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Décisions

CA Toulouse, 1re ch. sect. 1, 1 octobre 2025, n° 23/03074

TOULOUSE

Arrêt

Autre

CA Toulouse n° 23/03074

1 octobre 2025

01/10/2025

ARRÊT N° 25/ 379

N° RG 23/03074

N° Portalis DBVI-V-B7H-PVFC

MD - SC

Décision déférée du 17 Mai 2023

TJ de TOULOUSE - 20/00988

V. TAVERNIER

CONFIRMATION PARTIELLE

Grosse délivrée

le 01/10/2025

à

Me Olivier LERIDON

Me Myriam BOULE-DAFFONT

Me Emmanuel GIL

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

***

COUR D'APPEL DE TOULOUSE

1ere Chambre Section 1

***

ARRÊT DU 1er OCTOBRE DEUX MILLE VINGT CINQ

***

APPELANTE

AXA FRANCE IARD

[Adresse 2]

[Localité 5]

Représentée par Me Olivier LERIDON de la SCP LERIDON LACAMP, avocat au barreau de TOULOUSE

INTIMES

Monsieur [G] [U]

[Adresse 1]

[Localité 4]

Madame [R] [T] épouse [U]

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représentés par Me Myriam BOULE-DAFFONT, avocat au barreau de TOULOUSE

Monsieur [S] [O]

ès qualités de liquidateur amiable de la société DTP

'[Adresse 6]'

[Localité 3]

Représenté par Me Emmanuel GIL de la SCP SCPI BONNECARRERE SERVIERES GIL, avocat au barreau de TOULOUSE

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 03 juin 2025 en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant M. DEFIX, Président, chargé du rapport. Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

M. DEFIX, président

A.M ROBERT, conseillère

N. ASSELAIN, conseillère

qui en ont délibéré.

Greffière : lors des débats M. POZZOBON

ARRET :

- CONTRADICTOIRE

- prononcé publiquement par mise à disposition au greffe après avis aux parties

- signé par M. DEFIX, président et par M. POZZOBON, greffière

EXPOSÉ DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE

M. [G] [U] et Mme [R] [T] épouse [U] ont confié à la société à responsabilité limitée (Sarl) Dtp suivant devis du 7 novembre 2017, des travaux de réhabilitation de leur entrée et du parking de leur résidence principale, sise [Adresse 1] à[Localité 7]), pour un montant de 8 091,09 euros.

M. et Mme [U] ont réglé une facture d'acompte du 20 février 2018, d'un montant de 2 000 euros, puis la facture portant solde de ce chantier du 7 mars 2018, pour la somme de 5 564,58 euros. Les travaux n'ont pas fait l'objet d'un procès-verbal de réception.

M. et Mme [U] ont dénoncé des désordres à la Sarl Dtp, laquelle est venue les constater le 15 mars 2018.

Suivant ordonnance du juge des référés du tribunal de grande instance de Toulouse du 14 mars 2019, M. [N] a été désigné en qualité d'expert judiciaire, au contradictoire de la société DTP.

L'expert a déposé son rapport définitif le 31 janvier 2020.

-:-:-:-:-

Suivant exploit du 3 mars 2020, M. [G] [U] et Mme [R] [T] épouse [U] ont fait assigner devant le tribunal judiciaire de Toulouse la société DTP aux fins d'indemnisation de leurs préjudices.

Suivant exploit des 17 juin 2021, la société DTP a appelé en intervention forcée, aux fins de garantie la compagnie Axa, son assureur. La jonction de ces procédures a été prononcée le 1er juillet 2021.

Suivant exploit du 30 septembre 2021, faisant suite à la dissolution anticipée et à la liquidation amiable de la société DTP du 31 décembre 2020, M. et Mme [U] ont appelé dans la cause M. [S] [O], liquidateur amiable. La jonction de ces procédures a été ordonnée le 8 décembre 2021.

