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Décisions

CA Rennes, 5e ch., 1 octobre 2025, n° 22/03641

RENNES

Arrêt

Autre

CA Rennes n° 22/03641

30 septembre 2025

5ème Chambre

ARRÊT N°-195

N° RG 22/03641 - N° Portalis DBVL-V-B7G-S2YZ

(Réf 1ère instance : 20/03113)

S.A. LA POSTE

C/

M. [N] [W]

Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 01 OCTOBRE 2025

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

Président : Madame Virginie PARENT, Présidente,

Assesseur : Madame Virginie HAUET, Conseiller,

Assesseur : Madame Marie-France DAUPS, Conseiller,

GREFFIER :

Madame Catherine VILLENEUVE, lors des débats et lors du prononcé

DÉBATS :

A l'audience publique du 25 Juin 2025

devant Madame Virginie PARENT et Madame Virginie HAUET, magistrats rapporteurs, tenant seules l'audience, sans opposition des représentants des parties et qui ont rendu compte au délibéré collégial

ARRÊT :

Contradictoire, prononcé publiquement le 01 Octobre 2025 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l'issue des débats

****

APPELANTE :

S.A. LA POSTE agissant en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 6]

[Localité 5]

Représentée par Me Jean-David CHAUDET de la SCP JEAN-DAVID CHAUDET, Postulant, avocat au barreau de RENNES

Représentée par Me Christophe DENIZOT de l'ASSOCIATION AARPI NICOLAS DENIZOT TRAUTMANN ASSOCIES, Plaidant, avocat au barreau de PARIS

INTIMÉ :

Monsieur [N] [W]

[Adresse 8]

[Localité 4]

Représenté par Me Renaud GUIDEC de la SELARL DENIGOT - SAMSON - GUIDEC, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de NANTES

Suivant acte sous seing privé en date du 30 mars 2001, Mme [I] [W] a donné à bail commercial à la société La Poste des locaux dans un immeuble situé [Adresse 1] à [Localité 10], pour une durée de 9 ans à compter du 1er avril 2001 à destination de bureaux pour le service de courrier, prestations relatives aux moyens de paiement et transferts de fonds, placements d'épargne, gestion de patrimoine, produits d'assurance moyennant un loyer annuel de 122 500 francs hors charges, payable trimestriellement d'avance.

Par exploit d'huissier du 29 septembre 2009, le bailleur a signifié un congé avec offre de renouvellement pour le 1er avril 2010 moyennant un loyer annuel de 51 600 euros HT HC. La société La Poste a accepté le principe du renouvellement du bail mais a refusé le loyer proposé.

Le bailleur a initié une procédure en fixation judiciaire du loyer du bail renouvelé.

Par jugement du 26 septembre 2013, confirmé par arrêt de la cour d'appel de Rennes du 2 septembre 2015, rectifié le 14 octobre 2015, M. [N] [W], venant aux droits de Mme [I] [W] décédée le 5 novembre 2012, a été débouté d'une demande de déplafonnement du loyer, lequel a été fixé à 25 856 euros à compter du renouvellement du 1er avril 2010.

Les parties ont signé un avenant le 2 juin 2017 par lequel le loyer a été porté à 28 733,68 euros hors charges, en contrepartie de l'autorisation de réaliser des travaux de réaménagement comportant la suppression d'une cloison.

Par acte d'huissier du 10 septembre 2018, M. [N] [W] a fait signifier à La Poste un congé pour le 31 mars 2019 avec offre de renouvellement du bail aux conditions antérieures, sauf à porter le loyer à 50 100 euros hors taxes et hors charges avec une clause d'indexation.

Par courrier du 26 octobre 2018, la locataire a accepté le principe du renouvellement et a contesté la demande de déplafonnement.

Par acte d'huissier en date du 15 juillet 2020, M. [N] [W] a assigné la société La Poste devant le juge des loyers commerciaux du tribunal judiciaire de Nantes.

Par jugement du 21 janvier 2021, le juge des loyers commerciaux du tribunal judiciaire de Nantes a ordonné, avant-dire droit, une expertise confiée à M. [V] qui a déposé son rapport le 21 juillet 2021.

