CA Rennes, 5e ch., 1 octobre 2025, n° 24/06443
RENNES
Arrêt
Autre
5ème Chambre
ARRÊT N°-198
N° RG 24/06443 - N° Portalis DBVL-V-B7I-VNIA
(Réf 1ère instance : 22/00907)
S.A.S. ARMOR AUTO
C/
CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL DES COTES D'ARMOR
Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours
Copie exécutoire délivrée
le :
à :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE RENNES
ARRÊT DU 01 OCTOBRE 2025
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :
Président : Madame Virginie PARENT, Présidente,
Assesseur : Madame Virginie HAUET, Conseiller,
Assesseur : Madame Marie-France DAUPS, Conseiller,
GREFFIER :
Madame Catherine VILLENEUVE, lors des débats et lors du prononcé
DÉBATS :
A l'audience publique du 25 Juin 2025
devant Madame Virginie PARENT et Madame Virginie HAUET, magistrats rapporteurs, tenant seules l'audience, sans opposition des représentants des parties et qui ont rendu compte au délibéré collégial
ARRÊT :
Contradictoire, prononcé publiquement le 01 Octobre 2025 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l'issue des débats
****
APPELANTE :
S.A.S. ARMOR AUTO immatriculée au RCS de SAINT-BRIEUC sous le numéro 789 967 890, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège
[Adresse 1]
[Localité 11]
Représentée par Me Hervé DARDY de la SELARL KOVALEX, Plaidant, avocat au barreau de SAINT-BRIEUC
Représentée par Me Luc BOURGES de la SELARL LUC BOURGES, Postulant, avocat au barreau de RENNES
INTIMÉE :
CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL DES COTES D'ARMOR
[Adresse 7]
[Localité 2]
Représentée par Me Pierre-Alexis BLEVIN, Postulant, avocat au barreau de SAINT-BRIEUC
Représentée par Me Salah GUERROUF, Plaidant, avocat au barreau de PARIS
La société Caisse régionale de crédit agricole (CRCAM) des Côtes d'Armor a consenti à la société Armor Auto exploitant un fonds de commerce de location de véhicules sous l'enseigne ADA, un bail commercial portant sur des locaux situés [Adresse 4] à [Localité 11] à effet au 31 mars 2006. Le bail s'est renouvelé par tacite reconduction à compter du 31 mars 2015.
La société Armor Auto exerce une activité de location de véhicules sous l'enseigne 'Ada'.
Le 26 décembre 2019, la CRCAM des Côtes d'Armor a notifié à la société Armor Auto un congé sans offre de renouvellement mais avec offre de paiement d'une indemnité d'éviction à compter du 30 juin 2020, sans fixation du montant de cette indemnité.
Les parties ne se sont pas entendues sur le prix de l'indemnité d'éviction. La CRCAM des Côtes d'Armor a sollicité une expertise que le juge des référés a ordonnée le 24 juin 2021 et confiée à M. [B] [L]. L'expert a déposé son rapport le 7 mars 2022.
Par assignation délivrée le 30 mars 2022, la CRCAM des Côtes d'Armor a attrait devant le tribunal judiciaire de Saint-Brieuc, la société Armor Auto.
Par acte du 30 mars 2023, le bailleur a notifié son repentir et offert le renouvellement du bail pour une nouvelle durée de 9 ans.
Par jugement en date du 18 novembre 2024, le tribunal judiciaire de Saint-Brieuc a :
- dit que la CRCAM des Côtes d'Armor prise en la personne de son représentant légal a valablement exercé son droit de repentir avec effet au 30 mars 2023, concernant le bail conclu avec la société Armor Auto prise en la personne de son représentant légal,
- dit que le tribunal n'a pas à statuer en l'état sur le renouvellement du bail entre la CRCAM des Côtes d'Armor et la société Armor Auto prise en la personne de leur représentant légal,
- constaté que la CRCAM prise en la personne de son représentant légal n'est pas redevable d'une indemnité d'éviction,
- débouté la société Armor Auto prise en la personne de son représentant légal de toutes ses demandes indemnitaires tendant au paiement d'une indemnité d'éviction, des frais annexes et du préjudice de perte partielle de fonds de commerce,
- fixé à la somme de 6 030 euros hors taxe le montant annuel de l'indemnité d'occupation due par la société Armor Auto prise en la personne de son représentant légal à la CRCAM des Côtes d'Armor prise en la personne de son représentant légal pour la période du 30 juin 2020 au 30 mars 2023.
Le 2 décembre 2024, la société Armor Auto a interjeté appel de cette décision et aux termes de ses dernières écritures notifiées le 2 juin 2025, elle demande à la cour de :
- déclarer recevable et bien-fondé son appel à l'encontre du jugement rendu par le tribunal judiciaire de Saint-Brieuc le 18 novembre 2024,
- infirmer le jugement en ce qu'il a :
* dit que la CRCAM des Côtes d'Armor prise en la personne de son représentant légal a valablement exercé son droit de repentir avec effet au 30 mars 2023 concernant le bail conclu avec la société Armor Auto prise en la personne de son représentant légal,
* constaté que la CRCAM des Côtes d'Armor prise en la personne de son représentant légal n'est pas redevable d'une indemnité d'éviction,
* l'a déboutée de toutes ses demandes indemnitaires tendant au paiement d'une indemnité d'éviction, des frais annexes et du préjudice de perte partielle de fonds de commerce et également de sa demande de paiement de la somme de 4 491,76 euros au titre du différentiel annuel entre le montant de l'indemnité d'occupation de 6 030 euros et le montant des loyers dont elle s'est acquittée pendant le cours du procès et de sa demande de sa demande de condamnation formulée au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
* a omis de statuer sur la demande de condamnation de la CRCAM des Côtes d'Armor au paiement des dépens en ce compris les dépens de l'instance de référé et les frais d'expertise,
Et statuant à nouveau de ces chefs,
I. Vu l'article 145-12 du code de commerce
- déclarer nul l'acte portant notification du droit de repentir signifié par la CRCAM des Côtes d'Armor le 30 mars 2023,
II. Subsidiairement,
- déclarer irrecevable et mal fondé comme étant tardif la CRCAM des Côtes d'Armor dans l'exercice de son droit de repentir,
En conséquence, et dans les 2 hypothèses,
III. Vu l'article 145-14 du code de commerce
- homologuer partiellement le rapport d'expertise de M. [B] [L] en date du 7 mars 2022,
- fixer l'indemnité d'éviction qui lui est due par la CRCAM des Côtes d'Armor aux sommes suivantes :
* perte de valeur vénale du fonds de commerce : 108 000 euros
* droit au bail : 31 297 euros
* frais de remploi : 3 130 euros
* frais de déménagement et de réinstallation : 77 771,60 euros
* trouble commercial : 7 500 euros
* surcoût de loyer : 20 000 euros,
En conséquence,
- condamner la CRCAM des Côtes d'Armor à lui payer la somme totale de 255 198,76 euros à titre d'indemnité d'éviction, majorée des intérêts au taux légal à compter de la date d'effet du congé au 30 juin 2020 jusqu'à parfait paiement,
- dire que les intérêts se capitaliseront dans les conditions de l'article 1343-2 du code civil,
- fixer à la somme de 6 030 euros hors charges et hors taxe et par an l'indemnité d'occupation due par elle, et ce, à compter de la date d'effet du congé, soit du 30 juin 2020 jusqu'au 31 octobre 2023, date de libération des lieux,
- débouter la CRCAM des Côtes d'Armor de sa demande d'indexation de l'indemnité d'occupation,
- condamner la CRCAM des Côtes d'Armor à lui payer la somme de
6 416,80 euros au titre du différentiel annuel entre le montant de l'indemnité d'occupation de 6 030 euros et le montant des loyers dont elle s'est acquittée pendant le cours du procès jusqu'au 31 octobre 2023, date de libération des lieux, majorée des intérêts au taux légal à compter de la date d'effet du congé au 30 juin 2020 jusqu'à parfait paiement,
- condamner la CRCAM des Côtes d'Armor à lui payer la somme 4 750 euros en remboursement des frais qu'elle a exposés dans le cadre de l'accompagnement par M. [T] [H] pour l'aider à fixer le montant de son indemnité d'éviction,
- condamner la CRCAM des Côtes d'Armor à lui payer la somme 18 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, au titre de ses frais irrépétibles exposés en première instance et en cause d'appel,
- condamner la CRCAM des Côtes d'Armor aux dépens lesquels comprendront les dépens de l'instance de référé et les frais d'expertise et les dépens de première instance et d'appel.
IV. À titre subsidiaire, dans l'hypothèse où la cour d'appel donnerait effet au repentir,
- dire que le nouveau bail a pris effet à compter de la notification du repentir soit à compter du 30 mars 2023,
- fixer le loyer dû par société Armor Auto à compter du 30 mars 2023, à la valeur locative des locaux à cette date soit la somme de 500 euros hors taxe/mois soit 6 000 euros hors taxe par an,
- fixer à la somme de 6 030 euros hors charges et hors taxe et par an l'indemnité d'occupation due par elle, et ce, à compter de la date d'effet du congé, soit du 30 juin 2020 jusqu'au 30 mars 2023, date d'effet du nouveau bail,
- condamner la CRCAM des Côtes d'Armor à lui payer la somme de
5 293,86 euros au titre du différentiel annuel entre le montant de l'indemnité d'occupation de 6 030 euros et le montant des loyers dont elle s'est acquittée jusqu'au 30 mars 2023, majorée des intérêts au taux légal à compter de la date d'effet du congé au 30 juin 2020,
- ordonner la compensation entre les sommes dues, c'est-à-dire entre la somme due à hauteur de 5 293,86 euros par la CRCAM des Côtes d'Armor et les loyers qui seront dus par elle à compter du 30 mars 2023,
- mettre à la charge de la CRCAM des Côtes d'Armor les frais de l'instance,
En conséquence,
- condamner la CRCAM des Côtes d'Armor à lui payer la somme 4 750 euros en remboursement des frais qu'elle a exposés dans le cadre de l'accompagnement par M. [T] [H] pour l'aider à fixer le montant de son indemnité d'éviction,
- condamner la CRCAM à lui payer la somme 18 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au titre de ses frais irrépétibles exposés en première instance et en cause d'appel,
- condamner la CRCAM des Côtes d'Armor aux dépens lesquels comprendront les dépens de l'instance de référé et les frais d'expertise et les dépens de première instance et d'appel.
