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Décisions

CA Paris, Pôle 5 - ch. 9, 1 octobre 2025, n° 24/16443

PARIS

Arrêt

Autre

CA Paris n° 24/16443

1 octobre 2025

Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 5 - Chambre 9

ARRÊT DU 1er OCTOBRE 2025

(n° , 23 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 24/16443 - N° Portalis 35L7-V-B7I-CKC5L

Décision déférée à la Cour : Jugement du 20 Septembre 2024 - Tribunal de Commerce de PARIS - RG n° 2024003235

APPELANTE

Société OCM [Localité 14] ECS RETAIL FRANCE société de droit luxembourgeois, agissant en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 6]

[Localité 13] (LUXEMBOURG)

Représentée par Me Benjamin MOISAN de la SELARL BAECHLIN MOISAN Associés, avocat au barreau de PARIS, toque : L34

Assistée par Me Félix THILLAYE du LLP WHITE AND CASE LLP, avocat au barreau de PARIS, toque : J002

INTIMÉS

M. [G] [O]

[Adresse 9]

[Localité 10]

S.A.R.L. LES JARDINS DEL SOL

[Adresse 2]

[Localité 10]

Immatriculée au RCS de [Localité 16] sous le numéro 832 910 137

Représentés par Me Harold HERMAN, avocat au barreau de PARIS, toque : T03

Assistés par Me Rosalie LECHAT, avocat au barreau de PARIS, toque : T03

S.A.S. FREE INVEST

[Adresse 8]

[Localité 10]

Immatriculée au RCS de [Localité 16] sous le numéro 450 853 957

Représentée par Me Laurent COTRET de la SCP AUGUST & DEBOUZY et associés, avocat au barreau de PARIS, toque : P0438

S.A.S. [Adresse 18]

[Adresse 3]

[Localité 10]

Immatriculée au RCS de [Localité 16] sous le numéro 843 581 778

Assignation à étude conformément aux dispositions de l'article 656 du code de procédure civile. Non constituée (signification de la déclaration d'appel en date du 16 octobre 2024)

S.A.S. DU BEAU VOIR prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 5]

[Localité 10]

Immatriculée au RCS de [Localité 16] sous le numéro 413 062 860

Représentée par Me Nadia BOUZIDI-FABRE, avocat au barreau de PARIS, toque : B0515

Assistée par Me Clément WIERRE de la SELAS PELTIER JUVIGNY MARPEAU & ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : L099

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 04 Juin 2025, en audience publique, devant la Cour composée de :

Sophie MOLLAT, Présidente

Alexandra PELIER-TETREAU, Conseillère

Caroline TABOUROT, Conseillère

qui en ont délibéré

Greffier, lors des débats : Yvonne TRINCA

ARRÊT :

- Par défaut

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Alexandra PELIER-TETREAU, Conseillère pour la présidente empêchée, et par Yvonne TRINCA, greffier présent lors de la mise à disposition.

Exposé des faits et de la procédure

La SA Trimax, société de droit luxembourgeois, est la société holding d'un groupe de sociétés comprenant:

- la SAS Trimax Développement de droit français

- la SAS Du Beau Voir de droit français

- la SA Trimax Environnement de droit Luxembourgeois.

Monsieur [G] [O] détenait 94,98% des actions de la SA Trimax, le solde étant détenu par la société luxembourgeoise Roosevelt 15-17 SPF.

La société OCM [Localité 14] ECS Retail France (OCM) est un véhicule d'investissement du groupe Oaktree Capital Management qui est un fonds d'investissement.

Le 30.07.2019 un contrat de souscription de 305 obligations d'une valeur nominale de 100.000 euros chacune, soit au total 30.500.0000 euros, a été conclu entre la société Trimax Développement en qualité d'émetteur, la SA Trimax et la SAS Du Beau Voir en qualité de garants, Monsieur [O] en qualité de sponsor et la société OCM en qualité de souscripteur initial et de représentant des titulaires d'obligations à bons de souscription d'action (OBSA) ajout.