Par jugement en date du 28 avril 2022, le juge des loyers commerciaux du tribunal judiciaire de Nantes a :

- fixé à 46 274,42 euros hors taxe et hors charges le montant du loyer du bail renouvelé au 1er avril 2019,

- condamné la société La Poste à payer à M. [N] [W] les intérêts au taux légal sur les arriérés de loyers échus à compter du 31 décembre 2019 et au fur et à mesure des échéances postérieures et ordonné la capitalisation des intérêts de retard par années entières dans les conditions de l'article 1343-2 du code civil,

- rejeté toute autre prétention plus ample ou contraire,

- fait masse des dépens, y compris les frais d'expertise, et les partage par moitié entre les parties.

Le 13 juin 2022, la société La Poste a interjeté appel de cette décision et aux termes de ses dernières écritures notifiées le 15 décembre 2023, elle demande à la cour de :

- infirmer le jugement rendu par le juge des loyers commerciaux du tribunal judiciaire de Nantes le 28 avril 2022 en toutes ses dispositions,

Et statuant à nouveau,

A titre principal,

- juger, que par application des dispositions de l'article L.145-34 du code de commerce, le loyer de renouvellement du bail dont s'agit à effet du 1er avril 2019, doit être fixé au montant du loyer plafonné,

- fixer en conséquence le loyer du bail commercial renouvelé au 1er avril 2019 à un montant annuel de 28 983 euros en principal, hors charges et hors taxes,

- débouter en conséquence M. [N] [W] de sa demande de déplafonnement du loyer,

A titre subsidiaire,

- fixer le loyer du bail renouvelé au 1er avril 2019 à un montant annuel de 41 216 euros en principal hors charges et hors taxes,

- juger dans cette hypothèse que le juge des loyers commerciaux a omis de statuer en ne précisant pas que le loyer est déplafonné et en conséquence rectifier cette omission en retenant le déplafonnement du loyer dans les motifs de la décision à intervenir,

En toute hypothèse,

- condamner M. [N] [W] aux frais et honoraires d'expertise en son entier,

- condamner M. [N] [W] au paiement d'une somme de 6 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens, dont distraction au profit de l'avocat susvisé sur le fondement de l'article 699 du code de procédure civile.

Par dernières conclusions notifiées le 28 septembre 2023, M. [N] [W] demande à la cour de :

- voir rectifier le jugement du 28 avril 2022 en ce qu'il a omis de mentionner que le loyer du bail renouvelé était déplafonné,

- voir confirmer le jugement sur le principe du déplafonnement, et sur la condamnation de la société La Poste à lui payer les intérêts au taux légal sur les arriérés de loyer échus à compter du 31 décembre 2019 et au fur et à mesure des échéances postérieures et en ce qu'il a ordonné la capitalisation des intérêts de retard par année entière dans les conditions de l'article 1343-2 du code civil,

- voir infirmer le jugement en ce qu'il a fixé le loyer du bail renouvelé au 1er avril 2019 à 46 274,42 euros hors taxe et hors charge,

- rejugeant, voir fixer, à compter du 1er avril 2019, le montant du loyer du bail renouvelé à la valeur locative, soit à la somme de 50 940,60 euros par an hors taxes et hors charges,

- voir condamner la société La Poste à une somme de 10 000 euros, en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens lesquels comprendront les frais d'expertise.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 5 juin 2025.

MOTIFS DE LA DÉCISION

- Sur la demande de déplafonnement

La société La Poste soutient que les motifs retenus par le jugement entrepris, à savoir la modification des caractéristiques des locaux loués en cours de bail et la modification des facteurs locaux de commercialité, ne suffisent pas à justifier le déplafonnement du loyer du bail renouvelé.

S'agissant de la modification des caractéristiques des locaux loués en cours de bail, elle soutient que l'avenant du 2 juin 2017, même s'il prévoit que 'les travaux réalisés entraînent une modification des caractéristiques des locaux notamment du fait de la suppression d'une cloison qui augmente l'importance de la surface affectée à la réception du public' ainsi que la légère augmentation du loyer de 1 000 euros par an HC, ne permettent pas de déduire une modification notable des caractéristiques des lieux loués et ne sont pas suffisamment clairs pour justifier un déplafonnement ou en déduire l'acceptation du déplafonnement par la locataire.

