CA Bordeaux, ch. soc. A, 30 septembre 2025, n° 23/01392
BORDEAUX
Arrêt
Autre
COUR D'APPEL DE BORDEAUX
CHAMBRE SOCIALE - SECTION A
--------------------------
ARRÊT DU : 30 SEPTEMBRE 2025
PRUD'HOMMES
N° RG 23/01392 - N° Portalis DBVJ-V-B7H-NFQ5
Monsieur [U] [Y]
c/
S.A.S. COLISEE PATRIMOINE GROUP
Nature de la décision : AU FOND
Grosse délivrée le :
à :
Me Pierre FONROUGE de la SELARL KPDB INTER-BARREAUX, avocat au barreau de BORDEAUX
Me Daniel DEL RISCO, avocat au barreau de BORDEAUX
Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 17 février 2023 (R.G. n°F 20/01863) par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de BORDEAUX, Section Encadrement, suivant déclaration d'appel du 20 mars 2023,
APPELANT :
Monsieur [U] [Y]
né le 10 Juin 1962
de nationalité Française, demeurant [Adresse 1]
représenté par Me Pierre FONROUGE de la SELARL KPDB INTER-BARREAUX, avocat au barreau de BORDEAUX et Me Christine PETAMENT, avocat au barreau de BESANÇON
INTIMÉE :
S.A.S. COLISEE PATRIMOINE GROUP Prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège [Adresse 2]
N° SIRET : 480 080 969 000
représentée par Me Daniel DEL RISCO, avocat au barreau de BORDEAUX et Me Denis FERRE de la SELARL ABEILLE AVOCATS, avocat au barreau de MARSEILLE,
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 24 juin 2025 en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Laure Quinet, Conseiller chargé d'instruire l'affaire,
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Marie-Hélène Diximier, présidente
Madame Sylvie Tronche, conseillère
Madame Laure Quinet, conseillère
Greffière lors des débats : Evelyne Gombaud
ARRÊT :
- contradictoire
- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du Code de Procédure Civile.
***
EXPOSÉ DU LITIGE
1.Monsieur [U] [Y], né en 1962, a été engagé en qualité de directeur financier adjoint par la SAS Colisée patrimoine group, par contrat de travail à durée indéterminée à compter du 1er février 2019.
Par avenant du 1er septembre 2019, il a été promu au poste de directeur comptable, statut cadre C, position III, coefficient 465.
Les relations contractuelles entre les parties étaient soumises à la convention collective nationale de l'hospitalisation privée du 18 avril 2002.
La rémunération mensuelle brute de M. [Y] s'élevait à la somme de 6 500 euros dans le cadre d'un forfait annuel en jours, outre une prime annuelle sur objectifs.
2.Par lettre datée du 25 février 2020, M. [Y] a été convoqué à un entretien préalable à un éventuel licenciement fixé au 5 mars 2020, et mis à pied à titre conservatoire.
Il a ensuite été licencié pour faute grave par lettre recommandée datée du 10 mars 2020 en raison de son comportement envers une collègue de travail, dont il était le supérieur hiérarchique, qui a dénoncé avoir subi une agression sexuelle ainsi que des faits de harcèlement sexuel et moral.
A la date du licenciement, M. [Y] avait une ancienneté d'une année et un mois et la société occupait à titre habituel plus de dix salariés.
3.Par requête reçue le 21 décembre 2020, M. [Y] a saisi le conseil de prud'hommes de Bordeaux pour voir juger son licenciement sans cause réelle et sérieuse, demandant le paiement d'indemnités de rupture, un rappel de rémunération et le remboursement de divers frais engagés au cours de la relation de travail.
Par jugement rendu le 17 février 2023, le conseil de prud'hommes a :
- débouté M. [Y] de l'ensemble de ses demandes,
- débouté la société Colisée patrimoine group de sa demande reconventionnelle,
- condamné M. [Y] à verser à la société Colisée patrimoine group la somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné M. [Y] aux dépens.
4.Par déclaration communiquée par voie électronique le 20 mars 2023, M. [Y] a relevé appel de cette décision, notifiée par lettre adressée aux parties par le greffe le 21 février 2023.
5.Dans ses dernières conclusions adressées au greffe par le réseau privé virtuel des avocats le 19 juin 2023, M. [Y] demande à la cour de le déclarer recevable et bien fondé en son appel et y faisant droit,
- infirmer la décision entreprise et, statuant à nouveau,
- juger que son licenciement pour faute grave est infondé et abusif,
- condamner la société Colisée patrimoine group à lui payer les sommes suivantes :
* 1 779 euros au titre de l'indemnité légale de licenciement avec intérêt légal à compter de la date de réception de la convocation pour l'audience du bureau de conciliation et d'orientation,
* 52 000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement abusif et réparation du préjudice moral, familial et professionnel subi,
* 19 500 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis,
* 895,23 euros au titre de la mise à pied conservatoire,
* 1 191 euros au titre de la prime sur objectif 2020 au prorata,
* 70 euros au titre de la carte d'essence bloquée,
* mémoire au titre des frais péages et parking, hébergement effectués pour se rendre à l'entretien préalable,
* 14 413 euros (carburant 5 485 euros, frais divers 2 635 euros, frais de financement 6 293 euros) au titre de l'utilisation de son véhicule personnel et au financement des frais liés au véhicule pour la période du 1er février 2019 au 17 janvier 2020,
- ordonner la rectification de ses bulletins de salaire depuis février 2019 en incluant l'avantage en nature,
- ordonner la remise du bulletin de paie du mois de mars 2020 conforme,
- condamner la société Colisée patrimoine group à lui payer la somme 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens,
- débouter la société Colisée patrimoine group de toutes demandes, fins et conclusions contraires.
6.Dans ses dernières conclusions adressées au greffe par le réseau privé virtuel des avocats le 11 juillet 2023, la société Colisée patrimoine group demande à la cour de':
- confirmer la décision rendue en ce qu'elle a débouté M. [Y] de l'ensemble de ses demandes,
Y ajoutant,
- condamner M. [Y] à lui payer la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens d'appel dont distraction au profit de Me Daniel del Risco au visa de l'article 699 du code de procédure civile.
7.L'ordonnance de clôture a été rendue le 23 mai 2025 et l'affaire a été fixée à l'audience du 24 juin 2025.
Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure antérieure, des prétentions et des moyens des parties, la cour se réfère à leurs conclusions écrites conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile ainsi qu'à la décision déférée.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur le licenciement pour faute grave
8.La lettre de licenciement adressée le 10 mars 2020 à M. [Y] est ainsi rédigée:
« Vous avez été embauché le 1er Février 2019 au sein de notre société, le poste que vous occupez actuellement est celui de de Directeur Comptable.
A ce titre, il vous a été confié la responsabilité de : La comptabilité de l'ensemble des
activités FRANCE.
Dans le cadre de vos missions, vous supervisiez une équipe composée d'environ 20
personnes, autour de 4 pôles sur lesquels sont dédiés des responsables de pôles avec lesquels vous étiez amené à vous déplacer occasionnellement.
Le 9 octobre 2019, notre société a recruté Madame [I] [H], en qualité de de Responsable comptabilité générale, dont vous êtes devenu le supérieur hiérarchique direct.
Son contrat de travail prévoyait une période d'essai de 3 mois.
Ainsi que nous vous l'avons exposé lors de notre entretien, Madame [I] [H] nous a signalé, le 20 février 2020, avoir subi une agression sexuelle ainsi que des faits répétés de harcèlement moral et sexuel depuis son embauche au sein de notre société et vous a expressément désigné comme étant l'auteur de ces agissements.
Il nous a été rapporté que vous avez abusé de votre position hiérarchique pour tenter de forcer, de manière répétée et continue, une relation intime, sentimentale et sexuelle, non désirée avec votre subordonnée depuis son entrée dans l'équipe.
Il ressort des déclarations de Madame [I] [H] que le harcèlement auquel vous l'avez soumise a débuté le soir 28 octobre 2019, lors d'un déplacement professionnel à [Localité 6].
Ce déplacement nécessitait que vous séjourniez, tous deux, une nuit à l'hôtel, en chambre individuelle.
Madame [H] nous rapporte que vous l'attendiez lors de son arrivée à l'hôtel, aux
alentours de minuit, insistant pour travailler des dossiers et l'aider à monter sa valise dans sa chambre.
