CA Aix-en-Provence, ch. 1-1, 30 septembre 2025, n° 21/08092
AIX-EN-PROVENCE
Arrêt
Autre
COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE
Chambre 1-1
ARRÊT AU FOND
DU 30 SEPTEMBRE 2025
N° 2025/ 405
Rôle N° RG 21/08092 - N° Portalis DBVB-V-B7F-BHRT6
[K] [P]
[O] [P]
C/
[R] [F]
[W] [N] épouse [F]
Copie exécutoire délivrée
le :
à :
Me Jean-Philippe NOUIS
Me Laurent GAY
Décision déférée à la Cour :
Jugement du TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de [Localité 8] en date du 06 Mai 2021 enregistré au répertoire général sous le n° 18/08721.
APPELANTS
Monsieur [K] [P]
né le 16 mai 1980 à [Localité 9] (13), demeurant [Adresse 6]
Monsieur [O] [P]
né le 09 Août 1982 à [Localité 9] (13), demeurant [Adresse 1]
tous deux représentés par Me Jean-Philippe NOUIS de la SCP CABINET PIETRA & ASSOCIES, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE substitué par Me Aïda VARTANIAN, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE
INTIMES
Monsieur [R] [F]
né le 29 Avril 1979 à [Localité 12] (62), demeurant [Adresse 4]
Madame [W] [N] épouse [F]
née le 26 Mai 1982 à [Localité 9] (13), demeurant [Adresse 4]
tous deux représentés par Me Laurent GAY de la SELARL GIRAUD-GAY ET ASSOCIES, avocat au barreau de MARSEILLE
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
L'affaire a été débattue le 10 Juin 2025 en audience publique. Conformément à l'article 804 du code de procédure civile, Madame Catherine OUVREL, Conseillère, a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.
La Cour était composée de :
Madame Elisabeth TOULOUSE, Présidente de chambre
Madame Catherine OUVREL, Conseillère
Madame Fabienne ALLARD, Conseillère
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Mme Anastasia LAPIERRE.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 30 Septembre 2025.
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 30 Septembre 2025,
Signé par Madame Elisabeth TOULOUSE, Présidente de chambre et Mme Anastasia LAPIERRE, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
EXPOSÉ DU LITIGE
Le 5 avril 2017, M. [R] [F] et Mme [W] [N] épouse [F], ont fait l'acquisition auprès de MM. [K] et [O] [P] d'une maison à usage d'habitation située [Adresse 3] à [Localité 10], au prix de 225 000 euros.
La maison acquise par les époux [F] constitue le lot B d'un terrain lui-même issu de la division de deux lots A et B.
Le 21 avril 2017, un permis de construire a été délivré à un tiers, Mme [L] [Z], en vue de la construction d'une maison à usage d'habitation sur la parcelle du lot A voisine du bien acquis par les époux [F].
Le 1er juin 2018, les époux [F] reprochant aux vendeurs d'avoir transmis des informations erronées au moment de la vente sur les modalités de construction du lot voisin et l'application de l'ancien plan local d'urbanisme, ont sollicité des consorts [P] l'allocation de la somme de 30 000 euros en réparation de leur préjudice.
Par assignations délivrées le 7 décembre 2018 et le 4 janvier 2019, les époux [F] ont fait citer MM. [K] et [O] [P] devant le tribunal judiciaire de Draguignan, aux fins d'obtenir réparation de leurs préjudices sur le fondement des articles 1104, 1112-1, 1137 et suivants et 1178 du code civil.
Par jugement contradictoire du 6 mai 2021, le tribunal judiciaire de Draguignan a :
déclaré M. [K] [P] et M. [O] [P] responsables in solidum des préjudices subis par M. [R] [F] et Mme [W] [N] épouse [F] en raison des réticences dolosives lors de la formation du contrat de vente immobilière constaté par acte authentique du 5 avril 2017,
condamné in solidum M. [K] [P] et M. [O] [P] à payer à M. [R] [F] et Mme [W] [N] épouse [F] les sommes de :
15 000 euros au titre de la perte de valeur vénale du bien immobilier,
1 000 euros au titre de leur préjudice moral,
débouté M. [R] [F] et Mme [W] [N] épouse [F] de leur demande de réparation du préjudice de jouissance et du surplus de leurs demandes de réparation,
débouté M. [K] [P] et M. [O] [P] de leur demande de dommages et intérêts pour procédure abusive,
condamné in solidum M. [K] [P] et M. [O] [P] aux dépens de l'instance,
dit que les dépens seront distraits au profit de Maître Laurent Gay, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile,
condamné M. [K] [P] et M. [O] [P] à payer à M. [R] [F] et Mme [W] [N] épouse [F] la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
dit n'y avoir lieu à exécution provisoire,
rejeté le surplus des demandes,
rappelé que les condamnations au paiement d'une somme d'argent sont assorties d'intérêts au taux légal à compter du jugement.
Sur le fondement des articles 1137, 1138 et 1178 du code civil, le tribunal a retenu au regard des pièces versées aux débats, que les vendeurs ne pouvaient ignorer les modalités précises de construction du lot A voisin, ni l'intérêt déterminant de ces informations sur le consentement des époux [F]. En conséquence, le tribunal a dit la réticence dolosive caractérisée en l'espèce, sans qu'il y a lieu d'apprécier la demande subsidiaire relative au défaut d'information précontractuelle de l'article L1112-1 du code civil.
S'agissant des préjudices subis par les époux [F], le tribunal a limité le quantum des demandes formulées au titre de la perte de valeur vénale du bien immobilier, à raison de la perte de vue et de la perte de luminosité de leur bien, et du préjudice moral lié aux nombreuses démarches entreprises pour obtenir des informations. Il a également débouté les époux [F] de leur demande au titre du préjudice de jouissance, précisant à ce titre que les vendeurs, qui ne sont pas les propriétaires du fonds occasionnant les troubles de jouissance, ne pouvaient en être directement responsables.
Selon déclaration reçue au greffe le 1er juin 2021, MM. [K] et [O] [P] ont relevé appel de cette décision, l'appel portant sur toutes les dispositions du jugement déféré dûment reprises à l'exception de celles déboutant les époux [F] du surplus de leurs demandes et en ce qu'il a dit n'y avoir lieu à exécution provisoire.
