CA Colmar, 1re ch. A, 24 septembre 2025, n° 24/00567
COLMAR
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
Serbet (SAS)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Walgenwitz
Conseillers :
M. Roublot, Mme Rhode
Avocats :
Me Harnist, Me Wetzel, Me Framery, Me Duband
ARRET :
- Contradictoire
- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile.
- signé par M. Franck WALGENWITZ, président et Mme Régine VELLAINE, cadre greffier, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Vu les assignations délivrées les 5 et 9'septembre 2020, par lesquelles la SAS Serbet a fait citer la SAS Alsa TS, M. [B] [L], M. [X] [Z] et M. [G] [O] devant la chambre commerciale du tribunal judiciaire de Strasbourg,
Vu l'ordonnance du juge de la mise en état du 30 juillet 2021, par laquelle la chambre commerciale s'est déclarée incompétente pour connaître des demandes dirigées contre M. [B] [L], M. [X] [Z] et M. [G] [O], a prononcé la disjonction de la procédure et a renvoyé devant la première chambre civile du tribunal judiciaire de Strasbourg la cause et ses parties,
Vu le jugement rendu le 18'janvier 2024, auquel il sera renvoyé pour le surplus de l'exposé des faits, ainsi que des prétentions et moyens des parties en première instance et par lequel le tribunal judiciaire de Strasbourg'a statué comme suit':
'DÉBOUTE la SAS SERBET de l'intégralité de ses demandes ;
CONDAMNE la SAS SERBET aux entiers dépens ;
CONDAMNE la SAS SERBET à payer à MM. [B] [L], [X] [Z] et [G] [O] la somme de 3 000 (trois mille) euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;
RAPPELLE l'exécution provisoire du jugement.'
Vu la déclaration d'appel formée par la SAS Serbet contre ce jugement et déposée le 1er février 2024,
Vu la constitution d'intimés de M. [B] [L], M. [X] [Z] et M. [G] [O] en date du 20'février 2024,
Vu les dernières conclusions en date du 30'avril 2024, transmises par voie électronique le même jour, auxquelles est joint un bordereau de pièces récapitulatif qui n'a fait l'objet d'aucune contestation des parties et par lesquelles la SAS Serbet demande à la cour'de':
'Vu l'article 1240 du code civil
RECEVOIR l'appel et le dire bien fondé.
INFIRMER le jugement du 18/01/2024 en toutes ses dispositions.
Statuant à nouveau,
DECLARER les demandes recevables et les dire bien fondées
DIRE que M. [I] [L], M. [X] [Z] et M. [G] [O] se sont rendus coupables d'actes de concurrence déloyale au préjudice de la Société SERBET
LES CONDAMNER solidairement à'payer à la Société SERBET la somme de 500.000 €, montant à parfaire, au titre du préjudice financier ainsi qu'à'payer la somme de 200.000 € pour le préjudice moral et d'image subi,
subsidiairement, ORDONNER une expertise aux fins d'évaluation du préjudice subi par la Société SERBET.
CONDAMNER solidairement les Défendeurs aux entiers frais et dépens, y compris les dépens de première instance ainsi que les frais engagés au titre des constats réalisés par Me [Y] et Me [V], ainsi qu'à'payer à'la société SERBET la somme de 10.000 € au titre de l'article 700 CPC'
et ce, en invoquant notamment':
- des actes de concurrence déloyale avérés, résultant :
- de la création d'un établissement concurrent à proximité immédiate,
- de la captation de clientèle par détournement de fichiers et démarchage ciblé,
- une confusion entretenue, par l'usage de procédés ou d'éléments susceptibles d'induire en erreur la clientèle sur l'origine des prestations,
- une désorganisation de son activité par perte brutale de clientèle et détournement de ses méthodes de fonctionnement,
- un préjudice économique certain devant donner lieu à une réparation financière intégrale.
