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Décisions

CA Montpellier, 5e ch. civ., 30 septembre 2025, n° 23/05528

MONTPELLIER

Arrêt

Autre

CA Montpellier n° 23/05528

30 septembre 2025

ARRÊT n°

Grosse + copie

délivrées le

à

COUR D'APPEL DE MONTPELLIER

5e chambre civile

ARRET DU 30 SEPTEMBRE 2025

Numéro d'inscription au répertoire général :

N° RG 23/05528 - N° Portalis DBVK-V-B7H-QANU

Décision déférée à la Cour : Jugement du 25 SEPTEMBRE 2023

Tribuanl Judiciaire de [Localité 5]

N° RG 1119000230

APPELANTE :

Madame [P] [I]

[Adresse 16]

[Adresse 4]

[Adresse 2]

[Localité 1]

Représentée par Me Harald KNOEPFFLER de la SCP VIAL-PECH DE LACLAUSE-ESCALE- KNOEPFFLER-HUOT-PIRET-JOUBES, avocat au barreau des PYRENEES-ORIENTALES, avocat postulant

assistée de Me Marjorie AGIER, avocat au barreau de MONTPELLIER substituant Me Harald KNOEPFFLER, avocat au barreau des PYRENEES-ORIENTALES, avocat plaidant

INTIMEE :

Association AFUL RESIDENCE NAUTICA Représentée en la personne de son représentant légal domicilié ès qualités audit siège social

[Adresse 8]

[Adresse 6]

[Adresse 13]

[Localité 1]

Représentée par Me Jacques Henri AUCHE de la SCP AUCHE HEDOU, AUCHE - AVOCATS ASSOCIES, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat postulant

assistée de Me Christine AUCHE HEDOU, avocat au barreau de MONTPELLIER substituant Me Gérald BRIVET-GALAUP, avocat au barreau des PYRENEES-ORIENTALES, avocat plaidant

Ordonnance de clôture du 04 Juin 2025

COMPOSITION DE LA COUR :

En application de l'article 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 25 JUIN 2025, en audience publique, le magistrat rapporteur ayant fait le rapport prescrit par l'article 804 du même code, devant la cour composée de :

Mme Françoise FILLIOUX, Présidente de chambre

M. Emmanuel GARCIA, Conseiller

Mme Corinne STRUNK, Conseillère

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Madame Sylvie SABATON

ARRET :

- contradictoire

- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;

- signé par M. Emmanuel GARCIA, Conseiller en remplacement de Mme Françoise FILLIOUX, Présidente de chambre empêchée, et par Madame Sylvie SABATON, greffier.

*

* *

EXPOSE DU LITIGE

L'association foncière libre (AFUL) Nautica créée en 1970 selon statuts déposés le 2 janvier 1970, dépôt réitéré le 13 mai 1970 a pour objet : « l'entretien et le fonctionnement des services d'arrosage, des équipements sportifs et culturels, et leurs annexes, le gardiennage dans chaque copropriété, enlèvement des ordures ménagères, passation de contrats d'entretien collectif, en vue d'une meilleure organisation des services communs, et toutes prestations exécutées dans l'intérêt général des habitants de l'ensemble immobilier Nautica »

Mme [P] [I] est devenue propriétaire du lot n°4 composé d'un appartement et d'un emplacement pour bateau dans la résidence '[Adresse 7]', au [Adresse 3] (66), l'immeuble géré en copropriété. Elle est également propriétaire d'un emplacement de parking qui ne constitue pas un lot de copropriété.

Elle est copropriétaire au sein de la copropriété la résidence de la [Adresse 4] qui est membre de l'AFUL et elle est également membre de l'AFUL en sa qualité de propriétaire d'un emplacement de parking.

Par acte en date du 4 janvier 2010, l'AFUL de la résidence [10] a saisi la juridiction de proximité de [Localité 15] aux fins de solliciter la condamnation de Mme [P] [I] à lui verser la somme de 3 203,21euros au titre d'un arriéré de charges de copropriété, prétendant que cette copropriété et l'emplacement de parking seraient intégrée à son périmètre.