Celui-ci mettait à la charge des sociétés Trimax Développement et Du Beau Voir un certain nombre d'engagements parmi lesquels une interdiction de céder des actifs sans l'accord de la société OCM, au delà de 2 millions d'euros par exercice financier et 6 millions d'euros sur la durée des OBSA, ainsi qu'une obligation d'affecter les produits nets de cession au remboursement des OBSA.

Des sûretés ont été mises en place s'agissant entre autres:

- d'un contrat de gage de droit luxembourgeois portant sur les titres de la société Trimax S.A. détenus par [G] [O],

- d'un contrat de fiducie de droit français portant sur les titres de la société Trimax Développement et certaines créances intragroupe

- et des conventions de nantissement portant sur les titres et les comptes bancaires de la société Du Beau Voir.

Différents cas de défaut étaient prévus dans le contrat permettant la mise en oeuvre des sûretés.

La société OCM bénéficiait ainsi de sûreté sur la société Du Beau Voir et les actifs de celle-ci s'agissant d'un nantissement du compte titres détenu par la SA Trimax portant sur les actions représentant 100% du capital social de la société Du Beau Voir.

Par notifications du 17.01.2022 la société OCM a mis en oeuvre:

- le contrat de gage concernant les titres de la société Trimax S.A. et a en conséquence exercé les droits sociaux attachés à la propriété des titres en révoquant Monsieur [O] et les autres administrateurs et en désignant de nouveaux administrateurs.

Monsieur [F] a ainsi été désigné comme président et directeur général de Trimax SA [Localité 14].

- le déclenchement du contrat de fiducie portant sur les titres de la société Trimax Développement, et en suivant par décision de l'associé unique en date du 27.01.2022 a révoqué Monsieur [O] de ses fonctions de président et membre du comité stratégique de la société Trimax Développement et a désigné Monsieur [D] en qualité de président de la société Trimax Développement

- a mis en oeuvre les sûretés qu'elle détenait sur les créances intragroupe.

Monsieur [O] et la société Roosevelt ont engagé une action en nullité de l'émission des OBSA et par voie de conséquence en nullité des contrats de sûretés consenties et des décisions de révocation/nomination consécutives à l'exercice de ces garanties.

Par arrêt en date du 13.04.2023 la cour d'appel de Paris a principalement:

- dit le tribunal de commerce de Paris incompétent territorialement pour connaître des demandes concernant les quatre contrats de sûreté, s'agissant:

du contrat de gage de créances de premier rang sur Trimax Environnement et du contrat de gage sur actions de second rang sur les titres de Trimax Environnement, conclus le 2.08.2019 entre Trimax SA en qualité de constituant et OCM [Localité 14]

du contrat de gage sur actions et créances de second rang portant sur les titres de Trimax SA, conclu le 2.08.2019 entre Monsieur [O] en qualité de constituant et OCM [Localité 14]

du contrat de gage sur créances de premier rang sur Du Beau Voir conclu le 2.08.2019 entre Trimax SA en qualité de constituant et OCM [Localité 14]

- renvoyé les parties à mieux se pourvoir

- déclaré Monsieur [O] et les sociétés Roosevelt 15-17 SPF SA et Du Beau Voir irrecevables à intenter l'action en nullité de l'émission et du contrat de souscription des obligations pour défaut d'intérêt à agir.

Monsieur [O] a engagé une action au Luxembourg pour contester la mise en oeuvre du gage concernant les titres de la société Trimax.

Des actions ont opposé les parties concernant la gouvernance et les mentions portées au registre du commerce et des sociétés Luxembourgeois.

Par acte du 9.11.2023 et au motif du défaut de paiement des sommes dues au titre des OBSA la société OCM a réalisé les droits dont elle est bénéficiaire au titre du contrat de nantissement de compte titres portant sur 100% des actions détenues par la société Trimax SA au capital de la société Du Beau Voir et a révoqué Monsieur [O] de son mandat de dirigeant et désigné Monsieur [D].