-:-:-:-:-

Par jugement réputé contradictoire du 17 mai 2023, le tribunal de judiciaire de Toulouse, a :

- constaté la réception tacite de ces travaux au 7 mars 2018,

- déclaré le rapport d'expertise de M. [N] du 31 janvier 2020, opposable à Axa France iard,

- déclaré la société DTP responsable sur le fondement de l'article 1792 du code civil des désordres subis par M. [G] [U] et Mme [R] [T] épouse [U],

- dit que le préjudice de M. [G] [U] et Mme [R] [T] épouse [U] occasionné par ces désordres s'élève aux sommes de 23 139,60 euros toutes taxes comprises et de 214,50 euros toutes taxes comprises,

- condamné la compagnie Axa France iard à garantir son assurée dans les termes et limites de la police souscrite,

- condamné solidairement la société DTP prise en la personne de son liquidateur amiable M. [S] [O] et la compagnie Axa France iard à payer à M. [G] [U] et Mme [R] [T] épouse [U], au titre de la réparation de ces désordres la somme de 23 139,60 euros toutes taxes comprises,

- condamné la société DTP prise en la personne de son liquidateur amiable M. [S] [O] à payer à M. [G] [U] et Mme [R] [T] épouse [U], au titre de la réparation de ces désordres la somme de 214,50 euros toutes taxes comprises,

- dit que les sommes précitées seront actualisées en fonction de l'évolution de l'indice BT01 depuis le 31 janvier 2020 jusqu'à la date du jugement,

- dit que les sommes précitées porteront intérêt au taux légal à compter du jugement,

- débouté M. [G] [U] et Mme [R] [T] épouse [U], de leur demande au titre du préjudice de jouissance,

- condamné solidairement la société DTP prise en la personne de son liquidateur amiable M. [S] [O] et la compagnie Axa France iard aux dépens, comprenant les frais d'expertise et autorisé Maître Boulet-Daffont à recouvrer directement contre la partie condamnée ceux des dépens dont elle aurait fait l'avance sans avoir reçu provision,

- condamné solidairement la société DTP prise en la personne de son liquidateur amiable M. [S] [O] et la compagnie Axa France iard à payer à M. [G] [U] et Mme [R] [T] épouse [U], la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- dit que la société DTP prise en la personne de son liquidateur amiable M. [S] [O] et la compagnie Axa France iard conservent à leur charge les frais engagés dans le cadre de la présente procédure,

- rappelé que l'exécution provisoire de la décision est de droit.

-:-:-:-:-

Par acte du 23 août 2023, Sa Axa France iard a interjeté appel de la décision rendue par le tribunal judiciaire de Toulouse.

PRÉTENTIONS DES PARTIES

Dans ses dernières conclusions transmises par voie électronique le 15 mai 2024,la Sa Axa France iard, appelante, demande à la cour, au visa des articles 1792 et suivants du code civil, ainsi que de l'article L112-6 du code des assurances, de :

à titre principal,

- réformer le jugement prononcé par le tribunal judiciaire de Toulouse le 17 mai 2023 en ce qu'il a retenu la garantie de la compagnie Axa France iard et l'a condamnée à indemniser M. [G] [U] et Mme [R] [T] épouse [U],

Statuant de nouveau,

- débouter la société DTP ainsi que M. [G] [U] et Mme [R] [T] épouse [U] de leurs demandes formulées à l'encontre d'Axa France iard,

- condamner la société DTP ou tout succombant à verser à la compagnie Axa une somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code procédure civile et les entiers dépens,

à titre subsidiaire,

- débouter M. [G] [U] et Mme [R] [T] épouse [U] de leur appel incident relatif au quantum des condamnations allouées,

en toute hypothèse,

- autoriser la compagnie Axa à opposer à tous le montant de sa franchise contractuelle applicables aux garanties facultatives du contrat.

