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Décisions

CA Toulouse, 2e ch., 30 septembre 2025, n° 23/03101

TOULOUSE

Arrêt

Autre

CA Toulouse n° 23/03101

30 septembre 2025

30/09/2025

ARRÊT N°2025/334

N° RG 23/03101 - N° Portalis DBVI-V-B7H-PVJE

VS AC

Décision déférée du 11 Juillet 2023

TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de TOULOUSE

( 20/01385)

M GUICHARD

[ZD] [J]

[F] [J] épouse [G]

S.A.S. ESA JY

C/

[K] [O] épouse [W]

[S] [GC]

[V] [D] épouse [P]

[EB] [D]

[R] [D] épouse [I]

[N] [W]

[U] [D]

S.E.L.A.R.L. EGIDE

CONFIRMATION

Grosse délivrée

le

à

Me Julia BONNAUD-CHABIRAND

Me Hélène CAPELA

Me Gilles SOREL,

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

***

COUR D'APPEL DE TOULOUSE

2ème chambre

***

ARRÊT DU TRENTE SEPTEMBRE DEUX MILLE VINGT CINQ

***

APPELANTQ

Monsieur [ZD] [J]

[Adresse 5]

[Localité 17]

Représenté par Me Julia BONNAUD-CHABIRAND, avocat postulant au barreau de TOULOUSE et par Me Pierre DARBON, avocat plaidant au barreau de TOULOUSE

Madame [F] [J] épouse [G]

[Adresse 3]

[Localité 11]

Représenté par Me Julia BONNAUD-CHABIRAND, avocat postulant au barreau de TOULOUSE et par Me Pierre DARBON, avocat plaidant au barreau de TOULOUSE

S.A.S. ESA JY Prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège social

[Adresse 3]

[Localité 11]

Représenté par Me Julia BONNAUD-CHABIRAND, avocat postulant au barreau de TOULOUSE et par Me Pierre DARBON, avocat plaidant au barreau de TOULOUSE

INTIMEES

Madame [K] [O] épouse [W]

[Adresse 16]

[Localité 13]

Représentée par Me Hélène CAPELA, avocat au barreau de TOULOUSE

Madame [S] [GC]

[Adresse 18]

[Localité 19]

Non représentée

Madame [V] [D] épouse [P]

[Adresse 1]

[Localité 21]

Représentée par Me Jérôme CARLES de la SCP CAMILLE ET ASSOCIES, avocat au barreau de TOULOUSE

Monsieur [EB] [D]

[Adresse 22]

[Localité 2]

Représenté par Me Gilles SOREL, avocat au barreau de TOULOUSE

Madame [R] [D] épouse [I]

[Adresse 8]

[Localité 12]

Représentée par Me Gilles SOREL, avocat au barreau de TOULOUSE

Monsieur [N] [W]

[Adresse 16]

[Localité 13]

Représenté par Me Hélène CAPELA, avocat au barreau de TOULOUSE

Madame [U] [D]

[Adresse 23]

[Adresse 23]

[Localité 14]

Représentée par Me Gilles SOREL, avocat au barreau de TOULOUSE

S.E.L.A.R.L. EGIDE Prise en la personne de Maître [H] [L] en qualité de liquidateur de la SCI DU [Adresse 9], [Adresse 15]

[Localité 11]

Non représentée

S.E.L.A.R.L. AJILINK [VN] Prise en la personne de Maître [KE] [VN], en qualité d'administrateur ad hoc de la SCI DU [Adresse 9]

Non représentée

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 805 et 907 du Code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 27 Mai 2025, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant V. SALMERON, Présidente chargée du rapport et S.MOULAYES, conseillère.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

V. SALMERON, présidente

S. MOULAYES, conseillère

M. NORGUET, conseillère

Greffier, lors des débats : A. CAVAN

ARRET :

- réputé contradictoire

- prononcé publiquement par mise à disposition au greffe après avis aux parties

- signé par V. SALMERON, présidente, et par A. CAVAN, greffier de chambre

Exposé des faits et procédure :

Par acte authentique de Maître [X], notaire à [Localité 11], en date des 4 et 9 juillet 1979, enregistré à la recette des impôts de [Localité 11] Est le 10 août 1979, la société civile immobilière du [Adresse 9] (ci-après la société) a été constituée pour une durée de cinquante ans avec pour objet la détention et gestion d'un bien immobilier situé à la même adresse.

Le capital social de la société est composé de 2 000 parts sociales, de 1 000 francs chacune, historiquement réparti entre deux lignées familiales d'associés, à savoir la famille [D] et la famille [J], la répartition des lignées étant faite à parts égales.

À cette époque, [T] [D] a été nommé gérant dans les statuts de la société.

Le 2 octobre 1979, la Sci du [Adresse 9] a été immatriculée auprès du registre du commerce et des sociétés de Toulouse.

Le 1er janvier 1997, le bien immobilier a été loué à la société Flunch.

Lors d'une assemblée générale extraordinaire en date du 18 avril 2002, Messieurs [TE] [J] et [Z] [D] ont été nommés co-gérants de la Sci du [Adresse 9] pour une durée indéterminée. Cette nomination a été intégrée dans les statuts.

Messieurs [TE] [J] et [Z] [D] sont décédés respectivement les [Date décès 4] 2009 et le [Date décès 10] 2018.

Les statuts de la Sci du [Adresse 9] n'ont pas été modifiés suite aux décès des co-gérants.

[K] [O] épouse [W] est l'héritière de [B] [D], décédée le [Date décès 7] 2019, laquelle possédait au 18 avril 2022, 334 parts en pleine propriété et 104 parts en usufruit.

