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Décisions

CA Toulouse, 2e ch., 30 septembre 2025, n° 24/03527

TOULOUSE

Arrêt

Autre

CA Toulouse n° 24/03527

30 septembre 2025

30/09/2025

ARRÊT N°2025/338

N° RG 24/03527 - N° Portalis DBVI-V-B7I-QSDN

SM CG

Décision déférée du 15 Octobre 2024

TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de TOULOUSE

( 24/01150)

M. PLANES

S.A.S. CJC VEHICULES INDUSTRIELS

C/

[J] [R]

[G] [D]

[K] [J] [T]

[M] [T]

[L] [T]

INFIRMATION TOTALE

Grosse délivrée

le

à Me Nicolas DALMAYRAC

Me Katia PIZZASEGOLA

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

***

COUR D'APPEL DE TOULOUSE

2ème chambre

***

ARRÊT DU TRENTE SEPTEMBRE DEUX MILLE VINGT CINQ

***

APPELANTE

S.A.S. CJC VEHICULES INDUSTRIELS prise en la personne de son Président en exercice, Monsieur [O] [N]

[Adresse 9]

[Adresse 9]

[Localité 10]

Représentée par Me Nicolas DALMAYRAC de la SCP CAMILLE ET ASSOCIES, avocat au barreau de TOULOUSE

INTIMES

Madame [J] [R]

[Adresse 1]

[Localité 8]

Monsieur [G] [D]

[Adresse 11]

[Localité 6]

Mademoiselle [K] [J] [T]

[Adresse 2]

[Localité 4]

Mademoiselle [M] [T]

[Adresse 5]

[Localité 3]

Mademoiselle [L] [T]

[Adresse 7]

[Localité 4]

Représentés par Me Katia PIZZASEGOLA, avocat au barreau de TOULOUSE

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 805 et 907 du Code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 04 Juin 2025, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant S. MOULAYES, conseillère, chargée du rapport. Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

I. MARTIN DE LA MOUTTE, présidente

S. MOULAYES, conseillère

M. NORGUET, conseillère

Greffier, lors des débats : N.DIABY

ARRET :

- Contradictoire

- prononcé publiquement par mise à disposition au greffe après avis aux parties

- signé par I. MARTIN DE LA MOUTTE, présidente, et par A. CAVAN, greffier de chambre

Faits et procédure

Suivant acte sous seing privé en date du 7 janvier 2013, Madame [J] [R], Monsieur [G] [D], Madame [K] [T], Madame [M] [T], et Madame [L] [T] ont consenti à la société Sas Cjc Véhicules Industriels un bail commercial pour les locaux sis [Adresse 9] à [Localité 10].

Ce bail a été conclu pour une durée déterminée, à compter du 1er janvier 2013 pour se terminer de plein droit le 31 décembre 2021.

Suivant acte extra-judiciaire du 12 novembre 2021, les bailleurs ont fait délivrer au preneur assignation en référé devant le Tribunal Judiciaire de Toulouse aux fins de constater l'acquisition de la clause résolutoire et la condamnation à titre provisionnel au paiement de la somme de 34 255,15 euros ttc. En cours de procédure les parties se sont rapprochées et ont signé un protocole d'accord le 8 février 2022, lequel a été homologué par ordonnance du juge des référés en date du 01 mars 2022.

Le 10 juin 2022 la société Cjc Véhicules Industriels, sur la base d'un rapport d'expertise unilatéral de Monsieur [H] [U], a procédé à la signification d'une demande de renouvellement du bail commercial liant les parties, à effet du 1er juillet 2022, sollicitant la baisse de son loyer commercial par application des dispositions de l'article L145-33 du code de commerce à hauteur de 116 000 euros hors taxes et hors charges par an.

Suivant acte notarié en date du 20 décembre 2022, Madame [J] [R] a fait donation en indivision à Madame [K] [T], Madame [M] [T] et Madame [L] [T], ses filles, à concurrence d'un tiers chacune, de la pleine propriété du bien immobilier sis sur la commune de [Adresse 9], objet dudit bail.

