CA Montpellier, ch. com., 30 septembre 2025, n° 25/00612
MONTPELLIER
Arrêt
Autre
PARTIES
Demandeur :
CONSEIL NATIONAL DES BARREAUX
Défendeur :
X
ARRÊT n°
Grosse + copie
délivrées le
à
COUR D'APPEL DE MONTPELLIER
Chambre commerciale
ARRET DU 30 SEPTEMBRE 2025
Numéro d'inscription au répertoire général :
N° RG 25/00612 - N° Portalis DBVK-V-B7J-QRE5
Décision déférée à la Cour :
Jugement du 25 NOVEMBRE 2024
TRIBUNAL DE COMMERCE DE MONTPELLIER
N° RG 2023023364
APPELANTE :
CONSEIL NATIONAL DES BARREAUX établissement d'intérêt public pris en la personne de son représentant légal en exercice
[Adresse 1]
[Localité 5]
Représentée par Me Alexandre SALVIGNOL de la SARL SALVIGNOL ET ASSOCIES, avocat au barreau de MONTPELLIER, postulant et Me Jean-Marie CHABAUD, avocat au barreau de NIMES, plaidant
INTIMEES :
Madame [E] [X] ÉPOUSE [T]
née le [Date naissance 2] 1979 à [Localité 8]
de nationalité française
[Adresse 3]
[Localité 7]
Représentée par Me Emilie GUEGNIARD, avocat au barreau de MONTPELLIER
S.A.S. NT&CO Prise en la personne de son représentant légal en exercice, domiciliée ès qualités audit siège
[Adresse 3]
[Localité 7]
Représentée par Me Emilie GUEGNIARD, avocat au barreau de MONTPELLIER
Ordonnance de clôture du 24 juin 2025
COMPOSITION DE LA COUR :
En application de l'article 914-5 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 01 juillet 2025, en audience publique, le magistrat rapporteur ayant fait le rapport prescrit par le même article, devant la cour composée de :
Mme Danielle DEMONT, présidente de chambre
M. Thibault GRAFFIN, conseiller
M. Fabrice VETU, conseiller
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Mme Gaëlle DELAGE
Ministère public :
L'affaire a été communiquée au ministère public.
ARRET :
- Contradictoire
- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;
- signé par Mme Danielle DEMONT, présidente de chambre, et par Mme Gaëlle DELAGE, greffière.
*
* *
FAITS et PROCEDURE
La SAS Nt & Co a été immatriculée le 28 juillet 2021 au registre du commerce et des sociétés d'Avignon. Elle est présidée par Mme [E] [X], avocate inscrite au barreau d'Avignon.
Aux termes de l'article 2 de ses statuts :
« La société a pour objet le Conseil juridique digitalisé.
C'est une société legaltech qui utilise les technologies de l'information et de la communication pour automatiser des services juridiques.
La société confectionne des actes juridiques ainsi que le remplissage de certains documents administratifs.
La vente d'acte juridique.
La formation et toutes activités liées au conseil juridique.
Et plus généralement, toutes opérations industrielles commerciales, financières, mobilières et immobilières se rattachant à l'objet social ou susceptibles d'en faciliter l'extension ou le développement. »
Le 27 juillet 2021, questionnée par l'ordre des avocats du barreau d'Avignon, Mme [Z] [C], avocate associée de la société Nt & Co, a répondu que l'activité de cette société relevait des services annexes autorisés aux avocats au titre des dispositions de l'article 111 du décret du 27 novembre 1991.
Le 25 novembre 2021, le bâtonnier de l'ordre des avocats du barreau d'Avignon a fait connaitre à la société Co Nt & son désaccord, et saisi le même jour le Conseil National des Barreaux (CNB) en vue d'une action contre la société commerciale, laquelle ne relève pas de son Ordre.
Le 6 décembre 2021, l'ordre des avocats a fait constater par huissier le contenu du site internet de la société Nt & Co.
Déplorant que les engagements de correction des statuts et pratiques n'aient pas été tenus, le bâtonnier Courbet dans une lettre du 1er juillet 2022 les a rappelées à la présidente de la société, Mme [X].
