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Décisions

CA Riom, 1re ch., 30 septembre 2025, n° 24/01621

RIOM

Arrêt

Autre

CA Riom n° 24/01621

30 septembre 2025

COUR D'APPEL

DE [Localité 6]

PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE

Du 30 septembre 2025

N° RG 24/01621 - N° Portalis DBVU-V-B7I-GICD

- DA- Arrêt n°

S.A. BANQUE POPULAIRE AUVERGNE RHONE ALPES / [X] [E], [R] [S] [Y]

Ordonnance d'incident de mise en état, origine TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de [Localité 5], décision attaquée en date du 17 Juillet 2024, enregistrée sous le n° 23/00444

Arrêt rendu le MARDI TRENTE SEPTEMBRE DEUX MILLE VINGT CINQ

COMPOSITION DE LA COUR lors du délibéré :

M. Philippe VALLEIX, Président

M. Daniel ACQUARONE, Conseiller

Mme Clémence CIROTTE, Conseiller

En présence de :

Mme Céline DHOME, greffier lors de l'appel des causes et du prononcé

ENTRE :

S.A. BANQUE POPULAIRE AUVERGNE RHONE ALPES

[Adresse 3]

[Localité 4]

Représentée par Maître Christine ROUSSEL-SIMONIN de la SELARL DIAJURIS, avocat au barreau de CLERMONT-FERRAND

Timbre fiscal acquitté

APPELANTE

ET :

M. [X] [E]

et

M. [R] [S] [Y]

[Adresse 2]

[Localité 1]

Représentés par Maître Véronique SOUEF, avocat au barreau de MONTLUCON

Timbre fiscal acquitté

INTIMES

DÉBATS :

L'affaire a été débattue à l'audience publique du 23 juin 2025, en application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant M. ACQUARONE, rapporteur.

ARRÊT : CONTRADICTOIRE

Prononcé publiquement le 30 septembre 2025 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

Signé par M. VALLEIX, président et par Mme DHOME, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

I. Procédure

Les 23 et 24 avril 2023 la Banque Populaire Auvergne Rhône Alpes a fait assigner au fond devant le tribunal judiciaire de Montluçon M. [X] [E] et M. [R] [S] [Y], en remboursement de diverses sommes empruntées.

M. [X] [E] et M. [R] [S] [Y] ont soulevé devant le juge de la mise en état la prescription de la demande de la banque, au motif de l'article 1859 du code civil, et de leur qualité d'associés de la SCI BATI LOCATION.

À l'issue des débats, par ordonnance du 17 juillet 2024, le juge de la mise en état a rendu la décision suivante :

« Nous, juge de la mise en état, statuant publiquement, contradictoirement, en premier ressort et par mise à disposition.

FAISONS droit à la fin de non-recevoir soulevée ;

JUGEONS que l'action en paiement entreprise par la Banque Populaire Auvergne Rhône-Alpes à l'encontre de Monsieur [X] [E] et de Monsieur [R] [S] [Y] est prescrite ;

DÉBOUTONS la Banque Populaire Auvergne Rhône-Alpes de l'ensemble de ses demandes ;

DISONS que la Banque Populaire Auvergne Rhône-Alpes sera tenue de procéder à la mainlevée des inscriptions d'hypothèque provisoire prises dans le présent dossier ;

REJETONS les demandes des parties sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNONS la Banque Populaire Auvergne Rhône-Alpes aux entiers dépens de l'incident. »

***

La Banque Populaire Auvergne Rhône-Alpes a fait appel de cette décision le 21 octobre 2024, précisant :

' Objet/Portée de l'appel : Appel total l'ordonnance rendue par le Tribunal judiciaire de MONTLUÇON le 17 juillet 2024, les chefs de jugements critiqués sont : - faisant droit à la fin de non-recevoir soulevée, - jugeons prescrite l'action en paiement entrepris par la BANQUE POPULAIRE AUVERGNE RHONE ALPES à l'encontre de Monsieur [X] [E] et de Monsieur [R] [S] [Y], - déboutons la BANQUE POPULAIRE AUVERGNE RHONE ALPES de l'ensemble de ses demandes, - disons que la BANQUE POPULAIRE AUVERGNE RHONE ALPES sera tenue de procéder à la mainlevée des inscriptions d'hypothèque provisoires prises dans le présent dossier, - condamnons la BANQUE POPULAIRE AUVERGNE RHONE ALPES aux entiers dépens de cet incident. »