Vu les dernières conclusions en date du 26'juillet 2024, transmises par voie électronique le même jour, auxquelles est joint un bordereau de pièces récapitulatif qui n'a fait l'objet d'aucune contestation des parties et par lesquelles M. [B] [L], M. [X] [Z] et M. [G] [O] demandent à la cour de':
'DECLARER l'appel de la société SERBET irrecevable en tout cas mal fondé.
CONFIRMER le jugement de la première chambre civile du Tribunal Judiciaire de STRASBOURG du 18 janvier 2024 en toutes ces dispositions.
CONDAMNER la société SERBET au paiement d'un montant de 10 000 € (dix mille Euros) en application de l'article 700 du C.P.C. pour la procédure d'appel.
CONDAMNER la société SERBET aux entiers dépens d'appel'
et ce, en invoquant notamment':
- l'absence de faute'dans la captation de clientèle :
- aucun démarchage actif ou déloyal n'étant établi,
- les clients étant venus spontanément, en toute liberté, à l'ouverture du nouvel établissement,
- l'absence de désorganisation':
- aucun salarié n'ayant été débauché,
- aucune preuve d'un transfert massif de clientèle ou de confusion n'étant rapportée,
- l'absence de préjudice certain':
- les baisses d'activité invoquées étant contemporaines de la crise sanitaire,
- aucun élément ne permettant d'établir un lien direct entre les agissements allégués et un dommage,
- le rejet de la demande indemnitaire, faute de preuve d'un comportement fautif, d'un lien de causalité ou d'un préjudice chiffré.
Vu l'ordonnance de clôture en date du 21'mai 2025,
Vu les débats à l'audience du 18'juin 2025,
Vu le dossier de la procédure, les pièces versées aux débats et les conclusions des parties auxquelles il est référé, en application de l'article 455 du code de procédure civile, pour l'exposé de leurs moyens et prétentions.
MOTIFS :
Sur la demande principale :
En vertu des articles 1240 et 1241 du code civil, tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer'; et chacun est responsable du dommage qu'il a causé, non seulement par son fait, mais encore par sa négligence ou par son imprudence.
Constitue, notamment, une faute fondée sur le principe général de responsabilité délictuelle édicté par les dispositions précitées, la commission d'actes de concurrence déloyale consistant dans des agissements s'écartant des règles générales de loyauté et de probité professionnelle applicables dans les activités économiques et régissant la vie des affaires, ces actes pouvant se matérialiser par le dénigrement, la confusion, la désorganisation ou le parasitisme économique.
L'action en concurrence déloyale est donc une action en responsabilité civile dont l'objet est de réparer le préjudice causé à un agent économique par la faute ainsi commise par un tiers dans l'exercice de son activité économique (Cassation, Com., 29 mars 2011, pourvoi n° 10-12.046).
Cela étant, eu égard au principe à valeur constitutionnelle de liberté d'entreprendre, les actes de concurrence entre deux entités concurrentes sur un même marché ne peuvent pas être, en eux-mêmes, constitutifs d'une faute civile, sauf lorsque par leur déloyauté, caractérisée par des comportements tels que ceux qui viennent d'être indiqués, ils dégénèrent en abus, la jurisprudence rappelant 'qu'une situation de concurrence directe ou effective n'est pas une condition de l'action en concurrence déloyale qui exige seulement l'existence de faits fautifs générateurs d'un préjudice' (voir Com., 10 novembre 2021, pourvoi n°'19-25.873).
De même, en application des principes de liberté du travail et de liberté d'entreprendre, en l'absence d'une clause de non-concurrence, la simple embauche, dans des conditions régulières, des salariés d'une entreprise concurrente, n'est pas en elle-même fautive (Com., 28 septembre 2022, pourvoi n°'21-15.89).
