CA Versailles, ch. com. 3-1, 1 octobre 2025, n° 23/01564
VERSAILLES
Arrêt
Infirmation partielle
PARTIES
Demandeur :
Goodyear France (SAS), Goodyear Operations (SA)
Défendeur :
MMA IARD (SA), MMA IARD Assurances Mutuelles (SA), CDG (SARL), Scania France (SAS), Groupe Perrot (SAS), Axa France IARD (SA)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Dubois-Stevant
Conseillers :
Mme Gautron-Audic, Mme Meurant
Avocats :
Me Debray, Me Teriitehau, Me Yon, Me Mze, Me Cadain, Me Vögeding, Me Feng, Me Fahrner, Me Benali
EXPOSE DU LITIGE
La société Goodyear Dunlop tires operation SA, devenue Goodyear operations, est une société anonyme de droit luxembourgeois ayant une activité de production de pneumatiques de type poids-lourds et de génie civil et la société Goodyear Dunlop tires France, devenue Goodyear France, exerce une activité de commercialisation et de réparation en France des pneumatiques Goodyear et Dunlop (ci-après dénommées ensemble « les sociétés Goodyear »).
La société Scania France, filiale du groupe suédois Scania CV AB, exerce une activité de commercialisation de véhicules de gros tonnage destinés aux transports de marchandises et de personnes, ainsi que de moteurs industriels et marins.
La société Perrot pneus [Localité 18] (« la société Perrot ») a pour activité l'entretien et la réparation de véhicules poids lourds et la distribution et l'entretien des pneumatiques. Elle vient aux droits de la société 3P truck services et est assurée par la société Axa France Iard (« la société Axa France »).
La société CDG a une activité de transport routier de fret interurbain. Elle est assurée pour son activité au titre d'une police d'assurance flotte automobile n°128874861 auprès de la compagnie Covea fleet, aux droits de laquelle viennent les sociétés MMA Iard et MMA Iard assurances mutuelles (ci-après dénommées ensemble « les sociétés MMA »).
Elle exploitait en particulier un tracteur routier Scania, pris en crédit-bail auprès de la société Scania finance France, mis en circulation en février 2013, inclus dans le parc de véhicules assurés et régulièrement entretenu par la société Scania France et par la société Perrot.
Le 10 septembre 2014, ce tracteur, auquel était attelée une semi-remorque, a été à l'origine d'un accident mortel de la circulation sur l'autoroute A49 : le conducteur du tracteur routier a perdu le contrôle de son véhicule à la suite de l'éclatement soudain du pneumatique avant gauche et le véhicule est entré en collision avec un autre véhicule qui circulait en sens inverse. Le conducteur de ce véhicule a été tué sur le coup et les deux autres passagers gravement blessés.
Une enquête de flagrance puis une enquête préliminaire ont été diligentées sous l'autorité du procureur de la République de [Localité 13]. Les investigations ont porté sur les causes de l'éclatement du pneumatique avant gauche de marque Goodyear Marathon LHS II+, dimensions 385/65 R.22.5, fabriqué par la société Goodyear operations.
Il est apparu au cours de l'enquête que la gamme de pneumatiques à laquelle appartenait le pneumatique litigieux avait fait l'objet en avril 2014 d'une campagne de satisfaction client organisant un échange gratuit de pneumatiques, dénommée projet Tango, menée en France par la société Goodyear France. Malgré cette campagne d'échange, le pneumatique équipant le tracteur routier n'avait pas été remplacé.
Les sociétés MMA disent avoir procédé à l'indemnisation des victimes et/ou de leurs ayants-droits en leur qualité d'assureur automobile de la société CDG à l'origine dudit accident.
Par actes délivrés entre les 12 et 25 août 2016, elles ont assigné les sociétés Goodyear, Scania France, Scania finance France et Perrot en référé-expertise devant le président du tribunal de commerce de Nanterre, lequel, par ordonnance du 20 septembre 2016, a ordonné une mission d'expertise aux fins notamment d'examiner le pneumatique avant gauche du véhicule accidenté, de fournir tout renseignement technique et/ou fait de nature à déterminer la ou les causes de son éclatement, et de rechercher la ou les causes de l'accident.
L'expert judiciaire, qui a eu recours aux services du laboratoire de recherche et de contrôle du caoutchouc et des plastiques (LRCCP) de [Localité 19], a rendu son rapport le 8 juin 2018.
Par actes signifiés le 26 décembre 2018 en France et le 8 janvier 2019 au Luxembourg, les sociétés MMA ont assigné les sociétés Goodyear, Scania France, Perrot et Axa France devant le tribunal de commerce de Nanterre afin d'obtenir leur condamnation au remboursement des sommes qu'elles soutiennent avoir payées aux victimes de l'accident et à les garantir et les relever indemnes de toutes sommes qu'elles seraient susceptibles de verser aux victimes à l'avenir.
Par conclusions du 12 mai 2021, la société CDG est intervenue volontairement à l'instance aux fins d'obtenir la condamnation des défenderesses à l'indemnisation des préjudices restés à sa charge.
Par jugement contradictoire du 16 février 2023, le tribunal a :
- débouté la société Scania France de sa fin de non-recevoir à l'encontre de la société CDG pour absence d'intérêt à agir ;
- déclaré la société CDG irrecevable en ses demandes car prescrite ;
- débouté la société Scania France et les sociétés Goodyear de leur fin de non-recevoir pour prescription de l'action intentée par les sociétés MMA ;
- débouté les sociétés Scania France, Perrot, Axa France et Goodyear de leurs fins de non-recevoir invoquées à l'encontre des sociétés MMA pour absence de subrogation ;
- condamné in solidum la société Scania France, à hauteur de 35 %, la société Perrot et la société Axa France, à hauteur de 15 %, les sociétés Goodyear, à hauteur de 50 %, à verser aux sociétés MMA la somme de 1.886.093,78 euros avec intérêts au taux légal à compter du 21 décembre 2018, les intérêts étant capitalisés conformément à l'article 1343-2 du code civil ;
- condamné in solidum la société Scania France à hauteur de 35 %, la société Perrot et la société Axa France, à hauteur de 15 %, les sociétés Goodyear, à hauteur de 50 %, à garantir et relever indemnes les sociétés MMA contre toute réclamation des tiers en relation avec les conséquences de l'accident du 10 septembre 2014, et à rembourser aux sociétés MMA toutes sommes que celles-ci seraient amenées à indemniser aux tiers à l'avenir ;
- condamné in solidum la société Scania France à hauteur de 35 %, la société Perrot et la société Axa France, à hauteur de 15 %, les sociétés Goodyear, à hauteur de 50 %, à payer aux sociétés MMA la somme de 15.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- débouté les sociétés MMA et la société CDG de leur demande de voir ordonner l'exécution provisoire du jugement ;
- condamné in solidum la société Scania France à hauteur de 35 %, la société Perrot et la société Axa France, à hauteur de 15 %, les sociétés Goodyear, à hauteur de 50 %, aux dépens dont les frais d'expertise d'un montant total de 79.196,20 euros y compris la somme de 34.800 euros payée directement au LRCCP par la société MMA Iard.
Par déclaration du 6 mars 2023, les sociétés Goodyear ont fait appel de ce jugement en chacune de ses dispositions sauf en ce qu'il a déclaré l'action de la société CDG irrecevable et débouté les sociétés MMA et CDG de leur demande d'exécution provisoire du jugement.
Par dernières conclusions n° 4 remises au greffe et notifiées par RPVA le 12 novembre 2024, les sociétés Goodyear demandent à la cour d'infirmer le jugement en toutes ses dispositions, sauf en ce qu'il a jugé l'action de CDG irrecevable comme prescrite, et, statuant à nouveau :
- à titre principal, de juger les sociétés MMA et CDG irrecevables en leurs demandes et de débouter les sociétés MMA et CDG de l'ensemble de leurs demandes à leur encontre ;
- à titre subsidiaire, d'ordonner leur mise hors de cause au titre de l'accident du 10 septembre 2014, de débouter les sociétés MMA et CDG de toutes leurs demandes formées à leur encontre, de débouter les sociétés Scania France, Perrot et Axa France de leurs demandes de garantie et autres demandes formées à leur encontre et de juger que les intérêts en cas de condamnation ne courront qu'à compter de la signification de l'arrêt à venir ;
- en tout état de cause, de condamner les sociétés MMA et CDG in solidum, ou, à défaut, tout succombant, à leur verser la somme de 25.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et de condamner tout succombant aux frais et dépens.
Par dernières conclusions n° 3 remises au greffe et notifiées par RPVA le 24 octobre 2024, les sociétés MMA et la société CDG demandent à la cour d'infirmer le jugement en ce qu'il a déclaré la société CDG irrecevable en ses demandes car prescrites et de le confirmer en toutes ses autres dispositions, et, statuant à nouveau de juger l'action de la société CDG recevable, de condamner in solidum les sociétés Goodyear, Scania France, Perrot et Axa France à payer à la société CDG la somme de 20.768,10 euros avec intérêts au taux légal à compter du 21 décembre 2018, les intérêts étant capitalisés conformément à l'article 1343-2 du code civil, de les débouter de toutes leurs demandes à leur encontre, de condamner in solidum les sociétés Goodyear ou toute autre partie succombant à payer aux sociétés MMA la somme de 25.000 euros et à la société CDG la somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais exposés en cause d'appel ainsi qu'à supporter les dépens d'appel ;
A titre subsidiaire, en cas d'infirmation totale ou partielle du jugement, elles demandent à la cour:
- sur l'intervention volontaire de la société CDG, de donner acte à la société CDG de son intervention volontaire, de juger son action recevable et, par conséquent, de rejeter les fins de non-recevoir invoquées par les parties adverses ;
- sur l'action subrogatoire des sociétés MMA, de juger que les sociétés MMA sont recevables à agir à l'encontre des parties adverses et, par conséquent, de rejeter les fins de non-recevoir qu'elles invoquent ;
- sur le fond, de condamner in solidum les sociétés Scania France, Perrot, Axa France et Goodyear à verser aux sociétés MMA la somme de 1.886.093,78 euros, sauf à parfaire, avec intérêts au taux légal à compter du 21 décembre 2018, les intérêts étant capitalisés conformément à l'article 1343-2 du code civil, à garantir et relever indemnes les sociétés MMA contre toute réclamation des tiers en relation avec les conséquences de l'accident du 10 septembre 2014 et à leur rembourser toutes sommes qu'elles seraient amenées à indemniser aux tiers à l'avenir, à payer à la société CDG la somme de 20.768,10 euros avec intérêts au taux légal à compter du 21 décembre 2018, les intérêts étant capitalisés conformément à l'article 1343-2 du code civil, de débouter les sociétés Scania France, Perrot, Axa France et Goodyear de toutes leurs demandes à leur encontre, de condamner in solidum les sociétés Scania France, Perrot, Axa France et Goodyear à verser aux sociétés MMA la somme de 30.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais exposés en première instance ainsi qu'aux dépens de première instance, en ce compris les frais d'expertise d'un montant total de 79.196,20 euros ;
- de condamner in solidum les sociétés Goodyear ou toute autre partie succombant à payer aux sociétés MMA la somme de 25.000 euros et à la société CDG la somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais qu'elles ont exposés en cause d'appel ainsi qu'à supporter les dépens d'appel ;
- de débouter en tout état de cause les sociétés Scania France, Perrot, Axa France et Goodyear de leurs demandes d'article 700 du code de procédure civile dirigées contre elles ou, subsidiairement, de les réduire à de plus justes proportions.
Par dernières conclusions remises au greffe et notifiées par RPVA le 27 novembre 2024, les sociétés Perrot et Axa France demandent à cour :
- à titre principal, d'infirmer le jugement en ce qu'il rejeté les fins de non-recevoir dirigées à l'encontre des sociétés MMA et, statuant à nouveau, de déclarer les sociétés MMA irrecevables en leur action, de débouter les sociétés MMA et toutes les parties de l'ensemble de leurs demandes dirigées à leur encontre, de condamner les sociétés MMA à leur verser une somme de 10.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et à supporter les dépens avec droit de recouvrement direct ;
- à titre subsidiaire, d'infirmer le jugement en ce qu'il les a condamnées, in solidum avec les sociétés Goodyear et Scania France, à hauteur de 15%, à payer aux sociétés MMA la somme de 1.886.093,78 euros, à les garantir et relever indemnes de toute nouvelle réclamation de tiers en rapport avec l'accident du 10 septembre 2014, à payer aux sociétés MMA la somme de 15.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, et les dépens incluant les frais d'expertise judiciaire, et, statuant à nouveau, de débouter les sociétés MMA et toutes les parties de l'ensemble de leurs demandes dirigées à leur encontre et de condamner les sociétés MMA à leur verser la somme de 10.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et à supporter les dépens avec droit de recouvrement direct ;
- à titre très subsidiaire, de confirmer le jugement en ce qu'il a limité à 15 % la part de responsabilité de la société Perrot et déclaré prescrite et irrecevable l'action de la société CDG et de l'infirmer en ce qu'il a rejeté leurs demandes de garantie et n'a pas limité les demandes indemnitaires des sociétés MMA et, statuant à nouveau, de condamner les sociétés CDG, Scania France et Goodyear à les relever et garantir de toutes condamnations qui seraient susceptibles d'être prononcées à leur encontre, en principal, frais, intérêts et accessoires au bénéfice des sociétés MMA ou de la société CDG et de déclarer que la société Axa France ne saurait être tenue que dans les limites et conditions de la police souscrite par la société Perrot et ce, en termes de franchise (1.800 euros), opposable aux tiers, qui restera à la charge de l'assuré ainsi qu'en termes de plafond et toutes autres conditions, et sous cette nécessaire garantie de débouter les sociétés MMA de leur demande de remboursement des frais funéraires de la victime décédée d'un montant de 5.280 euros, de limiter l'indemnisation qui pourrait être allouée aux sociétés MMA au titre des préjudices subis par son épouse et sa fille aux sommes qui ne sauraient excéder respectivement 37.989,16 euros et 35.000 euros, de débouter les sociétés MMA de leurs demandes en paiement de la somme de 61.130,64 euros, correspondant à leur condamnation par le tribunal judiciaire de Valence du 25 février 2021 pour ne pas avoir formalisé une offre indemnitaire dans les délais prévus par le code des assurances, de la somme de 73.412 euros qui aurait été payée à la société SMCG et de la somme de 79.500 euros qui correspondrait à l'indemnisation des préjudices dits « matériels » ;
- de débouter la société CDG de l'ensemble de ses demandes, de débouter toute autre partie du surplus de ses demandes contraires aux présentes et dirigées à leur encontre, de condamner tout succombant à leur verser une somme de 10.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens avec droit de recouvrement direct.
