CA Rennes, 8e ch prud'homale, 1 octobre 2025, n° 22/00214
RENNES
Arrêt
Autre
8ème Ch Prud'homale
ARRÊT N°251
N° RG 22/00214 -
N° Portalis DBVL-V-B7G-SMFG
S.A. [U]
C/
M. [X] [L]
Sur appel du jugement du C.P.H.de [Localité 7] du 06/12/2021
RG CPH : 20/00318
Infirmation partielle
Copie exécutoire délivrée
le :
à :
Copie certifiée conforme délivrée
le:
à:
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE RENNES
ARRÊT DU 1er OCTOBRE 2025
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :
Madame Nadège BOSSARD, Présidente,
Madame Anne-Laure DELACOUR, Conseillère,
Madame Anne-Cécile MERIC, Conseillère,
GREFFIER :
Monsieur Philippe RENAULT, lors des débats et lors du prononcé
DÉBATS :
A l'audience publique du 19 Juin 2025
devant Madame Anne-Cécile MERIC, magistrat rapporteur, tenant seul l'audience, sans opposition des représentants des parties et qui a rendu compte au délibéré collégial
En présence de Madame [B] [R], médiatrice judiciaire,
ARRÊT :
Contradictoire, prononcé publiquement le 1er Octobre 2025 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l'issue des débats
****
APPELANTE et intimée à titre incident :
La S.A. [U] prise en la personne de ses représentants légaux et ayant son siège social :
[Adresse 5]
[Localité 2]
Représentée par Me Marie VERRANDO de la SELARL LX RENNES-ANGERS, Avocat postulant du Barreau de RENNES et par Me Hugo GONCALVES substituant à l'audience Me Géraldine LEPEYTRE de la SELARL JOFFE & ASSOCIES, Avocats plaidants du Barreau de PARIS
INTIMÉ et appelant à titre incident :
Monsieur [X] [L]
né le 30 Décembre 1978 à [Localité 6] (72)
demeurant [Adresse 1]
[Localité 3]
Représenté par Me Martin GUICHARDON, Avocat au Barreau de NANTES
M. [X] [L] a été engagé par la société SA [U] selon contrat de travail à durée indéterminée à compter du 21 septembre 2015 en qualité d'ingénieur Solutions, statut cadre Position 2.1. de la Convention collective nationale des Bureaux d'Études Techniques, des Cabinets d'Ingénieurs-Conseils et des Sociétés de Conseils avec une rémunération de 2.311 euros bruts.
Par avenants successifs à son contrat de travail, la rémunération fixe de M. [L] a évolué, en 2016, 2018 et 2019.
Au dernier état de la relation contractuelle, M. [L] a perçu une rémunération moyenne mensuelle brute de 2.652 €.
Le 6 janvier 2020, M. [L] a démarré une intervention sur un nouveau projet pour le client CWF, sur le site de [U] à [Localité 7], en présence du client.
Des retards et une absence ayant été constatés les 6, 7 et 8 janvier 2020, M. [L] a été convoqué à un entretien informel avec M. [J], Responsable des Opérations, le 9 janvier 2020.
Le 14 janvier 2020, M. [L] a été retiré de la mission pour le client CWF, après un entretien avec M. [S], Directeur Région Ouest.
Le 20 janvier 2020, une rencontre est intervenue entre M. [L] et Mme [I], DRH.
Par courrier remis en main propre du 23 janvier 2020, M. [L] a été convoqué à un entretien préalable à un éventuel licenciement le 04 février 2020 et a été mis à pied à titre conservatoire. M. [L] s'est présenté à l'entretien.
Le 21 février 2020, date d'envoi de la lettre de licenciement, la société [U] a notifié à M. [L] son licenciement pour faute grave.
Par lettre du 11 mars 2020, M. [L] a contesté son licenciement et a démenti avoir menacé de mal faire son travail pour obtenir une rupture de contrat. Cette contestation a été réitérée par le biais de son conseil par courrier du 25 mars 2020.
Par lettre du 10 avril 2020, la société a mis en demeure M. [L] de retirer des commentaires diffamatoires postés par ce dernier sur le réseau LinkedIn le 24 mars 2020.
Le 12 mai 2020, M. [L] a saisi le conseil de prud'hommes de Nantes aux fins de :
- Dire que M. [L] n'a commis aucune faute grave et que son licenciement est dénué de cause réelle et sérieuse
- Au titre de la période de mise à pied conservatoire (congés payés inclus) : 3 028,39 € Brut
- Indemnité compensatrice de préavis (congés payés inclus) : 9 212,50 € Brut
- Indemnité conventionnelle de licenciement : 4 126,34 € Net
- Dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse : 20 000,00 € Net
- Dommages-intérêts pour procédure vexatoire et brutale : 3 000,00 € Net
- Article 700 du code de procédure civile : 2 000,00 € Net
- Intérêts au taux légal à compter de l'introduction pour les sommes ayant un caractère salarial et à compter du jugement à intervenir pour les autres sommes, avec capitalisation
- Fixer la moyenne des salaires à la somme de 2 652 € bruts
- Remise d'une attestation Pôle Emploi et de bulletins de salaire rectifiés conformément à la décision à intervenir dans les 10 jours suivant cette décision et ce sous astreinte de 50 € par jour de retard
- Exécution provisoire de la décision à intervenir en ces dispositions pour lesquelles elle n'est pas de droit
Par jugement en date du 06 décembre 2021, le conseil de prud'hommes de Nantes a :
- Dit que le licenciement de M. [L] est un licenciement sans cause réelle ni sérieuse et condamné la société [U] à lui verser les sommes suivantes :
- 7.956 € nets à titre de dommages et intérêts représentant 3 mois de salaires, afin qu'il soit tenu compte de l'ancienneté de M. [L] et de la période pendant laquelle il a été privé d'emploi
- 3.028,39 € bruts au titre de la mise à pied conservatoire congés payés inclus
- 9.215,50 € bruts au titre du préavis congés payés inclus
- 4.216,34 € nets à titre d'indemnité de licenciement
- Ordonné à la société [U] de délivrer à M. [L] une attestation pôle emploi ainsi que des bulletins de salaires rectifiés conformément à la décision à intervenir dans les 10 jours suivant cette décision ;
- Condamné la société [U] à verser à M. [L] la somme de 1.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile
Lesdites condamnations étant assorties au taux légal à compter de la date de la saisine s'agissant des sommes à caractère salarial, et à compter de la date de la notification du présent jugement ;
s'agissant des sommes à caractère indemnitaire ;
- Limité l'exécution provisoire du présent jugement à l'exécution provisoire définie à l'article R. 1458-28 du code du travail et, à cet effet, fixe à 2 652 € le salaire mensuel brut moyen de référence ;
- Débouté les parties du surplus de leurs demandes ;
- Condamné en outre d'office la Société [U] à rembourser aux organismes intéressés les indemnités chômage versées à M. [L] dans la limite de 1 mois d'indemnités ;
- Condamné la SA [U] aux dépens éventuels.
La SA [U] a interjeté appel le 13 janvier 2022.
