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Décisions

CA Angers, ch. a - com., 30 septembre 2025, n° 24/01259

ANGERS

Arrêt

Autre

CA Angers n° 24/01259

30 septembre 2025

COUR D'APPEL

D'[Localité 10]

CHAMBRE A - COMMERCIALE

JC/AF

ARRET N°:

AFFAIRE N° RG 24/01259 - N° Portalis DBVP-V-B7I-FLA2

Ordonnance du 20 Juin 2024

Président du TJ d'[Localité 10]

n° d'inscription au RG de première instance 24/00069

ARRET DU 30 SEPTEMBRE 2025

APPELANT :

Monsieur [E] [Z]

né le [Date naissance 1] 1958 à [Localité 11]

[Adresse 6]

[Localité 8]

Représenté par Me Nicolas ORHAN de la SCP OUEST DEFENSE & CONSEIL, avocat au barreau de SAUMUR - N° du dossier 2402053

INTIMEES :

Madame [S] [U]

née le [Date naissance 4] 1959 à [Localité 11]

[Adresse 5]

[Localité 7]

Représentée par Me Antoine BARRET de la SCP BARRET & MENANTEAU - AVOCATS & CONSEILS, avocat au barreau d'ANGERS

S.C.I. [U]

[Adresse 3]

[Localité 7]

N'ayant pas constitué d'avocat

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue publiquement à l'audience du 19 Mai 2025 à 14H00, les parties ne s'y étant pas opposées, devant M. CHAPPERT, conseiller qui a été préalablement entendu en son rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Mme CORBEL, présidente de chambre

M. CHAPPERT, conseiller

Mme GANDAIS, conseillère

Greffière lors des débats : Mme TAILLEBOIS

ARRET : réputé contradictoire

Prononcé publiquement le 30 septembre 2025 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions de l'article 450 du code de procédure civile ;

