CA Besançon, 1re ch., 30 septembre 2025, n° 24/01184
BESANÇON
Arrêt
Autre
PM/LZ
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
N° de rôle : N° RG 24/01184 - N° Portalis DBVG-V-B7I-EZTK
COUR D'APPEL DE BESANÇON
1ère chambre civile et commerciale
ARRÊT DU 30 SEPTEMBRE 2025
Décisions déférées à la Cour : jugement du 23 janvier 2024 - RG N°21/01966 - TJ HORS JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP DE [Localité 5] et jugement du 18 juin 2024 du TJ de [Localité 5]
Code affaire : 54Z - Autres demandes relatives à un contrat de réalisation de travaux de construction
COMPOSITION DE LA COUR :
M. Michel WACHTER, président de chambre.
M. Cédric SAUNIER et Philippe MAUREL conseillers.
Greffier : Mme Fabienne ARNOUX, Greffier, lors des débats et Mme Leila Zait au prononcé de la décision.
DEBATS :
L'affaire a été examinée en audience publique du 24 juin 2025 tenue par M. Michel WACHTER, président de chambre, M. Cédric SAUNIER et M.Philippe MAUREL, conseillers et assistés de Mme Fabienne ARNOUX, greffier.
Le rapport oral de l'affaire a été fait à l'audience avant les plaidoiries.
L'affaire oppose :
PARTIES EN CAUSE :
APPELANTE
Compagnie d'assurances CAMBTP agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux en exercice domiciliés pour ce audit siège prsie en sa qualité d'assureur de Monsieur [J] [E]
Sise [Adresse 1]
Siret numéro 778 847 319 00150
Représentée par Me Sophie NICOLIER de la SELARL SOPHIE NICOLIER ASSOCIES, avocat au barreau de BESANCON, avocat plaidant
Représentée par Me Ludovic PAUTHIER de la SCP DUMONT - PAUTHIER, avocat au barreau de BESANCON, avocat plaidant
ET :
INTIMÉS
Monsieur [X] [W]
né le 11 Avril 1978 à [Localité 5], de nationalité française,
demeurant [Adresse 3]
Représenté par Me Lucie TEIXEIRA, avocat au barreau de BESANCON
(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 25056-2024-006643 du 26/11/2024 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de [Localité 5])
Monsieur [C] [W]
né le 09 Mars 1975 à [Localité 5], de nationalité française,
demeurant [Adresse 2]
Représenté par Me Lucie TEIXEIRA, avocat au barreau de BESANCON
Monsieur [J] [E],
demeurant [Adresse 4]
SAMCV CAMBTP prise en la personne de ses représentants légaux en exercice domiciliés pour ce audit siège prise en sa qualité d'assureur de la SARL SERPLASTE Sise demeurant [Adresse 7]
Représentée par Me Ludovic PAUTHIER de la SCP DUMONT - PAUTHIER, avocat au barreau de BESANCON
S.A.S. SERPLASTE
Sise [Adresse 6]
RCS de [Localité 9] numéro 331 260 752
Représentée par Me Benjamin LEVY, avocat au barreau de BESANCON
ARRÊT :
- DEFAUT
- Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant préalablement été avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par M. Michel WACHTER, président de chambre et par Mme Leila Zait, greffier lors du prononcé.
*************
EXPOSE DU LITIGE
Mme [T] [W] a entrepris des travaux d'isolation et de rénovation extérieure de la façade sud-ouest d'un pavillon situé [Adresse 8] [Localité 5]. Elle a confié à M. [J] [E] la réalisation de cet ouvrage, suivant devis accepté en date du 21 mai 2014, moyennant un prix TTC de 11'500 euros. Les travaux en façade ont été exécutés durant la période comprise entre le mois de juin 2014 et le mois d'août de la même année, donnant lieu à une réception sans réserve en date du 2 décembre 2014.
Dans le même temps, la maîtresse d'ouvrage a pris l'attache de la SARL Serplaste pour le remplacement de cinq menuiseries extérieures situées sur la façade sud-ouest de l'immeuble. La prestation consistait dans la livraison et l'installation de fenêtres PVC à double vitrage. Les travaux ont fait l'objet d'un procès-verbal de réception sans réserve en date du 18 septembre 2014.
Des infiltrations se sont produites dès le mois de janvier 2015 nécessitant la dépose et la repose d'une fenêtre dans les combles et le remplacement des bavettes extérieures. Le phénomène infiltrant n'en a pas moins continué à se produire. Au mois d'avril 2018 la SARL Serplaste a réalisé des reprises des joints de la fenêtre du salon à partir de l'extérieur mais le résultat est demeuré insatisfaisant.
Par acte d'huissier en date du 24 septembre 2018, M. [X] [W] et M. [C] [W], venant aux droits de Mme [T] [W], leur mère décédée, ont fait assigner en référé probatoire devant le président du tribunal de grande instance de Besançon les deux sociétés locatrices d'ouvrage, M. [G] étant finalement commis en qualité d'expert avec mission habituelle en la matière. L'expert a déposé rapport de ses opérations au greffe le 13 juin 2020.
Par actes de commissaire de justice séparés en date des 25 novembre et 8 décembre 2021, les consorts [W] ont fait assigner devant le tribunal judiciaire de Besançon M. [J] [E], la SARL Serplaste et leurs assureurs respectifs, en l'occurrence le même, à savoir la CAMBTP.
Suivant jugement en date du 23 janvier 2024, le tribunal judiciaire de Besançon a statué dans les termes suivants :
- met hors de cause la SARL Serplaste
- condamne in solidum M. [J] [E] et la société d'assurances mutuelle Caisse d'assurance mutuelle du BTP (CAMBTP) à payer à M. [X] [W] et M. [C] [W] la somme de 4 552,70 euros TTC au titre de la réparation des désordres.
- dit que la somme précitée sera actualisée en fonction de l'évolution de l'indice BT01 depuis le 20 décembre 2020 jusqu'à la date du jugement.
- déboute M. [X] [W] et M. [C] [W] de leurs demandes au titre d'un préjudice de jouissance et d'un préjudice moral.
- condamne M. [J] [E] et la société d'assurance mutuelle Caisse d'assurance mutuelle du BTP (CAMBTP) à payer à M. [X] et M. [C] [W] la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
- déboute la SARL Serplaste de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
- condamne M. [J] [E] et la société d'assurances mutuelle Caisse d'assurance mutuelle du BTP (CAMBTP) aux dépens, comprenant notamment les frais d'expertise judiciaire.
Pour statuer en ce sens, le tribunal a considéré que :
' les désordres avaient un caractère décennal quand bien même ne compromettraient-ils pas la solidité de l'ouvrage ou ne le rendraient pas impropre à sa destination dans l'immédiat, dès l'instant où l'expert a caractérisé leur survenance certaine dans le délai décennal d'épreuve.
' l'assureur ne démontre pas que l'activité déclarée ne corresponde pas aux travaux de construction de l'ouvrage affecté du vices.
Suivant jugement en date du 18 juin 2024, le tribunal a rejeté la requête en omission de statuer présentée par l'assureur en estimant que les griefs dont il était fait état étaient de nature à modifier les droits des parties, et relevaient donc de l'instance d'appel.
* * *
Suivant déclaration au greffe en date du 31 juillet 2024, formalisée par voie électronique, la CAMBTP, agissant en sa qualité d'assureur de M. [E], a interjeté appel des deux jugements rendus, en n'intimant que les consorts [W] et M. [E].
Les consorts [W] ont alors fait assigner la société Serplaste ainsi que la CAMBTP, en sa qualité d'assureur de cette dernière société, aux fins d'appel provoqué.
Dans le dernier état de ses écritures transmises le 26 février 2025, la CAMBTP, en sa qualité d'assureur de M. [E], invite la cour à statuer dans le sens suivant :
Sur l'appel de la CAMBTP
- déclarer recevable et bien fondé l'appel de la CAMBTP es qualité d'assureur de M. [E] à l'encontre des jugements des 23 janvier 2024 et 18 juin 2024,
- infirmer le jugement du 23 janvier 2024 en ce qu'il a :
* condamné in solidum M. [J] [E] et la société d'assurances mutuelle Caisse d'assurance mutuelle du BTP (CAMBTP) à payer à M. [X] [W] et M. [C] [W] la somme de 4 552,70 euros TTC au titre de la réparation des désordres,
* dit que la somme précitée sera actualisée en fonction de l'évolution de l'indice BT01 depuis le 20 décembre 2020 jusqu'à la date du jugement,
* condamné M. [J] [E] et la société d'assurance mutuelle Caisse d'assurance mutuelle du BTP (CAMBTP) à payer à M. [X] et M. [C] [W] la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- infirmer le jugement du 8 juin 2024 statuant sur omission de statuer, en ce qu'il a rejeté la demande de la Caisse d'assurance mutuelle du BTP (CAMBTP),
Statuant à nouveau :
- infirmer le jugement du 23 janvier 2024
Statuant à nouveau
- juger que les désordres imputés à M. [E] ne relèvent pas de l'activité déclarée et garantie par la CAMBTP dans les conditions particulières souscrites,
- juger que les désordres imputés à M. [E] ne relèvent pas du périmètre de la garantie décennale accordée par la CAMBTP,
- juger que la CAMBTP es qualité d'assureur de M. [E] ne peut être condamnée à garantir les dommages matériels, immatériels non compris dans le champ d'application de la police consentie,
- juger qu'aucune condamnation ne peut être prononcée à l'encontre de la CAMBTP ès qualités d'assureur de M. [E] au titre des dommages matériels et immatériels,
- juger en conséquence et en tout état de cause que la CAMBTP n'est pas tenue à garantirm [E] en ce que les dommages ne relèvent pas des dispositions de l'article 1792 du code civil, non réunies,
- juger qu'aucune condamnation ne peut être prononcée à l'encontre de la CAMBTP ès qualités d'assureur de M. [E] au titre des dommages matériels et immatériels,
- condamner in solidum MM [X] et [C] [W] à payer à la CAMBTP une somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens d'instance et d'appel,
A titre subsidiaire, si les garanties étaient considérées comme acquises sur le fondement de l'article 1792 du code civil,
- juger qu'aucune condamnation ne peut être prononcée à l'encontre de la CAMBTP ès qualités d'assureur de M. [E] au titre des dommages matériels et immatériels, en raison de l'activité déclarée ne rentrant pas dans le champ d'application de la police consentie et résiliée,
- débouter MM [X] et [C] [W] de l'ensemble de leurs demandes articulées à l'encontre de la CAMBTP ès qualités d'assureur de M. [E] au titre des travaux de réparation des désordres matériels et immatériels, du préjudice de jouissance et moral,
- condamner in solidum MM [X] et [C] [W] à payer à la CAMBTP une somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens d'instance et d'appel,
Sur l'appel incident de MM [X] et [C] [W]
Sur le préjudice :
- confirmer le jugement du 23 janvier 2024 en ce qu'il a limité l'indemnisation des préjudices de MM [W] à la somme de 4 552,70 euros au titre de la réparation des désordres,
Sur les garanties :
- débouter MM [X] et [C] [W] de l'ensemble de leurs demandes articulées à l'encontre de la CAMBTP ès qualités d'assureur de M. [E] au titre des travaux de réparation des désordres matériels et immatériels, du préjudice de jouissance et moral,
- mettre hors de cause la CAMBTP prise en qualité d'assureur de M. [E],
- condamner in solidum MM [X] et [C] [W] à payer à la CAMBTP une somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens d'instance et d'appel.
