CA Nancy, 1re ch., 30 septembre 2025, n° 24/01466
NANCY
Arrêt
Autre
PARTIES
Demandeur :
Venture Club De France (Association)
Défendeur :
Royal Venture Club De France
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Cunin-Weber
Conseillers :
M. Firon, Mme Olivier-Vallet
Avocats :
Me Mouton, Me Buisson
EXPOSE DU LITIGE :
L'association Venture Club de France, qui avait alors son siège à [Localité 2], a été constituée le 27 octobre 1993. Cette association a pour objet l'organisation de rassemblements de motocyclettes Yamaha Venture, dans un but touristique, sans caractère de compétition.
Lors de l'assemblée générale ordinaire des 15 et 16 octobre 2016, Monsieur [Y] [D] a été élu en qualité de président.
Les statuts précisant que le siège de l'association était fixé au domicile du président, elle a transféré son siège au [Adresse 1] et a adopté le 4 janvier 2016 de nouveaux statuts, enregistrés le 1er mars 2016 auprès du registre des associations du tribunal d'instance de Colmar selon la procédure de droit local.
Monsieur [D] a démissionné de ses fonctions de président le 20 février 2017.
Une nouvelle 'assemblée générale' de l'association sise à [Localité 6], aurait été tenue les 14 et 15 octobre 2017, dont il est admis qu'elle n'a pas donné lieu à la rédaction d'un procès-verbal.
Par jugement du 6 juillet 2020, le tribunal judiciaire de Colmar a débouté Monsieur [D] de sa demande d'annulation des décisions prises à cette occasion, considérant qu'il ne s'agissait pas d'une assemblée générale, mais d'une simple réunion de l'association. Le tribunal a par ailleurs annulé la décision d'exclusion de Monsieur [D] prise en décembre 2017 par le conseil d'administration, faute d'avoir au préalable invité ce dernier à présenter ses observations devant le bureau.
L'association dénommée Venture Club de France, devenue depuis Royal Venture Club de France, ayant son siège social à [Localité 6] a été déclarée à la sous-préfecture de [Localité 4] le 9 Novembre 2017.
Le 30 décembre 2017, Monsieur [D] a déposé à l'INPI la marque n° 17 4 416 419 'Venture Club de France' dans les classes 39 et 41.
Le 16 juin 2018, Monsieur [D] a conclu avec Monsieur [L] [I], président de l'association un contrat de licence exclusive de la marque 'Venture Club de France' à l'association Venture Club de France sise à [Localité 7] pour une durée de 10 ans.
Tant l'association dont le siège est à [Localité 7], que celle dont le siège est à [Localité 6], se présentent comme la continuation de l'association constituée en 1993.
Par délibération du 7 juin 2021 du bureau de l'association Venture Club de France sise à [Localité 7], Monsieur [D] a été mandaté, en tant que représentant légal, aux fins de récupérer les avoirs détournés par le club de [Localité 4] et de mettre fin aux actes de contrefaçon de la marque.
Par acte d'huissier signifié le 30 novembre 2021, l'association Venture Club de France sise à [Localité 7] a fait assigner l'association Venture Club de France, devenue Royal Venture Club de France sise à [Localité 6], devant le tribunal judiciaire de Nancy, aux fins de la condamner à lui restituer le stock de la boutique du club, le solde de la caisse en numéraires ainsi que le solde du compte bancaire, de la condamner au paiement de la somme de 10000 euros en réparation de son préjudice moral, d'ordonner la cessation immédiate des actes de contrefaçon et d'utilisation de la marque, de lui ordonner de changer de dénomination, de la condamner à lui payer la somme de 5000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Par jugement contradictoire du 26 juin 2024, le tribunal judiciaire de Nancy a :
- constaté que l'association défenderesse Venture Club de France sise à [Localité 6] est devenue Royal Venture Club de France,
- débouté l'association Venture Club de France sise à [Localité 7],
- annulé la marque n° 17 4 416 419 Venture Club de France déposée le 30 décembre 2017 à l'INPI dans les classes 39 et 41 par Monsieur [D],
- condamné l'association Venture Club de France sise à [Localité 7] à payer à l'association Royal Venture Club de France la somme de 1500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné l'association Venture Club de France sise à [Localité 7] aux dépens,
- rappelé que l'exécution provisoire du présent jugement est de droit.
Pour déclarer irrecevable l'exception d'incompétence soulevée par l'association Royal Venture Club de France, le tribunal a rappelé que le juge de la mise en état était seul compétent pour connaître d'une exception de procédure au sens des dispositions de l'article 789-1° du code de procédure civile.
