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Décisions

CA Douai, ch. 2 sect. 2, 2 octobre 2025, n° 23/04471

DOUAI

Arrêt

Autre

CA Douai n° 23/04471

2 octobre 2025

République Française

Au nom du Peuple Français

COUR D'APPEL DE DOUAI

CHAMBRE 2 SECTION 2

ARRÊT DU 02/10/2025

N° de MINUTE :

N° RG 23/04471 - N° Portalis DBVT-V-B7H-VEFY

Jugement (N° 2020/1541) rendu le 08 septembre 2023 par le tribunal de commerce d'Arras

APPELANTE

Société Yves Rocher France venant aux droits de la société Laboratoires de Biologie Végétale Yves Rocher SA , prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège

ayant son siège [Adresse 2]

[Localité 4]

Représentée par Me Loïc Le Roy, avocat au barreau de Douai avocat constitué assistée de Me Alexandre Limbour, avocat au barreau de Paris, avocat plaidant

INTIMÉS

Monsieur [O] [J]

né le 18 juin 1959 à [Localité 6], de nationalité française

demeurant [Adresse 3]

[Localité 5]

Madame [S] [R] épouse [J]

née le 28 août 1962 à [Localité 8], de nationalité française

demeurant [Adresse 3]

[Localité 5]

SARL Ceca - en liquidation amiable - représentée par son liquidateur amiable Madame [S] [R] épouse [J],

ayant son siège [Adresse 3]

[Localité 5]

Représentés par Me Alicia Galet, avocat au barreau de Béthune, avocat constitué

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ

Stéphanie Barbot, présidente de chambre

Nadia Cordier, conseiller

Anne Soreau, conseiller

GREFFIER LORS DES DÉBATS : Marlène Tocco

DÉBATS à l'audience publique du 26 juin 2025 après rapport oral de l'affaire par Nadia Cordier

Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe.

ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 02 octobre 2025 (date indiquée à l'issue des débats) et signé par Stéphanie Barbot, présidente, et Marlène Tocco, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

ORDONNANCE DE CLÔTURE DU : 23 avril 2025

****

FAITS ET PROCÉDURE

Le 25 juin 2013, la société Laboratoires de biologie végétale Yves Rocher (la société LBV YR) a confié à la société CECA, dans le cadre d'un contrat de location-gérance, l'exploitation d'un centre de beauté à l'enseigne Yves Rocher, situé [Adresse 1] à [Localité 7].

Ce contrat a pris effet le 1er juillet 2013 et été conclu pour une durée indéterminée avec une période garantie jusqu'au 30 juin 2018.

Le 1er février 2015, Mme et M. [J], respectivement en qualité d'associée-gérante et d'associé de la société CECA, se sont portés cautions personnelles, solidaires et indivisibles de la société CECA pour un montant de 21'567 euros chacun.

Selon la société Yves Rocher, elle serait venue aux droits et obligations de la société LBV YR.

Au mois de septembre 2018, les parties sont convenues de mettre un terme amiable au contrat de location-gérance, prévoyant les modalités de fin de contrat, incluant notamment l'établissement d'un solde de compte entre les précitées après un inventaire contradictoire de marchandises prévu le 24 septembre 2018 dans les conditions des articles 16.6 et 16.7 du contrat.

Les opérations d'inventaire se sont ainsi tenues le 24 septembre 2018.

Une attestation relative aux «'abonnements en cours'» sur le magasin d'[Localité 7] a été établie le 19 octobre 2018 par Mme [J].

Le 22 octobre 2018, la société Yves Rocher a communiqué à la société CECA le montant du solde de compte (122'081,71 euros TTC en faveur d'elle-même),et l'a mise en demeure d'avoir à le lui régler. Le même jour, un courrier de mise en demeure de payer cette somme a été adressé aux cautions.

Le 4 janvier 2019, par décision de l'assemblée générale, la dissolution amiable de la société CECA a été décidée, Mme [J] étant désignée liquidateur amiable.

Le 17 mai 2019, la société Yves Rocher a mis en demeure, d'une part, Mme [J], en sa qualité de liquidateur amiable de la société CECA, de procéder au règlement des sommes dues majorées des intérêts de retard, d'autre part, les cautions de payer chacune à hauteur de leur engagement.

Le 18 septembre 2020, la société Yves Rocher a assigné la société CECA et M. et Mme [J], en qualités de cautions, en paiement et remboursement de diverses sommes au titre des factures de marchandises et des encaissements reçus de clients lors d'achats de forfait de soin et prestation restant à effectuer.

Le 1er octobre 2020, la société Yves Rocher a déposé une plainte pénale pour faux et usage de faux, escroquerie, abus de biens sociaux et banqueroute contre X entre les mains du juge d'instruction.

Par jugement du 8 septembre 2023, le tribunal de commerce d'Arras a':

- débouté la société Yves Rocher de l'ensemble de ses demandes';

- condamné la société Yves Rocher à payer à M. et Mme [J] la somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile';

- débouté la SARL CECA de l'ensemble de ses demandes';

- débouté M. et Mme [J] du surplus de leurs demandes';

- condamné la société Yves Rocher aux entiers frais et dépens de la présente instance.

Par déclaration du 6 octobre 2023, la société Yves Rocher a interjeté appel à l'encontre des chefs la concernant.

PRÉTENTIONS

Par conclusions signifiées par voie électronique le 5 juillet 2024, la société Yves Rocher demande à la cour de':

- infirmer en toutes ses dispositions la décision entreprise';

Et statuant à nouveau':

- la dire recevable en son action et bien fondée en ses demandes';

- «'dire et juger que la créance de 308'391,59 euros TTC, se décomposant comme suit':

- 106'667,71 euros à l'issue du solde de tout compte intervenu entre les parties';

- 201'723,88 euros au titre des abonnements soins et cartes cadeaux non déclarés par la société CECA lors des opérations de fin de contrat';

due par la société CECA en application du contrat de location-gérance est certaine, liquide et exigible'»';

- condamner solidairement la société CECA, représentée par son liquidateur amiable pris en la personne de Mme [J], et Mme [J], en sa qualité de caution de la société CECA, à lui verser la somme de 21'567 euros, majorée des intérêts de retard';

- condamner solidairement la société CECA, représentée par son liquidateur amiable pris en la personne de Mme [J], et M. [J], en sa qualité de caution de la société CECA, à lui verser la somme de 21'567 euros, majorée des intérêts de retard';

- condamner la société CECA, représentée par son liquidateur amiable pris en la personne de Mme [J], à lui verser le solde des sommes dues, soit 265'257,59 euros TTC, outre les intérêts légaux';

- débouter la société CECA et M. et Mme [J] de l'ensemble de leurs demandes et appel incident';

- condamner solidairement la société CECA représentée par son liquidateur amiable pris en la personne de Mme [J], et M. et Mme [J], en leur qualité de caution de la société CECA, à lui verser la somme de 50'000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux tiers dépens.

Par conclusions signifiées par voie électronique le 15 octobre 2024, la société CECA, représentée par son liquidateur amiable, ainsi que M. et Mme [J], en leur qualité de cautions, demandent à la cour de':

- les juger recevables et bien fondés en toutes leurs demandes';

- confirmer le jugement rendu par le tribunal de commerce d'Arras le 8 septembre 2023 en ce qu'il':

' Déboute la société Yves Rocher de l'ensemble de ses demandes';

' Condamne la société Yves Rocher à payer aux époux [J], la somme de 2000'euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile';

' Condamne la société Yves Rocher aux entiers frais et dépens de l'instance';

- infirmer le jugement pour le surplus';

Statuant à nouveau,

- A titre principal':

- juger la société Yves Rocher irrecevable en ses demandes pour défaut de qualité et d'intérêt à agir à leur encontre';

- juger la société Yves Rocher irrecevable en ses demandes pour défaut de droit d'agir à l'encontre de M. et Mme [J]';

- Subsidiairement, sur le fond':

- juger que la société Yves Rocher ne justifie pas d'une créance certaine, liquide et exigible, tant à l'égard de la société CECA, que de M. et Mme [J]';

- juger que la société Yves Rocher ne peut étendre les engagements de caution au-delà des limites dans lesquels ils ont été donnés';

En conséquence,

- débouter purement et simplement la société Yves Rocher de ses demandes ;

- Reconventionnellement':

- juger que la société Yves Rocher a fait l'aveu judiciaire de sa dette à l'égard de la SARL CECA à hauteur de 103'693,74'euros';

- juger que la SARL CECA ne conteste pas le montant de la dette reconnue par la société Yves Rocher à son profit à hauteur de 103'693,74'euros ;

- juger que la société Yves Rocher a elle-même fait le compte des factures exigibles impayées et non échues, amenant à un montant calculé par elle-même de 41'792'euros;

- juger que la SARL CECA ne conteste pas le compte validé contradictoirement entre les parties, établissant sa dette à l'égard de la société Yves Rocher à 41'792'euros ;

- compenser les dettes respectives des parties pour solde de tout compte';

- condamner la société Yves Rocher à payer à la SARL CECA la somme de 61'901,74'euros pour solde de tout compte';

- assortir cette condamnation de l'intérêt au taux légal à compter de l'arrêt à intervenir, outre capitalisation au 1er janvier de chaque année';

- condamner la société Yves Rocher à payer à la SARL CECA la somme de 5'000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner la société Yves Rocher à payer à M. et Mme [J] la somme de 4'000'euros, chacun, sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner la société Yves Rocher aux entiers frais et dépens.