Par conclusions notifiées le 22 mai 2025, les consorts [W] invitent la cour à statuer dans le sens suivant :
S'agissant du jugement du 23 janvier 2024 :
- confirmer le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Besançon du 23 janvier 2024 en ce qu'il a :
* condamné M. [J] [E] et la société Caisse d'Assurance Mutuelle du BTP (CAMBTP) à payer à M. [X] [W] et M. [C] [S] la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
* débouté la SARL Serplaste de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
* condamné M. [J] [E] et la société Caisse d'Assurance Mutuelle du BTP (CAMBTP) aux dépens comprenant notamment les frais d'expertise judiciaire.
- infirmer le jugement du 23 janvier 2024 en ce qu'il a :
* mis hors de cause la SARL Serplaste ;
* condamné in solidum M. [J] [E] et la société d'assurance Caisse d'Assurance Mutuelle du BTP (CAMBTP) à payer à M. [X] [W] et M. [C] [W] la somme de 4 552.70 euros TTC au titre de la réparation des désordres ;
* dit que la somme précitée sera actualisée en fonction de l'évolution de l'indice BT01 depuis le 20 décembre 2020 jusqu'à la date du jugement ;
* débouté M. [X] [W] et M. [C] [W] de leurs demandes au titre d'un préjudice de jouissance et d'un préjudice moral ;
Statuant de nouveau :
- juger les consorts [W] recevables et bien fondés en leur appel incident.
- les juger recevables et bien fondés en leur appel provoqué à l'encontre de la société Serplaste, et de la CAMBTP ès qualités d'assureur de cette dernière.
Y faisant droit :
- juger que les désordres affectant les ouvrages, relevés par l'expert judiciaire, engagent l a responsabilité décennale des constructeurs.
- condamner in solidum la SARL Serplaste et la compagnie d'assurances CAMBTP ès qualités d'assureur de M. [E] et de la SARL Serplaste à régler à M. [X] [W] et M. [C] [W] la somme de 9 342,30 euros TTC en réparation des désordres.
- juger que cette somme sera actualisée sur l'indice du coût de la construction l'indice de référence étant publié le jour du dépôt du rapport d'expertise judiciaire du 20 décembre 2020, l'indice multiplicateur étant celui publié le jour du jugement à intervenir.
- condamner in solidum la SARL Serplaste et la compagnie d'assurances CAMBTP ès qualités d'assureur de M. [E] et de la SARL Serplaste à payer M. [X] [W] et M. [C] [W] la somme de 100 euros par mois, sur la période du 16 mai 2017 au 16 mars 2023, 7 000,00 euros en réparation de leur préjudice de jouissance ;
- condamner in solidum la SARL Serplaste et la compagnie d'assurances CAMBTP ès qualités d'assureur de M. [E] et de la SARL Serplaste à payer la somme de 5 000 euros à M. [X] [W] et M. [C] [W] en réparation de leur préjudice moral.
S'agissant du jugement rendu par le tribunal judiciaire de Besançon du 18 juin 2024 :
- confirmer le jugement du 18 juin 2024 en toutes ses dispositions.
En tout état de cause :
- juger que la CAMBTP échoue dans la charge de la preuve.
- juger que l'imprécision de la police d'assurance de la CAMBTP consentie à M. [E] doit profiter aux consorts [W],
En conséquence :
- juger que les désordres imputés à M. [E] et la société Serplaste sont garantis par la CAMBTP leur assureur.
- constater que la garantie des dommages immatériels est bien souscrite dans la police d'assurance produite par la CAMBTP.
- débouter la CAMBTP, la SARL Serplaste de toute demandes, fins ou conclusions contraires.
- condamner la compagnie d'assurances CAMBTP, la SARL Serplaste à payer aux consorts [W] la somme de 3 000,00 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
- condamner la compagnie d'assurances CAMBTP, la SARL Serplaste aux entiers dépens, comprenant les entiers dépens de première instance en ce compris les frais d'expertise judiciaire, et d'appel comprenant les timbres fiscaux lesquels seront recouvrés par Me Lucie Teixeira conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
Par conclusions transmises le 28 février 2025, la CAMBTP, ès qualités d'assureur de la société Serplaste, invite la cour à statuer comme suit :
- confirmer les jugements de première instance en ce qu'ils ont mis la SARL Serplaste hors de cause sur le fondement de l'article 1792 du code civil et de la responsabilité contractuelle de droit commun pour défaut d'imputabilité des dommages à celle-ci.
- confirmer le jugement du 23 janvier 2024 sur les préjudices alloués à MM [W].
Y ajoutant :
- condamner in solidum MM [X] et [C] [W] à payer à la CAMBTP ès qualités d'assureur de la SARL Serplaste une somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et les entiers dépens de l'instance.
A titre subsidiaire :
Au titre de l'appel incident de la CAMBTP es qualité d'assureur de la SARL Serplaste :
Recevant la CAMBTP en son appel incident et statuant à nouveau,
- déclarer que les dommages ne relèvent pas des dispositions de l'article 1792 du code civil et
ne sauraient être garantis par la CAMBTP ès qualités d'assureur de responsabilité décennale.
- débouter MM [X] et [C] [W] de l'ensemble de leurs demandes articulées à l'encontre de la CAMBTP ès qualités d'assureur de la SARL Serplaste au titre des travaux de réparation des désordres matériels et immatériels, du préjudice de jouissance et moral.
- condamner in solidum MM [X] et [C] [W] à payer à la CAMBTP une somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et les entiers dépens.
La SARL Serplaste, aux termes de ses dernières conclusions déposées le 27 février 2025, se prononce de la manière suivante :
- confirmer purement et simplement le jugement entrepris en ce qu'il a mis hors de cause la société Serplaste.
- condamner M. [C] [W] et M. [X] [W] solidairement à payer à la société Serplaste, la somme de 4 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens avec pour ceux d'appel droit de recouvrement direct au profit de Me Levy en application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
La CAMBTP, ès qualités d'assureur de M. [E], a fait signifier à celui-ci sa déclaration d'appel par acte du 5 septembre 2024 remis à l'étude du commissaire de justice. Elle lui a par la suite fait signifier ses conclusions.
M. [J] [E] n'a pas constitué avocat.
Il sera statué par arrêt de défaut.
La procédure a été clôturée par ordonnance en date du 3 juin 2025.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur le régime de responsabilité ou de garantie applicable:
M. [E] exerce l'activité d'installateur d'équipements exothermiques extérieurs. Le régime de garantie ou de responsabilité applicable est avant tout tributaire de la nature de la prestation délivrée. S'il s'agit, en effet, d'un ouvrage immobilier au sens des dispositions de l'article 1792 du code civil, il demeure soumis au régime des garanties légales des constructeurs, par contre, si cette prestation échappe à la définition d'ouvrage ou d'équipements, au sens des dispositions de l'article 1792-3 du même code, la responsabilité n'est encourue que sur le terrain contractuel.
La jurisprudence assimile à un ouvrage immobilier l'enduit de façade dès l'instant où il a pour fonction l'étanchéité de l'ouvrage de support. Il ne ressort pas des pièces de la procédure que le bardage réalisé et les matériaux entrant dans sa composition soient pourvus d'une fonctionnalité de cette nature. En effet, l'isolation thermique ne peut être assimilée à un dispositif d'étanchéité puisqu'elle est destinée avant tout à assurer le confort thermique de l'immeuble et non à empêcher la perméabilité des eaux pluviales. Cependant, l'isolation thermique participe à l'heure actuelle des diagnostics techniques dont tout immeuble d'habitation doit nécessairement faire l'objet. Elle a donc partie liée avec l'objectif de transition éco-énergétique auquel toute construction nouvelle est soumise. À ce titre, elle ne peut être reléguée à un simple dispositif de confort mais s'inscrit dans la perspective d'un usage raisonné des matériaux, équipements, partie d'ouvrage et ouvrages d'immeubles destinés à l'habitation. Cet enjeu la distingue donc d'un simple équipement non-fonctionnel, statique par définition et insusceptible de caractériser un élément de gros-oeuvre, ou d'équipement assurant le clos et le couvert de l'ouvrage. L'isolation thermique est donc justiciable, à l'instar d'un enduit de façade assurant l'étanchéité du bâtiment, de la qualification d'ouvrage immobilier susceptible d'engager la garantie bienno-décennale des constructeurs. Ainsi, l'aménagement en façade d'une protection exothermique confère à l'ouvrage une fonctionnalité indispensable à la construction, ce dont il se déduit que celle-ci entre dans le champ de prévision de l'article 1792 précité. Il convient donc de rechercher, au cas présent, si les conditions d'engagement de la garantie décennale sont réunies, à savoir des désordres, consécutifs à des vices cachés à la réception, générateurs d'une atteinte à la solidité de l'ouvrage ou d'une impropriété à sa destination.
L'expert judiciaire indique à cet égard que :
« ' Dans le salon : quelques dégâts mineurs et anciens sont visibles. Une tache en plafond qui semble aujourd'hui totalement inactive et d'anciennes traces d'humidité aux angles inférieurs de la fenêtre.
' Dans le bureau les dégâts apparaissent plus important et déjà anciens. Ils concernent les allèges des fenêtres dans les angles inférieurs gauches et droits ainsi que le plafond marqué cette fois par des traces d'humidité conséquentes.
' Dans le grenier un panneau de particules très dégradées par l'humidité dans la partie située sous la fenêtre et des traces d'humidité aux angles inférieurs de la double fenêtre (. . .).