Sur la contrefaçon de marque, le tribunal a relevé que Monsieur [D] faisait valoir que l'association Venture Club de France sise à [Localité 7] était la continuité de l'association historique constituée en 1993 mais il a également relevé que Monsieur [D] avait déposé à l'INPI le 30 décembre 2017 la marque 'Venture Club de France' et ne versait au dossier que les statuts adoptés le 15 juin 2018 de l'association Venture Club de France sise à [Localité 7] sans verser de décision prise par l'association originelle justifiant d'un transfert de siège social. Or, le tribunal a dit que, si l'association Venture Club de France sise à [Localité 7] était la continuité de l'association créée en 1993, le transfert du siège social n'aurait nécessité qu'une délibération du bureau et la publication du changement de siège dans le journal d'annonces légales.
Dès lors, en l'absence d'éléments de preuve suffisants, le premier juge a considéré qu'elle était une association nouvelle et non un transfert de siège social de l'association créée en 1993. Il a ajouté que l'association ne justifiait d'aucun lien juridique avec l'association Venture Club de France originelle et que la marque 'Venture Club de France' déposée n'était pas disponible puisque déjà utilisée par l'association défenderesse depuis 1993.
En conséquence, le tribunal a annulé le dépôt de la marque et a débouté l'association Venture Club de France sise à [Localité 7] de ses demandes.
Par déclaration reçue au greffe de la cour, sous la forme électronique, le 18 juillet 2024, l'association Venture Club de France sise à [Localité 7], a relevé appel de ce jugement (n° RG 24/01466).
Par déclaration reçue au greffe de la cour, sous la forme électronique, le 18 juillet 2024, l'association Venture Club de France sise à [Localité 7] a déposé une nouvelle déclaration d'appel en remplaçant la dénomination de l'intimé 'association Venture Club de France' par 'association Venture Club de France devenue Royal Venture Club de France'(n° RG 24/01467).
Par ordonnance de jonction du 22 août 2024, le conseiller de la mise en état de la cour d'appel de Nancy a ordonné la jonction des procédures n° RG 24/01467 et 24/01466 sous le n° 24/01466.
Au dernier état de la procédure, par conclusions reçues au greffe de la cour d'appel sous la forme électronique le 14 mars 2025, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des prétentions et moyens, l'association Venture Club de France sise à [Localité 7] demande à la cour de :
- recevoir l'appel principal, et le déclarer bien fondé, en rejetant l'appel incident,
Y faisant droit,
- infirmer, en tous cas réformer, en toutes ses dispositions le jugement rendu le 26 juin 2024 par le tribunal judiciaire de Nancy,
Statuant à nouveau,
- condamner l'association Royal Venture Club de France à restituer en nature ou à payer en deniers à l'association Venture Club de France sise à [Localité 7] :
- le stock de la boutique du club, évalué à 3649 euros,
- le solde de la caisse en numéraires pour 150 euros,
- le solde du compte bancaire BNP pour 16774 euros,
le tout avec intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 22 juin 2021,
- condamner l'association Royal Venture Club de France, au paiement de la somme de 10000 euros en réparation du préjudice subi par l'association Venture Club de France sise à [Localité 7],
- ordonner la cessation immédiate des actes de contrefaçon et d'utilisation de la marque par la fermeture des sites internet suivants :
- miroir https://www.royalventureclubdefrance.com
- forum internet https://royalventureclubfr.motards.net
- https://www.ventureclubdefrance.com
- débouter l'association Royal Venture Club de France de son appel incident ainsi que de toutes ses demandes, fins et conclusions contraires,
- condamner l'association Royal Venture Club de France au paiement de la somme de 3000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner l'association Royal Venture Club de France aux entiers dépens de la première instance et de l'instance d'appel.
Au dernier état de la procédure, par conclusions reçues au greffe de la cour d'appel sous la forme électronique le 16 décembre 2024, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des prétentions et moyens, l'association Venture Club de France devenue Royal Venture Club de France demande à la cour, sur le fondement des articles 711-1 et 713-6 du code de la propriété industrielle, de :
- déclarer recevable mais mal fondé l'appel de l'association Venture Club de France sise à [Localité 7],
- dire et juger que l'association Venture Club de France sise à [Localité 7] créée le 4 janvier 2016 à [Localité 3] en droit local n'est pas la continuatrice de l'association créée en 1993,
En conséquence,
- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté l'association Venture Club de France sise à [Localité 7] de l'ensemble de ses demandes et l'a condamnée à la somme de 1500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a prononcé la nullité de la marque Venture Club de France pour manque de distinctivité,
- dire et juger nul le dépôt de marque effectué par Monsieur [D] pour antériorité du nom de l'association et manque de distinctivité,
- faire droit à l'appel incident de l'association concluante,
- condamner l'association Venture Club de France sise à [Localité 7] à lui payer la somme de 5000 euros de dommages et intérêts pour procédure abusive et tentative d'escroquerie à jugement outre la somme de 3000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais irrépétibles à hauteur d'appel,
- condamner la requérante aux entiers dépens.
