heures supplémentaires hors contingent soit 43 715,14 euros bruts en 2019
- 1 307,50 heures supplémentaires hors contingent soit 51 724,14 euros bruts en 2020
- 580,25 heures supplémentaires hors contingent soit 22 954,44 euros bruts en 2021.
Le salarié réclame à ce titre la somme de 137 785, 82 euros nets de CSG-CRDS au titre de la contre partie obligatoire en repos, outre la somme de 13 778, 58 euros de congés payés afférents.
Compte tenu de l'issue du litige relatif aux heures supplémentaires, la cour accorde au salarié la somme de 91 857, 22 euros au titre de la contre partie obligatoire en repos.
H) Sur la demande au titre des congés payés indument décomptés et sur le manquement de l'employeur à son obligation de permettre au salarié d'exercer son droit à congé:
M. [M] soutient que le service des ressources humaines lui a indûment décompté des jours de congés payés et demande le paiement de ces jours de congés payés dés lors qu'il a travaillé au cours des périodes suivantes :
- du 24 au 30 mai 2019, pour un montant total retenu de 1 061.55 euros bruts de salaire;
- du 09 au 17 mars 2020, puis du 25 au 31 mars 2020, pour un montant total retenu de 3 361,94 euros bruts de salaire;
- du 1er au 06 avril 2020, pour un montant total retenu de 1 200,40 euros bruts de salaire;
- du 1er au 06 septembre 2020, sans retenue de salaire.
Les intimés s'opposent à cette demande en faisant valoir que le salarié a été destinataire:
- des informations relatives au volume de jours travaillés, au nombre de jours de congés et de RTT ainsi qu'aux modalités de prise des congés et RTT, au cours de chaque année de travail;
- ces documents rappellent expressément que les périodes de week-end, congés payés, RTT et jours fériés ne doivent pas être travaillées et constituent les périodes de repos du salarié;
- également, pour chacune des années concernées, des informations relatives à la prise des congés au sein de la société MAT et du caractère obligatoire de la prise de congés;
- des emails l'alertant sur un solde important de jours de congés payés et le sollicitant afin que celui-ci se positionne sur des périodes de congés.
Le salarié fait état de congés factices sur la base de quelques emails adressés pendant des périodes de congés. Compte tenu des informations données par l'employeur, des mentions figurant sur son bulletin de salaire, ainsi que le décompte de ses jours de congés et RTT, il apparaît que le salarié a été mis en mesure de bénéficier de ses jours de congés.
Le jugement est infirmé en ce qu'il a fixé la créance au titre des congés non pris à la somme de 5 623, 89 euros .
J) Sur la prime de vacances:
Le salarié demande l'application de la convention collective du bâtiment qui prévoit le versement d'une prime de vacances d'un montant de 30% de l'indemnité de congés calculée sur la base de 2 jours ouvrables de congés par mois de travail.
Les intimés s'opposent à cette prétention qui est la conséquence exclusive des différents rappels et indemnités sollicités préalablement.
La convention collective indique que le montant de la prime de vacances est égale à 30% de l'indemnité de congés payés correspondant à 24 jours ouvrables, c'est à dire calculée sur la base de 2 jours ouvrables de congé par mois de travail.
Compte tenu de l'issue du litige, la cour faisant droit à la demande de primes de chantiers, à la demande de prime sur chiffres d'affaires, aux heures supplémentaires dans une moindre proportion, ainsi qu' à la contre partie en repos compensateur, la prime de vacances sera calculée sur la base de ses seuls rappels de salaires et indemnité.
Conformément à la méthode de calcul exposée en page 41 des conclusions de M. [M] et non remise en cause même à titre subsidiaire par les intimés, la cour accorde à M. [M] au titre de la prime de vacances la somme de 8 195, 68 euros ( 809, 18 + 120 + 3967, 17 + 2 204, 57 + 1094, 76) et rejette la demande pour le surplus.