Par jugement rendu en dernier ressort le 4 novembre 2011, la juridiction de proximité de [Localité 15] a rejeté l'exception d'irrecevabilité présentée par Mme [I] pour défaut de capacité à agir et défaut de qualité à agir du Président de l'AFUL, a débouté l'AFUL Nautica de son action, faute pour cette dernière de justifier d'un mode de calcul des charges de copropriété conformément aux règles définies dans ses statuts et l'a condamnée au paiement de la somme de 300euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile

La juridiction a retenu que l'AFUL avait régularisé en décembre 2009 sa publication de sorte que Mme [I] ne pouvait se prévaloir d'un défaut de qualité à agir et que l'article 23 de l'ordonnance du 1er juillet 2004 sur la nécessité pour le président d'une association syndicale d'être habilité par une délibération d'une AG pour agir en justice ne concerne pas les associations syndicales libres.

Par arrêt en date du 5 février 2013, rendu sur pourvoi de l'AFUL de la résidence [12] de cassation a cassé et annulé en toutes ses dispositions le jugement rendu le 4 novembre 2011 par la juridiction de proximité de [Localité 15] aux motifs qu'en refusant de déterminer le montant des charges dues alors qu'elle avait constaté l'existence d'un arriéré, la juridiction de proximité avait violé l'article 4 du code civil, renvoyant alors les parties devant la juridiction de proximité de [Localité 9].

Par jugement rendu le 26 juin 2014 en dernier ressort, la juridiction de proximité de [Localité 9] a condamné Mme [P] [I] au paiement de l'arriéré des charges AFUL, arrêté au 16 décembre 2009, pour un montant de 3 048,21 euros.

Statuant sur le pourvoi formé par Mme [P] [I], la Cour de cassation a, dans un arrêt en date du 19 novembre 2015, cassé et annulé en toutes ses dispositions le jugement rendu le 26 juin 2014 par la juridiction de proximité de [Localité 9] aux motifs que pour déclarer l'AFUL recevable à agir, la juridiction avait retenu qu'en déposant le 30 novembre 2009, ses statuts modifiés au JO et en obtenant un récépissé dont elle produisait copie, l'AFUL s'était conformée aux dispositions de l'article 8 de l'ordonnance n° 2004-632 du 1er juillet 2004, alors que la publication faite au journal officiel ne comportait aucun extrait des statuts et alors qu'une association syndicale n'a pas la capacité d'ester en justice tant que ses statuts n'ont pas été publiés, renvoyant les parties devant la juridiction de proximité de [Localité 5].

Par jugement du 13 mars 2017, le tribunal de proximité de Carcassonne a, dans l'intérêt d'une bonne justice, ordonné le sursis à statuer du fait de l'existence de plusieurs dossiers identiques pendants devant plusieurs juridictions, et notamment la juridiction de proximité de Narbonne.

Le jugement contradictoire rendu le 25 septembre 2023 en premier ressort par le tribunal judiciaire de Carcassonne :

Déclare recevable l'action introduite par l'Association Foncière Urbaine Libre Nautica à l'encontre de Mme [P] [I] ;

Condamne Mme [P] [I] à payer à l'Association Foncière Urbaine Libre Nautica la somme de 7 907,66 euros au titre des charges dues, selon décompte arrêté au 7 décembre 2020 ;

Rejette les autres demandes ;

Condamne Mme [P] [I] aux dépens ;

