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Décisions

CA Montpellier, 5e ch. civ., 30 septembre 2025, n° 22/02410

MONTPELLIER

Arrêt

Autre

CA Montpellier n° 22/02410

30 septembre 2025

ARRÊT n°

Grosse + copie

délivrées le

à

COUR D'APPEL DE MONTPELLIER

5e chambre civile

ARRET DU 30 SEPTEMBRE 2025

Numéro d'inscription au répertoire général :

N° RG 22/02410 - N° Portalis DBVK-V-B7G-PM7B

Décision déférée à la Cour : Jugement du 18 MARS 2022

PRESIDENT DU Tribuanl Judiciaire de [Localité 9]

N° RG 20/01494

APPELANTE :

S.A.R.L. LE COQ VERT

[Adresse 5]

[Localité 2]

Représentée par Me Elian GAUDY de la SCP GAUDY GALANDRIN, avocat au barreau de l'AVEYRON, avocat postulant

assistée de Me Christine AUCHE HEDOU, avocat au barreau de MONTPELLIER substituant Me Elian GAUDY, avocat au barreau de l'AVEYRON, avocat plaidant

INTIMEE :

S.A.R.L. [W] prise en la personne de son représentant légal domicilé ès qualités audit siège social

[Adresse 3]

[Localité 1]

Représentée par Me Thierry BERGER, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat postulant

assistée de Me Julie DE LA CRUZ, avocat au barreau de MONTPELLIER substituant Me Alain COMBAREL, avocat au barreau d'ALBI, avocat plaidant

Ordonnance de clôture du 02 Juin 2025

COMPOSITION DE LA COUR :

En application de l'article 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 23 JUIN 2025, en audience publique, le magistrat rapporteur ayant fait le rapport prescrit par l'article 804 du même code, devant la cour composée de :

Mme Françoise FILLIOUX, Présidente de chambre

M. Emmanuel GARCIA, Conseiller

Mme Corinne STRUNK, Conseillère

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Madame Sylvie SABATON

ARRET :

- contradictoire

- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;

- signé par M. Emmanuel GARCIA, Conseiller en remplacement de Mme Françoise FILLIOUX, Présidente de chambre empêchée, et par Madame Sylvie SABATON, greffier.

*

* *

EXPOSE DU LITIGE

Suivant acte authentique du 12 avril 2000, la SARL [W] a donné à bail pour un usage commercial à la SARL Le Coq Vert, un immeuble à usage d'hôtel restaurant bar, situé [Adresse 7], à compter du 1er avril 2000, pour une durée de 9 années expirant le 31 mars 2009, moyennant le versement d'un loyer mensuel de 1.829,39 euros.

Par acte notarié dressé le même jour, la SARL [W] a également cédé à la SARL Le Coq Vert le fonds de commerce d'hôtel, restaurant, bar, fabrication et commercialisation de plats cuisinés.

Par acte notarié dressé le 12 mars 2012, le bail commercial a été renouvelé à effet du 1er avril 2009 jusqu'au 31 mars 2018, pour un loyer annuel de 29 331,36 euros.

Le 12 février 2019, un commandement de payer la somme de 16 035,20 euros, visant la clause résolutoire a été délivré par la SARL [W] à la SARL Le Coq Vert, demeurant sans effet.

Par acte d'huissier de justice en date du 21 mai 2019, la SARL [W] a assigné la SARL Le Coq Vert, devant le juge des référés du tribunal judiciaire de Rodez, aux fins notamment de voir constater l'acquisition de la clause résolutoire, d'ordonner son expulsion et sa condamnation au paiement de diverses sommes.

Par ordonnance du 20 février 2020, le juge des référés du tribunal judiciaire de Rodez a dit n'y avoir lieu à référé quant à la demande de constatation du jeu de la clause résolutoire en présence de contestations sérieuses.

Par acte d'huissier de justice en date du 17 décembre 2020, la SARL [W] a assigné la SARL Le Coq Vert, devant le tribunal judiciaire de Rodez.