Les chevrons formant l'ossature au coin de la fenêtre sont certes humides mais non dégradés. Il y a sans aucun doute à cet endroit une petite arrivée d'eau lors de pluie battante continue.'
L'homme de l'art a diagnostiqué les causes de ces désordres dans les facteurs suivants :
« Concernant la fenêtre du grenier, un examen de la bavette extérieure montre qu'il existe une sous bavette posée sans doute par l'entreprise [E] pour protéger le bardage. Son profil peut, par forte pluie battante, laisser s'infiltrer de l'eau à chacune de ses extrémités latéralement.
Concernant le bureau, deux raisons majeures ont été mises en évidence. En premier lieu le choix avait été fait par l'entreprise [E] de poser une bavette métallique à mi-façade et sur toute la largeur du pignon, en partie basse du bardage bois supérieur et recouvrant pour le protéger, le retour horizontal formé par l'épaisseur de l'isolation thermique extérieure du niveau habitation. Son profil en travers capte l'eau de ruissellement et son profil en long est censé permettre l'évacuation latérale de l'eau. L'absence de pente a fait que l'eau stagne dans cette sorte de gouttière. N'étant pas, vu sa longueur, constituée d'une seule pièce c'est par superposition des rivetages des éléments que se fait la continuité. Il est clair que l'eau s'infiltre au niveau notamment d'une des jonctions pour pénétrer dans l'immeuble et provoquer des dégâts dans le bureau et le salon. Il s'agit là d'une malfaçon : une bavette en zinc, soudée entre les éléments, pour assurer la continuité avec une pente dans le profil en long suffisante aurait permis une protection efficace et sans infiltrations dans la partie inférieure.
Une seconde cause explique, en plus de la première, les dégâts en allège dans le salon, c'est l'absence de bavette en appui de fenêtre pour protéger le retour horizontal de l'enduit recouvrant l'isolant. Conjuguée à un trou important sous la fenêtre il est clair que la pluie battante ne peut que pénétrer. Cette absence de bavette constitue là encore une malfaçon imputable à l'entreprise [E].
Ces désordres n'étaient pas visibles à la réception sauf peut-être le trou sous l'appui de fenêtre dont on ne connaît pas l'origine. »
Les désordres ainsi décrits, sans compromettre la solidité de l'ouvrage ni actuellement ni virtuellement sous réserve qu'ils se produisent dans le délai décennal d'épreuve, comme l'a pronostiqué l'expert, provoquent des phénomènes d'humidité, voire de percolation, à l'intérieur des locaux, rendant ceux-ci impropres à l'usage de leur destination. S'agissant du trou sous la fenêtre, dont l'expert indique qu'il pouvait être apparent à la réception, le constat qui en a été fait ne suffit cependant pas à évincer l'application de la garantie décennale dans la mesure où le dommage dont il pouvait être la cause n'était aucunement perceptible, le technicien ayant insisté sur le fait que le phénomène sinistrant ne se produisait que lors de fortes pluies.
Il s'ensuit que, s'agissant de l'entreprise [E], la garantie décennale des constructeurs est encourue pour l'ouvrage dont elle a assuré la réalisation.
* * *
La situation de la société Serplaste n'est pas justiciable de la même analyse. En effet, elle est spécialisée dans l'installation des fenêtres PVC. À ce titre, elle pourrait être soumise aux règles de la garantie biennale des constructeurs si ce type de fenêtre peut être qualifié d'élément d'équipement et s'il est également pourvu d'une fonction, et ce en application des dispositions de l'article 1792-3 précité.
Une fenêtre ne peut être qualifiée d'élément indissociable de la structure de gros-'uvre dans la mesure où elle ne fait pas corps avec l'ouvrage de support et peut-être démontée sans altérer la substance des murs dans lesquels elle est enchâssée. Étant un élément dissociable, le locateur d'ouvrage qui a procédé à son installation ne peut être recherché en garantie sur le fondement de la garantie biennale, voire décennale, qu'à la condition que la prestation soit délivrée dans le cadre d'un programme de construction associant divers corps de métiers sans que son intervention puisse être regardée comme étant réalisée sur un ouvrage existant. Dans ces conditions, celui-ci est redevable de la garantie biennale applicable aux seuls éléments d'équipement et sa garantie décennale ne peut être mobilisée que si les désordres de construction sont d'une ampleur suffisante pour déclencher cette garantie et que l'une des causes des désordres réside dans l'équipement litigieux. Mais de surcroît, n'étant pas un élément d'équipement fonctionnel, la garantie biennale de bon fonctionnement n'avait nulle vocation à s'appliquer au cas présent.
En revanche, si la fenêtre a été placée sur un ouvrage existant, le dommage qui l'affecte ne peut relever ni de la garantie biennale ni, à plus forte raison, de la garantie décennale des constructeurs et les désordres et malfaçons qui ont pu générer le désordre relèvent de la responsabilité contractuelle de droit commun. En effet, depuis l'arrêt de revirement mettant un terme à la jurisprudence antérieure qui étendait le régime de la garantie décennale aux désordres trouvant leur origine dans un équipement dissociable ou indissociable de la structure de gros 'uvre et sans égard pour le caractère existant ou non de celui-ci, les principes en vigueur antérieurement sont de nouveau applicables. Il s'en déduit, au cas présent, qu'il convient de déterminer, en premier lieu, si les fenêtres ont été installées sur un ouvrage existant ou bien si le service rendu par l'entrepreneur prenait place dans un chantier plus vaste dont il avait la charge en qualité de co-traitant.
Il y a lieu de relever, tout d'abord, que tant les travaux accomplis par M. [E] que ceux exécutés par la société Serplaste avaient pour objet la rénovation d'un immeuble déjà ancien. Cependant, il ressort des pièces de la procédure qu'aucune règle de coordination n'a présidé à l'accomplissement des missions dévolues à chacun des prestataires. Il est ainsi constant que l'entreprise [E] est intervenue la première puis la maîtresse d'ouvrage a fait appel à la société Serplaste pour procéder au remplacement des fenêtres. Il y a donc eu deux interventions successives par deux prestataires distincts ayant donné lieu à la livraison de deux types d'ouvrage indépendants l'un de l'autre et sans concertation entre les deux professionnels réalisateurs.
Il s'ensuit que la pose des fenêtres en PVC par la société Serplaste l'a été sur un ouvrage existant ce dont il se déduit que la responsabilité pour des désordres affectant l'immeuble ne peut être engagé que sur le terrain de la responsabilité contractuelle de droit commun des locateurs d'ouvrage. Celui-ci est tenu d'une obligation de faire qui se traduit par une obligation de résultat emportant à la fois présomption de faute et de causalité. Il lui incombe, en conséquence, d'administrer la preuve contraire propre à combattre ce double régime présomptif. Au cas présent, et quand bien même l'expert n'aurait caractérisé aucune faute imputable à la société Serplaste, celle-ci n'en supporte pas moins la charge de la preuve contraire et il lui incombe en conséquence d'établir l'absence de faute de sa part dans l'exécution de sa prestation.
Il s'évince des pièces du dossier que la société Serplaste a fourni et posé cinq menuiseries PVC, travaux qui ont été réceptionnés sans réserve le 18 septembre 2014. Elle est intervenue une deuxième fois sur site en 2018 pour le remplacement de joints souples dans les angles des fenêtres qui avaient favorisé le phénomène infiltrant. Un second procès-verbal de réception a donc été établi le 17 avril 2018.
Le premier juge, sur la base des conclusions de l'expert judiciaire, a prononcé la mise hors de cause de la société Serplaste en estimant qu'aucune faute d'exécution ne pouvait lui être imputée, qui ait joué un rôle causal dans la survenance des désordres. Toutefois, la responsabilité des locateurs d'ouvrage ne se limite pas à la réparation des conséquences dommageables d'un défaut d'exécution, de l'inachèvement des travaux ou d'une erreur de conception. En effet, celui-ci est tenu, de par les obligations inhérentes à son statut, de livrer un ouvrage exempt de vices impliquant, à ce titre, qu'il vérifie si les éléments d'équipement installés remplissent, en état de service, la fonction qui leur est assignée. Autrement dit, il demeure tenu d'un devoir de conseil en ce sens que sa prestation ne peut être délivrée qu'après vérification du contexte technique dans lequel elle est insérée (Cass. 3° Civ. 30 janvier 2008 n° 06-19.100). Dans cette optique, il est tenu de s'assurer que l'ouvrage de support n'est pas susceptible de provoquer des désordres ultérieurs et ce quand bien même aucun grief ne saurait lui être imputé quant aux conditions d'exécution de la prestation dont il est débiteur au titre du marché de travaux souscrit avec le maître d'ouvrage. En l'occurrence, il ne pouvait accomplir sa mission sans s'être au préalable assuré que l'équipement visant à l'isolation thermique du local installé par M. [E] n'était pas de nature à provoquer des désordres. Or, étant tenu d'une obligation de résultat, la survenance des désordres montre que ces diligences préalables n'ont pas été accomplies. Il lui incombait alors, et à tout le moins, de démontrer que cette défaillance dans l'exécution de son devoir de conseil résultait d'un cas fortuit ou, plus généralement, d'une cause étrangère. Il suit de là que, sur le fondement de la responsabilité contractuelle de droit commun, la société Serplaste est tenue de réparer des dommages dont se plaignent les maîtres de l'ouvrage. Le jugement sera donc infirmé sur ce point.
La condamnation pécuniaire à procéder aux travaux de réfection et de reprise, si elle devait intervenir, serait prononcée in solidum entre les deux entrepreneurs sans que la cour n'ait à statuer sur la part encourue par chacun d'eux dès l'instant où aucune action récursoire n'a été diligentée l'un à l'égard de l'autre.
* * *
Sur la garantie de l'assureur:
Pour dénier toute obligation de garantie vis-à-vis de son assuré, M. [E], la CAMBTP invoque une absence de déclaration de l'activité lors de la souscription et dans l'exercice de laquelle les vices de construction ont pris naissance. Le tribunal, bien que régulièrement saisi du moyen de non-garantie, a omis de se prononcer sur ce chef du litige et a rejeté l'action en rectification d'omission de statuer en estimant, à bon droit, que les moyens invoqués par l'assureur étaient de nature à modifier la nature et l'étendue des droits des parties telles que délimitées dans le dispositif du jugement rendu.
L'attestation d'assurance mentionne les indications suivantes :
« Activité déclarée :
' 2120 : ravalement y compris enduit plastique et pierres.
