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Décisions

CA Aix-en-Provence, ch. 1-1, 30 septembre 2025, n° 21/08087

AIX-EN-PROVENCE

Arrêt

Autre

CA Aix-en-Provence n° 21/08087

30 septembre 2025

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-1

ARRÊT AU FOND

DU 30 SEPTEMBRE 2025

N° 2025/ 404

Rôle N° RG 21/08087 - N° Portalis DBVB-V-B7F-BHRS5

[X], [A], [W] [V]

[E] [V]

[T], [H], [O] [V]

C/

[Y] [C]

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

Me Agnès ERMENEUX

Me Paul GUEDJ

Décision déférée à la Cour :

Jugement du TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de DRAGUIGNAN en date du 18 Mai 2021 enregistré au répertoire général sous le n° 20/02046.

APPELANTS

Madame [X], [A], [W] [V]

née le [Date naissance 4] 1948 à [Localité 22] (83), demeurant [Adresse 15]

Madame [E] [V]

née le [Date naissance 1] 1968 à [Localité 19] (83), demeurant [Adresse 20]

Monsieur [T], [H], [O] [V]

né le [Date naissance 3] 1973 à [Localité 18] (83), demeurant [Adresse 15]

tous trois représentés par Me Agnès ERMENEUX de la SCP ERMENEUX - CAUCHI & ASSOCIES, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, et Me Vanessa HAURET, avocat au barreau de NICE, avocat plaidant

INTIME

Maître [Y] [C], Notaire associé de la SAS BERS [Localité 23]

demeurant [Adresse 2]

représenté par Me Paul GUEDJ de la SCP COHEN GUEDJ - MONTERO - DAVAL GUEDJ, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, et Me Jean-Luc FORNO, avocat au barreau de DRAGUIGNAN, avocat plaidant

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue le 10 Juin 2025 en audience publique devant la cour composée de :

Madame Elisabeth TOULOUSE, Présidente de chambre

Madame Catherine OUVREL, Conseillère, rapporteur

Madame Fabienne ALLARD, Conseillère

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Mme Anastasia LAPIERRE.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 30 Septembre 2025.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 30 Septembre 2025,

Signé par Madame Elisabeth TOULOUSE, Présidente de chambre et Mme Anastasia LAPIERRE, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

EXPOSÉ DU LITIGE

Par acte dressé par M. [Y] [C], notaire à [Localité 23], le 23 avril 2010, Mme [X] [V], Mme [E] [V] et M. [T] [V] ont vendu à la SARL [16] une parcelle de terrain nue située [Adresse 21] à [Localité 22], cadastrée B [Cadastre 6], B[Cadastre 7], B[Cadastre 14] et B [Cadastre 5] au prix de 1 272 736 euros payable comptant à hauteur de 612 736 euros et sous la forme d'une obligation pour la SARL [16] de remettre en pleine propriété deux villas à édifier sur les parcelles B[Cadastre 14] (pour partie) et B[Cadastre 5].

La parcelle B[Cadastre 5] a fait l'objet d'une division pour devenir les parcelles B[Cadastre 9] et B[Cadastre 10].

Par acte notarié du 8 février 2013, il est indiqué que la SARL [16] s'est acquittée d'une partie du prix à hauteur de la somme de 510 000 euros en remettant aux vendeurs la parcelle B530 sur laquelle ont été édifiées les deux villas et les parcelles de terrain nu B3864 et B3865.

Quant au solde du prix, soit 150 000 euros, il est indiqué dans le même acte que celui-ci est converti en obligation pour la SARL [16] d'édifier sur la parcelle restant à lui appartenir une construction à usage artisanal, que cette construction nécessite pour sa délimitation la parcelle B3867 appartenant aux consorts [V] lesquels ont donné tout pouvoir à la SARL [16] pour se servir de la parcelle et se sont engagés à ne pas demander la démolition de ladite construction édifiée pour partie sur une parcelle leur appartenant.

Par un nouvel acte notarié établi par M. [Y] [C], en date du 27 juin 2013, rectifiant celui du 8 février 2013, deux rectifications sont mentionnées :

- d'une part, ce n'est pas la parcelle B[Cadastre 14] qui est remise par la SARL [16] aux consorts [V] mais la parcelle B[Cadastre 12], qui elle-même provient d'une division de la parcelle B[Cadastre 14] opérée le 6 mars 2013 (annexée à l'acte), et sur laquelle ont été édifiées les deux villas.