Malgré sa gêne et l'incongruité de cette demande, Madame [H] nous indique ne pas avoir osé refuser cette demande compte-tenu de l'existence d'un lien hiérarchique.
Entré dans sa chambre sous ce prétexte, vous l'avez ensuite, par surprise, plaquée contre le mur et tenté de forcer un rapprochement en essayant alors de l'embrasser et de la déshabiller, avant de quitter sa chambre après qu'elle vous ait vigoureusement repoussé.
Il nous est indiqué que vous avez réussi à dégrafer son soutien-gorge et que vous avez essayé de lui baisser son pantalon, ce qui l'a profondément choquée.
Ces faits sont inadmissibles et constituent des actes d'attouchement et d'agression sexuelle pénalement répréhensibles.
Madame [H] nous précise ne pas avoir dénoncé ces faits pour conserver son emploi, sa période d'essai n'étant alors pas terminée, et étant de surcroît parent isolé.
Depuis lors elle n'a cessé de repousser vos multiples avances, tout en essayant de ne pas vous heurter afin d'éviter de perdre son emploi.
A la suite de cette première méconduite, vous avez multiplié les pressions dans le but
d'obtenir des faveurs sexuelles, sous la menace d'entraver sa présence et/ou à son évolution professionnelle au sein de notre société. Cela confine au chantage.
Ces pressions se sont matérialisées par :
- La répétition de déclarations et de propositions indécentes, tendant à obtenir la satisfaction de vos seuls désirs, malgré les refus successifs exprimés par Madame
[I] [H],
- Des propos à caractère sexistes et sexuels tels que « de quelle couleur est ton soutien gorge aujourd'hui »,
- Des allusions tendancieuses et suggestions à connotation sexuelle telles que « je suis sûr que je t'aurais » et l'envoi du code de votre porte d'immeuble en pleine nuit,
- Des remarques et plaisanteries déplacées.
L'ensemble étant de nature à porter atteinte à la dignité de Madame [I] [H].
Madame [H] nous a signalé que ces pressions ont notamment, mais pas exclusivement, pris la forme d'un harcèlement téléphonique, pendant et en dehors des temps et lieu de travail, à toute heure du jour et de la nuit.
Elle nous a également précisé que vous insistiez pour qu'elle vous accompagne lors de vos déplacements professionnels, au cours desquels vous vous obstiniez à exprimer votre souhait d'entamer une relation extraconjugale avec elle, n'hésitant pas à toquer régulièrement à la porte de sa chambre en pleine nuit.
Nous avons évidemment procédé à des vérifications.
Il ressort de ces vérifications de données une abondance de SMS, messages vocaux et d'appels en absence depuis le téléphone professionnel mis à votre disposition par notre société vers ses lignes personnelle et professionnelle, ce qui corrobore ses déclarations.
Il ressort notamment des relevés téléphoniques de votre téléphone professionnel que vous avez passé 241 appels et adressé 549 SMS à Madame [H] entre les mois d'octobre 2019 et janvier 2020 à toutes heures du jour et de la nuit ; ne lui laissant ainsi aucun répit.
Pour exemple :
Des le mois d'octobre 2019, ( Madame [H] étant arrivée dans l'entreprise le 9 Octobre) vous avez appelé Madame [H] à 49 reprises et lui avez adressé pas moins de 31 textos sur son téléphone professionnel ; outre les appels passés vers son portable personnel.
Au mois de novembre 2019, vous avez appelé Madame [H] à 77 reprises et lui avez adressé pas moins de 311 textos sur son téléphone professionnel ; outre les 17 appels et 50 SMS émis vers son portable personnel.
A titre d'illustration, le 13 novembre 2019, alors que vous étiez tous les 2 en déplacement à [Localité 5] et que vous séjourniez dans le même hôtel, vous avez tenté d'appeler Madame [H] à 17 reprises, dont 11 fois entre 3h58 et 6h43, n'hésitant pas à tenter de la joindre sur son téléphone personnel (4h52) après avoir échoué à la contacter sur son téléphone professionnel ; outre les 11 SMS qui lui ont été adressés entre 3h57 et 6h53 cette même nuit du 13 nov.
Il ressort notamment du SMS que vous lui avez adressé à 5h26 que vous avez pris l'initiative de toquer à sa porte malgré l'absence de réponse à vos nombreuses tentatives : « Bon, ' j'ai toqué ' C'est beau [Localité 5] la nuit ' ».
Au mois de décembre 2019, vous avez appelé Madame [H] à 68 reprises et lui avez adressé pas moins de 92 textos alternant les envois sur ses téléphones professionnel (42 appels et 50 sms) et personnel (26 appels et 42 sms).
Au mois de janvier 2019, ont été relevés 31 appels téléphoniques et 43 SMS.
A ce décompte, s'ajoute les tentatives émises depuis votre téléphone personnel.
Le nombre et le contenu de vos messages et appels téléphoniques et de vos échanges ont été constaté par procès-verbal d'Huissier de Justice, dont il ressort expressément un harcèlement inadmissible envers une collègue de bureau, harcèlement aggravé par votre position de supérieur hiérarchique.
Vous avez ainsi délibérément exercé des pressions graves et répétées dans le but d'imposer un acte de nature sexuelle.
Ainsi et de façon non exhaustive, il ressort de la lecture d'extraits de vos échanges que vous avez tenus les propos suivants.
Extraits non exhaustifs des échanges de textos entre [I] [H] et [U] [Y] entre oct et février 2020 sur le tél personnel de [I] [H] et depuis le téléphone personnel d'[U] [Y] :
9 décembre 2019
[O] : 9 déc 2019 message de [O] « Comment va ma work Wife ' »
[O] : 9 déc 2019 : « Je ramasse 4 SMS d'un coup alors je vais essayer d'y répondre dans l'ordre :
« 4 ' arrête d'essayer de comprendre'moi je viens de comprendre que je ne t'intéressais pas du tout'que tu ne décideras jamais rien et je n'ai plus assez de temps pour attendre »
« [O] : Si tu veux prendre un verre tu me dis où »
MM : « dois je envisager le même sort que Mr [R] » '
10 décembre 2019
[O] : le 10 déc 23h23 : « Et tu as raison'je ne suis pas dispo pour les 10 prochaines années et tu es tout sauf un bout de viande'donc on fait comme tu veux et on ne fait rien.
Je ne vais plus te solliciter.