Il en va de même pour [S] [GC].

[V], [EB] et [R] [D] sont les enfants de [Z] [D] et détiennent chacun 160 parts en pleine propriété et 76 parts en usufruit.

Une difficulté est survenue lorsque [K] [O] épouse [W] a exposé que suite aux décès des gérants statutaires, elle n'avait pas pu notifier à la société le décès, de sorte qu'elle n'a pas pu demander, en conformité avec l'article 13 des statuts de la société, son agrément en qualité de nouvelle associée.

En 2018, une seconde difficulté s'est posée lorsque la société Flunch, locataire de l'immeuble objet de la Sci du [Adresse 9], a annoncé son départ. Monsieur [ZD] [J] a alors porté un projet de démolition avec reconstruction qui a été refusé par la famille [D].

Après le départ de la locataire, l'immeuble est demeuré vacant.

[K] [O] [W] a alors saisi le tribunal judiciaire de Toulouse selon assignation délivrée le 6 mars 2020 afin de solliciter la dissolution et la liquidation de la société arguant d'une paralysie de la Sci du [Adresse 9].

[V] [D] a engagé une procédure de retrait statutaire de la société, et a procédé, selon exploit délivré le 26 janvier 2021, à l'intervention forcée de la société civile immobilière du [Adresse 9].

Par ordonnance du 31 mai 2022, le juge de la mise en état a désigné Maître [VN] comme administrateur ad'hoc chargé de représenter la société dans la procédure.

À ce jour, les 1000 parts de la famille [J] sont détenues par la société civile immobilière Esa Jy .

Par jugement du 11 juillet 2023, le tribunal judiciaire de Toulouse a :

jugé que la société n'est pas dépourvue de gérant,

débouté Mesdames [W] et [GC] de leurs demandes de dissolution à ce titre,

dit irrecevable et mal fondée la demande de retrait de Madame [V] [D],

jugé que la société est paralysée en raison de la mésentente entre les associés,

prononcé la dissolution judiciaire anticipée et la liquidation de la société civile immobilière du [Adresse 9], immatriculée au Registre du Commerce et des Sociétés de Toulouse sous le numéro [Numéro identifiant 20], dont le siège social est sis chez MIDI Gestion, [Adresse 6],

désigné en qualité de liquidateur Maître Maître [OG] [A] de la Selarl Egide, [Adresse 15] qui aura pour mission :

d'effectuer toutes formalités relatives à la dissolution et à la liquidation de la société,

de payer les dettes, de rembourser le capital social et ensuite de partager l'actif entre les associés dans les mêmes proportions que leurs participations aux bénéfices,

de poursuivre en l'état jusqu'au partage de l'actif l'exploitation sociale en entreprenant tous actes conservatoires nécessaires au maintien de la valeur des actifs,

de faire tous actes d'administration, de représenter la société vis-à-vis des tiers et de délivrer et certifier tous comptes et documents sociaux de toute nature,

de procéder à la liquidation de la société et au partagé des actifs,

fixé à 3 000 euros la provision due au liquidateur par la société dissoute et dit qu'elle supportera la charge des honoraires définitifs de Maître [A],

donné acte à Maître [VN] es qualités qu'il s'en rapporte,

débouté [EB], [R] et [U] [D] de leur demande en paiement de la somme de 10 000 euros de dommages et intérêts,

dit qu'il appartiendra au liquidateur de rembourser la créance en compte de Madame [V] [D] s'il la constate et la déboute de cette demande formée contre la société avant sa dissolution,

l'a débouté de sa demande en paiement de la somme de 13 125 euros,

débouté les consorts [J] et la société Esa Jy de leurs demandes reconventionnelles,

condamné Madame [F] [J] épouse [G], la Sas Esa Jy et [ZD] [J] aux dépens de la société civile immobilière du [Adresse 9] et à payer à Maître [VN] es qualités la somme de 2 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile (cpc),

condamné Madame [F] [J] épouse [G], la Sas Esa Jy et [ZD] [J] aux dépens de Madame [K] [O] épouse [W] et de [N] [W] dont distraction au profit de Maître Capela et à leur payer la somme de 5 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du cpc,

condamné Madame [F] [J] épouse [G], la Sas Esa Jy et [ZD] [J] aux dépens de Madame [V] [D] et à lui payer la somme de 5 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

condamné solidairement Madame [F] [J] épouse [G], la Sas Esa Jy et [ZD] [J] aux dépens de [EB], [R] et [U] [D] dont distraction au profit de Maître Serdan et à leur payer la somme de 2 000 euros chacun sur le fondement des dispositions de l'article 700 du cpc,

dit n'y avoir lieu à écarter l'exécution provisoire.

Par déclaration en date du 25 août 2023, Monsieur [ZD] [J], Madame [F] [J] épouse [G] et la Sas Esa Jy ont relevé appel du jugement. La portée de l'appel est la réformation, l'infirmation voire l'annulation des chefs du jugement qui ont :

débouté les consorts [J] et la société Esa Jy de leurs demandes reconventionnelles,

condamné Madame [F] [J] épouse [G], la Sas Esa Jy et [ZD] [J] aux dépens de la société civile immobilière du [Adresse 9] et à payer à M° [VN] es qualité la somme de 2 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

condamné Madame [F] [J] épouse [G], la Sas Esa Jy et [ZD] [J] aux dépens de Madame [K] [O] épouse [W] et de [N] [W] dont distraction au profit de M° Capela et à leur payer la somme de 5 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

condamné Madame [F] [J] épouse [G], la Sas Esa Jy et [ZD] [J] aux dépens de Madame [V] [D] et à lui payer la somme de 5 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

condamné solidairement Madame [F] [J] épouse [G], la Sas Esa Jy et [ZD] [J] aux dépens de [EB], [R] et [U] [D] dont distraction au profit de M° Serdan et à leur payer la somme de 2 000 euros chacun sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Par courrier du 22 novembre 2023, Me [M] [Y] a indiqué révoquer Me [XG] [E] et se constituer en ses lieu et place pour Madame [V] [D] épouse [P].