K) Sur la violation des durées maximales de travail et le non-respect des temps de repos:
Le salarié soutient qu'il résulte de son décompte journalier de ses heures de travail que:
- il était amené à dépasser quasiment tous les jours la durée maximale quotidienne de travail, réalisant même parfois plus de 15 heures de travail par jour comme en mars 2021;
- il n'a quasiment jamais bénéficié du repos hebdomadaire de 35 heures;
- au mois d'avril 2021, il a travaillé tous les samedis et dimanches pendant 4 semaines consécutives, sans aucun jour de repos hebdomadaire;
- le directeur général de la société n'hésitait pas à lui adresser des sms les samedis et dimanches qui nécessitaient une réponse immédiate de sa part;
L'Unedic et Maître [F] ès qualités s'opposent à cette demande indemnitaire en indiquant que:
- M. [M] disposait d'une liberté totale d'organisation de son temps de travail en ce qu'il assumait des fonctions de cadre au sein de la société;
- l'employeur lui a rappelé de façon récurrente la nécessité de respecter les temps de repos, pour lui, comme pour ses collaborateurs, ainsi que les durées maximales de travail, par des informations relatives au forfait jours, ou aux congés.
Il résulte des dispositions de l'article L. 3121-18 du code du travail, que la durée quotidienne de travail ne peut dépasser 10 heures.
Concernant la durée hebdomadaire de travail, l'article L. 3121-27 du code du travail rappelle que la durée légale de travail effectif des salariés à temps complet est de 35 heures par semaine.
Enfin l'article L. 3121-20 du code du travail énonce que la durée du travail maximale hebdomadaire ne peut excéder 48 heures sur une même semaine de travail, sauf autorisation par l'inspection du travail pour circonstances exceptionnelles.
Le décompte du salarié en pièce n°11 révèle des dépassements réguliers de la durée quotidienne de travail de 10 heures, avec plusieurs journées à 12h, 12h25, 12h50 , 12h75, 13h de travail et des semaines à plus de 60 heures avec un maximum à 75h75, que l'employeur ne combat par aucun décompte contraire.
La cour fait droit par conséquent à la demande du salarié à hauteur de 5 000 euros à titre de dommages-intérêts pour non respect des durées maximales quotidienne et hebdomadaire de travail.
L) Sur le défaut d'organisation matérielle des entretiens obligatoires et ses conséquences:
Le salarié demande au visa des dispositions des articles L. 6323-13 du code du travail et R. 6323-3 du même code, le versement par l'employeur de la somme de 3.000 euros à la caisse des dépôts et consignations, laquelle le créditera dès réception sur le compte CPF du salarié et l'inscription de cette somme au passif de la société.
Il soutient en outre que l'abondement sur le compte CPF du salarié a pour vocation de sanctionner l'absence d'organisation matérielle des entretiens obligatoires, mais ne l'empêche pas de solliciter une indemnisation complémentaire pour le préjudice distinct causé par l'absence de ces entretiens, qui a eu des conséquences sur sa carrière, son employabilité et sa rémunération.
Il demande en conséquence la somme de 5 000 euros à titre de dommages-intérêts au visa de l'article L. 6315-1 du code du travail.
L'AGS et Maître [F] ès qualités s'opposent à ces demandes en faisant valoir que:
- en aucune manière, l'abondement d'un compte personnel de formation ne peut être garanti par l'AGS;
- il ne s'agit pas d'une prétention à caractère salarial;
- en cours de première instance, M. [M], non content de ne pas pouvoir bénéficier du versement direct de la somme de 3.000,00 euros susvisée, sollicitait, en sus, la fixation d'une créance supplémentaire à hauteur de 5.000,00 euros sur le fondement de l'article
L 6315-1 du code du travail;
- la demande indemnitaire est formulée au visa des mêmes griefs et en l'absence de toute démonstration de la réalité du préjudice allégué.