Selon ses dernières conclusions notifiées par la voie électronique le 31 juillet 2024, l'appelant sollicite de :
- Recevoir la société [U] en son appel, le dire bien fondé et y faisant droit ;
- Confirmer le jugement en ce qu'il a considéré que le licenciement de M. [L] n'était ni vexatoire ni brutal ;
- Infirmer le jugement en toutes ses dispositions critiquées et particulièrement en ce qu'il a :
- Dit que le licenciement de M. [L] est un licenciement sans cause réelle ni sérieuse et condamné la société [U] à lui verser les sommes suivantes :
- 7.956 € nets à titre de dommages et intérêts représentant 3 mois de salaires, afin qu'il soit tenu compte de l'ancienneté de M. [L] et de la période pendant laquelle il a été privé d'emploi,
- 3.028,39 € bruts au titre de la mise à pied conservatoire congés payés inclus,
- 9.215,50 € bruts au titre du préavis congés payés inclus,
- 4.216,34 € nets à titre d'indemnité de licenciement,
- Ordonné à la société [U] de délivrer à M. [L] une attestation pôle emploi ainsi que des bulletins de salaires rectifiés conformément à la décision à intervenir dans les 10 jours suivant cette décision,
- Condamné la société [U] à verser à M. [L] la somme de 1.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile
Lesdites condamnations étant assorties au taux légal à compter de la date de la saisine s'agissant des sommes à caractère salarial, et à compter de la date de la notification du présent jugement
s'agissant des sommes à caractère indemnitaire ;
- Limité l'exécution provisoire du présent jugement à l'exécution provisoire définie à l'article R. 1458-28 du code du travail et, à cet effet, fixe à 2 652 € le salaire mensuel brut moyen de référence ;
- Débouté les parties du surplus de leurs demandes
- Condamné en outre d'office la Société [U] à rembourser aux organismes intéressés les indemnités chômage versées à M. [L] dans la limite de 1 mois d'indemnités,
- Condamné la SA [U] aux dépens éventuels,
Statuant à nouveau,
A titre principal
- Juger que le licenciement pour faute grave de M. [X] [L] est parfaitement justifié ;
- Débouter M. [L] de son appel incident,
- Débouter M. [L] de l'intégralité de ses demandes,
Subsidiairement,
- Dire et juger, si la faute grave n'est pas retenue, que le licenciement repose néanmoins sur une cause réelle et sérieuse de licenciement compte tenu du comportement fautif de M. [L]
En conséquence,
- Limiter la condamnation de la société [U] au paiement des sommes suivantes :
- 3.028,39 € bruts au titre de la mise à pied conservatoire congés payés inclus,
- 9.215,50 € bruts au titre du préavis congés payés inclus,
- 4.216,34 € nets à titre d'indemnité de licenciement,
Très subsidiairement,
- Limiter le montant des dommages et intérêts accordés à M. [L] pour licenciement sans cause réelle et sérieuse au minimum du barème applicable, soit 3 mois de salaires bruts.
En tout état de cause :
- Juger irrecevable et en toute hypothèse infondée toute demande, fin et prétention contraires aux présentes ;
- Condamner M. [L] au paiement de 3.000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens avec distraction au profit de l'avocat soussigné aux offres de droit.
Selon ses dernières conclusions notifiées par la voie électronique le 30 juin 2022, l'intimé M. [L] sollicite de :
- Infirmer partiellement le jugement entrepris, et statuant à nouveau,
- Condamner la société [U] à verser à M. [L] les sommes suivantes :
- 13.260,00 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
- 3.000,00 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure brutale et vexatoire,
- Confirmer le jugement entrepris pour le surplus, et y ajoutant,
- Condamner la société [U] à verser à M. [L] la somme de 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- Débouter la société [U] de l'ensemble de ses demandes,
- Condamner la société [U] aux entiers dépens de première instance et d'appel.
L'ordonnance de clôture a été prononcée le 15 mai 2025.
Par application de l'article 455 du code de procédure civile, la cour se réfère, pour un plus ample exposé des prétentions et des moyens des parties à leurs dernières conclusions sus-visées.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur la rupture du contrat de travail
Pour infirmation à ce titre, la société [U] soutient le bien fondé du licenciement pour faute grave du salarié en ce qu'elle expose que M. [L] a exprimé son souhait de quitter la société via une rupture conventionnelle sous peine de menaces de nuisance envers l'entreprise si elle n'accédait pas à sa demande, outre les retards et absences injustifiées qu'elle déclare avoir constatés.
Pour confirmation, M. [L] soutient que sa hiérarchie a exercé des pressions en lui suggérant de démissionner et expose essentiellement le caractère non fondé des reproches contenus dans la lettre de licenciement. Il ajoute ne pas avoir émis de propos diffamatoires à la suite de la rupture de son contrat de travail par le biais d'internet.
En matière de licenciement disciplinaire, si la lettre de licenciement fixe les limites du litige en ce qui concerne les griefs articulés à l'encontre du salarié et les conséquences que l'employeur entend en tirer quant aux modalités de rupture, il appartient au juge de qualifier les faits invoqués.
La faute grave est celle qui résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputables au salarié constituant une violation des obligations résultant du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien de l'appelant dans l'entreprise même pendant la durée du préavis.
L'employeur qui invoque la faute grave pour licencier doit en rapporter la preuve.
La lettre de licenciement, qui fixe les limites du litige, doit être suffisamment motivée et viser des faits et griefs matériellement vérifiables, sous peine de rendre le licenciement dénué de cause réelle et sérieuse.
Par ailleurs, les juges qui constatent que l'employeur s'est placé sur le terrain disciplinaire, doivent examiner l'ensemble des motifs mentionnés dans la lettre de licenciement et doivent dire le licenciement sans cause réelle et sérieuse s'ils retiennent qu'aucun d'entre eux ne présente de caractère fautif.
Par courrier recommandé avec accusé de réception du 21 février 2020, la société a notifié à M. [L] son licenciement pour faute grave en ces termes :
' (...) Les faits qui vous sont reprochés sont les suivants :
Par mails en date du 14 janvier 2020, votre manager et le Directeur de la région [Localité 4] Ouest, votre N + 2, m'ont alerté de votre comportement.
Votre manager m'a relaté les évènements suivants :
- Le 6 janvier 2020, vous avez commencé une mission sur le projet CWF. Les 6 et 7 janvier 2020, vous êtes arrivé en retard le matin sans donner aucune explication. Le 8 janvier 2020, vous étiez absent toute la journée sans prévenir qui que ce soit au sein de la Société. Votre manager vous a alors convoqué en entretien le 9 janvier 2020 afin d'avoir des explications sur votre comportement.
- Lors de cet entretien du 9 janvier, votre manager vous a fait part de manière factuelle de vos retards et absences et de l'impact de ceux-ci sur le projet et l'image que notre client avait de notre société. Votre manager vous a d'ailleurs alerté sur le fait que le client se questionnait sur le fait de vous garder sur sa mission. Vous avez alors répondu à votre manager que vous souhaitiez quitter [U] et lui avez demandé oralement de bénéficier d'un départ dans le cadre d'une rupture conventionnelle.
- Votre manager vous a indiqué que nous ne donnerions pas une suite favorable à votre demande de rupture conventionnelle. Vous l`avez alors menacé de ne plus faire d'efforts. et même de faire en sorte de vous faire licencier si on ne validait pas votre demande de rupture conventionnelle en jouant 'au con' sur les projets.
- Votre manager a mis 'n à cet entretien en vous répétant que nous ne n'accepterions pas de signer une rupture conventionnelle et vous a demandé de respecter les horaires en vigueur au sein de la société.