Dans ses dernières conclusions transmises par voie électronique le 16 février 2024, M. [S] [O] ès qualités de liquidateur amiable de la Sarl DTP, intimé, demande à la cour, au visa des articles 1792 et suivants, 1792-6, 1353, 1217, 1231-1 et de l'article 1101 suivants du code civil, ainsi que de l'article 9 du code de procédure civile, de :

- confirmer en toutes ces dispositions le jugement rendu le 17 mai 2023 par le tribunal judiciaire de Toulouse,

- «dire et juger» que les désordres dont se plaint le maître de l'ouvrage revêtent un caractère décennal,

- «dire et juger» à défaut que les désordres dont se plaint le maître de l'ouvrage relèvent de la garantie dite de parfait achèvement,

- déclarer le rapport d'expertise judiciaire opposable à la compagnie Axa France iard,

- statuer ce que de droit sur l'évaluation des travaux de reprise réclamés par M. [G] [U] et Mme [R] [T] épouse [U],

- débouter M. [G] [U] et Mme [R] [T] épouse [U] de leurs demandes complémentaires à titre de trouble de jouissance, reprise des comptes, et sur le fondement de l'article 700 à l'encontre de la société DTP représentée par son liquidateur amiable,

- condamner la compagnie Axa France iard d'avoir à relever et garantir indemne la société DTP, prise en son liquidateur amiable, de l'intégralité des condamnations prononcées à son encontre en ce compris l'article 700, les dépens, le coût de l'expertise judiciaire, à l'exception de la franchise contractuelle susceptible d'être opposable,

- condamner enfin la compagnie Axa France iard, ou toutes parties succombantes, d'avoir à régler à la société DTP, prise en la personne de son liquidateur amiable, la somme de 3 000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

Dans leurs dernières conclusions, portant appel incident, transmises par voie électronique le 12 février 2024, M. [G] [U] et Mme [R] [T] épouse [U], intimés, demandent à la cour, au visa des article 1792, 1792-6 et suivants, 1217 et 1231-1 du code Civil, de :

- confirmer les dispositions suivantes du jugement rendu le 17 mai 2023 par le tribunal judiciaire de Toulouse et :

' prononcer la réception tacite de l'ouvrage le 7 mars 2018 avec les réserves suivantes:

' briques décollées,

' eau qui stagne,

' déclarer le rapport d'expertise de M. [N] du 31 janvier 2020 opposable à Axa Iard France,

' déclarer la société DTP, en liquidation et son liquidateur amiable, responsables sur le fondement de l'article 1792 du code civile et des désordres subis par M. [G] [U] et Mme [R] [T] épouse [U],

' condamner la compagnie Axa France iard à relever et garantir la Sarl DTP, société en liquidation, de toute condamnation prononcée à son encontre,

- infirmer le surplus des dispositions du jugement du 17 mai 2023, notamment quant aux sommes accordées M. [G] [U] et Mme [R] [T] épouse [U],

en conséquence et statuant de nouveau :

à titre principal, sur le fondement de l'article 1792 du code civil,

- condamner solidairement le liquidateur amiable de la Sarl DTP, société en liquidation et la compagnie Axa France iard , à la somme de 23 139,60 euros toutes taxes comprises, au titre de la reprise des travaux,

- «juger» que cette somme sera indexée sur l'indice du coût de la construction BT01 à compter de la date du dépôt du rapport d'expertise, soit du 31 janvier 2020 et jusqu'à la parfaite exécution de l'arrêt à intervenir,

- condamner solidairement le liquidateur amiable de la Sarl DTP, société en liquidation et la compagnie Axa France iard , à la somme de 500 euros toutes taxes comprises, au titre du préjudice de jouissance,

- «juger» que cette somme sera indexée sur l'indice du coût de la construction BT01 à compter de la date du dépôt du rapport d'expertise, soit du 31 janvier 2020 et jusqu'à la parfaite exécution de l'arrêt à intervenir,

- condamner solidairement le liquidateur amiable de la Sarl DTP, société en liquidation et la compagnie Axa France iard , à la somme de 403, 29 euros toutes taxes comprises, au titre des travaux payés mais non exécutés,

- «juger» que cette somme sera indexée sur l'indice du coût de la construction BT01 à compter de la date du dépôt du rapport d'expertise, soit du 31 janvier 2020 et jusqu'à la parfaite exécution de l'arrêt à intervenir,