Aucune solution amiable n'ayant pu être trouvée entre les parties, la société Cjc Véhicules Industriels a fait délivrer assignation aux bailleurs, le 13 octobre 2023 devant le juge des loyers commerciaux aux fins de diminution des loyers.

Estimant que le compte locatif de la société Cjc Véhicules Industriels était débiteur, Madame [J] [R], Monsieur [G] [D], Madame [K] [T], Madame [M] [T], et Madame [L] [T] lui ont fait délivrer par commissaire de justice, un commandement de payer visant la clause résolutoire daté du 19 avril 2024, pour un montant total de 28 555,57 euros (coût de l'acte exclu).

Par acte de commissaire de justice en date du 31 mai 2024, Madame [J] [R], Monsieur [G] [D], Madame [K] [T], Madame [M] [T], et Madame [L] [T] ont assigné la société Cjc Véhicules Industriels devant le juge des référés du tribunal judiciaire de Toulouse aux fins notamment de voir constater la résiliation de plein droit du bail commercial du fait du jeu de la clause résolutoire.

Par ordonnance de référé du 15 octobre 2024, le tribunal judiciaire de Toulouse a :

- au principal, renvoyé les parties à se pourvoir ainsi qu'elles aviseront, mais d'ores et déjà et vu l'urgence :

- constaté la résiliation de plein droit à compter du 20 mai 2024, du bail daté du 7 janvier 2013, consenti par Madame [J] [R], Monsieur [G] [D], Madame [K] [T], Madame [M] [T], Madame « [Z] » (sic) [T] à la société Cjc Véhicules Industriels, portant sur des locaux à usage commercial dépendant d'un immeuble situé [Adresse 9] à [Localité 10] ;

- ordonné à défaut de libération volontaire préalable des lieux, l'expulsion de la société Cjc Véhicules Industriels et celle de tous biens et occupants de son chef, dans les formes et délais légaux avec le concours éventuel d'un serrurier et de la force publique ;

- dit que le sort des biens mobiliers trouvés dans les lieux sera régi par les dispositions prévues par les articles L.433-1 et R.433-1 et suivants du code des procédures civiles d'exécution ;

- condamné en deniers ou quittances la société Cjc Véhicules Industriels à payer à Madame [J] [R], Monsieur [G] [D], Madame [K] [T], Madame [M] [T], Madame « [Z] » (sic) [T] une somme provisionnelle de 55 994,56 euros ttc au titre des créances de loyers, de charges, de taxes et aux indemnités d'occupation impayées, afférent au bail résilié arrêtée au 31 juillet 2024 à l'exclusion des frais de procédure (échéance du mois de juillet 2024 comprise) ;

- condamné la société Cjc Véhicules Industriels au paiement d'une indemnité mensuelle d'occupation correspondant à la somme égale aux loyers, charges, taxes et accessoires normalement exigibles (soit 20 187,54 euros ttc en juillet 2024), au prorata temporis de son occupation, à compter du 1er août 2024 et jusqu'à la libération effective des lieux caractérisée soit par l'expulsion, soit par la restitution volontaire préalable des clefs en mains propres à un représentant de Madame [J] [R], Monsieur [G] [D], Madame [K] [T], Madame [M] [T], Madame « [Z] » (sic) [T];

- condamné la société Cjc Véhicules Industriels à payer à Madame [J] [R], Monsieur [G] [D], Madame [K] [T], Madame [M] [T], Madame « [Z] » (sic) [T] la somme de 1 000 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

- rejeté toutes autres ou surplus de demandes ;

- rappelé que l'exécution provisoire de la présente ordonnance est de droit ;

- condamné la société Cjc Véhicules Industriels aux entiers dépens qui comprendront notamment les frais relatifs au coût du commandement de payer, ainsi que ceux nécessités par l'assignation ayant introduit la présente instance.

Par déclaration en date du 24 octobre 2024, la Sas Cjc Véhicules Industriels a relevé appel de l'ordonnance de référé. La portée de l'appel est la réformation de l'ensemble des chefs de l'ordonnance, à l'exception de celui relatif à l'exécution provisoire, que la déclaration d'appel critique tous expressément.