MOTIVATION

I - Sur l'intérêt et la qualité à agir de la société Yves Rocher

A- Sur la fin de non-recevoir opposée à l'action formée contre la société CECA

La société Yves Rocher fait valoir que':

- le tribunal, qui a retenu une absence de qualité et d'intérêt, a pourtant statué au fond et débouté la société CECA de ses demandes, alors même que celle-ci avait, dans le cadre d'un aveu judiciaire, admis être redevable de sommes à son égard';

- la société CECA a reçu une lettre valant avenant au contrat de location-gérance du 23 novembre 2015, l'informant de la substitution opérée à son profit dans l'ensemble des droits et obligations de la société LBV YR, ledit avenant ayant été signé par Mme [J] le 23 novembre 2025 et retourné';

- contrairement à ce qu'assène la société CECA, l'accord de résiliation amiable du contrat de location-gérance, du 26 octobre 2018, a été signé par elle, société Yves Rocher, qui était d'ailleurs la seule à avoir qualité pour ce faire, en application de l'avenant';

- la mention «' LBV Yves Rocher'» a été manifestement indiquée par erreur en fin d'acte.

Les intimés estiment que':

- le tribunal a parfaitement noté la distinction incontestable entre les deux entités juridiques que sont la société Yves Rocher et la société LBV YR, étant précisé qu'il n'y a eu ni fusion ni absorption de la seconde au profit de la première';

- le tribunal n'est cependant pas allé au bout de son raisonnement en ne déclarant pas l'action irrecevable';

- la seule partie au contrat est la société LBV YR, qui est en outre celle qui a signé l'accord de résiliation amiable du contrat de location-gérance, nonobstant la désignation qui a été faite par erreur de la société Yves Rocher.

Réponse de la cour

Aux termes de l'article 122 du code de procédure civile, constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l'adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d'agir, tel le défaut de qualité, le défaut d'intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée.

En application de l'article 31 du même code, l'action est ouverte à tous ceux qui ont un intérêt légitime au succès ou au rejet d'une prétention, sous réserve des cas dans lesquels la loi attribue le droit d'agir aux seules personnes qu'elle qualifie pour élever ou combattre une prétention, ou pour défendre un intérêt déterminé.

En l'espèce, ni les consorts [J] ni la société CECA ne contestent l'affirmation de la société Yves Rocher selon laquelle est intervenu un apport partiel d'actifs de la branche d'activité de commercialisation des produits et services des marques Yves Roches et Yves rocher Laboratoire Santé naturelle en France métropolitaine, dénommée aussi Groupe Rocher, à la société Yves Rocher, conformément notamment aux articles L.236-2 et L.236-3 du code de commerce, cette dernière société s'étant substituée de plein droit dans l'ensemble des droits et obligations de la société Groupe Rocher, anciennement dénommée LBV YR, depuis le 1er janvier 2016.

L'opération d'augmentation de capital, par suite d'apport d'actifs sous le régime juridique des scissions, de la société LBV YR à la société Yves Rocher a d'ailleurs été retranscrite sur le K-bis de cette société par mention du 18 janvier 2016.

Cette opération a fait l'objet d'une dénonciation à la société CECA, par courrier du 27 octobre 2015, dans la «'lettre valant avenant au contrat de location-gérance entré en vigueur le 1er juillet 2013'», qui a été contresignée par Mme [J], en sa qualité de dirigeante de la société CECA, le 23 novembre 2015, et a été retournée par cette dernière à la société Yves Rocher.

Si, le 25 juin 2013, la société CECA a signé le contrat de location-gérance litigieux avec la société LBV YR, qui est une personne morale distincte de la société Yves Rocher, il ressort toutefois de l'avenant précité, signé des deux parties, et dont les termes sont dénués d'ambiguïté, que la société Yves Rocher a été substituée à la société LBV YR dans l'ensemble des droits et obligations souscrits dans le contrat de location-gérance.

Ce dernier contrat a fait l'objet d'un accord de résiliation amiable à effet au 24 septembre 2018 entre les parties, désignées en exergue comme ceci': d'une part, la société CECA, en sa qualité de locataire-gérante, d'autre part, «'la société YR France, société par actions simplifiée ' immatriculée au RCS de Rennes sous le n°808 529 184'', représentée par M. [Z], directeur administratif et financier, ci après dénommée Yves Rocher'».

L'ensemble de cet accord de résiliation fait référence, dans le corps du texte, à la société Yves Rocher, et non à la société LBV YR.

La cour estime, dès lors, que c'est par une pure erreur matérielle qu'a été mentionnée, en dessous de l'identité du signataire (M. [H] [Z]) et au-dessus de sa signature, la référence à la «'société LBV Yves Rocher'», alors que tant les éléments d'identification des parties en exergue de l'accord que les différentes désignations des parties dans le corps de celui-ci, ont trait sans ambiguïté possible à la société Yves Rocher et à elle seule.

Les intimés ne peuvent s'emparer de cette seule mention, effectuée par erreur, sur l'accord litigieux pour soutenir que la société Yves Rocher n'aurait ni qualité ni intérêt à agir dans le litige né postérieurement à la résiliation du contrat de location-gérance en cause.

En sa qualité de créancier substitué, par le biais de la lettre d'avenant précitée au contrat de location-gérance souscrit, à la suite de l'opération de scission de branches entre elle-même et la société LBV YR, puis de signataire de l'accord de résiliation, la société Yves Rocher, qui allègue un solde de compte à l'issue des relations contractuelles entre les parties, dispose bien d'un intérêt à agir à l'encontre de la société CECA.

Les fins de non-recevoir opposées par la société CECA à l'action de la société Yves Rocher sont rejetées. La décision entreprise ayant retenu le contraire, tout en déboutant la société Yves Rocher de son action, est donc infirmée de ce chef.

B- Sur la fin de non-recevoir opposée à l'action formée contre les cautions

La société Yves Rocher fait valoir que':

- l'assertion des époux [J] selon laquelle ils ne se seraient jamais engagés personnellement à prendre en charge les sommes qui lui seraient dues postérieurement à l'apport partiel d'actif est erronée. En effet, en cas d'apport d'actif affectant le créancier bénéficiaire d'un cautionnement, cette garantie ne s'applique que sur les créances nées antérieurement à cet apport, sauf manifestation de volonté expresse de la caution de s'engager au profit du nouveau créancier';

- le silence des cautions peut valoir acception du transfert du contrat de cautionnement, la manifestation de volonté non équivoque exigée pouvant être révélée par le comportement, notamment l'absence d'opposition à s'engager au profit du nouveau créancier';

- le cautionnement initialement donné par les époux [J] au profit de la société CECA est dépourvu de tout intuitu personæ à l'égard du créancier de cette dernière';

- M. et Mme [J] ont tous deux été destinataires d'un courrier le 5 février 2016 dont l'objet était la substitution du bénéficiaire de l'acte de cautionnement et ils n'ont formulé aucune réserve quant à la poursuite de leur engagement à son profit';

- ils ont expressément reconnu que leur engagement avait été étendu à son profit par le courriel de leur conseil du 11 juin 2019.

