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Décisions

CA Aix-en-Provence, retention administrative, 1 octobre 2025, n° 25/01926

AIX-EN-PROVENCE

Ordonnance

Autre

CA Aix-en-Provence n° 25/01926

1 octobre 2025

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

CHAMBRE 1-11, Rétention Administrative

ORDONNANCE

DU 1er OCTOBRE 2025

N° RG 25/01926 - N° Portalis DBVB-V-B7J-BPGSE

Copie conforme

délivrée le 01 Octobre 2025 par courriel à :

- l'avocat

- le préfet

- le CRA

- le JLD/TJ

- le retenu

- le MP

Décision déférée à la Cour :

Ordonnance rendue par le magistrat désigné pour le contrôle des mesures d'éloignement et de rétention du tribunal judiciaire de Marseille en date du 30 septembre 2025 à 9h57.

APPELANT

Monsieur [O] [N]

né le 1er janvier 1992 à [Localité 6] (Algérie)

de nationalité algérienne

comparant en visio conférence en application de l'article L743-7 du CESEDA.

Assisté de Maître Myriam ETTORI,

avocate au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, commise d'office.

et de Madame [G] [D], interprète en langue arabe, inscrite sur la liste des experts de la cour d'appel d'Aix-en-Provence.

INTIMÉE

PREFECTURE DES BOUCHES DU RHONE

Représentée par Madame [R] [U]

MINISTÈRE PUBLIC

Avisé, non représenté

******

DÉBATS

L'affaire a été débattue en audience publique le 1er octobre 2025 devant M. Frédéric DUMAS, Conseiller à la cour d'appel délégué par le premier président par ordonnance, assisté de Mme Himane EL FODIL, Greffière,

ORDONNANCE

Par décision contradictoire,

Prononcée par mise à disposition au greffe le 1er octobre 2025 à 14h40,

Signée par M. Frédéric DUMAS, Conseiller et Mme Himane EL FODIL, Greffière,

PROCÉDURE ET MOYENS

Vu les articles L 740-1 et suivants du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (CESEDA) ;

Vu la condamnation prononcée par le tribunal correctionnel de Marseille en date du 11 mars 2025 ordonnant une interdiction temporaire du territoire français pendant cinq ans ;

Vu l'arrêté portant à exécution la mesure d'éloignement pris par le préfet des Bouches-du-Rhône en date du 17 juillet 2025, notifié 18 juillet 2025 ;

Vu la décision de placement en rétention prise le 17 juillet 2025 par la PREFECTURE DES BOUCHES DU RHONE notifiée le 18 juillet 2025 à 10h15;

Vu l'ordonnance du 30 septembre 2025 rendue par le magistrat désigné pour le contrôle des mesures d'éloignement et de rétention du tribunal judiciaire de Marseille décidant le maintien de Monsieur [O] [N] dans des locaux ne relevant pas de l'administration pénitentiaire ;

Vu l'appel interjeté le 30 septembre 2025 à 15h03 par Monsieur [O] [N] ;

Monsieur [O] [N] a comparu et a été entendu en ses explications ; il déclare : 'je regrette, je suis désolé, je vais retourner au pays. J'ai un souci de santé et je ne peux rester au centre. J'ai une fracture à la jambe et je prends un traitement tous les jours au centre de rétention. Je suis peintre en bâtiment. Je suis célibataire sans enfant. J'habite au centre ville à [Localité 5]. Lorsque j'ai été interpellé, je travaillais pas. J'ai dit que je travaillais puis j'ai arrêté. Je n'ai pas de contact pour pouvoir envoyer les preuves en papiers concernant ma situation. Je demande pardon.'

Son avocate, régulièrement entendue et dont les observations ont été consignées dans le procès-verbal d'audience, reprend les termes de la déclaration d'appel et demande l'infirmation de l'ordonnance du magistrat du siège du tribunal judiciaire ainsi que la mainlevée du placement en rétention. Elle explique qu'il y a une liste de médicaments dans le dossier que son client doit prendre et qu'il ne peut bénéficier de tous ces traitements au centre de rétention administrative.

La représentante de la préfecture, dont les déclarations sont également consignées dans le procès-verbal d'audience, sollicite la confirmation de l'ordonnance du premier juge et le maintien de l'appelant en rétention. Elle fait notamment valoir que rien n'indique que l'état de santé de l'intéressé est incompatible avec la rétention.