Par dernières conclusions notifiées le 12 mai 2025, la CRCAM des Côtes d'Armor demande à la cour de :
À titre principal de :
- confirmer le jugement rendu le 18 novembre 2024 par le tribunal judiciaire de Saint-Brieuc qui a :
* jugé qu'elle a valablement exercé son droit de repentir le 30 mars 2023 à l'encontre de la société Armor Auto,
* débouté la société Armor Auto de sa demande de nullité du droit de repentir qui lui a été signifié le 30 mars 2023,
* débouté la société Armor Auto de sa demande visant à voir juger qu'elle lui aurait notifié tardivement son droit de repentir le 30 mars 2023,
* jugé que, consécutivement à la signification de son droit de repentir effectuée le 30 mars 2023 et de l'absence de justification par la société Armor Auto de la réalisation des conditions suspensives mentionnées dans sa promesse de bail du 26 juillet 2021 ont été réalisées de manière définitive et irrévocable avant la date susmentionnée du 30 mars 2023, elle n'est pas tenue de lui payer une indemnité d'éviction dans les conditions prévues à l'article L-145-14 du code de commerce,
* juger que la société Armor Auto est tenue de payer sur la période courant du 1er juillet 2020, date d'effet du congé comportant refus de renouvellement de bail qui lui a été signifié par elle jusqu'au 30 mars 2023, date à laquelle celle-ci lui a notifié son droit de repentir par acte extrajudiciaire une indemnité d'occupation de 6 030 euros hors taxe par an 2023 avec indexation de celle-ci les 1er juillet 2021 et 1er juillet 2022 en application la variation de l'indice national du coût de la construction publié par l'INSEE tel que prévu dans le bail expiré du 31 mars 2006,
- infirmé le jugement rendu le 18 novembre 2024 par le tribunal judiciaire
de Saint-Brieuc qu'il :
* l'a déboutée de sa demande tendant à voir juger qu'en conséquence de la signification de son droit de repentir le 30 mars 2023, le bail de la société Armor Auto a été renouvelé irrévocablement et de plein droit à compter du 30 mars 2023 conformément aux dispositions de l'article L.145-12 alinéa 4 du code de commerce,
Statuant à nouveau de :
- juger que le bail de la société Armor Auto a été renouvelé de manière irrévocable et de plein droit pour une nouvelle période de neuf années à compter du 30 mars 2023, toutes les autres clauses et conditions du bail expiré du 31 mars 2006 non contraires aux dispositions de la loi Pinel du 18
juin 2014 ainsi que de son décret d'application du 3 novembre suivant demeurant inchangées et ce, conformément aux dispositions de l'article L.145-12 alinéa 4 du code de commerce,
- juger que la société Armor Auto est tenue de payer sur la période courant du 1er juillet 2023, lendemain du repentir qui lui a été signifié par elle jusqu'au terme du bail ou de l'expiration de l'une de ses périodes triennales les sommes suivantes à titre de loyer :
* 6 556,24 euros hors taxe et hors charges par an à compter du 1er avril 2023 (4 800 euros x 128,68 / 94,21) jusqu'au 30 mars 2024,
* 6 856,85 euros par an hors taxe et hors charges (6 556,24 euros hors taxe x 134,58 (indice ILC 1er trimestre 2024/128,68 (indice ILC 1er trimestre 2023) à compter du 1er avril 2024 jusqu'au 30 mars 2025,
- fixer le montant de l'indemnité d'occupation à la charge de la société Armor Auto à la somme de 6 030 euros hors taxe par an à compter du 1er juillet 2020 jusqu'au 31 mars 2023 avec indexation annuelle de celle-ci dans les conditions prévues dans le bail du 31 mars 2006,
À titre subsidiaire et sur le montant des indemnités d'éviction et d'occupation
- Sur le montant de l'indemnité d'éviction
* juger que la société Armor Auto ne peut prétendre qu'à une indemnité d'éviction dite de « déplacement » en raison de sa réinstallation à proximité
immédiate des locaux qui lui ont été donnés à bail par elle ainsi que de l'absence de perte de sa clientèle et/ou de son fonds de commerce compte tenu de l'offre ferme de location qui lui a été faite par cette dernière dans de nouveaux locaux situés [Adresse 3] à [Localité 11] à proximité pour une superficie et un prix de loyer équivalents,
En conséquence :
* fixer le montant de l'indemnité de déplacement à laquelle peut prétendre la société Armor Auto aux sommes suivantes :
- 943,47 euros au titre de l'indemnité principale étant rappelé que
cette somme n'est pas assujettie à la taxe sur la valeur ajoutée
- 0 euros au titre des frais de remploi
- 565 euros au titre des frais de déménagement
- 150 euros au titre des frais de transfert d'abonnement électrique
- concernant les autres postes de dépenses suivants :
* frais d'installation d'une alarme pour la somme de 6 001,32 euros hors taxe,
- à titre principal, juger que ces frais ne sont pas justifiés et débouter la société Armor Auto de sa demande de remboursement de ce poste de préjudice,
- à titre subsidiaire, appliquer un abattement pour vétusté de l'ordre de 90 à 100 % sur ces frais,
* sur les frais de nettoyage des anciens locaux pour la somme de 245 euros,
- constater qu'aux termes de son bail (Pièce n°1 - page 4 ' article intitulé « Entretien-Réparation »), la société Armor Auto est tenue d'entretenir les lieux loués en bon état de réparations locatives ou de menu entretien, pendant la durée de son bail, et de le rendre à sa sortie en bon état de réparations locatives, ce qui inclut nécessairement leur nettoyage,
- juger que la société Armor Auto ne peut lui transférer la charge financière de cette obligation contractuelle qui lui incombe,
- juger qu'elle n'est pas tenue de rembourser à la société Armor Auto ces frais au jour de son départ,
* sur les frais d'installation électrique pour la somme de 9 120 euros hors taxe,
- débouter la société Armor Auto de sa demande de remboursement de la somme de 9 120 euros hors taxe,
- diminuer ce poste de préjudice en excluant des postes de travaux la somme globale de 2 900 euros (500 euros x 3 + 1 400 euros),
* sur les frais de transfert de téléphonie pour la somme de 1 215 euros hors taxe,
- débouter la société Armor Auto de sa demande de remboursement de cette somme,
- diminuer ce poste de préjudice et le fixer à la somme de 480 euros TTC,
* sur les frais de publicité et de modification du site internet pour la somme de 7 500 euros hors taxe,
- à titre principal, débouter la société Armor Auto de sa demande de
remboursement de la somme de 7 500 euros hors taxe,
- à titre subsidiaire, de réduire significativement le montant de ce poste de dépense,
* sur les frais de papier à en-tête, enveloppes, courrier d'information de la société locataire pour la somme de 2 107 euros hors taxe,
- à titre principal, débouter la société Armor Auto de sa demande de
remboursement de cette somme,
- à titre subsidiaire, de réduire significativement le montant de ce poste de dépense,
* sur les frais de modification de Kbis pour la somme de 4 500 euros hors taxe,
- débouter la société Armor Auto de sa demande de remboursement de cette somme,
- diminuer ce poste de préjudice et le fixer à une somme comprise entre 150 à 200 euros pour le transfert de siège dans la même ville complété d'une somme de 76,01 euros au titre des frais de greffe,
* sur les frais de modification sociale pour la somme de 1 500 euros hors taxe,
- débouter la société Armor Auto de sa demande de remboursement de cette somme,
- fixer le montant des frais de modification sociale de la société Armor Auto à une somme comprise entre 149 et 249 euros hors taxe,
* sur les frais de 'transfert social' pour la somme de 2 500 euros hors taxe,
- débouter la société Armor Auto de sa demande de remboursement de cette somme,
* sur les frais de modification de pochette véhicules, porte-clefs et flocage véhicules pour la somme de 7 575 euros hors taxe,
- à titre principal, débouter la société Armor Auto de sa demande de
remboursement de cette somme,
- à titre subsidiaire, réduire significativement le montant de ce poste de dépense à la somme de 9 752 euros toute taxe comprise correspondant au prix de 100 portes clés,
* sur le surcoût de loyer de 20 000 euros,
- débouter la société Armor Auto de sa demande de remboursement de cette somme,
* sur la mise au standard des locaux pour la somme de 18 594 euros hors taxe,
- débouter la société Armor Auto de sa demande de remboursement de cette somme,
* sur le caractère injustifié de l'indemnité partielle de perte de fonds de commerce de 108 000 euros revendiquée par la société Armor Auto,
- débouter la société Armor Auto de sa demande de remboursement de cette somme,
- sur le montant de l'indemnité d'occupation due par la société Armor Auto à compter du 1er juillet 2020 jusqu'au jour de son départ,
* fixer le montant de l'indemnité d'occupation à la charge de la société Armor Auto à la somme de 6 030 euros hors taxe par an à compter du 1er juillet 2020,
En toute hypothèse :
- condamner la société Armor Auto à lui payer la somme de 10 000 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner la société Armor Auto aux dépens, lesquels seront recouvrés par M. Pierre-Alexis Blevin, avocat, conformément aux dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
L'ordonnance de clôture est intervenue le 5 juin 2025.
MOTIFS DE LA DÉCISION
- sur l'exercice du droit de repentir
La société Armor Auto soutient que les conditions de notification du repentir ne sont pas réunies, de sorte que le bailleur n'est pas recevable dans sa demande de renouvellement du bail. Elle estime ainsi que le repentir signifié par la CRCAM résulte d'un acte nul et subsidiairement tardif.
A défaut, elle demande de dire que les effets de celui-ci ne sont pas ceux que veut lui donner le bailleur.
Elle considère ainsi que l'acte du 30 mars 2023 de notification du repentir est nul car le bailleur y a notifié son acceptation du renouvellement du bail pour le 1er juillet 2020 et non pour le 30 mars 2023, pour écrire ensuite dans des conclusions signifiées le 10 juillet 2023, avoir demandé que le renouvellement du bail intervienne le 30 mars 2023, ce qui crée une confusion et rend obscure la date d'effet du bail et lui fait grief.
À titre subsidiaire, invoquant les dispositions de l'article L 145-58 du code de commerce, elle rappelle l'existence d'un engagement synallagmatique résultant d'un bail en l'état futur d'achèvement signé par elle le 26 juillet 2021 l'engageant de manière irréversible, de sorte que la notification d'un repentir le 30 mars 2023 est tardive, puisqu'à cette date, le preneur était engagé dans un processus irréversible de sortie du local.
Elle fait valoir que les conditions posées par le texte précité sont réunies, car la société Jarry a fait l'acquisition par acte du 10 septembre 2021 de la parcelle CX [Cadastre 6] sur laquelle est construit le local qu'elle a loué, et qu'ainsi la condition suspensive visée à l'acte de bail en l'état futur d'achèvement était levée dès le 10 septembre 2021. Elle précise que la société Jarry a réalisé des travaux pendant la période de 2021 à 2023, qu'un avenant au bail a été régularisé le 4 septembre 2023, qu'elle a pris possession du nouveau local et restitué les clés du local de la Caisse régionale du crédit agricole le 31 octobre 2023 par exploit d'huissier.
Dans l'hypothèse où la validité de l'acte de repentir serait reconnue, elle demande de dire qu'il emporte nouveau bail conformément à l'article L 145-12 du code de commerce, dont le point de départ est le 30 mars 2023, et le loyer correspond, s'agissant d'un bail renouvelé, à la valeur locative.
La CRCAM des Côtes-d'Armor, en réponse objecte que :
- le moyen tiré de la nullité de son acte de repentir n'est pas fondé dès lors que l'exercice du droit de repentir par le bailleur provoque le renouvellement du bail à la date de notification de ce droit, qu'aucune disposition du code de commerce ne prévoit que l'exercice de ce droit dans un acte comportant une erreur matérielle sur la date de prise d'effet du bail renouvelé serait nul, et qu'il n'est mis en évidence aucun grief, dès lors que le renouvellement du bail proposé par le bailleur court à compter du 30 mars 2023,
- aucune tardiveté de son droit de repentir ne peut être retenue, car il n'est pas démontré par la société Armor Auto la certitude requise qu'elle a pris à bail de manière définitive et irrévocable les nouveaux locaux destinés à sa réinstallation à une date certaine et antérieure à celle de la notification du droit de repentir ; elle relève que la promesse de bail en l'état futur d'achèvement du 26 juillet 2021 comporte plusieurs conditions suspensives dont la régularisation de l'acte de vente du bien cadastré [Cadastre 6] pour lequel un compromis de vente a été régularisé le 16 juillet 2020 au profit du bailleur. Elle note que la copie de l'acte invoqué du 10 septembre 2021 n'est pas versée aux débats et que l'acte d'avenant au bail auquel il est fait référence dans la promesse de bail, devant être annexé au procès-verbal de livraison, est daté du 4 septembre 2023, soit d'une date postérieure à celle à laquelle elle a exercé son droit de repentir.
Elle soutient ainsi que, faute pour la société Armor Auto de rapporter la preuve de l'accomplissement de la première condition suspensive avant le 30 mars 2023, le tribunal a justement considéré que le droit de repentir était mis en oeuvre régulièrement.
L'article L 145-58 du code de commerce, régit le droit de repentir du bailleur. Ce texte prévoit :
Le propriétaire peut, jusqu'à l'expiration d'un délai de quinze jours à compter de la date à laquelle la décision est passée en force de chose jugée, se soustraire au paiement de l'indemnité, à charge par lui de supporter les frais de l'instance et de consentir au renouvellement du bail dont les conditions, en cas de désaccord, sont fixées conformément aux dispositions réglementaires prises à cet effet. Ce droit ne peut être exercé qu'autant que le locataire est encore dans les lieux et n'a pas déjà loué ou acheté un autre immeuble destiné à sa réinstallation.
* sur la nullité de l'acte de repentir
L'article L 145-12 du code de commerce dispose :
La durée du bail renouvelé est de neuf ans sauf accord des parties pour une durée plus longue.
Les dispositions des deuxième et troisième alinéas de l'article L. 145-4 sont applicables au cours du bail renouvelé.
Le nouveau bail prend effet à compter de l'expiration du bail précédent, ou, le cas échéant, de sa prolongation, cette dernière date étant soit celle pour laquelle le congé a été donné, soit, si une demande de renouvellement a été faite, le premier jour du trimestre civil qui suit cette demande.
Toutefois, lorsque le bailleur a notifié, soit par un congé, soit par un refus de renouvellement, son intention de ne pas renouveler le bail, et si, par la suite, il décide de le renouveler, le nouveau bail prend effet à partir du jour où cette acceptation a été notifiée au locataire par acte extrajudiciaire.
L'article 114 du code de procédure civile rappelle que :
Aucun acte de procédure ne peut être déclaré nul pour vice de forme si la nullité n'en est pas expressément prévue par la loi, sauf en cas d'inobservation d'une formalité substantielle ou d'ordre public.
La nullité ne peut être prononcée qu'à charge pour l'adversaire qui l'invoque de prouver le grief que lui cause l'irrégularité, même lorsqu'il s'agit d'une formalité substantielle ou d'ordre public.
En l'espèce, la CRCAM a exercé son droit de repentir par acte d'huissier délivré à la société Armor Auto le 30 mars 2023. Aux termes de cet acte, la bailleresse informe le preneur qu'elle :
- 'entend par la notification qui lui est faite de son droit de repentir se soustraire au paiement de l'indemnité d'éviction dans les conditions prévues par l'article L145-58 du code de commerce,
- lui offrir le renouvellement du bail pour une nouvelle période de neuf années moyennant un loyer annuel de 6 030 euros HT et HC, avec indexation au 1er juillet 2020 jusqu'au jour de la présente signification, toutes les clauses et conditions du bail expiré du 31 mars 2006 demeurant inchangées, et ce, conformément à l'article L 145-12 alinéa 4 du code de commerce (suit le texte de cet article cité).
Si l'article L 145-12 alinéa 4 énonce que l'acceptation du renouvellement du bail doit être faite par acte extra-judiciaire, ce qui est le cas ici, aucune disposition n'impose au bailleur de préciser dans cette acceptation, notifiée après un congé sans offre de renouvellement du bail, la date d'effet du bail renouvelé.