Les intimés exposent que':

- aucun engagement de caution n'a été donné au profit de la société Yves Rocher, qui n'a donc ni intérêt ni qualité à agir, puisque aucune garantie ni caution n'a été donnée à son bénéfice';

- la subrogation ne peut être utilement invoquée, le cautionnement devant être exprès et l'éventuelle cession ne pouvant entraîner la garantie par la caution que des dettes nées antérieurement à l'apport d'actif';

- à la date de la scission, aucune créance n'était due par la société CECA et les époux [J] n'ont jamais consenti à une substitution';

- il n'est pas possible d'étendre les engagements de caution au-delà des limites dans lesquelles ils ont été donnés et le silence ne vaut en aucun cas acceptation du transfert du cautionnement';

- il n'y a jamais eu aveu de la part de M. et Mme [J], via Me [P], ce dernier n'étant pas leur conseil mais celui de la société CECA.

Réponse de la cour

Aux termes de l'article L. 236-3, I, du code de commerce, la fusion ou la scission entraîne la dissolution sans liquidation des sociétés qui disparaissent et la transmission universelle de leur patrimoine aux sociétés bénéficiaires, dans l'état où il se trouve à la date de réalisation définitive de l'opération.

L'article 2318 du code civil dispose qu'en cas de dissolution de la personne morale débitrice ou créancière par l'effet d'une fusion, d'une scission ou de la cause prévue au troisième alinéa de l'article 1844-5, la caution demeure tenue pour les dettes nées avant que l'opération ne soit devenue opposable aux tiers'; elle ne garantit celles née postérieurement que si elle y a consenti à l'occasion de cette opération ou, pour les opérations affectant la société créancière par avance.

Aux termes de l'article 2292 du code civil, le cautionnement ne se présume pas point'; il doit être exprès et on ne peut pas l'étendre au-delà des limites dans lesquelles il a été contracté.

De ces textes, la jurisprudence en a déduit que':

- en cas d'absorption de la société créancière, la caution demeure, au titre de l'obligation de règlement, tenue de garantir les dettes nées antérieurement à la fusion, peu important qu'elles ne soient pas exigibles à cette date (Com. 20 avril 2017, n° 15-19.851 pour un contrat de prêt et la créance relative aux intérêts, pénalités et frais afférents à un prêt, qui prennent naissance le jour où ce prêt a été contracté)';

- en cas de fusion de sociétés, par voie d'absorption d'une société par une autre, l'obligation de la caution qui s'était engagée à garantir les dettes de la société absorbée n'est maintenue, pour la garantie des dettes de la société absorbante nées postérieurement à la fusion, que dans le cas d'une manifestation expresse de volonté de la caution de s'engager à garantir de telles dettes (Com. 17 mai 2017 n° 15-15.745 pour le cas d'une fusion-absorption de la société débitrice cautionnée, énoncée sous la forme d'un principe général)';

- en cas de'fusion'de sociétés, par voie d'absorption'd'une société par une autre, l'obligation de la caution qui s'était engagée à garantir les créances de la société absorbée n'est maintenue au profit de la société absorbante pour les créances nées postérieurement à la'fusion'que dans le cas d'une manifestation expresse de volonté de la caution de s'engager à les garantir,

- lorsque le créancier bénéficiaire du'cautionnement'fait l'objet d'une'fusion', l'obligation de couverture de la caution disparaît à compter de celle-ci, en l'absence d'une telle manifestation (Com., 2 juin 2021, n° 19-11.313 au sujet d'un cautionnement des dettes du locataire-gérant et de la fusion du créancier bénéficiaire du cautionnement).

Ces principes ont été appliqués dans le cadre de la transmission universelle par le créancier, par voie de scission, d'une branche complète et autonome d'activité à une autre société (Com. 8 mars 2017 n° 15-14.290), la Cour de cassation rappelant que l'obligation de la sous- caution, qui s'est engagée envers la caution de ce créancier, n'est maintenue pour la garantie des dettes nées postérieurement à la scission que dans le cas d'une manifestation expresse de volonté de la sous- caution de garantir les dettes du débiteur envers la société bénéficiaire de la transmission.

En ce qui concerne l'appréciation de la manifestation expresse de volonté de la caution de s'engager envers le nouveau créancier, la Cour de cassation exerce un contrôle semblable à celui opéré sur la novation, ce qui impose donc aux juges du fond de motiver avec précision les éléments dont ils déduisent l'existence de cette intention, de manière à ce que la Cour puisse vérifier si cette déduction était justifiée.

Selon l'article 1383 du code civil, l'aveu, qui est la déclaration par laquelle une personne reconnaît un fait de nature à produire contre elle des conséquences juridiques, est soit judiciaire soit extra-judiciaire.

Il ne peut porter que sur des points de fait et non sur des points de droit, et doit émaner de la partie à laquelle on l'oppose.

Il a été ainsi jugé que l'absence de contestation par le représentant légal de la société débitrice principale du montant de la créance ne caractérise pas, de sa part, un aveu judiciaire qu'il en garantit personnellement le paiement en qualité de caution (Com. 24 juin 2014 n° 13-21074).

En l'espèce, par deux actes séparés du 1er février 2015, M. et Mme [J] ont donné à la société LBV YR leurs cautionnements solidaires «'pour le remboursement ou le paiement de toutes sommes qui peuvent ou pourront lui être dues par la société SARL CECA' pour quelque cause que ce soit, qu'elle soit contractuelle, ou même délictuelle dans le cadre de l'exécution du contrat de location-gérance conclu pour une durée indéterminée prenant effet le 1er juillet 2013'», cet engagement étant donné pour «'une durée de 5 ans jusqu'à concurrence d'une somme globale de 21'567 euros couvrant le paiement du principal, des intérêts, frais et accessoires'».

En premier lieur, aux termes de ces stipulations, claires et dénuées d'ambiguïté, M. et Mme [J] se sont portés cautions des dettes futures de la société CECA, pouvant naître en exécution du contrat de location-gérance, au profit de la société LBV YR, spécialement désignée.

Dès lors, sauf à dénaturer les termes clairs de cet acte, il ne saurait être question de prétendre que ledit cautionnement vaudrait pour toute créance née dans le cadre du contrat de location-gérance peu important le créancier bénéficiaire, comme le sous-entend la société Yves Rocher dans un premier temps, avant de se prévaloir dans un second temps d'une substitution à son profit de la part de la société LBV YR, ce qu'il convient désormais d'examiner.

En deuxième lieu, compte tenu des règles ci-dessus rappelées, applicables en cas de transmission universelle de patrimoine à la suite d'une scission, il appartient au créancier absorbant, souhaitant bénéficier des cautionnements accordés à la société absorbée, d'établir que l'obligation de couverture et de règlement subsiste à son profit.

En l'espèce, tel qu'il a été indiqué ci-dessus, l'opération d'augmentation de capital par suite d'apport d'actifs sous le régime juridique des scissions de la société LBV YR à la société Yves Rocher, effective au 1er janvier 2016, a été retranscrite sur le K-bis de cette dernière par mention du 18 janvier 2016.

À compter de cette dernière date, compte tenu des termes des cautionnements de M et Mme [J], souscrits en faveur de la société LBV RY pour garantir les dettes de la société CECA, les cautions demeurent tenues, au titre de leur obligation de règlement, de garantir les créances nées antérieurement à cette opération de scission, par apports d'actifs.

Néanmoins, leur obligation de couverture disparaît pour les dettes nées postérieurement au 1er janvier 2016, sauf à démontrer qu'elles aient manifesté leur volonté expresse de les garantir, et par là même leur volonté de maintenir leur cautionnement au profit du créancier absorbant, soit la société Yves Rocher.

De première part, il n'est ni soutenu ni démontré que les créances pour lesquelles il est sollicité la garantie de M. et Mme [J] seraient des créances antérieures à l'opération de d'apport partiel d'actif.

Au contraire, il ressort des pièces versées aux débats que ces créances, à les supposer établies - ce qui sera examiné ci-après (II) - sont constituées, pour une partie de factures d'achat de marchandises, et pour l'autre de sommes liées à des encaissements reçus de clients lors d'achat de forfaits de soins et pour des prestations restant à effectuer au 25 septembre 2018.

S'agissant de créances liées à l'arrêt des comptes entre la locataire-gérante et son bailleur, à la suite de la résiliation amiable de leurs relations à effet du 24 septembre 2018, il n'est nullement établi, plus particulièrement pour les factures d'achat de marchandises, que le solde soit lié à des impayés datant de plus de deux ans. Ces créances sont donc bien nées postérieurement à l'opération de scission par apports d'actif.