Ca a été et restera pour moi 44 jours dingue où un vieux s'est pris pour ce qu'il ne pourra jamais être »
23h42 : »tu es un objectif inatteignable
Et tu as parfaitement réusssi à t'éloigner de moi »
12 décembre 2019
[O] : jeudi 12 déc 2019 : minuit 58
« Viens's'il te plait
S'il te plait
S'il te plait [I] «
MM : [U] non désolée
13 décembre 2019
[O] : 13 déc 23h29
« Psychologiquement paumé'oui je me suis perdu »
[O] : 13 déc 23h45
« tant que tu seras persuadé que je te voie comme un morceau de viande tu me rejetteras »
14 décembre 2019
[O] : 14 déc Minuit 02 « tu vas faire quoi ' qui est ce qui va te prendre ta soirée ' Un RDV galant »
Minuit 06 « et je veux bien remplir un de tes vides'tu me dis »
15 décembre 2019
[O] : dim 15 déc 17h05 « salut nos hôtels sont validés'
Tu vas bien ' pas trop long ce weekend '
17 décembre 2019
[O] : 17 dec 2019 à 10h11 « Non pas du tout'mes analyses sont bonnes'alors je peux continuer à me détruire. Paris Seul Plan B (B comme tu sais qui')
18 décembre 2019
[O] : 07h04 18 déc 2019 « comment va ce matin ma râleuse préférée »
19 décembre 2019
Soirée de noel : 19 déc 2019 20h31 « trop de monde..ce n'est pas cool d'être pote
Un sourire pour moi stp »
[O] 22h26 « reste avec moi ce soir stp »
20 décembre 2019
[O] 20 déc 19 ' 01 :12 du matin « je te hais »
22 décembre 2019
[O] Dim 22 déc 2019 ' ce soir tard il y aura un viking paumé à bdx »
10 SMS'
23 décembre 2019
[O] 23 déc 2019 à 10h34 « Allez 5 min quand tu veux'si tu veux »
« Bon'pas le moindre petit crunch de ton côté »
[O] 23 déc 2019 à 23h50 « Tu n'as pas répondu à mon Sms »
« ' »
« Dis-moi oui ou dis-moi non mais dis-moi quelque chose aide moi »
24 décembre 2019
[O] 24 déc à 00h03 « Tu dors ' »
« Bon ben bonne nuit alors ' »
[O] 24 déc 2019 à 01 :01 du matin : Nn..mais à cette heure là tu bosses perso j'espère'
24 déc 2019 01 :49 « je t'ai attendu'j'ai attendu un appel'j'attends une réponse' Crunch ou pas ' »
01 :53 « un mot gentil ' »
26 décembre 2019
[O] 26 déc à 02h06 « ['] Bon je pars vers [Localité 3] ' On se voit ce soir ' »
Jeudi 26 déc 19 ' 6h35 « tu ne veux pas qu'on se voit- tu 'écris pas'tu ne m'appelles
Bon ben ça y est tu as un mec'C'ur brisé «
12h08 [O] « accorde moi 2 heures de ta vie aujourd'hui' »
20h07 « pas moi j'ai jms su. Je ne suis ni grand ni dramaturge
Je suis un amoureux éternellement infidèle'
Donc pour reprendre tes mots je vais chercher une autre qui voudra s'amuser »
[O] 26 déc 21h23 : ça aurait du être toi
Tu vas me manquer à un point que tu n'imagines même pas' »
1er janvier 2020
Mercredi 01 janv 2020 [O] : Bonjour Madame'je quitte [Localité 7] C'est demain soir qu'on se parle si tu as du temps »
3 janvier 2020
[O] 3 janv 2020 : C'est toi qui voit' moi je ne suis pas couché »
6 janvier 2020
[O] 6 janv « pas de temps pour un plan B »
7 janvier 2020
[O] 7 janv 2020 - 17h12 « tu restes avec le gros matou stp ce soir ' »
8 janvier 2020
[O] 8 janv 2020 21 h31 « et donc..nous deux'demain '
Constat sur le téléphone personnel de [I] [H] depuis le téléphone professionnel d'[U] [Y] :
17 novembre 2019
17 nov 2019 : « tu veux qu'on se fasse une soirée parisienne..on part à 17'on arrive à 22'et on dort sur [Localité 5] '
Ou bien mémère dors à mi route »
17 nov 23h30 ' « y'a pas de sujet dem si j'ai BESOIN de toi »
2 décembre 2019
2 déc 11h20 « tu aurais pu me montrer que tu étais contente de me voir »
6 décembre 2019
6 déc 2019 minuit 24 « j'ai merdé on a une trop grande proximité' »
Minuit 44 « et triste de devoir me retirer de ce qui aurait pu être une belle histoire »
Textos sur le tél PROFESSIONEL DE [I] [H] depuis le téléphone d'[U] [Y] :
[O] 10 fév 20 - 9 h « toujours pas amoureuse de moi ' ».
Votre comportement caractérise un abus d'autorité qui a eu pour effet de créer un environnement de travail hostile et insécurisant au détriment de Madame [H] qui en est très affectée.
Cela est d'autant plus inacceptable que Madame [I] [H] nous a informé de votre attitude de dénigrement de son travail après qu'elle ait rejeté vos avances.
Il ressort notamment de vos échanges de SMS que cette dernière vous a confié son
incompréhension après avoir été écartée de certains projets pour ne pas être entrée dans votre jeu : « Mais là tu me mets clairement au placard » « Je ne vois pas quoi faire de plus pour montrer ma motivation et mon engagement » « Maintenant si je dois être punie pour ça ou pour ce qu'il y a entre les lignes ' c'est beaucoup moins sympa. » « Et je ne pensais pas que tu jouerais ce jeu-là ».
Vous devez savoir que l'ensemble de vos agissements l'a plongé dans une situation de détresse telle qu'il a nécessité une prise en charge médicale et la prescription d'un traitement médicamenteux.
Votre comportement délibérément fautif est d'autant plus intolérable et incompréhensible que Madame [I] [H] était votre subordonnée.
Nous ne pouvons tolérer un tel comportement qui est non seulement contraire aux valeurs de notre entreprise et à vos obligations professionnelles, mais surtout constitutif des délits d'agression et de harcèlement moral et sexuel pénalement repréhensibles.
Votre comportement nuit gravement à la santé et à la sécurité de nos salariées et engage la responsabilité pénale de note société, outre le fait de nuire à l'image et au bon climat social de notre entreprise.
Pour l'ensemble de ces raisons, nous sommes donc au regret de vous notifier, par la présente, votre licenciement pour faute grave.
Pour les mêmes raisons, nous vous confirmons la mise à pied à titre conservatoire dont vous faîte l'objet depuis le 26 Février 2020 Le salaire correspondant à cette période ne vous sera donc pas versé.
Vous licenciement est immédiat, sans préavis ni indemnité de rupture, de sorte que vous cessez de faire partie de nos effectifs à compter de ce jour ».
9.Pour voir infirmer le jugement déféré, M. [Y] soutient en substance:
- que comme l'a retenu le conseil de prud'hommes, aucune pièce n'apporte la preuve de l'agression sexuelle qui lui est reprochée, la seule attestation de Mme [F] épouse [G], qui se borne à rapporter les propos que lui a tenus Mme [H] le 20 février 2020, n'étant pas probante ;
- que Mme [H] lui envoyait elle-aussi de nombreux textos, leurs échanges téléphoniques s'inscrivant dans le cadre d'une relation de séduction entre adultes consentants qui ne relève pas du harcèlement sexuel, ce que démontreraient selon lui la teneur des SMS produits ;
- qu'il n'a jamais exercé de pression sur la salariée ni eu l'intention d'obtenir des faveurs de nature sexuelle. Il prétend avoir lui-même éconduit Mme [H], cette dernière ayant été déçue que leur relation ne soit pas allée plus loin, et avoir bloqué depuis le 9 janvier 2020 les numéros de la salariée sur son téléphone personnel afin qu'elle cesse de le harceler. Il ajoute que sur l'insistance de cette dernière, il a sollicité la responsable des ressources humaines pour que sa période d'essai ne soit pas renouvelée ;
- qu'en réalité, la société Colisée patrimoine group a souhaité l'écarter de l'entreprise, Mme [H] l'ayant remplacé à son poste.
10.La société intimée réplique que les faits reprochés au salarié sont établis par ses multiples messages et appels téléphoniques, envoyés et passés notamment à des heures nocturnes, leur contenu démontrant sans ambiguité la volonté de M. [Y] d'obtenir des faveurs sexuelles de la part de Mme [H].
Elle fait valoir qu' il n'y a jamais eu un quelconque flirt entre M. [Y] et Mme [H] et que cette dernière, en période d'essai et parent isolé, a tenté de contrer au mieux les assauts de M. [Y] pour ne pas perdre son emploi.
Elle ajoute que la salariée a été placée en arrêt de travail pour maladie et par la suite,
ne pouvant plus supporter l'univers dans lequel elle avait été harcelée, a sollicité une rupture conventionnelle qui lui a été accordée, mais n'a pas comme le prétend l'appelant remplacé ce dernier à son poste.
Elle considère que la gravité des faits reprochés à M. [Y] justifiait la rupture immédiate de son contrat de travail au regard de l'obligation de sécurité à laquelle elle est tenue.
Réponse de la cour
11.L'employeur ayant choisi de se placer sur le terrain d'un licenciement pour faute grave doit rapporter la preuve des faits allégués et démontrer que ces faits constituent une violation des obligations découlant du contrat de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié au sein de l'entreprise.
Sur le grief d'agression sexuelle
12.C'est à juste titre que les premiers juges ont considéré que l'agression sexuelle dénoncée par Mme [H] n'était pas établie, en constatant qu' il n'existait aucun témoignage externe sur ce qui s'est passé entre M. [Y] et Mme [H] dans la nuit du 28 au 29 octobre 2019, ni de relation de ces évènements autre que celle faite 4 mois plus tard par Mme [H] à Mme [F], directrice du développement RH, que la teneur des appels passés par M. [Y] à Mme [H] dans la nuit du 28 au 29 octobre 2019 n'était pas connue, et que les messages échangés par la suite entre les intéressés ne permettaient pas de confirmer la réalité des faits rapportés par Mme [H].