Conformément à l'article L 145-12 alinéa 4 reproduit dans l'acte de notification du droit de repentir, le nouveau bail prend effet à partir du jour où cette acceptation a été notifiée au locataire par acte extrajudiciaire, soit en l'espèce le 30 mars 2023.
La société Armor Auto en peut donc prétendre à aucune ambiguïté quant à la date d'effet du bail renouvelé, accepté par la bailleresse et invoquer un quelconque grief, alors même que les dispositions légales sur ce point sont expressément rappelées dans l'acte. La cour confirme le jugement en ce qu'il rejette la demande de nullité de cet acte.
* sur le caractère tardif du droit de repentir
Il est admis que la bailleresse a exercé ce droit avant une quelconque décision fixant le montant de l'indemnité d'éviction.
L'article L 145-58 du code de commerce dispose que ce droit ne peut être exercé qu'autant que le locataire est encore dans les lieux et n'a pas déjà loué ou acheté un autre immeuble destiné à sa réinstallation.
En l'espèce est discutée l'existence, au moment de l'exercice du droit de repentir par la bailleresse, d'un engagement irréversible du preneur dans un autre local, destiné à sa réinstallation, étant admis qu'au 30 mars 2023, il était encore dans les lieux, puisqu'il indique lui-même n'avoir restitué les clés du bien loué par la société CRCAM que le 31 octobre 2023.
Il appartient à la société Armor Auto de démontre un tel engagement.
L'appelante produit un acte du 26 juillet 2021 de bail commercial en l'état futur d'achèvement entre la société Espace Jarry et elle-même, portant sur un local sis à [Localité 11] [Adresse 8], érigé sur un terrain cadastré section CX [Cadastre 6], le bien donné à bail étant un local brut.
Il y est précisé que 'le bail est conclu pour une durée de 10 ans, qui commencera à courir le jour de la signature du procès-verbal de mise à disposition des lieux', que 'le bailleur s'engage à faire réaliser à ses frais les travaux de construction et à livrer le local au preneur sous réserve de la condition suspensive de régularisation de l'acte de vente du bien cadastré CX [Cadastre 6] pour lequel un compromis de vente a été régularisé le 16 juillet 2020 au profit du bailleur'.
Cet acte du 26 juillet 2021 prévoit également qu'un 'avenant au présent bail auquel sera annexé le procès-verbal de livraison sera régularisé à l'effet de constater notamment :
- la réalisation des conditions suspensives,
- la désignation définitive du bien,
- la date de prise d'effet effective du bail,
- l'indice de référence applicable pour l'indexation du loyer,
- la remise au bailleur de l'engagement de versement à première demande,
- et le cas échéant, la substitution de bailleur'.
Il est mentionné également que 'la régularisation de cet avenant est prévue à titre de simple formalité, sa non signature n'ayant pas de conséquence sur la date de prise d'effet du bail', de sorte qu'il ne peut être tiré aucune conséquence juridique de la signature de cet avenant le 4 septembre 2023 postérieurement à la date d'exercice du droit de repentir.
La cour note également que si l'acte évoque une signature de l'avenant pour notamment constater la réalisation 'des conditions suspensives', en réalité la promesse de bail ne comporte qu'une seule condition de ce type, ci-avant rappelée.
L'acte de vente du bien cadastré section CX n° [Cadastre 6] permettant à la société Espace Jarry de devenir propriétaire est intervenu le 10 septembre 2021. L'état hypothécaire de la parcelle dont s'agit mentionne clairement un acte de vente à cette date, publié le 23 septembre 2021, intervenu entre les personnes suivantes : espace de la gare et espace Jarry, selon un acte notarié ' [F] [I] /[Localité 9]'. Contrairement à ce que prétend la société intimée, ce document rapporte la preuve d'une vente effective, puisqu'il contient les informations suffisantes établissant la vente objet de la condition suspensive. Dès lors, et quand bien même cet acte du 10 septembre 2021 n'est pas versé aux débats, la cour considère que la société Armor Auto, irrévocablement engagée en ce qui la concerne, établit la levée de la condition suspensive le 10 septembre 2021.
En conséquence, il doit être considéré qu'à la date du 30 mars 2023, la société Armor auto avait déjà loué un autre immeuble destiné à sa réinstallation. La bailleresse ne pouvait donc plus, conformément aux dispositions de l'article L145-58 du code de commerce, exercer son droit de repentir à cette date. Ce droit de repentir exercé tardivement n'a donc eu aucun effet sur le non-renouvellement du bail avec offre de paiement d'une indemnité d'éviction à compter du 30 juin 2020, tel que notifié le 26 décembre 2019 par la bailleresse, ce que la cour décidera.
Le jugement est infirmé en ce qu'il retient que la CRCAM des Côtes-d'Armor a valablement exercé son droit de repentir le 30 mars 2023.
La cour infirme le jugement qui dit n'avoir pas à statuer sur le renouvellement du bail, alors que les demandes de la CRCAM des Côtes-d'Armor tendant à juger que le bail s'est renouvelé de manière irrévocable et de plein droit à compter du 30 mars 2023 pour une nouvelle période de neuf ans, ne sont pas fondées et que l'intimée doit en être déboutée, ce qui sera décidé par la cour.
De la même façon, le jugement est infirmé en ce qu'il constate que la CRCAM des Côtes-d'Armor prise en la personne de son représentant légal, n'est pas redevable d'une indemnité d'occupation.
- sur le paiement d'une indemnité d'occupation
La société Armor auto ne critique pas l'avis de l'expert sur ce point et demande à la cour de fixer à 6 030 euros HT et HC par an l'indemnité d'occupation due par elle à compter du 30 juin 2020 jusqu'au 31 octobre 2023, et de rejeter toute demande d'indexation de cette indemnité.
Compte tenu des sommes qu'elle a versées pendant cette période à la bailleresse, elle considère qu'existe un différentiel en sa faveur de 6 416,80 euros, somme pour laquelle elle sollicite la condamnation de l'intimée, outre intérêts légaux à compter du 30 juin 2020.
La CRCAM des Côtes-d'Armor, aux termes de ses demandes subsidiaires, demande à la cour de fixer le montant de l'indemnité d'occupation due par la société Armor Auto à la somme de 6 030 euros HT par an à compter du 1er juillet 2020 jusqu'à son départ.
L'article L 145-28 alinéa 1 du code de commerce dispose :
Aucun locataire pouvant prétendre à une indemnité d'éviction ne peut être obligé de quitter les lieux avant de l'avoir reçue. Jusqu'au paiement de cette indemnité, il a droit au maintien dans les lieux aux conditions et clauses du contrat de bail expiré. Toutefois, l'indemnité d'occupation est déterminée conformément aux dispositions des sections 6 et 7, compte tenu de tous éléments d'appréciation.
L'expert judiciaire fixe le montant de l'indemnité d'occupation à la valeur locative du marché à savoir 6 700 euros, minorée de 10% compte tenu de la précarité, soit 6 030 euros hors taxes et hors charges par an.
La cour constate que le tribunal prononce condamnation du preneur au paiement d'une indemnité annuelle d'occupation de 6 030 euros HT du 20 juin 2020 au 30 mars 2023. Ce chef du jugement doit être infirmé, la période retenue par le tribunal expirant au départ effectif du preneur.
Les parties ne discutent pas une libération des lieux le 31 octobre 2023. Cette date est donc retenue.
En ce qui concerne le montant, la cour fixera une somme annuelle hors taxe et hors charges de 6 030 euros telle que fixée par l'expert. Si dans le corps de ses écritures (page 44), l'intimée demande en outre que cette somme porte indexation annuelle dans les conditions prévues dans le bail du 31 mars 2006, force est de constater que cette demande n'est pas reprise dans le dispositif de ses conclusions, qui seul saisit la cour en application de l'article 954 alinéa 3 du code de procédure civile. La cour n'a donc pas à statuer sur cette demande.
La cour fixe ainsi l'indemnité d'occupation due par la société Armor Auto pour la période du 30 juin 2020 au 31 octobre 2023 à la somme annuelle de 6 030 euros HT et HC.
Il n'est pas contesté que durant cette période la société Armor Auto a effectué des paiements auprès de la bailleresse au titre des loyers par ailleurs payés avec indexation. Le différentiel calculé par l'appelante dans ses écritures ne fait l'objet d'aucune discussion de la part de l'intimée. La cour condamne en conséquence la CRCAM des Côtes-d'Armor à payer à la société Armor Auto une somme de 6 416,80 euros, au titre du trop perçu d'indemnité d'occupation due. Les intérêts légaux sur cette créance, qui n'existe qu'au terme des paiements effectués par l'appelante, ne peuvent courir à compter du 30 juin 2020. Ils courront à compter de ce jour en application de l'article 1231-7 du code civil.
- sur le paiement d'une indemnité d'éviction
Selon l'article L145-14 du code de commerce, le refus de renouvellement signifié par le bailleur met fin au bail commercial mais ouvre droit, sauf exception, au profit du locataire, à une indemnité d'éviction qui comprend notamment la valeur marchande du fonds de commerce, déterminée suivant les usages de la profession, augmentée éventuellement des frais normaux de déménagement et de réinstallation, ainsi que des frais et droits de mutation à payer pour un fonds de même valeur, sauf dans le cas où le propriétaire fait la preuve que le préjudice est moindre.
Usuellement, les conséquences de l'éviction s'apprécient in concreto au regard de la possibilité pour le locataire de conserver son fonds de commerce sans perte de clientèle importante, auquel cas l'indemnisation prend la forme d'une indemnité de transfert, ou de la perte du fonds de commerce, auquel cas l'indemnisation prend la forme d'une indemnité de remplacement.
La société Armor Auto s'étant réinstallée, il est acquis que l'indemnité prend la forme d'une indemnité de déplacement.
Les parties s'opposent sur le calcul de l'indemnité d'éviction, discutée en tous ces éléments.
L'expert judiciaire, au terme de son rapport déposé le 7 mars 2022, a procédé au calcul de celle-ci, de la manière suivante, sur la base de devis :
- indemnité principale : 1 400 euros calculée sur une base d'économie de loyer de 171,343 euros par an
- frais de remploi : 140 euros
- frais de déménagement et de réinstallation : 51 876 euros, détaillés comme suit :
- déménagement : 565 euros
- alarme : 6 001,32 euros
- mise au standard de l'agence : 10 981,94 euros
- dépose et pose de l'enseigne : 2 350 euros
- installation électrique : 9 120 euros
- nettoyage des anciens locaux : 245 euros
- transfert téléphonie/internet/ informatique : 1 215 euros
- transfert abonnement électrique : 150 euros
- coût de publicité et modification site internet : 150 euros
- papier à entête, enveloppes, courrier information clients : 7 065,25 euros
- modification kbis, statuts, greffe et social : 2 107 euros
- modifications pochettes véhicules, porte-clefs, flocage des véhicules : 7 575 euros,
- indemnité pour trouble commercial pendant le temps nécessaire à la réinstallation : 7 500 euros
- surcoût de loyer : 0
soit un total de 60 776 euros.
La cour note que l'expert a répondu aux différents dires des parties et n'a pas modifié son chiffrage, s'en expliquant.
Devant la cour, la société Armor Auto indique qu'elle produit désormais des factures et non plus des devis, et demande de fixer l'indemnité d'éviction qui lui est due aux montants suivants :
- indemnité principale : 31 297 euros
- frais de remploi : 3 130 euros
- frais de déménagement et de réinstallation : 77 771,60 euros
- indemnité pour trouble commercial : 7 500 euros
- surcoût de loyer : 20 000 euros
- perte de valeur du fonds de commerce : 108 000 euros
soit un total de 255 198,76 euros.
La société CRCAM ne discute dans ses conclusions que les montants retenus par l'expert. Elle conclut au rejet de certains postes fixés par lui, et selon les cas, formule parfois subsidiairement des propositions à la baisse et s'oppose à toute demande au titre d'une perte de valeur du fonds de commerce.
* sur l'indemnité principale
Les deux parties conviennent que cette indemnité principale correspond à la valeur du droit au bail, le fonds de commerce étant transféré.
Il est rappelé que la société Armor Auto anciennement locataire au dans un local situé [Adresse 4] à [Localité 11] a déménagé dans un local situé [Adresse 8] à [Localité 11].
La méthode d'évaluation de cette valeur fait l'objet d'une discussion entre elles.
La cour ne trouve pas matière à critique de la méthode retenue par l'expert judiciaire, connue sous le nom de 'différentiel de loyer' consistant à capitaliser la différence entre le loyer du local et la valeur locative selon une formule qu'il décrit dans son rapport, méthode approuvée en jurisprudence.
La cour ne peut suivre la société Armor Auto dans son raisonnement qui consiste à considérer que l'expert a sous-évalué ce différentiel, car il conviendrait de prendre en considération un prix de loyer dans la zone considérée de la [Adresse 10] de 300 euros/m² pondéré et non 180 euros/m² pondéré, alors que ses affirmations non seulement ne sont corroborées par aucune pièce et aucune référence mais sont contradictoires avec le fait que la société Armor Auto admet la valeur de l'indemnité d'occupation établie sur cette base.
En ce qui concerne les contestations de l'intimé portant sur le montant retenu par l'expert, consistant à faire application d'un coefficient de situation de 5,5 appliqué aux commerces de ' bonnes situations', et non un coefficient de 7, tel que retenu par l'expert, et qui est appliqué pour des emplacements excellents, la cour considère que la seule appréciation par le bailleur, non appuyée sur des éléments objectifs, ne peut suffire à remettre en cause l'analyse de l'expert.