Signé par Catherine CORBEL, présidente de chambre et par Sophie TAILLEBOIS, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

~~~~

FAITS ET PROCÉDURE :

M. [E] [Z] et Mme [S] [U], son épouse, ont constitué la SCI [U].

Le siège social de la SCI [U] a été fixé au [Adresse 2] à Bouchemaine (Maine-et-Loire) et la société a eu une activité de location de terrains et d'autres biens immobiliers.

Par un jugement du 10 septembre 2013, le juge aux affaires familiales du tribunal de grande instance d'Angers a prononcé le divorce de M. [Z] et de Mme [U] et a homologué la convention. Un jugement du 1er octobre 2014 a clôturé les opérations de liquidation et de partage du régime matrimonial mais les parts de la SCI [U] n'ont pas été partagées entre les anciens époux.

Le 19 janvier 2024, Mme [U] a fait assigner M. [Z] et la SCI [U] devant le juge des référés du tribunal judiciaire d'Angers, en vue de la désignation d'un administrateur provisoire au profit de la SCI [U].

C'est ainsi que, par une ordonnance du 20 juin 2024, le juge des référés du tribunal judiciaire d'Angers a :

* déclaré recevables les demandes de Mme [U],

* désigné la SELARL 2M & Assciés en sa qualité d'administrateur provisoire de la SCI [U] avec pour mission de :

- convoquer les parties,

- procéder aux comptes de liquidation,

- administrer la SCI [U],

- accomplir tous les actes d'administration utiles en vue de prévenir tout dommage à la SCI [U] et aux associés, notamment communiquer les comptes sociaux aux associés depuis la dernière assemblée générale et convoquer les associés en vue de leur éventuelle approbation,

* dit que les honoraires de l'administrateur seraient pris en charge par la SCI [U],

* condamné M. [Z] à payer à Mme [U] la somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens, dont distraction,

* débouté M. [Z] de l'ensemble de ses demandes,

* rappelé que la décision est de plein droit exécutoire par provision.

Par une déclaration du 14 juillet 2024, M. [Z] a interjeté appel de cette ordonnance, l'attaquant en chacun de ses chefs et intimant Mme [U] et la SCI [U].

M. [Z] a conclu.

Mme [U] a constitué avocat le 6 septembre 2024 mais elle n'a pas conclu.

La SCI [U] n'a pas constitué avocat et M. [Z] lui a fait signifier la déclaration d'appel et l'avis de fixation par un acte de commissaire de justice du 18 février 2025, remis à personne morale.

Une ordonnance du 5 mai 2025 a clôturé l'instruction de l'affaire.

MOYENS ET PRETENTIONS DES PARTIES

Par des dernières conclusions remises au greffe par la voie électronique le 9 mars 2025 et signifiées à la SCI [U] par un acte de commissaire de justice du 18 mars 2025, auxquelles il est renvoyé pour un exposé des moyens en application de l'article 455 du code de procédure civile, M. [Z] demande à la cour :

- de le recevoir en son appel ainsi qu'en l'ensemble de ses demandes et l'en déclarer fondé,

par suite,

- d'infirmer l'ordonnance du 20 juin 2024 en ce qu'elle a :

* déclaré recevables les demandes de Mme [U],

* désigné la SELARL 2M & Assciés en sa qualité d'administrateur provisoire de la SCI [U] avec pour mission de :

- convoquer les parties,

- procéder aux comptes de liquidation,

- administrer la SCI [U],

- accomplir tous les actes d'administration utiles en vue de prévenir tout dommage à la SCI [U] et aux associés, notamment communiquer les comptes sociaux aux associés depuis la dernière assemblée générale et convoquer les associés en vue de leur éventuelle approbation,

* dit que les honoraires de l'administrateur seraient pris en charge par la SCI [U],

* l'a condamné à payer à Mme [U] la somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

* l'a débouté de l'ensemble de ses demandes,

Statuant à nouveau,

- de dire et juger irrecevables les demandes de Mme [W] afin de voir :

* désigner tel administrateur provisoire qu'il plaira aux fins d'administrer la SCI [U] signifiée, avec la mission habituellement fixée par la juridiction.

* dire que les honoraires de l'administrateur seront pris en charge par la SCI [U], sans préjudice de tout recours de celle-ci à l'encontre du gérant défaillant,

* le condamner à lui régler la somme de 2 000,00 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

* de le condamner à supporter les entiers frais et dépens du procès, lesquels seront recouvrés par l'avocat soussigné conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile,

en ce que celles-ci n'ont pas été précédées d'une tentative de résolution amiable.

- de dire et juger Mme [U] infondée en sa demande de désignation d'un administrateur provisoire en ce qu'aucune des conditions légales le permettant n'est démontrée,

- de l'en débouter,

- de la condamner à lui payer la somme de 3 000 euros au titre des frais irrépétibles de première instance sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

y ajoutant,

- de condamner Mme [U] à lui payer la somme de 3 000 euros au titre des frais irrépétibles d'appel sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens de première instance et d'appel qui comprendront, outre les frais de la présente instance, ceux de toutes mesures conservatoires

éventuellement régularisées au jour de la décision à intervenir, lesquels frais seront recouvrés par Maître Nicolas Orhan, avocat au barreau d'Angers, en application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile,

- de rejeter toute demandes, fins et conclusions contraires de Mme [U].

MOTIFS DE LA DÉCISION :

La déclaration d'appel ayant été signifiée à la personne de la SCI [U], le présent arrêt est réputé contradictoire en application de l'article 473, alinéa 2, du code de procédure civile.

- sur la recevabilité de l'action :

M. [Z] reproche à Mme [U] de ne pas avoir fait précéder l'introduction de son instance d'une tentative de résolution amiable du litige. Il soulève en conséquence l'irrecevabilité de l'action, sur le fondement de l'article 750-1 du code de procédure civile.

Le premier juge a considéré que la lettre dactylographiée de Mme [U] à M. [Z], datée du 23 novembre 2021, valait tentative de résolution amiable du différend et rendait donc l'action recevable.