Elle ajoute que les travaux consistant en la suppression de la cloison du couloir d'accès au distributeur automatique de billets s'analysent comme un simple réaménagement de la surface de vente et non pas une augmentation de celle-ci. Elle critique l'évaluation de l'expert qui a retenu une augmentation de la surface de 15m2 soit 13,64% de la surface commerciale. Elle indique également que les travaux n'ont pu faire accession au bailleur au vu du bail, l'accession intervenant seulement au départ du locataire en raison de la remise en état primitive.

S'agissant de la modification des facteurs locaux de commercialité, elle reproche au jugement d'avoir retenu une telle modification alors que, selon elle, ce n'est pas conforme à la situation réelle. Sur l'augmentation de la population nantaise, elle considère que le premier juge a retenu, à tort, ce critère qui permettrait, à lui seul, de déplafonner les loyers de tous les commerces de l'agglomération nantaise.

Elle indique que les 12 opérations immobilières réalisées au cours du bail expiré sont également insuffisantes pour constituer une modification notable des facteurs locaux de commercialité en ce que la date d'achèvement des constructions n'est pas connue et que ces nouvelles opérations couvrent également des secteurs d'autres bureaux de poste outre le fait que ces opérations sont, pour certaines, des opérations de réhabilitation qui ne créent que peu de surfaces de plancher.

Elle ajoute que les lignes Chrono bus reprennent des lignes préexistantes et qu'aucun élément n'est produit sur l'évolution des flux de passagers. Enfin, elle argue que le réaménagement du centre ville de [Localité 10] doit être écarté en ce que les travaux dudit réaménagement ont commencé à courir à compter du 1er avril 2009 et sont donc antérieurs à la date du bail renouvelé au 30 juin 2009.

La société La Poste en déduit que le loyer du bail renouvelé doit être fixé à un montant de 28 983 euros HT HC à compter du 1er avril 2019.

En réponse, M. [W] demande de confirmer le jugement qui a retenu le principe du déplafonnement sauf à rectifier l'erreur matérielle entachant le jugement qui a omis de le préciser dans son dispositif, et de retenir, à titre principal, la modification notable des caractéristiques des locaux suite aux travaux réalisés par le preneur en 2017.

Il reprend à son compte la motivation du premier juge qui a considéré que même si l'adjectif 'notable' n'était pas employé dans l'avenant qui prévoit une augmentation du loyer de 1 000 euros suite aux travaux importants d'aménagements réalisés par le preneur, ces travaux étaient d'une ampleur telle que les parties ont convenu d'une augmentation du loyer, ce qui permet de présumer qu'il s'agit d'une modification notable.

S'agissant des travaux en question, M. [W] indique qu'ils ne peuvent être réduits à une simple suppression de cloisons comme l'affirme l'appelante puisqu'ils concernent 3 zones différentes et portent sur l'ensemble des locaux, que ceux en partie centrale (diminution de surfaces au sol des deux banques d'accueil et modification de l'entrée des deux bureaux permettant un accès aux PMR) ont augmenté la surface commerciale, tout comme ceux réalisés sur le côté gauche (démolition du couloir d'accès au DAB) comme l'a retenu l'expert. Il ajoute que l'expert a calculé que la surface commerciale libérée par la démolition de ce couloir est de 15m2 et que la surface commerciale a été augmentée de plus de 13%, ce qui caractérise une modification notable. Enfin, il fait valoir que seule une partie des travaux, ceux en partie arrière, a permis une mise en conformité de l'accès aux sanitaires et aux 2 bureaux préexistants pour les PMR.

S'agissant de la clause d'accession, il expose qu'elle prévoit expressément que les travaux ou améliorations ont fait immédiatement accession au bailleur, celui-ci ayant la possibilité, en fin de bail de les conserver tels quels ou demander au preneur de les enlever et de remettre les locaux dans leur état primitif de sorte que la question de l'accession ne se pose pas : elle est immédiate et n'offre pas d'option au bailleur en fin de bail entre l'accession des travaux ou améliorations ou l'enlèvement et la remise en état contrairement à ce qu'affirme l'appelante.