Par dernières conclusions transmises le 19 janvier 2024, auxquelles il est renvoyé pour un plus ample exposé des prétentions et moyens, MM. [K] et [O] [P] demandent à la cour de :
confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a :
débouté les époux [F] de leur demande de réparation du préjudice de jouissance et du surplus de leurs demandes de réparation,
dit n'y avoir lieu à exécution provisoire,
infirmer le jugement pour le surplus,
Statuant à nouveau :
' débouter les époux [F] de toutes leurs demandes, y compris au titre de leur appel incident,
condamner in solidum les époux [F] à leur payer une somme de 6 000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive,
condamner in solidum les époux [F] à leur payer à chacun, une somme 6 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens avec distraction.
MM. [K] et [O] [P] soutiennent que les conditions cumulatives permettant la reconnaissance de l'existence d'une réticence dolosive ne sont pas réunies en l'espèce. Ils exposent à ce titre que les époux [F] avaient connaissance du projet de construction voisin avant la conclusion de la vente, ainsi que le prouvent les échanges SMS versés aux débats. Ils ajoutent que la circonstance selon laquelle leur père a la qualité d'adjoint à l'urbanisme ne permet pas d'affirmer qu'ils aient eu connaissance des modalités précises de construction du lot A et partant, qu'ils aient sciemment caché des informations déterminantes sur ce point, afin de vicier le consentement des époux [F]. Ils ajoutent que ces derniers avaient échangé directement avec la propriétaire du lot A, Mme [Z], du projet précis de construction dont ils étaient ainsi pleinement informés.
S'agissant du manquement allégué au devoir d'information, ils font valoir qu'ils ne sauraient être tenus responsables des prétendues manoeuvres commises par leur père, tiers au contrat et dont la matérialité n'est en tout état de cause pas établie. Ils ajoutent que les intimés avaient parfaitement connaissance avant la vente du projet de construction sur le lot A, dans son principe, son implantation, discutée avec la voisine, et son ampleur.
Ils considèrent en conséquence qu'en l'absence d'une faute, d'un préjudice, établi en son principe et son quantum, et d'un lien de causalité dont la preuve serait rapportée par les intimés, les conditions de mise en oeuvre de leur responsabilité ne sont pas réunies.
En termes de préjudices, ils contestent tout préjudice moral subi par les acheteurs, ainsi que toute perte de valeur vénale du bien. Ils s'opposent à toute indemnisation au titre du préjudice de jouissance dont ils indiquent, en tout état de cause, qu'ils ne sont pas l'origine directe.
Enfin, ils font valoir que la procédure initiée par les époux [F] en dépit de leur carence probatoire et en l'absence de toute faute commise revêt un caractère abusif de sorte qu'il y a lieu de faire application de l'article 32-1 du code de procédure civile.
Par dernières conclusions transmises le 26 octobre 2021, auxquelles il est envoyé pour un plus ample exposé des prétentions et moyens, les époux [F] sollicitent de la cour de :
' confirmer le jugement dont appel en ce qu'il a :
déclaré [K] [P] et [O] [P] responsables in solidum des préjudices subis par eux en raison des réticences dolosives lors de la formation du contrat de vente immobilière constaté par acte authentique du 5 avril 2017,
débouté M. [K] [P] et M. [O] [P] de leur demande de dommages et intérêts pour procédure abusive,
condamné in solidum [K] [P] et [O] [P] à leur payer des sommes de 15 000 euros au titre de la perte de valeur vénale du bien immobilier et de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
réformer le jugement pour le surplus,
Statuant à nouveau :
condamner in solidum MM. [K] et [O] [P] au paiement de la somme de 5 000 euros au titre de leur préjudice moral,
condamner in solidum MM. [K] et [O] [P] au paiement de la somme de 10 000 euros en réparation de leur préjudice de jouissance,
débouter MM. [K] et [O] [P] de leurs demandes,
condamner in solidum MM. [K] et [O] [P] à leur verser la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens, avec distraction.
Les époux [F] soutiennent que les appelants ont eu connaissance par leur père de la présence d'une division foncière et de la possibilité d'une construction voisine emportant application de l'ancien plan local d'urbanisme. Ils exposent que la rétention dolosive de ces informations déterminantes de leur consentement constitue un dol au sens de l'article 1137 du code civil et précisent sur ce point que les appelants, sur qui pèse la charge de la preuve de l'exécution de l'obligation d'information prévue par l'article 1112-1 du code civil, sont défaillants dans la démonstration d'une telle exécution. Ils font valoir, en conséquence, que les conditions de mise en oeuvre de la responsabilité des appelants sont réunies.
Sur les préjudices, les intimés estiment subir un trouble de jouissance ainsi qu'une dépréciation de la valeur vénale du bien directement imputables au dol commis. Ils ajoutent que ces troubles leur ont occasionné un préjudice moral conséquent qui ne saurait être indemnisé en deçà de 5 000 euros en raison de la gravité des préjudices subis.
Les époux [F] se défendent par ailleurs de toute procédure abusive au motif que les appelants ne caractérisent pas de circonstances particulières faisant dégénérer en un abus de droit l'action en justice exercée.
L'instruction de l'affaire a été close par ordonnance en date du 13 mai 2025.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur la demande des époux [F] envers leurs vendeurs
Les époux [F] tentent d'engager la responsabilité des consorts [P] à titre principal sur le fondement du dol, et, à titre subsidiaire, sur le fondement du défaut d'information pré-contractuelle prévue à l'article L 1112-1 du code civil.
Sur les réticences dolosives
En vertu de l'article 1137 du code civil, dans sa version applicable aux faits de l'espèce, le dol est le fait pour un contractant d'obtenir le consentement de l'autre par des man'uvres ou des mensonges. Constitue également un dol la dissimulation intentionnelle par l'un des contractants d'une information dont il sait le caractère déterminant pour l'autre partie.
En vertu de l'article 1138 du même code, le dol est également constitué s'il émane du représentant, gérant d'affaires, préposé ou porte-fort du contractant. Il l'est encore lorsqu'il émane d'un tiers de connivence.