Monsieur [O] a demandé au greffe du tribunal de commerce de Paris d'enregistrer un document présenté comme un procès-verbal de décision de l'associé unique de la SAS Du Beau Voir en date du 14.11.2023, la société Trimax, le désignant comme dirigeant de la société.

Par ordonnance en date du 20.12.2023 le président du tribunal de commerce a fait injonction au greffe de ne procéder à aucune inscription modificative du RCS relatives aux organes de gestion de la SAS Du Beau Voir dès lors que la demande serait faite à l'initiative de Monsieur [O] ou de toute société qu'il dirige et a dit que cette injonction demeure en vigueur jusqu'à la décision à intervenir dans la procédure à bref délai initiée le 1.12.2023 par Monsieur [O] et la société Trimax SA à l'encontre de Monsieur [D] et des sociétés OCM [Localité 14] et Du Beau Voir.

L'exercice de ce nantissement avait en effet été contesté par la SA Trimax et Monsieur [O] dans le cadre d'une procédure au fond initiée le 1.12.2023, dont la société Trimax s'est désistée mais qui a été poursuivie par Monsieur [O].

Par jugement du 24.02.2025 le tribunal des affaires économiques de Paris a:

- Dit M. [G] [O] irrecevable en son action à l'encontre de la société OCM [Localité 14] ECS Retail SARL ;

- Dit M. [G] [O] irrecevable en son action à l'encontre de M. [L] [D];

- Dit la société Trimax Environnement, société anonyme de droit Luxembourgeois, irrecevable en son intervention volontaire ;

- Condamné M. [G] [O] à payer à M. [L] [D] la somme de 5.000 euros de dommages et intérêts pour procédure abusive ;

- Condamné M. [G] [D] à payer à la société OCM [Localité 14] ECS Retail SARL 10.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- Condamné M. [G] [O] à payer à M. [L] [D] la somme de 7.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- Condamné M. [G] [O] aux dépens de l'instance.

Appel a été formé et est en cours.

Après la prise de contrôle de la SA Trimax puis de la société De Beau Voir par la société OCM, la société OCM et la société De Beau Voir ont engagé une action pour contester la vente du capital de la société [Adresse 18] par la société Du Beau Voir, filiale de la SA Trimax, à la société Free Invest intervenue par acte du 28.06.2022 et pour un prix de 1.300.000 euros, outre l'acquisition du montant du compte courant associé, sommes immédiatement versées à la SARL Les Jardins Del Sol.

La société Free Invest est la holding personnelle de Monsieur [O] et de son épouse.

La SARL Les Jardins Del Sol est une filiale du groupe Trimax détenue à hauteur de 90% par la SAS Du Beau Voir et à hauteur de 10% par Madame [M] [U] épouse de Monsieur [G] [O], la société étant gérée par Madame [U] et Monsieur [O].

La société [Adresse 18] était détenue à hauteur de 60% par la SAS Du Beau Voir et à hauteur de 20% chacune par la SAS AN Gestion Conseil et la société TN Gestion Conseil. Elle est titulaire d'une convention d'occupation temporaire du domaine public comprenant un restaurant et une activité de distribution de boisson régularisée avec la ville de [Localité 16] le 31.12.2018 pour une durée de 15 ans;

Elle a consenti au cours du premier semestre 2020 une convention d'occupation précaire à la société Initiative France moyennant un loyer fixe annuel de 300.000 euros HT sous réserve d'abattements et d'une indexation, et un loyer variable selon un pourcentage du chiffre d'affaires HT réalisé chaque année.

La société OCM et la société Du Beau Voir soutiennent que la vente de la société [Adresse 18] a été faite à vil prix par rapport à sa valeur réelle, pour avantager la société Free Invest qui était déjà en pourparlers avec le locataire, la société Initiative France, pour une vente à un prix très supérieur de 8 millions d'euros.