MOTIFS DE LA DÉCISION

La recevabilité de l'appel contre l'ordonnance du magistrat désigné pour le contrôle des mesures d'éloignement et de rétention n'est pas contestée et les éléments du dossier ne font pas apparaître d'irrégularité.

Pour autant , aux termes de l'article R743-11 alinéa 1 du CESEDA, à peine d'irrecevabilité la déclaration d'appel est motivée.

En l'occurrence l'appelant demande à la cour d'infirmer la décision du premier juge et, en liminaire de la partie discussion, précise que 's'ajoutent aux moyens développés dans la présente déclaration d'appel, tous éventuels autres moyens déjà développés dans les conclusions de première instance qui ont pu être déposés ou plaidés devant le JLD, et auxquels la présente déclaration se réfère nécessairement'.

Toutefois la juridiction du second degré étant saisie par une déclaration d'appel motivée et la procédure suivie étant orale les moyens soulevés devant le premier juge et non repris dans la déclaration d'appel ou devant le premier président dans le délai d'appel ne peuvent qu'être déclarés irrecevables.

1) - Sur la régularité de la saisine du magistrat du siège du tribunal judiciaire

L'article R.742-1 du CESEDA dispose que le magistrat du siège du tribunal judiciaire est saisi aux fins de prolongation de la rétention par simple requête de l'autorité administrative, dans les conditions prévues au chapitre III, avant l'expiration, selon le cas, de la période de quarante-huit heures mentionnée à l'article L.742-1 ou de la période de prolongation ordonnée en application des articles L.742-4, L.742-5, L.742-6 ou L.742-7.

A cette fin et à peine d'irrecevabilité, selon l'article R.743-2 du même code, la requête est motivée, datée et signée, selon le cas, par l'étranger ou son représentant ou par l'autorité administrative qui a ordonné le placement en rétention, à savoir le préfet de département ou de police à [Localité 9] en application de l'article R.741-1. Dans ce cas la requête est accompagnée de toutes pièces justificatives utiles, notamment une copie du registre prévu à l'article L.744-2.

Ce dernier énonce qu'il est tenu, dans tous les lieux de rétention, un registre mentionnant l'état civil des personnes retenues, ainsi que les conditions de leur placement ou de leur maintien en rétention. Le registre mentionne également l'état civil des enfants mineurs accompagnant ces personnes ainsi que les conditions de leur accueil. L'autorité administrative tient à la disposition des personnes qui en font la demande les éléments d'information concernant les date et heure du début du placement de chaque étranger en rétention, le lieu exact de celle-ci ainsi que les date et heure des décisions de prolongation.

Selon les dispositions de l'article L. 743-9 du CESEDA le magistrat du siège du tribunal judiciaire, saisi aux fins de prolongation de la rétention, rappelle à l'étranger les droits qui lui sont reconnus et s'assure, d'après les mentions figurant au registre prévu à l'article L. 744-2 émargé par l'intéressé, que celui-ci a été, dans les meilleurs délais suivant la notification de la décision de placement en rétention, pleinement informé de ses droits et placé en état de les faire valoir à compter de son arrivée au lieu de rétention. Le juge tient compte des circonstances particulières liées notamment au placement en rétention simultané d'un nombre important d'étrangers pour l'appréciation des délais relatifs à la notification de la décision, à l'information des droits et à leur prise d'effet.

Il résulte de la combinaison de ces textes que le registre doit être mis à jour et que la non-production d'une copie actualisée, permettant un contrôle de l'effectivité de l'exercice des droits reconnus à l'étranger au cours de la mesure de rétention, constitue une fin de non-recevoir. Celle-ci doit être accueillie sans que celui qui l'invoque ait à justifier d'un grief dès lors que le juge ne peut s'assurer que l'étranger a été en mesure d'exercer les droits qui lui sont reconnus par les articles L. 744-4 et suivants du CESEDA.