Un incident de radiation de l'affaire sur le fondement de l'article 524 du cpc a été soulevé en janvier 2024 par Maître Capela,pour [K] [O] et [N] [W], avant de se désister du dit incident.

La clôture de l'affaire, initialement prévue pour le 22 avril 2025, est finalement intervenue le 26 mai 2025.

Prétentions et moyens des parties :

Vu les conclusions récapitulatives notifiées le 17 avril 2025 auxquelles il est fait expressément référence pour l'énoncé du détail de l'argumentation, de Madame [F] [J] épouse [G], Monsieur [ZD] [J] et la Sas Eas Jy demandant, au visa des articles 1240, 1844-7 et 1846-1, 1843-5, 1850 du code civil, de :

infirmer le jugement rendu le 11 juillet 2023 par le tribunal judiciaire de Toulouse en ce qu'il a :

débouté les consorts [J] et la société Esa Jy de leurs demandes reconventionnelles, à savoir :

-> de voir condamner [V], [R] et [EB] [D] à payer à la Sci du [Adresse 9] les sommes de 20.000 euros au titre de la perte de loyer du bail précaire, de 887.410 euros au titre de la perte de chance d'une année de revenus locatifs et 120.000 euros au même titre ainsi que la désignation d'un expert pour évaluer la perte de chance d'accroître l'actif net,

-> de voir condamner [V], [R] et [EB] [D] à payer à la société Esa Jy la somme de 10.000 euros au titre de la perte de dividendes et de 103.000 euros au titre des frais du permis de construire;

-> de voir condamner les consorts [D] à leur payer la somme de 5.000 euros au titre des frais de conseil ainsi qu'aux entiers dépens;

condamné [F] [J], la Sas Esa Jy et [ZD] [J] aux dépens de la Sci du [Adresse 9] et à payer à Me [VN] ès qualité 2.500 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du cpc;

condamné [F] [J], la Sas Esa Jy et [ZD] [J] aux dépens de [K] [O] épouse [W] et de [N] [W] dont distraction au profit de Me Capela et à leur payer la somme de 5.000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du cpc;

condamné [F] [J], la Sas Esa Jy et [ZD] [J] aux dépens de [V] [D] et à lui payer la somme de 5.000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du cpc;

condamné solidairement [F] [J], la Sas Esa Jy et [ZD] [J] aux dépens de [EB], [R] et [U] [D] dont distraction au profit de Me Serdan et à leur payer la somme de 2000 euros chacun sur le fondement des dispositions de l'article 700 du cpc,

déclarer recevables et fondées les demandes des appelants,

débouter les consorts [W] de leur fin de non-recevoir au titre des demandes nouvelles,

débouter [EB], [R], [U] et [V] [D] de leur appel incident,

en conséquence,

statuant à nouveau :

condamner solidairement les associés [V] et [R] [D] avec le gérant [EB] [D], à indemniser la société du [Adresse 9], à hauteur de la totalité de la part de loyer fixe que devait procurer la signature du bail précaire, soit 20 000 euros,

condamner solidairement Mesdames [V] [D], [K] [W] [O] et Monsieur [EB] [D] à payer à la Sas Esa Jy la somme de 10 000 euros au titre de la perte de chance d'encaisser les dividendes,

condamner solidairement Mesdames [V] [D], [K] [W] [O] et Monsieur [EB] [D] à payer à la Sas Esa Jy la somme de 103 750 euros, au titre de la perte constituée par les frais engagés vainement pour le dépôt du permis de construire,

condamner solidairement Mesdames [V] [D], [K] [W] [O] et Monsieur [EB] [D] à payer à la Sas Esa Jy la somme de 1 680 800 millions d'euros, au titre de la perte de chance de percevoir le droit d'entrée proposé par Serge Mas Promotion ;

subsidiairement, condamner solidairement Mesdames [V] [D], [K] [W] [O] et Monsieur [EB] [D] à payer à la Sas Esa Jy la somme de 321 000 euros, au titre de la perte de chance d'acquérir les parts sociales d'[S] [GC],

en tout état de cause :

débouter les intimés de l'ensemble de leurs demandes, fins et prétentions,

condamner [R] [D], à payer aux appelants la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du cpc,

condamner [V] [D], à payer aux appelants la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du cpc,

condamner [EB] [D], à payer aux appelants la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du cpc,

condamner [U] [D], à payer aux appelants la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du cpc,

condamner [K] [W] à payer aux appelants la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du cpc,

condamner Monsieur [W], à payer aux appelants la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du cpc,

condamner tout succombant aux entiers dépens de première instance et d'appel.