Le Directeur de la région [Localité 4] Ouest, votre N+2, a échangé avec vous le 14 janvier 2020 afin de comprendre la situation et dans quel état d'esprit vous étiez. Lors de cet entretien, vous avez indiqué ne plus vouloir travailler au sein de notre Société mais que vous n'aviez pas l'intention de démissionner et avez renouvelé votre demande de béné'cier d'une rupture conventionnelle.
Devant le refus de votre N +2 de vous accorder une rupture conventionnelle, vous lui avez alors indiqué que vous aviez l'intention de vous faire licencier. Lorsque votre N+2 vous a demandé comment vous comptiez faire, vous lui avez répondu que 'nous verrons bien'.
Face à cette situation, je vous ai rencontré le 20 janvier 2020. Lors de cet échange, vous m'avez con'rmé vouloir quitter la Société et que vous n'envisagiez pas de démissionner. Je vous ai répondu que nous n'accepterions pas de signer une rupture conventionnelle. Vous m'avez alors rétorqué que dans ces conditions vous alliez nous 'montrer le pouvoir de nuisance d'un développeur'. Je vous ai alerté sur le fait que vous ne pouviez pas menacer la Societé et vous ai demandé de bien rè'échir à la situation et aux conséquences de telles menaces.
Face à votre attitude et à vos menaces et a'n de protéger les intérêts de notre Société et de ses salariés, nous n'avons pas eu d'autre choix que d'entamer une procédure disciplinaire à votre encontre.
Nous considérons que ces faits constituent une faute grave rendant impossible votre maintien même temporaire dans l'entreprise.
Votre contrat de travail sera rompu å la date d'envoi de la présente notification.
Vous avez par ailleurs fait l'objet d'une mise à pied à titre conservatoire qui vous a été notifiée le 23 janvier 2020. Dès lors, la période non travaillée du 23 janvier 2020 à ce jour ne sera pas rémunérée. (...)'
Pour établir la réalité des menaces et du comportement du salarié, l'employeur produit des échanges de mails entre MM. [J], [S], supérieurs hiérarchiques de M. [L] et Mme [I], directrice des ressources humaines, dans lesquels ils évoquent le souhait de M. [L] de quitter la société [U].
La société produit en outre une attestation de M. [S], lequel confirme les menaces qu'il attribue au salarié.
Si la volonté de M. [L] de quitter la société [U] est corroborée par l'attestation de Mme [O], chargée de développement RH de la société, ainsi que celle de Mme [I], directrice des ressources humaines, aucune autre pièce ne permet de caractériser les menaces du salarié, qui ne sont attestées que par la hiérarchie de M. [L] et la directrice des ressources humaines.
Dès l'entretien préalable en date du 4 février 2020, M. [L] a contesté les propos qui lui sont attribués. De même, il ressort de l'attestation de M. [C], développeur au sein de la société, témoin direct d'une conversation téléphonique entre les manageurs de M. [L], MM. [S] et [J], et la directrice des ressources humaines, Mme [I], laquelle s'est tenue porte ouverte sur haut-parleur, que la société souhaitait obtenir la démission de M. [L].
M. [C], dont il n'est pas évoqué par la partie appelante de conflit avec la société [U], expose avoir entendu les propos suivants :
'[N] [I] : Est-ce qu'il est prêt à démissionner '
[T] [S] : Non, il dit qu'il ne veut pas. Pour l'instant il reste sur sa position.
[N] [I] : Est-ce qu'il a été agressif '
[T] [S] : Comment ça '
[N] [I] : Il vous a menacé physiquement '
[Y] [J] : Non, pas du tout.
[N] [I] : C'est dommage... Tu es sûr qu'il n'a pas proféré de menaces '
[T] [S] : Il n'était pas très ouvert à la discussion mais il n'a menacé personne.
[N] [I] : Bon peu importe. Un moment il finira bien par démissionner non ' (...)'
Les déclarations de MM [S], [J] et Mme [I], bien que concordantes, émanent des personnes à l'origine du licenciement de M. [L], sont strictement déclaratives, et le grief n'est corroboré par aucun autre élément.
En outre, l'attestation de Mme [O], selon laquelle M. [L] lui a indiqué vouloir 'faire chier [U]' et que 'ça ne le gênait pas du tout d'être désobligeant pour arriver à ses fins' ne permet pas de caractériser les menaces et le chantage pour obtenir une rupture conventionnelle allégués par l'employeur et tels que relatés dans la lettre de licenciement, qui fixe les limites du litige.
Enfin, les propos qualifiés de diffamatoires par la société appelante et prêtés à M. [L], sur LinkedIn et Instragram, peu important leur matérialité, sont postérieurs au licenciement et ne peuvent donc venir corroborer la réalité du risque de menaces en l'espèce.
Concernant les retards reconnus par M. [L], il les attribue aux perturbations dans les transports urbains.
Pour établir que les retards des 6 et 7 janvier 2020 de M. [L] ne sont pas dûs aux grèves de transport, la société appelante expose que M. [L] n'a pas produit de justificatif de la compagnie de transport pour attester d'un retard dû au réseau de transports en commun. L'employeur ajoute que le réseau TAN (réseau de transport de [Localité 7]) a communiqué sur les réseaux sociaux afin de rappeler que, sur la journée du 9 janvier 2020 'l'ensemble des lignes circulent avec les horaires normaux (jour bleu)'.
Toutefois, la société procède par voie d'affirmation lorsqu'elle expose que lesdits retards ont eu un impact sur sa relation de confiance avec son client CWF. Elle ne communique ainsi aucun élément de son client pour établir que les retards de M. [L] ont entâché la volonté de CWF de traiter directement avec M. [L] et ainsi corroborer les déclarations des supérieurs hiérarchiques de M. [L].
Au vu de ce seul élément, il est simplement établi que M. [L] a été en retard à deux reprises, dans un contexte de perturbation des réseaux urbains de transport en commun dû aux grèves dans le cadre de la réforme des retraites débattue politiquement en début d'année 2020, sans pour autant que la société ne puisse établir l'impact desdits retards sur son activité et sur sa relation avec son client CWF.
Concernant l'absence du 8 janvier 2020, il n'est pas établi par l'employeur qu'il n'en a pas été informé. Les déclarations de M. [L] selon lequel il en a informé sa hiérarchie par message ne sont pas reconnues par l'employeur, sans que ce dernier ne puisse en justifier. En l'espèce, la cour rappelle que le doute profite au salarié. Il ressort par ailleurs des pièces de M. [L] que l'absence a été régularisée postérieurement, dès le 15 janvier 2020.
Les faits relatifs au retard de M. [L] sont à eux-seuls insuffisants pour justifier d'un licenciement pour faute grave, notamment compte-tenu de l'ancienneté de M. [L] et de l'absence de griefs antérieurs quant à sa capacité à respecter les horaires dans le cadre de la relation de travail, outre l'absence de sanction disciplinaire tel qu'un avertissement.
Il n'est par ailleurs pas établi que le comportement de M. [L] ait rendu impossible son maintien dans l'entreprise pendant la durée de préavis, ni qu'il caractérise une faute grave, ou une cause réelle et sérieuse de licenciement.
Le jugement entrepris sera confirmé à ce titre.
Sur les conséquences financières de la rupture
Dès lors que le licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse, M. [L] a droit à une indemnité compensatrice de préavis, une indemnité conventionnelle de licenciement et des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, en tenant compte d'un salaire de référence de 2.791,67 € brut, outre un rappel de salaire au titre de la période de mise à pied conservatoire.