Condamne Mme [P] [I] à payer à l'Association Foncière Urbaine Libre Nautica la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Le premier juge rejette l'exception de procédure soulevée par Mme [P] [I] tirée du défaut de capacité d'ester en justice de l'AFUL de la résidence [10], relevant la mise en conformité par cette dernière de ses statuts avec les dispositions de l'ordonnance n°2004-632 du 1er juillet 2004 et du décret n°2006-504 du 3 mai 2006, dans la mesure où elle produit un extrait du Journal Officiel en date du 12 décembre 2009 dont l'annonce a été rectifiée par celle n°1859 publiée dans l'annexe du Journal Officiel le 19 décembre 2015, intitulée « Rectificatifs relatifs aux modifications », que la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, dans une instance similaire opposant l'AFUL de la résidence Nautica et les consorts [O], a jugé dans un arrêt du 27 septembre 2018 que le défaut de capacité d'ester en justice et le défaut de pouvoir du représentant d'une personne morale constitue des irrégularités de fond susceptibles d'être couvertes jusqu'au moment où le juge statue, de sorte qu'elle a retrouvé son droit d'agir en justice en cours de procédure.

Il retient que le président désigné de l'AFUL de la résidence [10] a qualité pour présenter cette association dans le cadre de la présente action en justice, dans la mesure où, conformément au principe de liberté contractuelle, ce sont les statuts qui régissent les associations syndicales libres, alors qu'il résulte des articles 4 3°) et 5 4°) des statuts, ainsi que des procès-verbaux d'assemblées générales versées aux débats, qu'au jour de l'introduction de la présente instance, M. [G] [L] était régulièrement désigné président de l'AFUL Nautica et avait pouvoir de poursuivre, contre tout membre de l'Association Foncière qui n'acquitterait pas sa quote-part des charges et contre tout débiteur solidaire, le recouvrement des sommes dues.

Le premier juge accueille la demande formulée par l'AFUL de la résidence [10] au titre de l'arriéré de charges, constatant que Mme [P] [I], en sa qualité de propriétaire d'un immeuble se situant dans le périmètre d'une association syndicale est membre de l'AFUL, est tenue d'en régler les charges de fonctionnement, dans la mesure où son ensemble immobilier se situe au sein de la copropriété [Adresse 7] et au sein de l'AFUL, alors que Mme [P] [I] ne justifie pas avoir saisi le tribunal d'une quelconque contestation des différentes assemblées générales, de sorte que les comptes approuvés sont ainsi définitifs et les charges dues et qu'elle n'établit pas davantage avoir intenté la moindre action pour contester son compte de propriétaire.

Il rejette la demande de dommages intérêts pour résistance abusive présentée par l'AFUL de la résidence [10], estimant qu'elle ne démontre pas l'existence d'une attitude fautive imputable Mme [P] [I], génératrice d'un dommage, de mauvaise foi, d'intention de nuire ou d'erreur grossière sur ses droits, précisant que les moyens de défense développés par cette dernière depuis l'introduction de l'instance n'étaient pas totalement dépourvus de pertinence, comme en atteste notamment l'arrêt rendu par la Cour de cassation le 19 novembre 2015.

Il rejette également la demande d'indemnisation au titre de son préjudice moral formée par Mme [P] [I], indiquant qu'eu égard à la solution apportée au litige, l'abus du droit d'agir en justice de l'AFUL n'est pas caractérisé.

Mme [P] [I] a relevé appel de la décision par déclaration au greffe du 9 novembre 2023.

Dans ses dernières conclusions du 20 décembre 2024, Mme [P] [I] demande à la cour de :

Réformer et infirmer en toutes ses dispositions le jugement du tribunal judiciaire de Carcassonne du 25 septembre 2023 ;

Déclarer irrecevable l'action de l'AFUL de la résidence [10] pour défaut de capacité à agir en justice et défaut de qualité à agir du président ;

À titre subsidiaire

Déclarer prescrite l'action en paiement de charges exigibles du 4 octobre 2010 au 24 janvier 2015 ;

En tout état de cause

Débouter l'AFUL de la résidence [10] de l'intégralité de ses demandes ;

Condamner l'AFUL de la résidence [10] à verser à Mme [P] [I] :

11 032,34 euros au titre de la répétition de l'indu en restitution des sommes injustement saisies en exécution forcée illégitime du jugement du 25 septembre 2023,

5 000 euros à titre de dommages et intérêts en indemnisation de leur préjudice moral,

3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamner l'AFUL de la résidence [10] aux entiers dépens de première instance et d'appel.