Vu les conclusions n°3 devant la cour d'appel de Toulouse notifiées le 7 mai 2025 auxquelles il est fait expressément référence pour l'énoncé du détail de l'argumentation, de Madame [V] [D] épouse [I] demandant, au visa des articles 1240, 1844-7, 1843-5, 1850 du code civil, de :

confirmer le jugement rendu le 11 juillet 2023 par le tribunal judiciaire de Toulouse en toutes ses dispositions,

juger irrecevables comme se heurtant à la fin de non-recevoir tirée du principe d'interdiction de présenter en appel des prétentions nouvelles, les demandes formées par les consorts [J] et la Sas Esa Jy et tendant à voir :

« condamner solidairement Mesdames [V] [D], [K] [W] [O] et Monsieur [EB] [D] à payer à la Sas Esa Jy la somme de 1.680.000 millions euros, au titre de la perte de chance de percevoir le droit d'entrée proposé par Serge Mas Promotion. » ;

« subsidiairement, condamner solidairement Mesdames [V] [D], [K] [W] [O] et Monsieur [EB] [D] à payer à la Sas Esa Jy la somme de 321.000 euros, au titre de la perte de chance d'acquérir les parts sociales d'[S] [GC]. »,

statuant à nouveau :

débouter les consorts [J] et la société Esa Jy de de l'ensemble de leurs demandes, fins et prétentions, pour la Sci du [Adresse 9] et/ou pour eux-mêmes ;

condamner tout succombant à payer à Madame [V] [D] la somme de 6000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi que les entiers dépens de l'instance ;

condamner les consorts [J] et la société Esa Jy pour procédure abusive et les condamner à verser la somme de 5 000 euros à Madame [V] [D] à titre de dommages et intérêts.

Vu les conclusions d'intimés notifiées le 29 janvier 2024 auxquelles il est fait expressément référence pour l'énoncé du détail de l'argumentation, de Monsieur [EB] [D], Madame [R] [D] et Madame [U] [D] demandant, au visa des articles 564 et suivants du code de procédure civile, 1847-1 5° du code civil, de :

à titre principal :

confirmer la décision entreprise en ce qu'elle a débouté Madame [F] [J] épouse [G], Monsieur [ZD] [J] et la société Esajy, de l'ensemble de leurs demandes,

débouter en conséquence Madame [F] [J] épouse [G], Monsieur [ZD] [J] et la société Esajy, de l'ensemble de leurs demandes, fins et prétentions formées à l'encontre de Madame [R] [D], M. [EB] [D] et Madame [U] [D], comme étant irrecevables et en tout cas mal fondées,

à titre incident,

réformer la décision entreprise en ce qu'elle a débouté M. [EB] [D], à Madame [R] [D], et à Madame [U] [D], de leur demande de versement de dommages et intérêts ,

condamner solidairement M. [ZD] [J], Madame [F] [J] et la société Esa Jy à verser à M. [EB] [D], à Madame [R] [D], et à Madame [U] [D], chacun, la somme de 10 000 euros à titre de dommages et intérêts,

en toutes hypothèses,

condamner Madame [F] [J] épouse [G], Monsieur [ZD] [J] et la société Esajy à régler à Madame [R] [D], M. [EB] [D] et Madame [U] [D], la somme de 5 000 euros chacun au titre de l'article 700 du cpc ainsi qu'aux entiers dépens de l'instance, dont distraction au profit de Me Sorel, avocat, sur son affirmation de droit.

Vu les conclusions d'intimés notifiées le 29 janvier 2024 auxquelles il est fait expressément référence pour l'énoncé du détail de l'argumentation, de Madame [K] [O] épouse [W] et Monsieur [N] [W] demandant, au visa des articles 907 et 789 du code de procédure civile, 122 et suivants, 564 et suivants du code de procédure civile, 1846-1 et suivants du code civil, 1240 et 1241 du code civil, 1310 du code civil, de :

à titre liminaire,

sur la fin de non-recevoir :

constater que les consorts [J] et la Sas Esa Jy forment pour la première fois en cause d'appel deux demandes nouvelles tendant à voir condamner solidairement [V] [D], [K] [W] et [EB] [D] à payer à la Sas Esa Jy d'une part la somme de 1.680.000 euros au titre de la perte de chance de percevoir le droit d'entrée proposé par Serge Mas Promotion, et d'autre part la somme de 321.000 euros au titre de la perte de chance d'acquérir les parts sociales de Mme [S] [GC] ;

déclarer irrecevables comme se heurtant à la fin de non-recevoir tirée du principe d'interdiction de présenter en appel des demandes nouvelles toutes demandes, fins et prétentions nouvelles des consorts [J] et la Sas Esa Jy, et spécialement celles tendant au paiement d'une somme de 1.680.000 euros au titre d'une perte de chance de percevoir un droit d'entrée et d'une somme de 321.000 euros au titre de la perte de chance d'acquérir les parts sociales de la Sci de Mme [GC] ;

au fond,

sur la confirmation du jugement :

constater que Mme [W] ne peut se voir reprocher aucune faute, manquement ou abus ;

constater que les préjudices invoqués par les consorts [J] et la Sas Esa Jy ne revêtent pas les caractères du préjudice indemnisable ;

constater que les consorts [J] et la Sas Esa Jy ne démontrent pas de lien de causalité direct et certain entre les préjudices invoqués et les prétendus manquements reprochés à Mme [W] ;

en conséquence,

confirmer le jugement déféré rendu le 11 juillet 2023 par le tribunal judiciaire de Toulouse en toutes ces dispositions ;

débouter les consorts [J] et la Sas Esa Jy de l'intégralité de leurs demandes, fins et conclusions ;

en tout état de cause, y ajoutant :

débouter les consorts [J] et la Sas Esa Jy de leurs demandes formulées au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'au titre des dépens ;

condamner les consorts [J] et la Sas Esa Jy à verser à M. et Mme [W] la somme complémentaire de 5.000 euros au titre de leurs frais irrépétibles en application de l'article 700 du Code de procédure civile ;

condamner les consorts [J] et la Sas Esa Jy aux entiers dépens du présent appel, dont distraction au profit de l'avocat constitué sur son affirmation de droit conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