- Sur l'indemnité de préavis
L'article L.1234-1 du code du travail énonce que lorsque le licenciement n'est pas motivé par une faute grave, le salarié a droit s'il justifie chez le même employeur d'une ancienneté de services continus d'au moins deux ans, d'un préavis de deux mois.
Toutefois, à la lecture des conclusions des parties, il est constant que le salarié pouvait prétendre à l'octroi d'un préavis équivalent à trois mois de salaire.
M. [L] est ainsi fondé à solliciter, l'octroi d'une somme de 8.375 € brut à titre d'indemnité compensatrice de préavis outre 837 € brut au titre des congés payés afférents.
Le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il a condamné la société appelante au paiement d'une indemnité de préavis mais sera réformé quant au quantum retenu.
- Sur l'indemnité conventionnelle de licenciement
M. [L] aurait dû bénéficier d'une indemnité conventionnelle de licenciement.
L'article 19 de la convention syntec stipule que cette indemnité se calcule comme suit :
'Après 2 ans d'ancienneté, 1/3 de mois par année de présence de l'ingénieur ou du cadre, sans pouvoir excéder un plafond de 12 mois.
Le mois de rémunération s'entend dans le cas particulier comme 1/12 de la rémunération des 12 derniers mois précédant la notification de la rupture du contrat de travail, cette rémunération incluant les primes prévues par les contrats de travail individuels et excluant les majorations pour heures supplémentaires au-delà de l'horaire normal de l'entreprise et les majorations de salaire ou indemnités liées à un déplacement ou un détachement. Pour les années incomplètes, l'indemnité de licenciement est calculée proportionnellement au nombre de mois de présence.'
Le jugement entrepris est dès lors confirmé en ce qu'il a condamné la société [U] à verser au salarié la somme de 4.126,34 euros nets (soit 1/3 x [4+8/12] x 2652) au titre de l'indemnité conventionnelle de licenciement.
- Sur le rappel de salaire au titre de la période de mis à pied conservatoire
M. [L] a été privé de ses salaires sur la période de mise à pied conservatoire, du 23 janvier 2020 au 21 février 2020. Compte tenu de ce que le licenciement de M. [L] a été déclaré abusif, il a donc été abusivement privé de sa rémunération pendant la période de mise à pied conservatoire.
Durant cette période, il aurait dû percevoir la rémunération de 2.753 €, la cour fixera en conséquence à la somme de 2.753 € le rappel de salaire pour la période de mise à pied conservatoire, outre 275 euros de congés payés afférents.
Le jugement querellé sera dès lors infirmé quant au quantum retenu.
- Sur l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse
L'article L. 1235-3 du code du travail dispose que si le licenciement d'un salarié survient pour une cause qui n'est pas réelle et sérieuse, le juge peut proposer la réintégration du salarié dans l'entreprise, avec maintien de ses avantages acquis. Si l'une ou l'autre des parties refuse cette réintégration, le juge octroie au salarié une indemnité à la charge de l'employeur qui répare le préjudice résultant du caractère injustifié de la perte d'emploi. Le montant de cette indemnité est compris entre des montants minimaux et maximaux fixés en nombre de mois de salaire, en fonction de l'ancienneté du salarié.
En l'espèce, M. [L] disposait d'une ancienneté, au service du même employeur, de quatre années entières et peut donc prétendre, par application des dispositions précitées, s'agissant d'une entreprise employant habituellement plus de dix salariés, à une indemnisation du préjudice né de la perte injustifiée de son emploi comprise entre trois mois et cinq mois de salaire.
Au regard de l'ancienneté de M. [L], de son âge lors de la rupture (42 ans), de ce qu'il a retrouvé un emploi, du montant mensuel de son salaire brut (2 652 €), il y a lieu de lui accorder la somme de 7 956 € au titre de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Le jugement du conseil de prud'hommes est infirmé en ce qu'il a fixé le montant de l'indemnité en net (Soc., 15 décembre 2021, pourvoi n° 20-18.782, P+B).
- Sur le caractère brutal et vexatoire du licenciement
M. [L] échoue à démontrer le caractère brutal et vexatoire du licenciement. Ce n'est ainsi que par voie d'affirmation qu'il expose avoir eu des difficultés pour trouver une personne pour l'assister.
S'il ressort en outre manifestement du certificat médical établi par le médecin traitant de M. [L] que ce dernier a fait état d'un mal être au travail conséquent, ayant entraîné une 'mesestime de soi', il n'est établi aucun lien entre les conditions du licenciement et son état de santé.
M. [L] sera dès lors débouté de sa demande incidente à ce titre, en confirmation du jugement entrepris.
Sur le remboursement des indemnités de chômage
Par application combinée des articles L. 1235-3 et L. 1235-4 du code du travail, lorsque le licenciement d'un salarié survient pour une cause qui n'est pas réelle et sérieuse, le juge ordonne le remboursement par l'employeur fautif aux organismes intéressés de tout ou partie des indemnités de chômage versées au salarié licencié, du jour de son licenciement au jour du jugement prononcé, dans la limite de six mois d'indemnités de chômage par salarié intéressé. Ce remboursement est ordonné d'office lorsque les organismes intéressés ne sont pas intervenus à l'instance ou n'ont pas fait connaître le montant des indemnités versées.
Sur ce fondement, il y a lieu de condamner la société [U] à rembourser aux organismes concernés les indemnités de chômage payées à M. [L] à compter du jour de la rupture du contrat de travail, dans la limite de six mois d'indemnités. Le jugement entrepris sera confirmé de ce chef.
Sur la remise des documents sociaux
La demande de remise de documents sociaux rectifiés conformes à la présente décision est fondée en son principe, telle qu'ordonnée par les premiers juges. Le jugement entrepris sera confirmé de ce chef.
Sur les dépens et les frais irrépétibles
Le jugement de première instance est confirmé en ses dispositions relatives aux dépens et aux frais irrépétibles.
En application de l'article 696 du code de procédure civile, la société [U], partie perdante, sera condamnée aux dépens d'appel.
Condamnée aux dépens, elle sera déboutée de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile.
L'équité commande en revanche de la condamner, sur ce même fondement juridique, à payer à M. [L] une indemnité d'un montant de 1.500 € au titre des frais irrépétibles exposés en cause d'appel.
PAR CES MOTIFS
LA COUR,
Statuant par arrêt contradictoire mis à la disposition des parties au greffe,
Confirme le jugement entrepris sauf en ses dispositions relatives à l'indemnité compensatrice de préavis, aux dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et à la mise à pied conservatoire,
L'infirme de ces chefs,
Statuant à nouveau,
Condamne la société [U] à verser à M. [L] les sommes suivantes :
- 2.753 € brut au titre de la période de mise à pied conservatoire,
- 275 € brut au titre des congés payés afférents,
- 8.375 € brut à titre d'indemnité compensatrice de préavis,
- 837 € brut au titre des congés payés afférents,
- 7.956 € brut à titre de dommages-intérêts sur le fondement de l'article L. 1235-3 du code du travail,
Rappelle qu'en application de l'article 1231-6 du code civil les sommes de nature salariale porteront intérêts au taux légal à compter de la date de la réception par l'employeur de sa convocation devant le bureau de conciliation et que les autres sommes à caractère indemnitaire, en application de l'article 1231-7 du code civil, porteront intérêts au taux légal à compter de la décision qui les prononce ;
et y ajoutant,
Condamne la société [U] à verser à M. [L] la somme de 1.500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel, outre la somme déjà allouée en première instance sur ce fondement ;
Déboute la société [U] de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamne la société [U] aux dépens d'appel.
LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT.
ARRÊT N°251
N° RG 22/00214 -
N° Portalis DBVL-V-B7G-SMFG
S.A. [U]
C/
M. [X] [L]
Sur appel du jugement du C.P.H.de [Localité 7] du 06/12/2021
RG CPH : 20/00318
Infirmation partielle
Copie exécutoire délivrée
le :
à :
Copie certifiée conforme délivrée
le:
à:
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE RENNES
ARRÊT DU 1er OCTOBRE 2025
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :
Madame Nadège BOSSARD, Présidente,
Madame Anne-Laure DELACOUR, Conseillère,
Madame Anne-Cécile MERIC, Conseillère,
GREFFIER :
Monsieur Philippe RENAULT, lors des débats et lors du prononcé
DÉBATS :
A l'audience publique du 19 Juin 2025
devant Madame Anne-Cécile MERIC, magistrat rapporteur, tenant seul l'audience, sans opposition des représentants des parties et qui a rendu compte au délibéré collégial
En présence de Madame [B] [R], médiatrice judiciaire,
ARRÊT :
Contradictoire, prononcé publiquement le 1er Octobre 2025 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l'issue des débats
****
APPELANTE et intimée à titre incident :
La S.A. [U] prise en la personne de ses représentants légaux et ayant son siège social :
[Adresse 5]
[Localité 2]
Représentée par Me Marie VERRANDO de la SELARL LX RENNES-ANGERS, Avocat postulant du Barreau de RENNES et par Me Hugo GONCALVES substituant à l'audience Me Géraldine LEPEYTRE de la SELARL JOFFE & ASSOCIES, Avocats plaidants du Barreau de PARIS
INTIMÉ et appelant à titre incident :
Monsieur [X] [L]
né le 30 Décembre 1978 à [Localité 6] (72)
demeurant [Adresse 1]
[Localité 3]
Représenté par Me Martin GUICHARDON, Avocat au Barreau de NANTES
M. [X] [L] a été engagé par la société SA [U] selon contrat de travail à durée indéterminée à compter du 21 septembre 2015 en qualité d'ingénieur Solutions, statut cadre Position 2.1. de la Convention collective nationale des Bureaux d'Études Techniques, des Cabinets d'Ingénieurs-Conseils et des Sociétés de Conseils avec une rémunération de 2.311 euros bruts.
Par avenants successifs à son contrat de travail, la rémunération fixe de M. [L] a évolué, en 2016, 2018 et 2019.
Au dernier état de la relation contractuelle, M. [L] a perçu une rémunération moyenne mensuelle brute de 2.652 €.
Le 6 janvier 2020, M. [L] a démarré une intervention sur un nouveau projet pour le client CWF, sur le site de [U] à [Localité 7], en présence du client.
Des retards et une absence ayant été constatés les 6, 7 et 8 janvier 2020, M. [L] a été convoqué à un entretien informel avec M. [J], Responsable des Opérations, le 9 janvier 2020.
Le 14 janvier 2020, M. [L] a été retiré de la mission pour le client CWF, après un entretien avec M. [S], Directeur Région Ouest.
Le 20 janvier 2020, une rencontre est intervenue entre M. [L] et Mme [I], DRH.
Par courrier remis en main propre du 23 janvier 2020, M. [L] a été convoqué à un entretien préalable à un éventuel licenciement le 04 février 2020 et a été mis à pied à titre conservatoire. M. [L] s'est présenté à l'entretien.
Le 21 février 2020, date d'envoi de la lettre de licenciement, la société [U] a notifié à M. [L] son licenciement pour faute grave.
Par lettre du 11 mars 2020, M. [L] a contesté son licenciement et a démenti avoir menacé de mal faire son travail pour obtenir une rupture de contrat. Cette contestation a été réitérée par le biais de son conseil par courrier du 25 mars 2020.
Par lettre du 10 avril 2020, la société a mis en demeure M. [L] de retirer des commentaires diffamatoires postés par ce dernier sur le réseau LinkedIn le 24 mars 2020.
Le 12 mai 2020, M. [L] a saisi le conseil de prud'hommes de Nantes aux fins de :
- Dire que M. [L] n'a commis aucune faute grave et que son licenciement est dénué de cause réelle et sérieuse
- Au titre de la période de mise à pied conservatoire (congés payés inclus) : 3 028,39 € Brut
- Indemnité compensatrice de préavis (congés payés inclus) : 9 212,50 € Brut
- Indemnité conventionnelle de licenciement : 4 126,34 € Net
- Dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse : 20 000,00 € Net
- Dommages-intérêts pour procédure vexatoire et brutale : 3 000,00 € Net
- Article 700 du code de procédure civile : 2 000,00 € Net
- Intérêts au taux légal à compter de l'introduction pour les sommes ayant un caractère salarial et à compter du jugement à intervenir pour les autres sommes, avec capitalisation
- Fixer la moyenne des salaires à la somme de 2 652 € bruts
- Remise d'une attestation Pôle Emploi et de bulletins de salaire rectifiés conformément à la décision à intervenir dans les 10 jours suivant cette décision et ce sous astreinte de 50 € par jour de retard
- Exécution provisoire de la décision à intervenir en ces dispositions pour lesquelles elle n'est pas de droit
Par jugement en date du 06 décembre 2021, le conseil de prud'hommes de Nantes a :
- Dit que le licenciement de M. [L] est un licenciement sans cause réelle ni sérieuse et condamné la société [U] à lui verser les sommes suivantes :
- 7.956 € nets à titre de dommages et intérêts représentant 3 mois de salaires, afin qu'il soit tenu compte de l'ancienneté de M. [L] et de la période pendant laquelle il a été privé d'emploi
- 3.028,39 € bruts au titre de la mise à pied conservatoire congés payés inclus
- 9.215,50 € bruts au titre du préavis congés payés inclus
- 4.216,34 € nets à titre d'indemnité de licenciement
- Ordonné à la société [U] de délivrer à M. [L] une attestation pôle emploi ainsi que des bulletins de salaires rectifiés conformément à la décision à intervenir dans les 10 jours suivant cette décision ;
- Condamné la société [U] à verser à M. [L] la somme de 1.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile
Lesdites condamnations étant assorties au taux légal à compter de la date de la saisine s'agissant des sommes à caractère salarial, et à compter de la date de la notification du présent jugement ;
s'agissant des sommes à caractère indemnitaire ;
- Limité l'exécution provisoire du présent jugement à l'exécution provisoire définie à l'article R. 1458-28 du code du travail et, à cet effet, fixe à 2 652 € le salaire mensuel brut moyen de référence ;
- Débouté les parties du surplus de leurs demandes ;
- Condamné en outre d'office la Société [U] à rembourser aux organismes intéressés les indemnités chômage versées à M. [L] dans la limite de 1 mois d'indemnités ;
- Condamné la SA [U] aux dépens éventuels.
La SA [U] a interjeté appel le 13 janvier 2022.