' 2130 : travaux d'enduit à base de liants hydrauliques projetés. »
Il convient de rappeler, en tout premier lieu, qu'en vertu des dispositions des articles L. 241- 1 et R. 243-2 du code des assurances, l'attestation d'assurance délivrée par l'assureur en responsabilité obligatoire, en ce qu'il est tenu d'une obligation d'information et de renseignement, doit être précise, notamment en ce qui concerne le secteur d'activité professionnelle de l'assuré. L'assureur est tenu de fournir au porteur d'assurance un document retraçant les informations précises sur le secteur d'activité professionnelle déclarée.
Il en résulte que l'assureur est tenu de fournir au souscripteur les éléments d'information suffisants lui permettant de satisafaire, sans risque d'équivoque, ses obligations déclaratives. Ainsi, si la nomenclature des activités à déclarer demeure imprécise ou si l'activité concernée ne comporte aucune restriction, l'assureur ne peut invoquer un défaut de garantie sur la base d'une omission du souscripteur, alors que celui-ci n'était pas en mesure de fournir loyalement les renseignements nécessaires à l'évaluation du risque. En l'occurrence, la nomenclature, qu'elle émane de l'INSEE ou d'une organisation professionnelle du secteur du bâtiment, n'est aucunement visée si bien que la juridiction n'est pas en mesure de contrôler si l'activité dont il est fait grief à l'entrepreneur intimé de ne pas l'avoir déclarée, était bien comprise dans l'énumération de la nomenclature et qu'il ne pouvait ignorer, dans ces conditions, que toute omission l'exposait à une sanction de non-garantie.
Au surplus, lorsque des désordres imputables au constructeur ne relèvent qu'en partie des secteurs d'activité déclarés, l'assureur de responsabilité doit garantir le paiement de la totalité des travaux nécessaires à la remise en état de l'ouvrage, dès lors que ceux couverts par la garantie souscrite ont contribué, pour l'essentiel, aux dommages matériels subis par le maître de l'ouvrage (Cass. 3° Civ. 4 juillet 2024 n° 23-10. 461.)
Au cas présent, la CAMBTP fait grief à son assuré de n'avoir pas déclaré l'activité de bardage si bien qu'elle s'estime fondée à refuser sa garantie pour la réparation des désordres de l'immeuble appartenant aux consorts [W].
Toutefois l'expert n'a pas identifié les travaux de bardage comme étant la cause exclusive des désordres affectant l'ouvrage. En effet, en ce qui concerne la fenêtre du grenier, les infiltrations sont dues à la défectuosité de pose de la sous-bavette installée par l'entreprise [E] pour protéger le bardage. Pour ce qui concerne le bureau, le facteur générateur du dommage réside dans le défaut d'exécution de pose d'une bavette métallique à mi-façade en partie basse du bardage faisant ainsi obstacle à la protection du retour horizontal formé par l'épaisseur de l'isolation thermique. Il s'en déduit que la cause génératrice des désordres réside dans la défaillance du constructeur dans l'installation et la pose d'éléments qui participent de la fonction d'isolation thermique. Il convient également de constater que la compagnie d'assurances appelante n'a aucunement critiqué, sur le terrain du manquement du souscripteur à ses obligations déclaratives, le fait que les bavettes métalliques, qui participent de l'ouvrage d'isolation thermique constituent des équipements dont la pose doit nécessairement faire l'objet d'une déclaration spécifique comme entrant dans le champ de prévision d'une rubrique spécifique de la nomenclature.
Il suit de là que l'exception de non-garantie ne saurait prospérer.
S'agissant de la couverture en garantie de l'activité de la société Serplaste, la CAMBTP en sa qualité d'assureur n'a dénié sa garantie qu'en raison du fait que les dommages litigieux n'étaient pas de nature à engager la garantie décennale de l'assuré. Aucun autre moyen n'a été excipé par celle-ci en vue de se soustraire à ses obligations de prise en charge. Or, aux termes des développements qui précèdent, la société Serplaste a été déclarée redevable d'une créance indemnitaire à l'égard des maîtres de l'ouvrage sur le terrain de la responsabilité contractuelle de droit commun. La police fait mention, au titre de l'étendue de la garantie souscrite, du risque relatif aux dommages survenus après réception sans spécifier leur nature et le régime de responsabilité ou de garantie dont ils relèvent.Elle a donc vocation à couvrir en garantie la responsabilité civile de droit commun de l'entreprise assurée, quelle que soit la nature des dommages, matériels et immatériels, pour lesquels son obligation à réparation a été reconnue.
Au surplus, ni les conditions générales de la police souscrite ni les conditions particulières ne stipulent, au titre des critères de mobilisation de la garantie, une quelconque restriction à l'obligation de couverture de l'assureur. Il s'ensuit que la CAMBTP sera tenue de relever et garantir la société Serplaste du montant des condamnations pécuniaires mises à sa charge.
* * *
Sur l'indemnisation :
L'expert judiciaire a évalué le coût des travaux de réfection et de reprise à la somme de 4552,70 euros TTC. Le tribunal a avalisé cette estimation en la complétant par le mécanisme d'indexation habituelle à savoir la référence à l'indice BT-01.
Les consorts [W] invitent la cour à majorer le montant de cette créance indemnitaire en se fondant sur un rapport d'expertise amiable dont il est sollicité l'homologation des conclusions. Mais ainsi que l'a relevé le premier juge, ce rapport amiable ne peut accéder à la perfection probatoire et être pris en considération au même titre qu'un rapport d'expertise judiciaire qu'à la condition d'avoir était soumis à la discussion entre les parties, d'une part, et d'être étayé par d'autres éléments extérieurs à ce rapport, d'autre part. Ces conditions, exigées depuis un arrêt de la chambre mixte de la Cour de cassation sont cumulatifs et non alternatifs. S'il est constant que ce rapport a été produit aux débats, satisfaisant donc au premièr critère d'opposabilité, il ne ressort pas des pièces de la procédure que les conclusionsde l'expert amiable soient étayées par d'autres éléments que le rapport lui-même et qu'aurait délaissés l'expert judiciaire. Le procès-verbal de constat d'huissier réalisé à l'initiative des maîtres de l'ouvrage fait état des mêmes désordres que ceux mis en évidence par l'expert judiciaire, de sorte qu'il ne peut constituer l'adjuvant indispensable à la prise en compte d'un rapport extrajudiciaire.
Dès lors, le jugement sera confirmé en ce qui concerne le montant liquidatif du préjudice matériel subi par les maîtres d'ouvrage.
S'agissant du préjudice de jouissance, l'expert judiciaire a produit les observations suivantes :
« les travaux de réfection tels que décrits ne généreront que peu de gêne pour les occupants
les désordres observés n'ont pas conduit à l'inévitabilité de l'habitation mais ont pu créer un inconfort certain en termes d'esthétique et d'humidité intérieure. »
Il s'en déduit que même de faible ampleur le préjudice de jouissance est une réalité pour les propriétaires du local, tant en ce qui concerne la gêne occasionnée par les désordres eux-mêmes que ceux consécutifs aux travaux de réfection et de reprise. Dès lors, le jugement sera infirmé sur ce point la cour fera une juste appréciation du quantum dû à ce titre en l'arbitrant la somme de 1 000 euros.
Il s'évince des stipulations de la police souscrite par M. [E] que la garantie ne s'étend pas aux dommages immatériels. En effet, le champ de la garantie souscrite ne comprend pas la réparation des préjudices extrapatrimoniaux, ce qui correspond aux conditions de la garantie souscrite et ne s'analyse donc pas en une exclusion de garantie. Ce chef de créance restera donc à la charge exclusive de l'entrepreneur.
À l'appui de la demande visant à l'indemnisation de leur préjudice moral, les consorts [W], tant à titre personnel que par représentation des droits détenus par leur mère défunte, ne prouvent ni n'offrent de prouver que les dommages affectant l'immeuble leur ont causé un préjudice extrapatrimonial distinct de celui déjà réparé au titre du préjudice de jouissance. C'est donc à juste titre que le premier juge des a déboutés ce chef de prétentions.
Sur les autres dispositions :
Le jugement déféré sera confirmé s'agissant des dépens et des frais irrépétibles.
Les dépens d'appel seront supportés, in solidum, par la CAMBTP, ès qualités d'assureur de M. [E] et de la société Serplaste, et par la société Serplaste, avec distraction au profit de Me Texeira aux offres de droit.
Il serait inéquitable de laisser à la charge des consorts [W] les frais exposés par eux dans le cadre de la présente instance et non compris dans les dépens à hauteur d'une somme de 1500 euros. La compagnie d'assurances CAMBTP, ès qualités d'assureur de M. [E] et de la société Serplaste, et la société Serplaste, contre qui une telle prétention a été dirigée, seront tenus in solidum, d'en acquitter le paiement à leur profit.
PAR CES MOTIFS
La cour statuant publiquement, par arrêt rendu par défaut, et après en avoir délibéré conformément à la loi :
' Confirme le jugement rendu le 23 janvier 2024 par le tribunal judiciaire de Besançon en ce qu'il a débouté M. [X] [W] et M. [C] [W] de leurs demandes au titre d'un préjudice moral, ainsi qu'en ses dispositions relatives aux dépens et aux frais irrépétibles.
' Confirme le jugement rendu le 18 juin 2024 par le tribunal judiciaire de Besançon rejetant la demande des consorts [W] en rectification d'omission de statuer.
Statuant à nouveau des chefs infirmés du jugement du 23 janvier 2024, et ajoutant :
' Déboute la CAMBTP de sa demande visant à opposer à son assuré, M. [J] [E] un refus de garantie tiré du défaut de déclaration de l'activité exercée lors de la souscription.
' Condamne, in solidum, M. [J] [E] et la CAMBTP son assureur, d'une part, et la SARL Serplaste et la CMABTP son assureur, d'autre part, à payer aux consorts [W] la somme de 4552,20 euros avec indexation suivant les variations de l'indice BT 01 référence étant prise à l'indice du mois de décembre 2020.
' Condamne, in solidum, la SARL Serplaste et son assureur la CMABTP et M. [J] [E] à payer aux consorts [W] la somme de 1 000 euros de dommages et intérêts au titre du préjudice de jouissance.
' Condamne in solidum la SARL Serplaste et la compagnie d'assurances CAMBTP à payer aux consorts [W] la somme de 1500 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
' Condamne, in solidum, la SARL Serplaste et la compagnie d'assurances CAMBTP auxdépens d'appel, avec distraction au profit de Maître Texeira aux offres de droit.