Elles ne peuvent dès lors être garanties par les époux [J] que si ces derniers ont manifesté leur volonté expresse de garantir la société CECA au profit de la société absorbante Yves Rocher.

De deuxième part, c'est en contradiction avec la jurisprudence ci-dessus rappelée que la société Yves Rocher soutient que le silence des époux à la réception du courrier du 5 février 2016 leur annonçant la substitution du bénéficiaire de l'acte de cautionnement vaudrait manifestation expresse de volonté de ces derniers de l'accepter comme nouveau bénéficiaire de cette sûreté personnelle.

La cour estime qu'à lui seul, ce silence opposé à un courrier émanant de la société Yves Rocher, qui ne comportait qu'une affirmation de cette société de ce qu'elle serait le nouveau bénéficiaire, ne peut valoir preuve d'un engagement de M. et Mme [J] à garantir les dettes de la société CECA nées postérieurement au 18 janvier 2016 au profit de ce nouveau créancier.

De troisième part, sauf à dénaturer les termes précis des courriels adressés à la société Yves Rochers, pour l'un du 11 juin 2019 émis par le conseil, Me [P], dont l'intitulé est «'dossier YR c/SARL CECA'», pour l'autre du 23 mai 2019 par M. [J] ayant pour objet «'SARL CECA (courrier RAR de CIREC du 17 mai 2019 -mise en demeure de payer'», la cour d'appel considère qu'il ne peut y être décelé un quelconque aveu de la part de M. et Mme [J] de ce que leur cautionnement aurait pour nouveau créancier bénéficiaire la société Yves Rocher et de ce qu'ils accepteraient de maintenir leur engagement au profit de cette dernière.

Au contraire, ni l'un ni l'autre de ces courriels n'a trait aux actes de cautionnement, puisqu'ils concernent tous deux la dissolution anticipée de la société CECA et les effets de cette dissolution sur les créances détenues par la société Y Rocher à l'encontre de cette société.

Le seul fait que Me [P], dont il n'est pas démontré qu'il fût de plus le conseil des cautions, estime, dans le courriel du 11 juin 2019, que «'compte tenu des informations communiquées ci-avant et de la caution des consorts [J]'», la société Yves Rocher «'sera en mesure de patienter'», n'est pas de nature à établir la volonté expresse des cautions de maintenir la garantie au profit de cette dernière société.

La circonstance que M. [J] évoque, dans son courriel concernant exclusivement la situation de la société CECA, Me [P] comme «'notre avocat'» ou que ce dernier ait été informé de l'existence des cautionnements par les personnes physiques comme le souligne la société Yves Rocher, n'est pas plus de nature à justifier, d'une part, que Me [P] aurait reçu mandat de toutes les parties, et donc des cautions, d'autre part, d'une intention des cautions de s'engager au profit de la société Yves Rocher pour les dettes nées postérieurement à l'opération d'apport d'actifs.

La cour estime que ces éléments, même adjoints au silence opposé à réception du courrier adressé par la société Yves Rocher aux cautions le 5 février 2016 et annonçant la substitution du bénéficiaire de l'acte de cautionnement, ne sont pas davantage suffisants pour établir l'intention de M. et Mme [J] de garantir les créances détenues par la société Yves Rocher contre la société CECA et nées postérieurement à l'opération de scission.

En dernier lieu, la société Yves Rocher ne peut s'emparer de la mention, dans le courriel de Me [P], suivant laquelle «'Mme [J] ne conteste pas les sommes dues'», pour estimer qu'il existerait, à tout le moins pour cette dernière, une reconnaissance de ce que la garantie serait maintenue à son profit. En effet, cette formulation même est ambiguë, dès lors qu'elle figure dans un courrier exclusivement consacré à la société CECA et que Mme [J] a la double qualité de caution et de représentante légale de la société débitrice.

En conséquence, la société Yves Rocher échouant à démontrer être bénéficiaire d'un engagement de caution de la part de M. et Mme [J] pour les dettes nées postérieurement à l'opération de scission, son action à l'encontre de ces derniers en cette qualité, est irrecevable.

A juste titre, les premiers juges ont-ils estimé, dans la motivation du jugement entrepris, qu'aucun cautionnement n'avait été donné au profit de la société Yves Rocher pour les dettes nées postérieurement à l'opération d'apport, et qu'en conséquence ladite société n'a pas qualité et intérêt à agir à leur encontre. Néanmoins, ils n'ont pas repris cette fin de non-recevoir dans le dispositif du jugement et, en tout état de cause, ils ne pouvaient ensuite débouter sur le fond la société Yves Rocher de ses demandes sans commettre un excès de pouvoir.

La décision doit donc être infirmée en ce qu'elle a débouté la société Yves Rocher de ses demandes à l'encontre des cautions.

II- Sur le compte entre la société CECA et la société Yves Rocher

La société Yves Rocher expose que':

- elle a procédé à l'établissement du solde du compte, à l'issue des opérations du contrat, en opérant une compensation entre, d'un côté, les sommes dues par la société CECA au titre de marchandises impayées et du remboursement des sommes déclarées par Mme [J] au titre des cartes et soins non réalisés avant la cessation du contrat, de l'autre, les sommes qu'elle devait à la société CECA au titre du rachat des marchandises suite aux opérations d'inventaire (122'081,71 euros)';

- s'agissant des «'soins à venir'», elle a été obligée de rembourser à la nouvelle locataire-gérante des sommes supérieures au montant déclaré par Mme [J] dans son attestation';

- la gérante de la société CECA a reconnu le principe des créances par l'intermédiaire de son conseil.

Elle revient sur les modalités des opérations de fin de contrat et les sommes dues à l'issue par la société CECA. Elle indique produire l'ensemble des documents justificatifs relatifs aux créances dues par la société CECA au titre des factures exigibles et impayées, outre l'ensemble des éléments concernant le rachat des marchandises par ses soins à la société CECA.

Elle fait valoir que «'l'inventoriste'» a été confronté à des difficultés lors de ses opérations d'inventaire, notamment à l'absence d'ordinateur dans le local, suite à sa disparition dans un incendie selon Mme [J], et à la présence de produits qui n'étaient pas connus de la base informatique, laquelle avait du être récupérée auprès d'un autre institut d'[Localité 7].

Elle souligne qu'en dépit de ces difficultés, elle a accepté de comptabiliser ces produits au prix de 7 euros par unité, portant le solde dû par la société CECA, avant intégration des abonnements soins et cartes cadeaux non déclarés, à la somme de 106'667,71 euros.

Elle ajoute que des sommes lui sont dues à raison des «'pratiques illicites'» découvertes après la reprise de l'institut par la nouvelle partenaire, justifient les avoirs qu'elle a dû lui allouer. Elle conteste le caractère «'ubuesque'», selon les intimés, des montants en cause, soulignant que la disproportion par rapport aux chiffres d'affaires de l'institut, dont se prévalent les intimés, n'est nullement établie, faute d'élément comptable probant. Elle ajoute qu'un tel comparatif se trouve être stérile, la gérante étant suspectée de ne pas avoir en réalité encaissé l'intégralité des versements.

Elle souligne que c'est afin de ne pas léser les clients du réseau, alors persuadés d'être en possession de véritables cartes/abonnements, ni nuire à son image de marque, qu'elle n'a eu d'autres choix que de donner pour instruction à la nouvelle locataire-gérante de prendre en charge ces abonnements et cartes cadeaux.

Elle précise que':

- la liquidation amiable date de plus de quatre ans et le liquidateur amiable n'a réalisé aucun acte';

- la société CECA est en cessation des paiements depuis plusieurs années désormais';

- le créancier, en l'absence de tout paiement, est fondé à engager une action à l'encontre de la société en liquidation amiable.