Il résulte en l'occurrence du compromis du 20 décembre 2016 signé entre M. [K] [P] et M. [O] [P], vendeurs, d'une part, et M. [R] [F] et Mme [W] [N] épouse [F], acheteurs, d'autre part, ainsi que de l'acte de vente réitéré le 5 avril 2017 que ces derniers ont été avertis de ce que le bien par eux acquis, à savoir une maison à usage d'habitation avec terrain située [Adresse 5], à [Adresse 11], cadastrée B [Cadastre 7], d'une contenance de 6a80ca, provenait de la division de la parcelle B [Cadastre 2] de 10a80ca, en constituant le lot A. Il est en effet précisé que ce bien appartient aux consorts [P] par l'attribution qui leur en a été faite aux termes d'un acte de donation partage de leur père, M. [I] [P], et de leur mère, Mme [M] [T].
Il ressort, en outre, des SMS échangés en 2017 entre les parties, ainsi qu'entre les époux [F] et Mme [Z], tiers ayant acquis le terrain constituant le lot B issu de la division de la parcelle B [Cadastre 2], que les époux [F] étaient informés, préalablement à la réitération de la vente, de l'existence d'un projet de construction sur le lot B. Il est fait notamment état dans ce cadre d'une interrogation par M. [R] [F] quant à une construction à étage partiel, ce à quoi les appelants ont répondu que le permis de construire n'était pas consultable tant qu'il n'était pas accordé. Les intimés ne contestent d'ailleurs pas avoir été informés du projet de construction voisin. Cependant, il convient de déterminer leur degré d'information, et notamment, d'apprécier s'ils avaient connaissance de la réelle ampleur de cette construction, notamment dans le sens où elle pouvait atteindre 7 mètres au faîtage, et non seulement 5 mètres ainsi que le nouveau PLU l'autorisait.
La charge de la preuve de la délivrance d'une information complète et loyale aux acquéreurs incombe à M. [K] [P] et M. [O] [P].
Certes, Mme [Z] atteste, le 18 septembre 2017, de ce qu'elle a porté à la connaissance de M. [R] [F], le 4 avril 2017, son projet de construction, et en a même modifié l'implantation concernant le garage qui se trouvait sur les réseaux du lot A. Elle assure également lui avoir transmis les plans de masse de sa maison à construire. Toutefois, force est de relever que ces derniers ne sont pas produits, de sorte qu'il ne peut être déduit de cette seule attestation que la preuve est rapportée de la connaissance par les époux [F] de la teneur réelle de la construction voisine.
Par ailleurs, les pièces produites établissent, et notamment des pièces numérotées 19, 20, 21 et 22 des intimés, que M. [I] [P], père des appelants et propriétaire antérieur des parcelles en cause, a lui-même procédé au dépôt d'une déclaration préalable en vue de la création d'un lot à bâtir sur la parcelle B [Cadastre 2] le 24 juillet 2012, conformément au PLU ancien alors applicable, et autorisant une construction en R+1, avec 7 mètres au faîtage, ainsi qu'une implantation à une distance séparative inférieure à 6,50 mètres, les services de l'urbanisme émettant alors un avis favorable.
Or, il appert que le PLU de la commune de [Localité 10] a été modifié précisément le 24 juillet 2012, puis le 24 janvier 2014 et le 30 mars 2015, ne permettant plus désormais dans la zone concernée que la construction de maisons de plain pied, présentant au maximum 5 mètres au faîtage.
Ces éléments relatifs à la chronologie du permis de construire accordé sur le lot A n'ont été portés à la connaissance de M. [R] [F] et de Mme [W] [N] épouse [F] qu'après leur propre acquisition.
Il est établi que M. [I] [P] est élu à la mairie de [Localité 10], occupant précisément le poste d'adjoint délégué à l'urbanisme.
Or, précisément, le 21 avril 2017, c'est M. [I] [P] qui, au nom du maire, a accordé à Mme [Z] son permis de construire sur la base et conformément à la DP de division accordée le 24 juillet 2012, donc lui imposant de respecter le PLU de 2011, et non le PLU depuis modifié.
Les appelants ne sauraient éluder le rôle de leur père dans la division cadastrale et les ventes intervenues alors que ce dernier est le propriétaire du fonds d'origine, dont il a fait donation concomitamment à la vente par M. [K] [P] et M. [O] [P] des terrains, et alors que lui-même, en qualité d'adjoint au maire, a délivré le permis de construire litigieux qui a pu conserver sa teneur à raison des démarches entreprises par M. [I] [P] à cette fin dès 2012. De plus, il est avéré que M. [I] [P] était présent lors des visites du bien par les époux [F]. La mère de Mme [W] [N] épouse [F] atteste en outre le 25 février 2018 que M. [I] [P] a assuré à sa fille et son gendre, lors de la visite du 17 novembre 2016, que seule une construction d'un immeuble de plain pieds pourrait être édifiée sur la parcelle voisine.
Il appert encore que M. [I] [P] a également représenté ses fils, M. [K] [P] et M. [O] [P], lors de la réitération de la vente du 5 avril 2017 devant le notaire, en vertu de pouvoirs par eux délivrés à cette fin les 12 et 17 décembre 2016.
Il est ainsi avéré que M. [I] [P] a eu un rôle prépondérant dans la vente en cause. Il est également établi que les vendeurs directement, et à l'aide de leur père, avaient une parfaite connaissance du type de construction susceptible d'être édifiée sur le lot A, parcelle voisine de celle acquise par les époux [F].
En revanche, s'il est acquis que ces derniers savaient que le terrain voisin donnerait lieu à l'édification d'une maison, il n'est aucunement démontré que l'information leur a été transmise de ce qu'il s'agirait d'une maison avec étage. Au contraire, plusieurs éléments corroborent le fait que cette information connue des vendeurs leur a été délibérément tue par eux.
La charge de la preuve ne saurait être inversée en ce sens qu'il n'appartenait pas à M. [R] [F] et Mme [W] [N] épouse [F] de se renseigner plus précisément qu'ils ne l'ont fait sur le PLU applicable et sur le respect induit des règles d'urbanisme par la construction envisagée par Mme [Z], ce d'autant qu'eux mêmes étaient, pour leur part, soumis au PLU modifié en 2014.