Sur le grief d'harcèlement sexuel
13.Aux termes de l'article L. 1 153-1 du code du travail, dans sa rédaction applicable au litige, aucun salarié ne doit subir des faits :
1° Soit de harcèlement sexuel, constitué par des propos ou comportements à connotation sexuelle répétés qui soit portent atteinte à sa dignité en raison de leur caractère dégradant ou humiliant, soit créent à son encontre une situation intimidante, hostile ou offensante ;
2° Soit assimilés au harcèlement sexuel, consistant en toute forme de pression grave, même non répétée, exercée dans le but réel ou apparent d'obtenir un acte de nature sexuelle, que celui-ci soit recherché au profit de l'auteur des faits ou au profit d'un tiers.
14.En l'espèce, la société Colisée patrimoine group produit :
- les relevés du téléphone professionnel de M. [Y] desquels il résulte qu'entre le mois d'octobre 2019 et le mois de janvier 2020, le salarié a passé 241 appels et adressé 549 SMS à Mme [H], tant sur le téléphone professionnel que sur le téléphone personnel de cette dernière, y compris le week-end et la nuit. A titre d'exemple, le 13 novembre 2019, alors que M. [Y] est en déplacement avec Mme [H] et qu'ils partagent le même hôtel, il l'a appelée à 10 reprises entre 3h58 et 6h33 et lui a envoyé 10 SMS.
Nombre de ces appels d'une durée de quelques secondes, démontrent que Mme [H] refusait de répondre aux sollicitations de M. [Y].
- plusieurs messages reçus par Mme [H] ( pièces 17 à 22), sans équivoque quant au but de M. [N] d'obtenir une relation de nature sexuelle avec Mme [H].
Il lui écrit par exemple :
' verrais je le soutiff sexy''
' en fait tu n'accèdes à aucune de mes demandes'
' la balle est dans Ton camps',
' prends ta caisse et viens dormir au Tatry ... DORMIR!'
' Réservation faite à [4] lac j'y serai vers 22h Essaie de venir'
' je suis à l'hôtel chambre 426 je pensais que tu serais là ...'
' bon ... j'ai toqué ... C'est beau paris la nuit ...Je vais me promener seul... Tant pis'
' toujours pas amoureuse de moi ''
' je vais changer de périmètre de chasse ...'
' Tu connais l'adresse... le code de la porte c'est (...) et j'ai toute la nuit..'
' ça fait juste trois fois que je me prends un GROS RATEAU. Alors ne m'écrit pas et vient ou oublie moi. Tic tac..tic tac'
' moi je viens de comprendre que je ne t'interressais pas du tout.. Que tu ne 'décideras' jamais rien ..et je n'ai plus assez de temps pour attendre'
' ça a été et restera pour moi 44 jours dingues où un vieux s'est pris pour ce qu'il ne pourra jamais être', Mme [H] lui répondant:' où il a pris quelqu'un pour ce qu'elle n'était pas plutôt..'
' tu es un objectif inatteignable'
' Et moi je vais retourner vers des soirées de vieu beau .. Ou vieu moche.. Sans objectif défini .. et tellement moins passionnantes'
' (..) Cqfd que de n'être pour toi qu'un collègue comme les autres ne me suffisait pas ' Qu'il va falloir que je m'en contente ' Que pour moi la vie n'est rien quand elle est tiède ''
' reste avec moi ce soir..stp'
' tu ne veux pas qu'on se voit.. Tu n'écris pas..tu ne m'appelles pas.. Bon ben ça y est tu as un mec...'
' c'est finalement mieux qu'il n'y ait rien entre nous et on ne mélangera donc jamais du pro et du perso..et tant mieux ..( tant pis')'
' je suis un amoureux éternellement infidèle..donc pour reprendre tes mots je vais chercher une autre qui voudra s'amuser'.
Il ressort par ailleurs des échanges de messages produits qu'alors que Mme [H] a exprimé à plusieurs reprises à M. [N] qu'elle refusait ses avances, l'intéressé a persisté dans ses sollicitations, continuant son harcèlement téléphonique.
Il apparaît également que la relation de séduction alléguée par l'appelant était à l'évidence à sens unique, Mme [H], dans ses messages de réponse, lui signifiant qu'elle souhaitait qu'ils restent dans le cadre d'une relation amicale entre collègues de travail. L'appelant ne peut ainsi sérieusement prétendre que Mme [H] était déçue que leur relation n'aille pas plus loin et le harcelait téléphoniquement. Au demeurant, il ne produit aucun des messages qu'il aurait reçus sur son téléphone personnel de la part de Mme [H], alors qu'il dit en avoir reçu des dizaines.
Enfin, contrairement à ce qu'affirme l'appelant, Mme [H] ne l'a pas remplacé à son poste puisqu' après avoir été placée en arrêt de travail du 13 mars au 13 septembre 2020, elle a quitté la société après signature d' une rupture conventionnelle le 25 septembre 2020, comme en justifie la société intimée.
Il résulte de l'ensemble de ces éléments que le salarié a exercé une pression grave sur sa subordonnée dans le but d'obtenir une relation de nature sexuelle.
15.Le grief d'harcèlement sexuel est par conséquent établi et justifiait, de par sa gravité, l'éviction immédiate du salarié de l'entreprise.
Le licenciement pour faute grave de M. [Y] étant justifié, le jugement déféré sera confirmé en ce qu'il l'a débouté de ses demandes au titre de la rupture du contrat de travail.
Sur la demande en paiement prorata temporis de la prime sur objectifs de l'année 2020
16.L'article 6 du contrat de travail de M. [N] stipule que la prime d'objectifs sera versée au prorata du temps de présence du salarié au sein de la société au cours de l'exercice concerné, qu'elle sera versée au début du deuxième trimestre de l'année n+1 et qu'elle n'est attribuée qu'en cas de présence du salarié au sein de la société à la date de versement.
17.C'est donc à bon droit que le conseil de prud'hommes, constatant que M. [N] n'était plus présent dans l'entreprise au deuxième trimestre 2021 lors du versement de la prime 2020, a jugé qu'il ne pouvait prétendre au paiement de ladite prime et a rejeté la demande, non fondée.
Le jugement déféré sera confirmé.
Sur la demande au titre de la carte essence
18.L'appelant sollicite la somme de 70 euros au titre de 'la carte essence bloquée', sans autre explication ni pièce justificative à l'appui de sa demande.
Sa demande n'étant fondée ni en fait ni en droit, le jugement critiqué qui l'a rejetée sera confirmé.
Sur la demande au titre des frais engagés pour se rendre à l'entretien préalable
19.L'appelant ne chiffrant pas sa demande et ne produisant aucune pièce justifiant des frais qu'il a engagés, le jugement déféré sera confirmé en ce qu'il a rejeté la demande.
Sur la demande au titre des frais d'utilisation du véhicule personnel
20.M. [Y] expose qu'il devait bénéficier d'un véhicule de fonction mais que celui-ci ne lui a été remis que le 17 janvier 2020. Il réclame la somme totale de 14 413 euros en remboursement des frais liés à l'utilisation de son véhicule personnel (carburant, frais divers, frais de financement) pour la période du 1er février 2019 au 17 janvier 2020, et la rectification de ses bulletins de salaire depuis février 2019 en incluant l'avantage en nature.
21.Toutefois, comme le fait valoir à juste titre la société intimée, l'appelant ne produit pas la moindre pièce justificative des frais qu'il prétend avoir supportés au titre de l'utilisation de son véhicule personnel.
22.Par ailleurs, n'ayant pas bénéficié d'un véhicule de fonction, il n'y a pas lieu de mentionner sur ses bulletins de paie un avantage en nature inexistant.
Le jugement critiqué sera en conséquence confirmé en ce qu'il a rejeté les demandes.
Sur les frais de l'instance
23.M. [Y], partie perdante à l'instance, sera condamné aux dépens, avec distraction au profit de Me Daniel del Risco, avocat, conformément à l'article 699 du code de procédure civile, ainsi qu'à payer à la société Colisée patrimoine group la somme complémentaire de 2000 euros au titre des frais irrépétibles exposés en cause d'appel, en sus de la somme allouée en première instance sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS,
La cour,
Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions.
Y ajoutant,
Condamne M. [Y] aux dépens avec distraction au profit de Me Daniel del Risco, avocat, ainsi qu'à verser à la société Colisée patrimoine group la somme de 2 000 euros au titre des frais irrépétibles exposés en cause d'appel , en sus de la somme allouée à ce titre en première instance.