Les intimés font valoir que':

- les pièces versées aux débats n'ont strictement aucune valeur probante, comme émanant toutes de la demanderesse et heurtant le principe selon lequel nul ne peut se constituer de preuve à lui-même';

- la créance de la société Yves Rocher n'est pas démontrée, cette dernière se fondant sur des documents internes et non contradictoires';

- il n'est justifié d'aucune faute commise, ni d'aucune demande légitime à l'encontre de Mme [J] en qualité de liquidatrice, ce qui doit conduire au débouté de la société Yves Rocher';

- la société Yves Rocher n'a jamais fondé sa demande légalement, et ne justifie pas du quantum réclamé';

- le contrat et l'accord de résiliation n'ont pas été respectés par la société Yves Rocher, notamment l'obligation de procéder contradictoirement au décompte et au compte final';

- la valeur d'achat des produits rachetés n'a pas été transmise, ni les éléments relatifs aux produits présents avec une date de consommation de moins de 3 mois';

- il existe, dans les conclusions de la société Yves Rocher, un aveu judiciaire que la créance de la société CECA est de 103'693, 74 euros HT, le tribunal n'ayant pas reconnu cette créance au bénéfice de cette dernière «'uniquement par équité entre les parties'»';

- la société Yves Rocher ne justifie pas des factures échues ou non encore échues de la société CECA à la date de cessation de son activité le 24 septembre 2018, qui devaient être compensées avec les sommes dues par elle';

- l'inventaire des abonnements soins n'a pas été effectué par Mme [J], qui, à cette date, ne disposait plus des clefs du magasin, mais par la société Yves Rocher elle-même, hors la présence de Mme [J]';

- la société Yves Rocher avait tout le temps de vérifier alors les documents comptables et administratifs présents sur place, de sorte qu'il est hasardeux d'affirmer ne pas avoir tout inspecté et avoir apposé la signature sur l'attestation, sans que cette dernière puisse lui être désormais opposée comme valant aveu';

- les accords éventuellement pris entre la société Yves Rocher et sa nouvelle locataire-gérante à compter de novembre 2018 ne concernent aucunement la société CECA et les factures produites ne ressortent que de ces accords, au demeurant non justifiés';

- le quantum de la dette, s'il y en a une, n'a jamais été validé, le montant supérieur à 300'000 euros annoncé étant «'ubuesque'»';

- la société Yves Rocher a procédé unilatéralement et discrétionnairement à l'établissement du solde de compte, alors que les parties étaient expressément convenues de se rencontrer après inventaire, justement afin d'établir entre elles le solde de toute compte';

- la société Yves Rocher a imaginé, voire créé, de toute pièce des dettes qui seraient apparues après deux mois et après la validation des dettes respectives, et ce notamment pour les prétendus «'soins à venir'».

Réponse de la cour

Au préalable, c'est sans fondement que les intimées contestent les demandes de la société Yves Rocher, en ce qu' «'il n'est donc justifié d'aucune faute commise ni d'aucune demande légitime à l'encontre de Mme [J] es qualité de liquidatrice'».

En effet, les demandes de la société Yves Rocher ne sont pas présentées à l'encontre de la liquidatrice amiable, Mme [J] à titre personnel, et fondées sur les dispositions relatives à la responsabilité du liquidateur amiable, mais sont uniquement formées à l'encontre de « la société CECA, représentée par sa liquidatrice amiable'», comme permet de s'en assurer le dispositif des écritures de la société Yves Rocher.

C'est pareillement à tort que les intimées font état d'une absence de fondement de l'action introduite par la société Yves Rocher à l'encontre de la société CECA, alors même que cette action concerne, d'une part, le solde pouvant exister entre les parties, en application, d'abord, des stipulations du contrat de location-gérance unissant la société CECA et la société LBV YR, aux droits de laquelle vient la société Yves Rocher, ensuite, de l'accord de résiliation conclu entre la société CECA et la société Yves Rocher, d'autre part, les sommes éventuellement dues au titre de pratiques estimées illicites par la société Yves Rocher en raison de l'exécution dudit contrat de location-gérance.

La demande tendant à «'rejeter purement et simplement une action qui ne repose sur aucun fondement juridique'» est donc injustifiée.

1) Sur les demandes au titre du solde de tout compte

En application de l'article 1353 du code civil, celui qui réclame l'exécution d'une obligation doit la prouver. Réciproquement, celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l'extinction de son obligation.

En l'espèce, les parties s'opposent sur le solde de tout compte adressé par la société Yves Rocher à sa locataire-gérante, laquelle soutient que les pièces versées aux débats ne permettent pas de justifier d'une créance en faveur du loueur, estimant même que le solde serait en sa faveur, ce qu'aurait reconnu la société Yves Rocher.

Avant d'examiner successivement les créances respectives invoquées, il sera souligné, tout d'abord, que c'est à tort que la société CECA invoque la règle selon laquelle nul ne peut se constituer de preuve à soi-même pour disqualifier les éléments produits par la société Yves Rocher.

En effet, ce principe ne trouve à s'appliquer qu'en matière de contrat, et non en matière de faits juridiques, dont la preuve peut être faite par tout moyen et est libre, en présence de deux parties ayant la qualité de commerçantes. Il appartient uniquement à la cour, pour chacune des preuves alléguées, d'apprécier la valeur probante de la pièce versée aux débats.

Ensuite, la société CECA mentionne à plusieurs reprises l'aveu qui aurait été effectué par la société Yves Rocher, et ce plus particulièrement en ce qui concerne la reconnaissance par le loueur d'un solde en sa faveur dans ses conclusions d'appel n° 2.

Or, s'agissant d'un aveu judiciaire, ce dernier ne saurait être divisé, en application de l'alinéa 3 de l'article 1383-2 du code civil, la société Yves Rocher ayant uniquement «'accept[é] donc de porter le montant correspondant au rachat des marchandises à 103'693, 74 euros (= 88 279,74 euros +15 414 euros (2,202 produits x 7 euros)), de sorte que le solde dû par la société CECA, avant intégration des abonnements soins et cartes cadeaux non déclarés par la gérante, s'élève à la somme de 106'667, 71 euros TTC'». Ainsi, il ne ressort nullement de cette assertion que la société Yves Rocher aurait limité sa réclamation au titre du solde global à la somme de 103'693,74 euros comme le prétend la société CECA.

Enfin, la société CECA consacre à plusieurs reprises des développements relatifs au non-respect des stipulations de l'accord de résiliation, ou encore du contrat de location-gérance, relatives à l'établissement d'un compte ou d'un inventaire contradictoire.

Cependant, même à le supposer établi, il ne saurait se déduire du non-respect de ces stipulations une impossibilité, pour la société Yves Rocher, d'invoquer une créance, voire de l'établir en justice, comme le sous-entend la société CECA, dès lors que sont apportées des preuves suffisantes pour démontrer la réalité de la créance revendiquée, ce qu'il convient désormais d'examiner.

En l'espèce, l'accord de résiliation, reprenant les stipulations prévues par l'article 16 du contrat de location-gérance au titre des «'obligations de la locataire et du loueur lors de l'expiration ou de la résiliation anticipée du présent contrat'», rappelle la nécessité de faire un solde de compte à l'issue du contrat, en«' procéd[ant] à une compensation entre le rachat de la marchandise par Yves Rocher et le montant total des factures impayées exigibles et des factures non encore échues de la société CECA à la date de cessation de son activité'», laquelle a été fixée au 24 septembre 2018.

- Sur la créance au titre du stock de marchandises présentes dans le magasin lors de la résiliation

L'article 16-7 du contrat de location-gérance prévoit que «'le loueur s'engage à racheter à la locataire, aux prix auxquels celle-ci les a acquis, tous les produits Yves Rocher figurant au Livre vert de la beauté ayant moins de trois mois sous réserve d'un inventaire dans leur état de conservation et de fraîcheur. Le solde non racheté sera détruit devant huissier après inventaire contradictoire et les frais d'huissier et de destruction étant partagés entre les parties'».

L'accord de résiliation a dérogé à l'obligation de faire établir un inventaire contradictoire aux frais de la locataire, seulement en ce qu'il est prévu que cet inventaire soit effectué aux frais de la société Yves Rocher.