Le paragraphe IV de l'annexe de l'arrêté du 6 mars 2018 portant autorisation du registre de rétention et d'un traitement automatisé de données à caractère personnel dénommé «logiciel de gestion individualisée des centres de rétention administrative» (LOGICRA) prévoit notamment que sont enregistrées dans les traitements au titre des données à caractère personnel concernant la fin de la rétention et l'éloignement les informations suivantes :

1° Demande de laissez-passer consulaire, consulat saisi, date de la demande d'identification ou de présentation consulaire, type de présentation, motif de non-présentation, date de I'entretien, moyen de transport utilisé, résultat de I'entretien, délivrance du laissez-passer consulaire, date de délivrance, date et fin de validité du laissez-passer consulaire;

2° Réservation du moyen de transport national et international: date prévisionnelle de départ, moyen de transport utilisé, pays de destination, demande de routing, escorte;

3° Fin de la rétention: date et motif de la fin de rétention.

En l'espèce l'appelant soulève le défaut d'actualisation du registre de rétention dans la mesure où les diligences consulaires n'y sont pas mentionnées.

Toutefois les diligences consulaires effectuées par l'administration ne constituent nullement des droits au sens des articles L. 744-4 et suivants du CESEDA, dont le défaut de mention dans le registre de rétention rendrait irrecevable la requête en prolongation de la mesure de rétention, s'agissant au surplus d'une question de fond en application de l'article L741-3 du même code.

En conséquence il y aura lieu de rejeter la fin de non recevoir tirée du défaut de mention des diligences consulaires dans le registre de rétention et de production de pièces utiles.

2) - Sur les diligences de l'administration et les perspectives d'éloignement

L'article 15§4 de la directive 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008 relative aux normes et procédures communes applicables dans les États membres au retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier, dite 'retour', dispose que lorsqu'il apparaît qu'il n'existe plus de perspective raisonnable d'éloignement pour des considérations d'ordre juridique ou autres ou que les conditions énoncées au paragraphe 1 (risque de fuite ou étranger faisant obstacle à son éloignement) ne sont plus réunies, la rétention ne se justifie plus et la personne concernée est immédiatement remise en liberté.

Par ailleurs l'article L741-3 du CESEDA énonce qu'un étranger ne peut être placé ou maintenu en rétention que pour le temps strictement nécessaire à son départ. L'administration exerce toute diligence à cet effet.

Dans le cas présent le préfet a saisi dès le 15 juillet 2025 le consul général d'Algérie de la situation de l'intéressé aux fins de délivrance d'un laisser-passer consulaire et l'a relancé le 26 septembre 2025.

Dès lors, au regard de la célérité dont a fait preuve l'administration, l'appelant ne saurait sérieusement lui faire grief de n'avoir pas accompli les diligences légalement requises étant de surcroît rappelé que le préfet n'a pas à justifier des relances faites aux autorités consulaires saisies en temps utile et ce, en l'absence de pouvoir de contrainte sur les autorités étrangères.

Enfin l'absence prétendue de perspectives d'éloignement au regard d'un contexte diplomatique présenté comme difficile entre l'Algérie et la France, sur lequel il n'appartient d'ailleurs pas à l'autorité judiciaire de se prononcer, et du sort réservé à d'autres retenus de nationalité algérienne repose sur des motifs purement hypothétiques et ne constitue pas un moyen sérieux.

Dès lors le moyen tiré de l'insuffisance des diligences de l'administration ou de l'absence de perspectives d'éloignement sera écarté.

3) - Sur le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article L742-5 du CESEDA

L'article L742-5 du CESEDA prévoit que, à titre exceptionnel, le magistrat du siège du tribunal judiciaire peut à nouveau être saisi aux fins de prolongation du maintien en rétention au-delà de la durée maximale de rétention prévue à l'article L. 742-4 (soixante jours), lorsqu'une des situations suivantes apparaît dans les quinze derniers jours :

1° L'étranger a fait obstruction à l'exécution d'office de la décision d'éloignement ;

2° L'étranger a présenté, dans le seul but de faire échec à la décision d'éloignement :

a) une demande de protection contre l'éloignement au titre du 5° de l'article L. 631-3 ;

b) ou une demande d'asile dans les conditions prévues aux articles L. 754-1 et L. 754-3 ;

3° La décision d'éloignement n'a pu être exécutée en raison du défaut de délivrance des documents de voyage par le consulat dont relève l'intéressé et qu'il est établi par l'autorité administrative compétente que cette délivrance doit intervenir à bref délai.

Le même texte, dans son alinéa 7, permet également la saisine du juge en cas d'urgence absolue ou de menace pour l'ordre public.