Le jugement contradictoire rendu le 18 mars 2022 par le tribunal judiciaire de Rodez :

Dit que les stipulations du protocole d'accord du 26 juin 2019 sont inopposables aux parties dans le cadre du présent litige ;

Constate la résiliation de plein droit à compter du 13 mars 2019, du bail commercial daté du 12 avril 2000, renouvelé par acte notarié dressé le 12 mars 2012, consenti par la SARL [W] à la SARL Le Coq Vert, lié à un immeuble à usage d'hôtel restaurant bar, situé [Adresse 6]) ;

Ordonne à défaut de libération volontaire préalable des lieux, l'expulsion de la SARL Le Coq Vert et celle de tous biens et occupants de son chef, dans les formes et délais légaux avec le concours éventuel d'un serrurier et de la force publique, sans qu'il ne soit nécessaire d'assortir cette expulsion d'une astreinte ;

Dit que le sort des biens mobiliers trouvés dans les lieux sera régi par les dispositions prévues par les articles L.433-1 et R.433-1 et suivants du code des procédures civiles d'exécution ;

Condamne après compensation judiciaire, la SARL Le Coq Vert à payer à la SARL [W] une somme de 61 342,92 euros correspondant à la différence entre les créances de loyers, de charges, de taxes afférents aux locaux loués (loyers et charges du mois d'août 2020 inclus) arrêtée au 31 août 2020 et les sommes engagées par le preneur au titre de demandes non prescrites de travaux d'amélioration des lieux ;

Dit que cette somme sera majorée des intérêts au taux légal à compter du 31 août 2020 ;

Condamne la SARL Le Coq Vert au paiement d'une indemnité d'occupation correspondant à la somme égale aux loyers et charges annuels normalement exigibles au prorata temporis, sans majoration et à compter du 1er septembre 2020 et jusqu'à libération effective des lieux, caractérisée soit par la mise en 'uvre de la procédure d'expulsion, soit par la remise des clefs en mains propres à un représentant de la SARL [W] ;

Déboute la SARL Le Coq Vert de sa demande d'exception d'inexécution, du surplus de compensation judiciaire et de sa demande d'expertise judiciaire ;

Déboute la SARL Le Coq Vert du de ses demandes locatives et de sa prétention fondée sur les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

Rappelle que l'exécution provisoire du présent jugement est de droit ;

Condamne la SARL Le Coq Vert aux entiers dépens qui comprendront notamment les frais relatifs au commandement de payer, l'assignation ayant introduit la présente instance, ainsi que les frais éventuels d'exécution.

Le premier juge relève que les stipulations du protocole d'accord conclu entre les parties le 26 juin 2019 prévoient pour l'une des parties de renoncer à réclamer une partie des loyers et pour l'autre, à s'abstenir de solliciter le remboursement de réparations incombant à la bailleresse dont elle a fait l'avance, en partant du principe que le litige entre elles se dénouerait par l'effet de la vente combinée du fonds de commerce et des murs. Sur le constat de la non-réalisation de la clause suspensive, à savoir la concrétisation de la vente du fonds de commerce et des murs, le premier juge écarte l'application d'un tel accord.

S'agissant de la dette locative, il relève que celle-ci n'est pas contesté par le preneur qui invoque des manquements graves du bailleur dans l'accomplissement de travaux lui incombant qui l'autoriserait à ne pas régler son obligation de payer les loyers.

Retenant néanmoins que la société Le Coq Vert ne justifie pas de ce que les manquements du bailleur conduisent à une jouissance gravement troublée au point d'être dans l'impossibilité d'utiliser les lieux loués ou de pouvoir les exploiter, le premier juge l'a condamnée au paiement d'une somme de 62 377,76 euros au titre de l'arriéré de loyers.