Des pièces du dossier, on peut retenir que':

- un inventaire a été réalisé le 24 septembre 2018 par l'inventoriste désigné dans l'accord de résiliation, comme en atteste la pièce 21, mentionnant le scannage de 100'% des pièces, soit des 14'650 pièces inventoriées, localisées pour 9'028 d'entre elles en boutique, et pour les 5'622 restantes en réserve';

- par un commentaire sur cette attestation, la société chargée de l'inventaire fait état de difficultés': «'suite à un incendie, rachat du stock, pas de PC magasin à mon arrivée, donc impossible de générer une base ni de commencer l'inventaire sur Cegid, donc appel à TCB pour trouver une solution, mais en vain, car impossible sans le PC magasin. Donc j'ai récupéré une base d'un collège sur un autre YR pour pouvoir scanner les produits. J'ai eu une personne de chez YR comme quoi je faisais l'inventaire physique et que je remettrai le fichier au DR et qu'ils feront l'intégration et le traitement des écarts eux même à l'arrivée du PC'»';

- Mme [J] a signé, conjointement avec Mme [N], responsable magasin Yves Rocher, un document mentionnant, outre la date du 24 septembre 2018, «'inventaire complet': 14'650 pièces inventoriées'»';

- un listing sur 31 pages, produit aux débats en pièce 5, comporte les références de différents produits inventoriés, leur quantité, ainsi que leur coût unitaire, les éventuelles remises et le prix net total, la page 31 faisant état d'une ventilation selon les rubriques cadeaux, produits, infusions, offre spécial, contenant accessoires et mini-produits, soit au total 12'302 produits, pour un prix global de 88'279, 74 euros';

- des factures sont jointes communiquées pour des livraisons effectuées sur la période de juin à août 2018, les bons de livraisons, signés par Mme [J], détaillant les produits livrés, leur prix unitaire et leur quantité.

Compte tenu de ces éléments, la société CECA, qui, par l'attestation signée le 24 septembre 2018, a admis la présence de 14'650 produits inventoriés par la société désignée dans l'accord de résiliation, ne peut s'emparer, d'une part, du fait qu'un retraitement non contradictoire des éléments recueillis a été nécessaire, d'autre part, de la présence de 2'348 produits, soit 146 produits au prix d'achat de 0 euro et 2202 produits inconnus, pour déprécier l'inventaire réalisé et critiquer la réclamation effectuée par la société Yves Rocher au titre des marchandises en stock.

En effet, d'abord, les pièces versées aux débats explicitent les difficultés rencontrées pour réaliser un inventaire complet en lien avec un incendie, survenu aux dires de la locataire-gérante dans les jours précédents et ayant détruit les éléments comptables du magasin. Ensuite, la société Yves Rocher offre pour les 2'202 produits inconnus de les racheter au tarif unitaire de 7 euros, correspondant au prix moyen des 12'302 produits connus inventoriés, sans que la société CECA justifie de ce que le prix de ces produits serait supérieur à ce montant.

Elle ne peut pas plus objecter qu'il n'est pas justifié du solde de produits non rachetés, en raison de leur date de consommation inférieure à 3 mois ou de leur état de conservation, alors que 100'% des produits du magasin, soit 14'650 pièces, ont été inventoriés et se trouvent dès lors, compte tenu de ce qui précède rachetées.

L'absence de communication du procès-verbal d'huissier relatif à la destruction des marchandises - à supposer qu'il y ait eu destruction de marchandises, ce qui n'est pas établi -, serait en tout état de cause sans incidence sur le montant des marchandises en stock rachetées. Au surplus, cette obligation de destruction par huissier de ces pièces est stipulée dans l'intérêt non de la locataire-gérante, mais du bailleur, afin d'éviter leur utilisation ou revente par la locataire-gérante sortante au détriment du loueur.

Enfin, c'est par des motifs généraux, imprécis, dubitatifs et non étayés par le moindre commencement de preuve, que la société CECA prétend qu'il n'est pas justifié des prix des différents produits comptabilisés et que «'le chiffrage ['] pourrait être plus élevé au profit de la SARL CECA'», cependant que le recoupement des différentes pièces produites aux débats démontre la concordance entre les prix retenus à titre de prix unitaires pour les produits retrouvés en stock et les prix d'achat de ces produits par la société CECA.

Ainsi, à titre d'illustration, il sera mentionné que le produit «'crème riche Hydra végéta2'», portant le code 99 291, figurant en page 30/31 du listing issus de l'inventaire retraité, mentionne pour ce produit une TVA de 20'%, une quantité de 11 et un prix unitaire brut HT de 12,08 euros.

Ce produit, avec la même référence, se retrouve sur une des dernières livraisons reçues par la société CECA, le 10 juillet 2018, dont le bon de livraison (n° 2331158) est signé par la gérante, en page 21/22 du récapitulatif de la livraison, colis V 095 (p10/22 au nombre de 10 produits), conformément à la commande en annexe page 1/15 pour une quantité de 10 produits, la facture établie pour un montant 10'187, 63 euros, appliquant pour ce produit un prix unitaire de 12,08 euros HT, prix identique à celui repris sur le listing retraité.

Les critiques de la société CECA manquent donc en fait.

Compte tenu de ces éléments et des pièces versées aux débats, il convient donc retenir au titre du solde dû à la société CECA par la société Yves Rocher pour les marchandises en stock la somme de 103'693,74 euros.

- Sur la créance au titre de factures de marchandises impayées

Pour critiquer les demandes de la société Yves Rocher, la société CECA ne peut se contenter de pointer l'absence de caractère probant des décomptes produits par l'appelante du seul fait qu'ils auraient été établis par elle-même et ne seraient justifiés par aucune pièce.

Comme ci-dessus précisé, l'existence de factures impayées, échues ou même non encore échues à la date de la résiliation, est un fait juridique qui peut être prouvé par tout moyen, en ce compris par des pièces ou extraits comptables émanant de la personne qui les oppose, sous réserve qu'ils soient jugés suffisamment probants, contrairement à ce que prétend la société CECA.

En l'espèce, l'article 16-1 du contrat de location-gérance stipule que «'le locataire s'engage à payer au loueur sans délai, toutes les dettes contractées vis-à-vis du loueur non encore acquittées (achats de produits, de matériel ou de fournitures diverses, intérêts de retard').'»

Par ailleurs, dans l'accord de résiliation du 24 septembre 2018, les parties ont expressément envisagé la compensation entre «'le montant total des factures impayées exigibles et des factures encore non échues de la société SARL CECA à la date de cessation de son activité'», les parties convenant de se rencontrer «'après ledit inventaire pour établir un solde de compte et examiner les modalités de règlement des dettes de la société CECA vis-à-vis d'Yves Rocher qui n'auront pas été apurées par cette compensation.'»

Ces éléments établissent le principe d'une créance de la société Yves Rocher à l'encontre de la société CECA au titre de factures échues et non échues qui resteraient impayées à la date de la résiliation, ce que confirment les décomptes produits par la société Yves Rocher.

Contrairement à ce qu'affirme la société CECA, la société Yves Rocher, pour justifier de la présence de factures échues et non échues impayées et de leur montant, ne se contente pas de verser un décompte récapitulatif (pièce 7). Elle produit, au contraire, les différentes factures, reprises dans ce décompte, les récapitulatifs de commandes hebdomadaires, les extraits du logiciel du magasin, les bons de livraison se référant à chacune, des récapitulatifs hebdomadaires des produits, émanant du logisticien chargé du transport et signés par le destinataire, Mme [J], un récapitulatif de livraison, avec les numéros de palettes et de colis, ainsi que le détail des produits contenus dans chacun de ces derniers, et enfin, une facturation établie en fonction des produits listés dans le récapitulatif de livraison.

Il est, en outre, versé aux débats des factures d'avoirs, liées aux promotions en cours sur les produits et périodes concernés.

De plus, il doit être noté que la société CECA, invitée à plusieurs reprises par la société Yves Rocher à adresser des propositions de règlements concernant les sommes dont elle resterait débitrice, lesquelles comprenaient la créance de factures échues et non échues, telle que cela résulte de la mise en demeure adressée le 22 octobre 2018 à laquelle était jointe une situation du compte entre les parties, n'a élevé aucune contestation précise et argumentée.

À réception de cette mise en demeure adressée par lettre recommandée comme à réception de celle émise par la société de recouvrement Cirec le 17 mai 2019, la société CECA n'a formulé aucune critique.

Au contraire, par l'intermédiaire de son conseil, dans un courriel adressé le 11 juin 2019 à la société Yves Rocher, la société CECA a expressément indiqué que Mme [J], représentante légale de «'la société CECA, ne conteste pas les sommes dues, l'une relative aux factures d'achat de marchandise, l'autre relative à des encaissements reçus de clients lors d'achat de forfaits de soin(s) et pour des prestations restant à effectuer'».