Elle soutient que l'absence de mise en conformité des statuts de l'AFUL avec l'ordonnance n° 2004-632 prive cette dernière de la possibilité d'agir en justice, faute de capacité et que les opérations intervenues en 2009 et en 2015 n'ont pas permis de régulariser la situation.

Elle fait valoir également que le président d'une AFUL exécute les délibérations de l'assemblée des propriétaires et du syndicat, qu'en l'espèce, l'AFUL ne justifie d'aucune délibération autorisant le Président à ester en justice, de sorte qu'il est irrecevable à agir pour défaut de qualité, que l'ordonnance de 2004 s'applique aux associations syndicales libres.

Elle souligne que pour être président de l'AFUL, il convient selon les statuts de l'AFUL d'avoir été nommé en qualité de syndic par l'assemblée générale constituée par les représentants des copropriétés et par les propriétaires individuels, que tel n'est pas le cas en l'espèce.

Dans ses dernières conclusions du 17 octobre 2024, l'AFUL de la résidence [10], prise en la personne de son représentant légal en exercice, demande à la cour de :

Rejeter toutes conclusions contraires comme injustes et non fondées ;

Confirmer le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Carcassonne le 25 septembre 2023 ;

Déclarer recevable l'action de l'AFUL de la résidence [10] à l'encontre de Mme [P] [I] ;

Condamner Mme [P] [I] à payer à l'AFUL de la résidence [10] la somme de 10 359,43 euros selon dernier décompte au 5 avril 2024 ;

Condamner Mme [P] [I] à payer à l'AFUL de la résidence [10] les intérêts de droit sur ladite somme à compter de la présente assignation ;

Ordonner l'exécution provisoire de la décision à intervenir ;

Condamner Mme [P] [I] à payer à l'AFUL de la résidence [10] la somme de 5 000 euros pour résistance abusive ;

Condamner Mme [P] [I] à payer à l'AFUL de la résidence [10] la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamner Mme [P] [I] aux entiers dépens.

Sur le défaut de capacité à agir, elle fait valoir qu'il s'agit d'une irrégularité de fond susceptible d'être couverte au moment ou le juge statue (cassation 17-24 467), de sorte que l'action de l'AFUL est recevable car régularisée le 30 mai 2015 en mettant les statuts en conformité avec l'ordonnance du 1er juillet 2004 qui prévoyait un délai de mise en conformité dont l'inobservation entraînait la perte du droit à agir en justice pour les associations libres, ces dernières retrouvaient le droit à agir si les mesures de publicité étaient accomplies même après l'expiration du délai.

Elle précise que les désignations cadastrales ainsi que la contenance des immeubles ne sont pas exigées lors de la mise en conformité des statuts avec l'ordonnance du 1er juillet 2004 selon la cour de cassation dans un arrêt du 17 février 2022 20-17438.

Sur la qualité à agir du président , elle soutient que le défaut de pouvoir du président constitue une irrégularité de fond , qui ne peut entraîné la nullité des actes commis si au moment ou le juge statue cette irrégularité a disparue , que par PV du 22 octobre 2011 et du 27 octobre 2012, l'élection de M. [L] en qualité de président de l'AFUL a été approuvée .

La clôture de la procédure a été prononcée par ordonnance du 4 juin 2025.

MOTIFS:

1) Sur le défaut de capacité à agir :

En application de l'article 5 de l'ordonnance n°2004-632 du 1er juillet 2004 les associations syndicales de propriétaires peuvent agir en justice, acquérir, vendre, échanger, transiger, emprunter et hypothéquer sous réserve de l'accomplissement des formalités de publicité prévues selon le cas aux articles 8, 15 ou 43.