Par jugement du tribunal de commerce de Toulouse du 12 novembre 2024, la Sas Cjc Véhicules Industriels a été placée en redressement judiciaire.

Le 6 novembre 2024, l'affaire a été fixée à bref délai en application des articles 904, 905 et 906 du code de procédure civile.

La clôture est intervenue le 28 avril 2025, et l'affaire a été appelée à l'audience du 4 juin 2025.

Prétentions et moyens

Vu les conclusions d'appelante notifiées le 21 novembre 2024 auxquelles il est fait expressément référence pour l'énoncé du détail de l'argumentation, de la Sas Cjc Véhicules Industriels demandant, au visa des articles 835 alinéa 2 du Code de procédure civile, L145-41 du Code de commerce, et L622-21 et L631-14 du Code de commerce, de :

- infirmer l'ordonnance rendue le 15 octobre 2024 par le Président du Tribunal judiciaire de Toulouse statuant en matière de référé en ce qu'elle a :

- constaté la résiliation de plein droit à compter du 20 mai 2024, du bail daté du 7 janvier 2013, consenti par Madame [J] [R], Monsieur [G] [D], Madame [K] [T], Madame [M] [T], Madame [Z] [T] à la société Cjc Véhicules Industriels, portant sur des locaux à usage commercial dépendant d'un immeuble situé [Adresse 9] à [Localité 10] ;

- ordonné à défaut de libération volontaire préalable des lieux, l'expulsion de la société Cjc Véhicules Industriels et celle de tous biens et occupants de son chef, dans les formes et délais légaux avec le concours éventuel d'un serrurier et de la force publique ;

- dit que le sort des biens mobiliers trouvés dans les lieux sera régi par les dispositions prévues par les articles L.433-1 et R.433-1 et suivants du code des procédures civiles d'exécution ;

- condamné en deniers ou quittances la société Cjc Véhicules Industriels à payer à Madame [J] [R], Monsieur [G] [D], Madame [K] [T], Madame [M] [T], Madame [Z] [T] une somme provisionnelle de 55 994,56 euros ttc au titre des créances de loyers, de charges, de taxes et aux indemnités d'occupation impayées, afférent au bail résilié arrêtée au 31 juillet 2024 à l'exclusion des frais de procédure (échéance du mois de juillet 2024 comprise) ;

- condamné la société Cjc Véhicules Industriels au paiement d'une indemnité mensuelle d'occupation correspondant à la somme égale aux loyers, charges, taxes et accessoires normalement exigibles (soit 20 187,54 euros ttc en juillet 2024), au prorata temporis de son occupation, à compter du 1er août 2024 et jusqu'à la libération effective des lieux caractérisée soit par l'expulsion, soit par la restitution volontaire préalable des clefs en mains propres à un représentant de Madame [J] [R], Monsieur [G] [D], Madame [K] [T], Madame [M] [T], Madame [Z] [T];

- condamné la société Cjc Véhicules Industriels à payer à Madame [J] [R], Monsieur [G] [D], Madame [K] [T], Madame [M] [T], Madame [Z] [T] la somme de 1 000 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamné la société Cjc Véhicules Industriels aux entiers dépens qui comprendront notamment les frais relatifs au coût du commandement de payer, ainsi que ceux nécessités par l'assignation ayant introduit la présente instance,

Statuant à nouveau,

- constater que la société Cjc Véhicules Industriels a été admise au bénéfice d'une procédure de redressement judiciaire selon jugement d'ouverture rendu par le Tribunal de commerce de Toulouse en date du 12 novembre 2024,

Par voie de conséquence,

- dire n'y avoir lieu à acquisition de la clause résolutoire stipulée au bail commercial en date du 7 janvier 2013,

- dire n'y avoir lieu de façon plus globale à référé et débouter par voie de conséquence les consorts [R] [D] de l'intégralité de leurs demandes, fins et prétentions,

- dire n'y avoir lieu à application de l'article 700 du Code de procédure civile en cause d'appel,

- laisser à la charge de chacune des parties à la présente instance les dépens d'appel.