Déboute M. [Y] de sa demande faite sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Signé par Madame Marie-Hélène Diximier, présidente et par Evelyne Gombaud, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Evelyne Gombaud Marie-Hélène Diximier
CHAMBRE SOCIALE - SECTION A
--------------------------
ARRÊT DU : 30 SEPTEMBRE 2025
PRUD'HOMMES
N° RG 23/01392 - N° Portalis DBVJ-V-B7H-NFQ5
Monsieur [U] [Y]
c/
S.A.S. COLISEE PATRIMOINE GROUP
Nature de la décision : AU FOND
Grosse délivrée le :
à :
Me Pierre FONROUGE de la SELARL KPDB INTER-BARREAUX, avocat au barreau de BORDEAUX
Me Daniel DEL RISCO, avocat au barreau de BORDEAUX
Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 17 février 2023 (R.G. n°F 20/01863) par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de BORDEAUX, Section Encadrement, suivant déclaration d'appel du 20 mars 2023,
APPELANT :
Monsieur [U] [Y]
né le 10 Juin 1962
de nationalité Française, demeurant [Adresse 1]
représenté par Me Pierre FONROUGE de la SELARL KPDB INTER-BARREAUX, avocat au barreau de BORDEAUX et Me Christine PETAMENT, avocat au barreau de BESANÇON
INTIMÉE :
S.A.S. COLISEE PATRIMOINE GROUP Prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège [Adresse 2]
N° SIRET : 480 080 969 000
représentée par Me Daniel DEL RISCO, avocat au barreau de BORDEAUX et Me Denis FERRE de la SELARL ABEILLE AVOCATS, avocat au barreau de MARSEILLE,
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 24 juin 2025 en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Laure Quinet, Conseiller chargé d'instruire l'affaire,
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Marie-Hélène Diximier, présidente
Madame Sylvie Tronche, conseillère
Madame Laure Quinet, conseillère
Greffière lors des débats : Evelyne Gombaud
ARRÊT :
- contradictoire
- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du Code de Procédure Civile.
***
EXPOSÉ DU LITIGE
1.Monsieur [U] [Y], né en 1962, a été engagé en qualité de directeur financier adjoint par la SAS Colisée patrimoine group, par contrat de travail à durée indéterminée à compter du 1er février 2019.
Par avenant du 1er septembre 2019, il a été promu au poste de directeur comptable, statut cadre C, position III, coefficient 465.
Les relations contractuelles entre les parties étaient soumises à la convention collective nationale de l'hospitalisation privée du 18 avril 2002.
La rémunération mensuelle brute de M. [Y] s'élevait à la somme de 6 500 euros dans le cadre d'un forfait annuel en jours, outre une prime annuelle sur objectifs.
2.Par lettre datée du 25 février 2020, M. [Y] a été convoqué à un entretien préalable à un éventuel licenciement fixé au 5 mars 2020, et mis à pied à titre conservatoire.
Il a ensuite été licencié pour faute grave par lettre recommandée datée du 10 mars 2020 en raison de son comportement envers une collègue de travail, dont il était le supérieur hiérarchique, qui a dénoncé avoir subi une agression sexuelle ainsi que des faits de harcèlement sexuel et moral.
A la date du licenciement, M. [Y] avait une ancienneté d'une année et un mois et la société occupait à titre habituel plus de dix salariés.
3.Par requête reçue le 21 décembre 2020, M. [Y] a saisi le conseil de prud'hommes de Bordeaux pour voir juger son licenciement sans cause réelle et sérieuse, demandant le paiement d'indemnités de rupture, un rappel de rémunération et le remboursement de divers frais engagés au cours de la relation de travail.
Par jugement rendu le 17 février 2023, le conseil de prud'hommes a :
- débouté M. [Y] de l'ensemble de ses demandes,
- débouté la société Colisée patrimoine group de sa demande reconventionnelle,
- condamné M. [Y] à verser à la société Colisée patrimoine group la somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné M. [Y] aux dépens.
4.Par déclaration communiquée par voie électronique le 20 mars 2023, M. [Y] a relevé appel de cette décision, notifiée par lettre adressée aux parties par le greffe le 21 février 2023.
5.Dans ses dernières conclusions adressées au greffe par le réseau privé virtuel des avocats le 19 juin 2023, M. [Y] demande à la cour de le déclarer recevable et bien fondé en son appel et y faisant droit,
- infirmer la décision entreprise et, statuant à nouveau,
- juger que son licenciement pour faute grave est infondé et abusif,
- condamner la société Colisée patrimoine group à lui payer les sommes suivantes :
* 1 779 euros au titre de l'indemnité légale de licenciement avec intérêt légal à compter de la date de réception de la convocation pour l'audience du bureau de conciliation et d'orientation,
* 52 000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement abusif et réparation du préjudice moral, familial et professionnel subi,
* 19 500 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis,
* 895,23 euros au titre de la mise à pied conservatoire,
* 1 191 euros au titre de la prime sur objectif 2020 au prorata,
* 70 euros au titre de la carte d'essence bloquée,
* mémoire au titre des frais péages et parking, hébergement effectués pour se rendre à l'entretien préalable,
* 14 413 euros (carburant 5 485 euros, frais divers 2 635 euros, frais de financement 6 293 euros) au titre de l'utilisation de son véhicule personnel et au financement des frais liés au véhicule pour la période du 1er février 2019 au 17 janvier 2020,
- ordonner la rectification de ses bulletins de salaire depuis février 2019 en incluant l'avantage en nature,
- ordonner la remise du bulletin de paie du mois de mars 2020 conforme,
- condamner la société Colisée patrimoine group à lui payer la somme 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens,
- débouter la société Colisée patrimoine group de toutes demandes, fins et conclusions contraires.
6.Dans ses dernières conclusions adressées au greffe par le réseau privé virtuel des avocats le 11 juillet 2023, la société Colisée patrimoine group demande à la cour de':
- confirmer la décision rendue en ce qu'elle a débouté M. [Y] de l'ensemble de ses demandes,
Y ajoutant,
- condamner M. [Y] à lui payer la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens d'appel dont distraction au profit de Me Daniel del Risco au visa de l'article 699 du code de procédure civile.
7.L'ordonnance de clôture a été rendue le 23 mai 2025 et l'affaire a été fixée à l'audience du 24 juin 2025.
Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure antérieure, des prétentions et des moyens des parties, la cour se réfère à leurs conclusions écrites conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile ainsi qu'à la décision déférée.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur le licenciement pour faute grave
8.La lettre de licenciement adressée le 10 mars 2020 à M. [Y] est ainsi rédigée:
« Vous avez été embauché le 1er Février 2019 au sein de notre société, le poste que vous occupez actuellement est celui de de Directeur Comptable.
A ce titre, il vous a été confié la responsabilité de : La comptabilité de l'ensemble des
activités FRANCE.
Dans le cadre de vos missions, vous supervisiez une équipe composée d'environ 20
personnes, autour de 4 pôles sur lesquels sont dédiés des responsables de pôles avec lesquels vous étiez amené à vous déplacer occasionnellement.
Le 9 octobre 2019, notre société a recruté Madame [I] [H], en qualité de de Responsable comptabilité générale, dont vous êtes devenu le supérieur hiérarchique direct.
Son contrat de travail prévoyait une période d'essai de 3 mois.
Ainsi que nous vous l'avons exposé lors de notre entretien, Madame [I] [H] nous a signalé, le 20 février 2020, avoir subi une agression sexuelle ainsi que des faits répétés de harcèlement moral et sexuel depuis son embauche au sein de notre société et vous a expressément désigné comme étant l'auteur de ces agissements.
Il nous a été rapporté que vous avez abusé de votre position hiérarchique pour tenter de forcer, de manière répétée et continue, une relation intime, sentimentale et sexuelle, non désirée avec votre subordonnée depuis son entrée dans l'équipe.
Il ressort des déclarations de Madame [I] [H] que le harcèlement auquel vous l'avez soumise a débuté le soir 28 octobre 2019, lors d'un déplacement professionnel à [Localité 6].
Ce déplacement nécessitait que vous séjourniez, tous deux, une nuit à l'hôtel, en chambre individuelle.
Madame [H] nous rapporte que vous l'attendiez lors de son arrivée à l'hôtel, aux
alentours de minuit, insistant pour travailler des dossiers et l'aider à monter sa valise dans sa chambre.
Malgré sa gêne et l'incongruité de cette demande, Madame [H] nous indique ne pas avoir osé refuser cette demande compte-tenu de l'existence d'un lien hiérarchique.