L'appelant dirige plusieurs critiques à l'encontre de cette lettre. Il ne peut être tiré aucune conclusion des nombreuses fautes d'orthographe qui émaillent la lettre, ni même de sa forme dactylographiée dès lors qu'elle est signée et que la signature attribuée à Mme [U] n'est pas contestée. En revanche, il n'est effectivement fourni aucune explication quant au fait que Mme [U] se domicilie à une adresse ([Adresse 9]) qui n'a jamais été celle qu'elle a constamment déclarée que ce soit dans les actes antérieurs ou, postérieurement, dans la présente procédure. Il n'est pas non plus démontré que la lettre a été effectivement envoyée à M. [Z], ce que celui-ci conteste incidemment en soulevant l'absence d'une telle preuve, alors même qu'il est fait mention d'un envoi en lettre recommandée. Enfin, la lettre, portant une date de plus de deux années antérieure à l'assignation, ne contient aucune proposition de règlement amiable du litige dont Mme [U] a saisi le juge des référés puisqu'elle évoque le partage des parts de la SCI [U] et qu'elle se contente de menacer M. [Z] de faire intervenir un avocat à défaut de réponse de sa part dans un délai de huit jours.

Néanmoins, la fin de non-recevoir soulevée par l'appelant est fondée sur les dispositions de l'article 750-1 du code de procédure civile, qui prévoient certes, à peine d'irrecevabilité, que la demande en justice soit précédée, au choix des parties, d'une tentative de conciliation menée par un conciliateur de justice, d'une tentative de médiation ou d'une tentative de procédure participative, mais uniquement lorsqu'elle tend au paiement d'une somme n'excédant pas 5 000 euros ou lorsqu'elle est relative à l'une des actions mentionnées aux articles R. 211-3-4 et R. 211-3-8 du code de l'organisation judiciaire ou à un trouble anormal de voisinage. La tentative préalable de résolution amiable n'est donc pas exigée, à peine d'irrecevabilité de l'action, dans le cas d'une demande indéterminée, comme l'est en l'espèce la demande de désignation d'un administrateur provisoire, et qui n'entre dans aucune des hypothèses énumérées aux articles R. 211-3-4 et R. 211-3-8 du code de l'organisation judiciaire.

L'action introduite par Mme [U] n'encourt, de ce fait, aucune irrecevabilité et l'ordonnance sera confirmée en ce qu'elle l'a déclarée recevable.

- sur la désignation de l'administrateur provisoire :

Comme l'a exactement rappelé le premier juge, la désignation d'un administrateur provisoire est une mesure conservatoire qui peut être ordonnée en référé en application de l'article 835, alinéa 1, du code de procédure civile, lequel dispose que la président du tribunal judiciaire, dans les limites de sa compétence, peut toujours, même en présence d'une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite.

Mais une telle désignation est une mesure grave et exceptionnelle, en ce qu'elle implique une immixtion du juge dans la gestion de la société pour substituer un administrateur provisoire aux organes légaux dans tout ou partie de leurs fonctions pendant le temps de la crise qui menace la société. C'est pourquoi elle n'est permise qu'en présence de circonstances rendant impossible le fonctionnement normal de la société. Il est exigé à cet effet la preuve, par le demandeur, d'une part, d'une paralysie des organes sociaux et, d'autre part, d'un péril imminent.

Le premier juge a considéré que le fait que les associés de la SCI [U] ne sont plus informés officiellement, depuis la clôture des comptes du 31 décembre 2008, de l'évolution des opérations concernant la SCI [U], qu'ils n'ont plus connaissance des comptes sociaux depuis cette même date et qu'ils ne sont plus convoqués aux assemblées générales en raison de la défaillance de M. [Z] dans ses fonctions de gérant, caractérise un trouble manifestement illicite qui justifie de faire droit aux demandes de Mme [U].

La cour ne dispose pas des statuts de la SCI [U], qui lui aurait permis de connaître les règles statutaires de son fonctionnement.

M. [Z] reconnaît néanmoins sa carence en tant que gérant de la SCI [U], en ce qu'il n'a pas fait établir de comptes annuels depuis ceux de l'exercice clos le 31 décembre 2008, qu'il n'a pas communiqué de compte-rendu de gestion ni convoqué d'assemblée générale depuis cette date. Mais l'appelant explique que la SCI [U] n'a en réalité plus aucune activité depuis la vente, le 19 mai 2008, du bien immobilier dans lequel était exploité le commerce et qui constituait son unique actif. Il n'est pas utilement démenti sur ce point et, au contraire, les comptes annuels de l'exercice clos le 31 décembre 2008 confirment l'absence de tout actif immobilier ainsi que le remboursement anticipé du prêt ayant permis l'acquisition du local cédé. Dans ces circonstances, il n'est pas démontré que la carence de M [Z] dans l'exercice de ses fonctions de gérant, aussi critiquable soit-elle, a causé un trouble à Mme [U], dont l'appelant relève exactement qu'elle ne démontre pas avoir cherché la convocation d'une assemblée générale ni l'avoir sollicité concernant le fonctionnement de la société, ou qu'elle fasse courir un péril imminent à la SCI [U], qui n'a plus de patrimoine ni d'activité depuis plus de 17 ans.

En conséquence de quoi, l'ordonnance entreprise sera infirmée et Mme [U] sera déboutée de sa demande de désignation d'un administrateur provisoire.

- sur les demandes accessoires :

L'ordonnance est également infirmée dans ces dispositions ayant statué sur les frais irrépétibles et les dépens. Mme [U], partie perdante, sera condamnée aux dépens de première instance et d'appel, qui pourront être recouvrés dans les conditions de l'article 699 du code de procédure civile mais dont il n'y a pas lieu de prévoir qu'ils incluront d'éventuelles saisies conservatoires pratiquées par M. [Z]. De même, Mme [U] sera condamnée à verser à M. [Z] une somme totale de 3 000 euros au titre des frais irrépétibles exposés en première instance et en appel.

PAR CES MOTIFS :

La cour statuant publiquement, par un arrêt réputé contradictoire et par mise à disposition au greffe,

- INFIRME l'ordonnance entreprise, sauf en ce qu'elle a déclaré recevable l'action de Mme [U] ;

statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant,

- DÉBOUTE Mme [U] de sa demande de désignation d'un administrateur provisoire ;

- CONDAMNE Mme [U] à verser à M. [Z] une somme totale de 3 000 euros au titre des frais irrépétibles exposés en première instance et en appel ;

- CONDAMNE Mme [U] aux dépens de première instance et d'appel, qui pourront être recouvrés dans les conditions de l'article 699 du code de procédure civile mais qui n'incluront pas le coût d'éventuelles saisies conservatoires pratiquées par M. [Z].

LA GREFFIERE, LA PRESIDENTE,

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