Le greffier, Le président,
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
N° de rôle : N° RG 24/01184 - N° Portalis DBVG-V-B7I-EZTK
COUR D'APPEL DE BESANÇON
1ère chambre civile et commerciale
ARRÊT DU 30 SEPTEMBRE 2025
Décisions déférées à la Cour : jugement du 23 janvier 2024 - RG N°21/01966 - TJ HORS JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP DE [Localité 5] et jugement du 18 juin 2024 du TJ de [Localité 5]
Code affaire : 54Z - Autres demandes relatives à un contrat de réalisation de travaux de construction
COMPOSITION DE LA COUR :
M. Michel WACHTER, président de chambre.
M. Cédric SAUNIER et Philippe MAUREL conseillers.
Greffier : Mme Fabienne ARNOUX, Greffier, lors des débats et Mme Leila Zait au prononcé de la décision.
DEBATS :
L'affaire a été examinée en audience publique du 24 juin 2025 tenue par M. Michel WACHTER, président de chambre, M. Cédric SAUNIER et M.Philippe MAUREL, conseillers et assistés de Mme Fabienne ARNOUX, greffier.
Le rapport oral de l'affaire a été fait à l'audience avant les plaidoiries.
L'affaire oppose :
PARTIES EN CAUSE :
APPELANTE
Compagnie d'assurances CAMBTP agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux en exercice domiciliés pour ce audit siège prsie en sa qualité d'assureur de Monsieur [J] [E]
Sise [Adresse 1]
Siret numéro 778 847 319 00150
Représentée par Me Sophie NICOLIER de la SELARL SOPHIE NICOLIER ASSOCIES, avocat au barreau de BESANCON, avocat plaidant
Représentée par Me Ludovic PAUTHIER de la SCP DUMONT - PAUTHIER, avocat au barreau de BESANCON, avocat plaidant
ET :
INTIMÉS
Monsieur [X] [W]
né le 11 Avril 1978 à [Localité 5], de nationalité française,
demeurant [Adresse 3]
Représenté par Me Lucie TEIXEIRA, avocat au barreau de BESANCON
(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 25056-2024-006643 du 26/11/2024 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de [Localité 5])
Monsieur [C] [W]
né le 09 Mars 1975 à [Localité 5], de nationalité française,
demeurant [Adresse 2]
Représenté par Me Lucie TEIXEIRA, avocat au barreau de BESANCON
Monsieur [J] [E],
demeurant [Adresse 4]
SAMCV CAMBTP prise en la personne de ses représentants légaux en exercice domiciliés pour ce audit siège prise en sa qualité d'assureur de la SARL SERPLASTE Sise demeurant [Adresse 7]
Représentée par Me Ludovic PAUTHIER de la SCP DUMONT - PAUTHIER, avocat au barreau de BESANCON
S.A.S. SERPLASTE
Sise [Adresse 6]
RCS de [Localité 9] numéro 331 260 752
Représentée par Me Benjamin LEVY, avocat au barreau de BESANCON
ARRÊT :
- DEFAUT
- Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant préalablement été avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par M. Michel WACHTER, président de chambre et par Mme Leila Zait, greffier lors du prononcé.
*************
EXPOSE DU LITIGE
Mme [T] [W] a entrepris des travaux d'isolation et de rénovation extérieure de la façade sud-ouest d'un pavillon situé [Adresse 8] [Localité 5]. Elle a confié à M. [J] [E] la réalisation de cet ouvrage, suivant devis accepté en date du 21 mai 2014, moyennant un prix TTC de 11'500 euros. Les travaux en façade ont été exécutés durant la période comprise entre le mois de juin 2014 et le mois d'août de la même année, donnant lieu à une réception sans réserve en date du 2 décembre 2014.
Dans le même temps, la maîtresse d'ouvrage a pris l'attache de la SARL Serplaste pour le remplacement de cinq menuiseries extérieures situées sur la façade sud-ouest de l'immeuble. La prestation consistait dans la livraison et l'installation de fenêtres PVC à double vitrage. Les travaux ont fait l'objet d'un procès-verbal de réception sans réserve en date du 18 septembre 2014.
Des infiltrations se sont produites dès le mois de janvier 2015 nécessitant la dépose et la repose d'une fenêtre dans les combles et le remplacement des bavettes extérieures. Le phénomène infiltrant n'en a pas moins continué à se produire. Au mois d'avril 2018 la SARL Serplaste a réalisé des reprises des joints de la fenêtre du salon à partir de l'extérieur mais le résultat est demeuré insatisfaisant.
Par acte d'huissier en date du 24 septembre 2018, M. [X] [W] et M. [C] [W], venant aux droits de Mme [T] [W], leur mère décédée, ont fait assigner en référé probatoire devant le président du tribunal de grande instance de Besançon les deux sociétés locatrices d'ouvrage, M. [G] étant finalement commis en qualité d'expert avec mission habituelle en la matière. L'expert a déposé rapport de ses opérations au greffe le 13 juin 2020.
Par actes de commissaire de justice séparés en date des 25 novembre et 8 décembre 2021, les consorts [W] ont fait assigner devant le tribunal judiciaire de Besançon M. [J] [E], la SARL Serplaste et leurs assureurs respectifs, en l'occurrence le même, à savoir la CAMBTP.
Suivant jugement en date du 23 janvier 2024, le tribunal judiciaire de Besançon a statué dans les termes suivants :
- met hors de cause la SARL Serplaste
- condamne in solidum M. [J] [E] et la société d'assurances mutuelle Caisse d'assurance mutuelle du BTP (CAMBTP) à payer à M. [X] [W] et M. [C] [W] la somme de 4 552,70 euros TTC au titre de la réparation des désordres.
- dit que la somme précitée sera actualisée en fonction de l'évolution de l'indice BT01 depuis le 20 décembre 2020 jusqu'à la date du jugement.
- déboute M. [X] [W] et M. [C] [W] de leurs demandes au titre d'un préjudice de jouissance et d'un préjudice moral.
- condamne M. [J] [E] et la société d'assurance mutuelle Caisse d'assurance mutuelle du BTP (CAMBTP) à payer à M. [X] et M. [C] [W] la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
- déboute la SARL Serplaste de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
- condamne M. [J] [E] et la société d'assurances mutuelle Caisse d'assurance mutuelle du BTP (CAMBTP) aux dépens, comprenant notamment les frais d'expertise judiciaire.
Pour statuer en ce sens, le tribunal a considéré que :
' les désordres avaient un caractère décennal quand bien même ne compromettraient-ils pas la solidité de l'ouvrage ou ne le rendraient pas impropre à sa destination dans l'immédiat, dès l'instant où l'expert a caractérisé leur survenance certaine dans le délai décennal d'épreuve.
' l'assureur ne démontre pas que l'activité déclarée ne corresponde pas aux travaux de construction de l'ouvrage affecté du vices.
Suivant jugement en date du 18 juin 2024, le tribunal a rejeté la requête en omission de statuer présentée par l'assureur en estimant que les griefs dont il était fait état étaient de nature à modifier les droits des parties, et relevaient donc de l'instance d'appel.
* * *
Suivant déclaration au greffe en date du 31 juillet 2024, formalisée par voie électronique, la CAMBTP, agissant en sa qualité d'assureur de M. [E], a interjeté appel des deux jugements rendus, en n'intimant que les consorts [W] et M. [E].
Les consorts [W] ont alors fait assigner la société Serplaste ainsi que la CAMBTP, en sa qualité d'assureur de cette dernière société, aux fins d'appel provoqué.
Dans le dernier état de ses écritures transmises le 26 février 2025, la CAMBTP, en sa qualité d'assureur de M. [E], invite la cour à statuer dans le sens suivant :
Sur l'appel de la CAMBTP
- déclarer recevable et bien fondé l'appel de la CAMBTP es qualité d'assureur de M. [E] à l'encontre des jugements des 23 janvier 2024 et 18 juin 2024,
- infirmer le jugement du 23 janvier 2024 en ce qu'il a :
* condamné in solidum M. [J] [E] et la société d'assurances mutuelle Caisse d'assurance mutuelle du BTP (CAMBTP) à payer à M. [X] [W] et M. [C] [W] la somme de 4 552,70 euros TTC au titre de la réparation des désordres,
* dit que la somme précitée sera actualisée en fonction de l'évolution de l'indice BT01 depuis le 20 décembre 2020 jusqu'à la date du jugement,
* condamné M. [J] [E] et la société d'assurance mutuelle Caisse d'assurance mutuelle du BTP (CAMBTP) à payer à M. [X] et M. [C] [W] la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- infirmer le jugement du 8 juin 2024 statuant sur omission de statuer, en ce qu'il a rejeté la demande de la Caisse d'assurance mutuelle du BTP (CAMBTP),
Statuant à nouveau :
- infirmer le jugement du 23 janvier 2024
Statuant à nouveau
- juger que les désordres imputés à M. [E] ne relèvent pas de l'activité déclarée et garantie par la CAMBTP dans les conditions particulières souscrites,
- juger que les désordres imputés à M. [E] ne relèvent pas du périmètre de la garantie décennale accordée par la CAMBTP,
- juger que la CAMBTP es qualité d'assureur de M. [E] ne peut être condamnée à garantir les dommages matériels, immatériels non compris dans le champ d'application de la police consentie,
- juger qu'aucune condamnation ne peut être prononcée à l'encontre de la CAMBTP ès qualités d'assureur de M. [E] au titre des dommages matériels et immatériels,
- juger en conséquence et en tout état de cause que la CAMBTP n'est pas tenue à garantirm [E] en ce que les dommages ne relèvent pas des dispositions de l'article 1792 du code civil, non réunies,
- juger qu'aucune condamnation ne peut être prononcée à l'encontre de la CAMBTP ès qualités d'assureur de M. [E] au titre des dommages matériels et immatériels,
- condamner in solidum MM [X] et [C] [W] à payer à la CAMBTP une somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens d'instance et d'appel,
A titre subsidiaire, si les garanties étaient considérées comme acquises sur le fondement de l'article 1792 du code civil,
- juger qu'aucune condamnation ne peut être prononcée à l'encontre de la CAMBTP ès qualités d'assureur de M. [E] au titre des dommages matériels et immatériels, en raison de l'activité déclarée ne rentrant pas dans le champ d'application de la police consentie et résiliée,
- débouter MM [X] et [C] [W] de l'ensemble de leurs demandes articulées à l'encontre de la CAMBTP ès qualités d'assureur de M. [E] au titre des travaux de réparation des désordres matériels et immatériels, du préjudice de jouissance et moral,
- condamner in solidum MM [X] et [C] [W] à payer à la CAMBTP une somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens d'instance et d'appel,
Sur l'appel incident de MM [X] et [C] [W]
Sur le préjudice :
- confirmer le jugement du 23 janvier 2024 en ce qu'il a limité l'indemnisation des préjudices de MM [W] à la somme de 4 552,70 euros au titre de la réparation des désordres,
Sur les garanties :
- débouter MM [X] et [C] [W] de l'ensemble de leurs demandes articulées à l'encontre de la CAMBTP ès qualités d'assureur de M. [E] au titre des travaux de réparation des désordres matériels et immatériels, du préjudice de jouissance et moral,
- mettre hors de cause la CAMBTP prise en qualité d'assureur de M. [E],
- condamner in solidum MM [X] et [C] [W] à payer à la CAMBTP une somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens d'instance et d'appel.