Selon ses dernières conclusions notifiées par la voie électronique le 31 juillet 2024, l'appelant sollicite de :
- Recevoir la société [U] en son appel, le dire bien fondé et y faisant droit ;
- Confirmer le jugement en ce qu'il a considéré que le licenciement de M. [L] n'était ni vexatoire ni brutal ;
- Infirmer le jugement en toutes ses dispositions critiquées et particulièrement en ce qu'il a :
- Dit que le licenciement de M. [L] est un licenciement sans cause réelle ni sérieuse et condamné la société [U] à lui verser les sommes suivantes :
- 7.956 € nets à titre de dommages et intérêts représentant 3 mois de salaires, afin qu'il soit tenu compte de l'ancienneté de M. [L] et de la période pendant laquelle il a été privé d'emploi,
- 3.028,39 € bruts au titre de la mise à pied conservatoire congés payés inclus,
- 9.215,50 € bruts au titre du préavis congés payés inclus,
- 4.216,34 € nets à titre d'indemnité de licenciement,
- Ordonné à la société [U] de délivrer à M. [L] une attestation pôle emploi ainsi que des bulletins de salaires rectifiés conformément à la décision à intervenir dans les 10 jours suivant cette décision,
- Condamné la société [U] à verser à M. [L] la somme de 1.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile
Lesdites condamnations étant assorties au taux légal à compter de la date de la saisine s'agissant des sommes à caractère salarial, et à compter de la date de la notification du présent jugement
s'agissant des sommes à caractère indemnitaire ;
- Limité l'exécution provisoire du présent jugement à l'exécution provisoire définie à l'article R. 1458-28 du code du travail et, à cet effet, fixe à 2 652 € le salaire mensuel brut moyen de référence ;
- Débouté les parties du surplus de leurs demandes
- Condamné en outre d'office la Société [U] à rembourser aux organismes intéressés les indemnités chômage versées à M. [L] dans la limite de 1 mois d'indemnités,
- Condamné la SA [U] aux dépens éventuels,
Statuant à nouveau,
A titre principal
- Juger que le licenciement pour faute grave de M. [X] [L] est parfaitement justifié ;
- Débouter M. [L] de son appel incident,
- Débouter M. [L] de l'intégralité de ses demandes,
Subsidiairement,
- Dire et juger, si la faute grave n'est pas retenue, que le licenciement repose néanmoins sur une cause réelle et sérieuse de licenciement compte tenu du comportement fautif de M. [L]
En conséquence,
- Limiter la condamnation de la société [U] au paiement des sommes suivantes :
- 3.028,39 € bruts au titre de la mise à pied conservatoire congés payés inclus,
- 9.215,50 € bruts au titre du préavis congés payés inclus,
- 4.216,34 € nets à titre d'indemnité de licenciement,
Très subsidiairement,
- Limiter le montant des dommages et intérêts accordés à M. [L] pour licenciement sans cause réelle et sérieuse au minimum du barème applicable, soit 3 mois de salaires bruts.
En tout état de cause :
- Juger irrecevable et en toute hypothèse infondée toute demande, fin et prétention contraires aux présentes ;
- Condamner M. [L] au paiement de 3.000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens avec distraction au profit de l'avocat soussigné aux offres de droit.
Selon ses dernières conclusions notifiées par la voie électronique le 30 juin 2022, l'intimé M. [L] sollicite de :
- Infirmer partiellement le jugement entrepris, et statuant à nouveau,
- Condamner la société [U] à verser à M. [L] les sommes suivantes :
- 13.260,00 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
- 3.000,00 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure brutale et vexatoire,
- Confirmer le jugement entrepris pour le surplus, et y ajoutant,
- Condamner la société [U] à verser à M. [L] la somme de 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- Débouter la société [U] de l'ensemble de ses demandes,
- Condamner la société [U] aux entiers dépens de première instance et d'appel.
L'ordonnance de clôture a été prononcée le 15 mai 2025.
Par application de l'article 455 du code de procédure civile, la cour se réfère, pour un plus ample exposé des prétentions et des moyens des parties à leurs dernières conclusions sus-visées.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur la rupture du contrat de travail
Pour infirmation à ce titre, la société [U] soutient le bien fondé du licenciement pour faute grave du salarié en ce qu'elle expose que M. [L] a exprimé son souhait de quitter la société via une rupture conventionnelle sous peine de menaces de nuisance envers l'entreprise si elle n'accédait pas à sa demande, outre les retards et absences injustifiées qu'elle déclare avoir constatés.
Pour confirmation, M. [L] soutient que sa hiérarchie a exercé des pressions en lui suggérant de démissionner et expose essentiellement le caractère non fondé des reproches contenus dans la lettre de licenciement. Il ajoute ne pas avoir émis de propos diffamatoires à la suite de la rupture de son contrat de travail par le biais d'internet.
En matière de licenciement disciplinaire, si la lettre de licenciement fixe les limites du litige en ce qui concerne les griefs articulés à l'encontre du salarié et les conséquences que l'employeur entend en tirer quant aux modalités de rupture, il appartient au juge de qualifier les faits invoqués.
La faute grave est celle qui résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputables au salarié constituant une violation des obligations résultant du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien de l'appelant dans l'entreprise même pendant la durée du préavis.
L'employeur qui invoque la faute grave pour licencier doit en rapporter la preuve.
La lettre de licenciement, qui fixe les limites du litige, doit être suffisamment motivée et viser des faits et griefs matériellement vérifiables, sous peine de rendre le licenciement dénué de cause réelle et sérieuse.
Par ailleurs, les juges qui constatent que l'employeur s'est placé sur le terrain disciplinaire, doivent examiner l'ensemble des motifs mentionnés dans la lettre de licenciement et doivent dire le licenciement sans cause réelle et sérieuse s'ils retiennent qu'aucun d'entre eux ne présente de caractère fautif.
Par courrier recommandé avec accusé de réception du 21 février 2020, la société a notifié à M. [L] son licenciement pour faute grave en ces termes :
' (...) Les faits qui vous sont reprochés sont les suivants :
Par mails en date du 14 janvier 2020, votre manager et le Directeur de la région [Localité 4] Ouest, votre N + 2, m'ont alerté de votre comportement.
Votre manager m'a relaté les évènements suivants :
- Le 6 janvier 2020, vous avez commencé une mission sur le projet CWF. Les 6 et 7 janvier 2020, vous êtes arrivé en retard le matin sans donner aucune explication. Le 8 janvier 2020, vous étiez absent toute la journée sans prévenir qui que ce soit au sein de la Société. Votre manager vous a alors convoqué en entretien le 9 janvier 2020 afin d'avoir des explications sur votre comportement.
- Lors de cet entretien du 9 janvier, votre manager vous a fait part de manière factuelle de vos retards et absences et de l'impact de ceux-ci sur le projet et l'image que notre client avait de notre société. Votre manager vous a d'ailleurs alerté sur le fait que le client se questionnait sur le fait de vous garder sur sa mission. Vous avez alors répondu à votre manager que vous souhaitiez quitter [U] et lui avez demandé oralement de bénéficier d'un départ dans le cadre d'une rupture conventionnelle.
- Votre manager vous a indiqué que nous ne donnerions pas une suite favorable à votre demande de rupture conventionnelle. Vous l`avez alors menacé de ne plus faire d'efforts. et même de faire en sorte de vous faire licencier si on ne validait pas votre demande de rupture conventionnelle en jouant 'au con' sur les projets.
- Votre manager a mis 'n à cet entretien en vous répétant que nous ne n'accepterions pas de signer une rupture conventionnelle et vous a demandé de respecter les horaires en vigueur au sein de la société.
Le Directeur de la région [Localité 4] Ouest, votre N+2, a échangé avec vous le 14 janvier 2020 afin de comprendre la situation et dans quel état d'esprit vous étiez. Lors de cet entretien, vous avez indiqué ne plus vouloir travailler au sein de notre Société mais que vous n'aviez pas l'intention de démissionner et avez renouvelé votre demande de béné'cier d'une rupture conventionnelle.
