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Décisions

CA Paris, 4e ch. A, 29 juin 2005

PARIS

Arrêt

Infirmation

PARTIES

Demandeur :

Toltex (SAS)

Défendeur :

NETLON FRANCE (SA)

CA Paris

28 juin 2005

Vu l’appel interjeté le 18 février 2004, par la société TOLTEX d’un jugement rendu le 28 novembre 2003 par le tribunal de grande instance de Paris qui a :

- prononcé la nullité des revendications 1, 2, 3 et 5 du brevet n° 8816831 pour défaut d’activité inventive,
- déclaré sans objet l’action en contrefaçon du brevet,
- débouté les parties du surplus de leurs demandes,
- dit que le présent jugement, une fois définitif, sera transmis sur réquisition du greffier pour transcription sur le Registre national des brevets,
- condamné la société TOLTEX à payer à la société NETLON FRANCE la somme de 4.000 euros sur le fondement de l’article 700 du nouveau Code de procédure civile ; Vu les dernières écritures en date du 14 février 2005, par lesquelles la société TOLTEX, poursuivant l’infirmation de la décision entreprise, demande à la Cour de :

- dire qu’en important, offrant à la vente et vendant les colliers pour arbre ayant fait l’objet du procès-verbal de saisie contrefaçon du 12 avril 2002, la société NETLON FRANCE s’est rendue coupable de contrefaçon des revendications 1, 2, 3 et 5 du brevet n° 8816831 dont elle est propriétaire,
- faire interdiction à la société NETLON FRANCE, sous astreinte de 500 euros par infraction constatée, à compter de la signification de l’arrêt à intervenir, de poursuivre ces agissements,
- ordonner, sous astreinte de 1.000 euros par jour de retard à compter de la signification de l’arrêt à intervenir, le retrait du marché français et la destruction sous son contrôle et aux frais de la société NETLON FRANCE, de tous les produits incriminés,
- dire que la Cour se réservera la liquidation de l’astreinte,
- désigner un expert avec mission de recueillir tous renseignements permettant d’évaluer son préjudice,
- condamner la société NETLON FRANCE au paiement d’une indemnité provisionnelle de 75.000 euros,
- autoriser la publication de l’arrêt à intervenir dans 5 journaux ou périodiques, le coût de chaque publication ne pouvant excéder la somme de 4.000 euros HT,
- condamner la société NETLON FRANCE au versement de la somme de 25.000 euros sur le fondement de l’article 700 du nouveau Code de procédure civile ; Vu les dernières écritures en date du 31 mars 2005, aux termes desquelles la société NETLON FRANCE prie la Cour de :

- à titre principal, confirmer la décision déférée, en ce qu’elle a prononcé la nullité des revendications du brevet n° 8816831 pour défaut d’activité inventive et débouté la société TOLTEX de ses demandes,
- condamner la société TOLTEX au paiement de la somme de 15.000 euros pour appel abusif et de celle de 25.000 euros sur le fondement de l’article 700 du nouveau Code de procédure civile,
- à titre subsidiaire, dire que l’invention, objet des revendications 1, 2, 3 et 5 du brevet n° 8816831, résulte seulement de la juxtaposition de moyens connus et que ces revendications sont nulles à défaut d’activité inventive,
- déclarer sans objet l’action en contrefaçon de brevet,
- à titre plus subsidiaire, constater que la société TOLTEX ne justifie d’aucun préjudice lequel serait en tout état de cause minime,
- en tout état de cause, débouter la société TOLTEX de ses demandes.

Considérant que, pour un exposé complet des faits et de la procédure, il est expressément renvoyé au jugement déféré et aux écritures des parties ; qu’il suffit de rappeler que :

- la société TOLTEX est titulaire du brevet français n° 8816831, déposé le 20 décembre 1988, délivré le 8 octobre 1993, concernant une « ceinture de fixation d’une plante à un tuteur »,
- reprochant à la société NETLON FRANCE d’avoir vendu à la société FLORALIES GARDEN des colliers de fixation d’une plante à un tuteur, reproduisant les revendications de ce brevet, la société TOLTEX, dûment autorisée par ordonnance présidentielle du 4 avril 2002, a fait pratiquer le 12 avril 2002, une saisie contrefaçon au siège social de la société FLORALIES GARDEN,
- au vu des éléments recueillis, la société TOLTEX a assigné la société NETLON FRANCE en contrefaçon ;