La société OCM et la société De Beau Voir ont sollicité une autorisation d'assignation à jour fixe de Monsieur [O] et la société Free Invest pour demander le prononcé de la nullité de la cession des titres de la société [Adresse 18] à la société Free Invest et qu'il soit fait injonction à la société Free Invest de ne procéder à aucun acte de disposition des titres de la société [Adresse 18].

Par ordonnance en date du 8.10.2024 le président du tribunal de commerce a autorisé l'assignation à jour fixe.

Devant le tribunal de commerce les défenderesses ont fait valoir que la société Du Beau Voir aurait été cédée, antérieurement à la mise en oeuvre du nantissement et à la révocation de Monsieur [O] et la nomination de Monsieur [D], à la société [Localité 12] Capricorne Holding le 7.06.2023 pour le prix de un euro.

Par jugement en date du 20.09.2024, le tribunal de commerce a prononcé la nullité de l'assignation pour irrégularité de fond au motif que la société OCM ne démontrant pas être le propriétaire direct des actions de la SAS Du Beau Voir au moment de la désignation de Monsieur [D] en qualité de président de la SAS Du Beau Voir celui-ci n'avait pas le pouvoir de représenter la SAS Du Beau Voir et d'introduire l'instance en son nom.

La société OCM a formé appel.

Par ordonnance en date du 9.10.2024 elle a été autorisée à assigner à jour fixe à l'audience de plaidoirie du 11.12.2024.

Par arrêt en date du 3.04.2025 la cour a infirmé le jugement rendu par le tribunal de commerce le 20.09.2024 et statuant à nouveau, a

rejeté l'exception de nullité de l'assignation pour défaut de pouvoir de Monsieur [D], rejeté l'exception de nullité de l'assignation pour défaut d'objet

rejeté l'exception de nullité de l'assignation pour défaut de moyens en fait et en droit concernant la demande d'organisation d'une expertise,

rejeté la demande de sursis à statuer,

ordonné la réouverture des débats et organisé les échanges entre les parties.

Aux termes de ses conclusions signifiées par voie électronique le 16.05.2025 la société OCM [Localité 14] ECS Retail France, société à responsabilité limitée de droit luxembourgeois, demande à la cour de :

Vu les articles 117 et 568 du code de procédure civile,

Vu les articles 1128, 1162, 1178 et 1352 et suivants du code civil,

PRONONCER la nullité de l'acte de vente en date du 28 juin 2022 portant sur la pleine propriété de 6.000 actions de la société [Adresse 18] conclu entre la société Du Beau Voir en qualité de cédant et la société Free Invest en qualité de cessionnaire compte tenu de son but illicite ;

En conséquence,

A titre principal :

ORDONNER la restitution par la société Free Invest à la société Du Beau Voir des 6.000 actions détenues au capital de la société [Adresse 18] ;

ORDONNER la restitution par la société Free Invest à la société Du Beau Voir du compte courant d'associé qu'elle détenait sur [Adresse 18] à hauteur de 167.804,21 euros

DESIGNER tout expert qu'il plaira à la Cour avec pour mission de :

o Fournir tous éléments techniques et de fait de nature à permettre à la Cour de se prononcer sur la nature et le quantum des fruits et de la valeur de la jouissance que la détention des 6.000 actions de Trinquet Village ont procuré à Free Invest depuis le 28 juin 2022 et jusqu'au jour de la restitution en nature à intervenir, en ce compris tout versement de dividendes et tout flux financier de quelque nature qu'ils soient ;

o A cette fin, se rendre en tous lieux utiles à ses investigations et se faire remettre ou donner accès à tous documents, informations et autres éléments, sur quelque support que ce soit, qu'il estimera utiles à l'accomplissement de sa mission, y-compris de la part de Free Invest ;

o Remettre aux parties un pré-rapport pour qu'elles lui fassent connaître leurs observations auxquels il devra répondre dans son rapport définitif ;

o Remettre aux parties et à la Cour son rapport définitif dans un délai maximum de quatre mois à compter de sa saisine ;

RECONVOQUER les parties aux fins de statuer sur les restitutions complémentaires à ordonner en conséquence du rapport d'expert, pour lesquelles l'Appelant sollicite la condamnation solidaire de Monsieur [G] [O] et Free Invest.