N'ont pas constitué avocat :

- la Selarl Egide prise en la personne de Me [OG] [A] en qualité de liquidateur de la Sci du [Adresse 9] :la déclaration d'appel lui a été signifiée le 2 novembre 2023 par signification à personne habilitée,

- la Selarl Ajilink [VN] prise en la personne de Me [KE] [VN] en qualité d'administrateur ad hoc de la Sci du [Adresse 9], : la déclaration d'appel lui a été signifiée le 2 novembre 2023 par signification à personne habilitée,

-[S] [GC] :la déclaration d'appel lui a été signifiée le 6 novembre 2023 par signification à personne.

Motifs de la décision :

La cour d'appel a demandé, par note en délibéré, la production du jugement désignant Me [L] [H] de la selarl Egide en lieu et place de Me [OG] [A] en qualité de liquidateur de la SCI [Adresse 9].

Le jugement rectificatif du tribunal judiciaire de Toulouse du 8 janvier 2024, modifiant à cette fin le jugement du 11 juillet 2023, a été produit.

Par ailleurs, par l'effet dévolutif de l'appel, la cour d'appel n'est plus saisie de la dissolution de la SCI [Adresse 9] qui est donc devenue définitive.

Demeurent en débats les demandes d'indemnisation de certains associés qui ont été écartées par le tribunal, outre des demandes considérées irrecevables comme nouvelles en appel.

I-sur les demandes de [F] et [ZD] [J] et la SAS Eas Jy :

ils forment 4 demandes distinctes et une demande subsidiaire.

a) sur la demande de 20.000 euros à verser à la SCI du [Adresse 9] au titre de la part de loyer fixe que devait procurer la signature d'un bail précaire :

Il s'agit d'une action ut singuli de certains associés pour le compte de la SCI du [Adresse 9] sur le fondement des articles 1843-5 et 1850 du code civil.

Cette action ne peut viser que le gérant de la SCI et non les associés.

Ils reprochent ainsi au co-gérant [EB] [D] de ne pas avoir convoqué des AG pour statuer sur le bail précaire proposé par [ZD] [J] à l'été 2021 pour 6 mois (pièce 27), pour ne pas avoir régularisé la situation de la société au niveau des inscriptions obligatoires au RCS, pour désignation d'un expert en évaluation des parts de [V] [D] et pour défaut d'approbation des comptes sociaux annuels de 2020, 2021 et 2022.

Préalablement , comme le relève à bon droit [V] [D], il convient de rappeler que l'action visant les associés, non gérants, de la SCI [Adresse 9] ne peut être fondée que sur les dispositions des articles 1240 et 1241 du code civil. Il s'agit donc d'établir une faute, un préjudice et le lien de causalité entre la faute et le dit préjudice.

Bien évidemment ne peut constituer une faute d'un associé le seul fait d'exercer un droit de vote en assemblée générale pour s'opposer à des projets de résolution proposés par d'autres associés ou cogérants. Seul un abus dans l'exercice de ce droit pourrait constituer une faute.

Force est de constater que les demandes indemnitaires visant les associés ne reposent sur aucune faute personnelle établie.

La cour constate qu'entre associés, et même si les modifications des statuts n'avaient pas été publiés au RCS pour les rendre opposables aux tiers, [EB] [D] et [ZD] [J] ont été nommés cogérants de la SCI [Adresse 9] par AGE du 30 août 2012 (cf résolution n°3 de la pièce 4bis des appelants).

Comme le relèvent à bon droit les consorts [D], et notamment [EB] [D], co-gérant, [ZD] [J], qui est cogérant de la SCI, a su saisir le président du tribunal judiciaire de Toulouse le 6 septembre 2021 en application de l'article 481-1 du cpc et de l'article 20 des statuts de la SCI [Adresse 9] pour se voir autoriser, en tant qu'associé, à convoquer une assemblée générale dès lors que le gérant de la dite société n'inscrivait pas des questions qu'il lui soumettait à l'ordre du jour des assemblées générales.

Or, [ZD] [J] a été débouté de sa demande comme non fondée au visa de l'article 1848 du code civil pour défaut d'intérêt collectif au profit de la SCI. Cette ordonnance n'a pas fait l'objet d'un appel (cf pièce 16).

Par ailleurs, il appartient aux associés appelants de démontrer la faute de gestion de [EB] [D].

S'agissant des retranscriptions des modifications des statuts de la SCI au RCS, l'AGE du 27 juillet 2020 a permis de récapituler les dites modifications (pièce 4 des appelants) ; les résolutions ont été votées et le cabinet Citya a été mandaté pour effectuer les formalités correspondantes comme en atteste le courrier de Maître [C] [MF], avocate du cabinet Citya. Cette dernière expose les obstacles rencontrés dans sa mission tels qu'ils sont relatés dans le courriel du 24 janvier 2022 (cf pièce 14) et qui n'émanaient pas de [EB] [D] (cf pièce 15 retrait de Me [C] [MF] le 25 janvier 2022). La faute de [EB] [D] de ce chef n'est donc pas établie.