Par conclusions notifiées le 22 mai 2025, les consorts [W] invitent la cour à statuer dans le sens suivant :
S'agissant du jugement du 23 janvier 2024 :
- confirmer le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Besançon du 23 janvier 2024 en ce qu'il a :
* condamné M. [J] [E] et la société Caisse d'Assurance Mutuelle du BTP (CAMBTP) à payer à M. [X] [W] et M. [C] [S] la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
* débouté la SARL Serplaste de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
* condamné M. [J] [E] et la société Caisse d'Assurance Mutuelle du BTP (CAMBTP) aux dépens comprenant notamment les frais d'expertise judiciaire.
- infirmer le jugement du 23 janvier 2024 en ce qu'il a :
* mis hors de cause la SARL Serplaste ;
* condamné in solidum M. [J] [E] et la société d'assurance Caisse d'Assurance Mutuelle du BTP (CAMBTP) à payer à M. [X] [W] et M. [C] [W] la somme de 4 552.70 euros TTC au titre de la réparation des désordres ;
* dit que la somme précitée sera actualisée en fonction de l'évolution de l'indice BT01 depuis le 20 décembre 2020 jusqu'à la date du jugement ;
* débouté M. [X] [W] et M. [C] [W] de leurs demandes au titre d'un préjudice de jouissance et d'un préjudice moral ;
Statuant de nouveau :
- juger les consorts [W] recevables et bien fondés en leur appel incident.
- les juger recevables et bien fondés en leur appel provoqué à l'encontre de la société Serplaste, et de la CAMBTP ès qualités d'assureur de cette dernière.
Y faisant droit :
- juger que les désordres affectant les ouvrages, relevés par l'expert judiciaire, engagent l a responsabilité décennale des constructeurs.
- condamner in solidum la SARL Serplaste et la compagnie d'assurances CAMBTP ès qualités d'assureur de M. [E] et de la SARL Serplaste à régler à M. [X] [W] et M. [C] [W] la somme de 9 342,30 euros TTC en réparation des désordres.
- juger que cette somme sera actualisée sur l'indice du coût de la construction l'indice de référence étant publié le jour du dépôt du rapport d'expertise judiciaire du 20 décembre 2020, l'indice multiplicateur étant celui publié le jour du jugement à intervenir.
- condamner in solidum la SARL Serplaste et la compagnie d'assurances CAMBTP ès qualités d'assureur de M. [E] et de la SARL Serplaste à payer M. [X] [W] et M. [C] [W] la somme de 100 euros par mois, sur la période du 16 mai 2017 au 16 mars 2023, 7 000,00 euros en réparation de leur préjudice de jouissance ;
- condamner in solidum la SARL Serplaste et la compagnie d'assurances CAMBTP ès qualités d'assureur de M. [E] et de la SARL Serplaste à payer la somme de 5 000 euros à M. [X] [W] et M. [C] [W] en réparation de leur préjudice moral.
S'agissant du jugement rendu par le tribunal judiciaire de Besançon du 18 juin 2024 :
- confirmer le jugement du 18 juin 2024 en toutes ses dispositions.
En tout état de cause :
- juger que la CAMBTP échoue dans la charge de la preuve.
- juger que l'imprécision de la police d'assurance de la CAMBTP consentie à M. [E] doit profiter aux consorts [W],
En conséquence :
- juger que les désordres imputés à M. [E] et la société Serplaste sont garantis par la CAMBTP leur assureur.
- constater que la garantie des dommages immatériels est bien souscrite dans la police d'assurance produite par la CAMBTP.
- débouter la CAMBTP, la SARL Serplaste de toute demandes, fins ou conclusions contraires.
- condamner la compagnie d'assurances CAMBTP, la SARL Serplaste à payer aux consorts [W] la somme de 3 000,00 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
- condamner la compagnie d'assurances CAMBTP, la SARL Serplaste aux entiers dépens, comprenant les entiers dépens de première instance en ce compris les frais d'expertise judiciaire, et d'appel comprenant les timbres fiscaux lesquels seront recouvrés par Me Lucie Teixeira conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
Par conclusions transmises le 28 février 2025, la CAMBTP, ès qualités d'assureur de la société Serplaste, invite la cour à statuer comme suit :
- confirmer les jugements de première instance en ce qu'ils ont mis la SARL Serplaste hors de cause sur le fondement de l'article 1792 du code civil et de la responsabilité contractuelle de droit commun pour défaut d'imputabilité des dommages à celle-ci.
- confirmer le jugement du 23 janvier 2024 sur les préjudices alloués à MM [W].
Y ajoutant :
- condamner in solidum MM [X] et [C] [W] à payer à la CAMBTP ès qualités d'assureur de la SARL Serplaste une somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et les entiers dépens de l'instance.
A titre subsidiaire :
Au titre de l'appel incident de la CAMBTP es qualité d'assureur de la SARL Serplaste :
Recevant la CAMBTP en son appel incident et statuant à nouveau,
- déclarer que les dommages ne relèvent pas des dispositions de l'article 1792 du code civil et
ne sauraient être garantis par la CAMBTP ès qualités d'assureur de responsabilité décennale.
- débouter MM [X] et [C] [W] de l'ensemble de leurs demandes articulées à l'encontre de la CAMBTP ès qualités d'assureur de la SARL Serplaste au titre des travaux de réparation des désordres matériels et immatériels, du préjudice de jouissance et moral.
- condamner in solidum MM [X] et [C] [W] à payer à la CAMBTP une somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et les entiers dépens.
La SARL Serplaste, aux termes de ses dernières conclusions déposées le 27 février 2025, se prononce de la manière suivante :
- confirmer purement et simplement le jugement entrepris en ce qu'il a mis hors de cause la société Serplaste.
- condamner M. [C] [W] et M. [X] [W] solidairement à payer à la société Serplaste, la somme de 4 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens avec pour ceux d'appel droit de recouvrement direct au profit de Me Levy en application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
La CAMBTP, ès qualités d'assureur de M. [E], a fait signifier à celui-ci sa déclaration d'appel par acte du 5 septembre 2024 remis à l'étude du commissaire de justice. Elle lui a par la suite fait signifier ses conclusions.
M. [J] [E] n'a pas constitué avocat.
Il sera statué par arrêt de défaut.
La procédure a été clôturée par ordonnance en date du 3 juin 2025.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur le régime de responsabilité ou de garantie applicable:
M. [E] exerce l'activité d'installateur d'équipements exothermiques extérieurs. Le régime de garantie ou de responsabilité applicable est avant tout tributaire de la nature de la prestation délivrée. S'il s'agit, en effet, d'un ouvrage immobilier au sens des dispositions de l'article 1792 du code civil, il demeure soumis au régime des garanties légales des constructeurs, par contre, si cette prestation échappe à la définition d'ouvrage ou d'équipements, au sens des dispositions de l'article 1792-3 du même code, la responsabilité n'est encourue que sur le terrain contractuel.
La jurisprudence assimile à un ouvrage immobilier l'enduit de façade dès l'instant où il a pour fonction l'étanchéité de l'ouvrage de support. Il ne ressort pas des pièces de la procédure que le bardage réalisé et les matériaux entrant dans sa composition soient pourvus d'une fonctionnalité de cette nature. En effet, l'isolation thermique ne peut être assimilée à un dispositif d'étanchéité puisqu'elle est destinée avant tout à assurer le confort thermique de l'immeuble et non à empêcher la perméabilité des eaux pluviales. Cependant, l'isolation thermique participe à l'heure actuelle des diagnostics techniques dont tout immeuble d'habitation doit nécessairement faire l'objet. Elle a donc partie liée avec l'objectif de transition éco-énergétique auquel toute construction nouvelle est soumise. À ce titre, elle ne peut être reléguée à un simple dispositif de confort mais s'inscrit dans la perspective d'un usage raisonné des matériaux, équipements, partie d'ouvrage et ouvrages d'immeubles destinés à l'habitation. Cet enjeu la distingue donc d'un simple équipement non-fonctionnel, statique par définition et insusceptible de caractériser un élément de gros-oeuvre, ou d'équipement assurant le clos et le couvert de l'ouvrage. L'isolation thermique est donc justiciable, à l'instar d'un enduit de façade assurant l'étanchéité du bâtiment, de la qualification d'ouvrage immobilier susceptible d'engager la garantie bienno-décennale des constructeurs. Ainsi, l'aménagement en façade d'une protection exothermique confère à l'ouvrage une fonctionnalité indispensable à la construction, ce dont il se déduit que celle-ci entre dans le champ de prévision de l'article 1792 précité. Il convient donc de rechercher, au cas présent, si les conditions d'engagement de la garantie décennale sont réunies, à savoir des désordres, consécutifs à des vices cachés à la réception, générateurs d'une atteinte à la solidité de l'ouvrage ou d'une impropriété à sa destination.
L'expert judiciaire indique à cet égard que :
« ' Dans le salon : quelques dégâts mineurs et anciens sont visibles. Une tache en plafond qui semble aujourd'hui totalement inactive et d'anciennes traces d'humidité aux angles inférieurs de la fenêtre.
' Dans le bureau les dégâts apparaissent plus important et déjà anciens. Ils concernent les allèges des fenêtres dans les angles inférieurs gauches et droits ainsi que le plafond marqué cette fois par des traces d'humidité conséquentes.
' Dans le grenier un panneau de particules très dégradées par l'humidité dans la partie située sous la fenêtre et des traces d'humidité aux angles inférieurs de la double fenêtre (. . .).