Or, il résulte des échanges entre les parties, des démarches entreprises par M. [R] [F] et Mme [W] [N] épouse [F], ainsi que des questionnements retranscrits, que cette information était un point déterminant de leur consentement compte tenu de l'impact d'une construction à étage sur la parcelle voisine de leur habitation, eu égard à la proximité de son implantation et à la dimension des parcelles concernées. Or, M. [K] [P] et M. [O] [P] en étaient informés, puisqu'ayant été à plusieurs reprises questionnés à ce titre par les intimés avant la vente.
Dans ces conditions, il apparaît qu'est caractérisé le dol commis par M. [K] [P] et M. [O] [P], à l'aide de leur père, M. [I] [P], tiers de connivence, contre M. [R] [F] et Mme [W] [N] épouse [F] dans le cadre de la vente de la parcelle B [Cadastre 7] en date du 5 avril 2017. Dès lors, c'est à juste titre que le premier juge a retenu la responsabilité de M. [K] [P] et M. [O] [P] ; la décision sera confirmée à ce titre.
Sur les préjudices subis
Par application de l'article 1178 du code civil, un contrat qui ne remplit pas les conditions requises pour sa validité est nul. La nullité doit être prononcée par le juge, à moins que les parties ne la constatent d'un commun accord. Le contrat annulé est censé n'avoir jamais existé.
Indépendamment de l'annulation du contrat, la partie lésée peut demander réparation du dommage subi dans les conditions du droit commun de la responsabilité extracontractuelle.
M. [R] [F] et Mme [W] [N] épouse [F] sollicitent, tout d'abord, l'indemnisation de leur préjudice moral. Il est indéniable que la rétention d'informations dont M. [K] [P] et M. [O] [P] se sont rendus coupables leur a incontestablement causé un préjudice moral, dès lors que c'est à eux qu'a incombé la charge de la prise de risque de la mise en oeuvre de la présente procédure. De même, c'est eux qui ont dû effectuer de nombreuses démarches pour se renseigner et obtenir l'intégralité des informations relatives à la construction à intervenir sur le lot voisin. Ainsi, depuis 2017, les intimés justifient de nombreuses actions en ce sens. Par ailleurs, M. [R] [F] et Mme [W] [N] épouse [F] ont nécessairement pu se sentir trompés et floués par leurs vendeurs, ce qui leur cause un préjudice. M. [R] [F] justifie d'ailleurs d'un certificat médical faisant état chez lui d'un état de stress datant d'octobre 2017, soit concomitamment à la découverte des impacts de la construction édifiée sur la parcelle voisine. Ainsi, la décision entreprise doit être confirmée en ce qu'elle a retenu l'existence d'un préjudice moral souffert par M. [R] [F] et Mme [W] [N] épouse [F], mais réformée en son quantum, celui-ci devant être porté à 5 000 euros, eu égard aux préjudices soufferts et qui se poursuivent dans le cadre de l'appel intenté par M. [K] [P] et M. [O] [P].
Par ailleurs, M. [R] [F] et Mme [W] [N] épouse [F] sollicitent l'indemnisation de leur préjudice issue de la perte de valeur vénale du bien. Il est établi que l'acquisition a eu lieu au prix de 225 000 euros. Il est justifié d'une attestation de valeur immobilière en date du 15 mars 2017 concernant le bien en cause correspondant à une valeur nette vendeur de 250 000 à 270 000 euros. M. [R] [F] et Mme [W] [N] épouse [F] produisent des photographies et constats dressés par un commissaire de justice démontrant à l'évidence les nuisances causées en termes de vues et de perte de luminosité dans leur bien à raison de l'édification d'une maison à étage sur la parcelle voisine. Le premier juge a évalué la perte de valeur à la somme de 15 000 euros, montant non contesté par les intimés. Sur ce point, la décision entreprise sera confirmée.
Enfin, s'agissant du préjudice de jouissance invoqué par M. [R] [F] et Mme [W] [N] épouse [F], il convient de relever que celui-ci n'est pas en lien direct avec le dol imputé à M. [K] [P] et M. [O] [P] mais résulte de l'édification par le voisin de la maison à étage. Faute de lien direct entre les réticences dolosives et ce préjudice imputable au propriétaire du fonds concerné, il ne peut être fait droit à cette demande des époux [F]. A ce titre, la décision entreprise sera également confirmée.
Sur la demande de dommages et intérêts pour procédure abusive
Par application de l'article 32-1 du code de procédure civile, celui qui agit en justice de manière dilatoire ou abusive peut être condamné une amende civile sans préjudice des dommages et intérêts qui seraient réclamés.
L'action des intimés s'avèrent largement bienfondée.
Aucun abus de procédure n'est dès lors démontré de leur part et il convient de rejeter la prétention émise à ce titre par M. [K] [P] et M. [O] [P]. La décision entreprise sera confirmée.
Sur l'article 700 du code de procédure civile et les dépens
M. [K] [P] et M. [O] [P] qui succombent au litige, supporteront les dépens de première instance et d'appel. En outre, l'indemnité à laquelle ils sont été condamnés en première instance au titre des frais irrépétibles sera confirmée, et, une indemnité supplémentaire globale de 3 000 euros sera mise à leur charge au bénéfice de M. [R] [F] et Mme [W] [N] épouse [F], sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, en considération de l'équité et de la situation économique respectives des parties.
PAR CES MOTIFS
La cour,
Infirme le jugement entrepris en ce qu'il a condamné in solidum M. [K] [P] et M. [O] [P] à payer à M. [R] [F] et Mme [W] [N] épouse [F] la somme de 1 000 euros au titre de leur préjudice moral,
Confirme le jugement entrepris en toutes ses autres dispositions soumises à la cour,
Statuant à nouveau du seul chef infirmé et y ajoutant :
Condamne in solidum M. [K] [P] et M. [O] [P] à payer à M. [R] [F] et Mme [W] [N] épouse [F] la somme de 5 000 euros au titre de leur préjudice moral,
Condamne in solidum M. [K] [P] et M. [O] [P] au paiement des dépens, qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile,
Condamne in solidum M. [K] [P] et M. [O] [P] à payer à M. [R] [F] et Mme [W] [N] épouse [F] la somme globale de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
Déboute M. [K] [P] et M. [O] [P] de leur demande sur ce même fondement.