I – Sur la validité du brevet n° 881683 :

Considérant, ainsi que l’a relevé le tribunal, qu’il n’est aucunement fait référence à l’art antérieur dans la partie descriptive du brevet ;

Que l’invention concerne une ceinture de fixation d’une plante à un tuteur permettant une fixation simple et rapide de la tige au tuteur, sans que l’on risque d’exercer un serrage trop important de la ceinture lors du montage, tout en autorisant un jeu suffisant de la ceinture pour permettre la croissance de la tige sans détériorer la plante et assurer l’écoulement de l’eau, en évitant sa stagnation entre la ceinture et la tige ; 

Que pour y parvenir, cette ceinture se compose d’une bande plane en matière plastique ou caoutchouc, souple, latérale, extensible notamment dans le sens longitudinal et compressible dans le sens transversal, comprenant trois zones de longueur sensiblement équivalentes, dont la zone médiane est pourvue sur l’une de ses faces de rainures transversales et dont les zones d’extrémité sont respectivement pourvues d’une part, d’encoches opposées et d’autre part, d’une fente transversale et d’une fente longitudinale, le montage de la ceinture s’effectuant par torsion, en formant un huit dont les boucles sont disposées l’une autour du tuteur, l’autre autour de la plante ;

Que le brevet comporte six revendications dont sont opposées les revendications 1, 2, 3 et 5 ; 

Considérant que l’invention a pour objet dans sa revendication 1 : Une ceinture de fixation de plante à un tuteur, caractérisée en ce qu’elle se compose d’une bande souple en matière plastique ou autres pourvue, dans la zone médiane (2) de l’une de ses faces, de rainures (5) orientées de manière générale transversalement à la bande, cette zone médiane se poursuivant, vers l’une des extrémités de la bande, par une zone (3) pourvue, sur les deux bords latéraux de la bande, d’encoches opposées deux à deux (6) et régulièrement réparties, vers l’autre extrémité de la bande, par une zone (4) pourvue tout d’abord d’une fente (7) orientée transversalement à la bande puis, ensuite, d’au moins une fente (8) orientée longitudinalement à la bande ;

Que selon la revendication 2, cette ceinture conforme à la revendication 1, est caractérisée en ce que la longueur des fentes orientées transversalement et longitudinalement (7 et 8) correspond à la largeur de la bande, la largeur de ces fentes correspondant à la largeur de la bande à hauteur des encoches opposées (6) prévues dans la zone d’extrémité opposée (3) de cette bande ; Que la revendication 3 précise que cette ceinture conforme à l’une quelconque des revendications précédentes, est caractérisée en ce que les rainures transversales (5) sont orientées perpendiculairement à l’axe longitudinal de la bande ;

Que selon la revendication 5, la ceinture conforme à l’une quelconque des revendications précédentes, est caractérisée en ce que les encoches opposées deux à deux (6) de l’une des zones d’extrémité (3) de la bande, sont pourvues d’un pan coupé (6.1) sur leur bord situé à l’opposé de l’extrémité adjacente (3.1) de la bande ; 1) 

Sur la juxtaposition de moyens :

Considérant que la société NETLON FRANCE soutient que les moyens visés par la revendication 1 et les revendications dépendantes 2, 3 et 5 concernent d’une part, un mode d’attache de la ceinture et d’autre part, un procédé d’écoulement de l’eau grâce à des rainures, de sorte, selon elle, qu’ils ne seraient que le simple résultat de la juxtaposition de moyens indépendants ne coopérant pas à l’obtention d’un résultat d’ensemble, chacun d’entre eux pouvant être supprimé sans que le résultat de l’autre s’en trouve affecté ; Mais considérant que si les rainures disposées dans la zone médiane de la bande ont notamment pour effet d’éviter la stagnation de l’eau entre la ceinture et la tige et de permettre l’écoulement de l’eau de ruissellement le long du tronc, il n’en subsiste pas moins qu’elles ont également pour fonction de former des lignes d’articulation permettant à la bande, lors de sa mise en place, de s’adapter avec souplesse au contour de l’arbre à maintenir et ainsi, de réduire le frottement au contour de l’écorce, d’éviter l’écrasement du tronc et le blocage de la sève ;

Que de sorte, les moyens associés coopèrent à l’obtention du résultat commun recherché, ne pas exercer un serrage trop important de la ceinture lors de son montage et autoriser un jeu suffisant de cette ceinture pour permettre la croissance de la plante ;