La cour retient en conséquence le montant d'indemnité principale de 1 400 euros fixée par l'expert.
* sur les frais de remploi
Ces frais sont habituellement évalués à 10% du montant de l'indemnité principale et sont fixés d'ailleurs par l'expert à la somme de 140 euros.
La société Armor Auto demande à la cour de retenir un pourcentage de 10%.
La réinstallation du preneur est certaine, de sorte que ces frais de remploi sont dus, la cour ne pouvant suivre la société CRCAM dans son argumentation, selon laquelle, aucune somme ne peut être allouée à ce titre car elle a proposé au preneur, sans lui réclamer aucune somme à ce titre, de lui donner le local voisin du sien.
La cour retient la somme de 140 euros.
* sur les frais de déménagement et de réinstallation
Au titre de l'aménagement intérieur des nouveaux locaux, l'expert comptabilisait le coût de la mise aux standards de l'agence, de la dépose et la pose de l'enseigne, l'installation électrique, du transfert de téléphonie/internet/informatique, du transfert électrique, de l'installation de l'alarme.
La cour rappelle que les nouveaux locaux correspondent à un local brut. Le preneur y a réalisé dès lors d'importants travaux d'aménagements pour son installation. Il les justifie par des factures.
La cour de cassation a retenu dans un arrêt de la 3e Civ. du 21 mars 2007, (pourvoi n° 06-10.780) que 'le locataire n'a pas à supporter les frais d'une réinstallation coûteuse à proportion du degré d'amortissement des investissements qu'il abandonnait par la contrainte et qu'il convenait de tenir compte de ces frais de réinstallation pour évaluer le préjudice subi par le locataire évincé'. Il n'y a donc pas lieu de faire application pour certains postes de travaux d'un coefficient de vétusté tel que sollicité par la bailleresse, d'autant qu'il est rappelé que la bailleresse ne discute que des devis soumis à l'expert, et non des factures communiquées aux débats.
Il convient ainsi d'inclure dans les frais de réinstallation à ce titre, l'ensemble des travaux réalisés par le preneur justifiés par des factures. Sont ainsi retenus les travaux suivants :
- peinture : 12 688,89 euros
- plafonds : 4 926,85 euros
- menuiserie intérieure : 4 246,29 euros
- cloisons : 5 129,36 euros et non 5 171,36 euros tel que réclamé par la société Armor Auto,
- carrelages : 831,20 euros
- électricité/chauffage : 10 500 euros
- plomberie : 3 681,25 euros,
- écran vitrine : 12 073,79 euros
- alarme : 5 268,91 euros
- honoraires architecte suivi des travaux : 5 000 euros
- banque accueil : 1 150 euros
- déménagement d'un automutateur Alcaltel Lucent : 540 euros
soit un total : 66 036,54 euros.
Il n'y a pas lieu de faire droit à la demande portant sur une facture de 400 euros pour le nettoyage de ses nouveaux locaux, ou à une demande portant sur une facture de 158 euros correspondant au remplacement d'une batterie, dont l'appelante ne démontre pas qu'il s'agit d'une dépense induite par la réinstallation.
L'expert admet aussi dans ces frais le coût des prestations pour la publicité, la modification du site internet, le papier à entête, les enveloppes, le courrier d'information aux clients, la modification 'du Kbis, statuts, greffe et social', la modification des pochettes, véhicules, porte-clefs, et le flocage des véhicules.
La cour retient au vu des factures versées aux débats les dépenses suivantes:
- communication Ouest France : 671,52 euros
- presse : 621 euros
- changement d'adresse Fidal : 1 010 euros et non 1 200 euros tel que réclamé
- modification des cartes grises : 5 610 euros
- signalétique : 804 euros et 900 euros,
soit un total de 9 616,52 euros.
Il n'y a pas lieu d'inclure dans ses frais le coût d'un cocktail pour l'inauguration des nouveaux locaux.
L'ensemble des frais de déménagement et de réinstallation justifiés est donc fixée à une somme totale de 66 036,54 + 9 616,52 = 75 653,06 euros.
* sur le trouble commercial
L'expert la retient en expliquant qu'elle correspond à une semaine de chiffre d'affaires, le temps que le déménagement et les transferts se fassent.
À ce titre, la société Armor Auto sollicite une somme de 7 500 euros, comme retenue par l'expert à laquelle elle ajoute une somme de 1 000 euros pour tenir compte des frais de résiliation d'abonnement EDF, eau, et de nouveaux frais de mise en service.
L'intimée ne retient pas ce poste d'indemnité.
La cour constate que la société Armor Auto justifie avoir remis ses clés le 31 octobre 2023 et avoir inauguré le même jour son nouveau local. Elle ne rapporte nullement la preuve d'une perte de chiffre d'affaires. Les frais qu'elle invoque ne sont corroborés par aucune pièce.
Il n'y a pas lieu d'allouer à la société Armor Auto une somme au titre d'un trouble commercial. La société Armor Auto est déboutée de ses prétentions de ce chef.
* sur le surcoût de loyer
La société Armor Auto fait valoir que la charge locative qu'elle devait supporter pour son ancien local était de 6 629 euros + 1743 euros d'impôt foncier, soit un total de 8 372 euros, ce qui représente pour une surface pondérée de 40m² un prix unitaire de 210 euros/m². S'agissant de ses nouveaux locaux, le loyer est de 6 800 euros + 1 080 euros d'impôt foncier, et 170 euros de charges de copropriété, soir 8 050 euros pour une surface pondérée des locaux estimée par l'expert à 51,66 m², soit un prix pondéré de 155 euros.
Elle considère que comparée au prix au m² du local évincé, cette charge locative est élevée compte tenu de la commercialité des locaux de remplacement moins avantageuse.
Elle évalue le surcoût de loyer à 20 000 euros.
La société CRCAM observe qu'initialement, la société Armor Auto réclamait une somme de 35 000 euros. Elle estime que l'expert a justement écarté ce poste de dépense, qui est inexistant.
L'expert conclut sur ce point : 'Le surcoût de loyer est de 171,53 euros par an, qui actualisé à 2% sur 9 ans, ressort à 1 400 euros. Compte tenu de la surface complémentaire et des places de parking, nous n'avons pas pris en compte ce surcoût de loyer'.
La cour considère que cette analyse n'est pas utilement critiquée par la société Armor Auto qui ne démontre pas l'existence d'un tel poste de préjudice, étant observé que le rapport de M. [H] sur lequel l'appelante appuie sa position, a été transmis à l'expert, qui par réponse à un dire n'a pas entendu modifié son évaluation, en rappelant notamment page 42 de son rapport que la société Armor Auto bénéficie d'un local un peu plus grand avec deux places de parking.
La société Armor Auto est déboutée de ses prétentions de ce chef.
* sur la perte partielle de la valeur du fonds de commerce
L'appelante sollicite une indemnité qui ne peut être inférieure à 40 % de la valeur vénale de son fonds, soit 108 000 euros.
Elle expose que l'emplacement de ses locaux [Adresse 10] présentait l'intérêt d'être à proximité de la gare et était largement visible dans le sens de circulation du [Adresse 5], voie de transit importante.
Elle souligne que l'expert admet dans son pré-rapport que l'emplacement du nouveau local en retrait du [Adresse 5] et de la gare n'offre pas la même visibilité.
Elle indique que l'essentiel de son chiffre d'affaires se fait directement à l'agence et non via internet, que le transfert impacte nécessairement son activité à la baisse.
L'intimée s'oppose à cette réclamation, observe que la réinstallation s'est effectuée à quelques mètres seulement de ses anciens locaux, que l'expert n'a pas retenu ce poste de préjudice.
Elle note que la société Armor Auto ne démontre pas la moins bonne commercialité des nouveaux locaux ni le préjudice qu'elle invoque en terme de perte de chiffre d'affaires.
Si le déplacement du fonds du locataire évincé peut entraîner une perte partielle de clientèle, il appartient au locataire qui prétend à une telle perte dans le calcul de l'indemnité d'éviction de démontrer cette incidence.
Le pré-rapport de l'expert l'évoquant n'est pas versé aux débats. En réponse à un dire de la société Armor Auto du 28 janvier 2022, l'expert fait observer qu'il 'n'est pas concevable d'avoir aujourd'hui une clientèle qui viendrait réserver en agence sans privilégier de réserver son véhicule par internet'. Il ajoute : ' à l'heure des smartphones, de notre monde ultra connecté, nous ne pouvons croire cette théorie d'une majorité de réservations faites en agence. D'ailleurs l'application ADA existe sur smartphone...'.
En tout état de cause, la société Armor Auto n'étaye ses affirmations en ce sens par aucune pièce probante. Si elle évoque une attestation de son expert comptable relative au chiffre d'affaires généré par internet, cette pièce n'est pas soumise à la cour.
Aucune indemnité n'est ainsi retenue par l'expert au titre d'une perte partielle de valeur du fonds de commerce. La société Auto Armor échoue à rapporter la preuve d'une telle perte, et doit être déboutée de ses prétentions de chef.
En conséquence de ce qui précède le montant de l'indemnité d'éviction due à la société Armor Auto par la société CRCAM, s'élève à 1 400 + 140 +
75 653,06 = 77 193,06 euros, somme qui sera majorée des intérêts légaux à compte de la date d'effet du congé soit le 30 juin 2020, intérêts qui seront capitalisés conformément à l'article 1343-2 du code civil. La cour prononce condamnation en ce sens et infirme le jugement qui déboute la société Armor Auto de ses demandes indemnitaires, rejetées au motif d'un exercice régulier du droit de repentir par le bailleur.
- sur les autres demandes
La société Armor Auto demande la condamnation de l'intimée au paiement d'une somme de 4 750 euros en remboursement des frais exposés par elle dans le cadre de l'accompagnement de M. [H] pour l'aider à fixer le montant de l'indemnité d'éviction. La cour considère cette demande injustifiée, les parties devant conserver à leur charge les dépenses qu'elles ont unilatéralement engagées dans le cadre des opérations d'expertise.
La cour condamne la partie intimée, qui succombe en cause d'appel, aux entiers dépens de première instance et d'appel, (constatant par ailleurs une omission de statuer en première instance à ce titre). Ces dépens comprendront les frais d'expertise et seront recouvrés conformément à l'article 699 du code de procédure civile. Cette condamnation ne peut inclure les dépens de l'instance en référé, le juge des référés s'étant prononcé sur leur charge.
Il est inéquitable de laisser à la charge de l'appelante la totalité des frais irrépétibles qu'elle a engagés. La cour condamne la société CRCAM à payer à la société Armor Auto une somme de 6 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile .
La cour observe qu'aucune disposition ne figure dans le dispositif du jugement relativement aux frais irrépétibles, alors que les premiers juges, dans les motifs de la décision retiennent que la société Armor Auto sera condamnée à payer à la CRCAM une somme de 3 000 euros au titre des frais irrépétibles. Il n'y a donc pas lieu de procéder à la rectification de l'erreur matérielle sur ce point, la cour écartant toute demande de ce chef de la part de l'intimée.
Les demandes formées par la CRCAM des Côtes d'Armor au titre des dépens et des frais irrépétibles sont rejetées.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement, contradictoirement et par mise à disposition au greffe :
Infirme le jugement en toutes ses dispositions ;
Statuant à nouveau, et y ajoutant,
Dit que le droit de repentir exercé le 30 mars 2023 par la société Caisse régionale de Crédit agricole des Côtes-d'Armor a été exercé tardivement et n'a eu aucun effet sur le non-renouvellement du bail avec offre de paiement d'une indemnité d'éviction à compter du 30 juin 2020, tel que notifié le 26 décembre 2019 par la bailleresse ;
Fixe l'indemnité d'occupation due par la société Armor Auto à la société Caisse régionale de Crédit agricole des Côtes-d'Armor à une somme annuelle hors taxe et hors charges de 6 030 euros du 30 juin 2020 au 31 octobre 2023, date de libération des lieux ;
Constate que durant cette période la société Armor Auto a effectué des paiements auprès de la société Caisse régionale de Crédit agricole des Côtes-d'Armor au titre des loyers par ailleurs payés avec indexation ;
Condamne la Caisse régionale de Crédit agricole des Côtes-d'Armor à payer à la société Armor Auto une somme de 6 416,80 euros, au titre du trop perçu d'indemnité d'occupation due, outre intérêts légaux à compter de ce jour ;
Condamne la société Caisse régionale de Crédit agricole des Côtes-d'Armor à payer à la société Armor Auto, au titre de l'indemnité d'éviction, une somme de 77 193,06 euros, somme qui sera majorée des intérêts légaux à compte de la date d'effet du congé soit le 30 juin 2020, intérêts qui seront capitalisés conformément à l'article 1343-2 du code civil ;
Déboute la société Armor Auto de ses plus amples demandes indemnitaires et du surplus de ses demandes ;
Déboute la société Caisse régionale de Crédit agricole des Côtes-d'Armor de ses demandes ;
Condamne la société Caisse régionale de Crédit agricole des Côtes-d'Armor à payer à la société Armor Auto la somme de 6 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamne la société Caisse régionale de Crédit agricole des Côtes-d'Armor aux dépens de première instance et d'appel, en ce compris les frais d'expertise, qui seront recouvrés conformément à l'article 699 du code de procédure civile.