Dans ses conclusions ensuite du 14 mai 2025 la Banque Populaire demande à la cour de :

« Infirmer l'ordonnance d'incident de mise en état en date du 17 juillet 2024 sur les chefs de dispositifs suivants :

Faisons droit à la fin de non-recevoir soulevée,

- Jugeons que l'action en paiement entreprise par la BANQUE POPULAIRE AUVERGNE RHÔNE ALPES à l'encontre de Monsieur [X] [E] et de Monsieur [R] [S] [Y] est prescrite,

- Déboutons la BANQUE POPULAIRE AUVERGNE RHÔNE ALPES de l'ensemble de ses demandes,

- Disons que la BANQUE POPULAIRE AUVERGNE RHÔNE ALPES sera tenue de procéder à la main levée des inscriptions d'hypothèques provisoires prises dans le présent dossier,

- Condamnons la BANQUE POPULAIRE AUVERGNE RHÔNE ALPES aux entiers dépens de l'incident.

En conséquence,

Statuer à nouveau :

Déclarer recevable la BANQUE POPULAIRE AUVERGNE RHÔNE ALPES en ses demandes formées à l'encontre de Monsieur [X] [E] et de Monsieur [R] [S] [Y] aux termes de son assignation en date du 24 avril 2023.

Débouter Monsieur [X] [E] et de Monsieur [R] [S] [Y], de leurs demandes plus amples ou contraires.

Condamner Monsieur [X] [E] et de Monsieur [R] [S] [Y], Au paiement de la somme de 2000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens. »

***

Par ordonnance du 27 mars 2025 le magistrat chargé de la mise en état a déclaré irrecevable les conclusions des intimés, et prononcé leur impossibilité de conclure.

***

L'affaire, instruite selon les modalités de l'article 906 du code de procédure civile est venue devant la cour à son audience du lundi 23 juin 2025.

II. Motifs

Les conclusions des intimés ont été déclarées irrecevables par le magistrat chargé de la mise en état suivant ordonnance du 27 mars 2025. En pareil cas, les parties dont les conclusions sont déclarées irrecevables sont réputées ne pas avoir conclu et s'être approprié les motifs du jugement ayant accueilli la fin de non-recevoir tirée de la prescription (2e Civ., 10 janvier 2019, nº 17-20.018).

Les pièces du dossier de la Banque Populaire montrent qu'elle a prêté à la SCI BATI LOCATION la somme de 153 920 EUR lors de l'acquisition par celle-ci d'un bien immobilier le 25 mars 2014, et la somme de 46 730 EUR le 20 mars 2015, s'agissant d'un prêt pur et simple garanti par une hypothèque prise sur le bien acquit le 25 mars 2014 (cf. actes authentiques, pièces nº 1 et 2).

Lors de ces actes la SCI BATI LOCATION était représentée par M. [X] [E] et M. [R] [S] [Y] « seuls associés et co-gérants ».

La SCI BATI LOCATION a été placée en liquidation judiciaire par jugement du tribunal de grande instance de Montluçon en date du 21 décembre 2017, la mesure étant confiée à un liquidateur professionnel. Cette liquidation a été publiée au BODACC « A » daté des 6 et 7 janvier 2018, annonce nº 1445.

La Banque Populaire a assigné M. [R] [S] [Y] et M. [X] [E] au fond devant le tribunal judiciaire de Montluçon les 23 et 24 avril 2023, en paiement du solde des deux prêts souscrits par la SCI BATI LOCATION.

Selon l'article 1859 du code civil, toutes les actions contre les associés non liquidateurs ou leurs héritiers et ayants cause se prescrivent par cinq ans à compter de la publication de la dissolution de la société.

Sur le fondement de ce texte, le juge de la mise en état a considéré que l'action de la banque contre les associés de la SCI BATI LOCATION était prescrite, l'assignation ayant été délivrée plus de cinq années après la mise en liquidation de la SCI BATI LOCATION. Dans les motifs de sa décision il précise qu'il n'est pas « strictement établi que ce jugement a été publié au BODACC ». La cour n'est pas en mesure de savoir quelles pièces ont été produites au juge de la mise en état, mais quoi qu'il en soit la date de la publication au BODACC du jugement de liquidation judiciaire de la SCI BATI LOCATION est maintenant connue, ce qui ne change rien au raisonnement puisqu'entre janvier 2018 et avril 2023 il s'est écoulé plus de cinq années. Le premier juge ajoute qu'aucun acte n'a valablement interrompu la prescription quinquennale de l'article 1859 du code civil.