2) Sur le défaut d’activité inventive :

- Sur la validité de la revendication 1 :

Considérant que la société NETLON FRANCE soulève la nullité de la revendication 1 du brevet précitée faisant valoir qu’en combinant le brevet TOLTEX n° 2541077 déposé le 17 février 1983, publié le 24 août 1984, et le brevet anglais GLOVER n° 846761 délivré le 31 août 1960, l’homme du métier parvient au dispositif, objet de cette revendication ; Qu’elle se réfère en outre à l’avis de l’ingénieur examinateur auprès de l’Institut national de la propriété industrielle ayant conclu, au visa des brevets retenus comme antériorités TOLTEX (I), GLOVER (II) et ROBERT (III), que " l’antériorité I décrit une ceinture de fixation déplante à un tuteur qui présente de nombreuses similitudes avec le produit revendiqué… La question se pose donc de savoir si, compte tenu de la pratique courante, l’objet de la revendication (1) ne découle pas de manière évidente pour l’homme du métier, de l’association de ces antériorités. Une observation analogue peut être faite en ce qui concerne les revendications dépendantes. En effet : Rev. 2 la longueur des fentes de la ceinture de l’antériorité II correspond à la largeur au niveau des rebords et leur largeur correspond à la largeur des encoches. Rev. 3 les rainures de la ceinture de l’antériorité I sont perpendiculaires ou obliques. Rev. 5 l’antériorité III décrit une ceinture attachée à l’aide de fentes et d’encoches présentant un pan coupé » ;

Considérant que le brevet n° 2541077, déposé par la société TOLTEX, divulgue une ceinture de tuteurage, ayant pour objet de maintenir le long d’un tuteur un jeune arbre en lui évitant de se trouver déraciné ou cassé ; que cette ceinture est caractérisée par une bande en matière plastique souple, munie sur un de ses côtés de bandes ou protubérances horizontales ou obliques permettant l’écoulement de l’eau de pluie contre l’arbre et d’éviter les frottements répétés ;

Que ce document enseigne ainsi une bande souple, munie de rainures, pour ne pas blesser l’arbre et évacuer l’eau de pluie, comme celle décrite à la revendication 1 du brevet en cause, de sorte que le moyen de réduction de la pression élastique de la ceinture obtenue par ces rainures était déjà compris dans l’état antérieur de la technique ; 

Considérant que le brevet GLOVER décrit un dispositif de tuteurage adapté pour entourer une plante et la fixer à un tuteur, composé d’une sangle souple et élastique constituée de matière plastique ou d’une autre matière, ladite sangle ayant deux extrémités élargies latéralement, dont la plus large est munie d’une fente longitudinale et d’une encoche transversale, de sorte qu’après avoir passé la sangle autour de la plante, en faisant subir une torsion à cette ceinture, la plus petite extrémité comportant des bossages peut être engagée dans l’encoche transversale pour passer en sens opposé autour d’un tuteur, puis être insérée dans la fente longitudinale, afin de former un huit avec la sangle, la plante s’insérant dans une boucle et le tuteur dans l’autre ; 

Qu’à l’exception des rainures transversales sur l’une des faces de la bande et de la présence d’encoches, ce brevet divulgue les caractéristiques essentielles de la revendication 1 du brevet litigieux, la bande élastique, les deux extrémités élargies comportant pour l’une les deux fentes, et pour l’autre soit des bossages, soit des encoches régulièrement réparties, opposées deux à deux, le même procédé de montage en forme de huit, dont les deux boucles sont respectivement disposées autour du tuteur et de la plante ;

Considérant que contrairement à ce que soutient la société TOLTEX, la sangle GLOVER n’est pas uniquement destinée au tuteurage desserré d’une plante fragile ; 

Qu’en effet, il importe peu que les figures 3 et 5, accompagnant la description du brevet, laissent apparaître la réalisation d’une sangle lâche autour de la plante et maintenue serrée autour du tuteur, dès lors qu’elles ne sont que des exemples illustrés d’utilisation du dispositif, alors qu’au contraire la partie descriptive (page 1) précise expressément que la taille des boucles devant recevoir respectivement la plante et le tuteur peut varier, en fonction des besoins, au moyen de la série de bossages latéraux et espacés régulièrement à une extrémité de la bande par leur insertion dans les fentes situées à l’autre extrémité ; 