Entré dans sa chambre sous ce prétexte, vous l'avez ensuite, par surprise, plaquée contre le mur et tenté de forcer un rapprochement en essayant alors de l'embrasser et de la déshabiller, avant de quitter sa chambre après qu'elle vous ait vigoureusement repoussé.
Il nous est indiqué que vous avez réussi à dégrafer son soutien-gorge et que vous avez essayé de lui baisser son pantalon, ce qui l'a profondément choquée.
Ces faits sont inadmissibles et constituent des actes d'attouchement et d'agression sexuelle pénalement répréhensibles.
Madame [H] nous précise ne pas avoir dénoncé ces faits pour conserver son emploi, sa période d'essai n'étant alors pas terminée, et étant de surcroît parent isolé.
Depuis lors elle n'a cessé de repousser vos multiples avances, tout en essayant de ne pas vous heurter afin d'éviter de perdre son emploi.
A la suite de cette première méconduite, vous avez multiplié les pressions dans le but
d'obtenir des faveurs sexuelles, sous la menace d'entraver sa présence et/ou à son évolution professionnelle au sein de notre société. Cela confine au chantage.
Ces pressions se sont matérialisées par :
- La répétition de déclarations et de propositions indécentes, tendant à obtenir la satisfaction de vos seuls désirs, malgré les refus successifs exprimés par Madame
[I] [H],
- Des propos à caractère sexistes et sexuels tels que « de quelle couleur est ton soutien gorge aujourd'hui »,
- Des allusions tendancieuses et suggestions à connotation sexuelle telles que « je suis sûr que je t'aurais » et l'envoi du code de votre porte d'immeuble en pleine nuit,
- Des remarques et plaisanteries déplacées.
L'ensemble étant de nature à porter atteinte à la dignité de Madame [I] [H].
Madame [H] nous a signalé que ces pressions ont notamment, mais pas exclusivement, pris la forme d'un harcèlement téléphonique, pendant et en dehors des temps et lieu de travail, à toute heure du jour et de la nuit.
Elle nous a également précisé que vous insistiez pour qu'elle vous accompagne lors de vos déplacements professionnels, au cours desquels vous vous obstiniez à exprimer votre souhait d'entamer une relation extraconjugale avec elle, n'hésitant pas à toquer régulièrement à la porte de sa chambre en pleine nuit.
Nous avons évidemment procédé à des vérifications.
Il ressort de ces vérifications de données une abondance de SMS, messages vocaux et d'appels en absence depuis le téléphone professionnel mis à votre disposition par notre société vers ses lignes personnelle et professionnelle, ce qui corrobore ses déclarations.
Il ressort notamment des relevés téléphoniques de votre téléphone professionnel que vous avez passé 241 appels et adressé 549 SMS à Madame [H] entre les mois d'octobre 2019 et janvier 2020 à toutes heures du jour et de la nuit ; ne lui laissant ainsi aucun répit.
Pour exemple :
Des le mois d'octobre 2019, ( Madame [H] étant arrivée dans l'entreprise le 9 Octobre) vous avez appelé Madame [H] à 49 reprises et lui avez adressé pas moins de 31 textos sur son téléphone professionnel ; outre les appels passés vers son portable personnel.
Au mois de novembre 2019, vous avez appelé Madame [H] à 77 reprises et lui avez adressé pas moins de 311 textos sur son téléphone professionnel ; outre les 17 appels et 50 SMS émis vers son portable personnel.
A titre d'illustration, le 13 novembre 2019, alors que vous étiez tous les 2 en déplacement à [Localité 5] et que vous séjourniez dans le même hôtel, vous avez tenté d'appeler Madame [H] à 17 reprises, dont 11 fois entre 3h58 et 6h43, n'hésitant pas à tenter de la joindre sur son téléphone personnel (4h52) après avoir échoué à la contacter sur son téléphone professionnel ; outre les 11 SMS qui lui ont été adressés entre 3h57 et 6h53 cette même nuit du 13 nov.
Il ressort notamment du SMS que vous lui avez adressé à 5h26 que vous avez pris l'initiative de toquer à sa porte malgré l'absence de réponse à vos nombreuses tentatives : « Bon, ' j'ai toqué ' C'est beau [Localité 5] la nuit ' ».
Au mois de décembre 2019, vous avez appelé Madame [H] à 68 reprises et lui avez adressé pas moins de 92 textos alternant les envois sur ses téléphones professionnel (42 appels et 50 sms) et personnel (26 appels et 42 sms).
Au mois de janvier 2019, ont été relevés 31 appels téléphoniques et 43 SMS.
A ce décompte, s'ajoute les tentatives émises depuis votre téléphone personnel.
Le nombre et le contenu de vos messages et appels téléphoniques et de vos échanges ont été constaté par procès-verbal d'Huissier de Justice, dont il ressort expressément un harcèlement inadmissible envers une collègue de bureau, harcèlement aggravé par votre position de supérieur hiérarchique.
Vous avez ainsi délibérément exercé des pressions graves et répétées dans le but d'imposer un acte de nature sexuelle.
Ainsi et de façon non exhaustive, il ressort de la lecture d'extraits de vos échanges que vous avez tenus les propos suivants.
Extraits non exhaustifs des échanges de textos entre [I] [H] et [U] [Y] entre oct et février 2020 sur le tél personnel de [I] [H] et depuis le téléphone personnel d'[U] [Y] :
9 décembre 2019
[O] : 9 déc 2019 message de [O] « Comment va ma work Wife ' »
[O] : 9 déc 2019 : « Je ramasse 4 SMS d'un coup alors je vais essayer d'y répondre dans l'ordre :
« 4 ' arrête d'essayer de comprendre'moi je viens de comprendre que je ne t'intéressais pas du tout'que tu ne décideras jamais rien et je n'ai plus assez de temps pour attendre »
« [O] : Si tu veux prendre un verre tu me dis où »
MM : « dois je envisager le même sort que Mr [R] » '
10 décembre 2019
[O] : le 10 déc 23h23 : « Et tu as raison'je ne suis pas dispo pour les 10 prochaines années et tu es tout sauf un bout de viande'donc on fait comme tu veux et on ne fait rien.
Je ne vais plus te solliciter.