Le recrutement, même massif et dans un temps rapproché, d'anciens salariés d'une entreprise concurrente ne caractérise pas, à lui seul, un comportement déloyal, particulièrement s'il s'agit de départs volontaires et non provoqués (Com., 21 mars 2018, pourvoi n°'16-17.660). En revanche, le débauchage peut être déloyal, s'il relève d'une démarche de débauchage massif, portant sur des effectifs importants par rapport à l'ensemble de l'effectif du service considéré ou un personnel disposant d'une qualification particulière (Com., 23 juin 2021, pourvoi n°'19-21.911).
Il n'y a pas concurrence déloyale s'il apparaît que la cause des départs massifs de salariés s'explique par un mauvais fonctionnement de la société qu'ils ont quittée (Cass. com., 9'février 1999': JurisData n°'1999-000567).
Enfin, pour être constitutif de concurrence déloyale, le débauchage fautif doit en outre produire un effet de désorganisation de l'entreprise, non une simple perturbation (Com., 11 janvier 2017, pourvoi n°'15-20.808).
Par ailleurs, il est de principe que la clientèle est libre de s'adresser au commerçant ou à l'entreprise de son choix. La liberté de la concurrence autorise le démarchage de la clientèle, puisque celle-ci ne peut faire l'objet d'aucun droit privatif (Com., 8 janvier 1991, pourvoi n°'89-11.367).
Le démarchage de la clientèle d'un concurrent, même de la part d'un ancien salarié, ne constitue pas en lui-même un acte de concurrence déloyale s'il n'est pas accompagné d'un acte déloyal ou contraire aux usages du commerce (Com., 9 juin 2015, pourvoi n°'14-13.263).
En revanche, le démarchage de la clientèle du concurrent devient illicite s'il s'accompagne de man'uvres déloyales. Ces man'uvres déloyales peuvent consister notamment en une utilisation des listes, fichiers ou autres renseignements sur l'entreprise concurrente frauduleusement soustraits, ou encore en un démarchage dans des conditions de nature à créer ou entretenir une confusion entre les deux entreprises.
Enfin, on ne peut en principe reprocher à un ancien salarié ou dirigeant d'exploiter l'expérience acquise auprès de son ancienne entreprise sans établir le caractère confidentiel des informations qui auraient été détenues par le salarié et qui auraient relevé d'un savoir-faire propre à l'entreprise (Com., 26 février 2013, pourvoi n°'12-13.721).
Et s'agissant du risque de confusion par imitation de signes distinctifs, les juges du fond ne doivent, pour le caractériser, pas se fier aux seules différences et doivent 'rechercher si les ressemblances existantes ne [créent] pas un risque de confusion pour un consommateur d'attention moyenne' (Com. 21 octobre 2014, pourvoi n°'13-14.210).
Sur les actes de concurrence déloyale reprochés à M.'[B] [L] :
* Sur l'exercice d'une activité concurrente à la SAS Serbet :
Ainsi que cela a été rappelé, l'exercice d'une activité concurrente, fût-ce sur le même marché, n'est pas en soi constitutif d'une concurrence déloyale. Aussi était-il loisible à M.'[L], s'il le souhaitait, de créer sa propre entreprise, fût-ce dans le domaine d'activité de son ancien employeur et en l'occurrence, par reconversion de la société gérée par son frère et qui avait pour activité initiale les travaux de revêtement des sols et des murs, correspondant au code APE 4333Z, là où elle devait ensuite exercer, comme la société Serbet, une activité de 'travaux spécialisés de construction', avec le code APE 4399D.
Il est vrai que la société a été créée le 14'mai 2016 par M.'Mustapha [L], frère de M.'[B] [L], et que ce dernier en a pris la direction et modifié l'activité dès le 26'juillet 2016, alors qu'il était démissionnaire de la société Serbet le 13'juin précédent, mais en ayant exercé son préavis légalement et aussi, dans l'intervalle, exercé une activité en période d'essai, non menée à terme, comme cadre et plus précisément directeur technique, au sein d'une société Nord Isolation, la période de seize jours correspondant à cette activité ne permettant pas, pour autant, de déduire qu'il se serait agi d'une embauche de complaisance.