L'article L. 6323-13 du code du travail, dans sa version applicable au litige, dispose :
« Dans les entreprises d'au moins cinquante salariés, lorsque le salarié n'a pas bénéficié, durant les six ans précédant l'entretien mentionné au II de l'article L. 6315-1, des entretiens prévus au même article L. 6315-1 et d'au moins une formation autre que celle mentionnée à l'article L. 6321-2, un abondement est inscrit à son compte dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat et l'entreprise verse, dans le cadre de ses contributions au titre de la formation professionnelle, une somme dont le montant, fixé par décret en Conseil d'Etat, ne peut excéder six fois le montant annuel mentionné à l'article L. 6323-11. Le salarié est informé de ce versement. »
L'article R. 6323-3 du même Code précise :
« Le salarié mentionné au premier alinéa de l'article L. 6323-13 bénéficie d'un abondement de son compte personnel de formation d'un montant de 3 000 euros».
Il résulte des dispositions de l'article L. 6315-1 du code du travail qu'à l'occasion de son embauche, le salarié est informé qu'il bénéficie tous les deux ans d'un entretien professionnel avec son employeur consacré à ses perspectives d'évolution professionnelle, notamment en termes de qualifications et d'emploi. Cet entretien ne porte pas sur l'évaluation du travail du salarié.
En outre, tous les six ans, l'entretien professionnel mentionné ci-dessus fait un état des lieux récapitulatif du parcours professionnel du salarié.
Il n'est pas contesté par les intimés que M. [M] n'a pas bénéficié de ces entretiens périodiques et que les conditions d'application des textes sus-visés sont réunies en sorte que le salarié est fondé à solliciter l'abondement de son compte personnel de formation et qu'il convient de fixer la somme de 3 000 euros à ce titre au passif de la liquidation judiciaire de la société Les Maisons Avenir Tradition.
Compte tenu de la durée de la relation contractuelle sans que l'employeur ne justifie ni de la tenue des entretiens, ni d'aucune formation professionnelle, dans un secteur où l'évolution rapide des techniques et de la prévention impose une mise à jour permanente de la formation professionnelle, M. [M] a subi un préjudice d'employabilité qu'il convient de réparer par la somme de 2 000 euros à titre de dommages-intérêts.
N) Sur le harcèlement moral:
Le salarié expose les éléments de contexte suivants:
- les relations de travail se sont déroulées sans difficulté jusqu'à la fin de l'année 2020, sous la direction de M. [B], Directeur Général de la société M.A.T. ;
- M. [B] a quitté l'entreprise au mois d'octobre 2020, puis le 02 novembre 2020, M. [S] a pris la Présidence de la société M.A.T. par intérim, avec pour conseiller, M.[Z], ancien Président fondateur de M.A.T, lequel est devenu seul décisionnaire à compter du mois de mai 2021;
- à compter de cette date, ses conditions de travail se sont brutalement dégradées.
S'agissant du harcèlement, il invoque la suppression de ses attributions et responsabilités en termes de gestion du personnel ainsi que sur le secteur PACA le 11 mai 2021, sur le service après-vente, le 21 mai 2021, sur le secteur Occitanie, le 26 mai 2021 et sur le service bureau d'études, le 31 mai.
Le salarié expose qu'alors qu'il disposait d'une délégation de pouvoirs en matière de gestion du personnel et qu'il était le seul décisionnaire pour l'embauche des salariés de son service, il apprenait:
- le 3 février 2021, l'embauche de 2 conducteurs de travaux sur le secteur PACA, sans même avoir été consulté;
- le 11 mai 2021, le recrutement en qualité de responsable d'agence sur son secteur de M. [K] [D], lequel était placé sous la responsabilité de M. [U] [T];
- le 12 mai 2021, que de nouveaux intérimaires allaient être recrutés au sein du service SAV sans qu'il en ait été informé et qu'il était demandé à M. [U] [T] de définir les missions confiées à ces intérimaires;
- le 11 mai 2021 que la responsabilité du chantier de [Localité 13] ainsi que celle des chantiers du secteur des Alpes Maritimes lui était retirée au profit d'[U] [T];
- le 17 mai 2021, par Mme [N], « [V], J'avais compris que [U] [T] reprenait la gestion du LR [Languedoc-[Localité 11]] et avait géré cette situation avec [A] [G] pour apaiser la situation » .