à titre subsidiaire, sur le fondement de l'article 1792-6 du code civil,

- autoriser M. [G] [U] et Mme [R] [T] épouse [U] à faire exécuter les travaux de reprise par l'entreprise Nadau, [D] [V] ou toutes autres entreprises de leur choix aux frais exclusifs de la société DTP, société en liquidation, représentée par son liquidateur,

'et pour cela',

- condamner solidairement le liquidateur amiable de la Sarl DTP, société en liquidation et la compagnie Axa France iard, à la somme de 23 139, 60 euros toutes taxes comprises, au titre de la reprise des travaux,

- «juger» que cette somme sera indexée sur l'indice du coût de la construction BT01 à compter de la date du dépôt du rapport d'expertise, soit du 31 janvier 2020 et jusqu'à la parfaite exécution de l'arrêt à intervenir,

- condamner solidairement le liquidateur amiable de la Sarl DTP, société en liquidation et la compagnie Axa France iard, à la somme de 500 euros toutes taxes comprises, au titre du préjudice de jouissance,

- «juger» que cette somme sera indexée sur l'indice du coût de la construction BT01 à compter de la date du dépôt du rapport d'expertise, soit du 31 janvier 2020 et jusqu'à la parfaite exécution de l'arrêt à intervenir,

- condamner solidairement le liquidateur amiable de la Sarl DTP, société en liquidation et la compagnie Axa France iard, à la somme de 403,29 euros toutes taxes comprises, au titre des travaux payés mais non exécutés,

- «juger» que cette somme sera indexée sur l'indice du coût de la construction BT01 à compter de la date du dépôt du rapport d'expertise, soit du 31 janvier 2020 et jusqu'à la parfaite exécution de l'arrêt à intervenir

à titre infiniment subsidiaire, sur le fondement des articles 1217 et 1231-1 du code civil,

- «juger» que la société DTP, société en liquidation, a commis une faute dans l'exécution du contrat, source de préjudices pour M. [G] [U] et Mme [R] [T] épouse [U],

En conséquence,

- condamner solidairement le liquidateur amiable de la Sarl DTP, société en liquidation et la compagnie Axa France iard, à la somme de 23 139, 60 euros toutes taxes comprises, au titre de la reprise des travaux,

- «juger» que cette somme sera indexée sur l'indice du coût de la construction BT01 à compter de la date du dépôt du rapport d'expertise, soit du 31 janvier 2020 et jusqu'à la parfaite exécution de l'arrêt à intervenir,

- condamner solidairement le liquidateur amiable de la Sarl DTP, société en liquidation et la compagnie Axa France iard , à la somme de 500 euros toutes taxes comprises, au titre du préjudice de jouissance,

- «juger» que cette somme sera indexée sur l'indice du coût de la construction BT01 à compter de la date du dépôt du rapport d'expertise, soit du 31 janvier 2020 et jusqu'à la parfaite exécution de l'arrêt à intervenir,

- condamner solidairement le liquidateur amiable de la Sarl DTP, société en liquidation et la compagnie Axa France iard , à la somme de 403,29 euros toutes taxes comprises, au titre des travaux payés mais non exécutés,

- «juger» que cette somme sera indexée sur l'indice du coût de la construction BT 01 à compter de la date du dépôt du rapport d'expertise, soit du 31 janvier 2020 et jusqu'à la parfaite exécution de l'arrêt à intervenir,

en tout état de cause :

- condamner la compagnie Axa France iard à relever et garantir la Sarl DTP, société en liquidation, de toute condamnation prononcée à son encontre,

- condamner solidairement la Sarl DTP, société en liquidation, le liquidateur amiable et Axa France iard à la somme de 5 000 euros toutes taxes comprises, au titre de l'article 700 du cpc,

- condamner solidairement la Sarl DTP, société en liquidation, le liquidateur amiable et Axa France iard aux entiers dépens, y compris les frais d'expertise, dont distraction au profit de Maître Boule-Daffont, avocat sur son offre de droit.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 20 mai 2025 et l'affaire a été examinée à l'audience du 3 juin 2025 à 14h.