Toujours est-il que M.'[B] [L] n'a pas cherché à dissimuler sa nouvelle activité, ni le fait qu'elle intervenait dans le même domaine que son précédent employeur, les conditions dans lesquelles cette activité a été reprise ne révélant en elles-mêmes, et toutes choses égales par ailleurs, aucune man'uvre déloyale caractéristique d'une faute civile envers la société Serbet.
Aussi le premier juge a justement retenu que la modification de l'activité de la société Alsa TS ne peut être qualifiée de concurrence déloyale, en l'absence, de surcroît, de toute clause de non-concurrence dont M. [B] [L] serait débiteur.
* Sur le débauchage de personnel':
L'appelante fait grief aux intimés d'avoir commis un acte de concurrence déloyale, en procédant au débauchage concerté de plusieurs de ses salariés, ce qui, selon elle, aurait entraîné une désorganisation de son entreprise.
Or, comme cela vient d'être rappelé, le fait que certains salariés aient rejoint une société concurrente après avoir quitté leur emploi ne suffit pas, à lui seul, à caractériser un comportement fautif, à défaut, dans les circonstances de l'espèce, de clause de non-concurrence impartie aux salariés concernés qui ont, en outre, exercé leur préavis dans les conditions prévues par la loi, telle qu'applicable en Alsace et Moselle, lieu du siège de la société Serbet.
Quant au caractère déloyal et supposément factice du processus d'embauche, la société appelante évoquant, à ce titre, une activité des intéressés pour la société Alsa TS avant même leur embauche ainsi qu'un rédacteur unique des lettres de démission, de candidature et d'embauche, qui ressortirait du procès-verbal de constat d'huissier établi dans le cadre d'une ordonnance sur requête, la cour ne peut que rejoindre, au vu des éléments dont elle dispose, l'appréciation du premier juge, dont elle approuve les motifs sur ce point, en ce qu'il constate, à juste titre, d'une part que l'un des salariés a d'abord travaillé pour la société Alsa TS de manière tout à fait régulière, en étant mis à disposition par une société d'intérim, tandis que l'activité de l'autre était insuffisamment caractérisée aux termes d'une simple attestation d'un salarié de la demanderesse et, d'autre part, que l'existence d'un processus de recrutement identique ne suffit pas à établir le caractère déloyal de la démarche.
De surcroît et en tout état de cause, le caractère massif du débauchage allégué et la désorganisation réelle qui en serait résultée n'apparaissent pas établis, alors même que la société Serbet, qui se borne à faire valoir que les intéressés occupaient des 'postes clés', l'un étant certes chef d'équipe, mais l'autre ouvrier d'exécution, le premier juge ayant justement, sans minorer ses compétences, émis un doute quant à l'incidence de son départ, d'autant plus qu'il n'est pas justifié de l'effectif concerné que l'appelante affirme être de six salariés, ce pendant que les intimés, qui n'ont pas la charge de la preuve, produisent pourtant des fiches provenant de sites d'information légale mentionnant 10 à 19 salariés, ce qui peut certes inclure du personnel administratif, mais sans qu'aucun élément ne permette de quantifier la part de personnel technique et la réalité de la désorganisation alléguée.
C'est donc à bon droit que le premier juge n'a retenu aucun acte de concurrence déloyale à ce titre.
* Sur la confusion par imitation du logo :
La société Serbet reproche à la partie adverse de s'être dotée d'un logo de nature à entretenir la confusion avec le sien, ci-après reproduit':
Quant au logo de la société Alsa TS, il est le suivant':
Les deux logos présentent, il est vrai, tous deux un élément sinueux, positionné de façon centrale, susceptible de représenter, par exemple, une fissure ou une route, voire, mais davantage s'agissant du logo 'Serbet', un éclair.