Or l'article 8 de l'ordonnance sus visées précise que 'La déclaration de l'association syndicale libre est faite à la préfecture du département ou à la sous-préfecture de l'arrondissement où l'association a prévu d'avoir son siège. Deux exemplaires des statuts sont joints à la déclaration. Il est donné récépissé de celle-ci dans un délai de cinq jours. Un extrait des statuts doit, dans un délai d'un mois à compter de la date de délivrance du récépissé, être publié au Journal officiel...' et l'article 60 énonce 'Toutefois, leurs statuts en vigueur à la date de publication de la présente ordonnance demeurent applicables jusqu'à leur mise en conformité avec les dispositions de celle-ci. Cette mise en conformité doit intervenir dans un délai de deux ans à compter de la publication du décret en Conseil d'Etat prévu à l'article 62. A l'exception de celle des associations syndicales libres, la mise en conformité est approuvée par un acte de l'autorité administrative ou, à défaut d'approbation, et après mise en demeure adressée au président de l'association et restée sans effet à l'expiration d'un délai de trois mois, l'autorité administrative procède d'office aux modifications statutaires nécessaires. Par dérogation au deuxième alinéa, les associations syndicales libres régies par le titre II de la présente ordonnance, qui ont mis leurs statuts en conformité avec les dispositions de celle-ci postérieurement au 5 mai 2008, recouvrent les droits mentionnés à l'article 5 de la présente ordonnance'

Dès lors s'il est acquis que l'AFUL, qui a déposé ses statuts le 2 janvier 1970 et le 13 mai 1971 devait, conformément aux dispositions de l'article 60 sus visé, les mettre en conformité dans les deux ans de la publication du décret d'application de l'ordonnance soit le 5 mai 2008, et que ni la publication initiale faite au journal officiel le 12 décembre 2009 ni celle rectificative déposée le 30 novembre 2009 ne pouvaient répondre aux exigences du texte, faute de comporter un extrait des statuts de l'association, force est de constater que l'AFUL justifie d'une régularisation résultant d'une annonce n°2145 page 2656 publiée dans le journal officiel du 30 mai 2015 qui intitulé 'rectificatif relatif aux modifications' qui spécifie concerner la mise en conformité des statuts avec l'ordonnance du 1er juillet 2004, rectifiant ainsi l'annonce n° 2942 parue au JO le 12 décembre 2009. La production d'un extrait de la publication au JO mentionnant le récépissé délivré par la préfecture permet de s'assurer de la régularisation des formalités intervenues.

Sachant que l'AFUL a la possibilité de recouvrer son droit d'ester en justice en accomplissant, même après l'expiration du délai prévu par l'article 60, les mesures de publicité prévues par l'article 8 de ladite ordonnance, il convient de confirmer la décision de première instance en ce qu'elle a retenu la capacité de l'AFUL à agir en justice.

2) Sur la prescription de l'action :

* Sur la prescription :

Par jugement du 25 septembre 2023 la juridiction de première instance a condamné Mme [I] au paiement de la somme de 7 907,66euros, compte arrêté au 7 décembre 2020.

L'AFUL produit un décompte de charges établi au nom de Mme [I] d'où il résulterait que cette dernière est débitrice d'une somme de 10 359, 43euros au titre du solde de charge arrêté au 5 avril 2024.

Mme [I] soutient que l'action en recouvrement pour les charges antérieures au 24 janvier 2015 et postérieures au 16 décembre 2009 est prescrite et que faute de mise en demeure adressée 8 jours avant la délivrance de l'assignation, les sommes ne sont plus exigibles.

Il a été relevé par le premier juge que les paiements réalisés par Mme [I] jusqu'au 24 novembre 2004 ont régulièrement interrompu le délai de prescription.

Le délai de prescription pour l'action personnelle ayant été réduit de 10 à 5 ans par la loi du 17 juin 2008 et l'action de l'AFUL n'étant pas prescrite au 19 juin 2008, date d'application du nouveau texte, un nouveau délai de 5 ans a commencé à courir à compter de cette date. Ainsi l'action au jour de la délivrance de l'assignation soit le 4 janvier 2010 n'était pas prescrite pour les sommes dues depuis le 4 janvier 2005, ce que Mme [I] ne conteste pas, limitant sa critique aux charges dues entre le 4 janvier 2010 et le 24 janvier 2015.