Enfin, faute de critiques argumentées et d'analyse des pièces produites par la société Yves Rocher, les contestations de la société CECA, dans ses écritures en appel, demeurent vagues et imprécises et échouent à remettre en cause le compte précis et détaillé de la société Yves Rocher, lequel est conforté par l'ensemble des pièces précitées (extraits comptables, factures, bons de livraison, récapituatif de commandes).

Compte tenu de l'ensemble de ces éléments, il est justifié par la société Yves Rocher de factures de marchandises impayées à la date de la résiliation, soit au 24 septembre 2018, pour un montant de 78'502,04 euros TTC et de factures de marchandises non échues à la date de la résiliation pour un montant de 93'946,21 euros TTC, soit un total au titre des créances de marchandises livrées et impayées en faveur de la société Yves Rocher de 172'448,25 euros TTC.

- Sur la créance de redevances

Le contrat stipule, en son article 6, qu' «'en contrepartie de la mise à disposition du fonds de commerce tel que désigné à l'article 2, la présente location-gérance est consentie et acceptée moyennant une redevance de location dont les modalités de détermination et de paiement figurent en annexe 2.'»

Se trouvent produites aux débats des factures de redevance, correspondant aux échéances des mois d'août et septembre 2018, demeurées impayées, selon la société Yves Rocher, pour un montant de 13'998, 66 euros.

Aucune critique n'est élevée par la société CECA à l'encontre de cette réclamation, que ce soit dans ses écritures d'appel, ou à la suite des mises en demeure précitées, lesquelles reprennent, dans le compte annexé, cette demande de la société Yves Rocher.

Il n'est ainsi ni soutenu ni établi que ces échéances auraient été payées ou que les montants réclamés ne correspondraient pas aux modalités de détermination du coût de la location-gérance, telles que convenues par les parties et exposées dans l'annexe 2, jointe au contrat de location gérance.

La créance de la société Yves Rocher à l'encontre de la société CECA au titre des redevances échues et impayées est suffisamment établie par les pièces versées aux débats et s'élève à la somme de 13'998, 66 euros.

- Sur la créance au titre des abonnements en cours et prestations à effectuer postérieurement au 24 septembre 2018 Les parties conviennent toutes deux qu'il faut intégrer dans le solde de tout compte, prévu par le contrat de location-gérance, les frais et abonnements souscrits lors de la résiliation, mais dont la réalisation est à venir, postérieurement à ladite résiliation, soit le 24 septembre 2018.

Si un inventaire contradictoire est prévu par le contrat de location-gérance en ce qui concerne les produits en stock au magasin, aucune procédure spécifique n'est envisagée pour évaluer les soins et prestations restant à effectuer.

Il ressort des pièces produites, ce qui n'est pas contesté par la société Yves Rocher, que la gérante de la société CECA a remis les clefs le 24 septembre 2018 et ne s'est plus rendue en boutique à compter de cette date.

Il est produit une attestation datée du 19 octobre 2018, soit postérieurement, d'une part, à la résiliation du contrat de location-gérance et à la remise des clefs par la société CECA, d'autre part, à la reprise de la gestion du fonds de commerce, laquelle a été effectuée dans un premier temps en direct par la société Yves Rocher avant d'être attribuée à une nouvelle locataire-gérante.

Cette attestation, qui est signée de Mme [N], directrice de région Yves Rocher, et de Mme [J], gérante de la société CECA, précise que le montant des abonnements en attente de soins facturés aux clients et non gérés par le TCB (terminal carte bancaire) s'élève à 41'792 euros.

Aucun élément ne vient établir que ladite attestation aurait été rédigée par Mme [J], laquelle avait quitté les locaux depuis le 24 septembre 2018, cette dernière produisant une attestation d'une salariée du salon qui indique avoir effectué l''«'inventaire des forfaits et fiches Bristol'» hors la présence de l'ancienne locataire-gérante.

En signant cette attestation par l'intermédiaire de sa directrice de région, la société Yves Rocher a admis que la créance devant être inscrite en solde de tout compte, connue au 19 octobre 2018, au titre du montant des abonnements de soins et prestations facturés en attente de réalisation, s'établissait à la somme de 41'792 euros, ce qui a été validé par la société CECA, celle-ci ayant contresigné ce document.

Dans le cadre du solde de tout compte, la créance de la société Yves Rocher au titre des prestations et soins à venir est suffisamment établie et doit être fixée à la somme de 41'792 euros HT, soit 50'150, 40 euros TTC, en application de l'accord intervenu entre les parties.

- Sur la créance au titre des avoirs et régularisations

La société Yves Rocher fait état de sommes dues par elle à la société CECA, au titre des remboursements d'opérations promotionnelles initiées par elle-même et relayées par cette dernière, pour un montant de 22'646,94 euros TTC ainsi que des régularisations, pour un montant de 6'349,73 euros TTC.

Ces éléments ne font l'objet d'aucune critique de la part de la société CECA et sont confortés par le récapitulatif des créances respectives, joint en annexe de la mise en demeure du 22 octobre 2018 relative au solde de tout compte

En conclusion, en application du contrat de location-gérance et au titre de solde de tout compte, il résulte de tout ce qui précède que':

* la créance de la société CECA à l'encontre de la société Yves Rocher s'élève à la somme de':

103'693,74 euros au titre du stock marchandises

+ 22 646,94 euros au titre des avoirs promotionnels

+ 6 349,73 euros au titre des régularisations

soit un total de 132'690,41 euros';

* et la créance de la société Yves Rocher à l'encontre de la société CECA s'élève à la somme de':

172'448,25 euros au titre des marchandises livrées et impayées

+ 13'998,66 euros au titre des redevances impayées

+ 50'150,40 euros au titre des abonnements en attente de soins facturés aux clients et non gérés par le TCB

soit un total de 236'597,31 euros.

Ainsi, après compensation de ces créances réciproques, le solde de tout compte en faveur de la société Yves Rocher s'établit à la somme de 103'906,90 euros.

La décision entreprise est donc infirmée en ce qu'elle a débouté la société Yves Rocher de sa demande au titre du solde de tout compte.

Statuant à nouveau, il convient de condamner la société CECA, représentée par sa liquidatrice amiable, Mme [J] à payer à la société Yves Rocher la somme de 103'906,90 euros, avec intérêt aux taux légal à compter de la présente décision en application de l'article 1237-1 du code civil.

La société CECA est déboutée de sa demande en paiement formée contre la société Yves Rocher à hauteur de 61'901,74 euros au titre d'un solde de tout compte en sa faveur.

2) Sur les demandes au titre des pratiques illicites

En l'espèce, la société Yves Rocher demande la condamnation de la société CECA à la somme de 201'723,88 euros au titre des «'pratiques illicites découvertes après la reprise de l'institut'», constituées par des «'abonnements soins et cartes cadeaux non déclarés par Mme [J] lors des opérations de fin de contrat'», soit le montant de 251'874, 28 euros TTC qu'elle a été contrainte de rembourser à sa nouvelle locataire-gérante, minoré de la somme de 50'150,40 euros d'ores et déjà prise en compte dans le solde de tout compte.

Il convient d'ores et déjà de noter que la société Yves Rocher n'évoque pas avec précision le fondement de l'action civile exercée au titre des pratiques illicites et des montants non déclarés par sa locataire-gérante.

Elle distingue cependant bien, tant dans les motifs de ses écritures que dans leur dispositif, d'une part, les prétentions liées aux opérations de fins de contrat, notamment celles concernant les comptes entre les parties, objet des développements, § 2.3.2.1 (pages 17 à 26) et d'un tiret distinct dans le dispositif, d'autre part, les prétentions liées aux pratiques dénoncées et qualifiées d'illicites, objet des développements, § 2.3.2.2 (pages 26 à 30) et d'un tiret distinct dans le dispositif.

La cour comprend de la présentation adoptée dans les conclusions de l'appelante et de la référence au caractère illicite et non déclaré des pratiques contestées qu'aurait mises en 'uvre son ancienne locataire-gérante, que la société Yves Rocher entend obtenir réparation du préjudice que ces pratiques, à les supposer établies, auraient engendré. Ce préjudice serait constitué par l'obligation qui aurait été la sienne de régler à la nouvelle locataire-gérante le coût des prestations correspondant aux cartes et abonnements en cours délivrés, sans être déclarés, au mépris des engagements de fin de contrat souscrit par la société CECA.