L'alinéa 9 précise que la nouvelle prolongation de la rétention court alors à compter de l'expiration de la dernière période de rétention pour une nouvelle période d'une durée maximale de quinze jours.

L'alinéa 10 dispose enfin que, si l'une des circonstances mentionnées aux 1°, 2° ou 3° ou au septième alinéa de l'article L742-5 survient au cours de la prolongation exceptionnelle ordonnée en application de l'avant-dernier alinéa, elle peut être renouvelée une fois, dans les mêmes conditions. La durée maximale de la rétention n'excède alors pas quatre-vingt-dix jours.

S'agissant de la menace à l'ordre public de nature à justifier une quatrième prolongation elle ne doit pas nécessairement survenir au cours de la troisième prolongation mais être persistante au regard notamment de faits antérieurs au placement en rétention (Civ. 1ère, 9 avril 2025 - n°24-50.024).

En l'espèce, ainsi que l'a souligné le premier juge, l'intéressé a été condamné par le tribunal correctionnel de Marseille le 11 mars 2025 à une peine d'emprisonnement de huit mois, assortie d'un mandat de dépôt, et à la peine complémentaire d'interdiction du territoire national pour une durée de cinq ans, pour des faits de vol aggravé par deux circonstances et d'extorsion par violence, menace ou contrainte, faits d'une particulière gravité, de nature à troubler significativement l'ordre public. De surcroît, lors de son audition administrative par les fonctionnaires de police le 9 mars 2025, il a affirmé qu'il était sans domicile fixe et n'exerçait pas d'activité professionnelle, n'a donc pas de ressource et est sans attache familiale sur le territoire français, laissant craindre une réitération de comportements délictueux similaires, notamment afin de subvenir a ses besoins.

En ce qui concerne son état de santé il ne justifie nullement d'une quelconque incompatibilité avec le maintien en rétention.

Dès lors les conditions d'une quatrième prolongation sont réunies au regard de la menace certaine et actuelle à l'ordre public que constitue la présence de l'intéressé sur le territoire national et le moyen soulevé par l'appelant sera rejeté.

Pour l'ensemble des motifs précédemment exposés il conviendra de confirmer l'ordonnance du magistrat du siège du tribunal judiciaire.

PAR CES MOTIFS

Statuant publiquement par décision contradictoire en dernier ressort, après débats en audience publique,

Déclarons recevable l'appel interjeté à l'encontre de l'ordonnance du 30 septembre 2025 du magistrat du siège du tribunal judiciaire de Marseille,

Confirmons l'ordonnance du magistrat désigné pour le contrôle des mesures d'éloignement et de rétention du tribunal judiciaire de Marseille en date du 30 septembre 2025.

Les parties sont avisées qu'elles peuvent se pourvoir en cassation contre cette ordonnance dans un délai de 2 mois à compter de cette notification, le pourvoi devant être formé par déclaration au greffe de la Cour de cassation, signé par un avocat au conseil d'Etat ou de la Cour de cassation.

Le greffier Le président

Reçu et pris connaissance le :

Monsieur [O] [N]

Assisté d'un interprète

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-11, Rétentions Administratives

[Adresse 8]

Téléphone : [XXXXXXXX02] - [XXXXXXXX03] - [XXXXXXXX01]

Courriel : [Courriel 4]

Aix-en-Provence, le 1er octobre 2025

À

- PREFECTURE DES BOUCHES DU RHONE

- Monsieur le directeur du centre de rétention administrative de [Localité 5]

- Monsieur le procureur général

- Monsieur le greffier du Magistrat du siège du tribunal judiciaire chargé du contrôle des mesures privatives et restrictives de libertés de MARSEILLE

- Maître Myriam ETTORI

NOTIFICATION D'UNE ORDONNANCE

J'ai l'honneur de vous notifier l'ordonnance ci-jointe rendue le 1er octobre 2025, suite à l'appel interjeté par :

Monsieur [O] [N]

né le 01 Janvier 1992 à [Localité 7]

de nationalité Algérienne

Je vous remercie de m'accuser réception du présent envoi.

Le greffier,

VOIE DE RECOURS

Nous prions Monsieur le directeur du centre de rétention administrative de bien vouloir indiquer au retenu qu'il peut se pourvoir en cassation contre cette ordonnance dans un délai de 2 mois à compter de cette notification, le pourvoi devant être formé par déclaration au greffe de la Cour de cassation.

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