Une lettre recommandée avec accusé de réception a été envoyée par la CNB à la société Nt & Co le 29 septembre 2022 pour exposer l'irrégularité de la situation, avec mise en demeure d'avoir à y remédier.
Celle-ci a répondu le 3 octobre 2022 vouloir se conformer aux prescriptions du CNB, et changer le nom du site « SOS AVOCATS » en « SOS à vos droits » et céder les noms de domaine sosavocat.fr et sosavocat-famille.fr à la société d'avocats PRAETEOM.
Par lettre du 3 novembre 2022 le CNB s'en est réjoui, tout en rappelant que l'article 111 du décret du 27 novembre 1991 organisant la profession d'avocat n'autorise l'avocat à exercer des fonctions dirigeantes dans une société à objet commercial qu'à la condition que ces sociétés commercialisent des biens et services connexes à l'exercice de la profession destinés à des clients ou à d'autres membres de la profession, en lui demandant de l'informer de la date de dépôt au greffe du tribunal de commerce d'Avignon des statuts modifiés de la société Nt & Co, et en lui signalant que le logo représentant une figurine vêtue d'une robe d'avocat pouvait porter à confusion auprès des usagers en leur laissant croire que le site est exploité par une société d'avocats.
Aucune suite n'étant donnée, le barreau a procédé à une ultime mise en demeure le 10 février 2023.
Puis par exploit du 30 octobre 2023, le CNB a assigné la SAS & Co et Mme [X] pour voir juger illicite l'objet social de cette société et prononcer sa dissolution judiciaire.
Par jugement contradictoire du 25 novembre 2024, le tribunal de commerce de Montpellier a :
dit que les ajustements réalisés par la société Nt & Co répondent aux exigences de conformité de la loi et de la déontologie de la profession d'avocat ;
jugé la demande de nullité pour illicéité de l'objet social sans fondement ;
rejeté la demande de dommages et intérêts de la société Nt & Co pour procédure abusive ;
et condamné le Conseil National des Barreaux à payer 1 500 euros à la société Nt & Co en application de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.
Par déclaration du 29 janvier 2025, le Conseil national des barreaux a relevé appel de ce jugement.
Par conclusions du 20 mai 2025, il demande à la cour, au visa des articles 6, 1833, 1844-7, 1844-10, 1844-15 du code civil, de l'article L.235-3, L. 227-8, L.225-249 et L.225-251 du code de commerce et des articles 21-1 et 54 de la loi du 31 décembre 1971 :
d'infirmer le jugement déféré ;
statuant à nouveau
de illicite juger l'objet social de la société NT & Co ;
en conséquence,
de prononcer la nullité de la société NT & Co,
de juger que la société prend fin par cette annulation du contrat de société la fondant ;
de prononcer la dissolution judiciaire de la société,
d'ouvrir ses opérations de liquidation,
de désigner tel liquidateur qu'il plaira à la cour d'appel pour conduire ces dernières ;
de juger responsable de ces manquements au titre d'une faute détachable de ses fonctions de présidente de la société par actions simplifiée, Mme [E] [X],
en conséquence, de la condamner in solidum avec la société NT & Co à :
lui payer une somme de 1 euro à titre de dommages et intérêts,
publier, sur une demie-page, à ses frais dans les journaux le Midi Libre, la Provence et le Dauphiné Libéré la mention suivante : « Par décision de la cour d'appel de Montpellier en date du JJ/MM/AAAA, il a été décidé de la nullité et de la dissolution subséquente de la société NT & Co, exploitante du site https://sosavosdroits.fr/, pour illicéité de son objet social portant atteinte aux règles de l'exercice du droit et violation des dispositions de l'article 54 de la loi du 31 décembre 1971. Sa présidente, Mme [E] [X] étant condamnée in solidum avec la société à payer une somme de 1 euro à titre de dommage et intérêts au Conseil National des Barreaux, outre une somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile. Les opérations de liquidation de la société sont en cours et confiée à Maître XXX, dont l'étude est sise à XXXX. »
interrompre le fonctionnement du site https://sosavosdroits.fr/ sous astreinte de 3 000 euros par infraction constatée,
condamner in solidum, Mme [E] [X] et la société NT & Co au paiement des dépens et d'une somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Par conclusions du 23 avril 2025, la société Nt & Co et Mme [X] demandent à la cour :
de confirmer le jugement déféré en ce qu'il a débouté le Conseil National des Barreaux de toutes ses demandes et l'a condamné à des frais irrépétibles et dépens ;
d'infirmer la décision déférée en ce qu'elle les a déboutées de leur demande de dommages et intérêts.