La Greffière La Présidente
Chambre 1-1
ARRÊT AU FOND
DU 30 SEPTEMBRE 2025
N° 2025/ 405
Rôle N° RG 21/08092 - N° Portalis DBVB-V-B7F-BHRT6
[K] [P]
[O] [P]
C/
[R] [F]
[W] [N] épouse [F]
Copie exécutoire délivrée
le :
à :
Me Jean-Philippe NOUIS
Me Laurent GAY
Décision déférée à la Cour :
Jugement du TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de [Localité 8] en date du 06 Mai 2021 enregistré au répertoire général sous le n° 18/08721.
APPELANTS
Monsieur [K] [P]
né le 16 mai 1980 à [Localité 9] (13), demeurant [Adresse 6]
Monsieur [O] [P]
né le 09 Août 1982 à [Localité 9] (13), demeurant [Adresse 1]
tous deux représentés par Me Jean-Philippe NOUIS de la SCP CABINET PIETRA & ASSOCIES, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE substitué par Me Aïda VARTANIAN, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE
INTIMES
Monsieur [R] [F]
né le 29 Avril 1979 à [Localité 12] (62), demeurant [Adresse 4]
Madame [W] [N] épouse [F]
née le 26 Mai 1982 à [Localité 9] (13), demeurant [Adresse 4]
tous deux représentés par Me Laurent GAY de la SELARL GIRAUD-GAY ET ASSOCIES, avocat au barreau de MARSEILLE
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COMPOSITION DE LA COUR
L'affaire a été débattue le 10 Juin 2025 en audience publique. Conformément à l'article 804 du code de procédure civile, Madame Catherine OUVREL, Conseillère, a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.
La Cour était composée de :
Madame Elisabeth TOULOUSE, Présidente de chambre
Madame Catherine OUVREL, Conseillère
Madame Fabienne ALLARD, Conseillère
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Mme Anastasia LAPIERRE.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 30 Septembre 2025.
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 30 Septembre 2025,
Signé par Madame Elisabeth TOULOUSE, Présidente de chambre et Mme Anastasia LAPIERRE, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
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EXPOSÉ DU LITIGE
Le 5 avril 2017, M. [R] [F] et Mme [W] [N] épouse [F], ont fait l'acquisition auprès de MM. [K] et [O] [P] d'une maison à usage d'habitation située [Adresse 3] à [Localité 10], au prix de 225 000 euros.
La maison acquise par les époux [F] constitue le lot B d'un terrain lui-même issu de la division de deux lots A et B.
Le 21 avril 2017, un permis de construire a été délivré à un tiers, Mme [L] [Z], en vue de la construction d'une maison à usage d'habitation sur la parcelle du lot A voisine du bien acquis par les époux [F].
Le 1er juin 2018, les époux [F] reprochant aux vendeurs d'avoir transmis des informations erronées au moment de la vente sur les modalités de construction du lot voisin et l'application de l'ancien plan local d'urbanisme, ont sollicité des consorts [P] l'allocation de la somme de 30 000 euros en réparation de leur préjudice.
Par assignations délivrées le 7 décembre 2018 et le 4 janvier 2019, les époux [F] ont fait citer MM. [K] et [O] [P] devant le tribunal judiciaire de Draguignan, aux fins d'obtenir réparation de leurs préjudices sur le fondement des articles 1104, 1112-1, 1137 et suivants et 1178 du code civil.
Par jugement contradictoire du 6 mai 2021, le tribunal judiciaire de Draguignan a :
déclaré M. [K] [P] et M. [O] [P] responsables in solidum des préjudices subis par M. [R] [F] et Mme [W] [N] épouse [F] en raison des réticences dolosives lors de la formation du contrat de vente immobilière constaté par acte authentique du 5 avril 2017,
condamné in solidum M. [K] [P] et M. [O] [P] à payer à M. [R] [F] et Mme [W] [N] épouse [F] les sommes de :
15 000 euros au titre de la perte de valeur vénale du bien immobilier,
1 000 euros au titre de leur préjudice moral,
débouté M. [R] [F] et Mme [W] [N] épouse [F] de leur demande de réparation du préjudice de jouissance et du surplus de leurs demandes de réparation,
débouté M. [K] [P] et M. [O] [P] de leur demande de dommages et intérêts pour procédure abusive,
condamné in solidum M. [K] [P] et M. [O] [P] aux dépens de l'instance,
dit que les dépens seront distraits au profit de Maître Laurent Gay, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile,
condamné M. [K] [P] et M. [O] [P] à payer à M. [R] [F] et Mme [W] [N] épouse [F] la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
dit n'y avoir lieu à exécution provisoire,
rejeté le surplus des demandes,
rappelé que les condamnations au paiement d'une somme d'argent sont assorties d'intérêts au taux légal à compter du jugement.
Sur le fondement des articles 1137, 1138 et 1178 du code civil, le tribunal a retenu au regard des pièces versées aux débats, que les vendeurs ne pouvaient ignorer les modalités précises de construction du lot A voisin, ni l'intérêt déterminant de ces informations sur le consentement des époux [F]. En conséquence, le tribunal a dit la réticence dolosive caractérisée en l'espèce, sans qu'il y a lieu d'apprécier la demande subsidiaire relative au défaut d'information précontractuelle de l'article L1112-1 du code civil.
S'agissant des préjudices subis par les époux [F], le tribunal a limité le quantum des demandes formulées au titre de la perte de valeur vénale du bien immobilier, à raison de la perte de vue et de la perte de luminosité de leur bien, et du préjudice moral lié aux nombreuses démarches entreprises pour obtenir des informations. Il a également débouté les époux [F] de leur demande au titre du préjudice de jouissance, précisant à ce titre que les vendeurs, qui ne sont pas les propriétaires du fonds occasionnant les troubles de jouissance, ne pouvaient en être directement responsables.
Selon déclaration reçue au greffe le 1er juin 2021, MM. [K] et [O] [P] ont relevé appel de cette décision, l'appel portant sur toutes les dispositions du jugement déféré dûment reprises à l'exception de celles déboutant les époux [F] du surplus de leurs demandes et en ce qu'il a dit n'y avoir lieu à exécution provisoire.