La parcelle B[Cadastre 14] a en effet été divisée en deux parcelles numérotées B[Cadastre 12] et B[Cadastre 13], la SARL [16] restant propriétaire de la parcelle B[Cadastre 13].

- d'autre part, quant au solde du prix de vente précité à hauteur de 150 000 euros lequel prendra toujours la forme d'une obligation pour la SARL [16] d'édifier une construction à usage artisanal mais désormais sur les parcelles B[Cadastre 11] et B[Cadastre 8], les consorts [V] s'obligeant à remettre à la SARL [16] la parcelle B[Cadastre 11].

Par acte du 10 mars 2020, Mme [X] [V], Mme [E] [V] et M. [T] [V] ont assigné M. [Y] [C], leur notaire, lui reprochant de ne pas avoir porté à leur connaissance la division de la parcelle B[Cadastre 14] du 6 mars 2013, de ne pas s'être assuré qu'ils avaient donné leur accord à l'établissement d'une division de la parcelle B[Cadastre 14] qui les faisait renoncer à l'intégralité de cette parcelle alors que l'acte du 27 juin 2013 a modifié leur propriété puisqu'il a eu pour effet de les déposséder d'une partie de cette parcelle, cette division parcellaire n'intervenant qu'à la demande de la SARL [16].

Par jugement réputé contradictoire du 18 mai 2021, le tribunal judiciaire de Draguignan a :

débouté Mme [X] [V], Mme [E] [V] et M. [T] [V] de leur demande de nullité de l'acte dressé par M. [Y] [C] le 27 juin 2013,

débouté Mme [X] [V], Mme [E] [V] et M. [T] [V] de leurs demandes en paiement de dommages et intérêts formées contre M. [Y] [C], ainsi que de celles fondées sur l'article 700 du code de procédure civile,

condamné Mme [X] [V], Mme [E] [V] et M. [T] [V] au paiement des dépens,

rappelé que l'exécution provisoire est de droit.

Le tribunal a rejeté la demande de nullité de l'acte notarié du 27 juin 2013, retenant, d'une part, que cet acte avait été paraphé et signé par eux, et d'autre part, qu'il mentionnait bien l'annexion de la division parcellaire du 6 mars 2013, en concluant donc que les exigences des articles 14 et 22 du décret du 26 novembre 1971 avaient bien été respectées par le notaire. Par ailleurs, le tribunal a estimé que l'accord des consorts [V] à la division de la parcelle B[Cadastre 14] n'était pas requis, ceux-ci n'en étant plus propriétaires le 6 mars 2013, de sorte que la SARL [16] pouvait seule y faire procéder. Estimant les consorts [V] pleinement informés, le tribunal a écarté tout manquement du notaire lors de l'acte rectificatif du 27 juin 2013 qu'il appartenait à ces derniers de signer, ou non, selon qu'ils étaient d'accord, ou non, avec les éléments clairement mentionnés.

Le tribunal a rejeté tout manquement du notaire au titre de la rédaction de l'acte du 27 juin 2013, pour ne pas s'être assuré de l'accord des consorts [V] à la division de la parcelle B[Cadastre 14] et pour avoir réduit l'assiette de leur propriété en violation de l'acte du 8 février 2013. Il a donc rejeté toute demande indemnitaire tendant à la remise en état de la parcelle B[Cadastre 14].

S'agissant, par ailleurs, du respect par ce dernier de son devoir de conseil relativement à l'existence d'une assurance dommages ouvrage et d'une garantie décennale, le tribunal a retenu que le notaire avait averti les consorts [V] que le vendeur, la SARL [16], garantissait les immeubles construits de tout dommage mais qu'il leur appartenait de s'assurer que le contrat d'assurance décennale était toujours en cours. Il a estimé que l'information relative à l'assurance dommages ouvrage avait été donnée et que les consorts [V] ne rapportaient pas la preuve de l'inexistence de cette assurance. En tout état de cause, il a estimé qu'une possible faute du notaire de n'avoir pas vérifié les déclarations de la SARL [16] à ce titre est sans lien avec les désordres décennaux dont l'origine tient en l'intervention de la SARL [16], de sorte que le notaire ne peut pas être tenu de réparer le préjudice résultant de ces désordres, ce d'autant qu'il n'est pas démontré que les consorts [V] ne pourront pas être indemnisés par la SARL [16] ou ses assureurs. Le tribunal a considéré qu'aucune perte de chance d'obtenir une indemnisation rapide ou de ne pas contracter n'était rapportée.