en conséquence,
de débouter le Conseil National des Barreaux de l'ensemble de ses demandes ;
de le condamner à leur payer la somme de 5 000 euros chacun à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive ;
y ajoutant
et de le condamner à leur payer la somme de 2 500 euros au titre des frais irrépétibles ainsi qu'aux entiers dépens.
Il est renvoyé, pour l'exposé exhaustif des moyens des parties, aux conclusions susvisées, conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.
Par avis du 10 février 2025 communiqué aux autres parties par RPVA, le ministère public s'en été rapporté à l'appréciation de la cour.
L'ordonnance de clôture est datée du 24 juin 2025.
Le ministère public a conclu à nouveau, après clôture, le 30 juin 2025 en demandant l'infirmation du jugement du tribunal de commerce de Montpellier et la dissolution de la société la SAS NT & Co ( avec désignation de liquidateur, annonce légale de dissolution, fermeture du site sosavosdroits sous astreinte de 1000 € par jour de retard à compter d'un délai d'un mois,) comme contraire à l'ordre public par son objet social illicite, la délivrance des conseils juridiques et de consultations personnalisées étant exclusivement réservée aux avocats inscrits au barreau.
Il ajoute qu'une société commerciale par le biais d'un site Internet ouvert au public ne saurait, directement ou indirectement, se substitue à l'exercice de cette profession réglementée et induire gravement le public confusion, étant relevé que la modification ultérieure de l'objet social, sans que l'on sache
exactement ce qu'il en est de la pratique actuelle induite par ledit site, ne saurait dissiper cette grave ambiguïté constitutive.
Il relève cependant que la demande du CNB de publication dans la presse paraît toutefois excessive, inopérante, et non vraiment justifiée.
Ces conclusions étant tardives, les parties à l'audience des plaidoiries ont été invitées à en prendre connaissance, et ont été autorisées à déposer une note en délibéré ce dont elles se sont abstenues.
MOTIFS
Sur l'interprétation de l'article 1844-1 du code civil
Le Conseil national des barreaux (CNB) fait valoir au soutien de son appel les moyens suivants :
' La SAS Nt & Co qui a été immatriculée au registre du commerce et des sociétés d'Avignon le 28 juillet 2021 n'est pas une société d'avocats ; elle n'est donc pas inscrite au tableau d'un ordre d'avocat ;
' l'article 2 des statuts lui confère une activité de délivrance à titre habituel et rémunérée de conseils et d'avis juridiques personnalisés à ses clients, ce qui enfreint les dispositions des articles 54 et suivants de la loi numéro 71-1130 du 31 décembre 1971, de sorte que sous couvert d'une société commerciale, non inscrite à l'ordre des avocats, avec des associés non-avocats, il s'agit d'exercer la profession principale d'avocat au mépris de l'article 22 du code de déontologie des avocats (anciennement article 111 du décret du 27 novembre 1991) ;
' la date certaine du dépôt au greffe du tribunal de commerce d'Avignon des statuts modificatifs est le 27 mai 2024, et non le 28 novembre 2023 contrairement à ce qui est soutenu par les intimées, les rendant opposable aux tiers, dont le CNB requérant, alors que l'assignation et du 30 octobre 2023 ;
' en toute hypothèse, aucune régularisation opposable aux tiers n'est intervenue avant l'assignation, d'autant que la nullité ne peut être couverte ou régularisée en application des dispositions concordantes des articles L235-3 du code de commerce et 1844-11 du code civil ; le tribunal dans les motifs du jugement déféré s'est en effet mépris sur la portée de cet article 1844-11, dans la mesure où le texte ne concerne pas une prescription, mais instaure une impossibilité de régulariser a posteriori l'assignation, de sorte que la nullité ne peut être ni couverte, ni régularisée ou ratifiée ;
' le CNB n'est pas convenu de la conformité aux prescriptions de l'objet social « tel que régularisé », contrairement à ce qui a été dit par le tribunal judiciaire ;
' la Cour de cassation décide que "la nullité d'une société tenant au caractère illicite ou contraire à l'ordre public de son objet doit s'entendre comme visant exclusivement l'objet de la société tel qu'il est décrit dans l'acte de constitution ou dans les statuts" (Cass.com, 10 novembre 2015 numéro 14-18.179) ;
' enfin l'activité réelle exercée par la société la SAS NT & Co tant avant, qu'après le 27 mai 2024, est hors sujet ;l'objet du contentieux n'est pas celui de l'exercice illégal ou non de la profession d'avocat, mais celui de l'illicéité de l'objet social de la société Nt & Co.