Le Greffier La Présidente
ARRÊT N°-198
N° RG 24/06443 - N° Portalis DBVL-V-B7I-VNIA
(Réf 1ère instance : 22/00907)
S.A.S. ARMOR AUTO
C/
CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL DES COTES D'ARMOR
Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours
Copie exécutoire délivrée
le :
à :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE RENNES
ARRÊT DU 01 OCTOBRE 2025
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :
Président : Madame Virginie PARENT, Présidente,
Assesseur : Madame Virginie HAUET, Conseiller,
Assesseur : Madame Marie-France DAUPS, Conseiller,
GREFFIER :
Madame Catherine VILLENEUVE, lors des débats et lors du prononcé
DÉBATS :
A l'audience publique du 25 Juin 2025
devant Madame Virginie PARENT et Madame Virginie HAUET, magistrats rapporteurs, tenant seules l'audience, sans opposition des représentants des parties et qui ont rendu compte au délibéré collégial
ARRÊT :
Contradictoire, prononcé publiquement le 01 Octobre 2025 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l'issue des débats
****
APPELANTE :
S.A.S. ARMOR AUTO immatriculée au RCS de SAINT-BRIEUC sous le numéro 789 967 890, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège
[Adresse 1]
[Localité 11]
Représentée par Me Hervé DARDY de la SELARL KOVALEX, Plaidant, avocat au barreau de SAINT-BRIEUC
Représentée par Me Luc BOURGES de la SELARL LUC BOURGES, Postulant, avocat au barreau de RENNES
INTIMÉE :
CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL DES COTES D'ARMOR
[Adresse 7]
[Localité 2]
Représentée par Me Pierre-Alexis BLEVIN, Postulant, avocat au barreau de SAINT-BRIEUC
Représentée par Me Salah GUERROUF, Plaidant, avocat au barreau de PARIS
La société Caisse régionale de crédit agricole (CRCAM) des Côtes d'Armor a consenti à la société Armor Auto exploitant un fonds de commerce de location de véhicules sous l'enseigne ADA, un bail commercial portant sur des locaux situés [Adresse 4] à [Localité 11] à effet au 31 mars 2006. Le bail s'est renouvelé par tacite reconduction à compter du 31 mars 2015.
La société Armor Auto exerce une activité de location de véhicules sous l'enseigne 'Ada'.
Le 26 décembre 2019, la CRCAM des Côtes d'Armor a notifié à la société Armor Auto un congé sans offre de renouvellement mais avec offre de paiement d'une indemnité d'éviction à compter du 30 juin 2020, sans fixation du montant de cette indemnité.
Les parties ne se sont pas entendues sur le prix de l'indemnité d'éviction. La CRCAM des Côtes d'Armor a sollicité une expertise que le juge des référés a ordonnée le 24 juin 2021 et confiée à M. [B] [L]. L'expert a déposé son rapport le 7 mars 2022.
Par assignation délivrée le 30 mars 2022, la CRCAM des Côtes d'Armor a attrait devant le tribunal judiciaire de Saint-Brieuc, la société Armor Auto.
Par acte du 30 mars 2023, le bailleur a notifié son repentir et offert le renouvellement du bail pour une nouvelle durée de 9 ans.
Par jugement en date du 18 novembre 2024, le tribunal judiciaire de Saint-Brieuc a :
- dit que la CRCAM des Côtes d'Armor prise en la personne de son représentant légal a valablement exercé son droit de repentir avec effet au 30 mars 2023, concernant le bail conclu avec la société Armor Auto prise en la personne de son représentant légal,
- dit que le tribunal n'a pas à statuer en l'état sur le renouvellement du bail entre la CRCAM des Côtes d'Armor et la société Armor Auto prise en la personne de leur représentant légal,
- constaté que la CRCAM prise en la personne de son représentant légal n'est pas redevable d'une indemnité d'éviction,
- débouté la société Armor Auto prise en la personne de son représentant légal de toutes ses demandes indemnitaires tendant au paiement d'une indemnité d'éviction, des frais annexes et du préjudice de perte partielle de fonds de commerce,
- fixé à la somme de 6 030 euros hors taxe le montant annuel de l'indemnité d'occupation due par la société Armor Auto prise en la personne de son représentant légal à la CRCAM des Côtes d'Armor prise en la personne de son représentant légal pour la période du 30 juin 2020 au 30 mars 2023.
Le 2 décembre 2024, la société Armor Auto a interjeté appel de cette décision et aux termes de ses dernières écritures notifiées le 2 juin 2025, elle demande à la cour de :
- déclarer recevable et bien-fondé son appel à l'encontre du jugement rendu par le tribunal judiciaire de Saint-Brieuc le 18 novembre 2024,
- infirmer le jugement en ce qu'il a :
* dit que la CRCAM des Côtes d'Armor prise en la personne de son représentant légal a valablement exercé son droit de repentir avec effet au 30 mars 2023 concernant le bail conclu avec la société Armor Auto prise en la personne de son représentant légal,
* constaté que la CRCAM des Côtes d'Armor prise en la personne de son représentant légal n'est pas redevable d'une indemnité d'éviction,
* l'a déboutée de toutes ses demandes indemnitaires tendant au paiement d'une indemnité d'éviction, des frais annexes et du préjudice de perte partielle de fonds de commerce et également de sa demande de paiement de la somme de 4 491,76 euros au titre du différentiel annuel entre le montant de l'indemnité d'occupation de 6 030 euros et le montant des loyers dont elle s'est acquittée pendant le cours du procès et de sa demande de sa demande de condamnation formulée au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
* a omis de statuer sur la demande de condamnation de la CRCAM des Côtes d'Armor au paiement des dépens en ce compris les dépens de l'instance de référé et les frais d'expertise,
Et statuant à nouveau de ces chefs,
I. Vu l'article 145-12 du code de commerce
- déclarer nul l'acte portant notification du droit de repentir signifié par la CRCAM des Côtes d'Armor le 30 mars 2023,
II. Subsidiairement,
- déclarer irrecevable et mal fondé comme étant tardif la CRCAM des Côtes d'Armor dans l'exercice de son droit de repentir,
En conséquence, et dans les 2 hypothèses,
III. Vu l'article 145-14 du code de commerce
- homologuer partiellement le rapport d'expertise de M. [B] [L] en date du 7 mars 2022,
- fixer l'indemnité d'éviction qui lui est due par la CRCAM des Côtes d'Armor aux sommes suivantes :
* perte de valeur vénale du fonds de commerce : 108 000 euros
* droit au bail : 31 297 euros
* frais de remploi : 3 130 euros
* frais de déménagement et de réinstallation : 77 771,60 euros
* trouble commercial : 7 500 euros
* surcoût de loyer : 20 000 euros,
En conséquence,
- condamner la CRCAM des Côtes d'Armor à lui payer la somme totale de 255 198,76 euros à titre d'indemnité d'éviction, majorée des intérêts au taux légal à compter de la date d'effet du congé au 30 juin 2020 jusqu'à parfait paiement,
- dire que les intérêts se capitaliseront dans les conditions de l'article 1343-2 du code civil,
- fixer à la somme de 6 030 euros hors charges et hors taxe et par an l'indemnité d'occupation due par elle, et ce, à compter de la date d'effet du congé, soit du 30 juin 2020 jusqu'au 31 octobre 2023, date de libération des lieux,
- débouter la CRCAM des Côtes d'Armor de sa demande d'indexation de l'indemnité d'occupation,
- condamner la CRCAM des Côtes d'Armor à lui payer la somme de
6 416,80 euros au titre du différentiel annuel entre le montant de l'indemnité d'occupation de 6 030 euros et le montant des loyers dont elle s'est acquittée pendant le cours du procès jusqu'au 31 octobre 2023, date de libération des lieux, majorée des intérêts au taux légal à compter de la date d'effet du congé au 30 juin 2020 jusqu'à parfait paiement,
- condamner la CRCAM des Côtes d'Armor à lui payer la somme 4 750 euros en remboursement des frais qu'elle a exposés dans le cadre de l'accompagnement par M. [T] [H] pour l'aider à fixer le montant de son indemnité d'éviction,
- condamner la CRCAM des Côtes d'Armor à lui payer la somme 18 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, au titre de ses frais irrépétibles exposés en première instance et en cause d'appel,
- condamner la CRCAM des Côtes d'Armor aux dépens lesquels comprendront les dépens de l'instance de référé et les frais d'expertise et les dépens de première instance et d'appel.
IV. À titre subsidiaire, dans l'hypothèse où la cour d'appel donnerait effet au repentir,
- dire que le nouveau bail a pris effet à compter de la notification du repentir soit à compter du 30 mars 2023,
- fixer le loyer dû par société Armor Auto à compter du 30 mars 2023, à la valeur locative des locaux à cette date soit la somme de 500 euros hors taxe/mois soit 6 000 euros hors taxe par an,
- fixer à la somme de 6 030 euros hors charges et hors taxe et par an l'indemnité d'occupation due par elle, et ce, à compter de la date d'effet du congé, soit du 30 juin 2020 jusqu'au 30 mars 2023, date d'effet du nouveau bail,
- condamner la CRCAM des Côtes d'Armor à lui payer la somme de
5 293,86 euros au titre du différentiel annuel entre le montant de l'indemnité d'occupation de 6 030 euros et le montant des loyers dont elle s'est acquittée jusqu'au 30 mars 2023, majorée des intérêts au taux légal à compter de la date d'effet du congé au 30 juin 2020,
- ordonner la compensation entre les sommes dues, c'est-à-dire entre la somme due à hauteur de 5 293,86 euros par la CRCAM des Côtes d'Armor et les loyers qui seront dus par elle à compter du 30 mars 2023,
- mettre à la charge de la CRCAM des Côtes d'Armor les frais de l'instance,
En conséquence,
- condamner la CRCAM des Côtes d'Armor à lui payer la somme 4 750 euros en remboursement des frais qu'elle a exposés dans le cadre de l'accompagnement par M. [T] [H] pour l'aider à fixer le montant de son indemnité d'éviction,
- condamner la CRCAM à lui payer la somme 18 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au titre de ses frais irrépétibles exposés en première instance et en cause d'appel,
- condamner la CRCAM des Côtes d'Armor aux dépens lesquels comprendront les dépens de l'instance de référé et les frais d'expertise et les dépens de première instance et d'appel.