Sur le refus de convoquer des AG ou d'inscrire à l'ordre du jour certaines questions, il convient de rappeler que le refus opposé par le cogérant n'est pas en soi une faute et l'associé demandeur ou le cogérant demandeur peut toujours solliciter l'autorisation du président du tribunal judiciaire qui statue en la forme des référés pour être autorisé à cette fin selon l'article 20 des statuts (cf. pièce 3 des appelants).

De même, ne peut constituer une faute de gestion le fait de ne pas inscrire des questions aux AG qui n'ont pas été reconnues comme cherchant à répondre à l'intérêt collectif de la société alors que [EB] [D] expose que s'agissant du projet de bail précaire sur 6 mois, il avait exposé un motif légitime de ne pas l'inscrire, les risques encourus par la SCI comme bailleresse notamment, dans la mesure où les locaux ne garantissaient pas les exigences de l'obligation de délivrance du bailleur avec pour destination du bail la restauration sans assumer des travaux préalables importants.

Dès lors, il convient de débouter [ZD] [J], [F] [J] et la SAS Esa Jy de leur demande d'indemnisation au titre de l'action ut singuli et des demandes indemnitaires visant les associés et de confirmer le jugement de ce chef.

b) sur la demande de 10.000 euros à verser à la SAS Esa Jy au titre de la perte de chance d'encaisser des dividendes :

les parties appelantes demandent pour la seule associée, SAS Esa Jy, l'indemnisation de la perte de chance d'encaisser des dividendes en raison des fautes précédemment décrites du fait de l'échec de donner à bail précaire les murs du local.

D'une part, les consorts [D] lui oppose que la SAS Esa Jy n'est pas associée de la SCI et qu'elle ne subit donc pas de préjudice. (page 18 de leurs conclusions).

Or, dans ses conclusions, la SAS Esa Jy se borne à expliquer, sans en justifier, que la SCI Esa a été transformée en SAS Esa Jy sans en donner la date (cf page 3 des conclusions).

Parmi les pièces produites par les parties, la SCI Esa était recensée comme associée à l'assemblée générale du 27 août 2018 (pièce 1 de [V] [D]) ; il en est de même dans le procès-verbal d'AGE du 27 juillet 2020 (cf pièce 3 de [V] [D]) et dans le jugement du tribunal administratif de Toulouse du 15 décembre 2023 sur requête de [K] [W] visant l'annulation du permis de construire délivré à la SCI [Adresse 9],il est expliqué que l'intervention de la SAS Esa contestée a été admise car le nom commercial de la SAS Esa Jy est « SCI ESA » et que, selon AGO de la SAS Esa Jy du 2 février 2022, la SAS Esa Jy est associée de la SCI du [Adresse 9].

Ces seules pièces ne permettent pas en effet d'affirmer avec certitude que la SAS Esa Jy est associée de la SCI [Adresse 9].

D'autre part, le fait de ne pas avoir souscrit le bail précaire ne constitue pas une faute du cogérant alors que les associés ne l'ont en définitive pas voté quand cette résolution a été inscrite à l'ordre du jour d'une AG. De surcroît, la perte de chance de percevoir des dividendes n'est pas un préjudice certain pour les associés de la SCI, l'attribution de dividendes ne résultant pas du seul versement de loyers pendant 6 mois au profit de la SCI alors qu'en outre, divers risques étaient attachés à cette souscription et notamment la nécessité d'effectuer des travaux préalables.

Il convient de confirmer le jugement en ce qu'il a débouté la SAS Esa Jy de sa demande.

c) sur la demande de 103.750 euros à verser à la SAS Esa Jy au titre de la perte constituée par les frais vainement engagés pour le dépôt du permis de construire :

la SAS Esa JY demande le versement de la somme de 103 750 euros correpondant aux frais engagés pour le dépôt du permis de construire qui n'a pas abouti au projet de construction envisagé par certains associés de la SCI.

Ce remboursement est demandé aux seuls associés [V] [D], [EB] [D] et [K] [W] [O].

Les appelants exposent qu'en définitive, ce permis de construire a profité à la société Casino Patrimoine qui a remporté l'appel d'offre pour acquérir l'immeuble dans le cadre des opérations de liquidation de la SCI et qui a été le seul candidat à reprendre ledit permis de construire pour aboutir à faire une offre mieux disante que celle des autres candidats.

Ils expliquent en outre que dans l'acte de cession, le liquidateur a abandonné l'exigence de remboursement des frais du permis de construire et du paiement des taxes d'aménagement par la SAS Esa Jy (pièce 66) sans prise en compte de cette charge dans son compte courant d'associé avant partage du boni de liquidation.

Il est justifié des dits frais en pièce 51 et l'essentiel des factures produites sont établies au nom de la SAS Esa Jy et non de la SCI [Adresse 9].

Par ailleurs, il n'est ni allégué ni justifié du fait que ces frais avaient été validés par les associés de la SCI [Adresse 9] pour une somme en définitive significative.

Les consorts [D] exposent au contraire que lors de l'AG du 21 juin 2018, la mission de l'architecte n'avait pas été maintenue, les frais d'honoraires d'architecte n°1 et 2 avaient été validés et réglés et la note n°3 avait été rejetée. Par ailleurs, la facture d'honoraires de 12.000 euros TTC du cabinet de Me [J] avait été rapportée à 5.000 euros comme solde de tout compte. Ils précisent qu'à compter de cette assemblée, la situation de l'immeuble était très claire quant à sa démolition et les frais réglés ; de plus, le projet de démolition/construction avait été arrêté et la famille [D] refusait de s'engager dans un projet qu'elle estimait risqué et hypothétique. En outre, il avait été voté en résolution n°4 de cette assemblée générale en rappelant un résolution du 29 juin 2007, arrêtant que « pour faciliter le contrôle mutuel des actes de gestion des cogérants, toutes opérations, impliquant un engagement direct ou indirect supérieur à une limite fixée chaque année à 15.000 euros, : la signature des cogérants » c'est à dire la nécessité de la signature des deux cogérants.