Par dernières conclusions n° 5 remises au greffe et notifiées par RPVA le 22 novembre 2024, la société Scania France demande à la cour d'infirmer le jugement sauf en ce qu'il a déclaré la société CDG irrecevable en ses demandes car prescrite et débouté les sociétés MMA et CDG de leur demande de voir ordonner l'exécution provisoire du jugement, et, statuant à nouveau :
- à titre principal, de juger la demande de remboursement de 205.346,08 euros des sociétés MMA au titre des sommes versées à L'Équité assurances irrecevable, de juger la demande de garantie des sociétés MMA irrecevable, de débouter toutes les parties de leurs demandes dirigées à son encontre, de condamner in solidum les sociétés Goodyear à la garantir et la relever de toute condamnation, de débouter la société Perrot de sa demande en garantie formée à son encontre et de juger que les intérêts, en cas de condamnation, ne courront qu'à compter de la signification de l'arrêt à venir ;
- y ajoutant, dans l'hypothèse où la cour considèrerait qu'il existait un défaut de géométrie sur le véhicule de la société CDG, de condamner la société Perrot à la garantir et la relever de toute condamnation ;
- en toute hypothèse, de condamner tout succombant à lui verser la somme de 50.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, au titre des frais d'avocat en première instance et en appel et de condamner tout succombant aux dépens.
La clôture de l'instruction a eu lieu le 28 novembre 2024.
En cours de délibéré, à la demande de la cour, les écritures des sociétés Perrot et Axa France ont été régularisées en ce qu'elles sont établies pour le compte de la société Groupe Perrot venant aux droits de la société Perrot pneus [Localité 18], à la suite d'une transmission universelle du patrimoine, et de la société Axa France.
SUR CE,
I. SUR [Localité 15] DE NON-RECEVOIR
1. Sur l'intérêt à agir de la société CDG
Le tribunal a écarté l'irrecevabilité de l'intervention volontaire de la société CDG, tirée d'un défaut d'intérêt à agir, soulevée par la société Scania France.
En appel la société Scania France ne demande pas à la cour de statuer sur la recevabilité de l'intervention volontaire de la société CDG.
Il n'y a donc pas lieu d'apprécier l'intérêt à agir de la société CDG et il convient de confirmer le jugement sur ce point.
2. Sur l'intérêt à agir des sociétés MMA
Les sociétés Goodyear, Scania France, Perrot et Axa France soutiennent, sur le fondement des articles L. 121-12 du code des assurances et 1346 du code civil, qu'à défaut de rapporter la preuve de paiements à leur assuré ou aux victimes, préalables et effectués en vertu de son obligation contractuelle d'assurance, et celle de leur encaissement effectif par les bénéficiaires, les sociétés MMA ne démontrent pas leur qualité de subrogées et qu'ainsi leur recours subrogatoire n'est pas recevable.
Elles font valoir que les sociétés MMA n'apportent pas la preuve du paiement préalable de la somme totale alléguée, soit 1.886.093,78 euros, faute d'avoir produit les copies de chèques, les relevés de compte ou les ordres de virement permettant de les identifier comme émettrices de chacune des sommes versées, que, s'agissant plus particulièrement des sommes versées aux deux victimes blessées, les sociétés MMA n'apportent la preuve ni du paiement effectif des indemnités par la société Equité assurance à la première victime ni d'une quittance établissant la subrogation des sociétés MMA par la société L'Equité assurances, que seul est démontré le paiement effectif d'une somme de 60.000 euros par chèque, en exécution d'une ordonnance de référé du 25 septembre 2018 au titre d'une provision allouée à cette première victime, qu'enfin les MMA ne démontrent pas leur qualité d'assureur de la société CDG en se contentant de produire l'avenant aux conditions particulières du contrat souscrit par la société CDG avec la compagnie Covea fleet.
Les sociétés MMA répliquent qu'elles ont versé aux débats l'ensemble des éléments justifiant de leur subrogation dans les droits de la société CDG en application de l'article L. 121-12 du code des assurances, à savoir les conditions particulières et générales de la police en exécution de laquelle l'ensemble des paiements a été effectué, la preuve du transfert de portefeuille de Covea fleet à leur profit ainsi que les ordres de virement et chèques relatifs aux paiements effectués.
Sur ce,
L'article L. 121-12 du code des assurances dispose que l'assureur qui a payé l'indemnité d'assurance est subrogé, jusqu'à concurrence de cette indemnité, dans les droits et actions de l'assuré contre les tiers qui, par leur fait, ont causé le dommage ayant donné lieu à la responsabilité de l'assureur.
Il en résulte que l'assureur doit rapporter la preuve du paiement de l'indemnité, en application du contrat d'assurance, la preuve de l'encaissement n'étant pas nécessaire, et de ce que l'indemnité a été payée de sa propre initiative, en vertu d'un accord transactionnel ou en exécution d'une décision de justice. Cette subrogation légale de plein droit exclut que l'assureur justifie d'une quittance subrogative.
Les sociétés MMA produisent (i) les conditions particulières du contrat d'assurance souscrit par la société CDG auprès de la compagnie Covea fleet définies par avenant à effet du 11 juillet 2014 sur lesquelles il est mentionné explicitement que les conditions particulières précédentes sont annulées et remplacées par cet avenant et que les conditions générales n° 277 a ont été remises au souscripteur ; (ii) les conditions générales n° 277 a, version mai 2011, dont il n'est pas démontré qu'elles ne sont pas celles applicables en l'espèce ; (iii) l'extrait Kbis, la décision du 22 octobre 2015 de l'Autorité de contrôle prudentiel et de résolution approuvant les transferts de portefeuilles de contrats de la société Covea fleet aux sociétés MMA et les extraits de procès-verbaux du conseil d'administration de chacune des deux sociétés relatifs à cette opération, pièces dont il résulte que la société Covea fleet a cédé une partie de son portefeuille de contrats à la société MMA iard assurances mutuelles avant de faire l'objet d'une fusion-absorption avec la société MMA iard et d'être radiée du registre du commerce et des sociétés avec effet au 16 décembre 2015. Elles justifient ainsi agir en application du contrat d'assurance souscrit par la société CDG.
S'agissant des paiements, les sociétés MMA produisent les ordres de paiement internes et les chèques correspondant aux références de date et de numéro de chèque de ces ordres de paiement pour les paiements suivants :
paiement à la société L'Equité assurances, assureur du conducteur, décédé, du véhicule impliqué dans l'accident, de la somme de 5.280 euros au titre de frais funéraires, de la somme de 10.000 euros à titre de provision ayant bénéficié à une victime blessée, de la somme de 61.842,90 euros au titre des frais médicaux d'une victime blessée avancés par la CPAM, d'une somme de 20.000 à titre de provision ayant bénéficié à la seconde victime blessée, d'une somme de 108.223,18 euros au titre de frais d'hospitalisation de la seconde victime blessée avancés par le RSI Auvergne, soit une somme totale de 205.346,08 euros correspondant exactement au chèque émis au profit de la société L'Equité assurances, les provisions correspondant aux transactions conclues en application de la loi Badinter, opposables à l'auteur du dommage,
paiement des sommes de 145.447,55 euros, de 20.000 euros et de 32.000 euros à Me [N], sur un compte Carpa, et de 47.251,24 euros à la mère d'un enfant de la victime décédée, et ce en exécution de transactions conclues en application de la loi Badinter, opposables à l'auteur du dommage,
paiement de la somme de 64.570,54 euros entre les mains d'une victime blessée, en exécution d'une transaction conclue en application de la loi Badinter, opposable à l'auteur du dommage,
paiement des sommes de 2.637,11 euros et de 22.306,86 euros entre les mains de la CPAM au titre des frais médicaux d'une victime blessée,
paiement de la somme de 1.599,27 euros entre les mains de Pro BTP au titre des indemnités journalières d'une victime blessée,
paiement de la somme de 60.000 euros par chèque à l'ordre de la Carpa en exécution d'une ordonnance de référé allouant une provision complémentaire à la seconde victime blessée, le conseil de la société MMA iard ayant transmis ce chèque à son confrère le 30 octobre 2018,
paiement d'une somme de 90.031,51 euros au titre de frais médicaux et d'indemnités journalières de la seconde victime blessée avancés par le RSI Auvergne,
paiement d'une somme totale de 53.922,40 euros par la société MMA iard entre les mains de l'assureur de la société APRR relative aux dommages aux installations autoroutières causés par l'accident fondés sur la réclamation de l'assureur,
paiement d'une somme de 73.412 euros entre les mains de la société SMCG, gérée au moment de l'accident par la seconde victime blessée et liquidée par la suite, au titre du préjudice économique qu'elle a subi, soit une somme provisionnelle de 73.412 euros arrêtée par ordonnance du juge de la mise en état du 7 février 2019.
Les sociétés MMA produisent en outre le relevé Carpa relatif aux deux virements faits entre les mains du conseil de la seconde victime blessée, d'un montant de 437.523,01 euros chacun, et une lettre de la Carpa du barreau de Lyon du 10 juin 2022 confirmant l'affectation de la somme de 61.130,64 euros au compte Carpa du conseil de cette victime, et ce, en exécution d'un jugement du 25 février 2021 les ayant condamnées en paiement.
Les sociétés MMA produisent l'état des créances du RSI Auvergne correspondant aux frais avancés ou dus à la seconde victime blessée et l'ordre de paiement interne d'une somme de 40.297,11 euros. Si elles ne produisent pas le mode de règlement de ce montant, aucun chèque à l'ordre de la CPAM, venant aux droits et obligations du RSI Auvergne, n'étant versé aux débats, elles produisent la liste des règlements effectués enregistrée dans leur système d'information comprenant l'ensemble des paiements effectués au titre de l'indemnisation de cette seconde victime blessée, dont ceux précédemment justifiés par les chèques et règlements Carpa et ce règlement de 40.297,11 euros au profit de la CPAM Puy de Dôme a été fait selon l'ordre de paiement par virement bancaire. Compte tenu des justificatifs apportés s'agissant des autres postes d'indemnisation, cette liste des règlements effectués est suffisamment probante du paiement effectif de la somme de 40.297,11 euros entre les mains de la CPAM Puy de Dôme.
Il en est de même du paiement de la somme de 1.595,45 euros au liquidateur judiciaire de la société SMCG en exécution du jugement du tribunal judiciaire de Valence du 25 février 2021 condamnant les sociétés MMA sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens, un règlement étant mentionné dans cette liste sur le compte Carpa du conseil du liquidateur judiciaire.
Quant à l'indemnisation des préjudices matériels subis par le tracteur, les sociétés MMA justifient suffisamment avoir réglé la somme de 26.449 euros à leur assurée, la société CDG, par la production de l'enregistrement informatique de l'ordre de paiement par chèque et du suivi de l'encaissement, la fiche informatique mentionnant le numéro de chèque 5368847, la date d'émission, le 23 octobre 2014, et la date d'encaissement réel, le 4 novembre 2014.
Les sociétés MMA ne justifient en revanche pas du paiement de la somme de 67.051 euros à la société Scania finance France, propriétaire du tracteur accidenté, en se bornant à produire un ordre de paiement interne par chèque sans autre pièce telle que le chèque émis ou le suivi informatique faisant état d'une date d'encaissement réel à l'instar du paiement fait à la société CDG.
Il s'ensuit que les sociétés MMA justifient du paiement effectif de sommes d'un montant total de 1.833.042,78 euros entre les mains soit des victimes et de leurs ayants-droits, soit des organismes sociaux et assurance ayant indemnisé ces dernières (1.677.663,93 euros pour les préjudices personnels des victimes + 53.922,40 euros pour l'indemnisation de la société APRR + 73.412 euros et 1.595,45 euros pour le préjudice économique subi par la société SMCG en liquidation et l'article 700 + 26.449 euros au titre du préjudice matériel subi par la société CDG).
Les sociétés MMA sont donc recevables à agir en paiement à hauteur de cette somme globale et au titre de ces seuls postes de préjudice. Le jugement sera donc confirmé en ce qu'il a débouté les sociétés Goodyear, Scania France, Perrot et Axa France de leur fin de non-recevoir sauf en ce que la demande d'indemnisation des sociétés MMA porte sur les préjudices matériels subis par le tracteur à hauteur de 53.051 euros (montant total réclamé par les sociétés MMA de 79.500 euros - montant retenu par la cour de 26.449 euros) et les sociétés MMA déclarées irrecevables en leur demande à ce titre et à concurrence de ce montant.
3. Sur la recevabilité de la demande de garantie des sociétés MMA
La société Scania France soutient que la demande de garantie des sociétés MMA n'est pas recevable au motif que la subrogation légale ne peut s'appliquer à défaut de paiement préalable.
Elle fait valoir que la subrogation légale prévue par l'article L. 121-12 du code des assurances est subordonnée à la condition d'un paiement préalable et effectif et que cette condition n'est pas remplie s'agissant d'une demande de garantie portant sur toute réclamation des tiers en relation avec les conséquences de l'accident du 10 septembre 2014 et le remboursement de toutes sommes que les sociétés MMA seraient amenées à indemniser aux tiers à l'avenir.
Les sociétés MMA affirment ne pas contester le fait qu'elles ne peuvent recouvrer auprès des tiers responsables que les sommes qu'elles auraient préalablement réglées en exécution de leur police et soutiennent que la mise en 'uvre de l'obligation de garantie présuppose qu'elles aient mobilisé préalablement leur garantie d'assurance et qu'elles exercent un recours subrogatoire contre les tiers responsables.
Sur ce,
En application de l'article L. 121-12 du code des assurances sus énoncé, l'assureur est subrogé dans les droits et actions de l'assuré contre les tiers responsables du dommage à la condition d'avoir payé l'indemnité de sorte qu'une demande de l'assureur tendant à voir condamner un tiers responsable du dommage à le garantir de réclamations ou condamnations éventuelles et à venir, dont il ne s'est par définition pas acquitté du paiement au jour de sa demande, n'est pas recevable.