Vu les conclusions d'intimé notifiées le 18 décembre 2024 auxquelles il est fait expressément référence pour l'énoncé du détail de l'argumentation, de Madame [J] [R], Monsieur [G] [D], Madame [K] [T], Madame [M] [T], Madame [L] [T] demandant, au visa des articles 835 alinéa 2 du Code de procédure civile, L145-41 du Code de commerce, et L622-21 et L631-14 du Code de commerce, de :

- donner acte à l'indivision [R] de son constat que la résiliation du bail ne peut plus être poursuivie à la date du Jugement d'ouverture,

- débouter la société Sas Cjc Véhicules Industriels de l'intégralité de ses demandes.

- condamner la société Sas Cjc Véhicules Industriels au paiement de la somme de 1 500 € sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile en cause d'appel ainsi qu'aux entiers dépens de l'instance.

MOTIFS

Le juge des référés a été saisi par les bailleurs afin de faire constater l'acquisition de la clause résolutoire, et de voir prononcer l'expulsion du locataire et sa condamnation au paiement de diverses sommes.

Le juge des référés a fait droit à leurs demandes.

Toutefois, suite à la décision du juge des référés, par jugement du 12 novembre 2024, le preneur a été placé en redressement judiciaire.

Dans le cadre de la présente procédure d'appel, le preneur demande à la Cour d'infirmer le jugement rendu dans la mesure où il a fait l'objet d'un jugement d'ouverture de redressement judiciaire.

Les bailleurs dressent le constat que la résiliation du bail ne peut plus être poursuivie en l'état du jugement d'ouverture, et ne forment aucune demande relative à la fixation de leur créance.

En application des dispositions d'ordre public des articles L.622-21 et L.622-22 du Code de Commerce, le jugement d'ouverture interrompt ou interdit toute action en justice de la part des créanciers tendant à la condamnation du débiteur au paiement d'une somme d'argent ou à la résiliation d'un contrat pour défaut de paiement d'une somme d'argent, et les instances en cours sont interrompues jusqu'à ce que le créancier poursuivant ait procédé à une déclaration de créance entre les mains du Mandataire de Justice.

L'action en résolution d'un contrat pour défaut de paiement du loyer à son échéance est une action fondée sur le défaut de paiement d'une somme d'argent au sens de l'article L. 622-21 du code de commerce.

Lorsque, comme c'est le cas en l'espèce, au jour de l'ouverture du redressement judiciaire de la société locataire, l'ordonnance de référé constatant l'acquisition de la clause résolutoire, frappée d'appel, n'a pas acquis force de chose jugée, le bailleur ne peut plus poursuivre l'action antérieurement engagée (Com., 28 octobre 2008, pourvoi n° 07-17.662, Bull. 2008, IV, n° 184).

Le commandement de payer délivré antérieurement est donc privé d'effet.

La Cour ne pourra donc que constater que l'action formée par les bailleurs en acquisition de la clause résolutoire, ainsi qu'en condamnation au paiement d'une somme d'argent, n'est pas recevable, et infirmera en conséquence l'ordonnance déférée.

Il conviendra également d'infirmer les dispositions de l'ordonnance relatives à l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens.

Chaque partie conservera à sa charge les frais et dépens de première instance et d'appel.

En revanche, l'équité ne commande pas d'allouer d'indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile, au titre des frais irrépétibles, tant de première instance que d'appel.

Les bailleurs seront déboutés de leur demande de ce chef.

PAR CES MOTIFS

La Cour statuant dans les limites de sa saisine, de manière contradictoire, et par mise à disposition au greffe,

Infirme l'ordonnance déférée ;

Statuant à nouveau et y ajoutant,

Déclare irrecevable l'action de Madame [J] [R], Monsieur [G] [D], Madame [K] [T], Madame [M] [T], et Madame [L] [T] ;

Déboute Madame [J] [R], Monsieur [G] [D], Madame [K] [T], Madame [M] [T], et Madame [L] [T], de leur demande formée en application de l'article 700 du code de procédure civile, au titre des frais irrépétibles de première instance et d'appel ;

Dit que chaque partie conservera la charge de ses frais et dépens de première instance et d'appel ;

La Greffière La Présidente

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