M. [M] verse aux débats plusieurs échanges d'emails relatifs à:
- sa décision de mettre un terme à la période d'essai de M. [K] [D], décision désavouée par les actionnaires de la société ( échange courant avril et mai 2021);
- la perte de responsabilité dans la direction de M. [D] et dans le suivi du chantier Salançon ( à l'occasion d'un autre échange d'emails entre M. [M] et Mme [E] du service 'relation service après-vente', celle-ci a informé M. [M] que M. [D] n'est plus sous sa responsabilité, mais sous celle d'[U]. Puis M. [I] [C] a informé M. [M] le 11 mai 2021 qu'il avait reçu le matin même un appel d'[U] lui indiquant qu'il reprenait le suivi du chantier Salançon. M. [C] se disait surpris de ne pas avoir été informé au préalable.)
M. [M] fait état d'une délégation de pouvoirs en matière de gestion et de recrutement des personnels de son service.
L'annexe 3 de son contrat de travail intitulée 'délégation de pouvoirs' est ainsi libellée:
' la société MAT délégue, compte tenu de ses compétences professionnelles et de ses fonctions à M. [P] [M], Directeur Technique, tous pouvoirs de façon effective et permanente afin qu'il soit en mesure de conclure certains contrats ou d'effectuer certaines opérations et qu'il soit en mesure d'assurer l'entière responsabilité de l'application des règles en matière économique et commerciale d'hygiène et de sécurité, de gestion du personnel, de signalisation des chantiers et en matière de sous-traitance.
(...)
II- Délégation de pouvoirs en matière de gestion du personnel:
M. [P] [M] assurera le suivi de la gestion du personnel composant le personnel dont il a la charge, tant sur le plan administratif que disciplinaire.
Il devra cependant se référer aux représentants légaux pour toute sanction disciplinaire ou tout licenciement.
(...)'
Il résulte par ailleurs d'un email adressé par M. [R] [J], Directeur Administratif et Financier au sujet de la rupture de la période d'essai de M. [K] [D], l'appréciation suivante: '[P] n'a pas la délégation pour le faire sans aval de sa hiérarchie, mais il l'a fait historiquement je pense sans aval écrit'.
Il en résulte par conséquent que M. [M] a bénéficié jusqu'au mois de mai 2021, d'une large délégation de pouvoirs dans la gestion du personnel placé sous sa responsabilité à laquelle l'employeur a souhaité apporter des correctifs. Le retrait du suivi de chantiers est également constant. Ces éléments sont de nature à laisser supposer une situation de harcèlement moral, en sorte qu'il appartient à l'employeur de démontrer que ses décisions sont étrangères à toute situation de harcèlement moral.
Les intimés se réfèrent aux termes du contrat de travail du salarié et à son annexe 3 pour soutenir que M. [M] n'a jamais eu de pouvoir disciplinaire sur ses collaborateurs ce qui est effectivement conforme aux termes de son contrat.
Les intimés soutiennent que l'employeur a été contraint de prendre des mesures destinées à redresser la situation compte tenu des carences de M. [M] dans le suivi et la planification des chantiers de son secteur d'activité et que la revue des chantiers en difficulté sur le secteur de M. [M] a révélé l'existence de dérives à hauteur de 70 000 euros HT sur le seul mois de mai 2021. Ils indiquent que l'employeur avait initié une procédure disciplinaire avant que le salarié ne prenne acte de la rupture de son contrat de travail.
Les intimés produisent, pour illustrer les dites carences, les pièces n°14 et 15:
- un message de M. [R] [J] à M. [M], exprimant son insatisfaction quant aux éléments demandés aux salariés en vue d'une planification, dans le cadre d'un audit, dans les termes suivants:
" (...)
