CA Besançon, 1re ch., 30 septembre 2025, n° 24/00039
BESANÇON
Arrêt
Infirmation partielle
PARTIES
Défendeur :
Domofinance (SA)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Wachter
Conseillers :
M. Saunier, M. Maurel
Avocats :
Me Alves, Me Boulaire, Me Giacomoni, Me Goncalves
Faits, procédure et prétentions des parties
Le 24 octobre 2017, à la suite d'un démarchage à domicile, Mme [O] [N] épouse [L] et M. [S] [L] ont acquis auprès de la SAS Futura Internationale une centrale photovoltaïque avec kit thermodynamique de production d'eau chaude sanitaire.
Le prix de 36 300 euros a été intégralement financé par un crédit affecté souscrit le même jour auprès de la SA Domofinance, remboursable en cent-quarante échéances mensuelles.
Le matériel a été livré et installé par la société Futura Internationale, puis la banque a débloqué les fonds empruntés au vu d'une fiche de réception des travaux sans réserve datée du 05 décembre 2017 et signée par les parties.
Un contrat de revente d'électricité a été signé avec la SA EDF les 30 juin et 02 août 2019.
Selon jugement du tribunal de commerce de Créteil rendu le 15 décembre 2021, la société Futura Internationale a été placée en liquidation judiciaire et Me [D] [W] a été désigné en qualité de liquidateur.
Par acte signifié le 24 octobre 2022, Mme [N] et M. [L] ont assigné leurs cocontractantes, en sollicitant le prononcé de la nullité des contrats, la condamnation de la banque à leur rembourser les sommes versées en exécution du contrat de crédit au titre du capital et des intérêts, outre une indemnité de 10 000 euros au titre des frais d'enlèvement de l'installation et de remise en état de l'immeuble ainsi que celle de 5 000 euros en réparation de leur préjudice moral.
En première instance, la banque sollicitait :
- que les demandes soient déclarées irrecevables à défaut de déclaration de créance ;
- que soit constatée l'exécution volontaire du contrat de vente ;
- le rejet des demandes fondées sur une faute de sa part et, subsidiairement, la condamnation de Mme [N] et M. [L] à l'indemniser à hauteur du montant du capital emprunté ;
- la fixation au passif de la liquidation de la société venderesse de la somme de 36 300 euros au
titre du montant des financements.
En l'absence de comparution de la société Futura Internationale, le juge des contentieux de la protection du tribunal de proximité de Pontarlier a, par jugement rendu le 06 novembre 2023 :
- débouté la société Domofinance de sa fin de non-recevoir fondée sur l'interdiction des actions en justice postérieures à l'ouverture du jugement de liquidation ;
- déclaré recevable l'action intentée par 'Mme et M. [O] et [S] [L]' ;
- prononcé la nullité des contrats de vente et de prêt ;
- condamné solidairement 'Mme et M. [O] et [S] [L]' à payer à la société Domofinance la somme de 36 300 euros en remboursement du capital emprunté avec intérêts au taux légal à compter du jugement ;
- condamné la société Domofinance à rembourser à 'Mme et M. [O] et [S] [L]' les sommes déjà perçues par la banque en exécution du contrat du 24 octobre 2017, avec intérêts au taux légal à compter du jugement ;
- condamné la société Domofinance à verser à 'Mme et M. [O] et [S] [L]' la somme de 10 000 euros au titre de la réparation de leur préjudice économique et moral, avec intérêts au taux légal à compter du jugement ;
- ordonné la compensation des créances ;
- rejeté la demande de prise en charge du coût de la remise en état formée par 'Mme et M. [O] et [S] [L]' ;
- débouté la société Domofinance de sa demande en fixation de créance au passif de la société Futura Internationale ;
- condamné la société Domofinance à verser 'Mme et M. [O] et [S] [L]' la somme de 800 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- rejeté la demande formée par la SA Domofinance au titre des frais irrépétibles ;
- débouté les parties tous les autres chefs de demande ;
- condamné la société Domofinance aux dépens, y compris les droits proportionnels de recouvrement ou d'encaissement prévus à l'article L. 111-8 du code des procédures civiles d'exécution ;
- rappelé que la décision est exécutoire de plein doit.