A titre subsidiaire, il invoque la modification des facteurs locaux de commercialité. Il se fonde sur l'avis de l'expert qui a retenu que l'augmentation de la population, l'augmentation de la fréquentation de la zone de chalandise, l'amélioration des accès et du stationnement proche étaient des éléments favorables pour le commerce expertisé et permettaient de retenir le déplafonnement du loyer.

Il rappelle que la population [Localité 9] a augmenté de 13% entre 2010 et 2019, de même que la population du centre ville qui a accru de 10%, ce qui a bénéficié au bureau de poste de la [Adresse 11].

Il reprend l'expertise qui a mentionné 12 opérations immobilières dans les alentours des lieux loués, dont 10 entre le 1er avril 2010 et le 1er avril 2019, ce qui génère près de 500 clients potentiels avec les nouveaux habitants du quartier et 500 clients potentiels avec les nouvelles entreprises et leurs salariés. Il ajoute que la création des lignes Chronobus en 2012 sont un véritable succès et permet de se rendre [Adresse 11] en une vingtaine de minutes. Il cite également les aménagements du centre ville de [Localité 10] qui le rend plus attractif.

Aux termes de l'article L.145-34 du code de commerce : 'À moins d'une modification notable des éléments mentionnés aux 1° à 4° de l'article L. 145-33, le taux de variation du loyer applicable lors de la prise d'effet du bail à renouveler, si sa durée n'est pas supérieure à neuf ans, ne peut excéder la variation, intervenue depuis la fixation initiale du loyer du bail expiré, de l'indice trimestriel des loyers commerciaux ou de l'indice trimestriel des loyers des activités tertiaires mentionnés aux premier et deuxième alinéas de l'article L. 112-2 du code monétaire et financier, publiés par l'Institut national de la statistique et des études économiques. A défaut de clause contractuelle fixant le trimestre de référence de cet indice, il y a lieu de prendre en compte la variation de l'indice trimestriel des loyers commerciaux ou de l'indice trimestriel des loyers des activités tertiaires, calculée sur la période de neuf ans antérieure au dernier indice publié'.

L'article L.145-33 prévoit pour sa part que : ' le montant des loyers des baux renouvelés ou révisés doit correspondre à la valeur locative.

A défaut d'accord, cette valeur est déterminée d'après :

1 Les caractéristiques du local considéré ;

2 La destination des lieux ;

3 Les obligations respectives des parties ;

4 Les facteurs locaux de commercialité ;

Les prix couramment pratiqués dans le voisinage ;

Un décret en Conseil d'Etat précise la consistance de ces éléments.'

- Sur la modification des caractéristiques des locaux loués

Aux termes de l'article R.145-3 du code de commerce, les caractéristiques propres au local s'apprécient en considération :

1° de sa situation dans l'immeuble où il se trouve, de sa surface, de son volume, de la commodité de son accès pour le public ;

2° de l'importance des surfaces respectivement affectées à la réception du public, à l'exploitation ou à chacune des activités diverses qui sont exercées dans les lieux ;

3° de ses dimensions, de la conformation de chaque partie et de son adaptation à la forme d'activité qui y est exercée ;

4° de l'état d'entretien, de vétusté ou de salubrité et de la conformité aux normes exigées par la législation du travail ;

5° de la nature et de l'état des équipements et moyens d'exploitation mis à la disposition du locataire.

Selon l'article R. 145-8, les améliorations apportées aux lieux loués au cours du bail à renouveler ne sont prises en considération que si, directement ou indirectement, notamment par l'acceptation d'un loyer réduit, le bailleur en a assumé la charge.

En présence d'une clause prévoyant l'accession des constructions au bailleur en fin de bail, la modification notable, au cours du bail à renouveler, des caractéristiques du local par la réalisation de travaux par le preneur à ses frais exclusifs entraîne le déplafonnement du prix du bail lors du premier renouvellement suivant celui durant lequel les travaux ont été exécutés, à moins que ces travaux ne constituent des travaux d'amélioration.