MOTIVATION DE LA DÉCISION

1. Sur l'opposabilité du rapport d'expertise, le premier juge a retenu que la Sa Axa France iard a eu connaissance des conclusions du rapport d'expertise judiciaire et qu'elle a pu en discuter et que dès lors qu'elle ne démontre pas l'existence d'une fraude à son encontre le rapport d'expertise lui est opposable. La Sa Axa France iard soutient qu'elle n'a pas été présente ni représentée lors des opérations d'expertise et qu'en conséquence le rapport d'expertise lui est inopposable.

1.1 Il résulte de l'article 16 du code de procédure civile que le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction. À ce titre l'assureur, qui, en connaissance des résultats de l'expertise dont le but est d'établir la réalité et l'étendue de la responsabilité de son assuré qu'il garantit, a eu la possibilité d'en discuter les conclusions, ne peut, sauf s'il y a eu fraude à son encontre, soutenir qu'elle lui est inopposable (Cass, 3ème Civ., 29 septembre 2016, n° 15-16.342 - Cass, 2ème Civ., 8 juin 2017, n° 16-19.832).

1.2 Il ressort des éléments du dossier que la Sa Axa France iard a été dûment assignée en première instance par les consorts [U] et a pu a cette occasion débattre des conclusions du rapport d'expertise régulièrement versé au débat. Dès lors qu'elle ne se prévaut d'aucune fraude et comme l'a retenu le premier juge, le rapport d'expertise judiciaire de M. [N] lui est opposable. Le jugement sera confirmé de ce chef.

2. Sur la réception tacite, le premier juge a estimé qu'il ressortait des échanges entre les maîtres d'ouvrage et l'entrepreneur ainsi que du paiement des factures une volonté d'accepter l'ouvrage et a constaté la réception tacite au 7 mars 2018. La Sa Axa France iard conteste qu'il y ait eu réception tacite de l'ouvrage et fait valoir qu'il ressort notamment du rapport d'expertise judiciaire que les maîtres d'ouvrage ont refusé la réception, que le solde a été facturé le 21 avril 2018 et non pas le 7 mars et qu'il ne ressort pas des faits de l'espèce une volonté non équivoque de recevoir l'ouvrage.

2.1 La cour rappelle que selon l'article 1792-6 du code civil, la réception est l'acte par lequel le maître de l'ouvrage déclare accepter l'ouvrage avec ou sans réserves. Elle intervient à la demande de la partie la plus diligente, soit à l'amiable, soit à défaut judiciairement. Il est par ailleurs de principe que la réception peut être tacite et résulter de la volonté non équivoque du maître d'ouvrage d'accepter l'ouvrage, caractérisée par la prise de possession jointe au paiement intégral ou quasi intégral du prix (Cass, 3e civ., 8 octobre 2013, n° 12-25.971 ; Cass. 3e civ., 24 novembre 2016, n°15-25.415). L'achèvement de l'ouvrage n'est pas une condition de la réception et la subsistance de réserves ne fait pas non plus obstacle à cette dernière (Cass. 3e civ., 7 juillet 2015, n° 14-17.115 ; Cass 3e civ., 18 avril 2019, n° 18-13.734).

2.2 Sur le paiement intégral du prix, il résulte du devis du 7 novembre 2017 et de la facture du 7 mars 2018 de la Sarl Dtp que la « réhabilitation du parking et entrée » a été convenue pour un prix de 8 091,09 euros et qu'il a été seulement versé 7 564,58 euros. Si la somme payée ne correspond pas au devis, cette différence s'explique, comme l'indique l'expert en page 2 du compte rendu du premier accedit par « la déduction de fourniture et pose de 357 briques au lieu de 500 », il en ressort donc que M. [U] a bien payé l'intégralité du marché et qu'aucune somme ne reste due à la Sarl Dtp