Pour parvenir à cette décision, le juge de première instance a considéré :
Concernant la recevabilité :
- que l'action engagée n'est pas soumise, en raison de sa nature, à l'arrêt des poursuites résultant de l'article L. 622-21 du code de commerce ;
Concernant le dol :
- qu'en l'absence de tout élément dans le contrat relatif à la rentabilité de l'installation, ainsi que de preuve d'une man'uvre frauduleuse ayant forcé le consentement des clients, la preuve du dol n'est pas rapportée ;
Concernant la nullité tirée des dispositions consuméristes :
- qu'il est constant que le contrat de vente a été souscrit dans le cadre d'une activité de démarchage, de sorte qu'il est soumis aux mention obligatoires prévues par les articles L. 111-1 et L. 121-23 du code de la consommation dans sa version applicable lors de sa conclusion ;
- que si la puissance et le nombre de panneaux est indiquée, la marque de ceux-ci n'est pas précisée alors que deux possibilités pré-imprimées figurent sur le bon de commande ;
- qu'aucune information relative à la marque et la puissance du ballon thermodynamique ne figure au contrat, tandis que le délai d'installation ou de mise en route n'est pas stipulé ;
- que, contrairement aux énonciations portées sur le bordereau de rétractation, le verso du bon de commande ne comporte pas de façon apparente le texte intégral des articles L. 121-23, L. 121-24, L. 121-25 et L. 212-26 du code de commerce ;
Concernant la confirmation du contrat :
- qu'en application de l'article 1338 du code civil, la nullité affectant le bon de commande est une nullité relative susceptible de confirmation ;
- que cependant, la seule signature de l'attestation de livraison est insuffisante à établir la connaissance des vices affectant ledit bon de commande et la volonté d'y renoncer ;
Concernant la nullité du contrat de crédit et ses conséquences :
- qu'en application de l'article L. 312-55 du code de la consommation, le contrat de crédit affecté est annulé de plein droit suite à l'annulation judiciaire du contrat en vue duquel il a été conclu ;
- que la banque n'a pas effectué les vérifications nécessaires avant la déblocage des fonds, alors que tant le bon de commande que le bon de livraison comportaient des irrégularités ;
- que cependant, l'installation étant fonctionnelle, seul un préjudice lié à la durée d'amortissement estimée de quarante ans est caractérisé et doit donc être indemnisé à hauteur de 10 000 euros, à l'exclusion de la perte du droit à restitution de la banque du capital emprunté ;
- que les emprunteurs doivent donc être condamnés à restituer à la banque ledit capital, soit 36 300 euros ;
- qu'aucune faute imputable aux emprunteurs n'est en revanche établie par la banque au soutien de sa demande indemnitaire reconventionnelle ;
Concernant la demande de la banque tendant à la fixation de créance à la procédure collective :
- qu'aux termes des articles L. 622-22 et L. 624-2 du code du commerce, les actions en paiement introduites après l'ouverture d'une procédure collective, tel qu'en l'espèce, relèvent de la compétence du juge commissaire dans le cadre de la procédure de vérification et de la fixation des créances ;
Concernant la demande tendant à la prise en charge des frais de remise en état :
- qu'en application de l'article L. 622-21 du code du commerce, la venderesse ne peut être condamnée à ce titre, d'autant plus qu'aucune demande n'est formulée à son encontre ;
- que le comportement fautif de la banque a 'déjà été sanctionné' par l'octroi de dommages-intérêts ;
- que l'installation fonctionne et que les acquéreurs n'ont aucun intérêts à la fixation d'une indemnité de démontage qui ne sera jamais poursuivi.
Par déclaration du 09 janvier 2024, M. [L] et Mme [N], intimant la société Domofinance, ont interjeté appel de ce jugement en sollicitant son infirmation en ce qu'il a :
- condamné solidairement 'Mme et M. [O] et [S] [L]' à payer à la société Domofinance la somme de 36 300 euros en remboursement du capital emprunté avec intérêts au taux légal à compter du jugement ;
- condamné la société Domofinance à rembourser à 'Mme et M. [O] et [S] [L]' les sommes déjà perçues par la banque en exécution du contrat du 24 octobre 2017, avec intérêts au taux légal à compter du jugement ;
- ordonné la compensation des créances ;
- rejeté la demande de prise en charge du coût de la remise en état formée par 'Mme et M. [O] et [S] [L]' ;
- débouté les parties tous les autres chefs de demande.