La non production, malgré les rappels qui t'ont été faits, de ces éléments dans le format demandé constitue une obstruction majeure à ce travail d'audit, tu es responsable des conséquences de cette obstruction."
- plusieurs messages, tous datés du 11 mai 2021, relatifs à des dérives de coûts sur différents chantiers;
- un message daté du 12 mai 2021 adressé par un client pour signaler des désordres en attente de réparation, indiquant: " nous habitons la maison depuis 2 semaines mais nous n'avons toujours pas signé le PV de réception car les finitions ne sont pas faites, merci de faire le nécessaire si possible..."
La cour observe que les intimés ne produisent ni l'audit auquel il est fait allusion, ni aucun élément chiffré ou statistique permettant d'objectiver les carences invoquées à l'occasion de quelques emails portant sur une courte période de quelques jours en mai 2021. Ces éléments ne sont pas de nature à justifier que le retrait effectif de responsabilités de M. [M] sur le suivi des chantiers qui lui étaient confiés relève de décisions étrangères à tout harcèlement moral.
En l'absence de ces justifications, le harcèlement moral est caractérisé à l'encontre de M. [M] qui sera indemnisé par la somme de 5 000 euros à titre de dommages-intérêts.
O) Sur le manquement de l'employeur à son obligation de sécurité:
Le salarié soutient que l'employeur, tenu d'une obligation de sécurité de résultat en matière de protection de la santé et de la sécurité des travailleurs, manque à cette obligation lorsqu'un salarié est victime, sur le lieu de travail, d'agissements de harcèlement moral ou sexuel exercés par l'un ou l'autre de ses salariés, quand bien même il aurait pris des mesures en vue de faire cesser ces agissements (Cass. soc., 19 janv. 2012, n° 10-20.935 Cass. soc., 11 mars 2015, n° 13-18.603).
Les intimés s'opposent à cette demande aux motifs d'une part que les allégations du salarié sont injustifiées, d'autre part que l'appelant prétend, ce faisant, à une double indemnisation de son préjudice, sa demande étant strictement identique à celle formulée au titre du harcèlement moral.
M. [M] qui ne justifie pas d'un préjudice distinct de celui réparé au titre du harcèlement moral est débouté de cette demande d'indemnisation supplémentaire au titre du manquement de l'employeur à son obligation de santé et de sécurité.
III- Sur la rupture du contrat de travail:
Compte tenu de l'issue des litiges relatifs aux manquements retenus contre l'employeur, la prise d'acte de M. [M] qui est fondée par ailleurs sur une situation de harcèlement moral concomitante à la prise d'acte, produit les effets d'un licenciement nul.
Les intimés ne sont dés lors pas fondés à soutenir que la totalité des reproches formulés à l'endroit de la société MAT sont anciens de plusieurs années, et qu'ils ne sauraient dés lors en aucune manière venir justifier cette prise d'acte.
1°) S'agissant du calcul du salaire de référence, le salarié conclut à un salaire brut mensuel de 14 895, 96 euros outre 335, 60 euros au titre des primes de chantiers, soit un total mensuel de 15 231, 56 euros sur la base duquel il forme ses demandes.
Les intimés concluent que le salarié qui remet en cause sa rémunération forfaitaire ne peut cumuler le bénéfice de sa rémunération forfaitaire et les heures supplémentaires qu'il réclame.
Ils concluent, dans l'hypothèse où la cour prononce l'inopposabilité de la convention de forfait en jours à compter du 1er avril 2020, que le salaire moyen mensuel brut des trois derniers mois s'élève à 8 085, 03 euros selon le calcul suivant:
- Rémunération conventionnelle minimale = 3.718,00 euros bruts pour 39h hebdomadaire ;
- Prétendues heures supplémentaires sur les 3 derniers mois :
o Sur le mois de mars 2021:
Au-delà des 39h hebdomadaires comprises dans la rémunération conventionnelle, M. [M] aurait, selon son décompte, accompli 20h supplémentaires majorées à 25% et 143,5 heures supplémentaires majorées à 50%,
soit 20 x 26,36 (taux majoré à 25%) = 527,20 euros bruts +143,5 x 31,64 (taux majoré à 50%) = 4.540,34 euros représentant une rémunération mensuelle totale pour le mois de mars de 8.785,54 euros bruts.