Ainsi la demande des sociétés MMA de voire condamner in solidum les sociétés Scania France, Perrot, Axa France et Goodyear à les garantir et relever indemnes contre toute réclamation des tiers en relation avec les conséquences de l'accident du 10 septembre 2014 et à leur rembourser toute somme qu'elles seraient amenées à indemniser aux tiers à l'avenir n'est pas recevable.
Le jugement sera donc infirmé en ce qu'il a fait droit à la demande des sociétés MMA qui sera déclarée irrecevable.
4. Sur l'intérêt à défendre de la société Goodyear France
La société Goodyear France soutient que l'action des sociétés MMA en responsabilité du fait des produits défectueux à son encontre est irrecevable pour défaut d'intérêt.
Elle fait valoir, en premier lieu, qu'elle n'est pas le distributeur du pneumatique endommagé observant que, fabriqué dans une usine appartenant à la société Goodyear operations, ce pneumatique est qualifié par le rapport d'expertise judiciaire « d'origine », ce qui signifie qu'il a été directement monté sur le tracteur au moment de sa fabrication par la société Scania France.
Elle fait valoir, en second lieu, que l'action des sociétés MMA et CDG est fondée sur le défaut d'information à la société CDG sur le programme d'échange des pneumatiques alors même qu'elle ne pouvait avoir connaissance de l'identité de la société CDG liée contractuellement aux seules sociétés Scania France et Perrot et qu'en tout état de cause, la campagne d'échange n'est pas à l'origine de l'accident de sorte qu'elle n'est pas concernée par le présent litige.
Les sociétés MMA et CDG soutiennent que la société Goodyear France a un intérêt au litige.
Elles font valoir que la société Goodyear France n'a pas contesté au stade de la procédure de référé-expertise être le distributeur des pneumatiques et qu'elle reconnaît avoir mis en place la campagne de rappel des pneumatiques Marathon LHS II+ sur le territoire français.
Sur ce,
Les sociétés MMA agissent à l'encontre de la société Goodyear France en sa qualité de distributeur du pneumatique litigieux sur le fondement de la garantie des vices cachés, la société CDG, sous-acquéreur, disposant de l'action directe en responsabilité contractuelle du vendeur.
Elles ne rapportent toutefois pas la preuve de la vente par la société Goodyear France du pneumatique en cause, aucune pièce n'étant produite à cette fin, et l'absence de contestation par la société Goodyear France de sa qualité de distributeur du pneumatique en cause pendant l'instance de référé-expertise est sans incidence sur le bien-fondé de sa fin de non-recevoir devant le juge du fond.
En outre le tracteur Scania accidenté a été équipé lors de sa fabrication par des pneumatiques eux-mêmes fabriqués par la société Goodyear operations en 2013, l'expertise judiciaire rappelant que le pneumatique en cause est « d'origine » et citant la société CDG selon laquelle les pneumatiques n'ont jamais été changés avant l'accident. C'est ainsi équipé que le tracteur a été mis en circulation le 25 février 2013 par la société Scania finance France qui l'a donné à bail à la société CDG par contrat de crédit-bail.
La société Goodyear France n'est donc intervenue à aucun moment du processus de fabrication du pneumatique ou d'équipement du tracteur Scania. Elle n'a donc pas qualité à défendre à une action en garantie des vices cachés.
Mais les sociétés MMA agissent également à l'encontre de la société Goodyear France sur le fondement de la responsabilité délictuelle de droit commun au titre de la campagne d'échange de pneumatiques.
Il résulte de la lettre du 29 avril 2014 adressée par la société Goodyear France à la société Vulco développement qu'elle a organisé en France une campagne d'échange de pneumatiques de sorte que, sa responsabilité étant recherchée à ce titre, elle a qualité à défendre, peu important qu'elle ait été en mesure ou non de connaître la société CDG ou que la campagne d'échange ait été ou non à l'origine de l'accident, de telles appréciations relevant du fond de l'action exercée à son encontre et non de sa recevabilité.
Il s'ensuit que les sociétés MMA seront déclarées irrecevables en leur action exercée à l'encontre de la société Goodyear France sur le fondement de la garantie des vices cachés mais recevables en leurs demandes fondées sur la responsabilité délictuelle de la société Goodyear France au titre de la campagne d'échange de pneumatiques.
5. Sur la prescription
5.1. Sur la prescription des demandes des sociétés MMA au titre de préjudices matériels
Le tribunal a statué sur la prescription de l'action des sociétés MMA, en la rejetant, alors que seules les sociétés Goodyear et Scania France avaient soulevé la prescription et que cette fin de non-recevoir portait sur la seule demande relative à des préjudices matériels correspondant aux dommages subis par le tracteur Scania.
Devant la cour, la société Scania France demande l'infirmation de ce chef du jugement mais ne soulève pas ensuite la prescription de cette demande des sociétés MMA. Les sociétés Goodyear demandent quant à elles l'infirmation de ce chef du jugement et soulèvent la prescription de la demande.
Les sociétés Goodyear soutiennent ainsi que la demande des sociétés MMA en réparation de préjudices matériels d'un montant total de 79.500 euros, soumise, comme les autres demandes indemnitaires, à la prescription triennale prévue en matière de responsabilité du fait des produits défectueux, est prescrite pour avoir été formée pour la première fois par conclusions du 12 mai 2021 plus de trois ans après que le délai de prescription a commencé à courir, le 25 janvier 2015.
Elles font valoir que les sociétés MMA ont eu connaissance du montant de ces préjudices matériels, qu'elles disent avoir indemnisés le 20 octobre 2014, à la date d'un rapport d'expertise établi le 9 octobre 2014, et du prétendu défaut du produit et de l'identité du producteur à la date du rapport d'expertise établi le 25 janvier 2015 dans le cadre de l'enquête pénale.
Les sociétés MMA répliquent que leur demande n'est pas prescrite aux motifs que les assignations en référé-expertise, délivrées en août 2016, ont interrompu la prescription dont le cours a en outre été suspendu jusqu'au dépôt du rapport d'expertise judiciaire, le 8 juin 2018, date à partir de laquelle elles disposaient de trois ans pour former des demandes fondées sur la responsabilité du fait des produits défectueux, qu'elles ont demandé dans ce délai par assignation du 21 décembre 2018, le paiement de la somme de 833.524,56 euros « sauf à parfaire » et qu'elles étaient fondées à actualiser leur préjudice en intégrant des postes complémentaires, que même à considérer isolément la demande d'indemnisation des préjudices matériels, elle n'est pas prescrite pour avoir été formée le 12 mai 2021.
Les sociétés MMA ajoutent qu'en tout état de cause, leur action en responsabilité du fait des produits défectueux n'est pas exclusive de la responsabilité délictuelle et que sur ce dernier fondement, elles disposaient du délai quinquennal courant à compter du rapport d'expertise du 8 juin 2018 pour former leur demande au titre des préjudices matériels.
Sur ce,
La société Scania France ayant fait appel du jugement en ce qu'il a rejeté sa fin de non-recevoir tirée de la prescription sans toutefois soulever un moyen de prescription, la cour ne peut que confirmer ce chef en ce qu'il statue sur la demande des sociétés MMA au titre de préjudices matériels dirigée contre cette société.
Les sociétés Goodyear fondent leur fin de non-recevoir sur le seul article 1245-16 du code civil selon lequel l'action en responsabilité du fait des produits défectueux se prescrit dans un délai de trois ans à compter de la date à laquelle le demandeur a eu ou aurait dû avoir connaissance du dommage, du défaut et de l'identité du producteur.
Or il n'est pas prétendu que la société Goodyear France a la qualité de producteur du pneumatique en cause et les sociétés MMA recherchent sa responsabilité sur le fondement de la responsabilité délictuelle en raison d'une mise en 'uvre insuffisante d'une campagne d'échange de pneumatiques en France (§ 3.2.2. des conclusions des sociétés MMA). Il s'ensuit que la fin de non- recevoir soulevée par la société Goodyear France doit être écartée.
Les sociétés MMA recherchent la responsabilité de la société Goodyear operations sur le seul fondement de la responsabilité du fait des produits défectueux. Elles n'agissent pas à son encontre, même subsidiairement, sur le fondement de la responsabilité délictuelle. Il s'ensuit que seul est applicable à la prescription de leurs demandes l'article 1245-16 du code civil.
Les sociétés MMA ne discutent pas l'appréciation de la société Goodyear operations selon laquelle le délai de prescription a commencé à courir en l'espèce le 25 janvier 2015 (§ 2.1. de leurs conclusions)
Selon l'article 2239 du code civil, invoqué par les sociétés MMA, la prescription est suspendue ' et non pas interrompue ' lorsque le juge fait droit à une demande de mesure d'instruction présentée avant tout procès et le délai de prescription recommence à courir, pour une durée qui ne peut être inférieure à six mois, à compter du jour où la mesure a été exécutée.
Il s'ensuit que le délai de prescription a en l'espèce commencé à courir le 25 janvier 2015, qu'il a été suspendu du 20 septembre 2016 par l'effet de l'ordonnance de référé-expertise, qu'il a recommencé à courir, sans effacement du délai de prescription acquis, le 8 juin 2018, date du dépôt du rapport d'expertise judiciaire, pour une durée de 16 mois expirant en novembre 2019.
L'assignation délivrée le 8 janvier 2019 à la société Goodyear operations ne comprend aucune demande d'indemnisation au titre des préjudices matériels invoqués pour la première fois par les sociétés MMA par conclusions du 12 mai 2021. Alors que ces préjudices étaient connus depuis octobre 2014 des sociétés MMA qui les ont indemnisés le 20 octobre 2014 en payant ce jour-là la somme de 26.449 euros à la société CDG, son assurée, et celle de 67.051 euros à la société Scania finance France, crédit-bailleur du tracteur endommagé, la demande d'indemnisation des sociétés MMA ne peut être considérée comme ayant actualisé la demande initiale. Formée après l'expiration du délai de prescription, elle est donc prescrite.
Il résulte de tout ce qui précède que le jugement doit être confirmé en ce qu'il a débouté les sociétés Goodyear France et Scania France de leur fin de non-recevoir pour prescription, sauf à préciser que cette fin de non-recevoir portait sur la demande en paiement de la somme de 79.500 euros, étant rappelé qu'il a été jugé précédemment que les sociétés MMA sont recevables au titre de ce poste de préjudice à hauteur de seulement 26.449 euros, et infirmé en ce qu'il a débouté la société Goodyear operations de cette même fin de non-recevoir et de déclarer prescrite la demande en paiement de la somme de 79.500 euros formée par les sociétés MMA en ce qu'elle est dirigée contre la société Goodyear operations.
5.2. Sur la prescription des demandes de la société CDG
Le tribunal a déclaré la société CDG irrecevable en ses demandes en raison de la prescription alors que seules les sociétés Goodyear et Scania France avaient soulevé cette fin de non-recevoir.
La société CDG critique ce chef du jugement dont les sociétés Goodyear et Scania France demandent la confirmation tandis que les sociétés Perrot et Axa France demandent à titre très subsidiaire la confirmation du jugement sur ce point, soulevant ainsi en cause d'appel la prescription des demandes dirigées contre elles.
La société CDG soutient que la prescription triennale prévue par l'article 1245-16 du code civil courant en l'espèce à compter du 8 juin 2018, date du dépôt du rapport d'expertise judiciaire, ses demandes formées le 12 mai 2021 ne sont pas prescrites et que son action est également recevable sur le fondement de la prescription quinquennale de droit commun définie par l'article 2224 du code civil, dont le cours est suspendu pendant l'exécution d'une mesure d'instruction en application de l'article 2239 du code civil.
Elle fait valoir qu'elle n'a pas eu connaissance du défaut de sécurité du pneu au jour du rapport d'expertise établi le 25 janvier 2015 dans le cadre de l'enquête pénale, les causes et origines de l'éclatement du pneu n'ayant été déterminées que grâce au rapport d'expertise judiciaire déposé le 8 juin 2018, et qu'elle a dès lors agi dans le délai de trois ans à compter de cette dernière date, qu'en outre la prescription de droit commun, qui a commencé à courir le 10 septembre 2014, date de l'accident, a été suspendue le 20 septembre 2016, date de l'ordonnance de référé, jusqu'au 8 juin 2018, date du rapport d'expertise judiciaire, de sorte qu'elle pouvait agir jusqu'au 8 juin 2021.
Les sociétés Goodyear soutiennent que le délai de prescription de trois ans auquel est soumise l'action en responsabilité du fait des produits défectueux ayant couru à compter du 25 janvier 2015, date du rapport d'expertise rendu dans le cadre de l'enquête de flagrance à laquelle la société CDG a eu connaissance de la cause de l'accident et de l'identité du producteur, ses demandes formées par conclusions du 12 mai 2021 sont prescrites.
La société Scania France soutient que l'action de la société CDG est prescrite en vertu de l'article 2224 du code civil, la suspension du cours de la prescription invoquée par la société CDG ne lui ayant pas profité faute pour elle d'avoir demandé une expertise judiciaire.
Les sociétés Perrot et Axa France constatent que la société CDG a formé une demande indemnitaire seulement le 12 mai 2021 sans présenter de moyens au soutien de la prescription de cette demande en ce qu'elle est dirigée contre elles.
Sur ce,
La société CDG recherche la responsabilité de la société Goodyear France sur le fondement de la garantie des vices cachés et, à supposer qu'elle ne soit pas intervenue dans la commercialisation du pneumatique en cause, sur le fondement de la responsabilité délictuelle en raison d'une mise en 'uvre insuffisante d'une campagne d'échange de pneumatiques en France (§ 3.2.2. de ses conclusions). La prescription applicable à cette dernière action n'étant pas soumise à l'article 1245-16 du code civil, spécifique à l'action en réparation du fait des produits défectueux, la fin de non-recevoir soulevée par la société Goodyear France ne peut qu'être écartée et le jugement infirmé s'agissant des demandes de la société CDG en ce qu'elles sont dirigées contre la société Goodyear France.