La société Nt & Co et Mme [E] [X] répondent que :
' le CNB ne rapporte pas la preuve de la réalité de ses griefs au jour de la saisine en contradiction avec l'article 6 du code de procédure civile et avec l'article 1353 du code civil, les statuts de la société ayant été modifiés le 30 décembre 2022, soit avant même l'assignation du CNB le 30 octobre 2023, la modification ayant été publiée le 28 novembre 2023 ;
' la demande du Conseil national des barreaux est sans objet, la régularisation étant intervenue une année avant l'introduction de la procédure, de sorte que la demande n'a plus de cause ; l'objet social avait un caractère totalement licite dès le 30 décembre 2022 ;
' une deuxième publication a été faite au regard de l'insistance du Conseil national des barreaux à faire comme si de rien n'était ;
' le CNB doit agir sur les activités réellement exercées par la société, et non sur le contenu de son objet social ;
' la société Nt & Co a été fondée dans le respect des dispositions de l'article 22 du code de déontologie autorisant les avocats à créer des structures commerciales pour des services « connexes » et « accessoires » à l'exercice du droit, selon les termes de l'article 111 du décret du 27 novembre 1991 organisant la profession d'avocat ;
' le site « SOS à vos droits » propose aux utilisateurs une mise en relation avec des avocats pour des consultations directes, mais la société Nt & Co n'intervient pas elle-même dans la délivrance de conseils personnalisés ;
' ses activités sont compatibles avec les recommandations de l'assemblée générale du Conseil national des barreaux d'octobre 2018 selon lesquelles les services de Legal Tech et de numérisation des services juridiques sont admissibles à condition qu'ils se limitent à un rôle d'assistance non juridique directe ;
' il appartient à la CNB, qui produit des documents non probants largement antérieurs, de démontrer qu'au jour de son assignation du 30 octobre 2023, l'objet social était illicite ;
' le seul critère applicable est celui de l'activité réellement exercée, et non l'objet social déclaré ;
' en définitive, le CNB ne comprend rien à la modernité.
SUR CE, LA COUR
Aux termes de l'article 2 des statuts de la société Nt & Co, dont le contenu est déjà repris supra :
« La société a pour objet le Conseil juridique digitalisé.
C'est une société legaltech qui utilise les technologies de l'information et de la communication pour automatiser des services juridiques.
La société confectionne des actes juridiques ainsi que le remplissage de certains documents administratifs.
La vente d'acte juridique.
La formation et toutes activités liées au conseil juridique.
Et plus généralement, toutes opérations industrielles commerciales, financières, mobilières et immobilières se rattachant à l'objet social ou susceptibles d'en faciliter l'extension ou le développement. (sic)»
L'article 2 des statuts confère ainsi à la SAS Nt & Co une activité de délivrance d'avis juridiques personnalisés à ses clients, ce que Me [X], avocate présidente de ladite société avait paru admettre dans sa lettre du 3 octobre 2022 par laquelle celle-ci indiquait changer le nom du site « SOS AVOCATS » en « SOS à vos droits » et céder les noms de domaine sosavocat.fr et sosavocat-famille.fr à la société d'avocats PRAETEOM ' ce dont au demeurant il n'est pas été justifié par ses productions ', et vouloir se conformer aux prescriptions du CNB.