2.3 Sur le refus exprès de réceptionner l'ouvrage, l'expert judiciaire relève en page 6 de son rapport que « le maître d'ouvrage Monsieur [U] a refusé la réception ». L'expert indique toutefois également en page 3 du premier accedit, annexé au rapport d'expertise, que « Lors de la première réunion d'expertise, nous réclamons aux parties un certain nombre de documents et notamment : le Procès-Verbal de réception des travaux. Il nous est répondu qu'il n'existe tout simplement pas. Se pose donc la question de la date à retenir.». Lors de la réunion du 26 juin 2019, à laquelle étaient présents tant M. [U] que M. [O], gérant de la Sarl Dtp, l'expert relève en page 4 de l'accedit n° 2 « Il y'a pas de contestation des parties à ce jour sur la date de réception et son effectivité, même s'il n'existe pas de procès-verbal de réception ». Il ressort de ces éléments que c'est en contradiction avec ses propres constatations que l'expert a indiqué que M. [U] aurait « refusé la réception » alors qu'il a également constaté qu'il n'existait aucune trace de projet de procès-verbal qui aurait pu être refusé par le maître d'ouvrage et que les parties lui ont indiqué qu'il n'y avait aucune contestation à ce sujet. Il ressort donc de ces éléments que les maîtres d'ouvrage n'ont pas expressément refusé la réception de l'ouvrage mais uniquement qu'aucun document n'a été formalisé à cette fin.

2.4 Sur la prise de possession du bien, le rapport d'expertise indique en page 10 que la réfection de l'ouvrage aura pour effet de « Perturber l'accès de la cour et au stationnement [...] obligeant les utilisateurs à stationner dans la rue et accéder avec incommodité à l'entrée de leur maison », il en ressort que les consorts [U] faisaient bien usage de l'ouvrage postérieurement à son édification, ce qui est de nature à caractériser une prise de possession.

2.5 Dès lors que d'une part les consorts [U] ont payé l'intégralité du marché, et qu'ils ont pris possession de celui-ci, et que d'autre part qu'aucun élément de l'expertise et du dossier ne permet d'établir un refus de recevoir l'ouvrage ni une quelconque fraude à l'endroit de l'assureur décennal, le premier juge a, à bon droit, constaté la réception tacite à la date du paiement du solde du marché soit le 7 mars 2018.

3. Sur la responsabilité décennale de la Sarl Dtp, le tribunal a considéré que, si sont apparus les premiers signes de désordres antérieurement à la réception, ces derniers présentaient un caractère évolutif d'une gravité suffisante pour retenir qu'ils n'étaient pas apparents au jour de la réception. La Sa Axa France iard fait valoir que les désordres étaient apparents et ont été constatés antérieurement à la réception de sorte que la garantie décennale n'est pas mobilisable.

3.1 Selon l'article 1792 du code civil, tout constructeur d'un ouvrage est responsable de plein droit, envers le maître ou l'acquéreur de l'ouvrage, des dommages, même résultant d'un vice du sol, qui compromettent la solidité de l'ouvrage ou qui, l'affectant dans l'un de ses éléments constitutifs ou l'un de ses éléments d'équipement, le rendent impropre à sa destination. Il est par ailleurs de principe que les désordres apparents et réservés à la réception qui ne se révèlent que postérieurement dans toute leur ampleur et conséquence sont couverts par la garantie décennale (Cass. 3e civ., 18 déc. 2001, n° 00-18.211).

3.2.L'expert indique en page 8 de son rapport que « l'évolution des désordres va se caractériser par des cassures dans les dallages, ce qui déjà est constaté, des décalages de niveau de plus en plus important entre les différentes plaques, la destruction et l'enfoncement des briques, la création de flaques d'eau. L'ensemble de l'ouvrage est affecté. Nous avons déjà pu constater l'évolution des désordres au cours des 3 réunions d'accedit ». L'expert indique également que les désordres « nuisent à la solidité de l'ouvrage, à terme le rendront impropre à sa destination ». Aussi, s'il est constant entre les parties que les consorts [U] avaient, au jour de la réception, connaissance de la matérialité de malfaçons touchant au recollement des briques, il ressort du rapport d'expertise que ces désordres présentaient un caractère évolutif, non visible au jour de la réception, menant à « la destruction et l'enfoncement des briques » de nature à compromettre la solidité de l'ouvrage de sorte que le maître d'ouvrage n'ayant pas au jour de la réception, connaissance des désordres dans toute leur ampleur et leur conséquence, leur caractère apparent ne saurait donc être retenu.