La clôture de l'instruction a été prononcée par ordonnance du 6 mai 2025.
L'audience de plaidoirie a été fixée le 9 septembre 2025 et le délibéré au 30 septembre 2025.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Vu les dernières conclusions déposées par l'association Venture Club de France sise à [Localité 7] le 14 mars 2025 et par l'association Venture Club de France devenue Royal Venture Club de France le 16 décembre 2024 et visées par le greffe auxquelles il convient de se référer expressément en application de l'article 455 du code de procédure civile ;
Vu la clôture de l'instruction prononcée par ordonnance du 6 mai 2025 ;
La marque verbale ' Venture Club de France' déposée à l'Institut National de la Propriété Industrielle (INPI) et enregistrée le 30 décembre 2017 sous le numéro 17 4 416 419 dans les classes 39 et 41, est la propriété de son déposant Monsieur [Y] [D].
Ce dernier a conclu le 16 juin 2018 un contrat de licence exclusive au bénéfice de l'association 'Venture Club de France' dont le siège est à [Localité 7], représentée par son président Monsieur [I].
L'article XII de ce contrat, intitulé 'Défense de la marque' est ainsi rédigé: ' Les parties s'engagent à se tenir mutuellement informées de toutes les atteintes à la marque objet du présent contrat dont elles pourraient avoir connaissance.
La licenciée s'engage particulièrement à signaler immédiatement au concédant, la lettre recommandée avec avis de réception, toutes les atteintes sont elle pourrait avoir connaissance et notamment de l'existence de toute marque concurrente, susceptible de faire naître une confusion dans l'esprit des adhérents.
Le concédant pourra, à sa seule discrétion, et s'il le juge opportun, engager à ses frais, toutes actions ou procédure à l'encontre du contrefacteur.
La licenciée pourra agir seule, sans l'accord exprès, écrit et préalable du concédant, notamment dans le cadre d'une action en concurrence déloyale à l'encontre du contrefacteur,
Il (Elle) pourra toutefois se joindre à l'action éventuellement engagée par le concédant, auquel cas les frais et honoraires de procédure ainsi que les dommages et intérêts en résultant seront partagés par parts égales entre les parties.'
L'article L 716-4-2 du code de la propriété intellectuelle dispose que l'action civile en contrefaçon est engagée par le titulaire de la marque ou par le licencié avec le consentement du titulaire, sauf stipulation contraire du contrat.
La cour relève d'une part, que Monsieur [D] n'est pas partie à la présente instance à titre personnel, mais exclusivement ès qualités de président actuel de l'association demanderesse, appelante au principal, alors même que la rédaction de la clause ci-dessus reproduite semble pouvoir être interprétée en ce sens que l'action en contrefaçon serait réservée au concédant.
D'autre part, la nullité de la marque considérée est poursuivie reconventionnellement par l'Association ' Venture Club de France', désormais dénommée 'Royal Venture Club de France' alors même que Monsieur [D] n'est pas dans la cause, ainsi qu'il a été dit ci-dessus, de sorte que cette demande apparaît irrecevable en l'état, la demande en nullité de marque devant être poursuivie contre le propriétaire de celle-ci.
Enfin, la poursuite concurrente d'actes de contrefaçon et d'actes de concurrence déloyale suppose que soit énoncée la nature précise de ces derniers de telle manière qu'il apparaisse en quoi ils seraient distincts des actes de contrefaçon allégués et susceptible d'être réparés sur le fondement des articles 1240 et 1241 du code civil. En effet, dans le dispositif des dernières conclusions de l'appelante, il est demandé une indemnisation globale du préjudice et la cessation des actes de contrefaçon et d'utilisation de marque, alors que le corps des écritures distingue la contrefaçon de marque et l'usage du logo.
Il apparaît dès lors que l'affaire n'est pas en état d'être jugée.
Il y a lieu de renvoyer l'affaire devant le conseiller de la mise en état.
Les frais et dépens seront réservés.
PAR CES MOTIFS,
LA COUR, statuant par arrêt contradictoire et avant-dire droit au fond, prononcé publiquement, par mise à disposition au greffe,
Renvoie l'affaire à l'audience de mise en état du 14 octobre 2025, pour mise en cause éventuelle de Monsieur [Y] [D], à titre personnel et conclusions des parties sur la recevabilité de la demande de nullité de la marque ' Venture Club de France', sur l'interprétation de la clause XII du contrat de licence de marque et la recevabilité de l'action en contrefaçon et sur les actes envisagés comme distincts poursuivis du chef de concurrence déloyale sur le fondement des articles 1240 et 1241 du code civil.
Réserve les frais et dépens.
Le présent arrêt a été signé par