La société CDG recherche la responsabilité de la société Goodyear operations sur le seul fondement de la responsabilité du fait des produits défectueux. Elle n'agit pas à son encontre, même subsidiairement, sur le fondement de la responsabilité délictuelle. Il s'ensuit que seul est applicable à la prescription de ses demandes dirigées contre la société Goodyear operations l'article 1245-16 du code civil, à l'exclusion de l'article 2224 du code civil, ce qui n'empêche au demeurant pas l'application de l'article 2239 du code civil, applicable à la prescription prévue par l'article 1245-16 du code civil.
Aux termes de ce dernier article, l'action en réparation du fait des produits défectueux se prescrit dans un délai de trois ans à compter de la date à laquelle le demandeur a eu ou aurait dû avoir connaissance du dommage, du défaut et de l'identité du producteur.
Or il ne résulte pas du rapport d'expertise du 25 janvier 2015 que la société CDG a eu connaissance d'un éventuel défaut de sécurité affectant le pneu qu'elle allègue, le technicien concluant que « l'examen du pneumatique aux rayons X et à l'IRM n'a pas permis de déterminer si l'éclatement du pneu est consécutif à un défaut de fabrication ou le résultat d'une détérioration progressive par décollement des nappes, provoqué lors d'un choc sur le pneu antérieurement au sinistre. Ce dernier point n'a pas été mis en évidence lors de l'examen du pneumatique » et qu' « il y a lieu de s'interroger sur les motifs qui ont conduit le Manufacturier au besoin impératif de lancer une campagne de rappel pour faire remplacer les pneus équipant le train directionnel de certains véhicules de la marque Scania ».
Seul le rapport d'expertise judiciaire, qui a notamment porté sur la question d'un défaut de fabrication et/ou de conception du pneu en cause, permettait à la société CDG d'agir en réparation du fait des produits défectueux de sorte que le délai triennal de prescription a commencé à courir au jour de son dépôt, le 8 juin 2018, et que, par suite, les demandes formées par la société CDG par conclusions du 12 mai 2021 ne sont pas prescrites.
Le jugement sera donc infirmé en ce qu'il a déclaré prescrites les demandes de la société CDG en ce qu'elles sont dirigées à l'encontre de la société Goodyear operations.
La société CDG, qui recherche la responsabilité des sociétés Scania France et Perrot pour manquements à leurs obligations contractuelles, considère, sans être contredite, que le délai de prescription de son action, définie par l'article 2224 du code civil, a commencé à courir à compter de l'accident, le 10 septembre 2014.
Selon l'article 2239 du code civil, invoqué par la société CDG, la prescription est suspendue lorsque le juge fait droit à une demande de mesure d'instruction présentée avant tout procès et le délai de prescription recommence à courir, pour une durée qui ne peut être inférieure à six mois, à compter du jour où la mesure a été exécutée.
Il s'ensuit qu'en l'espèce le délai de prescription quinquennale, qui a commencé à courir le 10 septembre 2014, a été suspendu entre le 20 septembre 2016 et le 8 juin 2018, dates respectives de l'ordonnance de référé et du dépôt du rapport d'expertise judiciaire, peu important que la société CDG n'ait pas elle-même formulée la demande d'expertise judiciaire, et qu'il a repris son cours le 8 juin 2018 pour expirer en juin 2021 de sorte que les demandes de la société CDG dirigées contre les sociétés Scania France et Perrot et l'assureur de la société Perrot, formées le 12 mai 2021, ne sont pas prescrites.
Le jugement sera donc également infirmé en ce qu'il a déclaré prescrites les demandes de la société CDG en ce qu'elles sont dirigées à l'encontre de la société Scania France et, ajoutant au jugement, la cour rejettera la fin de non-recevoir des sociétés Perrot et Axa France tirée de la prescription des demandes de la société CDG.
II. SUR LE FOND
1. Sur l'action exercée par les sociétés MMA et CDG à l'encontre des sociétés Goodyear, Scania France, Perrot et Axa France
Il résulte des demandes des sociétés MMA et CDG et de l'examen des fins de non-recevoir que la responsabilité des sociétés Scania France et Perrot est recherchée par les sociétés MMA et CDG à raison de leur négligence fautive dans l'entretien du véhicule et de l'absence de mise en 'uvre de la campagne d'échange du pneumatique incriminé, que seule la société Goodyear operations est susceptible d'engager sa responsabilité du fait des produits défectueux tandis que les sociétés MMA et CDG recherchent la responsabilité de la société Goodyear France en raison de la mise en 'uvre insuffisante de la campagne d'échange sur le territoire français.
1.1. Sur la responsabilité de la société Goodyear operations du fait des produits défectueux
Les sociétés MMA et CDG soutiennent que la responsabilité de la société Goodyear operations est engagée de plein droit sur le fondement de l'article 1245-3 du code civil en sa qualité de fabricant du pneumatique en cause ayant fait partie de la gamme Marathon LHS II+, dimensions 385/[Immatriculation 8].5.
Elles font valoir, après avoir fait observer que l'expert judiciaire s'est contenté des éléments transmis alors que les sociétés Goodyear ont refusé de communiquer l'intégralité des éléments du dossier de fabrication nécessaires pour analyser des pneumatiques, que la société Goodyear avait, selon l'expert judiciaire, détecté une sensibilité du modèle de pneumatique, utilisé sur le tracteur accidenté, aux conditions sévères d'utilisation, qu'ainsi le produit ne présentait pas une sécurité normale mais qu'il est avéré que certaines conditions d'utilisation, non définies, pouvaient conduire à sa défaillance, que l'absence d'informations par la société Goodyear operations relativement aux conditions d'utilisation de ce modèle pour en prévenir les dangers est constitutive d'un défaut de sécurité au sens de l'article 1245-3 du code civil, que la société Goodyear operations ne rapporte pas la preuve d'avoir fourni une information suffisante sur les conditions d'utilisation du modèle de pneumatique en cause, qu'il n'a jamais été contesté que le pneumatique à l'origine de l'accident faisait partie du lot objet de la campagne d'échange, ce lot étant ainsi reconnu comme défectueux, de sorte qu'il doit lui-même être considéré comme défectueux quand bien même un défaut l'affectant n'a pas été constaté par les experts, qu'enfin la preuve du défaut de sécurité du pneumatique peut être rapportée au moyen d'indices graves, précis et concordants tels qu'en l'espèce l'appartenance du pneumatique au lot défectueux, l'existence d'une campagne de rappel, la survenance d'accidents similaires, l'usure prématurée des nappes métalliques, la modification de la conception du pneumatique par la société Goodyear.
Au soutien de l'action des sociétés MMA et CDG exercée à l'encontre des sociétés Goodyear, les sociétés Perrot et Axa France font observer que ces sociétés Goodyear sont exclusivement responsables de l'accident en raison du défaut de fabrication ayant affecté les pneus LHS II+ dont l'étendue a été dissimulée à l'expert judiciaire, comme l'établit la série d'accidents impliquant selon elles le même modèle de pneumatique. La société Scania France fait également valoir que les sociétés Goodyear sont tenues à la réparation de l'entier dommage à raison, d'une part, d'un défaut du pneumatique avant gauche, présent dès sa mise en circulation, au regard des conditions d'utilisation et, d'autre part, de leur faute commise dans le choix de mesures inadaptées au regard de l'atteinte à la sécurité.
La société Goodyear operations soutient que sa responsabilité ne peut être engagée à défaut de preuve du caractère défectueux du pneumatique impliqué dans l'accident.
Elle fait valoir que la simple implication d'un produit dans la réalisation d'un dommage ne suffit pas à établir son défaut, qu'aucun défaut n'a en l'espèce été constaté sur le pneumatique incriminé à l'issue de l'expertise de l'enquête pénale et de l'expertise judiciaire civile, que les éléments relatifs à d'autres accidents survenus entre 2011 et 2016, qui n'ont en outre pas impliqué la série et la dimension du pneumatique en cause en l'espèce, ne présentent aucun lien avec la présente affaire, que la seule appartenance du pneumatique incriminé à la dimension visée par la campagne d'échange mise en place à titre préventif ne permet pas de caractériser le défaut de sécurité du pneumatique litigieux.
Elle ajoute que l'expert judiciaire a établi que l'éclatement du pneumatique a été causé par le défaut de géométrie de l'essieu avant du tracteur Scania et par l'opération de recreusage réalisée par la société Perrot sur le pneumatique.
Sur ce,
Selon l'article 1245-3 du code civil, un produit est défectueux lorsqu'il n'offre pas la sécurité à laquelle on peut légitimement s'attendre et, dans l'appréciation de la sécurité à laquelle on peut légitimement s'attendre, il doit être tenu compte de toutes les circonstances et notamment de la présentation du produit, de l'usage qui peut en être raisonnablement attendu et du moment de sa mise en circulation mais un produit ne peut être considéré comme défectueux par le seul fait qu'un autre, plus perfectionné, a été mis postérieurement en circulation.
L'article 1386-9 devenu 1245-8 précise que le demandeur doit prouver le dommage, le défaut et le lien de causalité entre le défaut et le dommage.
Il résulte de ce dernier texte que le demandeur doit, préalablement et par tout moyen, établir l'imputabilité du dommage au produit, puis le défaut du produit et le lien de causalité entre le défaut et le dommage sans que ni le défaut ni ce lien de causalité ne puissent être déduits de la seule implication du produit dans la réalisation du dommage ni de l'imputabilité du dommage au produit incriminé.
En l'espèce, si l'expert judiciaire relève que la société Goodyear operations n'a pas souhaité expliquer en détail les modifications apportées par un dessin de définition sur la gamme de pneumatique en cause ni mettre un pneumatique à sa disposition, pour notamment comprendre les raisons précises pour lesquelles la société Goodyear operations avait décidé de procéder à une campagne d'échange de pneumatiques Marathon LHS II+, dimensions 385/[Immatriculation 8].5, il n'en demeure pas moins qu'il a considéré qu'il avait disposé des documents suffisants pour mener à bien ses opérations et répondre à sa mission.
Les conclusions de l'expertise judiciaire du 8 juin 2018 sont les suivantes :
« Sur la cause de l'éclatement du pneumatique :
la rupture de l'enveloppe est due à une faiblesse de la bande de roulement et de l'épaule extérieure liée à l'usure, la déformation de l'épaule et le niveau de fatigue de l'enveloppe (nappes en acier et élastomère),
dans ces conditions, ses caractéristiques mécaniques ne lui permettaient plus de supporter l'utilisation sévérisée liée au défaut de géométrie, associé le jour de sa rupture à une vitesse soutenue, une charge importante et à la température de la chaussée le jour de l'accident,
en d'autres termes, le pneumatique rompu était devenu impropre à la circulation.
Sur l'origine de l'éclatement du pneumatique :
nous retiendrons deux origines indépendantes entre elles, le défaut d'entretien relatif au déréglage du train avant et le défaut d'information de la société CDG concernant la campagne de satisfaction clients en cours. »
L'expert judiciaire ajoute qu'il ne retient pas « le défaut de conduite, le défaut d'infrastructure routière, le défaut de fabrication et/ou de conception du pneumatique ». En effet il a au préalable indiqué que « l'examen des enveloppes et de la tomographie ne remonte aucun désordre de fabrication ni rupture, décollement ou oxydation », qu'il n'avait pas noté d'anomalie et que les pneumatiques étaient conformes au dessin de définition, observant en outre que les pneumatiques avaient parcouru 206.000 kms.
L'expert judiciaire a ainsi conclu clairement à l'exclusion d'un défaut de fabrication et/ou de conception comme cause de l'éclatement du pneumatique, cette conclusion faisant suite à l'examen, le 2 décembre 2014, de ce pneumatique aux rayons X et à l'IRM, dans le cadre de l'enquête pénale, qui n'avait pas mis en évidence que son éclatement avait été consécutif à un défaut de fabrication.
L'expert judiciaire a conclu tout aussi clairement que l'éclatement du pneumatique incriminé trouvait son origine dans le défaut d'entretien relatif au déréglage du train avant et ce, après avoir déduit de l'inhomogénéité symétrique gauche droite de l'usure de l'épaule du pneumatique un défaut de géométrie du train avant ayant provoqué une usure irrégulière et anormale sur un côté du pneumatique. Il a précisé que « le défaut de géométrie existait déjà bien avant l'opération de recreusage ».
L'expert judiciaire a également retenu l'absence d'information de la société CDG concernant la campagne de remplacement des pneumatiques lancée en avril 2014 après avoir constaté que le tracteur avait été confié à la société Perrot le 28 mai 2014 et à la société Scania France les 28 juillet et 1er septembre 2014 et estimé que la société CDG aurait dû être avertie que les pneumatiques équipant le train directeur du tracteur faisaient l'objet d'une campagne de satisfaction clients.
Dans la mesure où le pneumatique impliqué dans l'accident subi par la société CDG a lui-même été examiné successivement par deux experts, qui ont conclu, dans le même sens, à l'absence de défaut affectant le pneumatique incriminé dans l'accident du 10 septembre 2014, la circonstance que ce pneumatique était un exemplaire des lots qui avaient fait l'objet de la campagne d'échange initiée par la société Goodyear le 29 avril 2014, n'est pas de nature à établir son caractère défectueux et ce, même à supposer que cette campagne ait été motivée par le constat fait par la société Goodyear de défauts de fabrication susceptibles d'affecter des pneumatiques de la même gamme Marathon LHS II+, dimensions 385/[Immatriculation 8].5, et de la même période de fabrication.
Il en est de même des données issues d'autres accidents impliquant un tracteur équipé de pneumatiques Goodyear Marathon, qui ne sont pas davantage de nature à établir le caractère défectueux du pneumatique incriminé dans l'accident du 10 septembre 2014 compte tenu des conclusions des expertises successives quant à l'absence de défaut affectant ce pneumatique incriminé. Il n'est au surplus pas démontré que les pneumatiques en cause dans ces autres accidents étaient de la même gamme, des mêmes dimensions et de la même période de fabrication que celles du pneumatique en cause dans la présente affaire, alors que le rapport d'enquête technique relatif à l'accident du 14 septembre 2011 porte sur un pneumatique Marathon LHS fabriqué en 2010 et non un pneumatique Marathon LHS II+, que l'ordonnance de désignation d'un expert judiciaire du 5 février 2015 portant sur un accident survenu le 17 juillet 2014 évoque un pneumatique Marathon LHS et non Marathon LHS II+ et que les articles de presse rendant compte d'une série d'accidents dus à un éclatement du pneumatique avant gauche de poids lourds, dont l'un, survenu le 25 juillet 2014, fait l'objet d'une information judiciaire en cours, font également état de pneumatiques Marathon LHS II et non Marathon LHS II+, et d'une campagne initiée en Espagne en 2013 portant certes sur la gamme Marathon LHS II+ mais sans lien avec un produit défectueux, cette campagne n'ayant pas été une campagne de rappel de produits mais de satisfaction clients similaire à celle mise en 'uvre en 2014 en France.