3.3 Les désordres compromettant la solidité de l'ouvrage, évolutifs et étant exclusivement imputables à l'intervention de la Sarl Dtp, le jugement du tribunal judiciaire sera confirmé en ce qu'il a retenu la responsabilité de la Sarl Dtp au titre de l'article 1792 du code civil.

4. Sur le préjudice matériel, la société Axa France iard ne formule aucun moyen de nature à contester le chiffrage proposé par l'expert judiciaire, ce dernier indiquant en page 9 de son rapport que « les ouvrages réalisés doivent être intégralement détruits car il n'existe aucun moyen de réparations », il poursuit « un devis a été remis par M. [U] [...] établi par la société [D] [V], daté du 19/05/2019 pour un montant de 23 345,30 € ». Après correction du devis, l'expert retient la somme de 23 139,60 euros. Ce chiffrage, cohérent avec l'ampleur et la nature des désordres sera retenu par la cour. Le jugement du tribunal judiciaire de Toulouse sera donc confirmé en ce qu'il a condamné la Sarl Dtp prise en la personne de son liquidateur, à payer la somme de 23 139,60 euros au titre des travaux de reprise.

5. Sur le préjudice de jouissance, le premier juge a estimé que M. et Mme [U] ne produisaient pas de justificatifs permettant d'apprécier la gêne qu'ils subiraient du fait des travaux de reprise. M. et Mme [U] font valoir que, du fait des travaux ils devront se garer dans la rue et auront du mal à accéder à leur maison et leur garage.

5.1 L'expert relève, p. 10 de son rapport, que les travaux de réfection auront pour conséquences de « perturber l'accès de la cour et au stationnement pendant la durée des travaux évaluée à 2 semaines, obligeant les utilisateurs à stationner dans la rue et accéder avec incommodité à l'entrée de leur maison ». Il ressort de ces éléments que les consorts [H] n'auront pas la pleine jouissance du garage et de l'entrée qu'ils ont fait réaliser pendant une durée de 2 semaines. Cette atteinte à leur droit de propriété constitue un préjudice réparable qui sera évalué à la somme de 300 euros.

5.2 Le jugement du tribunal judiciaire de Toulouse sera donc infirmé en ce qu'il a débouté les consorts [U] de leur demande d'indemnisation de leur préjudice de jouissance.

6. Sur la garantie de la Sa Axa France iard, le premier juge a retenu qu'en qualité d'assureur décennal de la Sarl Dtp, la Sa Axa France était tenue de la garantie de toutes les condamnations prononcées à son encontre.

6.1 Au titre de l'article L. 124-2 du code des assurances, le tiers lésé dispose d'un droit d'action directe à l'encontre de l'assureur garantissant la responsabilité civile de la personne responsable.

6.2 En l'espèce, est produit le contrat d'assurance souscrit par la Sarl Dtp auprès de la Sas Axa France iard et couvrant sa responsabilité décennale. La Sa Axa France iard ne déniant pas être l'assureur décennal de la Sarl Dtp pour les travaux litigieux et dès lors que la responsabilité de cette dernière a été retenue sur le fondement des articles 1792 et suivants du code civil, la Sa Axa France iard est tenue de garantir la Sarl Dtp de toutes les condamnations prononcées contre elle sur ce fondement. Le jugement du tribunal judiciaire de Toulouse sera donc confirmé en ce qu'il a condamné la Sa Axa France Iard à garantir la Sarl Dtp dans les termes et limites de sa police au titre de la franchise opposable aux tiers.