Dans ce cadre, il appartient à la société Yves Rocher, qui doit invoquer les faits nécessaires au soutien de ses prétentions et les prouver conformément aux articles 6 et 9 du code de procédure civile, d'apporter, dans la présente instance, la preuve du préjudice invoqué et de la faute commise par son ancienne locataire-gérante, ainsi que le lien de causalité entre la faute reprochée et le préjudice dénoncé, par le biais d'une démonstration précise, argumentée et corroborée par des pièces justifiant ses affirmations.

En l'espèce, à plusieurs reprises dans ses développements consacrés à cette prétention, la société Yves Rocher se réfère à la plainte pénale contre X qu'elle a déposée entre les mains du juge d'instruction, valant mise en mouvement de l'action publique, «'afin notamment de pouvoir faire la lumière sur l'ensemble de la pratique litigieuse'» ( page 27).

Elle renvoie ainsi à cette dernière pour caractériser les faits, objet de son action civile, les montants réclamés «'ainsi que cela est évoqué aux termes de la plainte déposée'» (page 27) ou encore page 28': «'plus encore et ainsi que cela est précisé dans le cadre de la plainte'»), reprenant, à titre d'illustration, un exemple de forfaits «'joint[s] à la plainte'» (page 29), sans pour autant prendre la peine de construire, dans les écritures dont est saisie la cour, une véritable argumentation et analyse susceptibles de fonder sa prétention et d'être réfutée par la partie adverse.

Or, il n'appartient pas à la cour de suppléer à l'insuffisance de démonstration et d'analyse des pièces, en extrayant de la plainte les éléments susceptibles de venir au soutien de la demande formulée devant elle, sauf à prendre en défaut la partie adverse, qui n'aurait pu contradictoirement s'expliquer.

Néanmoins, il s'extrait des écritures de la société Yves Rocher qu'elle impute à sa locataire-gérante des pratiques consistant à ne pas avoir comptabilisé l'ensemble des abonnements soins et cartes cadeaux, d'avoir encaissé en espèces des abonnements contre des soins offerts, d'avoir délivré de faux bons ou cartes cadeaux, ce qui l'a conduite, elle, société Yves Rocher, à devoir prendre en charge ces soins et abonnements, en rémunérant la nouvelle locataire-gérante du montant correspondant.

Tout d'abord, il doit être observé qu'il n'est pas justifié par la société Yves Rocher des process qu'elle préconise auprès de ses partenaires, d'une part, pour délivrer les abonnements et cartes cadeaux, notamment la possibilité ou non d'encaisser en espèce des abonnements, d'offrir des soins ou d'établir des bons ou cartes cadeaux, d'autre part, pour comptabiliser les abonnements et cartes-cadeaux non encore consommés en cas de changement de partenaire sur un point de vente.

Ensuite, à la suite de la résiliation du contrat conclue entre les parties à effet du 24 septembre 2018, il a déjà été indiqué qu'un solde de tout compte a été réalisé après inventaire contradictoire le 24 septembre 2018.

La société Yves Rocher ne conteste ni avoir repris les clefs du magasin à l'issue de l'établissement du solde de tout compte, ni avoir changé les serrures comme l'affirme la société CECA, laquelle souligne ne plus avoir eu accès aux points de vente après cette date. Cela est d'ailleurs confirmé par les attestations de salariées du point vente précisant avoir effectué l'inventaire des abonnements avec des responsables de secteur de la société Yves Rocher, hors la présence de Mme [J].

L'attestation signée de Mme [J] et du directeur de région, relative au «'montant des abonnements en attente de soins facturés aux clients et non gérés par le TCB'» (soit 41'792 euros), a d'ailleurs été établie le 19 octobre 2018, après la reprise du point de vente, le nouvel inventaire et la possibilité pour la société Yves Rocher d'effectuer des investigations complémentaires.

Or, la société Yves Rocher se prévaut de forfaits soins, cartes ou bons non comptabilisés, et qui auraient été découverts bien plus tardivement, notamment par la nouvelle locataire-gérante, sans expliquer comment, après avoir repris la gestion en direct de ce fonds de commerce pendant plus de deux mois, elle n'avait pu déceler les pratiques qu'elle dénonce.

Pour établir la non-comptabilisation des forfaits et abonnements et la présentation de demandes de clients en vue de réalisation de soins à la suite de cartes cadeaux acquises auprès de l'ancienne locataire-gérante et payées en espèces, la société Yves Rocher communique aux débats, d'une part, un compte rendu dactylographié du 21 février 2019, non signé mais attribué à sa nouvelle locataire-gérante, d'autre part, des courriels adressés à la direction de la société Yves Rocher par sa responsable de secteur, Mme [N], signataire de l'attestation établie le 19 octobre 2019, lesquels se contentent de relayer les informations données par la nouvelle locataire-gérante.

Ces pièces, insuffisamment précises, ne sont pas probantes compte tenu, d'abord, des liens, soit salariaux, soit tenant au nouveau contrat de location-gérance, qui unissent ces personnes à la société Yves Rocher, ensuite, des intérêts que ces dernières peuvent avoir à voir reconnaître la présence de forfaits complémentaires non déclarés. Il ne peut échapper que la nouvelle locataire-gérante se voit, compte tenu de la présence de soins en cours non déclarés et comptabilisés, défrayée pour des prestations qu'elle indique avoir effectuées.

Par ailleurs, la production de photographies d'une boîte comportant des fiches bristol, relatives à des soins, qui auraient été non enregistrées, découverte plusieurs mois après la résiliation du contrat de la société CECA, ou encore la production de copies de fiches, voire des photographies adressées par la nouvelle partenaire le 27 juin 2019, relatives à des forfaits restant à encaisser, ne sont pas de nature ni à établir le caractère illicite et la réalité des pratiques dénoncées, ni à imputer à la société CECA les pratiques qu'elles sont censées illustrer.

En conséquence, les faits dénoncés n'étant pas prouvés, la demande de la société Yves Rocher est rejetée. La décision entreprise est donc confirmée en ce qu'elle a débouté la société Yves Rocher de cette demande.

III - Sur les dépens et accessoires

En application des dispositions de l'article 696 du code de procédure civile, la société CECA, représentée par sa liquidatrice amiable, succombant pour l'essentiel en ses prétentions, il convient de la condamner aux dépens de première instance et d'appel.

Les chefs de la décision entreprise relatifs aux dépens et à l'indemnité procédurale sont infirmés.

La société CECA supportant la charge des dépens, il convient de la condamner à payer à la société Yves Rocher une indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et de la débouter de sa demande d'indemnité procédurale.

La demande d'indemnité procédurale de M. et Mme [J], en qualité de cautions, formée à l'encontre de la société Yves Rocher, est rejetée.

PAR CES MOTIFS

INFIRME le jugement entrepris en toutes ses dispositions';

Statuant à nouveau et y ajoutant,

REJETTE les fins de non-recevoir tirées du défaut de qualité et du défaut d'intérêt à agir soulevées par la société CECA, représentée par Mme [J] en qualité de liquidatrice amiable, à l'encontre de l'action de la société Yves Rocher'France ;

DÉCLARE irrecevable l'action de la société Yves Rocher France à l'égard de M. et Mme [J] pris en leur qualité de cautions';

CONDAMNE, après compensation, la société CECA, représentée par sa liquidatrice amiable Mme [J], à payer à la société Yves Rocher France la somme de 103'906, 90 euros au titre de la créance de solde de tout compte, avec intérêt aux taux légal à compter de la présente décision';

DÉBOUTE la société CECA, représentée par sa liquidatrice amiable Mme [J], de sa demande en paiement formée contre la société Yves Rocher France à hauteur de 61'901,74 euros au titre d'un solde de tout compte';

DÉBOUTE la société Yves Rocher France de sa demande en paiement au titre des pratiques illicites';

CONDAMNE la société CECA, représentée par sa liquidatrice amiable Mme [J], aux dépens de première instance et d'appel';

CONDAMNE la société CECA, représentée par sa liquidatrice amiable Mme [J], à payer à la société Yves Rocher France la somme de 7 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile';

DÉBOUTE M. et Mme [J], en qualité de cautions, de leur demande d'indemnité procédurale formée à l'encontre de la société Yves Rocher'France ;

DÉBOUTE la société CECA, représentée par sa liquidatrice amiable Mme [J], de sa demande d'indemnité procédurale formée à l'encontre de la société Yves Rocher France.

Le greffier

Marlène Tocco

La présidente

Stéphanie Barbot

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