Quant à l'absence alléguée d'informations de la société Goodyear sur les conditions d'utilisation du modèle de pneumatique utilisé sur le tracteur accidenté pour en prévenir les dangers, susceptible selon les sociétés MMA et CDG de caractériser un défaut au sens de l'article 1245-3 du code civil, il n'est pas non plus démontré que les conditions sévères d'utilisation des pneumatiques Marathon LHS II+, dimensions 385/[Immatriculation 8].5 auxquelles faisait référence la lettre d'information de la société Goodyear ayant lancé la campagne d'échange le 29 avril 2014 correspondaient à celles du pneumatique en cause dans l'accident du 10 septembre 2014, l'expert judiciaire ayant au contraire constaté que « les conditions sévères d'utilisation dont il est question dans [le rapport de la société Goodyear ayant conduit à la campagne d'échange] ne sont pas comparables avec celles identifiées dans [la présente affaire] », de sorte qu'à supposer même qu'un défaut de sécurité affectant le modèle Marathon LHS II+, dimensions 385/[Immatriculation 8].5, soit caractérisé par le défaut d'informations sur son emploi invoqué par les sociétés MMA et CDG, il est en toute hypothèse sans lien de causalité avec l'éclatement du pneumatique à l'origine de l'accident du 10 septembre 2014.
Il s'ensuit que la preuve d'un défaut affectant le pneumatique incriminé n'est pas rapportée par les sociétés MMA et CDG, un tel défaut ayant même été exclu par les expertises et l'expert judiciaire ayant conclu sans réserve que l'éclatement du pneumatique était dû au défaut de géométrie de l'avant du tracteur, et qu'en tout état de cause, les sociétés MMA et CDG ne rapportent pas la preuve d'un défaut du pneumatique incriminé ayant causé le dommage.
Il s'ensuit que les sociétés MMA et CDG manquent à établir une faute imputable à la société Goodyear opérations de sorte que le jugement sera infirmé en ce qu'il l'a condamnée à verser aux sociétés MMA la somme de 1.886.093,78 euros, à les garantir et relever indemnes contre toute réclamation des tiers et à les rembourser de toute somme qu'elles seraient amenées à indemniser aux tiers à l'avenir.
1.2. Sur la responsabilité des sociétés Scania France et Perrot à raison de leur négligence fautive dans l'entretien du véhicule et de l'absence de mise en 'uvre de la campagne d'échange
Les sociétés MMA et CDG soutiennent que les sociétés Scania France et Perrot engagent chacune leur responsabilité contractuelle en raison de fautes commises dans l'exécution du contrat d'entreprise les liant chacune à la société CDG qui leur avait confié le tracteur accidenté aux fins d'entretien, les 4 juillet 2013 et 26 février, 4 juillet et 26 août 2014 pour la première et le 26 mai 2014 pour la seconde, ces fautes étant en lien de causalité directe avec l'accident du 10 septembre 2014.
Elles leur reprochent de ne pas avoir alerté la société CDG de l'usure anormale du pneumatique et de ne pas avoir détecté le défaut de géométrie du train alors qu'il était visible lors du dernier entretien réalisé par la société Scania France et lors de l'intervention de la société Perrot et font en outre grief à la société Perrot d'avoir procédé à une opération de recreusage du pneumatique sans respecter les préconisations du constructeur.
Les sociétés MMA et CDG reprochent également aux sociétés Scania France et Perrot d'avoir commis une faute en s'étant abstenues d'informer la société CDG de la campagne de satisfaction clients, initiée le 29 avril 2014, et de procéder à l'échange de pneumatiques.
La société Scania France soutient qu'elle n'a pas commis de faute dans le cadre de l'entretien du véhicule, qu'à supposer établi le défaut de géométrie du train, son lien de causalité avec l'éclatement du pneu n'est pas prouvé, qu'en tout état de cause la faute alléguée n'est pas distincte du défaut de sécurité du produit, qu'elle n'a pas non plus commis de faute dans de la campagne d'échange.
Elle fait valoir qu'aucune preuve n'établit que l'usure du pneumatique était inhomogène et visible lors du passage du véhicule dans son atelier, le 28 juillet 2014, que l'hypothèse d'un défaut de géométrie à l'origine de l'éclatement du pneumatique n'est techniquement pas fondée, qu'elle n'a pas eu connaissance de la campagne de satisfaction clients avant un courriel du 11 novembre 2014 de la société suédoise Scania CV AB.
La société Perrot soutient que les sociétés Goodyear sont exclusivement responsables de l'accident en raison du défaut de fabrication ayant affecté les pneus LHS II+ dont l'étendue a été dissimulée à l'expert judiciaire, comme l'établit la série d'accidents impliquant selon elle le même modèle de pneumatique, et qu'elle n'a commis aucune faute dans sa mission du 26 mai 2014 qui soit en lien avec l'accident, ayant au contraire parfaitement rempli l'obligation ponctuelle de retaillage du pneu incriminé qui était à sa charge.
Elle fait valoir que l'expertise judiciaire relève une combinaison de facteurs ayant conduit à une rupture de l'enveloppe, qu'elle n'a assuré ni la commercialisation du pneumatique en cause ni l'entretien du véhicule, que la seule opération de recreusage qu'elle a effectuée et le non-respect des préconisations du constructeur, alors que le tracteur présentait un kilométrage de 174.373 kms, ont été exclus par l'expert judiciaire comme étant à l'origine de l'éclatement du pneumatique tandis que l'expert judiciaire a retenu le défaut d'entretien relatif au déréglage du train avant, opération qui incombait à la société Scania France, qu'il n'est pas démontré qu'au jour du recreusage, la géométrie du train avant s'était déréglée et qu'une usure anormale était décelable, l'état du pneumatique s'étant aggravé postérieurement après que le tracteur a parcouru 43.000 kms supplémentaires, que la société CDG n'a pas vérifié l'état des pneumatiques dont elle savait qu'ils avaient atteint leur limite d'utilisation.
La société Perrot soutient également qu'elle n'a pas commis de manquement dans la campagne d'échange faisant valoir, d'une part, qu'elle n'avait pas à relayer l'information au-delà de son propre réseau de distribution et qu'elle n'était pas le distributeur des pneumatiques ayant équipé le tracteur accidenté, et, d'autre part, que la campagne, relevant d'une opération de satisfaction client et non d'un rappel du fait d'un produit défectueux ou dangereux, n'était pas suffisamment alarmiste pour justifier qu'elle mette en place des actions complémentaires.
Sur ce,
Le tracteur, équipé de pneumatiques, a été mis en circulation le 25 février 2013. La société Scania France a effectué son entretien le 4 juillet suivant et en 2014, les 26 février, 4 juillet et 26 août. La société Perrot, membre d'un réseau spécialisé dans la vente et l'entretien de pneumatiques, est quant à elle intervenue le 26 mai 2014 à la demande de la société CDG à seule fin de recreuser les pneumatiques, le tracteur ayant alors circulé 174.373 kms.
Les sociétés Scania France et Perrot sont ainsi susceptibles d'engager leur responsabilité sur le fondement des articles 1787 et suivants du code civil. Pèsent sur elles une obligation de résultat quant aux interventions qui leur ont été confiées et une obligation d'information et de conseil.
Il appartient aux sociétés MMA et CDG de démontrer, d'une part, que le dommage a trouvé son origine dans l'élément sur lequel l'une et l'autre devaient intervenir, le lien de causalité entre la faute, qu'elles doivent également prouver, et le dommage étant alors seulement présumé, et, d'autre part, que les sociétés Scania France et Perrot ont manqué à leur obligation d'information et de conseil.
Pour s'exonérer de leur responsabilité, les sociétés Scania France et Perrot ne peuvent utilement opposer de supposées carences de la société CDG, telles que l'absence de remontées d'information sur le comportement du tracteur lors de la conduite, ou sa propre connaissance de l'état d'usure des pneumatiques, lorsqu'elle leur a confié le tracteur, usure dont il n'est pas établi qu'elle en connaissait les risques.
La société Perrot ne peut pas non plus mettre en cause la société CDG pour ne pas avoir vérifié l'état des pneumatiques « dont elle savait qu'ils avaient atteint leur limite d'utilisation » alors que cette dernière notion n'est pas pertinente. L'expert judiciaire indique en effet que la limite d'utilisation d'un pneumatique en termes de kilométrage parcouru n'est pas significative pour un ensemble articulé du type de celui accidenté et il ne considère pas le kilométrage parcouru après le recreusage, qui représente 24,6 % du total parcouru au moment de cette intervention sur le pneumatique, comme une limite d'utilisation du pneumatique.
Le laboratoire qui a procédé aux essais des pneumatiques du tracteur accidenté à la demande de l'expert judiciaire énonce que l'examen des deux pneumatiques a mis en évidence une usure, après recreusage, d'environ 50 % de la hauteur des sculptures et un profil d'usure caractérisé par une usure plus importante sur l'extérieur généralement attribué à un problème de géométrie et que le mécanisme de rupture avait démarré au niveau de l'extrémité des nappes sommets pour se propager selon l'axe de roulement provoquant la décohésion entre la 2ème et la 3ème nappes sommets.
L'expert judiciaire reprend ces constats et retient que les pneumatiques montrent des signes d'usures avancés, des déformations/effondrements prononcés et inhomogènes au niveau des épaules et que le défaut de géométrie du train avant était à l'origine des usures observées.
Il en résulte que les constats et conclusions de l'expert judiciaire convergent avec les éléments recueillis par le laboratoire dont il ne s'est pas écarté, contrairement à ce que soutient la société Scania France.
Par ailleurs, contrairement à ce qu'affirme la société Scania France, l'expert judiciaire a analysé l'ensemble des paramètres susceptibles d'être intervenus dans le processus d'éclatement du pneumatique incriminé, dont ceux expliquant un échauffement du pneumatique qu'il a toutefois considérés comme n'étant ni la cause ni l'origine du désordre.
L'expert judiciaire distingue en effet, dans ses conclusions, outre les facteurs déclenchants, la « cause » et « l'origine » de l'éclatement du pneumatique.
La cause est ainsi exposée : « la rupture de l'enveloppe est due à une faiblesse de la bande de roulement et de l'épaule extérieure liée à l'usure, la déformation de l'épaule et le niveau de fatigue de l'enveloppe (nappes en acier et élastomère) ; dans ces conditions, ses caractéristiques mécaniques ne lui permettaient plus de supporter l'utilisation sévérisée liée au défaut de géométrie, associée le jour de sa rupture à une vitesse soutenue, une charge importante et à la température de la chaussée le jour de l'accident ; en d'autres termes, le pneumatique rompu était devenu impropre à la circulation ».
Quant à « l'origine » de l'éclatement, l'expert judiciaire conclut en ces termes : « nous retiendrons deux origines indépendantes entre elles, le défaut d'entretien relatif au déréglage du train avant et le défaut d'information de la société CDG concernant la campagne de satisfaction clients en cours, s'il est utile de le préciser, nous ne retenons pas le défaut de conduite, le défaut d'infrastructure routière, le défaut de fabrication et/ou de conception du pneumatique ».
Si l'expert judiciaire expose le jeu des différents facteurs ayant conduit à l'éclatement du pneumatique le jour de l'accident, il distingue comme seul élément mécanique à l'origine de ce désordre le déréglage du train avant et s'il désigne plus précisément le défaut d'entretien relatif à ce déréglage, c'est en considération du constat qu'il a fait au préalable d'un déréglage ancien puisqu'antérieur au recreusage du pneumatique par la société Perrot en mai 2014, l'expert judiciaire ayant relevé qu'au moment du recreusage les pneumatiques présentaient déjà une usure prononcée sur les côtés extérieurs et que les enveloppes étaient déjà usées de façon inhomogène sur la largeur de la bande de roulement.
La société Perrot est intervenue le 26 mai 2014 sur le pneumatique incriminé dans l'accident. Si l'expert judiciaire a constaté que le recreusage qu'elle avait alors effectué n'était pas conforme aux préconisations du constructeur, l'épaisseur résiduelle de la bande du pneumatique étant insuffisante pour autoriser une telle opération, il a toutefois conclu que le recreusage n'était pas pour autant à « l'origine », selon ses termes, de l'éclatement du pneumatique et ce, au vu de l'absence d'oxydation des nappes supérieures. En effet, en l'absence de défaut de géométrie du train, la profondeur du recreusage, même supérieure à la préconisation maximale définie par la société Goodyear operations, n'aurait pas provoqué l'éclatement du pneumatique au jour de l'accident, le 10 septembre 2014. La faute de la société Perrot, qui a recreusé le pneumatique incriminé à mauvais escient sans respecter les préconisations du fabricant, est donc sans lien de causalité avec le dommage.
L'expert judiciaire a en outre constaté que l'usure du pneumatique était anormale, car non homogène, ancienne et visible le 26 mai 2014. Dans la mesure où les caractéristiques de cette usure apparente étaient révélatrices d'un défaut de géométrie, la société Perrot, spécialisée dans les pneumatiques et qui ne pouvait ainsi l'ignorer, a manqué à son obligation d'information et de conseil en n'en ayant pas fait part à la société CDG et en ne lui ayant pas conseillé de renoncer au recreusage et, surtout, de faire contrôler la géométrie du train.
Ce défaut de géométrie ayant causé l'éclatement du pneumatique incriminé, le manquement de la société Perrot à son obligation d'information et de conseil sur l'usure anormale de ce pneumatique révélatrice de ce défaut a contribué à la survenance du dommage.
Enfin, par courriel de la société Vulco développement, du réseau auquel elle appartient, la société Perrot a eu connaissance dès le 29 avril 2014 de la campagne d'échange de la société Goodyear France et son préposé ayant exécuté la commande de la société CDG a déclaré au service de gendarmerie qu'il avait été informé de cette campagne mais qu'il n'avait pas vérifié si les pneumatiques en faisaient partie, alors qu'il est constant que le pneumatique incriminé dans l'accident relevait de la gamme et de la période de fabrication ciblées par l'échange.