7. Sur l'inexécution du marché, M. et Mme [U] font valoir que la Sarl Dtp n'a pas utilisé tous les matériaux présentés dans le devis alors que ces derniers étaient facturés à l'unité et, retenant que le tribunal a à juste titre condamné la société Dtp à leur rembourser le montant des briques non livrées (214,50 euros), ils ont considéré que le tribunal n'avait pas pris en compte leur demande au titre du gravier également non livré et qu'ils sont en conséquence bien fondés à solliciter le remboursement à hauteur de la somme totale de 403,29 euros au titre des travaux payés et non exécutés. La Sarl Dtp fait valoir que s'agissant d'un marché à forfait, aucune indemnisation n'est possible.

7.1 En l'espèce, l'expertise a bien révélé que le gravier prévu au devis n'avait finalement pas été posé, cette non-façon qui avait partiellement donné lieu à une réduction de prix prise en compte dans la demande de remboursement et qui contredit l'allégation de marché au forfait, doit donner lieu à restitution correspondante du prix payé à cet titre.

7.2 Le jugement du tribunal judiciaire de Toulouse sera donc infirmé en ce qu'il a condamné la Sarl Dtp à payer M. et Mme [U] la seule somme de 214,50 euros au titre de la moins-value résultant de la non-utilisation de certain matériaux prévus au devis alors que les maîtres de l'ouvrage sont en droit de réclamer le paiement de la somme de 403,29 euros.

8. Sur les frais accessoires, la décision sera confirmée en ce qu'elle a condamné la Sarl Dtp prise en la personne de son liquidateur amiable et la Sa Axa France iard aux dépens ainsi qu'aux frais irrépétibles exposés en première instance. La Sarl Dtp prise en la personne de son liquidateur amiable et la Sa Axa France iard seront également condamnés aux dépens d'appel ainsi qu'à une somme au titre de l'article 700 du code de procédure civile telle que fixée au dispositif. La charge définitive des dépens d'appel sera partagée par moitié entre la société Dtp et le société Axa France iard et chacune sera débouté de sa demande présentée au titre des frais irrépétibles.

PAR CES MOTIFS

La cour statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort,

Confirme le jugement du tribunal judiciaire de Toulouse du 17 mai 2023 en toutes ses dispositions sauf en ce qu'il a :

- débouté M. [G] [U] et Mme [R] [T] épouse [U], de leur demande au titre du préjudice de jouissance,

- condamné la Sarl Dtp à payer à Madame [R] [T], épouse [U] et Monsieur [G] [U] à la somme de 214,50 euros.

Statuant à nouveau sur les chefs infirmés et y ajoutant,

Condamne solidairement la Sarl Dtp prise en la personne de son liquidateur amiable et la Sa Axa France iard à payer à Madame [R] [T], épouse [U] et Monsieur [G] [U] la somme de 300 euros au titre de leur préjudice de jouissance,

Condamne solidairement la Sa Axa France iard à garantir la Sarl Dtp prise en la personne de son liquidateur amiable et la Sa Axa France iard cette condamnation prononcées à son encontre dans les limites de la franchise contractuelle.

Condamne la Sarl Dtp prise en la personne de son liquidateur amiable à payer à Madame [R] [T], épouse [U] et Monsieur [G] [U] la somme de 403,29 euros au titre des matériaux payés et non livrés.

Condamne solidairement la Sarl Dtp prise en la personne de son liquidateur amiable et la Sa Axa France iard aux dépens d'appel.

Autorise, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile, Maître Boule-Daffont, à recouvrer directement contre les parties condamnés aux dépens, ceux dont il justifie avoir fait l'avance sans avoir reçu provision.

Condamne solidairement la Sarl Dtp prise en la personne de son liquidateur amiable et la Sa Axa France iard à payer à Madame [R] [T], épouse [U] et Monsieur [G] [U] la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Dit que dans leurs rapports, les dépens d'appel et les frais irrépétibles au paiement desquels elles ont été condamnées solidairement seront partagés par moitié entre la Sarl Dtp prise en la personne de son liquidateur amiable et la Sa Axa France iard.

Déboute de leurs demandes respectives au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

La greffière Le président

M. POZZOBON M. DEFIX

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