Selon déclaration reçue au greffe le 1er juin 2021, Mme [X] [V], Mme [E] [V] et M. [T] [V] ont interjeté appel de cette décision, l'appel portant sur toutes les dispositions du jugement déféré dûment reprises.

Par dernières conclusions transmises le 4 août 2023, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des prétentions et moyens, Mme [X] [V], Mme [E] [V] et M. [T] [V] sollicitent de la cour qu'elle :

réforme le jugement en l'ensemble de ses dispositions,

prononce la nullité de l'acte notarié du 27 juin 2013 rédigé par M. [Y] [C], notaire,

condamne M. [Y] [C], notaire, à réparer leur entier préjudice,

condamne M. [Y] [C] à leur payer la somme de 121 075,26 euros, à titre de dommages et intérêts, détaillée ainsi :

- 3 075,26 euros au titre des travaux sur l'installation de climatisation,

- 20 000 euros au titre des travaux de confortement du mur de soutènement,

- 98 000 euros au titre des travaux de démolition et de remise en état à l'état d'origine de la parcelle,

En tout état de cause :

condamne M. [Y] [C] à leur verser la somme de 10 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens avec distraction.

Les appelants entendent que l'acte du 27 juin 2013 soit annulé. Ils invoquent, d'une part, l'absence de paraphes et de signature de leur part à cet acte. Ils font valoir qu'ils sont indiqués comme parties alors qu'une représentation a été stipulée en page 2 avec un pouvoir donné à un clerc de notaire, ces mentions étant contradictoires. Ils soutiennent que ce mandataire n'a pas pu valablement les représenter dès lors qu'il n'avait pouvoir que pour la mise en concordance éventuelle de l'acte de cession avec les documents hypothécaires, alors que l'acte de juin 2013 a été bien au-delà en les privant d'une partie de la propriété de leurs parcelles. Ils font valoir qu'aucune mention de l'acte ne permet de pallier leur absence de paraphe et de signature de chaque page de l'acte.

D'autre part, les appelants mettent en avant leur absence d'accord pour qu'il soit procédé à la division de la parcelle B[Cadastre 14]. Ils assurent ne pas avoir été signataires de l'acte de division de la parcelle B[Cadastre 14] en date du 6 mars 2013 alors que l'intégralité de cette parcelle leur avait été restituée par acte notarié du 8 février 2013, de sorte qu'ils étaient bien propriétaires de cette parcelle en mars 2013. Les appelants reprochent au notaire de ne pas avoir vérifié qu'ils avaient donné leur accord pour renoncer à l'intégralité de l'assiette de l'ancienne parcelle B530 par l'effet de la division, ce dernier ayant manqué à son obligation de conseil en ne les avisant pas de la restriction ainsi portée à leur droit de propriété.

Les appelants entendent également engager la responsabilité du notaire. Ils lui reprochent, d'abord, l'absence de précision sur l'existence ou l'absence d'une assurance dommages ouvrage et d'une garantie décennale relativement aux deux maisons objets des dations en paiement dans le cadre des actes des 8 février et 27 juin 2013, en contradiction avec l'obligation posée par l'article L 243-2 du code des assurances. Afin d'assurer l'efficacité de son acte, les appelants soutiennent que le notaire ne pouvait se contenter de mentionner les déclarations de son client, mais devait vérifier l'existence ou non de cette assurance, et le mentionner expressément.

Ils ajoutent que la responsabilité du notaire peut être engagée indépendamment de l'impossibilité ou non d'obtenir réparation des co-responsables, la responsabilité du notaire n'étant pas subsidiaire. Ils soutiennent qu'en ne procédant que par clauses génériques, imprécises et insuffisantes, le notaire leur a fait perdre une chance d'actionner en garantie la personne responsable.

Les consorts [V] reprochent ensuite au notaire de ne pas avoir pris en compte leur absence d'accord sur la division de la parcelle B[Cadastre 14], division réalisée alors qu'ils en étaient de nouveau devenus propriétaires par l'effet de l'acte du 8 février 2013.