Par dernières conclusions notifiées le 12 mai 2025, la CRCAM des Côtes d'Armor demande à la cour de :
À titre principal de :
- confirmer le jugement rendu le 18 novembre 2024 par le tribunal judiciaire de Saint-Brieuc qui a :
* jugé qu'elle a valablement exercé son droit de repentir le 30 mars 2023 à l'encontre de la société Armor Auto,
* débouté la société Armor Auto de sa demande de nullité du droit de repentir qui lui a été signifié le 30 mars 2023,
* débouté la société Armor Auto de sa demande visant à voir juger qu'elle lui aurait notifié tardivement son droit de repentir le 30 mars 2023,
* jugé que, consécutivement à la signification de son droit de repentir effectuée le 30 mars 2023 et de l'absence de justification par la société Armor Auto de la réalisation des conditions suspensives mentionnées dans sa promesse de bail du 26 juillet 2021 ont été réalisées de manière définitive et irrévocable avant la date susmentionnée du 30 mars 2023, elle n'est pas tenue de lui payer une indemnité d'éviction dans les conditions prévues à l'article L-145-14 du code de commerce,
* juger que la société Armor Auto est tenue de payer sur la période courant du 1er juillet 2020, date d'effet du congé comportant refus de renouvellement de bail qui lui a été signifié par elle jusqu'au 30 mars 2023, date à laquelle celle-ci lui a notifié son droit de repentir par acte extrajudiciaire une indemnité d'occupation de 6 030 euros hors taxe par an 2023 avec indexation de celle-ci les 1er juillet 2021 et 1er juillet 2022 en application la variation de l'indice national du coût de la construction publié par l'INSEE tel que prévu dans le bail expiré du 31 mars 2006,
- infirmé le jugement rendu le 18 novembre 2024 par le tribunal judiciaire
de Saint-Brieuc qu'il :
* l'a déboutée de sa demande tendant à voir juger qu'en conséquence de la signification de son droit de repentir le 30 mars 2023, le bail de la société Armor Auto a été renouvelé irrévocablement et de plein droit à compter du 30 mars 2023 conformément aux dispositions de l'article L.145-12 alinéa 4 du code de commerce,
Statuant à nouveau de :
- juger que le bail de la société Armor Auto a été renouvelé de manière irrévocable et de plein droit pour une nouvelle période de neuf années à compter du 30 mars 2023, toutes les autres clauses et conditions du bail expiré du 31 mars 2006 non contraires aux dispositions de la loi Pinel du 18
juin 2014 ainsi que de son décret d'application du 3 novembre suivant demeurant inchangées et ce, conformément aux dispositions de l'article L.145-12 alinéa 4 du code de commerce,
- juger que la société Armor Auto est tenue de payer sur la période courant du 1er juillet 2023, lendemain du repentir qui lui a été signifié par elle jusqu'au terme du bail ou de l'expiration de l'une de ses périodes triennales les sommes suivantes à titre de loyer :
* 6 556,24 euros hors taxe et hors charges par an à compter du 1er avril 2023 (4 800 euros x 128,68 / 94,21) jusqu'au 30 mars 2024,
* 6 856,85 euros par an hors taxe et hors charges (6 556,24 euros hors taxe x 134,58 (indice ILC 1er trimestre 2024/128,68 (indice ILC 1er trimestre 2023) à compter du 1er avril 2024 jusqu'au 30 mars 2025,
- fixer le montant de l'indemnité d'occupation à la charge de la société Armor Auto à la somme de 6 030 euros hors taxe par an à compter du 1er juillet 2020 jusqu'au 31 mars 2023 avec indexation annuelle de celle-ci dans les conditions prévues dans le bail du 31 mars 2006,
À titre subsidiaire et sur le montant des indemnités d'éviction et d'occupation
- Sur le montant de l'indemnité d'éviction
* juger que la société Armor Auto ne peut prétendre qu'à une indemnité d'éviction dite de « déplacement » en raison de sa réinstallation à proximité
immédiate des locaux qui lui ont été donnés à bail par elle ainsi que de l'absence de perte de sa clientèle et/ou de son fonds de commerce compte tenu de l'offre ferme de location qui lui a été faite par cette dernière dans de nouveaux locaux situés [Adresse 3] à [Localité 11] à proximité pour une superficie et un prix de loyer équivalents,
En conséquence :
* fixer le montant de l'indemnité de déplacement à laquelle peut prétendre la société Armor Auto aux sommes suivantes :
- 943,47 euros au titre de l'indemnité principale étant rappelé que
cette somme n'est pas assujettie à la taxe sur la valeur ajoutée
- 0 euros au titre des frais de remploi
- 565 euros au titre des frais de déménagement
- 150 euros au titre des frais de transfert d'abonnement électrique
- concernant les autres postes de dépenses suivants :
* frais d'installation d'une alarme pour la somme de 6 001,32 euros hors taxe,
- à titre principal, juger que ces frais ne sont pas justifiés et débouter la société Armor Auto de sa demande de remboursement de ce poste de préjudice,
- à titre subsidiaire, appliquer un abattement pour vétusté de l'ordre de 90 à 100 % sur ces frais,
* sur les frais de nettoyage des anciens locaux pour la somme de 245 euros,
- constater qu'aux termes de son bail (Pièce n°1 - page 4 ' article intitulé « Entretien-Réparation »), la société Armor Auto est tenue d'entretenir les lieux loués en bon état de réparations locatives ou de menu entretien, pendant la durée de son bail, et de le rendre à sa sortie en bon état de réparations locatives, ce qui inclut nécessairement leur nettoyage,
- juger que la société Armor Auto ne peut lui transférer la charge financière de cette obligation contractuelle qui lui incombe,
- juger qu'elle n'est pas tenue de rembourser à la société Armor Auto ces frais au jour de son départ,
* sur les frais d'installation électrique pour la somme de 9 120 euros hors taxe,
- débouter la société Armor Auto de sa demande de remboursement de la somme de 9 120 euros hors taxe,
- diminuer ce poste de préjudice en excluant des postes de travaux la somme globale de 2 900 euros (500 euros x 3 + 1 400 euros),
* sur les frais de transfert de téléphonie pour la somme de 1 215 euros hors taxe,
- débouter la société Armor Auto de sa demande de remboursement de cette somme,
- diminuer ce poste de préjudice et le fixer à la somme de 480 euros TTC,
* sur les frais de publicité et de modification du site internet pour la somme de 7 500 euros hors taxe,
- à titre principal, débouter la société Armor Auto de sa demande de
remboursement de la somme de 7 500 euros hors taxe,
- à titre subsidiaire, de réduire significativement le montant de ce poste de dépense,
* sur les frais de papier à en-tête, enveloppes, courrier d'information de la société locataire pour la somme de 2 107 euros hors taxe,
- à titre principal, débouter la société Armor Auto de sa demande de
remboursement de cette somme,
- à titre subsidiaire, de réduire significativement le montant de ce poste de dépense,
* sur les frais de modification de Kbis pour la somme de 4 500 euros hors taxe,
- débouter la société Armor Auto de sa demande de remboursement de cette somme,
- diminuer ce poste de préjudice et le fixer à une somme comprise entre 150 à 200 euros pour le transfert de siège dans la même ville complété d'une somme de 76,01 euros au titre des frais de greffe,
* sur les frais de modification sociale pour la somme de 1 500 euros hors taxe,
- débouter la société Armor Auto de sa demande de remboursement de cette somme,
- fixer le montant des frais de modification sociale de la société Armor Auto à une somme comprise entre 149 et 249 euros hors taxe,
* sur les frais de 'transfert social' pour la somme de 2 500 euros hors taxe,
- débouter la société Armor Auto de sa demande de remboursement de cette somme,
* sur les frais de modification de pochette véhicules, porte-clefs et flocage véhicules pour la somme de 7 575 euros hors taxe,
- à titre principal, débouter la société Armor Auto de sa demande de
remboursement de cette somme,
- à titre subsidiaire, réduire significativement le montant de ce poste de dépense à la somme de 9 752 euros toute taxe comprise correspondant au prix de 100 portes clés,
* sur le surcoût de loyer de 20 000 euros,
- débouter la société Armor Auto de sa demande de remboursement de cette somme,
* sur la mise au standard des locaux pour la somme de 18 594 euros hors taxe,
- débouter la société Armor Auto de sa demande de remboursement de cette somme,
* sur le caractère injustifié de l'indemnité partielle de perte de fonds de commerce de 108 000 euros revendiquée par la société Armor Auto,
- débouter la société Armor Auto de sa demande de remboursement de cette somme,
- sur le montant de l'indemnité d'occupation due par la société Armor Auto à compter du 1er juillet 2020 jusqu'au jour de son départ,
* fixer le montant de l'indemnité d'occupation à la charge de la société Armor Auto à la somme de 6 030 euros hors taxe par an à compter du 1er juillet 2020,
En toute hypothèse :
- condamner la société Armor Auto à lui payer la somme de 10 000 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner la société Armor Auto aux dépens, lesquels seront recouvrés par M. Pierre-Alexis Blevin, avocat, conformément aux dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
L'ordonnance de clôture est intervenue le 5 juin 2025.
MOTIFS DE LA DÉCISION
- sur l'exercice du droit de repentir
La société Armor Auto soutient que les conditions de notification du repentir ne sont pas réunies, de sorte que le bailleur n'est pas recevable dans sa demande de renouvellement du bail. Elle estime ainsi que le repentir signifié par la CRCAM résulte d'un acte nul et subsidiairement tardif.
A défaut, elle demande de dire que les effets de celui-ci ne sont pas ceux que veut lui donner le bailleur.
Elle considère ainsi que l'acte du 30 mars 2023 de notification du repentir est nul car le bailleur y a notifié son acceptation du renouvellement du bail pour le 1er juillet 2020 et non pour le 30 mars 2023, pour écrire ensuite dans des conclusions signifiées le 10 juillet 2023, avoir demandé que le renouvellement du bail intervienne le 30 mars 2023, ce qui crée une confusion et rend obscure la date d'effet du bail et lui fait grief.
À titre subsidiaire, invoquant les dispositions de l'article L 145-58 du code de commerce, elle rappelle l'existence d'un engagement synallagmatique résultant d'un bail en l'état futur d'achèvement signé par elle le 26 juillet 2021 l'engageant de manière irréversible, de sorte que la notification d'un repentir le 30 mars 2023 est tardive, puisqu'à cette date, le preneur était engagé dans un processus irréversible de sortie du local.
Elle fait valoir que les conditions posées par le texte précité sont réunies, car la société Jarry a fait l'acquisition par acte du 10 septembre 2021 de la parcelle CX [Cadastre 6] sur laquelle est construit le local qu'elle a loué, et qu'ainsi la condition suspensive visée à l'acte de bail en l'état futur d'achèvement était levée dès le 10 septembre 2021. Elle précise que la société Jarry a réalisé des travaux pendant la période de 2021 à 2023, qu'un avenant au bail a été régularisé le 4 septembre 2023, qu'elle a pris possession du nouveau local et restitué les clés du local de la Caisse régionale du crédit agricole le 31 octobre 2023 par exploit d'huissier.
Dans l'hypothèse où la validité de l'acte de repentir serait reconnue, elle demande de dire qu'il emporte nouveau bail conformément à l'article L 145-12 du code de commerce, dont le point de départ est le 30 mars 2023, et le loyer correspond, s'agissant d'un bail renouvelé, à la valeur locative.
La CRCAM des Côtes-d'Armor, en réponse objecte que :
- le moyen tiré de la nullité de son acte de repentir n'est pas fondé dès lors que l'exercice du droit de repentir par le bailleur provoque le renouvellement du bail à la date de notification de ce droit, qu'aucune disposition du code de commerce ne prévoit que l'exercice de ce droit dans un acte comportant une erreur matérielle sur la date de prise d'effet du bail renouvelé serait nul, et qu'il n'est mis en évidence aucun grief, dès lors que le renouvellement du bail proposé par le bailleur court à compter du 30 mars 2023,
- aucune tardiveté de son droit de repentir ne peut être retenue, car il n'est pas démontré par la société Armor Auto la certitude requise qu'elle a pris à bail de manière définitive et irrévocable les nouveaux locaux destinés à sa réinstallation à une date certaine et antérieure à celle de la notification du droit de repentir ; elle relève que la promesse de bail en l'état futur d'achèvement du 26 juillet 2021 comporte plusieurs conditions suspensives dont la régularisation de l'acte de vente du bien cadastré [Cadastre 6] pour lequel un compromis de vente a été régularisé le 16 juillet 2020 au profit du bailleur. Elle note que la copie de l'acte invoqué du 10 septembre 2021 n'est pas versée aux débats et que l'acte d'avenant au bail auquel il est fait référence dans la promesse de bail, devant être annexé au procès-verbal de livraison, est daté du 4 septembre 2023, soit d'une date postérieure à celle à laquelle elle a exercé son droit de repentir.
Elle soutient ainsi que, faute pour la société Armor Auto de rapporter la preuve de l'accomplissement de la première condition suspensive avant le 30 mars 2023, le tribunal a justement considéré que le droit de repentir était mis en oeuvre régulièrement.
L'article L 145-58 du code de commerce, régit le droit de repentir du bailleur. Ce texte prévoit :
Le propriétaire peut, jusqu'à l'expiration d'un délai de quinze jours à compter de la date à laquelle la décision est passée en force de chose jugée, se soustraire au paiement de l'indemnité, à charge par lui de supporter les frais de l'instance et de consentir au renouvellement du bail dont les conditions, en cas de désaccord, sont fixées conformément aux dispositions réglementaires prises à cet effet. Ce droit ne peut être exercé qu'autant que le locataire est encore dans les lieux et n'a pas déjà loué ou acheté un autre immeuble destiné à sa réinstallation.
* sur la nullité de l'acte de repentir
L'article L 145-12 du code de commerce dispose :
La durée du bail renouvelé est de neuf ans sauf accord des parties pour une durée plus longue.
Les dispositions des deuxième et troisième alinéas de l'article L. 145-4 sont applicables au cours du bail renouvelé.
Le nouveau bail prend effet à compter de l'expiration du bail précédent, ou, le cas échéant, de sa prolongation, cette dernière date étant soit celle pour laquelle le congé a été donné, soit, si une demande de renouvellement a été faite, le premier jour du trimestre civil qui suit cette demande.
Toutefois, lorsque le bailleur a notifié, soit par un congé, soit par un refus de renouvellement, son intention de ne pas renouveler le bail, et si, par la suite, il décide de le renouveler, le nouveau bail prend effet à partir du jour où cette acceptation a été notifiée au locataire par acte extrajudiciaire.
L'article 114 du code de procédure civile rappelle que :
Aucun acte de procédure ne peut être déclaré nul pour vice de forme si la nullité n'en est pas expressément prévue par la loi, sauf en cas d'inobservation d'une formalité substantielle ou d'ordre public.
La nullité ne peut être prononcée qu'à charge pour l'adversaire qui l'invoque de prouver le grief que lui cause l'irrégularité, même lorsqu'il s'agit d'une formalité substantielle ou d'ordre public.
En l'espèce, la CRCAM a exercé son droit de repentir par acte d'huissier délivré à la société Armor Auto le 30 mars 2023. Aux termes de cet acte, la bailleresse informe le preneur qu'elle :
- 'entend par la notification qui lui est faite de son droit de repentir se soustraire au paiement de l'indemnité d'éviction dans les conditions prévues par l'article L145-58 du code de commerce,
- lui offrir le renouvellement du bail pour une nouvelle période de neuf années moyennant un loyer annuel de 6 030 euros HT et HC, avec indexation au 1er juillet 2020 jusqu'au jour de la présente signification, toutes les clauses et conditions du bail expiré du 31 mars 2006 demeurant inchangées, et ce, conformément à l'article L 145-12 alinéa 4 du code de commerce (suit le texte de cet article cité).
Si l'article L 145-12 alinéa 4 énonce que l'acceptation du renouvellement du bail doit être faite par acte extra-judiciaire, ce qui est le cas ici, aucune disposition n'impose au bailleur de préciser dans cette acceptation, notifiée après un congé sans offre de renouvellement du bail, la date d'effet du bail renouvelé.
Conformément à l'article L 145-12 alinéa 4 reproduit dans l'acte de notification du droit de repentir, le nouveau bail prend effet à partir du jour où cette acceptation a été notifiée au locataire par acte extrajudiciaire, soit en l'espèce le 30 mars 2023.