Toutefois, dans le logo de la société Serbet, cet élément est plus net, coloré et apparaît comme le seul élément distinctif, en forme de S, qui n'est pas sans rappeler l'initiale du nom 'Serbet'.
Dans le logo de la société Alsa TS, cet élément sinueux, noir, plus grossier que le précédent et inversé, ne renvoyant donc à aucune signification particulière ou en tout cas identifiable, apparaît comme un élément de la maison qui, certes, peut lui donner un caractère distinctif par rapport à d'autres logos en forme de maison, sans toutefois que cela ne suffise pour caractériser, fût-ce aux yeux d'une personne d'attention moyenne, une ressemblance suffisant à entretenir une confusion avec le logo de la société Serbet, ou à l'existence d'un lien juridique ou économique entre les deux structures.
C'est donc également à bon droit que le premier juge a exclu tout acte de concurrence déloyale de ce chef.
* Sur le détournement de clientèle :
Les principes applicables en la matière ont été rappelés en préambule, à savoir que le démarchage de la clientèle du concurrent ne devient illicite que s'il s'accompagne de man'uvres déloyales pouvant consister, notamment, en une utilisation des listes, fichiers ou autres renseignements sur l'entreprise concurrente frauduleusement soustraits, ou encore en un démarchage dans des conditions de nature à créer ou entretenir une confusion entre les deux entreprises.
Or, en l'espèce, si la société Serbet évoque une planification, par M.'[L], du démarchage de sa clientèle, alors qu'il était encore salarié, affirmant qu'il aurait établi des devis pour le compte de la Société Alsa TS en fonction de ceux établis pour le compte de son précédent employeur, M.'[L] le réfute, indiquant avoir 'conservé des liens avec certains représentants de ces entreprises, (...) uniquement parce qu'il est reconnu pour ses compétences dans le domaine des travaux spéciaux depuis 20 ans, ou même qu'il entretient avec certains d'entre eux des liens amicaux', parfois avant même son entrée au sein de la société Serbet.
S'il n'est pas contesté qu'une partie de la clientèle de la société Serbet a préféré, par la suite, traiter avec la société Alsa TS et si M.'[L] a pu établir, peu après la fin de son préavis, des devis à leur profit ou les démarcher pour le compte de la société Alsa TS, encore qu'il n'ait pas été déterminé que toutes ces sociétés étaient bien clientes de la société Serbet, il n'est pas caractérisé, même sur la base des constatations de l'huissier, qu'il aurait utilisé, au-delà de sa propre expérience personnelle, des données provenant de la société Serbet ou entretenu une confusion avec cette dernière, le premier juge ayant au contraire justement relevé que son intervention avait donné lieu à une mise en concurrence, parfois avec la société Serbet, parfois à l'avantage de cette dernière et seuls huit des multiples devis établis par la société Alsa TS ayant donné lieu à facturation, les attestations des cadres des sociétés Bouygues et Vinci faisant référence, pour leur choix, à des considérations techniques et financières les ayant conduits à opter pour la société Alsa TS.
Enfin, s'agissant de la clause du contrat de travail de M.'[L], aux termes de laquelle il lui est fait interdiction de 's'intéresser directement ou indirectement de quelque manière et à titre que se soient, à toutes affaires susceptibles de concurrencer par son activité celle de la société', la société Serbet reconnaît elle-même qu'il ne s'agit pas d'une clause de non-concurrence, sans pour autant s'expliquer sur sa signification et sa portée qui ne relève, en tout état de cause, comme l'a justement indiqué le premier juge, pas de la concurrence déloyale, mais de l'application du contrat de travail de M.'[L].
Dès lors, comme l'a retenu le premier juge, aucun acte de concurrence déloyale ne saurait être reproché à M. [B] [L] à ce titre.