2.3. Les appelants imputent enfin au notaire la responsabilité de la réduction de l'assiette de leur propriété, sans leur accord, puisque seule une partie de la parcelle originelle B[Cadastre 14] leur est retournée, et non l'intégralité de celle-ci tel que prévu dès 2010 et dans l'acte du 8 février 2013.

Ils estiment donc que le notaire n'a pas garanti la sécurité et l'efficacité de leurs droits et a manqué à son devoir de conseil, ne leur permettant pas de refuser de signer l'acte du 27 juin 2013.

Au titre de leurs préjudices, les consorts [V] soutiennent subir des désordres sur le système de climatisation des villas outre des fissures dans le mur de soutènement implanté entre les parcelles B[Cadastre 12] et [Cadastre 13], et demandent le paiement des frais de réparation à hauteur de 23 075,26 euros. Ils arguent du préjudice causé par l'occupation irrégulière de la parcelle B[Cadastre 13], issue de la division de la parcelle B[Cadastre 14], qui doit leur revenir, qu'ils évaluent à hauteur du prix de démolition et remise en état de la parcelle.

Par dernières conclusions transmises le 8 avril 2025, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des prétentions et moyens, M. [Y] [C] sollicite de la cour qu'elle :

confirme le jugement entrepris en ce qu'il a débouté les consorts [V] de leur demande de nullité de l'acte du 27 juin 2013, de leurs demandes indemnitaires ainsi qu'au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

juge qu'il n'a commis aucun manquement à son devoir de conseil concernant la rédaction de l'acte du 27 juin 2013 quant à la division de la parcelle B [Cadastre 14],

déboute Mme [X] [V], Mme [E] [V] et M. [T] [V] de leur demande tendant à sa condamnation à leur payer la somme de 121 075,26 euros à titre de dommages et intérêts outre la somme de 10 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

condamne Mme [X] [V], Mme [E] [V] et M. [T] [V] à lui payer la somme de 6 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens avec distraction.

Le notaire fait valoir que les appelants dénient aujourd'hui leur signature à l'acte du 27 juin 2013 alors qu'il leur suffisait de ne pas signer cet acte et de rester en l'état de celui du 8 février 2013. Il assure que, conformément aux dispositions du décret de 1971, l'acte est paraphé et comprend en annexe la division de la parcelle B530 en date du 6 mars 2013. Il en déduit que toute demande de nullité de l'acte notarié doit être rejetée.

Sur l'engagement de sa responsabilité, le notaire reprend la motivation du premier juge sur l'absence de tout lien causal entre les fautes reprochées au notaire et les préjudices invoqués par les consorts [V].

L'instruction de l'affaire a été close par ordonnance en date du 13 mai 2025.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la demande tendant à la nullité de l'acte du 27 juin 2013

La preuve par un notaire de l'exécution de l'obligation de conseil qui lui incombe, peut résulter de toute circonstance ou document établissant que le client a été averti des risques inhérents à 1'acte que ce notaire a instrumenté.

Suivant1'article 14 du décret n°71-941 du 26 novembre 1971 relatif aux actes établis par les notaires, dans sa version en vigueur au 27 juin 2013, date de l'acte litigieux, chaque feuille est paraphée par le notaire et les signataires de l'acte sous peine de nullité des feuilles non paraphées.

Toutefois, si les feuilles de l'acte et, 1e cas échéant, de ses annexes sont, lors de la signature par les parties, réunies par un procédé empêchant toute substitution on addition, il n'y a pas lieu de les parapher ; il n'y a pas lieu non plus d'apposer sur les annexes la mention prévue au premier alinéa de l'article 22. Suivant cet article, lorsque l'acte est établi sur support papier, les pièces annexées à 1'acte sont revêtues d'une mention constatant cette annexe et signée du notaire.

A titre liminaire, il convient de relever en l'occurrence que Mme [X] [V], Mme [E] [V] et M. [T] [V] sollicitent la nullité de l'acte du 27 juin 2013, instrumenté par M. [Y] [C], portant rectification de l'acte du 8 février 2013 et matérialisant les engagements respectifs de ces derniers envers et de la part de la SARL [16], sans toutefois avoir mis en cause leur co-contractant, non attrait à la procédure.