La société Armor Auto en peut donc prétendre à aucune ambiguïté quant à la date d'effet du bail renouvelé, accepté par la bailleresse et invoquer un quelconque grief, alors même que les dispositions légales sur ce point sont expressément rappelées dans l'acte. La cour confirme le jugement en ce qu'il rejette la demande de nullité de cet acte.
* sur le caractère tardif du droit de repentir
Il est admis que la bailleresse a exercé ce droit avant une quelconque décision fixant le montant de l'indemnité d'éviction.
L'article L 145-58 du code de commerce dispose que ce droit ne peut être exercé qu'autant que le locataire est encore dans les lieux et n'a pas déjà loué ou acheté un autre immeuble destiné à sa réinstallation.
En l'espèce est discutée l'existence, au moment de l'exercice du droit de repentir par la bailleresse, d'un engagement irréversible du preneur dans un autre local, destiné à sa réinstallation, étant admis qu'au 30 mars 2023, il était encore dans les lieux, puisqu'il indique lui-même n'avoir restitué les clés du bien loué par la société CRCAM que le 31 octobre 2023.
Il appartient à la société Armor Auto de démontre un tel engagement.
L'appelante produit un acte du 26 juillet 2021 de bail commercial en l'état futur d'achèvement entre la société Espace Jarry et elle-même, portant sur un local sis à [Localité 11] [Adresse 8], érigé sur un terrain cadastré section CX [Cadastre 6], le bien donné à bail étant un local brut.
Il y est précisé que 'le bail est conclu pour une durée de 10 ans, qui commencera à courir le jour de la signature du procès-verbal de mise à disposition des lieux', que 'le bailleur s'engage à faire réaliser à ses frais les travaux de construction et à livrer le local au preneur sous réserve de la condition suspensive de régularisation de l'acte de vente du bien cadastré CX [Cadastre 6] pour lequel un compromis de vente a été régularisé le 16 juillet 2020 au profit du bailleur'.
Cet acte du 26 juillet 2021 prévoit également qu'un 'avenant au présent bail auquel sera annexé le procès-verbal de livraison sera régularisé à l'effet de constater notamment :
- la réalisation des conditions suspensives,
- la désignation définitive du bien,
- la date de prise d'effet effective du bail,
- l'indice de référence applicable pour l'indexation du loyer,
- la remise au bailleur de l'engagement de versement à première demande,
- et le cas échéant, la substitution de bailleur'.
Il est mentionné également que 'la régularisation de cet avenant est prévue à titre de simple formalité, sa non signature n'ayant pas de conséquence sur la date de prise d'effet du bail', de sorte qu'il ne peut être tiré aucune conséquence juridique de la signature de cet avenant le 4 septembre 2023 postérieurement à la date d'exercice du droit de repentir.
La cour note également que si l'acte évoque une signature de l'avenant pour notamment constater la réalisation 'des conditions suspensives', en réalité la promesse de bail ne comporte qu'une seule condition de ce type, ci-avant rappelée.
L'acte de vente du bien cadastré section CX n° [Cadastre 6] permettant à la société Espace Jarry de devenir propriétaire est intervenu le 10 septembre 2021. L'état hypothécaire de la parcelle dont s'agit mentionne clairement un acte de vente à cette date, publié le 23 septembre 2021, intervenu entre les personnes suivantes : espace de la gare et espace Jarry, selon un acte notarié ' [F] [I] /[Localité 9]'. Contrairement à ce que prétend la société intimée, ce document rapporte la preuve d'une vente effective, puisqu'il contient les informations suffisantes établissant la vente objet de la condition suspensive. Dès lors, et quand bien même cet acte du 10 septembre 2021 n'est pas versé aux débats, la cour considère que la société Armor Auto, irrévocablement engagée en ce qui la concerne, établit la levée de la condition suspensive le 10 septembre 2021.
En conséquence, il doit être considéré qu'à la date du 30 mars 2023, la société Armor auto avait déjà loué un autre immeuble destiné à sa réinstallation. La bailleresse ne pouvait donc plus, conformément aux dispositions de l'article L145-58 du code de commerce, exercer son droit de repentir à cette date. Ce droit de repentir exercé tardivement n'a donc eu aucun effet sur le non-renouvellement du bail avec offre de paiement d'une indemnité d'éviction à compter du 30 juin 2020, tel que notifié le 26 décembre 2019 par la bailleresse, ce que la cour décidera.
Le jugement est infirmé en ce qu'il retient que la CRCAM des Côtes-d'Armor a valablement exercé son droit de repentir le 30 mars 2023.
La cour infirme le jugement qui dit n'avoir pas à statuer sur le renouvellement du bail, alors que les demandes de la CRCAM des Côtes-d'Armor tendant à juger que le bail s'est renouvelé de manière irrévocable et de plein droit à compter du 30 mars 2023 pour une nouvelle période de neuf ans, ne sont pas fondées et que l'intimée doit en être déboutée, ce qui sera décidé par la cour.
De la même façon, le jugement est infirmé en ce qu'il constate que la CRCAM des Côtes-d'Armor prise en la personne de son représentant légal, n'est pas redevable d'une indemnité d'occupation.
- sur le paiement d'une indemnité d'occupation
La société Armor auto ne critique pas l'avis de l'expert sur ce point et demande à la cour de fixer à 6 030 euros HT et HC par an l'indemnité d'occupation due par elle à compter du 30 juin 2020 jusqu'au 31 octobre 2023, et de rejeter toute demande d'indexation de cette indemnité.
Compte tenu des sommes qu'elle a versées pendant cette période à la bailleresse, elle considère qu'existe un différentiel en sa faveur de 6 416,80 euros, somme pour laquelle elle sollicite la condamnation de l'intimée, outre intérêts légaux à compter du 30 juin 2020.
La CRCAM des Côtes-d'Armor, aux termes de ses demandes subsidiaires, demande à la cour de fixer le montant de l'indemnité d'occupation due par la société Armor Auto à la somme de 6 030 euros HT par an à compter du 1er juillet 2020 jusqu'à son départ.
L'article L 145-28 alinéa 1 du code de commerce dispose :
Aucun locataire pouvant prétendre à une indemnité d'éviction ne peut être obligé de quitter les lieux avant de l'avoir reçue. Jusqu'au paiement de cette indemnité, il a droit au maintien dans les lieux aux conditions et clauses du contrat de bail expiré. Toutefois, l'indemnité d'occupation est déterminée conformément aux dispositions des sections 6 et 7, compte tenu de tous éléments d'appréciation.
L'expert judiciaire fixe le montant de l'indemnité d'occupation à la valeur locative du marché à savoir 6 700 euros, minorée de 10% compte tenu de la précarité, soit 6 030 euros hors taxes et hors charges par an.
La cour constate que le tribunal prononce condamnation du preneur au paiement d'une indemnité annuelle d'occupation de 6 030 euros HT du 20 juin 2020 au 30 mars 2023. Ce chef du jugement doit être infirmé, la période retenue par le tribunal expirant au départ effectif du preneur.
Les parties ne discutent pas une libération des lieux le 31 octobre 2023. Cette date est donc retenue.
En ce qui concerne le montant, la cour fixera une somme annuelle hors taxe et hors charges de 6 030 euros telle que fixée par l'expert. Si dans le corps de ses écritures (page 44), l'intimée demande en outre que cette somme porte indexation annuelle dans les conditions prévues dans le bail du 31 mars 2006, force est de constater que cette demande n'est pas reprise dans le dispositif de ses conclusions, qui seul saisit la cour en application de l'article 954 alinéa 3 du code de procédure civile. La cour n'a donc pas à statuer sur cette demande.
La cour fixe ainsi l'indemnité d'occupation due par la société Armor Auto pour la période du 30 juin 2020 au 31 octobre 2023 à la somme annuelle de 6 030 euros HT et HC.
Il n'est pas contesté que durant cette période la société Armor Auto a effectué des paiements auprès de la bailleresse au titre des loyers par ailleurs payés avec indexation. Le différentiel calculé par l'appelante dans ses écritures ne fait l'objet d'aucune discussion de la part de l'intimée. La cour condamne en conséquence la CRCAM des Côtes-d'Armor à payer à la société Armor Auto une somme de 6 416,80 euros, au titre du trop perçu d'indemnité d'occupation due. Les intérêts légaux sur cette créance, qui n'existe qu'au terme des paiements effectués par l'appelante, ne peuvent courir à compter du 30 juin 2020. Ils courront à compter de ce jour en application de l'article 1231-7 du code civil.
- sur le paiement d'une indemnité d'éviction
Selon l'article L145-14 du code de commerce, le refus de renouvellement signifié par le bailleur met fin au bail commercial mais ouvre droit, sauf exception, au profit du locataire, à une indemnité d'éviction qui comprend notamment la valeur marchande du fonds de commerce, déterminée suivant les usages de la profession, augmentée éventuellement des frais normaux de déménagement et de réinstallation, ainsi que des frais et droits de mutation à payer pour un fonds de même valeur, sauf dans le cas où le propriétaire fait la preuve que le préjudice est moindre.
Usuellement, les conséquences de l'éviction s'apprécient in concreto au regard de la possibilité pour le locataire de conserver son fonds de commerce sans perte de clientèle importante, auquel cas l'indemnisation prend la forme d'une indemnité de transfert, ou de la perte du fonds de commerce, auquel cas l'indemnisation prend la forme d'une indemnité de remplacement.
La société Armor Auto s'étant réinstallée, il est acquis que l'indemnité prend la forme d'une indemnité de déplacement.
Les parties s'opposent sur le calcul de l'indemnité d'éviction, discutée en tous ces éléments.
L'expert judiciaire, au terme de son rapport déposé le 7 mars 2022, a procédé au calcul de celle-ci, de la manière suivante, sur la base de devis :
- indemnité principale : 1 400 euros calculée sur une base d'économie de loyer de 171,343 euros par an
- frais de remploi : 140 euros
- frais de déménagement et de réinstallation : 51 876 euros, détaillés comme suit :
- déménagement : 565 euros
- alarme : 6 001,32 euros
- mise au standard de l'agence : 10 981,94 euros
- dépose et pose de l'enseigne : 2 350 euros
- installation électrique : 9 120 euros
- nettoyage des anciens locaux : 245 euros
- transfert téléphonie/internet/ informatique : 1 215 euros
- transfert abonnement électrique : 150 euros
- coût de publicité et modification site internet : 150 euros
- papier à entête, enveloppes, courrier information clients : 7 065,25 euros
- modification kbis, statuts, greffe et social : 2 107 euros
- modifications pochettes véhicules, porte-clefs, flocage des véhicules : 7 575 euros,
- indemnité pour trouble commercial pendant le temps nécessaire à la réinstallation : 7 500 euros
- surcoût de loyer : 0
soit un total de 60 776 euros.
La cour note que l'expert a répondu aux différents dires des parties et n'a pas modifié son chiffrage, s'en expliquant.
Devant la cour, la société Armor Auto indique qu'elle produit désormais des factures et non plus des devis, et demande de fixer l'indemnité d'éviction qui lui est due aux montants suivants :
- indemnité principale : 31 297 euros
- frais de remploi : 3 130 euros
- frais de déménagement et de réinstallation : 77 771,60 euros
- indemnité pour trouble commercial : 7 500 euros
- surcoût de loyer : 20 000 euros
- perte de valeur du fonds de commerce : 108 000 euros
soit un total de 255 198,76 euros.
La société CRCAM ne discute dans ses conclusions que les montants retenus par l'expert. Elle conclut au rejet de certains postes fixés par lui, et selon les cas, formule parfois subsidiairement des propositions à la baisse et s'oppose à toute demande au titre d'une perte de valeur du fonds de commerce.
* sur l'indemnité principale
Les deux parties conviennent que cette indemnité principale correspond à la valeur du droit au bail, le fonds de commerce étant transféré.
Il est rappelé que la société Armor Auto anciennement locataire au dans un local situé [Adresse 4] à [Localité 11] a déménagé dans un local situé [Adresse 8] à [Localité 11].
La méthode d'évaluation de cette valeur fait l'objet d'une discussion entre elles.
La cour ne trouve pas matière à critique de la méthode retenue par l'expert judiciaire, connue sous le nom de 'différentiel de loyer' consistant à capitaliser la différence entre le loyer du local et la valeur locative selon une formule qu'il décrit dans son rapport, méthode approuvée en jurisprudence.
La cour ne peut suivre la société Armor Auto dans son raisonnement qui consiste à considérer que l'expert a sous-évalué ce différentiel, car il conviendrait de prendre en considération un prix de loyer dans la zone considérée de la [Adresse 10] de 300 euros/m² pondéré et non 180 euros/m² pondéré, alors que ses affirmations non seulement ne sont corroborées par aucune pièce et aucune référence mais sont contradictoires avec le fait que la société Armor Auto admet la valeur de l'indemnité d'occupation établie sur cette base.
En ce qui concerne les contestations de l'intimé portant sur le montant retenu par l'expert, consistant à faire application d'un coefficient de situation de 5,5 appliqué aux commerces de ' bonnes situations', et non un coefficient de 7, tel que retenu par l'expert, et qui est appliqué pour des emplacements excellents, la cour considère que la seule appréciation par le bailleur, non appuyée sur des éléments objectifs, ne peut suffire à remettre en cause l'analyse de l'expert.