Au soutien de sa demande d'infirmation la banque propose plusieurs arguments.

Elle fait valoir que selon l'article 1844-7-7° du code civil la société prend fin par l'effet d'un jugement ordonnant la clôture de la liquidation judiciaire pour insuffisance d'actif. Elle s'abstient cependant de produire la publication d'un tel jugement, moyennant quoi la cour n'est pas en mesure d'exercer un contrôle à ce titre. Le document INPI concernant la SCI BATI LOCATION, mis à jour le 18 mai 2024, que la banque verse à son dossier (pièce nº 7), mentionne uniquement, comme dernier événement connu, une ordonnance de la présidente du tribunal judiciaire de Montluçon en date du 26 janvier 2018 désignant un liquidateur en remplacement du précédent. À défaut de meilleures informations, cette date est éloignée de plus de cinq années de l'assignation des 23 et 24 avril 2023. Il n'est pas possible, ni encore moins raisonnable, d'étirer indéfiniment dans le temps le point de départ du délai de prescription de l'article 1859 du code civil, au prétexte d'une formalité (la clôture pour insuffisance d'actif) dont la publication est soumise aux aléas d'une procédure dont nul ne maîtrise les tenants ni les aboutissants. Cet argument n'est donc pas pertinent ; pas plus que ne l'est la référence à l'article L. 237-13 du code de commerce, qui ne s'applique pas en matière strictement civile.

La Banque Populaire fait encore valoir l'interruption de la prescription par l'effet d'une mise en demeure qu'elle a adressée le 12 décembre 2022 à M. [X] [E] et à M. [R] [S] [Y]. Or la mise en demeure n'est pas un acte interruptif de prescription.

L'appelante excipe enfin de l'article 2240 du code civil qui dispose que « la reconnaissance par le débiteur du droit de celui contre lequel il prescrivait interrompt le délai de prescription », et d'une lettre que le conseil des consorts [R] [S] [Y] et [X] [E] lui adresse le 23 décembre 2022, en réponse à sa mise en demeure du 12 décembre, où cet avocat écrit :

Je viens vers vous en ma qualité de conseil de Messieurs [R] [Y] et [X] [E].

Ces derniers me remettent la copie de la mise en demeure adressée le 12 décembre 2022 à chacun d'eux.

Mes clients prennent d'ores et déjà des dispositions pour procéder au règlement de ce qui leur est réclamé.

Dans un premier temps, ils envisagent de procéder par règlement de 800 euros par mois, les règlements s'imputant en priorité sur le capital restant dû.

Pouvez-vous me faire suivre un RIB pour mettre en place ce virement [']

Or à l'évidence par cette lettre, qui émane du mandataire de M. [R] [S] [Y] et de M. [X] [E], ceux-ci reconnaissent expressément la créance que la banque avait exprimée et détaillée de manière très claire dans sa lettre de mise en demeure du 12 décembre 2022, étant précisé que ce document fait bien référence aux deux prêts ci-dessus de 153 920 EUR et de 46 730 EUR.

Cette reconnaissance du droit de la banque le 23 décembre 2022 a donc interrompu la prescription quinquennale qui courait en vertu de l'article 1859 du code civil (cf. 2e Civ., 9 janvier 2014, nº 12-28.272). En conséquence, lorsqu'elle a fait délivrer ses assignations les 23 et 24 avril 2023, la banque n'était pas prescrite en ses demandes.

En conséquence, l'ordonnance sera infirmée.

Il n'est pas inéquitable que la Banque Populaire garde ses frais irrépétibles.

M. [R] [S] [Y] et M. [X] [E] supporteront ensemble les dépens d'appel.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement et par arrêt contradictoire,

Infirme l'ordonnance ;

Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile ;

Déclare recevables les demandes formées par la BANQUE POPULAIRE AUVERGNE RHONE ALPES contre M. [X] [E] et M. [R] [S] [Y], suivant assignation des 24 et 25 avril 2023 ;

Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne M. [X] [E] et M. [R] [S] [Y] aux dépens d'appel.

Le greffier Le président

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