Par ailleurs, pour fonder leur demande en nullité de l'acte, les appelants invoquent, en premier lieu, leur absence de paraphe et de signature apposée sur l'acte du 27 juin 2013.

Or, il résulte de la lecture et de l'observation même de l'acte litigieux que celui-ci comporte la signature de trois personnes, chaque page étant paraphée par trois personnes, aux signatures identiques. De même, il appert que l'acte a été souscrit entre la SARL [16], d'une part, et, Mme [X] [V], Mme [E] [V] et M. [T] [V], d'autre part, étant observé qu'il est fait état, en page 2 de l'acte, de ce que les consorts [V] ont été représentés par M. [D] [P], clerc de notaire à [Localité 23] en vertu du pouvoir qui lui a été conféré aux termes de l'acte signé devant M. [Y] [C], notaire, le 8 février 2013. En effet, en vertu de l'acte du 8 février 2013, en page 26, il est précisé que 'les parties donnent tous pouvoirs nécessaires à tout clerc de l'office notarial dénommé (...), à l'effet de faire dresser et signer tous actes complémentaires ou rectificatifs pour mettre le présent acte en concordance avec tous les documents hypothécaires, cadastraux ou d'état civil'. Tel est bien l'objet de l'acte du 27 juin 2013 qui met en forme deux rectifications à l'acte du 8 février 2013, à savoir :

- d'une part, ce n'est pas la parcelle B[Cadastre 14] qui est remise par la SARL [16] aux consorts [V] mais la parcelle B[Cadastre 12], qui elle-même provient d'une division de la parcelle B[Cadastre 14] opérée le 6 mars 2013 (annexée à l'acte), et sur laquelle ont été édifiées les deux villas.

La parcelle B530 a en effet été divisée en deux parcelles numérotées B[Cadastre 12] et B[Cadastre 13], la SARL [16] restant propriétaire de la parcelle B[Cadastre 13],

- d'autre part, quant au solde du prix de vente précité à hauteur de 150 000 euros lequel prendra toujours la forme d'une obligation pour la SARL [16] d'édifier une construction à usage artisanal mais désormais sur les parcelles B[Cadastre 11] et B[Cadastre 8], les consorts [V] s'obligeant à remettre à la SARL [16] la parcelle B[Cadastre 11].

Au demeurant, Mme [X] [V], Mme [E] [V] et M. [T] [V] ne contestent pas le pouvoir par eux ainsi consenti et intégré dans l'acte du 8 février 2013, non remis en cause.

Il apparaît dès lors que le clerc de notaire les a représenté à l'acte du 27 juin 2013 sans excéder le pouvoir qui lui avait été confié ; il a, en conséquence, paraphé et signé l'acte du 27 juin 2013 en leur nom.

Enfin, il ne saurait être argué des dispositions permettant de ne pas signer si les pages ne sont pas séparées, puisque, précisément, en l'occurrence, chaque page est paraphée.

Aucune irrégularité n'affecte l'acte s'agissant des paraphes et signatures, de sorte qu'aucune nullité de celui-ci ne peut être encourue à ce titre.

En second lieu, Mme [X] [V], Mme [E] [V] et M. [T] [V] dénoncent leur absence d'accord sur la division de la parcelle B[Cadastre 14].

Pourtant, à la lecture de l'acte du 27 juin 2013, en pages 5 et 6, il est expressément fait état de la rectification I. concernant la désignation de l'immeuble concerné par l'acte du 8 février 2013 comme ne portant pas sur la parcelle B[Cadastre 14], mais sur la parcelle B[Cadastre 12], l'immeuble consistant en deux villas avec terrain, avec mention d'une division cadastrale ainsi rédigée : 'l'immeuble sus-désigné provient de la division d'une parcelle bâtie anciennement cadastrée B[Cadastre 14] pour une contenance totale de 42a95ca, qui a fait l'objet d'un document d'arpentage établi par la société [17], géomètre expert à [Localité 22] en date du 6 mars 2013 sous le numéro 4068Z dont une photocopie demeurera annexée au présent acte. L'original sera déposé au bureau des hypothèques avec un extrait cadastral, les opérations de division sont résumées dans le tableau suivant', et précision d'une erreur de cadastre de 191 m² puisque la parcelle B[Cadastre 12] mesure 39a84ca, la parcelle B[Cadastre 13] de 03a11ca demeurant la propriété de la SARL [16].