La cour retient en conséquence le montant d'indemnité principale de 1 400 euros fixée par l'expert.
* sur les frais de remploi
Ces frais sont habituellement évalués à 10% du montant de l'indemnité principale et sont fixés d'ailleurs par l'expert à la somme de 140 euros.
La société Armor Auto demande à la cour de retenir un pourcentage de 10%.
La réinstallation du preneur est certaine, de sorte que ces frais de remploi sont dus, la cour ne pouvant suivre la société CRCAM dans son argumentation, selon laquelle, aucune somme ne peut être allouée à ce titre car elle a proposé au preneur, sans lui réclamer aucune somme à ce titre, de lui donner le local voisin du sien.
La cour retient la somme de 140 euros.
* sur les frais de déménagement et de réinstallation
Au titre de l'aménagement intérieur des nouveaux locaux, l'expert comptabilisait le coût de la mise aux standards de l'agence, de la dépose et la pose de l'enseigne, l'installation électrique, du transfert de téléphonie/internet/informatique, du transfert électrique, de l'installation de l'alarme.
La cour rappelle que les nouveaux locaux correspondent à un local brut. Le preneur y a réalisé dès lors d'importants travaux d'aménagements pour son installation. Il les justifie par des factures.
La cour de cassation a retenu dans un arrêt de la 3e Civ. du 21 mars 2007, (pourvoi n° 06-10.780) que 'le locataire n'a pas à supporter les frais d'une réinstallation coûteuse à proportion du degré d'amortissement des investissements qu'il abandonnait par la contrainte et qu'il convenait de tenir compte de ces frais de réinstallation pour évaluer le préjudice subi par le locataire évincé'. Il n'y a donc pas lieu de faire application pour certains postes de travaux d'un coefficient de vétusté tel que sollicité par la bailleresse, d'autant qu'il est rappelé que la bailleresse ne discute que des devis soumis à l'expert, et non des factures communiquées aux débats.
Il convient ainsi d'inclure dans les frais de réinstallation à ce titre, l'ensemble des travaux réalisés par le preneur justifiés par des factures. Sont ainsi retenus les travaux suivants :
- peinture : 12 688,89 euros
- plafonds : 4 926,85 euros
- menuiserie intérieure : 4 246,29 euros
- cloisons : 5 129,36 euros et non 5 171,36 euros tel que réclamé par la société Armor Auto,
- carrelages : 831,20 euros
- électricité/chauffage : 10 500 euros
- plomberie : 3 681,25 euros,
- écran vitrine : 12 073,79 euros
- alarme : 5 268,91 euros
- honoraires architecte suivi des travaux : 5 000 euros
- banque accueil : 1 150 euros
- déménagement d'un automutateur Alcaltel Lucent : 540 euros
soit un total : 66 036,54 euros.
Il n'y a pas lieu de faire droit à la demande portant sur une facture de 400 euros pour le nettoyage de ses nouveaux locaux, ou à une demande portant sur une facture de 158 euros correspondant au remplacement d'une batterie, dont l'appelante ne démontre pas qu'il s'agit d'une dépense induite par la réinstallation.
L'expert admet aussi dans ces frais le coût des prestations pour la publicité, la modification du site internet, le papier à entête, les enveloppes, le courrier d'information aux clients, la modification 'du Kbis, statuts, greffe et social', la modification des pochettes, véhicules, porte-clefs, et le flocage des véhicules.
La cour retient au vu des factures versées aux débats les dépenses suivantes:
- communication Ouest France : 671,52 euros
- presse : 621 euros
- changement d'adresse Fidal : 1 010 euros et non 1 200 euros tel que réclamé
- modification des cartes grises : 5 610 euros
- signalétique : 804 euros et 900 euros,
soit un total de 9 616,52 euros.
Il n'y a pas lieu d'inclure dans ses frais le coût d'un cocktail pour l'inauguration des nouveaux locaux.
L'ensemble des frais de déménagement et de réinstallation justifiés est donc fixée à une somme totale de 66 036,54 + 9 616,52 = 75 653,06 euros.
* sur le trouble commercial
L'expert la retient en expliquant qu'elle correspond à une semaine de chiffre d'affaires, le temps que le déménagement et les transferts se fassent.
À ce titre, la société Armor Auto sollicite une somme de 7 500 euros, comme retenue par l'expert à laquelle elle ajoute une somme de 1 000 euros pour tenir compte des frais de résiliation d'abonnement EDF, eau, et de nouveaux frais de mise en service.
L'intimée ne retient pas ce poste d'indemnité.
La cour constate que la société Armor Auto justifie avoir remis ses clés le 31 octobre 2023 et avoir inauguré le même jour son nouveau local. Elle ne rapporte nullement la preuve d'une perte de chiffre d'affaires. Les frais qu'elle invoque ne sont corroborés par aucune pièce.
Il n'y a pas lieu d'allouer à la société Armor Auto une somme au titre d'un trouble commercial. La société Armor Auto est déboutée de ses prétentions de ce chef.
* sur le surcoût de loyer
La société Armor Auto fait valoir que la charge locative qu'elle devait supporter pour son ancien local était de 6 629 euros + 1743 euros d'impôt foncier, soit un total de 8 372 euros, ce qui représente pour une surface pondérée de 40m² un prix unitaire de 210 euros/m². S'agissant de ses nouveaux locaux, le loyer est de 6 800 euros + 1 080 euros d'impôt foncier, et 170 euros de charges de copropriété, soir 8 050 euros pour une surface pondérée des locaux estimée par l'expert à 51,66 m², soit un prix pondéré de 155 euros.
Elle considère que comparée au prix au m² du local évincé, cette charge locative est élevée compte tenu de la commercialité des locaux de remplacement moins avantageuse.
Elle évalue le surcoût de loyer à 20 000 euros.
La société CRCAM observe qu'initialement, la société Armor Auto réclamait une somme de 35 000 euros. Elle estime que l'expert a justement écarté ce poste de dépense, qui est inexistant.
L'expert conclut sur ce point : 'Le surcoût de loyer est de 171,53 euros par an, qui actualisé à 2% sur 9 ans, ressort à 1 400 euros. Compte tenu de la surface complémentaire et des places de parking, nous n'avons pas pris en compte ce surcoût de loyer'.
La cour considère que cette analyse n'est pas utilement critiquée par la société Armor Auto qui ne démontre pas l'existence d'un tel poste de préjudice, étant observé que le rapport de M. [H] sur lequel l'appelante appuie sa position, a été transmis à l'expert, qui par réponse à un dire n'a pas entendu modifié son évaluation, en rappelant notamment page 42 de son rapport que la société Armor Auto bénéficie d'un local un peu plus grand avec deux places de parking.
La société Armor Auto est déboutée de ses prétentions de ce chef.
* sur la perte partielle de la valeur du fonds de commerce
L'appelante sollicite une indemnité qui ne peut être inférieure à 40 % de la valeur vénale de son fonds, soit 108 000 euros.
Elle expose que l'emplacement de ses locaux [Adresse 10] présentait l'intérêt d'être à proximité de la gare et était largement visible dans le sens de circulation du [Adresse 5], voie de transit importante.
Elle souligne que l'expert admet dans son pré-rapport que l'emplacement du nouveau local en retrait du [Adresse 5] et de la gare n'offre pas la même visibilité.
Elle indique que l'essentiel de son chiffre d'affaires se fait directement à l'agence et non via internet, que le transfert impacte nécessairement son activité à la baisse.
L'intimée s'oppose à cette réclamation, observe que la réinstallation s'est effectuée à quelques mètres seulement de ses anciens locaux, que l'expert n'a pas retenu ce poste de préjudice.
Elle note que la société Armor Auto ne démontre pas la moins bonne commercialité des nouveaux locaux ni le préjudice qu'elle invoque en terme de perte de chiffre d'affaires.
Si le déplacement du fonds du locataire évincé peut entraîner une perte partielle de clientèle, il appartient au locataire qui prétend à une telle perte dans le calcul de l'indemnité d'éviction de démontrer cette incidence.
Le pré-rapport de l'expert l'évoquant n'est pas versé aux débats. En réponse à un dire de la société Armor Auto du 28 janvier 2022, l'expert fait observer qu'il 'n'est pas concevable d'avoir aujourd'hui une clientèle qui viendrait réserver en agence sans privilégier de réserver son véhicule par internet'. Il ajoute : ' à l'heure des smartphones, de notre monde ultra connecté, nous ne pouvons croire cette théorie d'une majorité de réservations faites en agence. D'ailleurs l'application ADA existe sur smartphone...'.
En tout état de cause, la société Armor Auto n'étaye ses affirmations en ce sens par aucune pièce probante. Si elle évoque une attestation de son expert comptable relative au chiffre d'affaires généré par internet, cette pièce n'est pas soumise à la cour.
Aucune indemnité n'est ainsi retenue par l'expert au titre d'une perte partielle de valeur du fonds de commerce. La société Auto Armor échoue à rapporter la preuve d'une telle perte, et doit être déboutée de ses prétentions de chef.
En conséquence de ce qui précède le montant de l'indemnité d'éviction due à la société Armor Auto par la société CRCAM, s'élève à 1 400 + 140 +
75 653,06 = 77 193,06 euros, somme qui sera majorée des intérêts légaux à compte de la date d'effet du congé soit le 30 juin 2020, intérêts qui seront capitalisés conformément à l'article 1343-2 du code civil. La cour prononce condamnation en ce sens et infirme le jugement qui déboute la société Armor Auto de ses demandes indemnitaires, rejetées au motif d'un exercice régulier du droit de repentir par le bailleur.
- sur les autres demandes
La société Armor Auto demande la condamnation de l'intimée au paiement d'une somme de 4 750 euros en remboursement des frais exposés par elle dans le cadre de l'accompagnement de M. [H] pour l'aider à fixer le montant de l'indemnité d'éviction. La cour considère cette demande injustifiée, les parties devant conserver à leur charge les dépenses qu'elles ont unilatéralement engagées dans le cadre des opérations d'expertise.
La cour condamne la partie intimée, qui succombe en cause d'appel, aux entiers dépens de première instance et d'appel, (constatant par ailleurs une omission de statuer en première instance à ce titre). Ces dépens comprendront les frais d'expertise et seront recouvrés conformément à l'article 699 du code de procédure civile. Cette condamnation ne peut inclure les dépens de l'instance en référé, le juge des référés s'étant prononcé sur leur charge.
Il est inéquitable de laisser à la charge de l'appelante la totalité des frais irrépétibles qu'elle a engagés. La cour condamne la société CRCAM à payer à la société Armor Auto une somme de 6 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile .
La cour observe qu'aucune disposition ne figure dans le dispositif du jugement relativement aux frais irrépétibles, alors que les premiers juges, dans les motifs de la décision retiennent que la société Armor Auto sera condamnée à payer à la CRCAM une somme de 3 000 euros au titre des frais irrépétibles. Il n'y a donc pas lieu de procéder à la rectification de l'erreur matérielle sur ce point, la cour écartant toute demande de ce chef de la part de l'intimée.
Les demandes formées par la CRCAM des Côtes d'Armor au titre des dépens et des frais irrépétibles sont rejetées.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement, contradictoirement et par mise à disposition au greffe :
Infirme le jugement en toutes ses dispositions ;
Statuant à nouveau, et y ajoutant,
Dit que le droit de repentir exercé le 30 mars 2023 par la société Caisse régionale de Crédit agricole des Côtes-d'Armor a été exercé tardivement et n'a eu aucun effet sur le non-renouvellement du bail avec offre de paiement d'une indemnité d'éviction à compter du 30 juin 2020, tel que notifié le 26 décembre 2019 par la bailleresse ;
Fixe l'indemnité d'occupation due par la société Armor Auto à la société Caisse régionale de Crédit agricole des Côtes-d'Armor à une somme annuelle hors taxe et hors charges de 6 030 euros du 30 juin 2020 au 31 octobre 2023, date de libération des lieux ;
Constate que durant cette période la société Armor Auto a effectué des paiements auprès de la société Caisse régionale de Crédit agricole des Côtes-d'Armor au titre des loyers par ailleurs payés avec indexation ;
Condamne la Caisse régionale de Crédit agricole des Côtes-d'Armor à payer à la société Armor Auto une somme de 6 416,80 euros, au titre du trop perçu d'indemnité d'occupation due, outre intérêts légaux à compter de ce jour ;
Condamne la société Caisse régionale de Crédit agricole des Côtes-d'Armor à payer à la société Armor Auto, au titre de l'indemnité d'éviction, une somme de 77 193,06 euros, somme qui sera majorée des intérêts légaux à compte de la date d'effet du congé soit le 30 juin 2020, intérêts qui seront capitalisés conformément à l'article 1343-2 du code civil ;
Déboute la société Armor Auto de ses plus amples demandes indemnitaires et du surplus de ses demandes ;
Déboute la société Caisse régionale de Crédit agricole des Côtes-d'Armor de ses demandes ;
Condamne la société Caisse régionale de Crédit agricole des Côtes-d'Armor à payer à la société Armor Auto la somme de 6 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamne la société Caisse régionale de Crédit agricole des Côtes-d'Armor aux dépens de première instance et d'appel, en ce compris les frais d'expertise, qui seront recouvrés conformément à l'article 699 du code de procédure civile.
Le Greffier La Présidente