Selon leurs dernières conclusions transmises le 20 mai 2025, ils concluent à son infirmation des chefs susvisés et demandent à la cour statuant à nouveau de :
- déclarer leurs demandes recevables et bien fondées ;
- 'déclarer' que la banque a commis une faute à leur préjudice, devant entraîner la privation de sa créance de restitution ;
- la condamner à leur verser l'intégralité des sommes suivantes au titre des fautes commises :
. 36 300 euros correspondant au montant du capital emprunté, en raison de la privation
de sa créance de restitution ;
. 13 926,08 euros correspondant aux intérêts conventionnels et frais payés en exécution du prêt souscrit ;
. 5 000 euros au titre du préjudice moral ;
. 6 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
A titre infiniment subsidiaire,
- de prononcer la déchéance du droit aux intérêts contractuels à l'encontre de la banque ;
- de la condamner à leur rembourser l'ensemble des intérêts versés au titre de l'exécution normale du contrat de prêt jusqu'à parfait paiement et lui enjoindre de produire un nouveau tableau d'amortissement expurgés desdits intérêts ;
- de débouter la banque 'et la société Futura Internationale' de l'intégralité de leurs prétentions, fins et conclusions plus amples ou contraires ;
- de condamner la banque à supporter les entiers frais et dépens de l'instance.
Ils font valoir :
Concernant la recevabilité des demandes :
- que dans la mesure où ils sollicitent la nullité et, à titre subsidiaire, la résolution des contrats, à l'exclusion d'une demande en paiement d'une somme d'argent auprès du vendeur, ils ne peuvent se voir opposer l'interdiction des poursuites ;
- qu'au contraire, la demande de la banque tendant à l'infirmation du jugement querellé en ce qu'il a prononcé la nullité des contrats de vente et de crédit est irrecevable dès lors que le vendeur n'a pas été mis dans la cause ;
En tout état de cause, concernant la nullité du contrat principal :
- qu'en premier lieu, celui-ci est nul pour avoir été conclu sur la base de pratiques commerciales trompeuses qui, appréhendées sur le terrain du droit commun des contrats, sont constitutives d'un dol, à savoir :
. la réticence dolosive par manque des informations obligatoires sur le bon de commande concernant les caractéristiques essentielles du matériel vendu ;
. le défaut de communication d'informations concernant le rendement attendu de l'installation, en l'absence de simulation de rentabilité, alors qu'ils subissent une perte annuelle résultant du rapport entre d'une part l'économie chiffrée, avec prime, à la somme de 1 727,75 euros et, sans prime, à celle de 1 379,75 euros, et d'autre part la charge annuelle du crédit à hauteur de 4 305,48 euros ;
. la prise de conscience tardive, après écoulement de leur droit de rétractation, du caractère définitif du contrat en cause qui ne leur avait pas été présenté ainsi ;
- qu'en second lieu, le contrat de vente est nul en raison de la violation des articles L. 111-1, R. 111-1 et L. 221-5 du code de la consommation, à savoir :
. la mention de la marque, le modèle et les références des panneaux, ainsi que leur dimension, leur poids, leur aspect, leur couleur et leur type de cellule à savoir monocristallin ou polycristallin ;
. la mention de la marque, le modèle, les références et la performance de l'onduleur ainsi que de l'ensemble des autres matériels ;
. la précision de la destination de l'énergie produite par l'installation, à savoir la revente totale, l'autoconsommation totale ou l'autoconsommation avec revente du surplus ;
. la mention du prix de chaque composant de l'installation, ainsi que de chaque prestation et de la TVA applicable éventuellement récupérable ;
. le délai précis d'installation du système ;
. les dispositions du code de la consommation en vigueur à la date de signature du bon de commande, c'est-à-dire les textes issus de l'ordonnance du 10 février 2016 ;
. l'irrégéularité du bardereau de rétractation, qui est désigné 'bordereau d'annulation de commande' et mentionne l'article L. 121-21 du code de la consommation au lieu des articles L. 221-18 et suivants ;
- qu'aucune confirmation du contrat n'a pu intervenir, au regard de l'impossibilité de couvrir des causes de nullité d'ordre public, tandis que la seule mention des dispositions du code de la consommation applicables est insuffisante à établir leur volonté de couvrir les vices du contrat en pleine connaissance de ceux-ci ;