Et lors de l'AG du 27 août 2018, les associés avaient rejeté une résolution souhaitant engager la SCI [Adresse 9] dans la voie d'un bail à construction sans projet fiable et précis (cf pièce 54 des appelants).

Il ressort de l'ensemble de ces pièces que la SAS Esa Jy ne produit aucune pièce justifiant du fait que la SCI [Adresse 9] s'était engagée à présenter un projet de permis de construire pour des frais supérieurs à 15000 euros qui nécessitaient la signature des deux cogérants.

Il n'est pas davantage justifié que le candidat acquéreur de l'immeuble la société Caso Patrimoine en 2024 a été choisi car il s'était engagé à reprendre le permis de construire, sans contribuer aux frais d'acquisition du dit permis ; les appelants se bornent à l'affirmer. Bien au contraire, il a été négocié qu'il prendrait en charge uniquement les frais et missions d'architecte restant à effectuer (cf la promesse d'achat).

Dès lors, la SAS Esa Jy ne peut obtenir le remboursement des frais de permis de construire qu'elle a engagés de sa seule initiative, pour le compte de la SCI [Adresse 9], contrairement aux résolutions des associés exigeant la signature des deux cogérants au-delà de 15.000 euros.

Il convient de confirmer le jugement en ce qu'il a débouté les appelants de ce chef.

d) sur la demande de 1.680.800 euros à verser à la SAS Esa Jy au titre de la perte de chance de percevoir le droit d'entrée de Serge Mas Promotion :

[V] [D] ainsi que [K] [O] et [N] [W] soulèvent l'irrecevabilité de cette demande comme nouvelle en appel.

Prenant pretexte d'une offre immobilière formée le 22 juin 2021 par Serge Mas Promotion aux seuls associés, [F] et [ZD] [J], avec droit d'entrée de 2,2M d'euros net vendeur et bail de 45 ans pour un loyer annuel de 200.000 eurosHT etc, offre valable jusqu'au 2 juillet 2021, la SAS Esa Jy entend demandait une indemnisation aux associés [K] [O], [V] [D] et [EB] [D] pour ne pas avoir soutenu ce projet et empêcher sa réalisation dans les délais.

L'article 564 du code de procédure civile dispose que « A peine d'irrecevabilité relevée d'office, les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions si ce n'est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l'intervention d'un tiers, ou de la survenance ou de la révélation d'un fait ».

L'article 565 précise que « Les prétentions ne sont pas nouvelles dès lors qu'elles tendent aux mêmes fins que celles soumises au premier juge, même si leur fondement juridique est différent ».

Et enfin, l'article 566 indique que «les parties ne peuvent ajouter aux prétentions soumises au premier juge que les demandes qui en sont l'accessoire, la conséquence ou le complément nécessaire ».

En l'espèce, les parties appelantes et notamment la SAS Esa Jy n'ont pas évoqué en première instance de perte indemnitaire liée à l'offre de bail à construction du Groupe Serge Mas Promotion, offre qu'elle aurait acceptée si elle avait été majoritaire au sein de la SCI [Adresse 9] notamment si elle avait pu se porter acquéreur des parts sociales d'[S] [GC], de celles de [K] [W] [O] ou de celles de [V] [D] après son retrait.

A aucun moment, elle n'a présenté une telle demande en première instance liée au document succinct produit en pièce 65 pour la première fois en appel fin 2023, comme le relève [V] [D]. En outre, cette demande découle d'une succession d'hypothèses qui restaient à réaliser et dont il lui appartenait de prendre l'initiative en tant qu'associée à chaque retrait ou cession de parts d'associé. Enfin, l'obstacle à la levée de l'option d'achat sur ladite promesse de vente de 2021 n'était pas en débat en première instance comme une éventuelle faute à indemniser.

Les parties appelantes voudraient faire trancher le fait que les associés consorts [D] ont commis une faute lors de l'AG du 4 octobre 2021 que [ZD] [J] avait fait convoquer, en ne se présentant pas à l'AG pour empêcher d'atteindre le quorum exigé et alors que [K] [W] n'ayant pas été agréée, ses droits de vote étaient suspendus.

Il ne faut pas confondre mésentente entre associés et fautes respectives du cogérant et des associés qui seraient contraires à l'intérêt social. Le fait pour un associé de ne pas obtenir un vote favorable à ses intérêts personnels n'est pas en soi une faute de la collectivité des associés ni un abus de minorité comme cela est évoqué.

Il ne s'agit donc pas d'une demande accessoire aux premières demandes, ni de conséquence ou de complément nécessaire ni de demande qui tend aux mêmes fins alors que la SAS Esa Jy cherche à expliquer qu'en acquérant plusieurs parts sociales, à différentes étapes de la vie sociale de la société, elle aurait fini par être largement majoritaire et aurait décidé différemment de la destinée de la société au gré des offres formulées qui avaient été adressées à ses associés, [F] et [ZD] [J].

Cette demande liée au non-aboutissement de l'offre du Groupe Serge Mas Promotion présentée à l'intention de deux seuls associés, [F] et [ZD] [J], est nouvelle en cause d'appel.

e) A titre subsidiaire, sur la demande de 321.000 euros à verser à la SAS Esa Jy au titre de la perte de chance d'acquérir les parts sociales d'[S] [GC] :

[V] [D] ainsi que [K] [O] et [N] [W] soulèvent l'irrecevabilité de cette demande comme nouvelle en appel.