Ca a été et restera pour moi 44 jours dingue où un vieux s'est pris pour ce qu'il ne pourra jamais être »
23h42 : »tu es un objectif inatteignable
Et tu as parfaitement réusssi à t'éloigner de moi »
12 décembre 2019
[O] : jeudi 12 déc 2019 : minuit 58
« Viens's'il te plait
S'il te plait
S'il te plait [I] «
MM : [U] non désolée
13 décembre 2019
[O] : 13 déc 23h29
« Psychologiquement paumé'oui je me suis perdu »
[O] : 13 déc 23h45
« tant que tu seras persuadé que je te voie comme un morceau de viande tu me rejetteras »
14 décembre 2019
[O] : 14 déc Minuit 02 « tu vas faire quoi ' qui est ce qui va te prendre ta soirée ' Un RDV galant »
Minuit 06 « et je veux bien remplir un de tes vides'tu me dis »
15 décembre 2019
[O] : dim 15 déc 17h05 « salut nos hôtels sont validés'
Tu vas bien ' pas trop long ce weekend '
17 décembre 2019
[O] : 17 dec 2019 à 10h11 « Non pas du tout'mes analyses sont bonnes'alors je peux continuer à me détruire. Paris Seul Plan B (B comme tu sais qui')
18 décembre 2019
[O] : 07h04 18 déc 2019 « comment va ce matin ma râleuse préférée »
19 décembre 2019
Soirée de noel : 19 déc 2019 20h31 « trop de monde..ce n'est pas cool d'être pote
Un sourire pour moi stp »
[O] 22h26 « reste avec moi ce soir stp »
20 décembre 2019
[O] 20 déc 19 ' 01 :12 du matin « je te hais »
22 décembre 2019
[O] Dim 22 déc 2019 ' ce soir tard il y aura un viking paumé à bdx »
10 SMS'
23 décembre 2019
[O] 23 déc 2019 à 10h34 « Allez 5 min quand tu veux'si tu veux »
« Bon'pas le moindre petit crunch de ton côté »
[O] 23 déc 2019 à 23h50 « Tu n'as pas répondu à mon Sms »
« ' »
« Dis-moi oui ou dis-moi non mais dis-moi quelque chose aide moi »
24 décembre 2019
[O] 24 déc à 00h03 « Tu dors ' »
« Bon ben bonne nuit alors ' »
[O] 24 déc 2019 à 01 :01 du matin : Nn..mais à cette heure là tu bosses perso j'espère'
24 déc 2019 01 :49 « je t'ai attendu'j'ai attendu un appel'j'attends une réponse' Crunch ou pas ' »
01 :53 « un mot gentil ' »
26 décembre 2019
[O] 26 déc à 02h06 « ['] Bon je pars vers [Localité 3] ' On se voit ce soir ' »
Jeudi 26 déc 19 ' 6h35 « tu ne veux pas qu'on se voit- tu 'écris pas'tu ne m'appelles
Bon ben ça y est tu as un mec'C'ur brisé «
12h08 [O] « accorde moi 2 heures de ta vie aujourd'hui' »
20h07 « pas moi j'ai jms su. Je ne suis ni grand ni dramaturge
Je suis un amoureux éternellement infidèle'
Donc pour reprendre tes mots je vais chercher une autre qui voudra s'amuser »
[O] 26 déc 21h23 : ça aurait du être toi
Tu vas me manquer à un point que tu n'imagines même pas' »
1er janvier 2020
Mercredi 01 janv 2020 [O] : Bonjour Madame'je quitte [Localité 7] C'est demain soir qu'on se parle si tu as du temps »
3 janvier 2020
[O] 3 janv 2020 : C'est toi qui voit' moi je ne suis pas couché »
6 janvier 2020
[O] 6 janv « pas de temps pour un plan B »
7 janvier 2020
[O] 7 janv 2020 - 17h12 « tu restes avec le gros matou stp ce soir ' »
8 janvier 2020
[O] 8 janv 2020 21 h31 « et donc..nous deux'demain '
Constat sur le téléphone personnel de [I] [H] depuis le téléphone professionnel d'[U] [Y] :
17 novembre 2019
17 nov 2019 : « tu veux qu'on se fasse une soirée parisienne..on part à 17'on arrive à 22'et on dort sur [Localité 5] '
Ou bien mémère dors à mi route »
17 nov 23h30 ' « y'a pas de sujet dem si j'ai BESOIN de toi »
2 décembre 2019
2 déc 11h20 « tu aurais pu me montrer que tu étais contente de me voir »
6 décembre 2019
6 déc 2019 minuit 24 « j'ai merdé on a une trop grande proximité' »
Minuit 44 « et triste de devoir me retirer de ce qui aurait pu être une belle histoire »
Textos sur le tél PROFESSIONEL DE [I] [H] depuis le téléphone d'[U] [Y] :
[O] 10 fév 20 - 9 h « toujours pas amoureuse de moi ' ».
Votre comportement caractérise un abus d'autorité qui a eu pour effet de créer un environnement de travail hostile et insécurisant au détriment de Madame [H] qui en est très affectée.
Cela est d'autant plus inacceptable que Madame [I] [H] nous a informé de votre attitude de dénigrement de son travail après qu'elle ait rejeté vos avances.
Il ressort notamment de vos échanges de SMS que cette dernière vous a confié son
incompréhension après avoir été écartée de certains projets pour ne pas être entrée dans votre jeu : « Mais là tu me mets clairement au placard » « Je ne vois pas quoi faire de plus pour montrer ma motivation et mon engagement » « Maintenant si je dois être punie pour ça ou pour ce qu'il y a entre les lignes ' c'est beaucoup moins sympa. » « Et je ne pensais pas que tu jouerais ce jeu-là ».
Vous devez savoir que l'ensemble de vos agissements l'a plongé dans une situation de détresse telle qu'il a nécessité une prise en charge médicale et la prescription d'un traitement médicamenteux.
Votre comportement délibérément fautif est d'autant plus intolérable et incompréhensible que Madame [I] [H] était votre subordonnée.
Nous ne pouvons tolérer un tel comportement qui est non seulement contraire aux valeurs de notre entreprise et à vos obligations professionnelles, mais surtout constitutif des délits d'agression et de harcèlement moral et sexuel pénalement repréhensibles.
Votre comportement nuit gravement à la santé et à la sécurité de nos salariées et engage la responsabilité pénale de note société, outre le fait de nuire à l'image et au bon climat social de notre entreprise.
Pour l'ensemble de ces raisons, nous sommes donc au regret de vous notifier, par la présente, votre licenciement pour faute grave.
Pour les mêmes raisons, nous vous confirmons la mise à pied à titre conservatoire dont vous faîte l'objet depuis le 26 Février 2020 Le salaire correspondant à cette période ne vous sera donc pas versé.
Vous licenciement est immédiat, sans préavis ni indemnité de rupture, de sorte que vous cessez de faire partie de nos effectifs à compter de ce jour ».
9.Pour voir infirmer le jugement déféré, M. [Y] soutient en substance:
- que comme l'a retenu le conseil de prud'hommes, aucune pièce n'apporte la preuve de l'agression sexuelle qui lui est reprochée, la seule attestation de Mme [F] épouse [G], qui se borne à rapporter les propos que lui a tenus Mme [H] le 20 février 2020, n'étant pas probante ;
- que Mme [H] lui envoyait elle-aussi de nombreux textos, leurs échanges téléphoniques s'inscrivant dans le cadre d'une relation de séduction entre adultes consentants qui ne relève pas du harcèlement sexuel, ce que démontreraient selon lui la teneur des SMS produits ;
- qu'il n'a jamais exercé de pression sur la salariée ni eu l'intention d'obtenir des faveurs de nature sexuelle. Il prétend avoir lui-même éconduit Mme [H], cette dernière ayant été déçue que leur relation ne soit pas allée plus loin, et avoir bloqué depuis le 9 janvier 2020 les numéros de la salariée sur son téléphone personnel afin qu'elle cesse de le harceler. Il ajoute que sur l'insistance de cette dernière, il a sollicité la responsable des ressources humaines pour que sa période d'essai ne soit pas renouvelée ;
- qu'en réalité, la société Colisée patrimoine group a souhaité l'écarter de l'entreprise, Mme [H] l'ayant remplacé à son poste.
10.La société intimée réplique que les faits reprochés au salarié sont établis par ses multiples messages et appels téléphoniques, envoyés et passés notamment à des heures nocturnes, leur contenu démontrant sans ambiguité la volonté de M. [Y] d'obtenir des faveurs sexuelles de la part de Mme [H].
Elle fait valoir qu' il n'y a jamais eu un quelconque flirt entre M. [Y] et Mme [H] et que cette dernière, en période d'essai et parent isolé, a tenté de contrer au mieux les assauts de M. [Y] pour ne pas perdre son emploi.
Elle ajoute que la salariée a été placée en arrêt de travail pour maladie et par la suite,
ne pouvant plus supporter l'univers dans lequel elle avait été harcelée, a sollicité une rupture conventionnelle qui lui a été accordée, mais n'a pas comme le prétend l'appelant remplacé ce dernier à son poste.
Elle considère que la gravité des faits reprochés à M. [Y] justifiait la rupture immédiate de son contrat de travail au regard de l'obligation de sécurité à laquelle elle est tenue.
Réponse de la cour
11.L'employeur ayant choisi de se placer sur le terrain d'un licenciement pour faute grave doit rapporter la preuve des faits allégués et démontrer que ces faits constituent une violation des obligations découlant du contrat de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié au sein de l'entreprise.
Sur le grief d'agression sexuelle
12.C'est à juste titre que les premiers juges ont considéré que l'agression sexuelle dénoncée par Mme [H] n'était pas établie, en constatant qu' il n'existait aucun témoignage externe sur ce qui s'est passé entre M. [Y] et Mme [H] dans la nuit du 28 au 29 octobre 2019, ni de relation de ces évènements autre que celle faite 4 mois plus tard par Mme [H] à Mme [F], directrice du développement RH, que la teneur des appels passés par M. [Y] à Mme [H] dans la nuit du 28 au 29 octobre 2019 n'était pas connue, et que les messages échangés par la suite entre les intéressés ne permettaient pas de confirmer la réalité des faits rapportés par Mme [H].