Les chevrons formant l'ossature au coin de la fenêtre sont certes humides mais non dégradés. Il y a sans aucun doute à cet endroit une petite arrivée d'eau lors de pluie battante continue.'
L'homme de l'art a diagnostiqué les causes de ces désordres dans les facteurs suivants :
« Concernant la fenêtre du grenier, un examen de la bavette extérieure montre qu'il existe une sous bavette posée sans doute par l'entreprise [E] pour protéger le bardage. Son profil peut, par forte pluie battante, laisser s'infiltrer de l'eau à chacune de ses extrémités latéralement.
Concernant le bureau, deux raisons majeures ont été mises en évidence. En premier lieu le choix avait été fait par l'entreprise [E] de poser une bavette métallique à mi-façade et sur toute la largeur du pignon, en partie basse du bardage bois supérieur et recouvrant pour le protéger, le retour horizontal formé par l'épaisseur de l'isolation thermique extérieure du niveau habitation. Son profil en travers capte l'eau de ruissellement et son profil en long est censé permettre l'évacuation latérale de l'eau. L'absence de pente a fait que l'eau stagne dans cette sorte de gouttière. N'étant pas, vu sa longueur, constituée d'une seule pièce c'est par superposition des rivetages des éléments que se fait la continuité. Il est clair que l'eau s'infiltre au niveau notamment d'une des jonctions pour pénétrer dans l'immeuble et provoquer des dégâts dans le bureau et le salon. Il s'agit là d'une malfaçon : une bavette en zinc, soudée entre les éléments, pour assurer la continuité avec une pente dans le profil en long suffisante aurait permis une protection efficace et sans infiltrations dans la partie inférieure.
Une seconde cause explique, en plus de la première, les dégâts en allège dans le salon, c'est l'absence de bavette en appui de fenêtre pour protéger le retour horizontal de l'enduit recouvrant l'isolant. Conjuguée à un trou important sous la fenêtre il est clair que la pluie battante ne peut que pénétrer. Cette absence de bavette constitue là encore une malfaçon imputable à l'entreprise [E].
Ces désordres n'étaient pas visibles à la réception sauf peut-être le trou sous l'appui de fenêtre dont on ne connaît pas l'origine. »
Les désordres ainsi décrits, sans compromettre la solidité de l'ouvrage ni actuellement ni virtuellement sous réserve qu'ils se produisent dans le délai décennal d'épreuve, comme l'a pronostiqué l'expert, provoquent des phénomènes d'humidité, voire de percolation, à l'intérieur des locaux, rendant ceux-ci impropres à l'usage de leur destination. S'agissant du trou sous la fenêtre, dont l'expert indique qu'il pouvait être apparent à la réception, le constat qui en a été fait ne suffit cependant pas à évincer l'application de la garantie décennale dans la mesure où le dommage dont il pouvait être la cause n'était aucunement perceptible, le technicien ayant insisté sur le fait que le phénomène sinistrant ne se produisait que lors de fortes pluies.
Il s'ensuit que, s'agissant de l'entreprise [E], la garantie décennale des constructeurs est encourue pour l'ouvrage dont elle a assuré la réalisation.
* * *
La situation de la société Serplaste n'est pas justiciable de la même analyse. En effet, elle est spécialisée dans l'installation des fenêtres PVC. À ce titre, elle pourrait être soumise aux règles de la garantie biennale des constructeurs si ce type de fenêtre peut être qualifié d'élément d'équipement et s'il est également pourvu d'une fonction, et ce en application des dispositions de l'article 1792-3 précité.
Une fenêtre ne peut être qualifiée d'élément indissociable de la structure de gros-'uvre dans la mesure où elle ne fait pas corps avec l'ouvrage de support et peut-être démontée sans altérer la substance des murs dans lesquels elle est enchâssée. Étant un élément dissociable, le locateur d'ouvrage qui a procédé à son installation ne peut être recherché en garantie sur le fondement de la garantie biennale, voire décennale, qu'à la condition que la prestation soit délivrée dans le cadre d'un programme de construction associant divers corps de métiers sans que son intervention puisse être regardée comme étant réalisée sur un ouvrage existant. Dans ces conditions, celui-ci est redevable de la garantie biennale applicable aux seuls éléments d'équipement et sa garantie décennale ne peut être mobilisée que si les désordres de construction sont d'une ampleur suffisante pour déclencher cette garantie et que l'une des causes des désordres réside dans l'équipement litigieux. Mais de surcroît, n'étant pas un élément d'équipement fonctionnel, la garantie biennale de bon fonctionnement n'avait nulle vocation à s'appliquer au cas présent.
En revanche, si la fenêtre a été placée sur un ouvrage existant, le dommage qui l'affecte ne peut relever ni de la garantie biennale ni, à plus forte raison, de la garantie décennale des constructeurs et les désordres et malfaçons qui ont pu générer le désordre relèvent de la responsabilité contractuelle de droit commun. En effet, depuis l'arrêt de revirement mettant un terme à la jurisprudence antérieure qui étendait le régime de la garantie décennale aux désordres trouvant leur origine dans un équipement dissociable ou indissociable de la structure de gros 'uvre et sans égard pour le caractère existant ou non de celui-ci, les principes en vigueur antérieurement sont de nouveau applicables. Il s'en déduit, au cas présent, qu'il convient de déterminer, en premier lieu, si les fenêtres ont été installées sur un ouvrage existant ou bien si le service rendu par l'entrepreneur prenait place dans un chantier plus vaste dont il avait la charge en qualité de co-traitant.
Il y a lieu de relever, tout d'abord, que tant les travaux accomplis par M. [E] que ceux exécutés par la société Serplaste avaient pour objet la rénovation d'un immeuble déjà ancien. Cependant, il ressort des pièces de la procédure qu'aucune règle de coordination n'a présidé à l'accomplissement des missions dévolues à chacun des prestataires. Il est ainsi constant que l'entreprise [E] est intervenue la première puis la maîtresse d'ouvrage a fait appel à la société Serplaste pour procéder au remplacement des fenêtres. Il y a donc eu deux interventions successives par deux prestataires distincts ayant donné lieu à la livraison de deux types d'ouvrage indépendants l'un de l'autre et sans concertation entre les deux professionnels réalisateurs.
Il s'ensuit que la pose des fenêtres en PVC par la société Serplaste l'a été sur un ouvrage existant ce dont il se déduit que la responsabilité pour des désordres affectant l'immeuble ne peut être engagé que sur le terrain de la responsabilité contractuelle de droit commun des locateurs d'ouvrage. Celui-ci est tenu d'une obligation de faire qui se traduit par une obligation de résultat emportant à la fois présomption de faute et de causalité. Il lui incombe, en conséquence, d'administrer la preuve contraire propre à combattre ce double régime présomptif. Au cas présent, et quand bien même l'expert n'aurait caractérisé aucune faute imputable à la société Serplaste, celle-ci n'en supporte pas moins la charge de la preuve contraire et il lui incombe en conséquence d'établir l'absence de faute de sa part dans l'exécution de sa prestation.
Il s'évince des pièces du dossier que la société Serplaste a fourni et posé cinq menuiseries PVC, travaux qui ont été réceptionnés sans réserve le 18 septembre 2014. Elle est intervenue une deuxième fois sur site en 2018 pour le remplacement de joints souples dans les angles des fenêtres qui avaient favorisé le phénomène infiltrant. Un second procès-verbal de réception a donc été établi le 17 avril 2018.
Le premier juge, sur la base des conclusions de l'expert judiciaire, a prononcé la mise hors de cause de la société Serplaste en estimant qu'aucune faute d'exécution ne pouvait lui être imputée, qui ait joué un rôle causal dans la survenance des désordres. Toutefois, la responsabilité des locateurs d'ouvrage ne se limite pas à la réparation des conséquences dommageables d'un défaut d'exécution, de l'inachèvement des travaux ou d'une erreur de conception. En effet, celui-ci est tenu, de par les obligations inhérentes à son statut, de livrer un ouvrage exempt de vices impliquant, à ce titre, qu'il vérifie si les éléments d'équipement installés remplissent, en état de service, la fonction qui leur est assignée. Autrement dit, il demeure tenu d'un devoir de conseil en ce sens que sa prestation ne peut être délivrée qu'après vérification du contexte technique dans lequel elle est insérée (Cass. 3° Civ. 30 janvier 2008 n° 06-19.100). Dans cette optique, il est tenu de s'assurer que l'ouvrage de support n'est pas susceptible de provoquer des désordres ultérieurs et ce quand bien même aucun grief ne saurait lui être imputé quant aux conditions d'exécution de la prestation dont il est débiteur au titre du marché de travaux souscrit avec le maître d'ouvrage. En l'occurrence, il ne pouvait accomplir sa mission sans s'être au préalable assuré que l'équipement visant à l'isolation thermique du local installé par M. [E] n'était pas de nature à provoquer des désordres. Or, étant tenu d'une obligation de résultat, la survenance des désordres montre que ces diligences préalables n'ont pas été accomplies. Il lui incombait alors, et à tout le moins, de démontrer que cette défaillance dans l'exécution de son devoir de conseil résultait d'un cas fortuit ou, plus généralement, d'une cause étrangère. Il suit de là que, sur le fondement de la responsabilité contractuelle de droit commun, la société Serplaste est tenue de réparer des dommages dont se plaignent les maîtres de l'ouvrage. Le jugement sera donc infirmé sur ce point.
La condamnation pécuniaire à procéder aux travaux de réfection et de reprise, si elle devait intervenir, serait prononcée in solidum entre les deux entrepreneurs sans que la cour n'ait à statuer sur la part encourue par chacun d'eux dès l'instant où aucune action récursoire n'a été diligentée l'un à l'égard de l'autre.
* * *
Sur la garantie de l'assureur:
Pour dénier toute obligation de garantie vis-à-vis de son assuré, M. [E], la CAMBTP invoque une absence de déclaration de l'activité lors de la souscription et dans l'exercice de laquelle les vices de construction ont pris naissance. Le tribunal, bien que régulièrement saisi du moyen de non-garantie, a omis de se prononcer sur ce chef du litige et a rejeté l'action en rectification d'omission de statuer en estimant, à bon droit, que les moyens invoqués par l'assureur étaient de nature à modifier la nature et l'étendue des droits des parties telles que délimitées dans le dispositif du jugement rendu.
L'attestation d'assurance mentionne les indications suivantes :
« Activité déclarée :
' 2120 : ravalement y compris enduit plastique et pierres.