Concernant la nullité du contrat de crédit :
- que l'alinéa 1er de l'article L. 312-55 du code de la consommation prévoit que le contrat de crédit est résolu ou annulé de plein droit lorsque le contrat en vue duquel il a été conclu est lui-
même judiciairement résolu ou annulé, ce qui est la cas en l'espèce ;
Concernant les fautes de la banque dans le déblocage des fonds et leurs conséquences :
- que cette dernière est tenue, en qualité de professionnelle du crédit, à une obligation de résultat sur la validité de ses contrats de prêt ;
- qu'elle supporte par ailleurs un devoir d'information, de conseil et, le cas échéant, d'alerte à l'égard de ses clients emprunteurs quant à la régularité des opérations financées ;
- que les irrégularités affectant le bon de commande auraient dû conduire la banque à ne pas se libérer des fonds entre les mains de venderesse avant de s'être assurée que ses clients étaient parfaitement informés du défaut de validité du contrat principal ;
- qu'ainsi, la banque a commis une faute en s'abstenant de vérifier la régularité du bon de commande ;
- que par ailleurs, le caractère standardisé et le peu de mentions portées sur l'attestation de fin de travaux auraient dû conduire la banque à les contacter pour obtenir toutes les précisions utiles avant le déblocage des fonds ;
- que ces fautes doivent être sanctionnées par l'impossibilité pour la banque d'obtenir sa créance de restitution du capital emprunté, et par conséquent sa condamnation à leur rembourser l'ensemble des sommes qu'ils ont versées, soit 36 300 euros au titre du prix de l'installation et 13 926,08 euros au titre des frais afférents au crédit, et à réparer le préjudice moral qu'ils chiffrent à la somme de 5 000 euros ;
- que la banque doit être déboutée de sa demande de remboursement, en ce qu'ils subiraient un préjudice résultant nécessairement de l'obligation de rembourser à laquelle ils seraient tenus en exécution des restitutions, alors même qu'ils se trouvent dans l'impossibilité d'obtenir la garantie de ce remboursement par la société Futura Internationale placée en liquidation judiciaire ;
Subsidiairement, concernant la déchéance de la banque aux intérêts contractuels :
- que cette dernière a manqué à son obligation de conseil et à son devoir de mise en garde résultant de l'article L. 312-14 du code de la consommation ;
- qu'en effet en finançant des installations dont elle ne pouvait ignorer le caractère ruineux, la banque a nécessairement manqué à son obligation de conseil et à son devoir de mise en garde quant à l'opportunité économique du projet ;
- qu'elle devait vérifier leurs capacités financières ;
- que par ailleurs, le contrat de crédit affecté ne stipule pas l'objet exact du financement, mais se limite à la mention 'photovoltaïques', ce terme étant insuffisant pour permettre à la banque de connaître le matériel ainsi que ses caractéristiques essentielles, de sorte qu'elle a violé les articles L. 311-11 et L. 311-18 devenu L. 312-2 du code de la consommation et doit être déchue de la totalité de son droit aux intérêts en application de l'article L. 311-48 devenu L. 341-1 dudit code;
- que sous les mêmes sanctions, la banque devra justifier de son immatriculation en qualité d'intermédiaire de crédit ainsi que de la formation de son préposé.
La société Domofinance a interjeté appel incident de l'entier jugement par conclusions transmises le 4 juillet 2024.
Par ordonnance rendue le 03 décembre 2024, le conseiller de la mise en état a cependant déclaré irrecevable ledit appel incident en ce qui concerne les chefs ayant prononcé de la nullité des deux contrats et ses conséquences, et 'ayant fixé au passif de la liquidation judiciaire de la société Futura Internationale de sa créance de la somme de 36 300 euros'.
Le conseiller de la mise en état a déclaré recevable l'appel incident formé par la société Domofinance en ce qui concerne les chefs l'ayant condamnée à verser à M. [L] et Mme [N] la somme de 10 000 euros au titre de la réparation de leur préjudice économique et moral et la somme de 800 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, du rejet de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile et de sa condamnation aux dépens.