Par dernières conclusions transmises le 19 janvier 2024, auxquelles il est renvoyé pour un plus ample exposé des prétentions et moyens, MM. [K] et [O] [P] demandent à la cour de :
confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a :
débouté les époux [F] de leur demande de réparation du préjudice de jouissance et du surplus de leurs demandes de réparation,
dit n'y avoir lieu à exécution provisoire,
infirmer le jugement pour le surplus,
Statuant à nouveau :
' débouter les époux [F] de toutes leurs demandes, y compris au titre de leur appel incident,
condamner in solidum les époux [F] à leur payer une somme de 6 000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive,
condamner in solidum les époux [F] à leur payer à chacun, une somme 6 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens avec distraction.
MM. [K] et [O] [P] soutiennent que les conditions cumulatives permettant la reconnaissance de l'existence d'une réticence dolosive ne sont pas réunies en l'espèce. Ils exposent à ce titre que les époux [F] avaient connaissance du projet de construction voisin avant la conclusion de la vente, ainsi que le prouvent les échanges SMS versés aux débats. Ils ajoutent que la circonstance selon laquelle leur père a la qualité d'adjoint à l'urbanisme ne permet pas d'affirmer qu'ils aient eu connaissance des modalités précises de construction du lot A et partant, qu'ils aient sciemment caché des informations déterminantes sur ce point, afin de vicier le consentement des époux [F]. Ils ajoutent que ces derniers avaient échangé directement avec la propriétaire du lot A, Mme [Z], du projet précis de construction dont ils étaient ainsi pleinement informés.
S'agissant du manquement allégué au devoir d'information, ils font valoir qu'ils ne sauraient être tenus responsables des prétendues manoeuvres commises par leur père, tiers au contrat et dont la matérialité n'est en tout état de cause pas établie. Ils ajoutent que les intimés avaient parfaitement connaissance avant la vente du projet de construction sur le lot A, dans son principe, son implantation, discutée avec la voisine, et son ampleur.
Ils considèrent en conséquence qu'en l'absence d'une faute, d'un préjudice, établi en son principe et son quantum, et d'un lien de causalité dont la preuve serait rapportée par les intimés, les conditions de mise en oeuvre de leur responsabilité ne sont pas réunies.
En termes de préjudices, ils contestent tout préjudice moral subi par les acheteurs, ainsi que toute perte de valeur vénale du bien. Ils s'opposent à toute indemnisation au titre du préjudice de jouissance dont ils indiquent, en tout état de cause, qu'ils ne sont pas l'origine directe.
Enfin, ils font valoir que la procédure initiée par les époux [F] en dépit de leur carence probatoire et en l'absence de toute faute commise revêt un caractère abusif de sorte qu'il y a lieu de faire application de l'article 32-1 du code de procédure civile.
Par dernières conclusions transmises le 26 octobre 2021, auxquelles il est envoyé pour un plus ample exposé des prétentions et moyens, les époux [F] sollicitent de la cour de :
' confirmer le jugement dont appel en ce qu'il a :
déclaré [K] [P] et [O] [P] responsables in solidum des préjudices subis par eux en raison des réticences dolosives lors de la formation du contrat de vente immobilière constaté par acte authentique du 5 avril 2017,
débouté M. [K] [P] et M. [O] [P] de leur demande de dommages et intérêts pour procédure abusive,
condamné in solidum [K] [P] et [O] [P] à leur payer des sommes de 15 000 euros au titre de la perte de valeur vénale du bien immobilier et de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
réformer le jugement pour le surplus,
Statuant à nouveau :
condamner in solidum MM. [K] et [O] [P] au paiement de la somme de 5 000 euros au titre de leur préjudice moral,
condamner in solidum MM. [K] et [O] [P] au paiement de la somme de 10 000 euros en réparation de leur préjudice de jouissance,
débouter MM. [K] et [O] [P] de leurs demandes,
condamner in solidum MM. [K] et [O] [P] à leur verser la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens, avec distraction.
Les époux [F] soutiennent que les appelants ont eu connaissance par leur père de la présence d'une division foncière et de la possibilité d'une construction voisine emportant application de l'ancien plan local d'urbanisme. Ils exposent que la rétention dolosive de ces informations déterminantes de leur consentement constitue un dol au sens de l'article 1137 du code civil et précisent sur ce point que les appelants, sur qui pèse la charge de la preuve de l'exécution de l'obligation d'information prévue par l'article 1112-1 du code civil, sont défaillants dans la démonstration d'une telle exécution. Ils font valoir, en conséquence, que les conditions de mise en oeuvre de la responsabilité des appelants sont réunies.
Sur les préjudices, les intimés estiment subir un trouble de jouissance ainsi qu'une dépréciation de la valeur vénale du bien directement imputables au dol commis. Ils ajoutent que ces troubles leur ont occasionné un préjudice moral conséquent qui ne saurait être indemnisé en deçà de 5 000 euros en raison de la gravité des préjudices subis.
Les époux [F] se défendent par ailleurs de toute procédure abusive au motif que les appelants ne caractérisent pas de circonstances particulières faisant dégénérer en un abus de droit l'action en justice exercée.
L'instruction de l'affaire a été close par ordonnance en date du 13 mai 2025.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur la demande des époux [F] envers leurs vendeurs
Les époux [F] tentent d'engager la responsabilité des consorts [P] à titre principal sur le fondement du dol, et, à titre subsidiaire, sur le fondement du défaut d'information pré-contractuelle prévue à l'article L 1112-1 du code civil.
Sur les réticences dolosives
En vertu de l'article 1137 du code civil, dans sa version applicable aux faits de l'espèce, le dol est le fait pour un contractant d'obtenir le consentement de l'autre par des man'uvres ou des mensonges. Constitue également un dol la dissimulation intentionnelle par l'un des contractants d'une information dont il sait le caractère déterminant pour l'autre partie.
En vertu de l'article 1138 du même code, le dol est également constitué s'il émane du représentant, gérant d'affaires, préposé ou porte-fort du contractant. Il l'est encore lorsqu'il émane d'un tiers de connivence.