S'il est acquis que le point de départ du délai de prescription pour le recouvrement d'une créance est la date d'exigibilité de la somme concernée et que l'AFUL ne pouvait agir en 2010 pour ses sommes exigibles postérieurement, il n'en demeure pas moins vrai qu'en application des articles 2241 et 2242 du code civil, la demande en justice interrompt le délai de prescription et cette interruption résultant de la demande en justice produit ses effets jusqu'à l'extinction de l'instance. De sorte que l'action engagée par l'acte de janvier 2010 n'est nullement prescrite.

Les statuts de l'AFUL, s'ils prévoient à titre de sanction l'impossibilité pour le membre qui n'est pas à jour de ses cotisations, de jouir des biens et services gérés par l'association, passé un délai de 8 jours après l'envoi d'une mise en demeure, n'envisagent nullement une irrecevabilité liée au défaut de délivrance d'une mise en demeure préalablement à toute action contentieuse.

Il convient de déclarer non prescrite la demande de l'AFUL portant sur la somme de 10 359,43euros.

3) Sur la recevabilité de l'action :

Mme [I] soutient que l'action de M. [L], dépourvu d'une habilitation émanant de l'assemblée générale de l'AFUL l'autorisant à ester en justice, est irrecevable.

Toutefois, l'article 5 des statuts de l'AFUL Nautica précise que 'tous les pouvoirs sont conférés au président à l'effet de :...

- Poursuivre contre tout membre de l'association foncière qui n'acquitterait pas sa quote part dans les charges et contre tout débiteur solidaire le recouvrement des sommes futurs...

- Exercer toute action judiciaire soit en demande soit en défense, traiter, transiger et compromettre ...'.

Il convient de retenir cette lecture que le président de l'AFUL a compétence de par l'article 5 pour ester en justice en qualité de représentant de l'association, sans l'exigence d'une habilitation expresse et spécifique émanant de l'assemblée générale.

Mme [I] se prévaut également de l'article 23 de l'ordonnance du 1er juillet 2004 qui énonce que 'Le président prépare et exécute les délibérations de l'assemblée des propriétaires et du syndicat. Il en convoque et préside les réunions.'

De sorte même à considérer que l'article 23 compris dans le titre III de l'ordonnance du 1er juillet 2004 intitulé 'des associations syndicales autorisées' s'appliquerait également aux associations syndicales libres, ainsi que le soutient Mme [E], ce texte n'est pas de nature à retirer au président, les pouvoirs qui lui sont conférés par les statuts de l'association.

Mme [I] soutient enfin que M. [L] ne pouvait être nommé président faute d'avoir été au préalable nommé par l'assemblée générale en qualité de membre du comité syndical.

En effet, l'article 4 des statuts de l'AFUL intitulé 'comité syndical' énonce que 'l'association est administrée par un comité de trois à douze personnes appelées syndics, nommées par l'assemblée générale. Le comité syndical élit en son sein pour une durée d'un an, un président, un trésorier et un secrétaire ' et de l'article 8 des dits statuts que 'l'assemblée générale est constituée d'une part par les représentants des copropriétaires et d'autre part par les propriétaires individuels... à l'intérieur de chaque copropriété et il sera nommé à la majorité de l'article 25 de la loi du 10 juillet 1965, un membre permanent à l'assemblée générale de l'association foncière urbaine et un membre suppléant'.

Il appartient donc à M. [L] de justifier de son appartenance à l'assemblée générale de l'AFUL soit en sa qualité de propriétaire individuel soit en sa qualité de membre permanent de sa copropriété, puis de sa désignation en qualité de membre du comité syndical et enfin de son élection en qualité de président.

M. [L] est copropriétaire au sein de la copropriété [Adresse 14] qui apparaît en qualité de copropriété intégrée dans l'AFUL dans les décomptes de charges annuelles de cette dernière et il intervient en qualité de représentant permanent de sa copropriété au sein de l'AFUL dès le compte rendu du 16 février 2008, et il est donc membre à ce titre de l'assemblée générale de l'association.