En application de la clause résolutoire sur le constat de la délivrance d'un commandement de payer resté infructueux depuis plus d'un mois, le magistrat prononce la résiliation du bail commercial à compter du 13 mars 2019, ordonne l'expulsion et fixe une indemnité d'occupation, relevant notamment que la preneuse n'a jamais pris l'initiative de contraindre judiciairement la bailleresse à lever les obstacles à sa jouissance.

Saisi enfin d'une demande en remboursement de travaux supportés par le preneur, le premier juge dit que seules les prétentions en lien avec des factures postérieures au 29 juin 2019 sont recevables, les autres étant prescrites pour avoir été formulées pour la première fois en justice le 29 juin 2021. Pour le surplus, il considère la demande bien-fondé s'agissant des travaux inhérents à la chape de la piscine, à la terrasse et à la réfection des sols dont le coût viendra en déduction de la dette locative.

La SARL Le Coq Vert, prise en la personne de son représentant légal en exercice, a relevé appel de la décision par déclaration au greffe du 4 mai 2022.

Dans ses dernières conclusions du 1 août 2022, la SARL Le Coq Vert, prise en la personne de son représentant légal en exercice, demande à la cour de :

Rejeter toutes conclusions contraires ;

Recevoir en la forme l'appel de la SARL Le Coq Vert ;

Réformer le jugement entrepris en ce qu'il a considéré que les stipulations du protocole d'accord du 28 juin 2019 étaient inopposables aux parties ;

Réformer le jugement entrepris en ce qu'il a constaté la résiliation de plein droit à compter du 13 mars 2019 du bail ;

Réformer le jugement entrepris en ce qu'il a ordonné l'expulsion de la SARL Le Coq Vert et celle de tous biens ou occupant de son chef, en disant que le sort des biens mobiliers serait régi par les dispositions des articles L433-1 et R433-1 du code des procédures civiles d'exécution ;

Réformer le jugement entrepris en ce qu'il a condamné, après compensation, la SARL Le Coq Vert à porter et payer à la SARL [W] la somme principale de 61 342,92 euros avec intérêts au taux légal à compter du 30 août 2020 ;

Réformer le jugement entrepris en ce qu'il a condamné la SARL Le Coq Vert au paiement d'une indemnité d'occupation jusqu'à libération effective des lieux ;

Réformer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté la SARL Le Coq Vert de sa demande d'expertise judiciaire ;

Débouter la SARL [W] de ses demandes, fins et conclusions ;

Ordonner toute mesure d'instruction qui apparaîtrait utile, l'expert désigné pouvant se voir confier pour mission :

de convoquer les parties,

de les entendre en leurs dires et explications,

de décrire l'état dans lequel, sur les 5 années écoulées à ce jour, c'est-à-dire sur la période de 2017 à 2021, se trouvent les locaux pris à bail,

en l'état de cette situation, de donner son avis sur une éventuelle valeur locative nonobstant les stipulations contractuelles,

de chiffrer le coût des travaux réalisés par la SARL Le Coq Vert depuis 2017 et jusqu'à ce jour et qui auraient normalement incombés au bailleur,

de décrire les travaux que nécessite l'état du bâtiment et de dire s'ils sont ou pas dans le rapport contractuel existant entre les parties imputables au bailleur,

de proposer un compte entre les parties ;

En ce cas, statuer ce que de droit quant aux dépens ;

En tout état de cause,

Condamner la SARL [W] à porter et payer à la SARL Le Coq Vert la somme de 6 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

L'appelant rappelle le contentieux ancien l'opposant au bailleur qui a mis à sa disposition des locaux présentant une grande vétusté le contraignant à engager de nombreuses réfections compte-tenu de l'inertie de la société [W]. Il explique ainsi que les manquements à son obligation de paiement découlent directement des propres défaillances du bailleur dans la délivrance d'un local exploitable.