Devant le refus de votre N +2 de vous accorder une rupture conventionnelle, vous lui avez alors indiqué que vous aviez l'intention de vous faire licencier. Lorsque votre N+2 vous a demandé comment vous comptiez faire, vous lui avez répondu que 'nous verrons bien'.
Face à cette situation, je vous ai rencontré le 20 janvier 2020. Lors de cet échange, vous m'avez con'rmé vouloir quitter la Société et que vous n'envisagiez pas de démissionner. Je vous ai répondu que nous n'accepterions pas de signer une rupture conventionnelle. Vous m'avez alors rétorqué que dans ces conditions vous alliez nous 'montrer le pouvoir de nuisance d'un développeur'. Je vous ai alerté sur le fait que vous ne pouviez pas menacer la Societé et vous ai demandé de bien rè'échir à la situation et aux conséquences de telles menaces.
Face à votre attitude et à vos menaces et a'n de protéger les intérêts de notre Société et de ses salariés, nous n'avons pas eu d'autre choix que d'entamer une procédure disciplinaire à votre encontre.
Nous considérons que ces faits constituent une faute grave rendant impossible votre maintien même temporaire dans l'entreprise.
Votre contrat de travail sera rompu å la date d'envoi de la présente notification.
Vous avez par ailleurs fait l'objet d'une mise à pied à titre conservatoire qui vous a été notifiée le 23 janvier 2020. Dès lors, la période non travaillée du 23 janvier 2020 à ce jour ne sera pas rémunérée. (...)'
Pour établir la réalité des menaces et du comportement du salarié, l'employeur produit des échanges de mails entre MM. [J], [S], supérieurs hiérarchiques de M. [L] et Mme [I], directrice des ressources humaines, dans lesquels ils évoquent le souhait de M. [L] de quitter la société [U].
La société produit en outre une attestation de M. [S], lequel confirme les menaces qu'il attribue au salarié.
Si la volonté de M. [L] de quitter la société [U] est corroborée par l'attestation de Mme [O], chargée de développement RH de la société, ainsi que celle de Mme [I], directrice des ressources humaines, aucune autre pièce ne permet de caractériser les menaces du salarié, qui ne sont attestées que par la hiérarchie de M. [L] et la directrice des ressources humaines.
Dès l'entretien préalable en date du 4 février 2020, M. [L] a contesté les propos qui lui sont attribués. De même, il ressort de l'attestation de M. [C], développeur au sein de la société, témoin direct d'une conversation téléphonique entre les manageurs de M. [L], MM. [S] et [J], et la directrice des ressources humaines, Mme [I], laquelle s'est tenue porte ouverte sur haut-parleur, que la société souhaitait obtenir la démission de M. [L].
M. [C], dont il n'est pas évoqué par la partie appelante de conflit avec la société [U], expose avoir entendu les propos suivants :
'[N] [I] : Est-ce qu'il est prêt à démissionner '
[T] [S] : Non, il dit qu'il ne veut pas. Pour l'instant il reste sur sa position.
[N] [I] : Est-ce qu'il a été agressif '
[T] [S] : Comment ça '
[N] [I] : Il vous a menacé physiquement '
[Y] [J] : Non, pas du tout.
[N] [I] : C'est dommage... Tu es sûr qu'il n'a pas proféré de menaces '
[T] [S] : Il n'était pas très ouvert à la discussion mais il n'a menacé personne.
[N] [I] : Bon peu importe. Un moment il finira bien par démissionner non ' (...)'
Les déclarations de MM [S], [J] et Mme [I], bien que concordantes, émanent des personnes à l'origine du licenciement de M. [L], sont strictement déclaratives, et le grief n'est corroboré par aucun autre élément.
En outre, l'attestation de Mme [O], selon laquelle M. [L] lui a indiqué vouloir 'faire chier [U]' et que 'ça ne le gênait pas du tout d'être désobligeant pour arriver à ses fins' ne permet pas de caractériser les menaces et le chantage pour obtenir une rupture conventionnelle allégués par l'employeur et tels que relatés dans la lettre de licenciement, qui fixe les limites du litige.
Enfin, les propos qualifiés de diffamatoires par la société appelante et prêtés à M. [L], sur LinkedIn et Instragram, peu important leur matérialité, sont postérieurs au licenciement et ne peuvent donc venir corroborer la réalité du risque de menaces en l'espèce.
Concernant les retards reconnus par M. [L], il les attribue aux perturbations dans les transports urbains.
Pour établir que les retards des 6 et 7 janvier 2020 de M. [L] ne sont pas dûs aux grèves de transport, la société appelante expose que M. [L] n'a pas produit de justificatif de la compagnie de transport pour attester d'un retard dû au réseau de transports en commun. L'employeur ajoute que le réseau TAN (réseau de transport de [Localité 7]) a communiqué sur les réseaux sociaux afin de rappeler que, sur la journée du 9 janvier 2020 'l'ensemble des lignes circulent avec les horaires normaux (jour bleu)'.
Toutefois, la société procède par voie d'affirmation lorsqu'elle expose que lesdits retards ont eu un impact sur sa relation de confiance avec son client CWF. Elle ne communique ainsi aucun élément de son client pour établir que les retards de M. [L] ont entâché la volonté de CWF de traiter directement avec M. [L] et ainsi corroborer les déclarations des supérieurs hiérarchiques de M. [L].
Au vu de ce seul élément, il est simplement établi que M. [L] a été en retard à deux reprises, dans un contexte de perturbation des réseaux urbains de transport en commun dû aux grèves dans le cadre de la réforme des retraites débattue politiquement en début d'année 2020, sans pour autant que la société ne puisse établir l'impact desdits retards sur son activité et sur sa relation avec son client CWF.
Concernant l'absence du 8 janvier 2020, il n'est pas établi par l'employeur qu'il n'en a pas été informé. Les déclarations de M. [L] selon lequel il en a informé sa hiérarchie par message ne sont pas reconnues par l'employeur, sans que ce dernier ne puisse en justifier. En l'espèce, la cour rappelle que le doute profite au salarié. Il ressort par ailleurs des pièces de M. [L] que l'absence a été régularisée postérieurement, dès le 15 janvier 2020.
Les faits relatifs au retard de M. [L] sont à eux-seuls insuffisants pour justifier d'un licenciement pour faute grave, notamment compte-tenu de l'ancienneté de M. [L] et de l'absence de griefs antérieurs quant à sa capacité à respecter les horaires dans le cadre de la relation de travail, outre l'absence de sanction disciplinaire tel qu'un avertissement.
Il n'est par ailleurs pas établi que le comportement de M. [L] ait rendu impossible son maintien dans l'entreprise pendant la durée de préavis, ni qu'il caractérise une faute grave, ou une cause réelle et sérieuse de licenciement.
Le jugement entrepris sera confirmé à ce titre.
Sur les conséquences financières de la rupture
Dès lors que le licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse, M. [L] a droit à une indemnité compensatrice de préavis, une indemnité conventionnelle de licenciement et des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, en tenant compte d'un salaire de référence de 2.791,67 € brut, outre un rappel de salaire au titre de la période de mise à pied conservatoire.
- Sur l'indemnité de préavis
L'article L.1234-1 du code du travail énonce que lorsque le licenciement n'est pas motivé par une faute grave, le salarié a droit s'il justifie chez le même employeur d'une ancienneté de services continus d'au moins deux ans, d'un préavis de deux mois.