Que de sorte, n’est nullement exclue une utilisation serrée autour de la tige, cette ceinture pouvant ainsi être utilisée également pour le tuteurage ferme d’un jeune arbre ; 

Considérant par voie de conséquence, qu’au vu des enseignements procurés par les brevets GLOVER et TOLTEX, l’homme du métier, qui recherchait un moyen de tuteurer fermement un arbuste pour permettre aux racines de s’ancrer dans le sol en évitant que le tronc soit soumis à des frottements, était conduit, sans faire preuve d’activité inventive, en combinant les enseignements de ces deux documents, à assurer l’ancrage d’un arbre à un tuteur, en permettant tant l’écoulement de l’eau contre sa tige que la croissance de la plante sans endommager son tronc, selon le mode de fixation et de verrouillage de la ceinture décrit au brevet revendiqué ;

Que de sorte, la décision entreprise, qui a annulé la revendication 1 de ce brevet pour

défaut d’activité inventive, sera confirmée ;

- Sur la validité des revendications 2, 3 et 5 :

Considérant que la revendication 2 porte sur la dimension des fentes de la ceinture en longueur et en largeur ; Considérant que la société NETLON FRANCE, qui soulève la nullité de cette revendication, oppose, à juste titre, le brevet français ROBERT n° 1438115 publié le 28 mars 1966, concernant des perfectionnements pour liens souples ;

Qu’en effet, ce brevet décrit un lien en matière plastique souple et composé d’une succession de maillons et de barrettes transversales séparés par des barrettes longitudinales dont les barrettes transversales, sensiblement rectangulaires, ont une largeur égale à celle des maillons, tandis que son autre dimension dans le sens de la longueur de la chaînette est inférieure à la longueur d’un maillon, permettant ainsi, selon la figure 3 annexée, d’introduire la barrette dans la fente du maillon et de la verrouiller par torsion ;

Que l’homme du métier, au vu de ce document, était conduit, sans faire preuve d’activité inventive, à déterminer les dimensions respectives des fentes du lien de serrage ;

Que la revendication 2 est donc nulle pour défaut d’activité inventive ; 

Considérant que la revendication 3 décrit l’orientation des rainures ; Que cependant, la même orientation figurait au premier brevet TOLTEX publié le 24 août 1984, de sorte que cette revendication, dépourvue d’activité inventive, est nulle ;

Considérant que la revendication 5 porte sur la forme en pan coupé des encoches situées aux zones d’extrémité de la bande, forme déjà décrite par le brevet ROBERT pour la mise en oeuvre de fentes et d’encoches ;

Que cette coupe, facilitant l’introduction du lien dans les fentes situées à l’autre extrémité, n’est, ainsi que l’a retenu le tribunal, que la reprise des extrémités de ceintures pour jupes ou pantalons constituant une simple opération d’exécution qui ne révèle aucune activité inventive ; 

Considérant par voie de conséquence, que la décision du tribunal, qui a annulé également les revendications 2, 3 et 5 du brevet, sera confirmée ;

II – Sur la contrefaçon :

Considérant que les revendications opposées par la société TOLTEX ayant été annulées, cette dernière a été, à juste titre, déboutée par le tribunal de ses demandes au titre de la contrefaçon ; 

III – Sur les autres demandes :

Considérant qu’il résulte des éléments de l’espèce que la société TOLTEX, qui ne pouvait se méprendre sur l’étendue de ses droits eu égard à la motivation claire et pertinente du jugement déféré, a fait dégénérer en abus son droit d’appel ; qu’elle sera, en conséquence, condamnée à payer à la société NETLON FRANCE la somme de 10.000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive ; 

Considérant que les dispositions de l’article 700 du nouveau Code de procédure civile doivent bénéficier à la société NETLON FRANCE ; qu’il lui sera alloué à ce titre la somme de 20.000 euros ; que la société TOLTEX qui succombe en ses prétentions doit être déboutée de sa demande formée sur ce même fondement ;

PAR CES MOTIFS

Confirme en toutes ses dispositions le jugement déféré, Y ajoutant,

Condamne la société TOLTEX à payer à la société NETLON FRANCE la somme de 10.000 euros à titre de dommages et intérêts et la somme de 20.000 euros au titre des frais irrépétibles d’appel,

Rejette toutes autres demandes, 

Condamne la société TOLTEX aux dépens et dit que ceux-ci pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l’article 699 du nouveau Code de procédure civile.

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