Il critique encore le raisonnement du premier juge dans l'interprétation du protocole d'accord soutenant pour sa part que les parties n'ont pas assujetti les obligations découlant de l'accord formalisé le 28 juin 2019 à la condition suspensive de la vente du fonds pour la locataire, ni des murs pour la propriétaire. La société Le Coq Vert soutient en conséquence être débitrice d'un arriéré de loyers d'un montant de 12.000 € et d'un loyer de 1.500 € depuis le mois de juillet 2019.

Il conclut à titre subsidiaire en faveur d'une exception d'inexécution rendant sans effet l'application de la clause résolutoire à la suite de la délivrance du commandement de payer. Sur ce point, l'appelante critique la position du premier juge à qui il fait grief d'avoir eu une mauvaise appréciation factuelle de la situation. Il soutient pour sa part que seul un manquement grave à une obligation justifie la résiliation du bail sans qu'il ne soit nécessaire de démontrer une jouissance gravement troublée. Il dénonce ainsi divers manquements, dont le fait de n'avoir rien fait pour faire réparer ou changer la chaudière de l'hôtel, qui ont persisté malgré les relances et les tentatives de conciliation.

Sur la prise en charge des réparations, l'appelante relève qu'aucune demande en compensation ne saisissait le premier juge, celle-ci se contentant de solliciter une expertise judiciaire afin d'évaluer le coût des travaux qu'elle a pris à sa charge. Elle considère que le premier juge a statué ultra petita.

Elle critique enfin la décision déférée en ce qu'elle a retenu une partie des créances prescrites alors que leur principe a été reconnu dans le protocole d'accord.

Dans ses dernières conclusions du 12 octobre 2022, la SARL [W], prise en la personne de son représentant légal en exercice, demande à la cour de :

Rejeter toutes conclusions contraires comme injustes et mal fondées ;

Confirmer le jugement du tribunal judiciaire de Rodez en date du 18 mars 2022, en ce qu'il a débouté la SARL Le Coq Vert de sa demande d'exception d'inexécution, de sa demande d'expertise judiciaire et du surplus de compensation judiciaire ;

Confirmer le jugement du tribunal judiciaire de Rodez en date du 18 mars 2022 en ce qu'il a constaté l'acquisition de la clause résolutoire du bail commercial à effet du 13 mars 2019 pour inexécution du commandement de payer visant la clause résolutoire délivrée le 12 février 2019 ;

A défaut, prononcer la résiliation judiciaire du bail commercial aux torts de la SARL Le Coq Vert en raison des manquements graves et chroniques du preneur dans son obligation de paiement du loyer ;

Confirmer le jugement du tribunal judiciaire de Rodez en date du 18 mars 2022, en ce qu'il ordonne, l'expulsion de la SARL Le Coq Vert ainsi que de tout occupant de son chef si besoin est avec le concours de la force publique ;

Confirmer le jugement du tribunal judiciaire de Rodez en date du 18 mars 2022, en ce qu'il a condamné la SARL Le Coq Vert, à payer à la SARL [W] la somme de 61 342,92 euros arrêtée au 31 août 2020 après compensation avec le montant des travaux non prescrits incombant à la concluante ;

Confirmer le jugement du tribunal judiciaire de Rodez en date du 18 mars 2022, en ce qu'il condamne la SARL Le Coq Vert à payer une indemnité d'occupation correspondant à la somme égale aux loyers et charges annuels exigible à compter du 1er septembre 2020 jusqu'à libération complète des lieux ;

Condamner la SARL Le Coq Vert à payer à la SARL [W] la somme de 68 048,88 euros, au titre de la créance correspondant à l'indemnité d'occupation arrêtée au 31 octobre 2022 ;

Confirmer le jugement du tribunal judiciaire de Rodez en date du 18 mars 2022, en ce qu'il condamne la SARL Le Coq Vert à payer à la SARL [W] les entiers dépens de première instance comprenant les frais de commandement de payer, l'assignation introductive d'instance et les frais d'exécution ;

Condamner la SARL Le Coq Vert à payer à la SARL [W] la somme de 3 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile et les entiers dépens de la procédure d'appel.