o Sur le mois d'avril 2021
Au-delà des 39h hebdomadaires comprises dans la rémunération conventionnelle, M. [M] aurait, selon son décompte, accompli 16h supplémentaires majorées à 25% et 123,25 heures supplémentaires majorées à 50%,
soit 16 x 26,36 (taux majoré à 25%) = 421,76 euros bruts +123,25 x 31,64 (taux majoré à 50%) = 3.899,63 euros représentant une rémunération mensuelle totale pour le mois de mars de 8.039,39 euros bruts.
o Sur le mois de mai 2021
Au-delà des 39h hebdomadaires comprises dans la rémunération conventionnelle, M. [M] aurait, selon son décompte, accompli 16h supplémentaires majorées à 25% et 104 heures supplémentaires majorées à 50%, soit 16 x 26,36 (taux majoré à 25%) = 421,76 euros bruts + 104 x 31,64 (taux majoré à 50%) = 3.290,56 euros représentant une rémunération mensuelle totale pour le mois de mars
de 7.430,32 euros bruts.
***
Le salaire de référence correspond soit à la moyenne mensuelle des douze derniers mois précédant le licenciement, soit à la moyenne des trois derniers mois.
La Cour de cassation juge que la clause de forfait en jours étant inopposable au salarié, ce dernier peut prétendre à ce que les heures accomplies au-delà de la durée légale du travail soient considérées comme des heures supplémentaires et rémunérées comme telles, avec une majoration portant sur le salaire de base réel du l'employeur , en sorte que les intimés ne sont pas fondés à demander que la rémunération soit fixée sur la base du salaire minimum conventionnel.
Ainsi, le salaire de base mensuel réel de M. [M] est de:
- 6 337, 67 euros pour le mois de mars 2021
- 6 439, 75 euros pour le mois d'avril 2021
- 6 314, 18 euros pour le mois de mai 2021;
A ces montants, il convient d'ajouter les heures supplémentaires accordées, soit, conformément au calcul des intimés sus-visés:
- 5 067, 54 euros au titre du mois de mars 2021
- 4 321, 39 euros au titre du mois d'avril 2021
- 3 712, 32 euros au titre du mois de mai 2021.
Ainsi le salaire moyen des trois derniers mois avant la prise d'acte, dont il n'est pas contesté qu'il est le plus favorable au salarié, s'élève à 10 730,95 euros.
2°) sur les indemnités de rupture:
La prise d'acte produisant les effets d'un licenciement nul, le salarié peut prétendre au paiement d'une indemnité compensatrice de préavis et des congés payés afférents, ainsi qu'à une indemnité légale de licenciement calculées comme suit;
- indemnité de licenciement:
Les intimés soutiennent qu'il convient d'appliquer les dispositions conventionnelles qui prévoient que le calcul de l'indemnité de licenciement se fait sur la base de la dernière rémunération brute mensuelle.
Mais l'article R. 1234-4 du code du travail qui énonce que le salaire à prendre en considération pour le calcul de l'indemnité de licenciement est, selon la formule la plus avantageuse pour le salarié:
1° soit la moyenne mensuelle des douze derniers mois précédant le licenciement (...)
2° soit le tiers des trois derniers mois (...), plus favorable au salarié, doit recevoir application, en sorte que le salaire à retenir pour le calcul de l'indemnité de licenciement est de 10 730, 95 euros.
Les modalités de calcul sont en revanche celles de l'indemnité conventionnelle soit : (10 730, 95 x 0,3 x 10 ans) + ( 10 730, 95 x 0,6 x 5 ans).
L'indemnité conventionnelle de licenciement due à M. [M] est donc de: 64 385,70 euros.