Il est constant que le preneur a fait réaliser des travaux de réaménagement intérieur du local loué, auxquels le bailleur a consenti en contrepartie d'une augmentation du loyer qui a été acceptée par le preneur et formalisée par avenant du 2 juin 2017.

L'avenant au bail du 2 juin 2017 stipule que 'les parties conviennent que les travaux envisagés entraînent une modification des caractéristiques des locaux notamment du fait de la suppression d'une cloison qui augmente l'importance de la surface affectée à la réception du public' et que le bailleur autorise le preneur à effectuer lesdits travaux moyennant une augmentation du loyer de 1 000 euros HC à compter du 1er juillet 2017 portant le loyer annuel à 28 733,68 euros HC.

Le premier juge a justement retenu que si les parties n'avaient pas mentionné l'adjectif 'notable', l'augmentation du loyer convenue à cette occasion le laissait présumer puisqu'aucun autre élément n'expliquait cette augmentation. La cour relève que le premier juge n'a pas déduit de cet avenant l'existence d'une modification notable des caractéristiques des locaux permettant le déplafonnement.

Selon l'expertise de M. [K], les travaux ont consisté en :

- la réalisation d'une cloison séparative entre la zone réservée à la clientèle et la zone réservée au personnel,

- la modification des sanitaires afin de rendre ces derniers accessibles PMR,

- la démolition du couloir d'accès interne au DAB, entraînant une augmentation de la surface recevant le public. L'expert retient une augmentation de la surface recevant du public et donc de la surface commerciale de 15m2 environ soit une augmentation de la surface commerciale de 13,64%,

- la modification de l'entrée des deux bureaux permettant un accès PMR.

Il doit en être déduit que ces travaux ont concerné trois zones différentes des locaux et ne peuvent être réduits à de seules mises en conformité contrairement à ce qu'affirme l'appelante puisque la démolition du couloir d'accès interne au DAB a notamment permis l'implantation de nouveaux automates destinés à l'évolution de l'activité de la société La Poste comme l'a relevé le premier juge.

De plus, l'expert a considéré que ces travaux avaient entraîné une augmentation de la surface recevant du public, et donc de la surface commerciale de 15m2 environ, soit une augmentation de la surface commerciale de 13,64%. Il ne peut s'agir, dès lors, de simples améliorations ou mises aux normes mais bien de la libération de surfaces nouvelles utiles à l'activité du preneur caractérisant une modification notable des caractéristiques des locaux loués. L'appelante critique l'évaluation de l'expert sur l'augmentation de la surface commerciale en lien avec les travaux qu'elle a réalisés mais elle ne verse aucune pièce de nature à contredire cette analyse.

S'agissant de la clause d'accession, le bailleur soutient justement qu'elle prévoit expressément que les travaux ou améliorations ont fait immédiatement accession au bailleur, celui-ci ayant la possibilité, en fin de bail de les conserver tels quels ou demander au preneur de les enlever et de remettre les locaux dans leur état primitif de sorte que l'accession est immédiate.

Le jugement, qui a retenu, que les travaux réalisés par le preneur constituaient une modification notable des caractéristiques des locaux loués justifiant le déplafonnement, sera confirmé sauf à préciser dans le dispositif que le loyer du bail est déplafonné. Il n'y a donc pas lieu d'examiner le deuxième motif de déplafonnement invoqué par le bailleur.

- Sur la fixation de la valeur locative

La société La Poste demande de voir retenir une surface pondérée de 155,77m2 en sollicitant de voir réduire le coefficient appliqué à la cave à 0,1 et aux sanitaires et salle de repas à un coefficient de 0,2. Elle critique également le coefficient appliqué aux bureaux internes et à la salle de réunion au 1er étage difficilement accessible.

Elle considère que le jugement a retenu un prix unitaire trop élevé de 285m2.

Elle critique les références retenues par l'expert en lui reprochant d'avoir procédé à un retraitement en fonction de la charge de la taxe foncière, de les avoir actualisées selon l'évolution des indices pour tenir compte des différences dans les dates de prise d'effets des loyers ainsi que d'appliquer un coefficient variant selon la commercialisation, la visibilité et la qualité du local.