* Sur la désorganisation de l'activité commerciale (perte de chantier, de chiffre d'affaires et de clientèle) :
Au vu des conclusions auxquelles la cour parvient, quant à l'absence de détournement de clientèle, il n'apparaît pas davantage qu'une désorganisation de l'activité commerciale de l'appelante serait caractérisée.
S'agissant, plus particulièrement, du chantier de l'hôpital de [Localité 6], la société Serbet entend faire valoir que 'le démarchage entrepris par M. [L] en connaissance des devis établis par la Société SERBET, lui a permis d'obtenir un certain nombre de chantiers au préjudice de la concluante. Tel est par-exemple le cas du chantier de [Localité 5], pour lequel M. [L] alors salarié de la Société SERBET, avait adressé un devis à la Société PERTUY CONSTRUCTION portant sur la pose d'un nouveau revêtement de sol pour l'Hôpital de [Localité 5]. Annexe 11 : Devis du 19 mars 2014 pour131 640 €. Le contrat de sous-traitance a toutefois été attribué à la Société ALSA TS, qui a repris à son profit la technique qui était proposée par SERBET dans le cadre de son devis.'
Elle ajoute que 'le contrat de sous-traitance entre BOUYGUES BATIMENT NORD EST et ALSA TS indique un intitulé de lot 'résine de sol' alors que le projet SERBET prévoyait la pose d'un 'revêtement de sol epoxy'. Ce même contrat prévoit à son article 2.2 'objet des présentes : nature des travaux : revêtement d'étanchéité résine.' Le lot qui s'intitulait 'Mise en 'uvre d'un revêtement d'étanchéité au sol du type Resiplot, revêtu d'un complexe de finition en résine' a été barré est remplacé par l'expression 'Lot revêtement résine' (...) L'avis technique du CSTB concernant le matériau utilisé pour l'hôpital de [Localité 5] s'intitule d'ailleurs 'Sika EpoxyFloor WP 4S'... (...) Il convient de préciser que le 18 mars 2014, M. [R] [H] de la société SICA avait adressé à M.'[L] un courriel comportant en pièce jointe la documentation Sika ExpoxyFloor WP4S, nécessaire à l'établissement du devis qui a été adressé à la société PERTUY le 19 mars 2014, pour l'hôpital de [Localité 5]. (...) La technique utilisée sur le chantier de [Localité 5] est en tout point similaire à celle prévue à l'origine par la Société SERBET.'
Pour leur part, les intimés, tout en admettant que M.'[L] a bien participé à des études pour ce chantier, alors qu'il était salarié de la société Serbet, affirment que 'ces études n'avaient pas abouti et aucun contrat n'a pu être conclu au vu de ces études'.
Ils entendent, par ailleurs, souligner la différence entre les deux projets, exposant que 's'il était question dans les projets de SERBET de la pose d'un revêtement de sol EPOXY armé, il est au contraire question, dans le projet conclu entre la société ALSA TS et BOUYGUES BATIMENT NORD-EST S.A. de la réalisation d'un complexe d'étanchéité circulable (sous avis technique).'
Ils ajoutent encore qu''au demeurant, la partie demanderesse ne rapporte strictement aucune preuve d'un quelconque détournement de quoi que ce soit. D'ailleurs la société SERBET n'a jamais adressé la moindre réclamation à la société BOUYGUES BATIMENT NORD-EST S.A.S. quant aux conditions d'une éventuelle rupture ou quant à un quelconque préjudice.'
La cour, à l'instar du premier juge, relève que, si la société Alsa TS s'est bien trouvée attributaire du marché litigieux qui portait sur un libellé différent du devis établi pour le compte de la société Serbet, mais avec pour objet, également, le remplacement d'un revêtement en résine, le seul fait pour M.'[L], de reprendre une solution technique qu'il avait choisie comme étant la meilleure et de la proposer à une autre occasion, n'est pas en soi déloyal, en l'absence de droits d'exclusivité de la société Serbet sur cette solution technique.