Le CNB est donc fondée à soutenir que sous couvert d'une société commerciale, non inscrite à l'ordre des avocats, il s'agit d'exercer la profession principale d'avocat enfreignant les dispositions des articles 54 et suivants de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 relative à la profession d'avocat, et de l'article 22 du code de déontologie des avocats (anciennement article 111 du décret du 27 novembre 1991).
Les intimées soutiennent que l'activité de Nt & Co a été conçue comme une activité connexe à l'exercice de la profession d'avocat de Mme [X] au sens de l'article 111 du décret de 1991.
Le moyen tiré de ce qu'un avocat peut, en vertu de l'article 111, solliciter, à titre dérogatoire, d'exercer une activité de nature commerciale connexe à celle d'avocat doit dès lors être écarté, la SAS NT & Co n'étant pas une société d'avocats.
De surcroît cet article prévoit que l'avocat, qui veut exercer une activité connexe, présente une demande de dérogation dans les 30 jours au conseil de l'ordre, ce qui n'est en rien le cas d'espèce.
L'objet de la société étant illicite au regard des textes supra, il convient d'examiner si la modification des statuts, publiée après l'engagement de l'action par le CNB, a pu régulariser la situation de la société et valider le contrat de société.
Le tribunal judiciaire énonce en ses motifs que si l'article 1844-11 du code civil exclut la prescription de l'action en nullité lorsqu'elle concerne le caractère illicite de l'objet social, il ne préjugerait pas du bien-fondé de l' action en nullité, de sorte que si la cause illicite n'est pas prescrite, il serait néanmoins possible d'écarter la demande d'annulation du contrat de société, en constatant que la cause d'illicéité a disparu au jour où le juge statue, quand les statuts ont été régularisés après l'assignation.
Or l'article 1844-11 du code civil énonce que « L'action en nullité est éteinte lorsque la cause de la nullité a cessé d'exister le jour où le tribunal statue sur le fond en première instance, sauf si cette nullité est fondée sur l'illicéité de l'objet social », ce qui signifie que lorsque la cause de nullité a cessé d'exister le jour où le tribunal statue sur le fond, l'action en nullité s'éteint, sauf lorsque la cause de nullité est fondée sur l'illicéité de l'objet social, ce qui est le cas de la SAS NT & Co .
Le CNB soutient à bon droit que le caractère illicite de l'objet social s'appréciant au moment de la création de la société, et non a posteriori, de sorte que la modification postérieure des statuts de la société est inopérante à cet égard.
Le tribunal ne pouvait pas davantage retenir que selon les prescriptions du CNB dans son rapport présenté à l'assemblée générale des 5 et 6 octobre 2018, la licéité d'une société doit être appréciée au regard de son activité réelle, et non de la formulation initiale de son objet social, dans la mesure où la jurisprudence invoquée concerne une société dont l'objet social officiel été licite, mais la société avait été créée pour pouvoir engager à des recours abusifs contre des permis de conduire afin de rançonner les promoteurs. En dépit de cette activité réelle illicite, la nullité du contrat de société a été écartée, puisque leur objet social officiel était licite, ce qui n'est absolument pas le cas d'espèce.
Le jugement qui a rejeté à tort les demandes en nullité du contrat de société et dissolution judiciaire de la SAS NT & Co sera réformé.
Sur la responsabilité personnelle de la dirigeante
Le CNB reproche à la présidente de la SAS NT & Co, Mme [X], d'avoir commis une faute détachable de ses fonctions.
Il plaide utilement que celle-ci a usé de tous les atermoiements possibles ; que modification des statuts, en réalité inopérante, dont la société entend se prévaloir ayant été effectuée très tardivement puisque l'objet social de la société n'a été effectivement modifié que près de 18 mois après que Mme [X] s'y fut engagée, près d'une année supplémentaire étant nécessaire pour que cette modification donne lieu à publication ; que l'article L227-8 du code de commerce dispose que les règles fixant la responsabilité des dirigeants des sociétés anonymes sont applicables aux dirigeants de la SAS et l'article L225-249 qui renvoie à ces dispositions prévoit que les fondateurs de la société auxquels la nullité est imputable peuvent être déclarés solidairement responsable du dommage résultant pour les actionnaires ou pour les tiers de l'annulation de la société ; l'article L221-251 dit que la faute permettant aux tiers d'agir contre les dirigeants doit revêtir un caractère détachable ou plus exactement séparable de ses fonctions : soit celle commise intentionnellement et qui est par ailleurs d'une particulière gravité la rendant incompatible avec l'exercice normal des fonctions sociales ; et que le conseil national des barreaux exerce à bon droit tous les droits réservés à la partie civile relativement aux faits portant un préjudice direct ou indirect à l'intérêt collectif de la profession d'avocat.
En effet Mme [X], qui est à la fois fondatrice de la société dirigeante au moment de l'action, a commis des fautes personnelles détachables de son activité de dirigeante, en ce qu'elle a feint de comprendre les exigences et vouloir respecter les préconisations du CNB, alors qu'en réalité elle ne partageait pas son analyse de l'illicéité de l'objet social de la société la SAS NT & Co, ce que ces écritures appel révèlent encore, lesquelles contredisent la correspondance entretenue avec le CNB, et alors que Mme [X] entendait poursuivre l'activité irrégulièrement exercée.
Il convient de faire droit à la demande indemnitaire de la CNB tendant à l'octroi de la somme d'un euro en réparation du préjudice moral causé par ces agissements peu confraternels.
Compte tenu de la faute personnelle retenue à l'égard de Mme [X], celle-ci sera condamnée solidairement avec la société la SAS NT & Co à la fermeture sous astreinte du site Internet sosavosdroits laquelle induit une grave et dommageable confusion dans l'esprit du public le public avec l'exercice de la profession réglementée d'avocat.
Compte tenu du sens du présent arrêt, la demande des intimées tendant à l'octroi de dommages-intérêts pour procédure abusive ne saurait prospérer.
PAR CES MOTIFS
La cour,
nfirme le jugement déféré en toutes ses dispositions ;
Statuant à nouveau et ajoutant
Déclare illicite l'objet social de la société par actions simplifiées NT & Co ;
Prononce la nullité du contrat de société de la SAS NT & Co,
Prononce la dissolution judiciaire de la SAS NT & Co ;
Ordonne l'ouverture des opérations de liquidation de la SAS NT & Co ;
Désigne en qualité de liquidateur :
La SELARL Etude Balincourt en la personne de Me [U] [W], mandataire judiciaire, [Adresse 4]
[Courriel 6]
04 32 76 87 20
Dit que Mme [E] [X] a commis une faute détachable de ses fonctions de présidente de la société par actions simplifiée NT & Co,
La condamne in solidum avec la société NT & Co à payer au Conseil national des barreaux (CNB) la somme d' un euro à titre de dommages et intérêts ;
Rejette la demande de publication dans les journaux le Midi Libre, la Provence et le Dauphiné Libéré ;
Ordonne la fermeture du site https://sosavosdroits.fr/ dans le délai d'un mois à compter de la signification du présent arrêt est passé ce délai sous astreinte de 3 000 euros par infraction dûment constatée par procès-verbal de commissaire de justice ;
Condamne in solidum Mme [E] [X] et la société NT & Co à payer au CNB la somme d'un euro à titre de dommages-intérêts ;
Déboute Mme [E] [X] et la société NT & Co de leur demande reconventionnelle tendant à l'octroi de dommages-intérêts pour procédure abusive ;
Condamne in solidum Mme [E] [X] et la société NT & Co au paiement des dépens de première instance et d'appel ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de Mme [E] [X] et de la SAS NT & Co et les condamne in solidum à payer au conseil national des barreaux (CNB) la somme de 5000€.
La greffière La présidente