L'intimée fait valoir que sa locataire étant défaillante depuis plusieurs années dans le paiement des loyers et celle-ci n'ayant pas régularisé les causes du commandement de payer, le premier juge n'avait d'autre choix que de faire application de la clause résolutoire. De manière subsidiaire, elle soutient que la résiliation du contrat est justifiée par les nombreux manquements du locataire étant souligné qu'à ce jour, la société Le Coq Vert se maintient dans les lieux alors que le bail est résilié et qu'elle ne procède pas au paiement d'une indemnité d'occupation.

Elle rappelle encore que sa locataire n'a pas vendu le fonds de commerce qui aurait permis de ramener la dette locative à la somme de 12.000 euros. Elle soutient ainsi que le protocole ne peut recevoir application dans la mesure où la condition liée à la vente du fonds et des murs n'a pas été réalisée, reprenant en ce sens la position du premier juge.

En réponse aux moyens soulevés par l'appelante, elle expose que sa locataire ne l'a jamais contraint à procéder à la réfection des locaux considérant pour sa part qu'elle n'apporte pas la preuve que celle-ci se trouvait dans l'impossibilité d'exploiter le fonds comme elle l'allègue.

L'intimée rappelle encore que l'exception d'inexécution n'est envisageable qu'en cas d'impossibilité d'utiliser ou exploiter les lieux loués ou si la défaillance du bailleur à réaliser les travaux indispensables, interdit toute jouissance ou exploitation des lieux.

Pour finir, s'agissant de la compensation, elle considère pour sa part que cette demande était sous-entendue dans les écritures de l'appelante. L'intimée reprend les constatations du premier juge et s'oppose à cette demande tout comme celle relative à la mise en 'uvre d'une expertise judiciaire qui n'est pas justifiée au regard de la situation actuelle et de l'existence d'un impayé depuis 2021.

La clôture de la procédure a été prononcée par ordonnance du 2 juin 2025.

MOTIFS

1/ Sur le protocole d'accord :

Il résulte du protocole d'accord signé par les parties le 28 juin 2019 les mentions suivantes :

« Mme [W], qui souhaite vendre les murs de l'hôtel restaurant « Le Tulipier » dont elle est propriétaire, demande à M. [D], qui lui-même souhaite vendre son fonds de commerce de lui justifier les démarches entreprises.

M. [D] a signé un mandat de dépôt à l'agence CIMM, spécialisée en vente de fonds de commerce à [Localité 4] au prix de 290.000 euros FAI.

M. [D] a contracté un abonnement payant auprès de l'Argus du commerce, dont le siège social est à [Localité 8] pour la vente d'un fonds de commerce à 290.000 euros FAI.

M. [D] a fait paraître des annonces sur des sites en ligne au prix de 240.000 euros net vendeur.

M. [D] s'engage à céder le bail si Mme [W] a un acheteur pour ses murs, qui consentirait à accepter le prix de vente du fonds de commerce sur la base de 240.000 euros net vendeur.

Mme [W], de son côté, fixe le prix de vente pour ses murs à 400.000 euros.

Les deux parties s'autorisent à proposer la vente des murs et du fonds de commerce sur ces bases de prix.

Concernant la dette de M. [D] vis-à-vis de Mme [W], représentée par le non-paiement des loyers de décembre 2018 à avril 2019, plus le remboursement de la part de la taxe foncière 2018 pour un montant de 22.000 euros environ, les deux parties ont fait valoir leurs arguments à savoir :

Mme [W] se réfère aux engagements signés par les deux parties lors de la signature du renouvellement du bail commercial en 2009.

M. [D] fait valoir ses droits et informe Mme [W] qu'il a fait effectuer des travaux très importants, à savoir la rénovation des balcons et le changement de la chaudière pour un montant de 17.000 euros, en référence à la loi Pinel de 2014, et que pour cette raison, il n'a pas honoré le paiement des loyers.