Il résulte clairement de l'acte rectificatif que la division cadastrale a été portée à la connaissance des consorts [V], certes représentés lors de la signature de l'acte, mais étant ainsi réputés en avoir connaissance. De plus, celle-ci est expressément annexée à l'acte rectificatif.

Certes, cette division cadastrale a été établie à la demande de la SARL [16], formulée en janvier 2013, ainsi qu'en atteste le géomètre expert le 24 mai 2019. Il est ainsi exact que par l'effet de l'acte du 8 février 2013, la parcelle B[Cadastre 14] avait été restituée aux consorts [V], de sorte que ces derniers auraient dû donner leur accord lors de la réalisation du document d'arpentage du 6 mars 2013, puisqu'ils en étaient alors redevenus propriétaires. Cependant, l'acte du 27 juin 2013 est un acte rectificatif portant précisément sur la délimitation de cette parcelle et ne se comprenant spécifiquement qu'au regard de cette division parcellaire dont les consorts [V] étaient avertis.

Dès lors qu'ils ont signé, par le mandat expressément confié, l'acte rectificatif, Mme [X] [V], Mme [E] [V] et M. [T] [V] étaient pleinement informés des rectifications opérées tant quant au bien concerné par la dation en paiement qu'au titre du paiement du solde du prix. Aucune irrégularité n'affecte l'acte et aucun manquement de M. [Y] [C] à son devoir de conseil dans la rédaction de l'acte n'est démontré. Les consorts [V] ont donc consenti à l'acte en toute connaissance de cause et c'est à juste titre que le premier juge les a débouté de leur demande tendant à l'annulation de l'acte rectificatif. La décision entreprise doit être confirmée.

Sur la demande de dommages et intérêts présentée par les consorts [V] contre M. [Y] [C]

En vertu des dispositions de l'article 1240 du code civil, tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer.

Le devoir de conseil du notaire chargé de donner aux conventions des parties les formes légales et l'authenticité implique une mission de renseigner leurs clients sur les conséquences des engagements qu'ils contractent.

Le notaire, professionnel du droit et officier ministériel, est tenu d'éclairer les parties et de s'assurer de la validité et de l'efficacité des actes rédigés par lui, c'est-à-dire des actes qui réalisent exactement les buts poursuivis par leurs clients et dont les conséquences sont pleinement conformes à celles qu'ils se proposaient d'atteindre. Son rôle est de veiller, à titre préventif, aux différends susceptibles de naître, notamment en les empêchant dans toute la mesure du possible.

Il est de la mission du notaire de conférer sécurité juridique complète aux actes qu'il reçoit et il ne peut se contenter d'exécuter un travail de pure transcription littérale des déclarations des personnes qui s'adressent à lui.

Ainsi, il doit préalablement à la rédaction des actes, procéder à la vérification des faits et conditions nécessaires pour assurer l'utilité, la sécurité juridique et l'efficacité de ses actes.

En premier lieu, les consorts [V] reprochent à M. [Y] [C], notaire, de ne pas s'être assuré de leur accord sur la division de la parcelle B[Cadastre 14], ainsi que d'avoir manqué à son devoir de conseil en leur faisant signer un acte conduisant à la réduction de l'assiette de leur propriété, sans leur accord. A ce titre, il convient de relever que Mme [X] [V], Mme [E] [V] et M. [T] [V], à l'aide du pouvoir qu'ils avaient conféré au clerc de notaire et qu'ils ne contestent pas, ont signé l'acte rectificatif du 27 juin 2013 comprenant en annexe la division parcellaire. Ainsi, c'est en toute connaissance de cause et pleinement informés de la réalité de la parcelle qui devait leur être retournée, indûment nommée et délimitée dans l'acte du 8 février 2013, que les consorts [V] ont signé l'acte rectificatif. Aucun manquement de M. [Y] [C] n'est caractérisé de ce chef à son devoir de conseil.

En deuxième lieu, les appelants reprochent à M. [Y] [C], notaire, une absence de précision dans la rédaction de ses actes quant à l'existence ou non d'une assurance dommages ouvrage et d'une garantie décennale relativement aux deux maisons objets des dations en paiement ainsi que de ne pas s'être assuré lui-même de l'existence de ces assurances.