Il résulte en l'occurrence du compromis du 20 décembre 2016 signé entre M. [K] [P] et M. [O] [P], vendeurs, d'une part, et M. [R] [F] et Mme [W] [N] épouse [F], acheteurs, d'autre part, ainsi que de l'acte de vente réitéré le 5 avril 2017 que ces derniers ont été avertis de ce que le bien par eux acquis, à savoir une maison à usage d'habitation avec terrain située [Adresse 5], à [Adresse 11], cadastrée B [Cadastre 7], d'une contenance de 6a80ca, provenait de la division de la parcelle B [Cadastre 2] de 10a80ca, en constituant le lot A. Il est en effet précisé que ce bien appartient aux consorts [P] par l'attribution qui leur en a été faite aux termes d'un acte de donation partage de leur père, M. [I] [P], et de leur mère, Mme [M] [T].
Il ressort, en outre, des SMS échangés en 2017 entre les parties, ainsi qu'entre les époux [F] et Mme [Z], tiers ayant acquis le terrain constituant le lot B issu de la division de la parcelle B [Cadastre 2], que les époux [F] étaient informés, préalablement à la réitération de la vente, de l'existence d'un projet de construction sur le lot B. Il est fait notamment état dans ce cadre d'une interrogation par M. [R] [F] quant à une construction à étage partiel, ce à quoi les appelants ont répondu que le permis de construire n'était pas consultable tant qu'il n'était pas accordé. Les intimés ne contestent d'ailleurs pas avoir été informés du projet de construction voisin. Cependant, il convient de déterminer leur degré d'information, et notamment, d'apprécier s'ils avaient connaissance de la réelle ampleur de cette construction, notamment dans le sens où elle pouvait atteindre 7 mètres au faîtage, et non seulement 5 mètres ainsi que le nouveau PLU l'autorisait.
La charge de la preuve de la délivrance d'une information complète et loyale aux acquéreurs incombe à M. [K] [P] et M. [O] [P].
Certes, Mme [Z] atteste, le 18 septembre 2017, de ce qu'elle a porté à la connaissance de M. [R] [F], le 4 avril 2017, son projet de construction, et en a même modifié l'implantation concernant le garage qui se trouvait sur les réseaux du lot A. Elle assure également lui avoir transmis les plans de masse de sa maison à construire. Toutefois, force est de relever que ces derniers ne sont pas produits, de sorte qu'il ne peut être déduit de cette seule attestation que la preuve est rapportée de la connaissance par les époux [F] de la teneur réelle de la construction voisine.
Par ailleurs, les pièces produites établissent, et notamment des pièces numérotées 19, 20, 21 et 22 des intimés, que M. [I] [P], père des appelants et propriétaire antérieur des parcelles en cause, a lui-même procédé au dépôt d'une déclaration préalable en vue de la création d'un lot à bâtir sur la parcelle B [Cadastre 2] le 24 juillet 2012, conformément au PLU ancien alors applicable, et autorisant une construction en R+1, avec 7 mètres au faîtage, ainsi qu'une implantation à une distance séparative inférieure à 6,50 mètres, les services de l'urbanisme émettant alors un avis favorable.
Or, il appert que le PLU de la commune de [Localité 10] a été modifié précisément le 24 juillet 2012, puis le 24 janvier 2014 et le 30 mars 2015, ne permettant plus désormais dans la zone concernée que la construction de maisons de plain pied, présentant au maximum 5 mètres au faîtage.
Ces éléments relatifs à la chronologie du permis de construire accordé sur le lot A n'ont été portés à la connaissance de M. [R] [F] et de Mme [W] [N] épouse [F] qu'après leur propre acquisition.
Il est établi que M. [I] [P] est élu à la mairie de [Localité 10], occupant précisément le poste d'adjoint délégué à l'urbanisme.
Or, précisément, le 21 avril 2017, c'est M. [I] [P] qui, au nom du maire, a accordé à Mme [Z] son permis de construire sur la base et conformément à la DP de division accordée le 24 juillet 2012, donc lui imposant de respecter le PLU de 2011, et non le PLU depuis modifié.
Les appelants ne sauraient éluder le rôle de leur père dans la division cadastrale et les ventes intervenues alors que ce dernier est le propriétaire du fonds d'origine, dont il a fait donation concomitamment à la vente par M. [K] [P] et M. [O] [P] des terrains, et alors que lui-même, en qualité d'adjoint au maire, a délivré le permis de construire litigieux qui a pu conserver sa teneur à raison des démarches entreprises par M. [I] [P] à cette fin dès 2012. De plus, il est avéré que M. [I] [P] était présent lors des visites du bien par les époux [F]. La mère de Mme [W] [N] épouse [F] atteste en outre le 25 février 2018 que M. [I] [P] a assuré à sa fille et son gendre, lors de la visite du 17 novembre 2016, que seule une construction d'un immeuble de plain pieds pourrait être édifiée sur la parcelle voisine.
Il appert encore que M. [I] [P] a également représenté ses fils, M. [K] [P] et M. [O] [P], lors de la réitération de la vente du 5 avril 2017 devant le notaire, en vertu de pouvoirs par eux délivrés à cette fin les 12 et 17 décembre 2016.
Il est ainsi avéré que M. [I] [P] a eu un rôle prépondérant dans la vente en cause. Il est également établi que les vendeurs directement, et à l'aide de leur père, avaient une parfaite connaissance du type de construction susceptible d'être édifiée sur le lot A, parcelle voisine de celle acquise par les époux [F].
En revanche, s'il est acquis que ces derniers savaient que le terrain voisin donnerait lieu à l'édification d'une maison, il n'est aucunement démontré que l'information leur a été transmise de ce qu'il s'agirait d'une maison avec étage. Au contraire, plusieurs éléments corroborent le fait que cette information connue des vendeurs leur a été délibérément tue par eux.
La charge de la preuve ne saurait être inversée en ce sens qu'il n'appartenait pas à M. [R] [F] et Mme [W] [N] épouse [F] de se renseigner plus précisément qu'ils ne l'ont fait sur le PLU applicable et sur le respect induit des règles d'urbanisme par la construction envisagée par Mme [Z], ce d'autant qu'eux mêmes étaient, pour leur part, soumis au PLU modifié en 2014.