Le procès verbal de l'assemblée générale du 24 octobre 2009 porte mention du vote favorable à sa désignation en qualité de membre du comité syndical. Les syndics étant élus pour une durée de 3ans, ainsi que le précise l'article 4 des statuts, M. [L] possédait la qualité de syndic lors de la délivrance de l'assignation le 4 janvier 2010.

Les statuts de l'AFUL précisent que le comité syndical élit en son sein pour une durée d'un an, un président, un trésorier et un secrétaire, sans toutefois donner d'indication quant au mode de scrutin ni imposer une majorité particulière.

Selon le compte rendu du comité syndical du 24 octobre 2009, ont été élu : M. [L] en qualité de président, Mme [B] en qualité de vice-présidente, M. [Y] en qualité de trésorier et M. [C] en qualité de trésorier.

Ainsi, M. [L] justifie avoir été régulièrement élu président de l'AFUL en octobre 2009, et ce pour une durée d'une année conformément aux statuts et donc être en exercice lors de la délivrance de l'assignation le 4 janvier 2010.

En application des dispositions des articles 117 et 121 du code de procédure civile, la défaut de pouvoir d'une personne figurant comme représentant d'une personne morale constitue une irrégularité de fond qui peut être régularisée jusqu'au moment ou le juge statue. Toutefois, la perte de la qualité à agir en cours d'instance rend les demandes irrecevables,

Le procès verbal de la réunion du 23 octobre 2010 porte mention du vote favorable à la désignation de M. [L] en qualité de président, vote renouvelé le 22 octobre 2011 et le 25 octobre 2014.

Dès le 31 octobre 2015, M. [R], représentant de la Nautide 6 est élu par le comité syndical en qualité de président de l'AFUL au lieu et place de M. [L], vote renouvelé le 10 septembre 2016 et le 25 novembre 2017, sa signature était apposée sur les procès verbaux d'assemblée générale en sa qualité de président jusqu'en 2021.

Toutefois ceux du 29 octobre 2022 et du 28 octobre 2023 comporte celle de Mme [F] en cette même qualité.

Force est de constatée que si M. [L] justifie de sa qualité de président de l'AFUL et à ce titre de représentant de l'association à la date de l'assignation, tel n'est plus le cas à la date du dépôt de ses conclusions devant la cour d'appel soit le 17 octobre 2024.

Mme [F] représentante permanente de la copropriété [Adresse 4] a été élue comme syndic à l'assemblée générale du 28 octobre 2023 et en qualité de présidente et représentant de l'AFUL à compter de cette date.

4) Sur la contestation des sommes dues :

Mme [I] est propriétaire depuis le 25 mars 1996 du lot n°4 dans la copropriété '[Adresse 7]' composé un appartement situé au rez de chaussée avec un droit de jouissance au mouillage et l'accostage sur un quai privé et des 270/10000ièmes des parties communes générales.

L'article 4 du règlement de l'AFUL mentionne que 'du fait de leur acquisition les propriétaires ou copropriétaires des lots situés dans l'ensemble immobilier [Adresse 11] et dont le périmètre est défini à l'article 1 deviennent obligatoirement membres de l'association foncière libre' et l'article 1du dit règlement retient au titre des membres de l'AFUL, notamment la copropriété '[Adresse 7]'. La copropriété '[Adresse 4]' est et demeure à la date de l'assignation un membre de l'AFUL.

L'article 11 des statuts de l'AFUL relatif à la répartition des dépenses indique que ' les dépenses de l'association foncière sont réparties entre les différents membres au prorata du nombre de voix qu'ils détiennent dans l'association ' et l'article 8 des dits statuts prévoit 'que chaque propriétaire individuel aura une voix par logement, par contre un parking ne donne droit qu'à un dixième de voix et un droit de mouillage et d'accostage 2 dixième de voix et le représentant de chaque copropriété a autant de voix qu'il y a d'appartement ou de logements dans la copropriété '.