- L'indemnité compensatrice de préavis est de trois mois, soit la somme de 32 192, 85 euros.
3°) Sur les dommages- intérêts:
En application des dispositions de l'article L.1235-3-1 du code du travail, M. [M] ayant eu une ancienneté supérieure à deux ans dans une entreprise occupant habituellement 11 salariés au moins, peut prétendre, en l'absence de réintégration dans l'entreprise, à une indemnité qui ne peut être inférieure aux salaires des six derniers mois.
Compte tenu de l'effectif de l'entreprise, dont il n'est pas contesté qu'il est habituellement de plus de onze salariés, des circonstances de la rupture, du montant de la rémunération versée à M. [M] âgé de 43 ans lors de la rupture, de son ancienneté de quinze années complètes, de ce que l'intéressé justifie par la production de ses avis d'imposition au titre des années 2021, 2021 et 2023, de revenus annuels modestes, la cour estime que le préjudice résultant pour ce dernier de la rupture doit être indemnisé par la somme de 64 385,70 euros. Le jugement qui a débouté M. [M] de sa demande est infirmé en ce sens et le salarié est débouté de sa demande pour le surplus.
- Sur les demandes accessoires:
Les dépens de première instance et d'appel, suivant le principal, seront supportés par Maître [Y] [F], ès qualités.
L'équité et la situation économique respective des parties justifient qu'il ne soit pas fait application de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais en cause d'appel.
PAR CES MOTIFS
La cour,
Statuant contradictoirement et publiquement par mise à disposition au greffe, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions de l'article 450 du code de procédure civile;
Dans la limite de la dévolution,
Confirme le jugement déféré en ce qu'il a rejeté les demandes de M. [P] [M] de repositionnement dans la classification conventionnelle et de rappel de salaire subséquent, de sa demande d'indemnité au titre du travail dissimulé,
Infirme le jugement pour le surplus
Statuant à nouveau sur les chefs infirmés et y ajoutant
Dit que la prise d'acte du 31 mai 2021 de M. [P] [M] produit les effets d'un licenciement nul compte tenu d'une situation de harcèlement moral
Dit que la convention de forfait en jours de M. [P] [M] est nulle
Fixe la créance de M. [P] [M] au passif de la liquidation judiciaire de la société Maisons Avenir et Tradition aux sommes suivantes:
* 3 371, 59 euros de rappel de primes de chantiers au titre des années 2020 et 2021, outre
* 337, 16 euros au titre des congés payés afférents;
* 5 000 euros à titre de prime de chiffre d'affaires pour l'année 2019;
* 162 229,25 euros à titre de rappel d'heures supplémentaires, outre
* 16 222,92 euros de congés payés afférents.
* 91 857, 22 euros au titre de la contre partie obligatoire en repos;
* 8 195, 68 euros au titre de la prime de vacances;
* 5 000 euros à titre de dommages-intérêts pour non respect des durées maximales quotidienne et hebdomadaire de travail;
* 3 000 euros au titre de l'abondement du compte de formation
* 2 000 euros au titre du préjudice d'employabilité
* 5 000 euros de dommages-intérêts au titre du harcèlement moral .
* 64 385,70 euros à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement
* 32 192, 85 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis
* 64 385,70 euros de dommages-intérêts en réparation du préjudice résultant de la perte de l'emploi
Déboute M. [P] [M] de sa demande au titre des congés non pris;
Rappelle que les sommes allouées par la cour sont exprimées en brut ;
Dit que l'obligation de l'UNEDIC-AGS de procéder aux avances des créances garanties, compte tenu du plafond applicable, est soumise à la présentation d'un relevé par le mandataire judiciaire et à la justification par ce dernier de l'absence de fonds disponibles entre ses mains pour procéder à leur paiement;
Dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile
Condamne Maître [F], ès qualités de liquidateur de la société Les Maisons Avenir Tradition aux dépens de l'appel.
Arrêt signé par la présidente et par le greffier.
LE GREFFIER LA PRÉSIDENTE