La société Perrot ne peut sérieusement soutenir qu'elle n'était pas tenue d'appliquer les mesures d'échange de pneumatiques au motif que la société Goodyear France avait demandé à la société Vulco développement de contacter « ceux de ses clients qui ont acheté ces pneumatiques » tandis qu'elle n'avait pas vendu elle-même le pneumatique incriminé à la société CDG, alors que cette consigne avait pour objet d'identifier les utilisateurs concernés par la campagne d'échange sans avoir pour effet d'en exclure certains d'entre eux.
Quelles qu'aient été les explications de la société Goodyear France, dénuées de référence à un défaut de sécurité du produit, et la qualification de « campagne de satisfaction client » retenue ' et non « campagne de rappel » ' la société Perrot devait informer la société CDG, sa cliente, de cette campagne, dès lors qu'elle lui avait commandé une intervention sur les pneumatiques, et faire procéder à l'échange de pneumatiques.
Si la campagne initiée par la société Goodyear France ne relevait pas d'un rappel de produits pour défaut de sécurité, de sorte que l'article L. 221-1-4 ancien du code de la consommation, invoqué par les sociétés MMA et CDG, n'est pas applicable, ses termes, suffisamment clairs pour tout professionnel, n'induisaient aucune possibilité d'apprécier l'opportunité de procéder ou non à l'échange de pneumatiques. La société Goodyear France expliquait en effet à la société Vulco développement, que « par mesure de précaution, [elle avait] décidé de remplacer ces pneumatiques par des produits neufs » et que si un pneumatique visé par la campagne équipait les véhicules de ses clients, « ces pneumatiques seront changés ». Aucune condition, en particulier d'état des pneumatiques, n'assortissait ainsi leur remplacement, le seul constat de leur appartenance aux lots ciblés par la campagne devant conduire à l'échange décidé par la société Goodyear France.
En n'appliquant pas les consignes définies par la société Goodyear France, ne serait-ce qu'en s'étant abstenue de vérifier si les pneumatiques que la société CDG lui avaient confiés faisaient l'objet de la campagne d'échange, la société Perrot a commis une faute.
Cette faute est en lien de causalité avec le dommage dès lors que sans le maintien du pneumatique incriminé sur le tracteur, l'accident ne serait pas survenu.
La responsabilité de la société Perrot doit donc être retenue.
La société Scania France a, quant à elle, été chargée à plusieurs reprises de l'entretien du tracteur accidenté.
Les contrôles facturés des 4 juillet 2013 et 26 février 2014 comprenaient un contrôle de l'état du pneu, du mode d'usure des pneus et de la profondeur des sculptures de pneus. Le contrôle facturé du 4 juillet 2014 comprenait un contrôle de la profondeur des sculptures de pneus. Mais les résultats de ce dernier contrôle du 4 juillet 2014 n'ont pas été consignés. Le contrôle du 26 août 2014, alors que le kilométrage parcouru était de 206.000 kms n'a pas porté spécifiquement sur le contrôle des pneumatiques mais sur divers points d'entretien, dont le marches-pied situé à proximité des pneumatiques avant.
Par ailleurs, selon l'expert judiciaire, au vu de la documentation Scania, les angles du train avant se devaient d'être d'une grande précision, ces angles ne supportant que très peu de déviation. Ces angles étant réglables sur le tracteur, leur réglage relevait de la société Scania France en charge de son entretien et ce, quand bien même la société CDG ne lui aurait pas confié l'entretien des pneumatiques comme la société Scania France le prétend. La société Scania France proposait ainsi en 2014 un forfait « contrôle et réglage de la géométrie avant » comme cela ressort de la mention apposée sur ses factures, mention dont elle ne démontre pas qu'elle relevait d'une opération promotionnelle ponctuelle, faute de pièce à l'appui.
Comme il a été dit, l'expert judiciaire a constaté que l'usure du pneumatique était anormale, car non homogène, ancienne et visible au moment du recreusage par la société Perrot le 26 mai 2014. La société Scania France ne peut arguer d'une permutation des deux pneumatiques par la société Perrot ce jour-là pour en déduire que l'inhomogénéité de l'usure, caractéristique d'un défaut de géométrie, pouvait ne plus être visible lors de l'entretien du 4 juillet 2014 portant sur la profondeur des sculptures de pneus alors qu'il résulte de l'analyse claire de l'expert judiciaire ' selon laquelle les usures constatées ne sont pas cohérentes avec une opération de retour sur jante ni un retour sur jante associé à une permutation ' et de l'absence de facturation par la société Perrot d'une telle permutation que les pneumatiques n'ont pas été permutés.
A supposer même qu'une usure, caractéristique d'un défaut de géométrie du train avant, n'ait pas été visible lors de l'entretien du tracteur effectué par la société Scania France, même trois semaines avant l'accident lors d'une intervention sur divers points dont un marches-pied, dès lors qu'il est établi que l'éclatement du pneumatique incriminé a résulté d'un défaut de géométrie du train avant, que le contrôle et le réglage de la géométrie du train avant relevaient de la société Scania France, que l'expert judiciaire a conclu que le défaut de géométrie du train avant n'avait jamais été traité, ce que la société Scania France ne contredit pas, il est en tout état de cause établi qu'en s'abstenant de toute vérification de la géométrie du train avant depuis la mise en circulation du tracteur le 25 février 2013, alors que la société CDG lui avait remis le tracteur pour son entretien à quatre reprises, le 4 juillet 2013 et les 26 février, 4 juillet et 26 août 2014, soit pour la dernière fois trois semaines avant l'accident, la société Scania France a commis une faute et que cette faute est la cause directe de l'éclatement du pneumatique incriminé dans l'accident.
La société Scania France soutient enfin à tort que cette faute n'est pas distincte d'un défaut de sécurité du pneumatique incriminé de sorte que seule la responsabilité du fait des produits défectueux est applicable à l'encontre des sociétés Goodyear dès lors que sa faute est de nature contractuelle et que le défaut de géométrie du train avant relève d'un défaut de réglage indépendant d'un défaut de fabrication ou d'un défaut de sécurité affectant les pneumatiques eux-mêmes, défauts au demeurant non établis comme il a été précédemment jugé.
Il s'ensuit que la responsabilité de la société Scania France à raison du défaut d'entretien relatif au déréglage du train avant doit être retenue.
En revanche il est établi que la société Scania France n'a eu connaissance de la campagne de satisfaction clients qu'après l'accident par un courriel du 11 novembre 2014 de la société suédoise Scania CV AB de sorte qu'aucune faute tenant au défaut d'application de la campagne d'échange des pneumatiques ne lui est imputable.
1.3. Sur la responsabilité de la société Goodyear France à raison de la campagne de satisfaction clients
Les sociétés MMA et CDG soutiennent que la responsabilité de la société Goodyear France est engagée à raison d'une mise en 'uvre insuffisante de la campagne de satisfaction clients.
Elles font valoir que la société Perrot n'a pas relayé l'information communiquée parce qu'elle n'était pas suffisamment alarmiste et que la société Goodyear France n'a pas informé la société Scania France qui ne l'a été que tardivement par la société Scania Suède en raison du caractère flou et parcellaire des informations fournies.
La société Goodyear France soutient que le défaut d'information de la société CDG ne peut lui être imputé, que le message au titre de la campagne était clair quant au remplacement systématique de tous les pneumatiques visés sans vérification préalable de leur état, que la négligence de la société Scania Suède dans la mise en 'uvre de la campagne ne saurait non plus lui être imputée.
Elle fait valoir qu'en informant la société Vulco développement, au réseau duquel la société Perrot appartient, de sa campagne d'échange, elle a agi avec diligence, que la société Perrot a reconnu avoir eu connaissance de la campagne d'échange, que la société Goodyear operations a informé la société Scania Suède du programme d'échange par courriel du 9 mai 2014 mais que la société Scania Suède a attendu six mois pour agir.
Sur ce,
La campagne d'échange de pneumatiques initiée le 29 avril 2014 par la société Goodyear France ne s'inscrivait pas dans une campagne de rappel de produits présentant un défaut de sécurité ou un quelconque danger mais dans un cadre préventif de « satisfaction clients ».
Il ne peut être déduit de la compréhension, supposée erronée, de la société Perrot de la portée de la lettre d'information du 29 avril 2014, que la société Vulco développement lui a adressée, que la campagne d'échange de pneumatiques a été mise en 'uvre de manière insuffisante par la société Goodyear France.
Cette dernière lettre d'information, reprise de celle transmise par la société Goodyear France à la société Vulco développement, est en effet suffisamment claire en ses explications en affirmant : « la société Goodyear France organise un programme client à titre préventif pour échanger un nombre limité de pneumatiques correspondant aux modèles suivants (') Sont exclusivement concernés les pneumatiques directeurs dans la dimension 385/[Immatriculation 8].5 utilisés sur les tracteurs de poids lourds. Ce programme intervient à la suite de l'examen par la société Goodyear France de comptes-rendus de visites clients pour lesquels un nombre limité d'incidents a été signalé impliquant des poids-lourds équipés de ces pneumatiques sur l'essieu directeur. Par mesure de précaution, Goodyear France a décidé de remplacer ces pneumatiques par des produits neufs (..) Il s'agit d'une mesure préventive conforme à l'engagement de Goodyear vis-à-vis de la qualité et de la satisfaction de ses clients. Nous vous prions donc de contacter ceux de vos clients qui ont acheté ces pneumatiques (...). Si un pneumatique [cible] équipe leurs véhicules, ces pneumatiques seront échangés. (') Dès que vous recevrez la demande de vos clients pour l'échange des pneus concernés, merci de les commander en contactant (') Si vous possédez des pneumatiques concernés dans votre stock, ces pneumatiques doivent également être échangés et le seront gratuitement (') ».
Cette lettre est explicite quant à la consigne, exprimée avec le présent de l'indicatif, d'échanger les pneumatiques. Aucune condition n'étant requise, elle ne laisse aux professionnels informés aucune marge d'appréciation quant à l'opportunité de procéder ou non à l'échange.
L'absence de caractère alarmiste n'impliquait ainsi aucunement qu'un professionnel tel que la société Perrot, franchisé du réseau Vulco développement, puisse faire preuve d'indifférence quant à son application moins d'un mois plus tard lors du recreusage des pneumatiques que la société CDG lui avait confiés.
Aucune faute n'est dès lors établie à l'égard de la société Goodyear France quant à la campagne de satisfaction clients mise en 'uvre auprès du réseau de distribution auquel appartenait la société Perrot.
Quant à l'information tardive de la société Scania France, elle n'est pas imputable à la société Goodyear France.
En effet étant intervenue en tant que distributeur de pneumatiques en France, la société Goodyear France ne comptait pas parmi ses clients la société Scania France et elle n'avait pas connaissance de l'identité des utilisateurs de poids lourds équipés de pneumatiques d'origine tel que celui incriminé dans l'accident du 10 septembre 2014.
Distributeur de pneumatiques en France, la société Goodyear France ne saurait être tenue pour responsable ni de la communication par la société Goodyear operations des informations transmises à la société Scania Suède, ni du sort que cette dernière a réservé à la demande de coopération formulée par la société Goodyear operations le 9 mai 2014 pour pouvoir localiser les véhicules afin qu'elle puisse toucher les clients de poids lourds équipés de pneumatiques d'origine, ni encore du défaut de transmission d'informations par la société Scania Suède à la société Scania France avant qu'elle ne décide elle-même de procéder à une campagne de rappel et non pas de relayer la campagne de satisfaction clients de la société Goodyear operations, afin de s'assurer qu'aucun pneumatique signalé en avril 2014 par la société Goodyear operations n'équipe des tracteurs Scania en circulation.
Il s'ensuit que les sociétés MMA et CDG manquent à établir une faute imputable à la société Goodyear France de sorte que le jugement sera infirmé en ce qu'il l'a condamnée à verser aux sociétés MMA la somme de 1.886.093,78 euros.
1.4. Sur les condamnations en paiement des sociétés Scania France, Perrot et Axa France
La cour ayant précédemment écarté la responsabilité des sociétés Goodyear recherchée par les sociétés MMA et CDG, et celles-là n'ayant procédé elles-mêmes à aucun partage de responsabilités, les sociétés Scania France, Perrot et Axa France doivent seules être condamnées à leur profit in solidum, dès lors que les fautes commises par les sociétés Scania France et Perrot ont contribué à la survenance du dommage, et pour la totalité des sommes mises à leur charge, lesquelles doivent être arrêtées dans la limite de la recevabilité des demandes indemnitaires, soit la somme totale de 1.771.912,14 euros pour les sociétés MMA et la somme de 20.768,10 euros pour la société CDG.
Le jugement sera donc infirmé en ce qu'il a condamné in solidum la société Scania France, à hauteur de 35 %, la société Perrot et la société Axa France, à hauteur de 15 %, les sociétés Goodyear, à hauteur de 50 %, à verser aux sociétés MMA la somme de 1.886.093,78 euros avec intérêts au taux légal à compter du 21 décembre 2018, les intérêts étant capitalisés.
Sur la somme due aux sociétés MMA :
Les sociétés Perrot, Axa France et Scania France contestent devoir prendre en charge certaines dépenses exposées par les sociétés MMA.
Les sociétés Perrot et Axa France soutiennent que les transactions conclues entre les sociétés MMA et les victimes ne leur étant pas opposables, les demandes d'indemnisation doivent être réduites dans la mesure où elles ne seraient pas justifiées ou conformes au principe de réparation intégrale.
Elles font ainsi valoir que les frais funéraires (facture de 5.280 euros) doivent être écartés car la veuve de la victime décédée a déjà bénéficié d'une indemnisation à ce titre, que le préjudice d'affection et le préjudice économique de cette personne et celui de sa fille, incluant la perte de revenus, fondés sur une transaction inopposable ne sont pas justifiés en leur partie économique et article 700 du code de procédure civile de sorte que les sommes dues aux sociétés MMA ne peuvent excéder 37.989,16 euros et 35.000 euros, que les demandes au titre de l'indemnisation de l'une des victimes, blessée, fondées sur une autre transaction, ne peuvent prospérer s'agissant du préjudice corporel, non justifié, ni excéder la somme de 88.386 euros correspondant aux créances de la CPAM et de la caisse ProBTP, que, s'agissant de la seconde victime blessée, les sociétés MMA ne peuvent faire peser sur elles la somme de 61.130,64 euros correspondant à leur condamnation par un jugement du tribunal judiciaire de Valence pour ne pas avoir formalisé une offre indemnitaire dans les délais, à laquelle s'ajoutent des intérêts de retard dus à l'exécution tardive de ce même jugement et non aux préjudices consécutifs à l'accident, que les sociétés MMA ne peuvent leur opposer une expertise amiable ayant évalué le préjudice économique subi par la société SMCG dirigée par cette victime, que de même elles ne peuvent pas se fonder sur un seul rapport d'expertise unilatéral pour justifier de leur demande au titre des préjudices matériels subis par le tracteur Scania.