La société Domofinance a répliqué en dernier lieu par conclusions transmises le 28 mai 2025 pour demander à la cour de débouter les appelants de l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions.
A titre subsidiaire et dans l'hypothèse où la nullité des contrats serait confirmée, l'intimée sollicite la confirmation du jugement critiqué en toutes ses dispositions sauf en ce qu'il l'a condamnée à verser aux appelants la somme indemnitaire de 10 000 euros, celle de 800 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile en rejetant ses propres demandes et outre les dépens et, statuant à nouveau de ces chefs, de débouter les appelants de l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions et de 'dire et juger' que l'absence de faute de l'établissement de crédit laisse perdurer les obligations de restitutions réciproques et que les sommes versées lui resteront acquises.
A titre infiniment subsidiaire et dans l'hypothèse où la nullité des contrats serait confirmée, une
faute et un lien de causalité démontré ainsi qu'un préjudice, la société Domofinance sollicite le rejet de l'ensemble des demandes, fins et conclusions formées par Mme [P] et M. [L] et leur condamnation à lui verser la somme de 36 300 euros à titre de dommages-intérêts, outre la fixation au passif de la liquidation judiciaire de la société Futura Internationale de la somme de 36 300 euros.
En tout état de cause, l'intimée sollcite la condamnation solidaire des appelants à lui payer une somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile outre les entiers dépens.
Au soutien de ses demandes, elle expose :
Concernant la demande tendant à la nullité du contrat de vente :
- que le bon de commande est régulier dans la mesure où il précise les caractéristiques essentielles de la centrale photovoltaïque, le prix unitaire du matériel, les modalités d'exécution de la prestation de service ainsi que le financement et comporte un bordereau de rétractation conforme;
- que l'erreur sur la rentabilité ne constitue pas un vice du consentement, tandis qu'aucune manoeuvre dolosive n'est établie ;
- qu'en toute hypothèse, les contrats ont été volontairement exécutés ;
Subsidiairement, sur les conséquences de la nullité :
- que les parties sont tenues aux restitutions réciproques ;
- qu'elle-même n'a commis aucune faute exclusive du remboursement du capital, en ce que :
. il n'appartient pas au prêteur de vérifier la conformité du bon de commande, ni même de détenir un exemplaire de celui-ci ;
. même si elle avait décelé des irrégularités, elle était fondée à considérer que la signature de l'attestation de fin de travaux et la demande de déblocage des fonds manifestait l'intention de couvrir l'éventuelle nullité ;
. si elle est tenue à une obligation de conseil et de mise en garde, elle est par ailleurs liée par le principe de non-immixtion dans les affaires de ses clients ;
. en tout état de cause et en application de l'effet relatif des contrats, elle n'a pas participé au dol reproché à la société venderesse ;
- qu'en tout état de cause, le préjudice invoqué par les appelants, qui bénéficient d'une installation en parfait fonctionnement, résulte tout au plus de la perte d'une chance de ne pas contracter qui ne peut être chiffrée au montant du capital emprunté et des frais bancaires ;
Infiniment subsidiairement, si une faute lui était imputée :
- que doit être fixée au passif du vendeur la somme de 36 300 euros, correspondant au montant du financement, conformément à l'article 1241 du code civil ;
- qu'elle-même ne peut plus solliciter la restitution des sommes versées au vendeur, ce qui caractérise une perte de chance et lui cause un préjudice certain ;
- que les emprunteurs agissent de mauvaise foi, dans la mesure où ils n'auront jamais à restituer le matériel compte tenu de la liquidation judiciaire de la venderesse tandis qu'ils perçoivent les fruits générés par l'installation.
Pour l'exposé complet des moyens des parties, la cour se réfère à leurs dernières conclusions susvisées, conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 03 juin 2025 et l'affaire a été appelée à l'audience du 24 juin suivant et mise en délibéré au 30 septembre 2025.
En application de l'article 467 du code de procédure civile, le présent arrêt est contradictoire.
Motifs de la décision
A titre liminaire, la cour rappelle que par suite de l'ordonnance rendue le 03 décembre 2024 par le conseiller de la mise en état, elle n'est pas saisie d'un appel concernant le prononcé de la nullité des contrats de vente et de crédit et le rejet de la demande de la société Domofinance tendant à la fixation de sa créance au passif de la procédure collective de la société Futura Internationale.