Or, il résulte des échanges entre les parties, des démarches entreprises par M. [R] [F] et Mme [W] [N] épouse [F], ainsi que des questionnements retranscrits, que cette information était un point déterminant de leur consentement compte tenu de l'impact d'une construction à étage sur la parcelle voisine de leur habitation, eu égard à la proximité de son implantation et à la dimension des parcelles concernées. Or, M. [K] [P] et M. [O] [P] en étaient informés, puisqu'ayant été à plusieurs reprises questionnés à ce titre par les intimés avant la vente.
Dans ces conditions, il apparaît qu'est caractérisé le dol commis par M. [K] [P] et M. [O] [P], à l'aide de leur père, M. [I] [P], tiers de connivence, contre M. [R] [F] et Mme [W] [N] épouse [F] dans le cadre de la vente de la parcelle B [Cadastre 7] en date du 5 avril 2017. Dès lors, c'est à juste titre que le premier juge a retenu la responsabilité de M. [K] [P] et M. [O] [P] ; la décision sera confirmée à ce titre.
Sur les préjudices subis
Par application de l'article 1178 du code civil, un contrat qui ne remplit pas les conditions requises pour sa validité est nul. La nullité doit être prononcée par le juge, à moins que les parties ne la constatent d'un commun accord. Le contrat annulé est censé n'avoir jamais existé.
Indépendamment de l'annulation du contrat, la partie lésée peut demander réparation du dommage subi dans les conditions du droit commun de la responsabilité extracontractuelle.
M. [R] [F] et Mme [W] [N] épouse [F] sollicitent, tout d'abord, l'indemnisation de leur préjudice moral. Il est indéniable que la rétention d'informations dont M. [K] [P] et M. [O] [P] se sont rendus coupables leur a incontestablement causé un préjudice moral, dès lors que c'est à eux qu'a incombé la charge de la prise de risque de la mise en oeuvre de la présente procédure. De même, c'est eux qui ont dû effectuer de nombreuses démarches pour se renseigner et obtenir l'intégralité des informations relatives à la construction à intervenir sur le lot voisin. Ainsi, depuis 2017, les intimés justifient de nombreuses actions en ce sens. Par ailleurs, M. [R] [F] et Mme [W] [N] épouse [F] ont nécessairement pu se sentir trompés et floués par leurs vendeurs, ce qui leur cause un préjudice. M. [R] [F] justifie d'ailleurs d'un certificat médical faisant état chez lui d'un état de stress datant d'octobre 2017, soit concomitamment à la découverte des impacts de la construction édifiée sur la parcelle voisine. Ainsi, la décision entreprise doit être confirmée en ce qu'elle a retenu l'existence d'un préjudice moral souffert par M. [R] [F] et Mme [W] [N] épouse [F], mais réformée en son quantum, celui-ci devant être porté à 5 000 euros, eu égard aux préjudices soufferts et qui se poursuivent dans le cadre de l'appel intenté par M. [K] [P] et M. [O] [P].
Par ailleurs, M. [R] [F] et Mme [W] [N] épouse [F] sollicitent l'indemnisation de leur préjudice issue de la perte de valeur vénale du bien. Il est établi que l'acquisition a eu lieu au prix de 225 000 euros. Il est justifié d'une attestation de valeur immobilière en date du 15 mars 2017 concernant le bien en cause correspondant à une valeur nette vendeur de 250 000 à 270 000 euros. M. [R] [F] et Mme [W] [N] épouse [F] produisent des photographies et constats dressés par un commissaire de justice démontrant à l'évidence les nuisances causées en termes de vues et de perte de luminosité dans leur bien à raison de l'édification d'une maison à étage sur la parcelle voisine. Le premier juge a évalué la perte de valeur à la somme de 15 000 euros, montant non contesté par les intimés. Sur ce point, la décision entreprise sera confirmée.
Enfin, s'agissant du préjudice de jouissance invoqué par M. [R] [F] et Mme [W] [N] épouse [F], il convient de relever que celui-ci n'est pas en lien direct avec le dol imputé à M. [K] [P] et M. [O] [P] mais résulte de l'édification par le voisin de la maison à étage. Faute de lien direct entre les réticences dolosives et ce préjudice imputable au propriétaire du fonds concerné, il ne peut être fait droit à cette demande des époux [F]. A ce titre, la décision entreprise sera également confirmée.
Sur la demande de dommages et intérêts pour procédure abusive
Par application de l'article 32-1 du code de procédure civile, celui qui agit en justice de manière dilatoire ou abusive peut être condamné une amende civile sans préjudice des dommages et intérêts qui seraient réclamés.
L'action des intimés s'avèrent largement bienfondée.
Aucun abus de procédure n'est dès lors démontré de leur part et il convient de rejeter la prétention émise à ce titre par M. [K] [P] et M. [O] [P]. La décision entreprise sera confirmée.
Sur l'article 700 du code de procédure civile et les dépens
M. [K] [P] et M. [O] [P] qui succombent au litige, supporteront les dépens de première instance et d'appel. En outre, l'indemnité à laquelle ils sont été condamnés en première instance au titre des frais irrépétibles sera confirmée, et, une indemnité supplémentaire globale de 3 000 euros sera mise à leur charge au bénéfice de M. [R] [F] et Mme [W] [N] épouse [F], sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, en considération de l'équité et de la situation économique respectives des parties.
PAR CES MOTIFS
La cour,
Infirme le jugement entrepris en ce qu'il a condamné in solidum M. [K] [P] et M. [O] [P] à payer à M. [R] [F] et Mme [W] [N] épouse [F] la somme de 1 000 euros au titre de leur préjudice moral,
Confirme le jugement entrepris en toutes ses autres dispositions soumises à la cour,
Statuant à nouveau du seul chef infirmé et y ajoutant :
Condamne in solidum M. [K] [P] et M. [O] [P] à payer à M. [R] [F] et Mme [W] [N] épouse [F] la somme de 5 000 euros au titre de leur préjudice moral,
Condamne in solidum M. [K] [P] et M. [O] [P] au paiement des dépens, qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile,
Condamne in solidum M. [K] [P] et M. [O] [P] à payer à M. [R] [F] et Mme [W] [N] épouse [F] la somme globale de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
Déboute M. [K] [P] et M. [O] [P] de leur demande sur ce même fondement.
La Greffière La Présidente