Sur le grief d'harcèlement sexuel
13.Aux termes de l'article L. 1 153-1 du code du travail, dans sa rédaction applicable au litige, aucun salarié ne doit subir des faits :
1° Soit de harcèlement sexuel, constitué par des propos ou comportements à connotation sexuelle répétés qui soit portent atteinte à sa dignité en raison de leur caractère dégradant ou humiliant, soit créent à son encontre une situation intimidante, hostile ou offensante ;
2° Soit assimilés au harcèlement sexuel, consistant en toute forme de pression grave, même non répétée, exercée dans le but réel ou apparent d'obtenir un acte de nature sexuelle, que celui-ci soit recherché au profit de l'auteur des faits ou au profit d'un tiers.
14.En l'espèce, la société Colisée patrimoine group produit :
- les relevés du téléphone professionnel de M. [Y] desquels il résulte qu'entre le mois d'octobre 2019 et le mois de janvier 2020, le salarié a passé 241 appels et adressé 549 SMS à Mme [H], tant sur le téléphone professionnel que sur le téléphone personnel de cette dernière, y compris le week-end et la nuit. A titre d'exemple, le 13 novembre 2019, alors que M. [Y] est en déplacement avec Mme [H] et qu'ils partagent le même hôtel, il l'a appelée à 10 reprises entre 3h58 et 6h33 et lui a envoyé 10 SMS.
Nombre de ces appels d'une durée de quelques secondes, démontrent que Mme [H] refusait de répondre aux sollicitations de M. [Y].
- plusieurs messages reçus par Mme [H] ( pièces 17 à 22), sans équivoque quant au but de M. [N] d'obtenir une relation de nature sexuelle avec Mme [H].
Il lui écrit par exemple :
' verrais je le soutiff sexy''
' en fait tu n'accèdes à aucune de mes demandes'
' la balle est dans Ton camps',
' prends ta caisse et viens dormir au Tatry ... DORMIR!'
' Réservation faite à [4] lac j'y serai vers 22h Essaie de venir'
' je suis à l'hôtel chambre 426 je pensais que tu serais là ...'
' bon ... j'ai toqué ... C'est beau paris la nuit ...Je vais me promener seul... Tant pis'
' toujours pas amoureuse de moi ''
' je vais changer de périmètre de chasse ...'
' Tu connais l'adresse... le code de la porte c'est (...) et j'ai toute la nuit..'
' ça fait juste trois fois que je me prends un GROS RATEAU. Alors ne m'écrit pas et vient ou oublie moi. Tic tac..tic tac'
' moi je viens de comprendre que je ne t'interressais pas du tout.. Que tu ne 'décideras' jamais rien ..et je n'ai plus assez de temps pour attendre'
' ça a été et restera pour moi 44 jours dingues où un vieux s'est pris pour ce qu'il ne pourra jamais être', Mme [H] lui répondant:' où il a pris quelqu'un pour ce qu'elle n'était pas plutôt..'
' tu es un objectif inatteignable'
' Et moi je vais retourner vers des soirées de vieu beau .. Ou vieu moche.. Sans objectif défini .. et tellement moins passionnantes'
' (..) Cqfd que de n'être pour toi qu'un collègue comme les autres ne me suffisait pas ' Qu'il va falloir que je m'en contente ' Que pour moi la vie n'est rien quand elle est tiède ''
' reste avec moi ce soir..stp'
' tu ne veux pas qu'on se voit.. Tu n'écris pas..tu ne m'appelles pas.. Bon ben ça y est tu as un mec...'
' c'est finalement mieux qu'il n'y ait rien entre nous et on ne mélangera donc jamais du pro et du perso..et tant mieux ..( tant pis')'
' je suis un amoureux éternellement infidèle..donc pour reprendre tes mots je vais chercher une autre qui voudra s'amuser'.
Il ressort par ailleurs des échanges de messages produits qu'alors que Mme [H] a exprimé à plusieurs reprises à M. [N] qu'elle refusait ses avances, l'intéressé a persisté dans ses sollicitations, continuant son harcèlement téléphonique.
Il apparaît également que la relation de séduction alléguée par l'appelant était à l'évidence à sens unique, Mme [H], dans ses messages de réponse, lui signifiant qu'elle souhaitait qu'ils restent dans le cadre d'une relation amicale entre collègues de travail. L'appelant ne peut ainsi sérieusement prétendre que Mme [H] était déçue que leur relation n'aille pas plus loin et le harcelait téléphoniquement. Au demeurant, il ne produit aucun des messages qu'il aurait reçus sur son téléphone personnel de la part de Mme [H], alors qu'il dit en avoir reçu des dizaines.
Enfin, contrairement à ce qu'affirme l'appelant, Mme [H] ne l'a pas remplacé à son poste puisqu' après avoir été placée en arrêt de travail du 13 mars au 13 septembre 2020, elle a quitté la société après signature d' une rupture conventionnelle le 25 septembre 2020, comme en justifie la société intimée.
Il résulte de l'ensemble de ces éléments que le salarié a exercé une pression grave sur sa subordonnée dans le but d'obtenir une relation de nature sexuelle.
15.Le grief d'harcèlement sexuel est par conséquent établi et justifiait, de par sa gravité, l'éviction immédiate du salarié de l'entreprise.
Le licenciement pour faute grave de M. [Y] étant justifié, le jugement déféré sera confirmé en ce qu'il l'a débouté de ses demandes au titre de la rupture du contrat de travail.
Sur la demande en paiement prorata temporis de la prime sur objectifs de l'année 2020
16.L'article 6 du contrat de travail de M. [N] stipule que la prime d'objectifs sera versée au prorata du temps de présence du salarié au sein de la société au cours de l'exercice concerné, qu'elle sera versée au début du deuxième trimestre de l'année n+1 et qu'elle n'est attribuée qu'en cas de présence du salarié au sein de la société à la date de versement.
17.C'est donc à bon droit que le conseil de prud'hommes, constatant que M. [N] n'était plus présent dans l'entreprise au deuxième trimestre 2021 lors du versement de la prime 2020, a jugé qu'il ne pouvait prétendre au paiement de ladite prime et a rejeté la demande, non fondée.
Le jugement déféré sera confirmé.
Sur la demande au titre de la carte essence
18.L'appelant sollicite la somme de 70 euros au titre de 'la carte essence bloquée', sans autre explication ni pièce justificative à l'appui de sa demande.
Sa demande n'étant fondée ni en fait ni en droit, le jugement critiqué qui l'a rejetée sera confirmé.
Sur la demande au titre des frais engagés pour se rendre à l'entretien préalable
19.L'appelant ne chiffrant pas sa demande et ne produisant aucune pièce justifiant des frais qu'il a engagés, le jugement déféré sera confirmé en ce qu'il a rejeté la demande.
Sur la demande au titre des frais d'utilisation du véhicule personnel
20.M. [Y] expose qu'il devait bénéficier d'un véhicule de fonction mais que celui-ci ne lui a été remis que le 17 janvier 2020. Il réclame la somme totale de 14 413 euros en remboursement des frais liés à l'utilisation de son véhicule personnel (carburant, frais divers, frais de financement) pour la période du 1er février 2019 au 17 janvier 2020, et la rectification de ses bulletins de salaire depuis février 2019 en incluant l'avantage en nature.
21.Toutefois, comme le fait valoir à juste titre la société intimée, l'appelant ne produit pas la moindre pièce justificative des frais qu'il prétend avoir supportés au titre de l'utilisation de son véhicule personnel.
22.Par ailleurs, n'ayant pas bénéficié d'un véhicule de fonction, il n'y a pas lieu de mentionner sur ses bulletins de paie un avantage en nature inexistant.
Le jugement critiqué sera en conséquence confirmé en ce qu'il a rejeté les demandes.
Sur les frais de l'instance
23.M. [Y], partie perdante à l'instance, sera condamné aux dépens, avec distraction au profit de Me Daniel del Risco, avocat, conformément à l'article 699 du code de procédure civile, ainsi qu'à payer à la société Colisée patrimoine group la somme complémentaire de 2000 euros au titre des frais irrépétibles exposés en cause d'appel, en sus de la somme allouée en première instance sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS,
La cour,
Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions.
Y ajoutant,
Condamne M. [Y] aux dépens avec distraction au profit de Me Daniel del Risco, avocat, ainsi qu'à verser à la société Colisée patrimoine group la somme de 2 000 euros au titre des frais irrépétibles exposés en cause d'appel , en sus de la somme allouée à ce titre en première instance.
Déboute M. [Y] de sa demande faite sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Signé par Madame Marie-Hélène Diximier, présidente et par Evelyne Gombaud, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Evelyne Gombaud Marie-Hélène Diximier