La cour observe par ailleurs que l'appel interjeté initialement par M. [L] et Mme [N] concernant le rejet de leur demande de prise en charge du coût de remise en état n'est pas soutenu, de sorte que le jugement déféré ne peut qu'être confirmé sur ce point.
Il en est de même de l'appel incident initialement interjeté par la banque concernant les chefs du jugement critiqué ayant rejeté sa fin de non recevoir fondée sur l'interdiction des poursuites liée à l'ouverture de la liquidation judiciaire de la société Futura Internationale et ayant déclaré recevable l'action introduite par M. [L] et Mme [N].
- Sur la faute imputée à la banque,
La nullité du contrat de prêt, rétroactive, entraîne la restitution des sommes versées réciproquement au co-contractant, remettant ainsi les parties dans leur situation antérieure.
Il en résulte que M. [L] et Mme [N] doivent, en principe, rembourser à la société Domofinance le capital qu'elle a versé à la société Futura Internationale pour leur compte et que les emprunteurs doivent eux-mêmes être remboursés par la banque de tous les versements, en capital, intérêts, frais et assurance, effectués depuis la souscription du crédit.
Toutefois, le prêteur qui a versé les fonds sans s'être assuré, comme il y était tenu, de la régularité formelle du contrat principal, peut être privé en tout ou partie de sa créance de restitution, dès lors que l'emprunteur justifie avoir subi un préjudice en lien avec cette faute.
n l'espèce, s'agissant d'une offre de crédit destinée à financer une installation de matériel et pour laquelle la société Domofinance donnait mandat à la société Futura Internationale de faire signer à M. [L] et Mme [N] l'offre préalable de crédit, la société Domofinance, spécialiste de la distribution du crédit affecté dans le cadre de contrats conclus hors établissements, se devait de vérifier la régularité de l'opération financée par un examen attentif du bon de commande afin d'avertir éventuellement les emprunteurs qu'il s'engageaient dans une relation préjudiciable. Ainsi, une vérification, même sommaire, de ce bon de commande lui aurait permis, en tant que professionnel avisé, de relever les irrégularités formelles flagrantes du bon de commande telle que caractérisées par de justes motifs par le juge de première instance et non remises en cause dans le cadre de la procédure d'appel.
La banque ne saurait se réfugier derrière l'attestation de fin de travaux ou la demande de déblocage des fonds émanant de ses clients, ne valant pas confirmation de la nullité litigieuse et qui n'était pas de nature à écarter la caractérisation de cette faute alors que la régularité du bon de commande et la bonne exécution des travaux sont indépendants.
La faute de la société Domofinance est donc établie.
Concernant le préjudice, lorsque la restitution du prix à laquelle le vendeur est tenue par suite de l'annulation du contrat principal est devenue impossible du fait de l'insolvabilité du vendeur, l'emprunteur, privé de la contrepartie de la restitution du bien vendu, justifie d'une perte subie équivalente à tout ou partie du montant du crédit souscrit pour le financement du prix du contrat de vente ou de prestation de service annulé, cette perte étant en lien de causalité avec la faute de la banque qui, avant de verser au vendeur le capital emprunté, n'a pas vérifié la régularité formelle du contrat principal.
En l'espèce, la société venderesse a été placée en liquidation judiciaire. Il en résulte l'impossibilité manifeste pour M. [L] et Mme [N] de récupérer auprès d'elle le prix de vente de 36 300 euros, ce qui caractérise simultanément un préjudice certain et le lien de causalité de ce dernier avec la faute de la banque.
Cependant, il est constant que l'équipement installé au domicile de M. [L] et Mme [N], dont le caractère fonctionnel n'est pas contesté et est confirmé par les factures de revente d'électricité produites, ne fera l'objet d'aucune restitution à la société liquidée.
Il en résulte un préjudice de perte de chance de ne pas contracter, dans l'hypothèse dans laquelle les acquéreurs auraient été informés du défaut de conformité du contrat aux dispositions du code de la consommation, calculé sur la base du coût restant à la charge des emprunteurs après annulation des contrats, c'est-à-dire le montant du capital emprunté.