Mme [W] propose à M. [D] de diviser sa dette par deux, à savoir un paiement de 12.000 euros en règlement de ce litige jusqu'au 30 juin 2019.

M. [D] fait savoir que sa dette de 24.000 euros moins celle de Mme [W] de 17.000 euros s'élève en réalité à 7.000 euros.

M. [D] accepte néanmoins l'offre de Mme [W] en échange de la cessation de la procédure judiciaire à savoir régler les arriérés de loyer pour un montant de 12.000 euros. En contrepartie, Mme [W] propose à M. [D] qui accepte un nouveau montant de loyer à 1.500 euros HT jusqu'à la vente du fonds de commerce qu'elle souhaite rapide.

Ces accords qui ne satisfont pleinement aucune des deux parties sont passés afin de ne pas empêcher la vente du fonds de commerce et des murs qui restent leur priorité exclusive ».

Aux termes de cet acte, les parties ont distingué deux points, le premier relatif à la vente du fonds de commerce et celle des murs, l'appelant s'engageant à céder le bail si Mme [W] a un acheteur pour ses murs et les parties convenant d'une vente « collective » des murs et du fonds.

Le deuxième est relatif à l'existence de la dette locative et le non-règlement de la taxe foncière avec une référence aux travaux engagés par le preneur.

Ces deux points ont été traités de manière distincte par les deux parties qui n'ont nullement indiqué ni sous-entendu que les dispositions relatives aux loyers sont conditionnées par la vente du fonds et des murs.

Il ne peut donc être déduit de ce protocole, contrairement à ce qu'a retenu le premier juge, l'existence d'une condition suspensive de sorte qu'il sera fait application de cet acte dans la résolution du présent litige. En effet, ce protocole est opposable aux parties, la société intimée ne justifiant nullement avoir dénoncé l'application de cet accord.

La décision entreprise sera infirmée de ce chef.

2/ Sur la résiliation du contrat de bail :

Le bailleur sollicite la résiliation du bail commercial à titre principal par l'effet de la clause résolutoire après la délivrance d'un commandement de payer en date du 12 février 2019 resté infructueux, et à titre subsidiaire pour faute grave au regard des manquements répétés du preneur dans le règlement du loyer.

Le premier juge a fait application de la clause résolutoire prévue au bail sur le constat que le commandement délivré le 12 février 2019, faisant état d'une dette locative d'un montant de 15.066,66 euros correspondant aux loyers impayés entre le mois de décembre 2017 et le mois de décembre 2018 majoré de la taxe foncière 2018, n'a pas été régularisé dans le délai d'un mois comme le prévoit l'article L 145-41 du code de commerce.

Cette analyse ne saurait prospérer en appel dans la mesure où le litige doit être apprécié en tenant compte du protocole conclu le 28 juin 2019 qui exclut l'application de la clause résolutoire.

En effet, les parties ont convenu de fixer la dette locative de décembre 2018 à avril 2019 à la somme de 12.000 euros, Mme [W], représente légale de la société intimée, renonçant à cesser la procédure judiciaire et à réduire le loyer mensuel à la somme de 1.500 euros HT dans l'attente de la cession du fonds de commerce.

Dès lors, la société [W] ne peut exiger la résiliation du bail en application de la clause résolutoire alors qu'elle a renoncé dans le cadre du protocole à toute action judiciaire en lien avec la dette locative arrêtée au 30 juin 2019.

Le jugement entrepris sera infirmé de ce chef.

Cela étant, à compter du 1er juillet 2019, soit sur une période postérieure à celle couverte par le protocole, il est justifié que la société Le Coq Vert n'a pas procédé avec régularité au règlement des loyers comme en atteste le décompte produit par la société bailleresse et qu'elle a cessé tout paiement à compter du 1er octobre 2021. Bien que le protocole arrête la dette locative à la somme de 12.000 euros à la date du 30 juin 2019, la société preneuse n'est pas pour autant dispensée de payer le loyer sur la période postérieure et rien ne s'oppose à ce que la bailleresse dénonce le comportement fautif de son locataire.