Ainsi, si un représentant désigné dans chaque copropriété siège au sein de l'assemblée générale de l'AFUL et est comptable des voix cumulées de tous les propriétaires distincts au sein de cette copropriété, cette simple modalité de fonctionnement, prévue par l'article 8 des statuts uniquement pour les copropriétés, ne prive nullement chaque copropriétaire de sa qualité de membre de l'AFUL et à ce titre de son obligation de régler les dépenses engagées par l'AFUL, nonobstant son absence de participation directe aux assemblées générales.

Dès lors l'assertion de Mme [I] selon laquelle seules les copropriétaires sont redevables de cotisation au profit de l'AFUL ne résulte nullement du règlement et du statut de l'AFUL, les copropriétaires sont redevables individuellement des diverses dépenses de l'AFUL. Le principe de l'existence d'une créance au profit de l'AFUL doit être constaté ainsi que son droit à une action directe contre les copropriétaires.

La copropriété ' [Adresse 7]' possède 55, 20 voix sur un total de 551,40 puisqu'elle se compose de 46 logements, 26 mouillages rattachés à des logements et 20 mouillages individuels c'est à dire : 46 voix +2x2/10 = 5,20 de voix et 20x 2x/10 = 4 voix. Les dépenses de l'AFUL sont réparties conformément à l'article 11 des statuts entre les copropriétés en fonction du nombre de voix, déterminé en tenant compte du nombre de logement et de mouillages dont elles sont composées.

Les copropriétés distribuent ensuite les dépenses entre les différents propriétaires, en appliquant, non plus la règle d'une répartition au nombre de voix mais une attribution en fonction des tantièmes de copropriétés ainsi qu'il en a été convenu lors de l'assemblée générale du 19 mars 2016 par la résolution n°3 qui a approuvé la méthode de répartition suivante : 'facturer aux représentants des Nautides et Bastides les charges AFUL en appliquant une voix par appartement et 2/10ième de voix par mouillages ... et chaque représentant ci-dessus répartit le montant calculé ci avant par application du règlement de copropriété en 10 000ièmes à chaque copropriétaire'

Cette méthode de distribution, nécessairement plus équitable, a été acceptée sans contestation ni réserve de 1996, date de l'acte d'achat du bien jusqu'en 2010 soit pendant 14 ans par Mme [E], et est conforme au règlement de la copropriété '[Adresse 7] ' à laquelle appartient Mme [I] et à l'état descriptif de division dans l'article relatif aux charges communes.

Il convient de relever que Mme [I] ne formule aucune critique utile sur ces modalités de calcul ainsi exprimées.

Il convient de confirmer la décision de première instance en actualisant le solde du compte.

5) Sur les dommages et intérêts :

Le droit d'agir en justice est ouvert à tout plaideur qui s'estime lésée dans ses droits, son exercice ne dégénérant en abus qu'autant que les moyens qui ont été invoqués à l'appui de la demande sont d'une évidence telle qu'un plaideur, même profane, ne pourra pas ignorer le caractère abusif de sa démarche ou qu'il n'a exercé son action qu'à dessein de nuire en faisant un usage préjudiciable à autrui. En l'espèce, l'appréciation inexacte de ses droits par Mme [I] n'est pas constitutive d'une faute, s'estimant lésée dans son droit, elle a pu, sans abus, demander à ce qu'il soit statué sur sa demande. La demande de dommages et intérêts pour procédure abusive doit être rejetée.

Par ces motifs, la cour statuant par arrêt contradictoire :

Confirme le jugement de première instance rendu le 25 septembre 2023 par le tribunal judiciaire de Carcassonne sauf sur le montant des sommes dues ;

Statuant à nouveau et y ajoutant :

Condamne Mme [P] [I] à payer à l'association foncière urbaine libre Nautica la somme de 10 359,43euros, compte arrêté au 5 avril 2024 et ce avec intérêt au taux légal à compter de la présente décision,

Déboute les parties de toutes autres demandes,

Condamne Mme [P] [I] aux dépens de la présente instance.

Le greffier Le conseiller en remplacement du président empêché

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