La société Scania France soutient que la demande des sociétés MMA au titre de l'indemnisation de la seconde victime blessée, fondée sur un jugement, doit être réduite aux dommages et intérêts arrêtés par le tribunal à hauteur de 933.305,05 euros, les autres condamnations étant étrangères à l'accident mais ayant leur origine dans l'inertie ou le retard des sociétés MMA dans le traitement de leurs propres obligations d'assureur, que la demande fondée sur la créance du RSI au titre des frais de santé n'est justifiée qu'à hauteur de 90.031,51 euros, aucune subrogation n'étant établie pour le chèque incluant un montant de 108.223,18 euros à l'ordre de la société L'Equité assurances et un chèque de 40.297,11 euros à l'ordre de la CPAM qui est resté introuvable.
Les sociétés MMA répliquent que les transactions conclues avec les victimes ou leurs ayants droits sont opposables aux tiers, auteurs du dommage.
Sur ce,
L'article L. 121-12, alinéa 1er, du code des assurances, ne distingue pas selon que l'assureur a payé l'indemnité de sa propre initiative ou qu'il l'a payée en vertu d'un accord transactionnel ou en exécution d'une décision de justice.
Les sociétés MMA étant subrogées dans les droits de la société CDG dont le véhicule est impliqué dans l'accident de la circulation du 10 septembre 2014, elle-même subrogée dans les droits des ayants droits du conducteur décédé du second véhicule accidenté et des victimes blessées présentes dans ce dernier véhicule, ne peuvent être exclues de leur recours subrogatoire exercé contre les sociétés Perrot et Scania France les sommes qu'elles ont versées en application de transactions qu'elles ont conclues avec ces victimes et ayants droits, qui demeurent opposables aux sociétés Perrot et Scania France, ou de décisions de justice.
Il s'ensuit que les préjudices économiques, la perte de revenus de la veuve et de la fille du conducteur décédé, un montant qualifié d' « article 700 », et les préjudices d'affection de la mère et de la fratrie de cette victime décédée, le préjudice corporel de la première victime blessée, tous objet d'une transaction, n'ont pas à être rejetés de l'indemnisation due aux sociétés MMA.
Par ailleurs, la facture de frais funéraires de 5.280 euros vient justifier la somme payée par les sociétés MMA à la société L'Equité assurances, assureur du conducteur décédé. Le fait que la veuve a perçu, en outre, une autre somme de la part des sociétés MMA dans le cadre d'une transaction ne peut avoir pour effet d'exclure cette somme de 5.280 euros de l'indemnisation due aux sociétés MMA subrogées dans les droits des ayants droits du conducteur décédé.
La somme de 61.130,64 euros demandée par les sociétés MMA, qui correspond à un « complément d'intérêts suite à une erreur de calcul », résulte de la condamnation des sociétés MMA par le jugement du tribunal judiciaire de Valence du 25 février 2021 au paiement à la seconde victime blessée des intérêts sur les sommes offertes calculés au double de l'intérêt légal, faute pour elles d'avoir présenté à la victime une offre d'indemnité dans le délai imparti. Cette pénalité prévue par les articles L.211-9 et L.211-13 du code des assurances est sans lien de causalité avec l'accident de sorte qu'elle doit être exclue des sommes dues par les sociétés Scania France, Perrot et Axa France.
Quant aux demandes fondées sur les frais de santé de cette seconde victime blessée, la cour a précédemment admis la subrogation au titre de la créance du RSI non seulement pour la somme de 90.031,51 euros mais aussi pour le montant de 108.223,18 euros et au titre de la créance de la CPAM pour 40.297,11 euros.
Les sociétés MMA ont indemnisé le préjudice économique subi par la société SMCG, dirigée par la seconde victime blessée, en exécution d'une ordonnance du juge de la mise en état du 7 février 2019 de sorte que la somme de 73.412 euros correspondante ne peut être écartée de leur recours subrogatoire, quels qu'aient été les motifs de cette décision de justice qui a entériné un accord entre les assureurs et le liquidateur judiciaire de la société SMCG.
S'agissant des préjudices réclamés au titre du tracteur Scania, la cour a précédemment admis la subrogation des sociétés MMA à hauteur de la seule somme de 26.449 euros qu'elle a versée à son assurée. La circonstance que les sociétés MMA ont payé cette indemnité de leur propre initiative, sur la base d'une expertise à laquelle la société Perrot n'a pas participé, n'a pas pour effet de l'exclure du recours subrogatoire dès lors que cette indemnité a été réglée en exécution du contrat d'assurance.
Il résulte de tout ce qui précède que la condamnation in solidum des sociétés Perrot, Axa France et Scania France, au profit des sociétés MMA portera sur la totalité de la somme de 1.771.912,14 euros (1.833.042.78 euros - 61.130,64 euros).
Sur la somme due à la société CDG :
La société CDG demande une somme totale de 20.768,10 euros comprenant la franchise d'assurance, le reliquat laissé à sa charge après l'intervention de son assureur marchandise au titre des marchandises perdues indemnisées auprès du commissionnaire de transport, le reliquat des coûts de remorquage et de dépannage laissés également à sa charge et des frais de repompage.
Les sociétés Perrot, Axa France et Scania France ne discutent pas sur le fond ces sommes.
Elles seront dès lors condamnées in solidum au paiement de cette somme de 20.768,10 euros.
Sur le point de départ des intérêts et leur capitalisation :
La société Scania France conteste le jugement en ce que, sans motif, il fait courir les intérêts à compter de la première date de signification de l'assignation au fond, le 21 décembre 2018, et ordonne la capitalisation des intérêts.
Elle demande à la cour, sur le fondement de l'article 1231-7, alinéa 1er, du code civil, de fixer le point de départ des intérêts à la signification du présent arrêt.
Les sociétés MMA et CDG soutiennent que le tribunal a justement fait courir les intérêts au jour de l'assignation, soit après le dépôt du rapport d'expertise qui lui a permis de considérer engagée la responsabilité des défenderesses.
Sur ce,
L'article 1231-7 du code civil dispose :
« En toute matière, la condamnation à une indemnité emporte intérêts au taux légal même en l'absence de demande ou de disposition spéciale du jugement. Sauf disposition contraire de la loi, ces intérêts courent à compter du prononcé du jugement à moins que le juge n'en décide autrement.
En cas de confirmation pure et simple par le juge d'appel d'une décision allouant une indemnité en réparation d'un dommage, celle-ci porte de plein droit intérêt au taux légal à compter du jugement de première instance. Dans les autres cas, l'indemnité allouée en appel porte intérêt à compter de la décision d'appel. Le juge d'appel peut toujours déroger aux dispositions du présent alinéa. »
La cour confirmant la responsabilité in solidum des sociétés Perrot, Axa France et Scania France et infirmant le jugement sur le quantum de leur condamnation en paiement dans le sens d'une réduction de la somme due aux sociétés MMA, d'une part, et sur la recevabilité et le bien-fondé de la demande de la société CDG, d'autre part, il sera dérogé au second alinéa de l'article 1231-7 précité en faisant courir les intérêts assortissant la somme due aux sociétés MMA à compter du prononcé du jugement, et non de l'assignation, et ceux assortissant la somme due à la société CDG à compter du présent arrêt. Le jugement sera infirmé en ce sens mais confirmé en ce qu'il a ordonné la capitalisation des intérêts.
La condamnation de la société Axa France sera prononcée dans les limites et conditions de la police souscrite par la société Perrot.
En définitive, les sociétés Perrot, Axa France, et Scania France seront condamnées in solidum, la société Axa France dans les limites et conditions de la police souscrite par la société Perrot, à payer aux sociétés MMA la somme de 1.771.912,14 euros, avec intérêts au taux légal à compter du 16 février 2023, date du jugement, et capitalisation des intérêts, et à la société CDG la somme de 20.768,10 euros avec intérêts au taux légal à compter du 1er octobre 2025, date du présent arrêt, et capitalisation des intérêts.
2. Sur les appels en garantie exercés par les sociétés Scania France, Perrot et Axa France
Le tribunal n'a pas statué sur les appels en garantie mais a défini un partage de responsabilité lors de son appréciation de l'action exercée par les sociétés MMA l'amenant à condamner les sociétés Scania France, Perrot et Axa France, et Goodyear au profit des demanderesses in solidum mais à hauteur de respectivement 35 % pour la première, 15 % pour les deuxièmes et 50 % pour les troisièmes.
Les sociétés Perrot et Axa France demandent que les sociétés CDG, Scania France, Goodyear operations et Goodyear France soient condamnées à les relever et garantir de toutes condamnations prononcées à leur encontre au bénéfice des sociétés CDG et MMA. Elles précisent que le tribunal a omis de statuer sur leur demande de garantie formée à l'égard de la société CDG.
La société Scania France s'oppose à cette demande de garantie formée contre elle et demande elle-même la garantie de la société Perrot ainsi que celle des sociétés Goodyear operations et Goodyear France.
2.1. Sur la garantie des sociétés Goodyear operations et Goodyear France demandée par les sociétés Perrot et Axa France
Les sociétés Perrot et Axa France soutiennent que le jugement doit être confirmé en ce qu'il a retenu la responsabilité des sociétés Goodyear et que l'imprécision de l'opération satisfaction clients, qui a empêché le rappel du pneumatique litigieux, est constitutive d'une faute en lien avec le sinistre. Elles font valoir que la campagne de satisfaction clients n'était pas suffisamment incitative pour amener les distributeurs à relayer l'information au-delà de leur propre réseau clients et que les informations données, insuffisamment alarmistes, ne justifiaient pas de mesures complémentaires de la part des distributeurs au-delà de l'examen de leur fichier clients.
Mais il a été précédemment jugé qu'aucune faute n'était établie à l'égard de la société Goodyear France quant à la campagne de satisfaction clients mise en 'uvre auprès du réseau de distribution auquel appartenait la société Perrot. Dans la mesure où les sociétés Perrot et Axa France soulèvent des arguments identiques à ceux présentés par les sociétés MMA et CDG et précédemment écartés par la cour, elles doivent être déboutées de leur demande de garantie contre la société Goodyear France.
La campagne de satisfaction clients a été mise en 'uvre par la société Goodyear France en France à la demande et sur les indications de la société Goodyear operations. Aucune faute personnelle de celle-ci n'étant davantage établie, les sociétés Perrot et Axa France doivent également être déboutées de leur demande de garantie contre la société Goodyear operations.
2.2. Sur la garantie des sociétés Goodyear demandée par la société Scania France
La société Scania France soutient qu'elle doit être relevée et garantie par le fabricant du pneumatique incriminé dès lors qu'en ne délivrant pas une information claire et adaptée aux constructeurs, en particulier la société Scania Suède, les sociétés Goodyear ont rendu le défaut du produit indécelable, même aux yeux du professionnel qu'est son atelier de [Localité 18], qu'ainsi aucune information ne lui a permis le 28 juillet 2014 de considérer que le pneumatique avant gauche avait déjà atteint ses limites d'usure et qu'il était impératif de remplacer les pneumatiques du tracteur utilisé par la société CDG.
La société Goodyear France n'étant pas le fabricant du pneumatique incriminé dans l'accident, la demande de garantie formée à son encontre doit être en tout état de cause rejetée.
Ensuite, il a été précédemment jugé que le pneumatique incriminé n'était pas affecté d'un défaut de fabrication ou de conception, que son usure anormale, symptomatique d'un défaut de géométrie du train avant, était visible et décelable, y compris par la société Scania France et en particulier lorsqu'elle a procédé au contrôle de la profondeur des sculptures de pneus du véhicule le 4 juillet 2014 mais aussi lors de l'entretien du 26 août 2014 portant sur d'autres points, et que l'expert judiciaire n'a pas considéré comme pertinente la notion de limites d'usure.
Il s'ensuit que la société Scania France doit être déboutée de sa demande de garantie à l'encontre de la société Goodyear operations fondée sur la qualité de fabricant de celle-ci.
2.3. Sur la garantie de la société CDG demandée par les sociétés Perrot et Axa France
Les sociétés Perrot et Axa France soutiennent que la société CDG a, par son imprudence caractérisée par les conditions extrêmes d'utilisation du tracteur le jour de l'accident, contribué pour une part majeure à la survenance du sinistre.
Elles font valoir que selon l'expertise judiciaire, les conditions météorologiques et le rayonnement solaire sur la chaussée, la vitesse excessive et le chargement à la limite du maximum autorisé ont été des facteurs déclenchants de l'éclatement du pneumatique, que ces paramètres auraient dû amener le chauffeur à faire preuve de vigilance extrême et ce, d'autant plus qu'il ne pouvait ignorer que les pneumatiques étaient à la limite de leur utilisation, qu'en outre l'état des pneumatiques n'était pas contrôlé visuellement et que la société CDG n'a pas fait procéder à un réglage de la géométrie du train avant comme la société Scania France le lui avait proposé à plusieurs reprises.
Les sociétés MMA et CDG soutiennent que les conditions d'utilisation du véhicule constituaient une utilisation normalement prévisible du véhicule, que ces conditions d'utilisation n'ont pu jouer un rôle causal qu'en raison du défaut de sécurité affectant le pneumatique dont la société CDG n'avait aucune connaissance, l'expert judiciaire ayant considéré les facteurs invoqués par les sociétés Perrot et Axa France comme n'étant pas à l'origine du désordre, que le défaut de surveillance des pneumatiques ne lui est pas imputable tandis que la société Perrot, garagiste professionnel, n'a pas elle-même contrôlé les pneumatiques manquant ainsi à ses propres obligations, que la société CDG n'a pas non plus commis de faute en ne donnant pas suite à une information commerciale sur le contrôle de la géométrie du train avant alors que la société Scania France a manqué à son obligation de conseil en s'abstenant de le lui proposer et qu'aucun des deux professionnels intervenus dans la maintenance du véhicule ne lui a conseillé ce contrôle.