La SAS Esa Jy évoque un préjudice de perte de chance personnel indemnisable supplémentaire par rapport à la première instance.

Cette demande est formulée à l'encontre de [V] [D], [K] [W] [O] et [EB] [D] qui sont des associés et le dernier étant en outre cogérant de la SCI [Adresse 9].

Il est reproché de ne pas avoir acquis les parts sociales d'[S] [GC] alors que la SAS Esa Jy bénéficiait d'une promesse unilatérale de vente d'[S] [GC] du 27 juin 2021, avec levée d'option au 31 juillet 2021 (pièce 60) ce qui lui aurait permis selon elle d'obtenir la majorité qualifiée aux AG et de mener son projet de revente à son terme.

Encore faut il lier ce préjudice à une faute précise du cogérant ou à une faute délictuelle déterminée des associés.

Il n'a pas été formulé des demandes indemnitaires liées à la perte de chance de ne pas avoir pu acquérir les dites parts sociales en première instance. Cette demande est donc nouvelle en appel.

II- sur la demande de 10.000 euros de dommages-intérêts de [R], [U] et [EB] [D] à l'encontre de [F] et [ZD] [J] et la SAS Esa Jy et sur la demande de 5000 euros de dommages intérêts de [V] [D] :

il est demandé des dommages-intérêts pour procédure abusive en procédant à des pressions constantes depuis plusieurs années, menaçant sans cesse les associés de poursuites et en multipliant les demandes reconventionnelles fondées sur le fait que les associés de la SCI prennent une quelconque décision qui serait contraire à la manière d'agir ou de penser d'[ZD] [J] et présentant des demandes nouvelles en appel.

Il est ainsi produit des courriels menaçants (cf pièce 20 des consorts [D]) et souligné la production en appel de pièce qui avait été dissimulée comme l'offre de la société Serge Mas Promotion.

Aux termes de l'article 1240 du code civil, tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer.

Le droit d'agir en justice est ouvert à tout plaideur qui s'estime lésé dans ses droits, son exercice ne dégénérant en abus qu'autant que les moyens qui ont été invoqués à l'appui de la demande sont d'une évidence telle qu'un plaideur, même profane, ne pourra pas ignorer le caractère abusif de sa démarche ou qu'il n' a exercé son action qu'à dessein de nuire en faisant un usage préjudiciable à autrui.

Le simple fait de faire erreur sur son droit ou de voir son action échouer en justice, ne suffit pas à rapporter la preuve du caractère abusif de la demande formulée.

En l'espèce, si les courriels et échanges émanant d'[ZD] [J] à l'égard des consorts [D] ou de tiers sont empreints d'un ton comminatoire pour parvenir à ses fins et les faire adhérer à ses projets devant la menace d'une procédure longue et coûteuse ou de frais importants, il semble qu'il ait voulu surtout expliquer les enjeux d'une stratégie judiciaire ou administrative face aux choix des familles [D] et [W]. Mais force est de constater que leurs effets ont conduit au résultat inverse à celui attendu et que [EB] [D] n'avait pas été abusé par le ton utilisé par son cogérant tout en présentant ses propres explications en retour (cf pièces 18 et 19).

Par ailleurs, les échanges d'[ZD] [J] avec sa consoeur Me [C] [MF] (pièces 14 et 15) ne font grief qu'à cette avocate.

Enfin, la procédure d'appel n'a visé qu'à obtenir des indemnités après que la SAS Esa Jy a été déboutée en première instance sans constituer pour autant un abus de droit, même si certains propos ont pu refléter une forte mésentente de manière parfois peu courtoise.

Les consorts [D] seront par conséquent déboutés de leur demande indemnitaire. Le jugement sera confirmé de ce chef .

- sur les demandes accessoires :

[F] et [ZD] [J] et la SAS Esa Jy qui succombent en appel seront condamnés aux dépens de première instance et d'appel.

Eu égard aux circonstances du litige, ils seront condamnés à verser au titre des frais irrépétibles :

- outre les 2000 euros alloués en première instance à [EB], [R] et [U] [D], la somme de 3000 euros en appel

- les seuls 5000 euros alloués en première instance à [K] [O] et [N] [W]

- les seuls 5000 euros alloués en première instance à [V] [D].

PAR CES MOTIFS :

La Cour, après en avoir délibéré, statuant publiquement par mise à disposition au greffe, par arrêt réputé contradictoire et en dernier ressort,

dans la limite de la saisine de la cour, par l'effet dévolutif de l'appel,

- confirme le jugement en toutes ses dispositions

- déclare irrecevables comme nouvelles les demandes d'[ZD] [J], [F] [J] et la SAS Esa Jy concernant les demandes de :

- 1.680.800 d'euros à verser à la SAS Esa Jy au titre de la perte de chance de percevoir le droit d'entrée de Serge Mas Promotion

- 321.000 euros à verser à la SAS Esa Jy au titre de la perte de chance d'acquérir les parts sociales d'[S] [GC]

- Condamne [ZD] [J], [F] [J] et la SAS Esa Jy aux dépens d'appel avec distraction conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

- Condamne [ZD] [J], [F] [J] et la SAS Esa Jy à payer à [EB], [R] et [U] [D] la somme de 3.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel.

- Déboute les parties du surplus de leur demande au titre des frais irrépétibles en appel.

Le greffier, La présidente,

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