' 2130 : travaux d'enduit à base de liants hydrauliques projetés. »
Il convient de rappeler, en tout premier lieu, qu'en vertu des dispositions des articles L. 241- 1 et R. 243-2 du code des assurances, l'attestation d'assurance délivrée par l'assureur en responsabilité obligatoire, en ce qu'il est tenu d'une obligation d'information et de renseignement, doit être précise, notamment en ce qui concerne le secteur d'activité professionnelle de l'assuré. L'assureur est tenu de fournir au porteur d'assurance un document retraçant les informations précises sur le secteur d'activité professionnelle déclarée.
Il en résulte que l'assureur est tenu de fournir au souscripteur les éléments d'information suffisants lui permettant de satisafaire, sans risque d'équivoque, ses obligations déclaratives. Ainsi, si la nomenclature des activités à déclarer demeure imprécise ou si l'activité concernée ne comporte aucune restriction, l'assureur ne peut invoquer un défaut de garantie sur la base d'une omission du souscripteur, alors que celui-ci n'était pas en mesure de fournir loyalement les renseignements nécessaires à l'évaluation du risque. En l'occurrence, la nomenclature, qu'elle émane de l'INSEE ou d'une organisation professionnelle du secteur du bâtiment, n'est aucunement visée si bien que la juridiction n'est pas en mesure de contrôler si l'activité dont il est fait grief à l'entrepreneur intimé de ne pas l'avoir déclarée, était bien comprise dans l'énumération de la nomenclature et qu'il ne pouvait ignorer, dans ces conditions, que toute omission l'exposait à une sanction de non-garantie.
Au surplus, lorsque des désordres imputables au constructeur ne relèvent qu'en partie des secteurs d'activité déclarés, l'assureur de responsabilité doit garantir le paiement de la totalité des travaux nécessaires à la remise en état de l'ouvrage, dès lors que ceux couverts par la garantie souscrite ont contribué, pour l'essentiel, aux dommages matériels subis par le maître de l'ouvrage (Cass. 3° Civ. 4 juillet 2024 n° 23-10. 461.)
Au cas présent, la CAMBTP fait grief à son assuré de n'avoir pas déclaré l'activité de bardage si bien qu'elle s'estime fondée à refuser sa garantie pour la réparation des désordres de l'immeuble appartenant aux consorts [W].
Toutefois l'expert n'a pas identifié les travaux de bardage comme étant la cause exclusive des désordres affectant l'ouvrage. En effet, en ce qui concerne la fenêtre du grenier, les infiltrations sont dues à la défectuosité de pose de la sous-bavette installée par l'entreprise [E] pour protéger le bardage. Pour ce qui concerne le bureau, le facteur générateur du dommage réside dans le défaut d'exécution de pose d'une bavette métallique à mi-façade en partie basse du bardage faisant ainsi obstacle à la protection du retour horizontal formé par l'épaisseur de l'isolation thermique. Il s'en déduit que la cause génératrice des désordres réside dans la défaillance du constructeur dans l'installation et la pose d'éléments qui participent de la fonction d'isolation thermique. Il convient également de constater que la compagnie d'assurances appelante n'a aucunement critiqué, sur le terrain du manquement du souscripteur à ses obligations déclaratives, le fait que les bavettes métalliques, qui participent de l'ouvrage d'isolation thermique constituent des équipements dont la pose doit nécessairement faire l'objet d'une déclaration spécifique comme entrant dans le champ de prévision d'une rubrique spécifique de la nomenclature.
Il suit de là que l'exception de non-garantie ne saurait prospérer.
S'agissant de la couverture en garantie de l'activité de la société Serplaste, la CAMBTP en sa qualité d'assureur n'a dénié sa garantie qu'en raison du fait que les dommages litigieux n'étaient pas de nature à engager la garantie décennale de l'assuré. Aucun autre moyen n'a été excipé par celle-ci en vue de se soustraire à ses obligations de prise en charge. Or, aux termes des développements qui précèdent, la société Serplaste a été déclarée redevable d'une créance indemnitaire à l'égard des maîtres de l'ouvrage sur le terrain de la responsabilité contractuelle de droit commun. La police fait mention, au titre de l'étendue de la garantie souscrite, du risque relatif aux dommages survenus après réception sans spécifier leur nature et le régime de responsabilité ou de garantie dont ils relèvent.Elle a donc vocation à couvrir en garantie la responsabilité civile de droit commun de l'entreprise assurée, quelle que soit la nature des dommages, matériels et immatériels, pour lesquels son obligation à réparation a été reconnue.
Au surplus, ni les conditions générales de la police souscrite ni les conditions particulières ne stipulent, au titre des critères de mobilisation de la garantie, une quelconque restriction à l'obligation de couverture de l'assureur. Il s'ensuit que la CAMBTP sera tenue de relever et garantir la société Serplaste du montant des condamnations pécuniaires mises à sa charge.
* * *
Sur l'indemnisation :
L'expert judiciaire a évalué le coût des travaux de réfection et de reprise à la somme de 4552,70 euros TTC. Le tribunal a avalisé cette estimation en la complétant par le mécanisme d'indexation habituelle à savoir la référence à l'indice BT-01.
Les consorts [W] invitent la cour à majorer le montant de cette créance indemnitaire en se fondant sur un rapport d'expertise amiable dont il est sollicité l'homologation des conclusions. Mais ainsi que l'a relevé le premier juge, ce rapport amiable ne peut accéder à la perfection probatoire et être pris en considération au même titre qu'un rapport d'expertise judiciaire qu'à la condition d'avoir était soumis à la discussion entre les parties, d'une part, et d'être étayé par d'autres éléments extérieurs à ce rapport, d'autre part. Ces conditions, exigées depuis un arrêt de la chambre mixte de la Cour de cassation sont cumulatifs et non alternatifs. S'il est constant que ce rapport a été produit aux débats, satisfaisant donc au premièr critère d'opposabilité, il ne ressort pas des pièces de la procédure que les conclusionsde l'expert amiable soient étayées par d'autres éléments que le rapport lui-même et qu'aurait délaissés l'expert judiciaire. Le procès-verbal de constat d'huissier réalisé à l'initiative des maîtres de l'ouvrage fait état des mêmes désordres que ceux mis en évidence par l'expert judiciaire, de sorte qu'il ne peut constituer l'adjuvant indispensable à la prise en compte d'un rapport extrajudiciaire.
Dès lors, le jugement sera confirmé en ce qui concerne le montant liquidatif du préjudice matériel subi par les maîtres d'ouvrage.
S'agissant du préjudice de jouissance, l'expert judiciaire a produit les observations suivantes :
« les travaux de réfection tels que décrits ne généreront que peu de gêne pour les occupants
les désordres observés n'ont pas conduit à l'inévitabilité de l'habitation mais ont pu créer un inconfort certain en termes d'esthétique et d'humidité intérieure. »
Il s'en déduit que même de faible ampleur le préjudice de jouissance est une réalité pour les propriétaires du local, tant en ce qui concerne la gêne occasionnée par les désordres eux-mêmes que ceux consécutifs aux travaux de réfection et de reprise. Dès lors, le jugement sera infirmé sur ce point la cour fera une juste appréciation du quantum dû à ce titre en l'arbitrant la somme de 1 000 euros.
Il s'évince des stipulations de la police souscrite par M. [E] que la garantie ne s'étend pas aux dommages immatériels. En effet, le champ de la garantie souscrite ne comprend pas la réparation des préjudices extrapatrimoniaux, ce qui correspond aux conditions de la garantie souscrite et ne s'analyse donc pas en une exclusion de garantie. Ce chef de créance restera donc à la charge exclusive de l'entrepreneur.
À l'appui de la demande visant à l'indemnisation de leur préjudice moral, les consorts [W], tant à titre personnel que par représentation des droits détenus par leur mère défunte, ne prouvent ni n'offrent de prouver que les dommages affectant l'immeuble leur ont causé un préjudice extrapatrimonial distinct de celui déjà réparé au titre du préjudice de jouissance. C'est donc à juste titre que le premier juge des a déboutés ce chef de prétentions.
Sur les autres dispositions :
Le jugement déféré sera confirmé s'agissant des dépens et des frais irrépétibles.
Les dépens d'appel seront supportés, in solidum, par la CAMBTP, ès qualités d'assureur de M. [E] et de la société Serplaste, et par la société Serplaste, avec distraction au profit de Me Texeira aux offres de droit.
Il serait inéquitable de laisser à la charge des consorts [W] les frais exposés par eux dans le cadre de la présente instance et non compris dans les dépens à hauteur d'une somme de 1500 euros. La compagnie d'assurances CAMBTP, ès qualités d'assureur de M. [E] et de la société Serplaste, et la société Serplaste, contre qui une telle prétention a été dirigée, seront tenus in solidum, d'en acquitter le paiement à leur profit.
PAR CES MOTIFS
La cour statuant publiquement, par arrêt rendu par défaut, et après en avoir délibéré conformément à la loi :
' Confirme le jugement rendu le 23 janvier 2024 par le tribunal judiciaire de Besançon en ce qu'il a débouté M. [X] [W] et M. [C] [W] de leurs demandes au titre d'un préjudice moral, ainsi qu'en ses dispositions relatives aux dépens et aux frais irrépétibles.
' Confirme le jugement rendu le 18 juin 2024 par le tribunal judiciaire de Besançon rejetant la demande des consorts [W] en rectification d'omission de statuer.
Statuant à nouveau des chefs infirmés du jugement du 23 janvier 2024, et ajoutant :
' Déboute la CAMBTP de sa demande visant à opposer à son assuré, M. [J] [E] un refus de garantie tiré du défaut de déclaration de l'activité exercée lors de la souscription.
' Condamne, in solidum, M. [J] [E] et la CAMBTP son assureur, d'une part, et la SARL Serplaste et la CMABTP son assureur, d'autre part, à payer aux consorts [W] la somme de 4552,20 euros avec indexation suivant les variations de l'indice BT 01 référence étant prise à l'indice du mois de décembre 2020.
' Condamne, in solidum, la SARL Serplaste et son assureur la CMABTP et M. [J] [E] à payer aux consorts [W] la somme de 1 000 euros de dommages et intérêts au titre du préjudice de jouissance.
' Condamne in solidum la SARL Serplaste et la compagnie d'assurances CAMBTP à payer aux consorts [W] la somme de 1500 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
' Condamne, in solidum, la SARL Serplaste et la compagnie d'assurances CAMBTP auxdépens d'appel, avec distraction au profit de Maître Texeira aux offres de droit.
Le greffier, Le président,