En effet, il ressort de l'article L 243-2 du code des assurances que lorsqu'un acte intervenant avant l'expiration du délai de dix ans prévu à l'article 1792-4-1 du code civil a pour effet de transférer la propriété ou la jouissance du bien, quelle que soit la nature du contrat destiné à conférer ces droits, à l'exception toutefois des baux à loyer, mention doit être faite dans le corps de l'acte ou en annexe de l'existence ou de l'absence des assurances mentionnées au premier alinéa du présent article. L'attestation d'assurance mentionnée au deuxième alinéa y est annexée.

Or, en page 16 de l'acte du 8 février 2013, M. [Y] [C] écrit, au paragraphe relatif au contrat d'assurance : 'l'acquéreur (donc les consorts [V]) fera son affaire personnelle de la continuation ou de la résiliation, dans les formes de droit, de toutes polices d'assurances souscrites par le vendeur pour ce bien'. De même, en page 19, il est mentionné que 'l'acquéreur reconnaît avoir été spécialement informé par le notaire des articles L 241-1 alinéa 1, L 241-2 et L 242-1 du code des assurances'.

M. [Y] [C] ne justifie toutefois pas s'être lui-même assuré de l'existence de l'assurance dommages ouvrage ni de l'assurance responsabilité décennale relativement aux deux maisons bâties par la SARL [16] et donnée en paiement aux consorts [V] dans le cadre des négociations et accords pris. Il n'établit pas avoir sollicité ces attestations d'assurance auprès de la SARL [16].

A ce titre, une faute peut être imputée au notaire au titre de son devoir de vigilance et de conseil.

Cependant, l'engagement de la responsabilité de M. [Y] [C] suppose que cette faute soit à l'origine directe du dommage invoqué par les appelants.

Le préjudice en lien avec ce manquement imputé à M. [Y] [C], notaire, ne peut être que la perte de chance pour Mme [X] [V], Mme [E] [V], et M. [T] [V] de ne pas avoir souscrits les engagements par eux pris en février et juin 2013.

Or, telle n'est aucunement la demande de ces derniers qui sollicitent l'indemnisation de la réparation des dommages constructifs, sous la forme d'une demande en paiement de 121 075,26 euros dont 3 075,26 euros au titre des travaux sur l'installation de climatisation, 20 000 euros au titre des travaux de confortement du mur de soutènement, et 98 000 euros au titre des travaux de démolition et de remise en état à l'état d'origine de la parcelle.

En aucune façon le notaire rédacteur des actes portant pour partie transfert de propriété via, notamment, des dations en paiement, ne peut être tenu d'indemniser, ni totalement, ni même pour une fraction, le montant des réparations induites par des désordres constructifs potentiellement couverts par des assurances dommages ouvrage ou responsabilité décennale, quand bien même sa faute tient dans le fait de ne pas s'être assuré de l'existence même de ces assurances. Aucun lien direct n'existe entre le manquement et les préjudices invoqués, y compris en terme de perte de chance dont l'objet est ici nécessairement distinct, étant observé que les actes de février et juin 2013 avaient un objet bien plus large que cette seule dation en paiement, qui n'était qu'une modalité de paiement d'une partie du prix.

C'est donc à bon droit que le premier juge a écarté toute responsabilité de M. [Y] [C], notaire, envers Mme [X] [V], Mme [E] [V] et M. [T] [V] et les a débouté de leurs demandes indemnitaires. La décision entreprise sera confirmée.

Sur l'article 700 du code de procédure civile et les dépens

Mme [X] [V], Mme [E] [V] et M. [T] [V] qui succombent au litige, supporteront les dépens de première instance et d'appel. En revanche, en l'état du manquement relevé de la part de M. [Y] [C], bien qu'il soit insuffisant à engager sa responsabilité, l'équité et la situation économique des parties commandent de ne pas faire application de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions soumises à la cour,

Y ajoutant :

Condamne Mme [X] [V], Mme [E] [V] et M. [T] [V] au paiement des dépens, qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile,

Déboute Mme [X] [V], Mme [E] [V] et M. [T] [V] de leur demande sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

Déboute M. [Y] [C] de sa demande sur ce même fondement.

La Greffière La Présidente

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