Elle demande de retenir un prix unitaire de 270 euros HT HC par m2 pondéré par an soit un montant de loyer renouvelé au 1er avril 2019 de 42 057,90 euros HT HC par an et d'appliquer un abattement de 2% en raison de la charge des travaux de mise en conformité des locaux loués aux normes réglementaires soit un abattement de 841,16 euros pour un loyer renouvelé d'un montant de 41 216,74 euros HT HC par an.

M. [W] demande de retenir une surface pondérée de 172,68m2 en fixant un coefficient pour les bureaux internes de 0,4, la salle de repos de 0,5 et la cave de 0,20 en raison de sa surface importante.

Il propose de consacrer le prix unitaire proposé par l'expert à 295 euros/m2 pondéré et d'infirmer le jugement qui a retenu un prix unitaire de 280 euros. Il souhaite voir juger une valeur locative du bien au 1er avril 2019 à la somme de 50 940,60 euros HT HC par an en retenant les valeurs de référence proposées par l'expert qui applique la méthode de retraitement consacrée par la cour dans des arrêts précédents. Il s'oppose à tout abattement au motif que la clause mettant à la charge du locataire les travaux de mise en conformité est une clause courante et conforme aux usages outre le fait qu'elle concerne les travaux de mise en conformité liés à l'activité exploitée dans les lieux loués et non à la mise en conformité de la structure de l'immeuble.

- Sur la surface pondérée

S'agissant de la cave, l'expert a fixé le coefficient à 0,15 que le jugement a retenu sans que la cour n'y trouve matière à critique, la cave n'étant pas inexploitable contrairement à ce qu'affirme le preneur. De même le coefficient de 0,4 pour les sanitaires proposé par l'expert et retenu par le jugement sera confirmé s'agissant du coefficient prévu par la charte de l'expertise et ce d'autant que les sanitaires ne présentent aucune spécificité particulière.

Le jugement a attribué, à bon droit, un coefficient de 0,4 pour la salle de repos au lieu du 0,5 attribué par l'expert qui excède ce qui est prévu pour les locaux sociaux.

S'agissant des bureaux internes, si l'expert leur a attribué un coefficient médian de 0,5 en indiquant que 'dans la hiérarchie des pondérations, il me semble illogique de pondérer le bureau du receveur comme des locaux sociaux', le jugement a justement retenu un coefficient de 0,4 au motif que ces bureaux ne peuvent pas être affectés à la réception du public ni servir d'espaces de travail pour les salariés pour des journées entières étant dépourvus de lumière naturelle, raisonnement que la cour adopte.

S'agissant de la salle de réunion du 1er étage, l'expert a retenu justement un coefficient de 0,3 tout comme le premier juge. En effet, cette pièce est décrite comme bénéficiant d'un éclairage naturel et est accessible par un escalier bois en une seule unité de passage qui ne peut, toutefois, être considérée comme une restriction de passage puisque son usage n'implique pas que les salariés aient à se croiser dans l'escalier.

En ce qui concerne la présence de poteaux en plein centre de l'espace réservé au public, la cour, tout comme le premier juge, relève qu'aucune demande de réduction des coefficients de pondération n'est spécifiquement sollicitée à ce titre.

Le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il a retenu la pondération des surfaces suivantes :

- cave : 9,9m2

- zones commerciales : 59 + 59,92m2 = 118,92m2

- bureaux internes : 10,42m2

- sanitaires : 3,74m2

- dégagement réserve : 10,67m2

- salle de repos : 4,36m2

- salle de réunion : 7,67m2

soit au total : 165,68m2.

Aux termes des dispositions de l'article R 145-7 du Code de commerce, les prix couramment pratiqués dans le voisinage, par unité de surface, concernent des locaux équivalents eu égard à l'ensemble des éléments mentionnés aux articles R 145-3 à R 145-6. À défaut d'équivalence, ils peuvent, à titre indicatif, être utilisés pour la détermination des prix de bases, sauf à être corrigés en considération des différences constatées entre le local loué et les locaux de référence. Les références proposées de part et d'autre portent sur plusieurs locaux et comportent, pour chaque local son adresse et sa description succincte. Elles sont corrigées à raison des différences qui peuvent exister entre les dates de fixation des prix et les modalités de cette fixation.