Concernant le montant de ce préjudice, la cour relève que les appelants reprochent à leur installation de ne pas présenter une rentabilité suffisante à court ou moyen terme, alors même que la violation des dispositions consuméristes, constituant le motif de la nullité du contrat et l'objet de la faute imputée à la banque, est sans lien avec la problématique de la rentabilité dont la contractualisation n'est au surplus pas démontrée.
Il en résulte qu'à supposer qu'ils aient été alertés par la banque du défaut de conformité du bon de commande au code de la consommation, M. [L] et Mme [N], eu égard à la finalité de l'opération d'autoconsommation et de revente de l'électricité, ne peuvent prétendre qu'à un préjudice de perte de chance de ne pas contracter de 25 % dans la mesure où le critère déterminant de leur engagement était manifestement la rentabilité financière sans lien avec les irrégularités susvisées.
Dès lors, le jugement dont appel sera confirmé en ce qu'il a condamné M. [L] et Mme [N] à restituer le capital emprunté à la banque et en ce qu'il a condamné cette dernière à restituer aux emprunteurs les sommes perçues en exécution du contrat de crédit.
Etant observé que le juge de première instance a, sans autre précision, condamné la banque à verser aux emprunteurs une somme de 10 000 euros au titre de l'indemnisation de leurs préjudices 'économique et moral', et en l'absence de caractérisation d'un préjudice moral dont la réalité est affirmée par les appelants et se confond avec leur préjudice purement financier, le jugement sera infirmé sur ce point et la banque sera condamnée, au titre de la réparation du préjudice subi par M. [L] et Mme [N], à leur payer une somme correspondant au remboursement de 25 % du capital emprunté, soit la somme de 36 300 x 0,25 = 9 075 euros, avec rejet du surplus des demandes indemnitaires et compensation.
M. [L] et Mme [N], qui sollicitent l'indemnisation de leur préjudice moral à hauteur de 5 000 euros en appel, ne présentent aucun moyen de nature à établir à l'existence d'un tel préjudice.
La nullité du contrat de crédit ayant été prononcée, aucune déchéance du droit aux intérêts ne peut intervenir de sorte que cette demande formée subsidiairement en appel par M. [L] et Mme [N] est sans objet.
- Sur la demande indemnitaire formée subsidiairement par la banque,
En l'absence, tel que relevé par le juge de première instance, de démonstration d'une faute commise par M. [L] et Mme [N] alors même que la banque se borne à affirmer leur mauvaise foi, le jugement dont appel sera confirmé en ce qu'il a débouté cette dernière de sa demande de dommages-intérêts.
Par ces motifs,
La cour, statuant contradictoirement, après débats en audience publique et en avoir délibéré conformément à la loi :
Constate que ne sont pas soutenus les appels initialement formés à l'encontre du jugement rendu le 06 novembre 2023 par le juge des contentieux de la protection du tribunal de proximité de Pontarlier :
- par M. [S] [L] et Mme [O] [N] à l'encontre du chef ayant rejeté leur demande de prise en charge du coût de remise en état ;
- par la SA Domofinance concernant les chefs ayant d'une part rejeté sa fin de non recevoir fondée sur l'interdiction des poursuites liée à l'ouverture de la liquidation judiciaire de la SAS Futura Internationale et d'autre part déclaré recevable l'action introduite par M. [S] [L] et Mme [O] [N] ;
Infirme, dans les limites de l'appel, ledit jugement en qu'il a condamné la SA Domofinance à verser à Mme [O] [N] et M. [S] [L] la somme de 10 000 euros au titre de la réparation de leur préjudice économique et moral, avec intérêts au taux légal à compter du jugement ;
Le confirme pour le surplus ;
Statuant à nouveau sur ce chef infirmé et y ajoutant :
Condamne la SA Domofinance à verser à Mme [O] [N] et M. [S] [L] la somme de 9 075 euros en indemnisation de leur préjudice ;
Déboute ces derniers du surplus de leurs demandes ;
Ordonne la compensation entre les créances réciproques des parties ;
Condamne Mme [O] [N] et M. [S] [L] aux dépens d'appel ;
Et, vu l'article 700 du code de procédure civile, les déboute de leur demande et les condamne à payer à la SA Domofinance la somme de 2 000 euros.
Ledit arrêt a été signé par Michel Wachter, président de chambre, magistrat ayant participé au délibéré et Fabienne Arnoux, greffier.