Toutefois, à la lecture des conclusions des parties, il est constant que le salarié pouvait prétendre à l'octroi d'un préavis équivalent à trois mois de salaire.
M. [L] est ainsi fondé à solliciter, l'octroi d'une somme de 8.375 € brut à titre d'indemnité compensatrice de préavis outre 837 € brut au titre des congés payés afférents.
Le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il a condamné la société appelante au paiement d'une indemnité de préavis mais sera réformé quant au quantum retenu.
- Sur l'indemnité conventionnelle de licenciement
M. [L] aurait dû bénéficier d'une indemnité conventionnelle de licenciement.
L'article 19 de la convention syntec stipule que cette indemnité se calcule comme suit :
'Après 2 ans d'ancienneté, 1/3 de mois par année de présence de l'ingénieur ou du cadre, sans pouvoir excéder un plafond de 12 mois.
Le mois de rémunération s'entend dans le cas particulier comme 1/12 de la rémunération des 12 derniers mois précédant la notification de la rupture du contrat de travail, cette rémunération incluant les primes prévues par les contrats de travail individuels et excluant les majorations pour heures supplémentaires au-delà de l'horaire normal de l'entreprise et les majorations de salaire ou indemnités liées à un déplacement ou un détachement. Pour les années incomplètes, l'indemnité de licenciement est calculée proportionnellement au nombre de mois de présence.'
Le jugement entrepris est dès lors confirmé en ce qu'il a condamné la société [U] à verser au salarié la somme de 4.126,34 euros nets (soit 1/3 x [4+8/12] x 2652) au titre de l'indemnité conventionnelle de licenciement.
- Sur le rappel de salaire au titre de la période de mis à pied conservatoire
M. [L] a été privé de ses salaires sur la période de mise à pied conservatoire, du 23 janvier 2020 au 21 février 2020. Compte tenu de ce que le licenciement de M. [L] a été déclaré abusif, il a donc été abusivement privé de sa rémunération pendant la période de mise à pied conservatoire.
Durant cette période, il aurait dû percevoir la rémunération de 2.753 €, la cour fixera en conséquence à la somme de 2.753 € le rappel de salaire pour la période de mise à pied conservatoire, outre 275 euros de congés payés afférents.
Le jugement querellé sera dès lors infirmé quant au quantum retenu.
- Sur l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse
L'article L. 1235-3 du code du travail dispose que si le licenciement d'un salarié survient pour une cause qui n'est pas réelle et sérieuse, le juge peut proposer la réintégration du salarié dans l'entreprise, avec maintien de ses avantages acquis. Si l'une ou l'autre des parties refuse cette réintégration, le juge octroie au salarié une indemnité à la charge de l'employeur qui répare le préjudice résultant du caractère injustifié de la perte d'emploi. Le montant de cette indemnité est compris entre des montants minimaux et maximaux fixés en nombre de mois de salaire, en fonction de l'ancienneté du salarié.
En l'espèce, M. [L] disposait d'une ancienneté, au service du même employeur, de quatre années entières et peut donc prétendre, par application des dispositions précitées, s'agissant d'une entreprise employant habituellement plus de dix salariés, à une indemnisation du préjudice né de la perte injustifiée de son emploi comprise entre trois mois et cinq mois de salaire.
Au regard de l'ancienneté de M. [L], de son âge lors de la rupture (42 ans), de ce qu'il a retrouvé un emploi, du montant mensuel de son salaire brut (2 652 €), il y a lieu de lui accorder la somme de 7 956 € au titre de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Le jugement du conseil de prud'hommes est infirmé en ce qu'il a fixé le montant de l'indemnité en net (Soc., 15 décembre 2021, pourvoi n° 20-18.782, P+B).
- Sur le caractère brutal et vexatoire du licenciement
M. [L] échoue à démontrer le caractère brutal et vexatoire du licenciement. Ce n'est ainsi que par voie d'affirmation qu'il expose avoir eu des difficultés pour trouver une personne pour l'assister.
S'il ressort en outre manifestement du certificat médical établi par le médecin traitant de M. [L] que ce dernier a fait état d'un mal être au travail conséquent, ayant entraîné une 'mesestime de soi', il n'est établi aucun lien entre les conditions du licenciement et son état de santé.
M. [L] sera dès lors débouté de sa demande incidente à ce titre, en confirmation du jugement entrepris.
Sur le remboursement des indemnités de chômage
Par application combinée des articles L. 1235-3 et L. 1235-4 du code du travail, lorsque le licenciement d'un salarié survient pour une cause qui n'est pas réelle et sérieuse, le juge ordonne le remboursement par l'employeur fautif aux organismes intéressés de tout ou partie des indemnités de chômage versées au salarié licencié, du jour de son licenciement au jour du jugement prononcé, dans la limite de six mois d'indemnités de chômage par salarié intéressé. Ce remboursement est ordonné d'office lorsque les organismes intéressés ne sont pas intervenus à l'instance ou n'ont pas fait connaître le montant des indemnités versées.
Sur ce fondement, il y a lieu de condamner la société [U] à rembourser aux organismes concernés les indemnités de chômage payées à M. [L] à compter du jour de la rupture du contrat de travail, dans la limite de six mois d'indemnités. Le jugement entrepris sera confirmé de ce chef.
Sur la remise des documents sociaux
La demande de remise de documents sociaux rectifiés conformes à la présente décision est fondée en son principe, telle qu'ordonnée par les premiers juges. Le jugement entrepris sera confirmé de ce chef.
Sur les dépens et les frais irrépétibles
Le jugement de première instance est confirmé en ses dispositions relatives aux dépens et aux frais irrépétibles.
En application de l'article 696 du code de procédure civile, la société [U], partie perdante, sera condamnée aux dépens d'appel.
Condamnée aux dépens, elle sera déboutée de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile.
L'équité commande en revanche de la condamner, sur ce même fondement juridique, à payer à M. [L] une indemnité d'un montant de 1.500 € au titre des frais irrépétibles exposés en cause d'appel.
PAR CES MOTIFS
LA COUR,
Statuant par arrêt contradictoire mis à la disposition des parties au greffe,
Confirme le jugement entrepris sauf en ses dispositions relatives à l'indemnité compensatrice de préavis, aux dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et à la mise à pied conservatoire,
L'infirme de ces chefs,
Statuant à nouveau,
Condamne la société [U] à verser à M. [L] les sommes suivantes :
- 2.753 € brut au titre de la période de mise à pied conservatoire,
- 275 € brut au titre des congés payés afférents,
- 8.375 € brut à titre d'indemnité compensatrice de préavis,
- 837 € brut au titre des congés payés afférents,
- 7.956 € brut à titre de dommages-intérêts sur le fondement de l'article L. 1235-3 du code du travail,
Rappelle qu'en application de l'article 1231-6 du code civil les sommes de nature salariale porteront intérêts au taux légal à compter de la date de la réception par l'employeur de sa convocation devant le bureau de conciliation et que les autres sommes à caractère indemnitaire, en application de l'article 1231-7 du code civil, porteront intérêts au taux légal à compter de la décision qui les prononce ;
et y ajoutant,
Condamne la société [U] à verser à M. [L] la somme de 1.500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel, outre la somme déjà allouée en première instance sur ce fondement ;
Déboute la société [U] de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamne la société [U] aux dépens d'appel.
LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT.