CA Dijon, 1re ch. civ., 30 septembre 2025, n° 22/00326
DIJON
Arrêt
Autre
[L] [F]
C/
S.E.L.A.R.L. [B] [1]
expédition et copie exécutoire
délivrées aux avocats le
COUR D'APPEL DE DIJON
1re chambre civile
ARRÊT DU 30 SEPTEMBRE 2025
N° RG 22/00326 - N° Portalis DBVF-V-B7G-F456
MINUTE N°
Décision déférée à la Cour : jugement du 07 février 2022,
rendu par le tribunal judiciaire de Dijon - RG : 20/00272
APPELANT :
Monsieur [L] [F]
[Adresse 4]
[Localité 5]
Représenté par Me Florent SOULARD, membre de la SCP SOULARD- RAIMBAULT, avocat au barreau de DIJON, vestiaire : 127
INTIMÉE :
S.E.L.A.R.L. [B] [1] prise en la personne de ses représentants légaux en exercice domiciliés en cette qualité au siège social :
[Adresse 2]
[Localité 6]
Représentée par Me David FOUCHARD, membre de la SELARL CABINET D'AVOCATS PORTALIS ASSOCIES - CAPA, avocat au barreau de DIJON, vestiaire : 45
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 1er juillet 2025 en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Viviane CAULLIREAU-FOREL, Président de chambre, et Bénédicte KUENTZ, Conseiller. Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries lors du délibéré, la cour étant alors composée de :
Viviane CAULLIREAU-FOREL, Président de chambre,
Michèle BRUGERE, Conseiller,
Bénédicte KUENTZ, Conseiller,
qui en ont délibéré.
GREFFIER LORS DES DÉBATS : Aurore VUILLEMOT, Greffier
DÉBATS : l'affaire a été mise en délibéré au 30 Septembre 2025,
ARRÊT : rendu contradictoirement,
PRONONCÉ : publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,
SIGNÉ : par Bénédicte KUENTZ, conseiller, en remplacement du président empêché, et par Aurore VUILLEMOT, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
*****
FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES
M. [L] [F] exerçait la profession de commissaire priseur à Chalon sur Saône et il était gérant de la SARL [8] ([8]) et de la SCI [7], constituée au cours de l'année 2005 avec son épouse.
Sur les conseils de Maître [B], avocat spécialisé en droit fiscal et droit des sociétés, écrits dans un courrier du 27 mars 2012, M. [F] a fait acquérir les parts sociales de la SCI [7] par la SARL [8], selon acte rédigé par Maître [B] et signé le 20 décembre 2012.
Selon un audit de la situation patrimoniale et financière de M. [F], réalisé le 26 octobre 2016 par M. [W], expert-comptable, la cession prématurée en 2012 des parts sociales de la SCI [7] aurait généré une perte des déficits fonciers antérieurs et causé un préjudice s'élevant à 84 750 euros au titre de l'impôt sur le revenu et la CSG et de 35 000 euros au titre des impôts sur les sociétés.
Par acte du 30 janvier 2020, M. [F] et la SARL [8] ont introduit une action en responsabilité à l'encontre de la Selarl [B] [1], aux fins essentiellement d'obtenir des dommages-intérêts à hauteur de 100 000 euros pour M. [F] et de 50 000 euros pour la SARL [8].
Par jugement du 7 février 2022, le tribunal judiciaire de Dijon a :
- débouté M. [F] et la [8] de leur action en responsabilité contre la Selarl [B] [1] faute de prouver la faute de Maître [B] et la réalité de leur préjudice,
- condamné M. [F] à verser la somme de 2 000 euros à la Selarl [B] [1],
- condamné M. [F] et la [8] aux entiers dépens.
M. [L] [F] a relevé appel de ce jugement par déclaration reçue au greffe le 16 mars 2022.
Une seconde déclaration d'appel a été régularisée par M. [F] le 17 mars 2022, mentionnant la nouvelle adresse de l'appelant.
Les deux procédures d'appel ont été jointes par ordonnance du magistrat de la mise en état du 31 mars 2022.
Par arrêt du 19 septembre 2023, la cour a :
- dit que Maître [B] a commis une faute lors de l'établissement de l'acte de cession des parts sociales de la SCI [7] au profit de la SARL [8] signé le 20 décembre 2012,
- avant dire droit sur l'existence du préjudice résultant de cette faute, ordonné, aux frais avancés de M. [F], une expertise finalement confiée à M. [H] [P], dont la mission était la suivante :
1 se faire communiquer les documents comptables et fiscaux des exercices 2012 à 2016 détenus par la société [8], les documents comptables et fiscaux de la SCI [7] des exercices 2008 à 2012, et les déclarations fiscales et avis d'imposition de M. [L] [F] des années 2011 à 2016,
2° déterminer si la perte de la déduction de déficits fonciers résultant de la cession des parts de la SCI [7] au profit de la SARL [8] a eu une incidence sur l'imposition de M. [L] [F],
3 dans l'affirmative, évaluer l'imposition supplémentaire à la charge de M. [F], en tenant compte de l'économie d'imposition résultant de l'opération litigieuse,
4 fournir à la juridiction saisie tout élément utile lui permettant d'évaluer le préjudice financier résultant pour M. [F] du manquement à son devoir de conseil de Maître [B],
- sursis à statuer sur l'ensemble des demandes formées par les parties,
- réservé les dépens et l'application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
M. [P] a rendu son rapport définitif le 10 janvier 2025.
Aux termes du dispositif de ses conclusions notifiées le 27 mars 2025, M. [F] demande à la cour, au visa de l'ancien article 1147 du code civil et des articles 1991 et suivants du même code, de :
- infirmer le jugement dont appel en ce qu'il l'a :
. débouté de son action en responsabilité
. condamné aux dépens et à payer à la Selarl [B] [1] la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
Statuant à nouveau,
- à titre principal, condamner la Selarl [B] [1] à lui payer la somme de 136 143 euros de dommages-intérêts,
- à titre subsidiaire, condamner la Selarl [B] [1] à lui payer la somme de 80 833 euros de dommages-intérêts,
- en toute hypothèse,
. débouter la Selarl [B] [1] de toutes ses demandes, fins et conclusions,
. condamner la Selarl [B] [1] aux entiers dépens de première instance et d'appel, qui comprendront notamment les frais de l'expertise, et à lui payer la somme de 8 000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile.
Aux termes du dispositif de ses conclusions notifiées le 16 mai 2025, la Selarl [B] [1] demande à la cour de :
- confirmer intégralement le jugement dont appel et débouter 'les appelants de toutes leurs demandes',
- condamner M. [L] [F] aux entiers dépens et à lui payer la somme de 5 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel.
Conformément à l'article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux écritures des parties pour l'exposé des moyens développés au soutien de leurs prétentions.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 19 juin 2025.
A l'audience du 1er juillet 2025, la cour a invité les parties à présenter leurs observations sur la nature du préjudice allégué par M. [F], susceptible de n'être constitué que par une perte de chance.
Par note en délibéré du 10 juillet 2025, la Selarl [B] [1] a rappelé qu'à son sens, M. [F] ne justifiait d'aucun préjudice et que le but de la cession était de dégager des liquidités ; à titre subsidiaire, elle a exposé qu'il était possible de raisonner en termes de perte de chance, celle-ci étant toutefois difficilement appréciable car dépendant notamment des décisions qu'aurait prises M. [F], ultérieurement à la cession, quant à l'emploi des fonds récupérés.
Par notes en délibéré des 9 et 11 juillet 2025, M. [F] a contesté avoir sollicité Maître [B] pour dégager des liquidités en précisant qu'il l'avait fait car sa 'trésorerie était assez tendue'. Il a rappelé avoir droit à la réparation de l'intégralité de son préjudice ; à titre subsidiaire, si la cour retenait que son préjudice est une perte de chance, il a demandé que 'la proportion de son préjudice à indemniser soit le plus large possible'.
MOTIVATION
A titre liminaire, la cour rappelle que la faute reprochée à Maître [B] consiste à avoir émis un conseil -celui de céder les parts de la SCI [7] à la SARL [8]- et à avoir réalisé cette cession en décembre 2012, sans s'être fait préalablement communiquer les déclarations de revenus et les avis d'imposition de M. [F], et donc sans avoir mesuré les conséquences de cette cession sur la situation personnelle de celui-ci.
Lors des opérations d'expertise et dans ses dernières conclusions, l'intimée a remis en cause l'existence du déficit foncier reportable (DFR) de 150 463 euros figurant dans l'avis d'imposition 2012 au titre des revenus de M. [F] de l'année 2011, aux motifs que :
- ce DFR se fonde sur celui de 182 045 euros existant au 31 décembre 2009, lequel était erroné puisque Mme [F] étant décédée le [Date décès 3] 2008, le DFR n'aurait dû être que de 91 202 euros au 31 décembre 2009,
- réduit de moitié à 91 202 euros, le DFR aurait été 'consommé' en 2010 et 2011, soit avant la cession des parts sociales de la SCI [7] réalisée fin 2012.
Toutefois, ainsi que l'expose M. [F], le décès de son épouse n'aurait eu pour effet de réduire de moitié le montant du DFR que s'ils avaient été mariés sous le régime de la communauté légale ; or, ils avaient opté pour le régime de la communauté universelle.
Par ailleurs, il ressort de l'annexe 35 au rapport d'expertise, qu'un agent principal des impôts, affecté au centre des finances publiques de [Localité 6] a 'validé' l'avis d'imposition 2011 au titre des seuls revenus de M. [F] de l'année 2010, sur lequel il apparaît un DFR de 180 514 euros.
En toute hypothèse, la cour observe que l'administration fiscale n'a jamais remis en cause le montant du DFR porté de manière constante sur tous les avis d'imposition des époux [F], puis de M. [F] seul, depuis la naissance de ce déficit jusqu'en 2017 (cf pièce 24 de l'appelant).
En conséquence, la cour retient l'existence de ce DFR comme certaine.
Il est manifeste au regard des conclusions claires et démonstratives de l'expert, non discutées par les parties, que la cession des parts de la SCI [7] à la SARL [8], intervenue en décembre 2012, n'a eu aucune incidence sur le montant des impôts payés par M. [F] au titre des années postérieures à la cession.
La demande indemnitaire de M. [F] ne tend d'ailleurs pas à réparer un préjudice constitué par des impositions qu'il n'aurait pas eu à supporter si la cession n'avait pas eu lieu.
M. [F] soutient que si Maître [B] avait apprécié les incidences de la cession sur sa situation personnelle, il lui aurait conseillé de la différer de quatre ans, si bien qu'il n'aurait pas rédigé l'acte signé en décembre 2012.
Le raisonnement est le suivant, l'expert l'ayant explicité en pages 29 et suivantes de son rapport. Il consiste à comparer ce qui s'est effectivement passé postérieurement à la cession de décembre 2012 et ce qui se serait probablement passé si la cession avait été différée à décembre 2016, dans l'hypothèse en outre où :
- d'une part, le prix de la cession aurait été identique, soit 450 000 euros
- d'autre part, les modalités du paiement de ce prix auraient également été identiques avec
. un paiement comptant à hauteur du solde du prêt souscrit par M. [F] (et son épouse) afin de souscrire au capital social de la SCI [7] ; ce paiement aurait ainsi été de 200 193 euros, au lieu de 353 201 euros en 2012,
. un crédit-vendeur pour le solde du prix, qui s'est traduit finalement par une augmentation du compte courant d'associé de M. [F] au sein de la [8], de 249 807 euros au lieu de 96 799 euros, soit une différence de 153 008 euros.
Il ressort du rapport d'expertise (pages 33 et 34) que
- consécutivement à la cession de 2012, du fait de la perception par la [8] de revenus fonciers imposés au titre de l'impôt sur les sociétés, celle-ci a réalisé sur 4 ans un bénéfice supplémentaire net de 159 636 euros, sur lequel M. [F] a pu obtenir, dès 2013, des revenus personnels supplémentaires fiscalisés,
- si la cession était intervenue dans les conditions décrites ci-dessus en 2016, M. [F] aurait eu la possibilité d'obtenir des revenus personnels supplémentaires défiscalisés, à hauteur de 153 008 euros, mais seulement à compter de 2017, étant observé que dans ce cas, il aurait dû pendant 4 ans payer les intérêts de l'emprunt, soldé par anticipation en 2012, ce à hauteur de 45 788 euros.
Il ressort clairement du tableau figurant en page 38 du rapport d'expertise qu'en comparant les deux situations, M. [F] aurait pu bénéficier d'un enrichissement supplémentaire de 80 833 euros.
Cette somme constitue la demande indemnitaire présentée à titre subsidiaire par M. [F].
A titre principal, M. [F] présente une demande indemnitaire à hauteur de 136 143 euros estimant que le tableau figurant en page 38 du rapport d'expertise doit être corrigé sur les deux points suivants.
' Selon M. [F], il conviendrait de déduire des bénéfices de la SCI [7] perçus par la [8] durant 4 ans, des intérêts d'emprunt à hauteur de 50 488 euros pendant 4 ans.
La cour rappelle que dans son courrier du 27 mars 2012, Maître [B] avait envisagé que la cession intervienne :
- soit aux modalités décrites ci-dessus,
- soit sous réserve de l'accord de la banque, au moyen notamment d'une prise en charge par la [8] du prêt initialement souscrit à titre personnel par M. [F] (et son épouse).
Dès lors que la [8] n'est pas devenue débitrice du prêt au lieu et place de M. [F], qui l'a remboursé par anticipation, les intérêts qu'il entend déduire (cf dernier tableau en page 10/13 de ses conclusions) ne peuvent pas être fondés sur la reprise de ce prêt.
S'il a été convenu dans l'acte de cession que la somme de 96 799 euros (soit la part du prix de vente non affectée au remboursement par anticipation du prêt) était productive d'intérêts au taux de 2,5 % l'an, elle devait être réglée au plus tard le 30 juin 2023, si bien qu'elle n'a pu produire des intérêts pendant 4 ans.
En conséquence, la première correction apportée par M. [F] au tableau figurant en page 38 du rapport d'expertise ne peut pas être retenue par la cour.
' La seconde correction est présentée comme consécutive à la première puisqu'il s'agirait de corriger à la hausse le montant de l'impôt sur les sociétés en fonction des intérêts d'emprunt considérés ci-dessus : cf le § figurant sous le titre en page 9/13 des conclusions de M. [F].
Au regard de ce qui précède, la cour ne peut pas davantage retenir cette seconde correction.
En conséquence, la demande indemnitaire principale de M. [F] ne peut qu'être rejetée.
Le raisonnement exposé ci-dessus reposant sur une superposition d'hypothèses, le préjudice subi par M. [F] doit nécessairement être envisagé en termes de perte de chance et ne peut être égal à la somme de 80 833 euros.
Il convient en premier lieu de déterminer si cette perte de chance est sérieuse et donc d'apprécier si M. [F] aurait accepté de différer la cession des parts de la SCI [7] à la [8] de quatre années, en étant informé de toutes les conséquences de ce différé.
Il y a lieu pour répondre à cette question de se replacer dans la situation qui était celle de M. [F] en 2012 et d'analyser les raisons pour lesquelles il a consulté Maître [B].
Même si les parties l'ont exprimé différemment, il ressort de leurs notes en délibéré que la préoccupation de M. [F] était le montant de ses ressources personnelles. Ceci est d'ailleurs confirmé dans la note adressée à l'expert, le 12 septembre 2024, par le cabinet [W] (cf premier § de la page 3/5 de cette note).
L'analyse de l'évolution du montant et de la nature des revenus annuels de M. [F] révèle qu'ils ont sensiblement augmenté immédiatement après la cession, soit en 2013, 2014 et 2015, par rapport à 2011 et 2012 et que cette augmentation a été essentiellement liée à celle de ses revenus non commerciaux, le niveau de ses 'pensions, retraites ou rentes' et de ses salaires restant relativement stable.
C'est ainsi que ses revenus pour 2012, année précédant immédiatement la cession, se sont élevés à 137 717 euros dont 51 669 euros de revenus non commerciaux procurés par la [8], alors que les mêmes chiffres sont de :
- 189 811 euros et 115 883 euros pour 2013
- 165 246 euros et 83 742 euros pour 2014
- 173 872 euros et 89 122 pour 2015.
Ceci est également confirmé dans la note du cabinet [W] du 12 septembre 2024, qui constate que M. [F] avait des charges financières personnelles conséquentes et que ses revenus de 2012 étaient insuffisants, si bien qu'il a consommé l'intégralité de son compte courant d'associé dans la [8] en trois ans, compte pourtant augmenté de près de 100 000 euros du fait de la cession intervenue en 2012.
Il ressort de ces éléments que M. [F] avait un réel besoin de trésorerie rapide, qu'il a pu satisfaire immédiatement après la cession.
Dans ces circonstances, il n'est pas certain qu'il aurait accepté de maintenir pendant quatre années supplémentaires, sa situation telle qu'elle était en 2011 et 2012, étant rappelé que les loyers produits par les biens dont la SCI [7] était propriétaire étaient intégralement absorbés par le remboursement du prêt qu'il avait souscrit et que, de ce fait, la vente des parts de la SCI [7] n'a finalement pas modifié sa situation personnelle mais a contribué à améliorer sensiblement, en tout cas temporairement, celle de la [8], et donc par ricochet sa propre situation.
Il est d'autant moins certain qu'il aurait accepté de différer la cession durant quatre ans, qu'aucun élément du dossier, même lu a posteriori, ne permet raisonnablement d'escompter que sans cette cession, les résultats de la [8] auraient progressé, ni d'être assuré qu'elle aurait pu en décembre 2016 débourser la somme de 450 000 euros payée en décembre 2012.
Ainsi, M. [F] échouant à démontrer qu'il a perdu une réelle chance de différer la cession des parts de la SCI [7] jusqu'en décembre 2016, la cour ne peut que confirmer le jugement dont appel en ce qu'il l'a débouté de sa demande indemnitaire.
Conformément à l'article 696 du code de procédure civile, il convient de confirmer la disposition du jugement dont appel relative aux dépens de première instance et de condamner M. [F] aux dépens d'appel, comprenant les frais d'expertise.
Les conditions d'application de l'article 700 du code de procédure civile ne sont réunies qu'en faveur de la Selarl [B] [1]. La cour confirme le jugement dont appel en ce qu'il lui a alloué une indemnité procédurale de 2 000 euros au titre des frais non compris dans les dépens exposés en première instance et met à la charge de M. [F] une somme complémentaire de 2 000 euros au titre des mêmes frais que l'intimée a été contrainte d'exposer en cause d'appel.
PAR CES MOTIFS,
La cour,
Confirme le jugement dont appel en toutes ses dispositions,
Y ajoutant,
Condamne M. [L] [F] :
- aux dépens d'appel comprenant les frais de l'expertise judiciaire,
- à payer à la Selarl [B] [1] la somme de 2 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel.
Le greffier P/ Le président empêché
C/
S.E.L.A.R.L. [B] [1]
expédition et copie exécutoire
délivrées aux avocats le
COUR D'APPEL DE DIJON
1re chambre civile
ARRÊT DU 30 SEPTEMBRE 2025
N° RG 22/00326 - N° Portalis DBVF-V-B7G-F456
MINUTE N°
Décision déférée à la Cour : jugement du 07 février 2022,
rendu par le tribunal judiciaire de Dijon - RG : 20/00272
APPELANT :
Monsieur [L] [F]
[Adresse 4]
[Localité 5]
Représenté par Me Florent SOULARD, membre de la SCP SOULARD- RAIMBAULT, avocat au barreau de DIJON, vestiaire : 127
INTIMÉE :
S.E.L.A.R.L. [B] [1] prise en la personne de ses représentants légaux en exercice domiciliés en cette qualité au siège social :
[Adresse 2]
[Localité 6]
Représentée par Me David FOUCHARD, membre de la SELARL CABINET D'AVOCATS PORTALIS ASSOCIES - CAPA, avocat au barreau de DIJON, vestiaire : 45
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 1er juillet 2025 en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Viviane CAULLIREAU-FOREL, Président de chambre, et Bénédicte KUENTZ, Conseiller. Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries lors du délibéré, la cour étant alors composée de :
Viviane CAULLIREAU-FOREL, Président de chambre,
Michèle BRUGERE, Conseiller,
Bénédicte KUENTZ, Conseiller,
qui en ont délibéré.
GREFFIER LORS DES DÉBATS : Aurore VUILLEMOT, Greffier
DÉBATS : l'affaire a été mise en délibéré au 30 Septembre 2025,
ARRÊT : rendu contradictoirement,
PRONONCÉ : publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,
SIGNÉ : par Bénédicte KUENTZ, conseiller, en remplacement du président empêché, et par Aurore VUILLEMOT, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
*****
FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES
M. [L] [F] exerçait la profession de commissaire priseur à Chalon sur Saône et il était gérant de la SARL [8] ([8]) et de la SCI [7], constituée au cours de l'année 2005 avec son épouse.
Sur les conseils de Maître [B], avocat spécialisé en droit fiscal et droit des sociétés, écrits dans un courrier du 27 mars 2012, M. [F] a fait acquérir les parts sociales de la SCI [7] par la SARL [8], selon acte rédigé par Maître [B] et signé le 20 décembre 2012.
Selon un audit de la situation patrimoniale et financière de M. [F], réalisé le 26 octobre 2016 par M. [W], expert-comptable, la cession prématurée en 2012 des parts sociales de la SCI [7] aurait généré une perte des déficits fonciers antérieurs et causé un préjudice s'élevant à 84 750 euros au titre de l'impôt sur le revenu et la CSG et de 35 000 euros au titre des impôts sur les sociétés.
Par acte du 30 janvier 2020, M. [F] et la SARL [8] ont introduit une action en responsabilité à l'encontre de la Selarl [B] [1], aux fins essentiellement d'obtenir des dommages-intérêts à hauteur de 100 000 euros pour M. [F] et de 50 000 euros pour la SARL [8].
Par jugement du 7 février 2022, le tribunal judiciaire de Dijon a :
- débouté M. [F] et la [8] de leur action en responsabilité contre la Selarl [B] [1] faute de prouver la faute de Maître [B] et la réalité de leur préjudice,
- condamné M. [F] à verser la somme de 2 000 euros à la Selarl [B] [1],
- condamné M. [F] et la [8] aux entiers dépens.
M. [L] [F] a relevé appel de ce jugement par déclaration reçue au greffe le 16 mars 2022.
Une seconde déclaration d'appel a été régularisée par M. [F] le 17 mars 2022, mentionnant la nouvelle adresse de l'appelant.
Les deux procédures d'appel ont été jointes par ordonnance du magistrat de la mise en état du 31 mars 2022.
Par arrêt du 19 septembre 2023, la cour a :
- dit que Maître [B] a commis une faute lors de l'établissement de l'acte de cession des parts sociales de la SCI [7] au profit de la SARL [8] signé le 20 décembre 2012,
- avant dire droit sur l'existence du préjudice résultant de cette faute, ordonné, aux frais avancés de M. [F], une expertise finalement confiée à M. [H] [P], dont la mission était la suivante :
1 se faire communiquer les documents comptables et fiscaux des exercices 2012 à 2016 détenus par la société [8], les documents comptables et fiscaux de la SCI [7] des exercices 2008 à 2012, et les déclarations fiscales et avis d'imposition de M. [L] [F] des années 2011 à 2016,
2° déterminer si la perte de la déduction de déficits fonciers résultant de la cession des parts de la SCI [7] au profit de la SARL [8] a eu une incidence sur l'imposition de M. [L] [F],
3 dans l'affirmative, évaluer l'imposition supplémentaire à la charge de M. [F], en tenant compte de l'économie d'imposition résultant de l'opération litigieuse,
4 fournir à la juridiction saisie tout élément utile lui permettant d'évaluer le préjudice financier résultant pour M. [F] du manquement à son devoir de conseil de Maître [B],
- sursis à statuer sur l'ensemble des demandes formées par les parties,
- réservé les dépens et l'application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
M. [P] a rendu son rapport définitif le 10 janvier 2025.
Aux termes du dispositif de ses conclusions notifiées le 27 mars 2025, M. [F] demande à la cour, au visa de l'ancien article 1147 du code civil et des articles 1991 et suivants du même code, de :
- infirmer le jugement dont appel en ce qu'il l'a :
. débouté de son action en responsabilité
. condamné aux dépens et à payer à la Selarl [B] [1] la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
Statuant à nouveau,
- à titre principal, condamner la Selarl [B] [1] à lui payer la somme de 136 143 euros de dommages-intérêts,
- à titre subsidiaire, condamner la Selarl [B] [1] à lui payer la somme de 80 833 euros de dommages-intérêts,
- en toute hypothèse,
. débouter la Selarl [B] [1] de toutes ses demandes, fins et conclusions,
. condamner la Selarl [B] [1] aux entiers dépens de première instance et d'appel, qui comprendront notamment les frais de l'expertise, et à lui payer la somme de 8 000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile.
Aux termes du dispositif de ses conclusions notifiées le 16 mai 2025, la Selarl [B] [1] demande à la cour de :
- confirmer intégralement le jugement dont appel et débouter 'les appelants de toutes leurs demandes',
- condamner M. [L] [F] aux entiers dépens et à lui payer la somme de 5 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel.
Conformément à l'article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux écritures des parties pour l'exposé des moyens développés au soutien de leurs prétentions.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 19 juin 2025.
A l'audience du 1er juillet 2025, la cour a invité les parties à présenter leurs observations sur la nature du préjudice allégué par M. [F], susceptible de n'être constitué que par une perte de chance.
Par note en délibéré du 10 juillet 2025, la Selarl [B] [1] a rappelé qu'à son sens, M. [F] ne justifiait d'aucun préjudice et que le but de la cession était de dégager des liquidités ; à titre subsidiaire, elle a exposé qu'il était possible de raisonner en termes de perte de chance, celle-ci étant toutefois difficilement appréciable car dépendant notamment des décisions qu'aurait prises M. [F], ultérieurement à la cession, quant à l'emploi des fonds récupérés.
Par notes en délibéré des 9 et 11 juillet 2025, M. [F] a contesté avoir sollicité Maître [B] pour dégager des liquidités en précisant qu'il l'avait fait car sa 'trésorerie était assez tendue'. Il a rappelé avoir droit à la réparation de l'intégralité de son préjudice ; à titre subsidiaire, si la cour retenait que son préjudice est une perte de chance, il a demandé que 'la proportion de son préjudice à indemniser soit le plus large possible'.
MOTIVATION
A titre liminaire, la cour rappelle que la faute reprochée à Maître [B] consiste à avoir émis un conseil -celui de céder les parts de la SCI [7] à la SARL [8]- et à avoir réalisé cette cession en décembre 2012, sans s'être fait préalablement communiquer les déclarations de revenus et les avis d'imposition de M. [F], et donc sans avoir mesuré les conséquences de cette cession sur la situation personnelle de celui-ci.
Lors des opérations d'expertise et dans ses dernières conclusions, l'intimée a remis en cause l'existence du déficit foncier reportable (DFR) de 150 463 euros figurant dans l'avis d'imposition 2012 au titre des revenus de M. [F] de l'année 2011, aux motifs que :
- ce DFR se fonde sur celui de 182 045 euros existant au 31 décembre 2009, lequel était erroné puisque Mme [F] étant décédée le [Date décès 3] 2008, le DFR n'aurait dû être que de 91 202 euros au 31 décembre 2009,
- réduit de moitié à 91 202 euros, le DFR aurait été 'consommé' en 2010 et 2011, soit avant la cession des parts sociales de la SCI [7] réalisée fin 2012.
Toutefois, ainsi que l'expose M. [F], le décès de son épouse n'aurait eu pour effet de réduire de moitié le montant du DFR que s'ils avaient été mariés sous le régime de la communauté légale ; or, ils avaient opté pour le régime de la communauté universelle.
Par ailleurs, il ressort de l'annexe 35 au rapport d'expertise, qu'un agent principal des impôts, affecté au centre des finances publiques de [Localité 6] a 'validé' l'avis d'imposition 2011 au titre des seuls revenus de M. [F] de l'année 2010, sur lequel il apparaît un DFR de 180 514 euros.
En toute hypothèse, la cour observe que l'administration fiscale n'a jamais remis en cause le montant du DFR porté de manière constante sur tous les avis d'imposition des époux [F], puis de M. [F] seul, depuis la naissance de ce déficit jusqu'en 2017 (cf pièce 24 de l'appelant).
En conséquence, la cour retient l'existence de ce DFR comme certaine.
Il est manifeste au regard des conclusions claires et démonstratives de l'expert, non discutées par les parties, que la cession des parts de la SCI [7] à la SARL [8], intervenue en décembre 2012, n'a eu aucune incidence sur le montant des impôts payés par M. [F] au titre des années postérieures à la cession.
La demande indemnitaire de M. [F] ne tend d'ailleurs pas à réparer un préjudice constitué par des impositions qu'il n'aurait pas eu à supporter si la cession n'avait pas eu lieu.
M. [F] soutient que si Maître [B] avait apprécié les incidences de la cession sur sa situation personnelle, il lui aurait conseillé de la différer de quatre ans, si bien qu'il n'aurait pas rédigé l'acte signé en décembre 2012.
Le raisonnement est le suivant, l'expert l'ayant explicité en pages 29 et suivantes de son rapport. Il consiste à comparer ce qui s'est effectivement passé postérieurement à la cession de décembre 2012 et ce qui se serait probablement passé si la cession avait été différée à décembre 2016, dans l'hypothèse en outre où :
- d'une part, le prix de la cession aurait été identique, soit 450 000 euros
- d'autre part, les modalités du paiement de ce prix auraient également été identiques avec
. un paiement comptant à hauteur du solde du prêt souscrit par M. [F] (et son épouse) afin de souscrire au capital social de la SCI [7] ; ce paiement aurait ainsi été de 200 193 euros, au lieu de 353 201 euros en 2012,
. un crédit-vendeur pour le solde du prix, qui s'est traduit finalement par une augmentation du compte courant d'associé de M. [F] au sein de la [8], de 249 807 euros au lieu de 96 799 euros, soit une différence de 153 008 euros.
Il ressort du rapport d'expertise (pages 33 et 34) que
- consécutivement à la cession de 2012, du fait de la perception par la [8] de revenus fonciers imposés au titre de l'impôt sur les sociétés, celle-ci a réalisé sur 4 ans un bénéfice supplémentaire net de 159 636 euros, sur lequel M. [F] a pu obtenir, dès 2013, des revenus personnels supplémentaires fiscalisés,
- si la cession était intervenue dans les conditions décrites ci-dessus en 2016, M. [F] aurait eu la possibilité d'obtenir des revenus personnels supplémentaires défiscalisés, à hauteur de 153 008 euros, mais seulement à compter de 2017, étant observé que dans ce cas, il aurait dû pendant 4 ans payer les intérêts de l'emprunt, soldé par anticipation en 2012, ce à hauteur de 45 788 euros.
Il ressort clairement du tableau figurant en page 38 du rapport d'expertise qu'en comparant les deux situations, M. [F] aurait pu bénéficier d'un enrichissement supplémentaire de 80 833 euros.
Cette somme constitue la demande indemnitaire présentée à titre subsidiaire par M. [F].
A titre principal, M. [F] présente une demande indemnitaire à hauteur de 136 143 euros estimant que le tableau figurant en page 38 du rapport d'expertise doit être corrigé sur les deux points suivants.
' Selon M. [F], il conviendrait de déduire des bénéfices de la SCI [7] perçus par la [8] durant 4 ans, des intérêts d'emprunt à hauteur de 50 488 euros pendant 4 ans.
La cour rappelle que dans son courrier du 27 mars 2012, Maître [B] avait envisagé que la cession intervienne :
- soit aux modalités décrites ci-dessus,
- soit sous réserve de l'accord de la banque, au moyen notamment d'une prise en charge par la [8] du prêt initialement souscrit à titre personnel par M. [F] (et son épouse).
Dès lors que la [8] n'est pas devenue débitrice du prêt au lieu et place de M. [F], qui l'a remboursé par anticipation, les intérêts qu'il entend déduire (cf dernier tableau en page 10/13 de ses conclusions) ne peuvent pas être fondés sur la reprise de ce prêt.
S'il a été convenu dans l'acte de cession que la somme de 96 799 euros (soit la part du prix de vente non affectée au remboursement par anticipation du prêt) était productive d'intérêts au taux de 2,5 % l'an, elle devait être réglée au plus tard le 30 juin 2023, si bien qu'elle n'a pu produire des intérêts pendant 4 ans.
En conséquence, la première correction apportée par M. [F] au tableau figurant en page 38 du rapport d'expertise ne peut pas être retenue par la cour.
' La seconde correction est présentée comme consécutive à la première puisqu'il s'agirait de corriger à la hausse le montant de l'impôt sur les sociétés en fonction des intérêts d'emprunt considérés ci-dessus : cf le § figurant sous le titre en page 9/13 des conclusions de M. [F].
Au regard de ce qui précède, la cour ne peut pas davantage retenir cette seconde correction.
En conséquence, la demande indemnitaire principale de M. [F] ne peut qu'être rejetée.
Le raisonnement exposé ci-dessus reposant sur une superposition d'hypothèses, le préjudice subi par M. [F] doit nécessairement être envisagé en termes de perte de chance et ne peut être égal à la somme de 80 833 euros.
Il convient en premier lieu de déterminer si cette perte de chance est sérieuse et donc d'apprécier si M. [F] aurait accepté de différer la cession des parts de la SCI [7] à la [8] de quatre années, en étant informé de toutes les conséquences de ce différé.
Il y a lieu pour répondre à cette question de se replacer dans la situation qui était celle de M. [F] en 2012 et d'analyser les raisons pour lesquelles il a consulté Maître [B].
Même si les parties l'ont exprimé différemment, il ressort de leurs notes en délibéré que la préoccupation de M. [F] était le montant de ses ressources personnelles. Ceci est d'ailleurs confirmé dans la note adressée à l'expert, le 12 septembre 2024, par le cabinet [W] (cf premier § de la page 3/5 de cette note).
L'analyse de l'évolution du montant et de la nature des revenus annuels de M. [F] révèle qu'ils ont sensiblement augmenté immédiatement après la cession, soit en 2013, 2014 et 2015, par rapport à 2011 et 2012 et que cette augmentation a été essentiellement liée à celle de ses revenus non commerciaux, le niveau de ses 'pensions, retraites ou rentes' et de ses salaires restant relativement stable.
C'est ainsi que ses revenus pour 2012, année précédant immédiatement la cession, se sont élevés à 137 717 euros dont 51 669 euros de revenus non commerciaux procurés par la [8], alors que les mêmes chiffres sont de :
- 189 811 euros et 115 883 euros pour 2013
- 165 246 euros et 83 742 euros pour 2014
- 173 872 euros et 89 122 pour 2015.
Ceci est également confirmé dans la note du cabinet [W] du 12 septembre 2024, qui constate que M. [F] avait des charges financières personnelles conséquentes et que ses revenus de 2012 étaient insuffisants, si bien qu'il a consommé l'intégralité de son compte courant d'associé dans la [8] en trois ans, compte pourtant augmenté de près de 100 000 euros du fait de la cession intervenue en 2012.
Il ressort de ces éléments que M. [F] avait un réel besoin de trésorerie rapide, qu'il a pu satisfaire immédiatement après la cession.
Dans ces circonstances, il n'est pas certain qu'il aurait accepté de maintenir pendant quatre années supplémentaires, sa situation telle qu'elle était en 2011 et 2012, étant rappelé que les loyers produits par les biens dont la SCI [7] était propriétaire étaient intégralement absorbés par le remboursement du prêt qu'il avait souscrit et que, de ce fait, la vente des parts de la SCI [7] n'a finalement pas modifié sa situation personnelle mais a contribué à améliorer sensiblement, en tout cas temporairement, celle de la [8], et donc par ricochet sa propre situation.
Il est d'autant moins certain qu'il aurait accepté de différer la cession durant quatre ans, qu'aucun élément du dossier, même lu a posteriori, ne permet raisonnablement d'escompter que sans cette cession, les résultats de la [8] auraient progressé, ni d'être assuré qu'elle aurait pu en décembre 2016 débourser la somme de 450 000 euros payée en décembre 2012.
Ainsi, M. [F] échouant à démontrer qu'il a perdu une réelle chance de différer la cession des parts de la SCI [7] jusqu'en décembre 2016, la cour ne peut que confirmer le jugement dont appel en ce qu'il l'a débouté de sa demande indemnitaire.
Conformément à l'article 696 du code de procédure civile, il convient de confirmer la disposition du jugement dont appel relative aux dépens de première instance et de condamner M. [F] aux dépens d'appel, comprenant les frais d'expertise.
Les conditions d'application de l'article 700 du code de procédure civile ne sont réunies qu'en faveur de la Selarl [B] [1]. La cour confirme le jugement dont appel en ce qu'il lui a alloué une indemnité procédurale de 2 000 euros au titre des frais non compris dans les dépens exposés en première instance et met à la charge de M. [F] une somme complémentaire de 2 000 euros au titre des mêmes frais que l'intimée a été contrainte d'exposer en cause d'appel.
PAR CES MOTIFS,
La cour,
Confirme le jugement dont appel en toutes ses dispositions,
Y ajoutant,
Condamne M. [L] [F] :
- aux dépens d'appel comprenant les frais de l'expertise judiciaire,
- à payer à la Selarl [B] [1] la somme de 2 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel.
Le greffier P/ Le président empêché