Les termes de référence à prendre en compte, au vu de la nature de l'activité, de l'emplacement, doivent être diversifiés pour permettre l'appréhension concrète et sérieuse de la valeur locative du secteur.

L'application de coefficients pour prendre en compte l'implantation, l'attractivité des emplacements, la configuration spécifique de la surface exploitée, l'ancienneté de la fixation des loyers, par l'expert, se justifie pour parvenir à une appréciation plus concrète et contextualisée des références.

L'expert a indiqué que la médiane des 10 références étudiées s'établissait à 301 euros. L'expert a retenu une valeur locative de marché de 295 euros/m2 pondéré pour le local en cause.

Sur les 10 références citées par l'expert, il convient d'écarter les valeurs suivantes :

- valeur n°6 : cordonnerie ayant une surface de 17m2 qui a également été écartée par l'expert.

- valeur n°5 'fish in town' [Adresse 3] ayant une surface pondérée de 43m2 et un prix unitaire de 593 euros. Il s'agit d'un bail du 23 février 2021qui ne peut être retenu car postérieur de plus de deux ans au bail du local en cause.

- valeur n°4 '[Adresse 7]' écartée par l'expert car elle ne concerne que des réserves et non un local commercial.

Les 7 valeurs de références restantes sont comprises entre 272 et 326 euros soit une moyenne de 298,86 euros. La référence la plus proche géographiquement et commercialement, d'après l'expert, est la n°7 'Votre Fleuriste' [Adresse 2], bail du 1er novembre 2013, surface pondérée de 125m2 pour un loyer de 27 507 euros par an soit 273 euros/m2 pondéré.

Le premier juge a justement relevé que les autres valeurs de référence sont relativement équilibrées avec 2 valeurs judiciaires, 2 renouvellements et 3 nouveaux baux et présentent un écart assez faible.

Le premier juge a retenu, à bon droit, un montant de 285 euros/m2 pondéré fondé sur la valeur moyenne des références de 299 euros et la valeur de 273 euros du local le plus proche géographiquement et commercialement et en déduit que la valeur locative du bail renouvelé sera calculée sur la base

de :

165,68m2p x 285 euros = 47 218,80 euros que la cour entend confirmer.

Il convient également de confirmer le jugement qui a appliqué un abattement de 2% pour le transfert de la charge des travaux de mise aux normes sollicité par le preneur au vu de la clause du bail qui prévoit en page 4 que 'dans l'hypothèse où les locaux ne seraient pas conformes à l'exercice de son activité, le preneur déclare faire son affaire personnelle de toutes démarches administratives et des travaux ou aménagements nécessaires à ses frais exclusifs et sans recours contre le bailleur' s'agissant d'une dérogation à l'obligation de délivrance du bailleur et aux dispositions de l'article 1755 du code civil.

Le jugement sera confirmé en ce qu'il a fixé la valeur locative, après abattement de 2%, à la somme de 46 274,42 euros et en ce qu'il a fixé à ladite somme le montant du loyer du bail renouvelé au 1er avril 2019.

Les dispositions du jugement relatives aux intérêts et à la capitalisation de ceux-ci seront également confirmées.

- Sur les frais irrépétibles et les dépens

Succombant en son appel, la société La Poste sera condamnée à verser la somme de 5 000 euros à M. [W] au titre des frais irrépétibles en cause d'appel et aux entiers dépens d'appel. Les dispositions du jugement relatives aux frais irrépétibles et aux dépens, y compris les frais d'expertise, seront confirmées.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, contradictoirement et par mise à disposition au greffe :

Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions sauf à préciser que le loyer du bail renouvelé est déplafonné ;

Y ajoutant,

Déboute la société La Poste de toutes ses demandes, fins et conclusions ;

Condamne la société La Poste à verser à M. [N] [W] la somme de 5 000 euros au titre des frais irrépétibles en cause d'appel ;

Condamne la société La Poste aux entiers dépens d'appel ;

Déboute M. [N] [W] du surplus de ses demandes, fins et conclusions.

Le greffier, La présidente,

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