Sur ce,
La société CDG, qui n'a jamais été informée de l'état d'usure des pneumatiques et de l'usure, visible et caractéristique pour un professionnel d'un défaut de géométrie du train avant, par les deux professionnels de l'entretien de tracteurs et pneumatiques de poids lourds que sont les sociétés Scania France et Perrot, ni conseillée par ces mêmes professionnels de faire procéder à un contrôle de la géométrie du train ' la mention commerciale du prix d'une prestation insérée automatiquement et systématiquement sur des factures ne constituant ni un conseil ni une proposition de faire procéder à cette prestation ' ni informée de la campagne d'échange de pneumatiques mise en 'uvre par les sociétés Goodyear, n'a pas commis de faute d'imprudence en utilisant le tracteur équipé du pneumatique incriminé, dont l'expert judiciaire a constaté qu'il était devenu impropre à la circulation, dans des conditions que ce dernier n'a pas retenues comme ayant été à l'origine du désordre.
En effet si l'expert judiciaire a exposé les facteurs déclenchants de l'éclatement du pneumatique incriminé, parmi lesquels il a rangé les conditions météorologiques, le rayonnement solaire sur la chaussée, la vitesse excessive, soit 98 kms/h au lieu de 90 kms/h, et le chargement du poids lourd, qui n'était pas excessif, il a pris soin de préciser qu'ils ne les tenaient pas comme étant à l'origine du désordre.
La société CDG, qui n'est pas un spécialiste des pneumatiques, n'avait pas à se substituer à la société Scania France, à laquelle elle avait confié à plusieurs reprises l'entretien du tracteur équipé des pneumatiques, et à la société Perrot, à laquelle elle avait spécifiquement demandé d'intervenir sur le pneumatique, dans le contrôle de l'état d'usure du pneumatique et dans l'appréciation d'une supposée « limite d'utilisation », notion que l'expert judiciaire n'a au demeurant pas considérée comme pertinente.
La société CDG n'ayant pas commis de faute, les sociétés Perrot et Axa France doivent être déboutées de leur demande de garantie.
2.4. Sur la garantie de la société Scania France demandée par les sociétés Perrot, Axa France et la garantie de la société Perrot demandée par la société Scania France
Les sociétés Perrot et Axa France soutiennent que la société Scania France a commis une faute, engageant sa responsabilité délictuelle à l'encontre de la société Perrot, en n'ayant émis aucune observation à l'issue des contrôles de la profondeur des sculptures des pneumatiques qu'elle a effectués alors que le défaut de géométrie du train avant était visible à deux mois de l'accident. Elles font observer qu'en tant que professionnelle, la société Scania France aurait dû s'inquiéter de l'état des pneumatiques directeurs.
La société Scania France conteste toute faute de son atelier de réparation de [Localité 18], sans présenter de moyens distincts de ceux qu'elle a opposés aux sociétés MMA et CDG, et soutient que la société Perrot a elle-même commis une faute en n'ayant pas alerté son client, le 26 mai 2014, de l'usure anormalement inhomogène des pneumatiques ni réalisé elle-même un réglage de la géométrie du véhicule, voire remplacé les pneumatiques, en ayant ainsi rendu le vice indécelable, une telle inhomogénéité étant ensuite gommée à cause de leur permutation et du retour sur jante, en n'ayant pas alerté la société CDG du kilométrage supplémentaire maximal à ne pas dépasser à la suite du recreusage s'il devait être considéré que la limite d'utilisation des pneumatiques était déjà atteinte au jour de l'accident.
Sur ce,
Il a été précédemment jugé que la société Scania France avait commis une faute contractuelle dans l'exécution du contrat d'entreprise qui la liait à la société CDG à raison du défaut d'entretien relatif au déréglage du train avant. Il ressort également des précédents constats faits par la cour que la société Scania France n'a pas informé la société CDG de l'état d'usure anormale du pneumatique incriminé dans l'accident caractéristique d'un défaut de géométrie du train avant.
Ces manquements contractuels de la société Scania France à l'égard de la société CDG constituent des fautes délictuelles engageant la responsabilité de la société Scania France à l'égard de la société Perrot sur le fondement de l'article 1240 du code civil.
Par ailleurs, la responsabilité contractuelle de la société Perrot a été retenue à raison du manquement à son obligation d'information et de conseil en n'ayant pas fait part à la société CDG de l'usure anormale, visible et ancienne du pneumatique et en ne lui ayant pas conseillé de faire contrôler la géométrie du train. Sa carence à procéder, le 26 mai 2014, au remplacement du pneumatique dans le cadre de la campagne d'échange de pneumatiques décidée par la société Goodyear operations et mise en 'uvre par la société Goodyear France le 29 avril 2014 auprès du réseau de distribution dont la société Perrot est franchisée, a également été retenue.
Ces manquements contractuels de la société Perrot à l'égard de la société CDG constituent des fautes délictuelles engageant la responsabilité de la société Perrot à l'égard de la société Scania France sur le fondement de l'article 1240 du code civil.
L'analyse des fautes de l'une et l'autre, commises séparément et plusieurs mois avant l'accident, montre que si chacune des deux sociétés n'avait pas manqué successivement à ses obligations contractuelles, l'accident du 10 septembre 2014 n'aurait pas eu lieu, sans qu'il puisse en être déduit que l'une des deux ait été prépondérante dans la survenance du dommage.
En effet si la société Perrot avait, le 26 mai 2014, fait remplacer les pneumatiques avant conformément à la campagne de satisfaction clients de la société Goodyear France, le défaut de réglage de la géométrie du train avant n'aurait pas provoqué l'accident le 10 septembre suivant causé par l'éclatement d'un pneumatique, mais si la société Scania France avait, avant comme après l'intervention ponctuelle de la société Perrot, correctement entretenu le tracteur en procédant à un contrôle et à un réglage de la géométrie, le maintien du pneumatique avant gauche d'origine n'aurait pas contribué à la survenance du dommage.
Les fautes de chacune des sociétés Scania France et Perrot ayant ainsi contribué à la survenance du dommage dans les mêmes proportions justifient que le partage de responsabilité entre les coobligés s'opère dans les proportions suivantes :
- la société Perrot, garantie par la société Axa dans les limites de la police (plafonds, franchise) : 50 %,
- la société Scania France : 50 %.
Les sociétés Scania France, d'une part, Perrot et Axa, d'autre part, seront donc condamnées à se garantir mutuellement dans ces proportions de toutes les condamnations prononcées à leur encontre en ce comprises celles au titre des dépens et des frais irrépétibles.
III. SUR LES DEMANDES ACCESSOIRES
Les chefs du jugement relatifs aux dépens et à l'application de l'article 700 du code de procédure civile seront infirmés.
Parties perdantes, les sociétés Perrot, Axa France et Scania France seront condamnées in solidum aux dépens de première instance et d'appel, comprenant les frais d'expertise judiciaire, dont les frais d'analyse du laboratoire LRCCP. Elles ne peuvent prétendre à une indemnité procédurale et seront dès lors déboutées de leur demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile.
Les sociétés Perrot, Axa France et Scania France seront en outre condamnées in solidum à payer aux sociétés MMA la somme de 50.000 euros au titre de leurs frais irrépétibles exposés en première instance et en cause d'appel et à la société CDG la somme de 5.000 euros au titre de ses frais irrépétibles exposés en cause d'appel.
Les sociétés MMA, Perrot, Axa France et Scania France seront en outre condamnées in solidum à payer aux sociétés Goodyear operations et Goodyear France, ensemble, la somme de 25.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La Cour statuant contradictoirement,
Confirme le jugement en ce qu'il a débouté la société Scania France de sa fin de non-recevoir à l'encontre de la société CDG pour absence d'intérêt à agir ;
Confirme le jugement en ce qu'il a débouté les sociétés Goodyear operations, Goodyear France, Scania France, Groupe Perrot et Axa France de leur fin de non-recevoir sauf en ce que la demande d'indemnisation des sociétés MMA porte sur les préjudices matériels subis par le tracteur à hauteur de 53.051 euros ;
statuant à nouveau de ce chef, déclare irrecevables les sociétés MMA en leur demande d'indemnisation en ce qu'elle porte sur les préjudices matériels subis par le tracteur à hauteur de 53.051 euros ;
Infirme le jugement en ce qu'il a condamné in solidum la société Scania France à hauteur de 35 %, la société Perrot et la société Axa France, à hauteur de 15 %, les sociétés Goodyear, à hauteur de 50 %, à garantir et relever indemnes les sociétés MMA contre toute réclamation des tiers en relation avec les conséquences de l'accident du 10 septembre 2014, et à rembourser aux sociétés MMA toutes sommes que celles-ci seraient amenées à indemniser aux tiers à l'avenir ;
statuant à nouveau de ce chef, déclare irrecevable la demande des sociétés MMA de voire condamner in solidum les sociétés Scania France, Perrot, Axa France, Goodyear operations et Goodyear France à les garantir et relever indemnes contre toute réclamation des tiers en relation avec les conséquences de l'accident du 10 septembre 2014 et à leur rembourser toute somme qu'elles seraient amenées à indemniser aux tiers à l'avenir ;
Confirme le jugement en ce qu'il a débouté les sociétés Goodyear France et Scania France de leur fin de non-recevoir tirée de la prescription, sauf à préciser que cette fin de non-recevoir portait sur la demande en paiement de la somme de 79.500 euros formée par les sociétés MMA au titre de préjudices matériels ;
Infirme le jugement en ce qu'il a débouté la société Goodyear operations de sa fin de non-recevoir tirée de la prescription de la demande en paiement de la somme de 79.500 euros formée par les sociétés MMA ;
statuant à nouveau de ce chef, déclare prescrite la demande en paiement de la somme de 79.500 euros des sociétés MMA en ce qu'elle est dirigée contre la société Goodyear operations ;
Infirme le jugement en ce qu'il a déclaré prescrites les demandes de la société CDG en ce qu'elles sont dirigées à l'encontre des sociétés Goodyear operations, Goodyear France et Scania France ;
statuant à nouveau de ce chef, rejette la fin de non-recevoir tirée de la prescription des demandes de la société CDG en ce qu'elles sont dirigées à l'encontre des sociétés Goodyear operations, Goodyear France et Scania France ;
Ajoutant au jugement, rejette la fin de non-recevoir soulevée par les sociétés Perrot et Axa France et tirée de la prescription des demandes de la société CDG ;
Ajoutant au jugement, déclare irrecevables les sociétés MMA en leur action exercée à l'encontre de la société Goodyear France sur le fondement de la garantie des vices cachés et déclare recevables les sociétés MMA en leurs demandes dirigées contre la société Goodyear France fondées sur sa responsabilité délictuelle à raison de la campagne d'échange de pneumatiques ;
Infirme le jugement en ce qu'il a condamné les sociétés Goodyear operations et Goodyear France à verser aux sociétés MMA la somme de 1.886.093,78 euros ;
statuant à nouveau de ce chef, déboute les sociétés MMA et la société CDG de leurs demandes en paiement dirigées contre les sociétés Goodyear operations et Goodyear France ;
Infirme le jugement en ce qu'il a condamné in solidum la société Scania France, à hauteur de 35 %, la société Perrot et la société Axa France, à hauteur de 15 %, à verser aux sociétés MMA la somme de 1.886.093,78 euros avec intérêts au taux légal à compter du 21 décembre 2018 ;
statuant à nouveau de ce chef, condamne in solidum les sociétés Perrot, Axa France et Scania France, la société Axa France dans les limites et conditions de la police souscrite par la société Perrot, comprenant la franchise de 1.800 euros laissée à la charge de la société Perrot, à payer aux sociétés MMA la somme de 1.771.912,14 euros, avec intérêts au taux légal à compter du 16 février 2023, et à la société CDG la somme de 20.768,10 euros, avec intérêts au taux légal à compter du 1er octobre 2025 ;
Confirme le jugement en ce qu'il a ordonné la capitalisation conformément à l'article 1343-2 du code civil ;
Ajoutant au jugement, déboute les sociétés Perrot et Axa France de leur demande de garantie formée à l'encontre de la société CDG, de la société Scania France, de la société Goodyear operations et de la société Goodyear France ;
Ajoutant au jugement, déboute la société Scania France de sa demande de garantie formée à l'encontre de la société Goodyear operations et de la société Goodyear France ;
Ajoutant au jugement, fixe le partage de responsabilité entre les coobligés comme suit :
- la société Perrot, garantie par la société Axa dans les limites de la police (plafonds, franchise) : 50 %,
- la société Scania France : 50 % ;
et condamne les sociétés Perrot et Axa France, d'une part, et la société Scania France, d'autre part, à se garantir mutuellement dans ces proportions de toutes les condamnations prononcées à leur encontre en ce comprises celles au titre des dépens et des frais irrépétibles ;
Infirme le jugement en ce qu'il a condamné in solidum la société Scania France à hauteur de 35 %, la société Perrot et la société Axa France, à hauteur de 15 %, les sociétés Goodyear, à hauteur de 50 %, à payer aux sociétés MMA la somme de 15.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens dont les frais d'expertise d'un montant total de 79.196,20 euros y compris la somme de 34.800 euros payée directement au LRCCP par la société MMA Iard ;
statuant à nouveau de ces chefs et y ajoutant, condamne in solidum les sociétés Perrot, Axa France et Scania France aux dépens de première instance et d'appel, comprenant les frais d'expertise judiciaire, dont les frais d'analyse du laboratoire LRCCP, déboute les sociétés Perrot, Axa France et Scania France de leurs demandes fondées sur l'article 700 du code de procédure civile, condamne in solidum les sociétés Perrot, Axa France et Scania France à payer aux sociétés MMA la somme de 50.000 euros au titre de leurs frais irrépétibles exposés en première instance et en cause d'appel et à la société CDG la somme de 5.000 euros au titre de ses frais irrépétibles exposés en cause d'appel, condamne in solidum les sociétés MMA, Perrot, Axa France et Scania France à payer aux sociétés Goodyear operations et Goodyear France, ensemble, la somme de 25.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.