De plus, si le preneur oppose une exception d'inexécution, pour autant aux termes du protocole il renonce à solliciter la déduction complète des sommes engagées puisqu'il se reconnaît redevable de la somme de 12.000 euros après déduction d'une partie des travaux de rénovation. Il convient en outre de relever que Mme [W] consent également à fixer le loyer mensuel à la somme de 1500 euros HT. Il ne peut plus en conséquence faire valoir une exception d'inexécution et solliciter le remboursement de sommes engagées pour la réalisation de travaux eu égard à l'accord pris.

Il sera donc débouté de cette demande.

Il s'ensuit que le manquement répété à l'obligation de paiement justifie le prononcé de la résiliation du contrat de bail pour faute grave du preneur à compter de la décision de première instance en date du 18 mars 2022. Il sera également fait droit aux prétentions afférentes à la résiliation du bail commercial en ce compris l'expulsion faute de libération volontaire des lieux et la fixation d'une indemnité d'occupation à compter de la résiliation du bail sur la base d'un loyer mensuel de 3.092,43 euros.

S'agissant de la dette locative, et en application dudit protocole, « Mme [W] propose à M. [D] qui accepte un nouveau montant de loyer à 1.500 euros HT jusqu'à la vente du fonds de commerce qu'elle souhaite rapide ».

La dette locative, qui doit intégrer l'arriéré de 12.000 euros figurant dans le protocole, sera donc évaluée sur la base d'un loyer HT de 1500 euros à compter du 1er juillet 2019 jusqu'au 18 mars 2022 ce qui représente, déduction faite des paiements effectués par le preneur, la somme suivante :

dette au 30 juin 2019 : 12.000 euros ;

1er juillet au 31 décembre 2019 : 9.000 euros ;

2020 : 18.000 - 2.000 =16.000 euros ;

2021 : 18.000 - 12.500 = 5.500 euros ;

22/03/2022 : 3870,96 .

Total : 46.370,96 euros.

3/ Sur les demandes accessoires :

Le jugement sera également confirmé en ce qui concerne les dépens et l'application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

L'appelante, qui succombe, sera condamnée aux entiers dépens de l'appel et à verser la somme de 1 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour, après en avoir délibéré conformément à la loi, par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe et en dernier ressort,

Infirme le jugement rendu le 18 mars 2022 par le tribunal judiciaire de Rodez en toutes ses dispositions, sauf en ce qu'il a fait droit à la demande d'expulsion, et sur les demandes accessoires (dépens et frais irrépétibles),

Statuant à nouveau,

Déclare opposable aux parties le protocole d'accord signé le 28 juin 2019,

Prononce la résiliation pour faute grave du preneur du contrat de bail commercial daté du 12 avril 2000 avec effet au 18 mars 2022,

Condamne la SARL Le Coq Vert au paiement d'une indemnité d'occupation correspondant à la somme égale aux loyers et charges annuels normalement exigibles au prorata temporis, soit la somme de 3.092,43 euros, à compter du 18 mars 2022 et jusqu'à libération effective des lieux, caractérisée soit par la mise en 'uvre de la procédure d'expulsion, soit par la remise des clefs en mains propres à un représentant de la SARL [W],

Déboute la SARL Le Coq Vert de sa demande d'exception d'inexécution et du surplus de compensation judiciaire,

Condamne en deniers et quittance la SARL Le Coq Vert à payer à la SARL [W] une somme de 46.370,96 euros au titre des loyers et charges arrêtés au 18 mars 2022,

Condamne la SARL Le Coq Vert à payer à la SARL [W] la somme de 1.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne la SARL Le Coq Vert aux entiers dépens de l'appel.

Le greffier Le conseiller en remplacement de la présidente empêchée

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