Il s'ensuit donc que c'est également à juste titre que le premier juge a écarté tout acte de concurrence déloyale à cet égard.
Au total, la société Serbet ne caractérise donc aucun acte de concurrence déloyale à l'encontre de M.'[B] [L], de sorte qu'il y a lieu de confirmer le jugement entrepris, en ce qu'il l'a déboutée de ses demandes de ce chef.
Sur les actes de concurrence déloyale imputés à MM. [Z] et [O] :
La société Serbet fait valoir qu''il a été démontré que M. [L] a procédé au débauchage de M.'[Z] et de M.'[O] avec la complicité de ces derniers. Ils ont orchestré, avec la complicité de M.'[L] leur départ de la Société SERBET, et adressé des lettres de candidature, afin de faire croire à une embauche fortuite et de dissiper tout lien avec M. [L] et sa Société. (...). Ils ont ainsi planifié leur départ rapide de la Société SERBET en recourant au préavis de droit local de 15 jours, en ayant parfaitement conscience des perturbations nécessairement engendrées au niveau de l'organisation de l'entreprise. M. [O] a dernièrement créée une nouvelle Société SEVIG, avec des statuts en tout point similaires à ceux de la Société ALSA TS, manifestement en vue de dissimuler l'ampleur du détournement de clientèle au, moyen de cette nouvelle Société, pour les seuls besoins de la cause et pour leurrer le Tribunal et désormais la Cour (...) Ce faisant, M. [Z] et M. [O] se sont rendus coupables de concurrence déloyale.'
Or, eu égard aux conclusions auxquelles est parvenue la cour, s'agissant de l'absence de débauchage fautif des salariés, dont il sera rappelé qu'ils ont exercé légalement leur préavis, conformément à des dispositions du droit applicable en Alsace et Moselle et alors même qu'ils n'étaient tenus par aucune clause de non-concurrence, aucune faute n'apparaît, non plus, caractérisée à leur encontre, un tel grief ne pouvant résulter du seul fait qu'ils aient été embauchés par un ancien collègue qu'ils connaissaient, alors même qu'en dépit de leur démission récente, ils n'étaient plus tenus d'aucune obligation envers leur précédent employeur, envers lequel aucune désorganisation n'a été caractérisée.
De même et comme l'a déjà relevé le premier juge, sans qu'il n'y ait lieu, au vu des éléments produits et des affirmations peu détaillées et insuffisamment étayées de l'appelante sur ce point, telles qu'elles viennent d'être rappelées, il n'apparaît pas établi que la création par M.'[O], de surcroît en décembre 2017, soit plus d'un an après l'embauche de l'intéressé par la société Alsa TS, d'une société Sevig ayant la même activité que la société Alsa TS, aurait pour finalité de dissimuler un détournement de clientèle.
Le jugement entrepris sera donc confirmé en ce qu'il a débouté la société Serbet de ces demandes.
Sur les dépens et les frais irrépétibles :
L'appelante, succombant pour l'essentiel, sera tenue des dépens de l'appel, par application de l'article 696 du code de procédure civile, outre confirmation du jugement déféré sur cette question.
L'équité commande, en outre, de mettre à la charge de l'appelante une indemnité de procédure pour frais irrépétibles de 5'000 euros au profit des intimés, pris de manière globale, tout en disant n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile à l'encontre de ces derniers et en confirmant les dispositions du jugement déféré de ce chef.
P A R C E S M O T I F S
La Cour,
Confirme en toutes ses dispositions le jugement rendu le 18'janvier 2024 par le tribunal judiciaire de Strasbourg,
Y ajoutant,
Condamne la SAS Serbet aux dépens de l'appel,
Condamne la SAS Serbet à payer à M. [B] [L], M. [X] [Z] et M. [G] [O] la somme globale de 5'000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile au bénéfice de la SAS Serbet.