A titre subsidiaire

CONDAMNER solidairement Free Invest et Monsieur [G] [O] à payer à Du Beau Voir la somme de quatre millions huit cent mille euros correspondant à l'équivalent, en valeur, des 6.000 actions ordinaires détenues par Free Invest au capital de [Adresse 18] ;

CONDAMNER solidairement Free Invest et Monsieur [G] [O] à payer à Du Beau Voir la somme de cent soixante-sept mille huit cent quatre euros et vingt et un centimes correspondant à l'équivalent, en valeur, du compte courant d'associé détenu sur [Adresse 18] ;

DESIGNER tout expert qu'il plaira à la Cour avec pour mission de :

o Fournir tous éléments techniques et de fait de nature à permettre à la Cour de se prononcer sur la nature et quantum que des fruits et de la valeur de la jouissance que la détention des 6.000 actions de Trinquet Village ont procuré à Free Invest depuis le 28 juin 2022 et jusqu'au jour de la restitution en valeur à intervenir, en ce compris tout versement de dividendes et tout flux financier de quelque nature qu'ils soient mais également l'ensemble des loyers perçus par [Adresse 18] sur la période correspondante ;

o A cette fin, se rendre en tous lieux utiles à ses investigations et se faire remettre ou donner accès à tous documents, informations et autres éléments, sur quelque support que ce soit, qu'il estimera utiles à l'accomplissement de sa mission, y-compris de la part de Free Invest ;

o Remettre aux parties un pré-rapport pour qu'elles lui fassent connaître leurs observations auxquels il devra répondre dans son rapport définitif ;

o Remettre aux parties et à la Cour son rapport définitif dans un délai maximum de quatre mois à compter de sa saisine ;

RECONVOQUER les parties aux fins de statuer sur les restitutions complémentaires à ordonner en conséquence du rapport d'expert, pour lesquelles l'Appelant sollicite la condamnation solidaire de Monsieur [G] [O] et Free Invest.

A titre infiniment subsidiaire

DESIGNER tout expert qu'il plaira à la Cour avec pour mission de :

o Fournir tous éléments techniques et de fait de nature à permettre à la Cour de se prononcer sur la valorisation financière de [Adresse 18] et du compte-courant d'associé détenu par Free Invest sur [Adresse 18] à la date du jugement à intervenir ;

o Déterminer et chiffrer les fruits et la valeur de la jouissance que la détention des 6.000 actions de Trinquet Village ont procuré à Free Invest depuis le 28 juin 2022 et jusqu'au jour de la restitution en valeur à intervenir, en ce compris tout versement de dividendes et tout flux financier de quelque nature qu'ils soient mais également l'ensemble des loyers perçus par [Adresse 18] sur la période correspondante ;

o A cette fin, se rendre en tous lieux utiles à ses investigations et se faire remettre ou donner accès à tous documents, informations et autres éléments, sur quelque support que ce soit, qu'il estimera utiles à l'accomplissement de sa mission, y-compris de la part de Free Invest ;

o Remettre aux parties un pré-rapport pour que les parties lui fassent connaître leurs observations auxquels il devra répondre dans son rapport définitif ;

o Remettre aux parties et à la Cour son rapport définitif dans un délai maximum de quatre mois à compter de sa saisine ;

RECONVOQUER les parties aux fins de statuer sur les restitutions à ordonner en conséquence du rapport d'expert, pour lesquelles l'Appelant sollicite la condamnation solidaire de Monsieur [G] [O] et Free Invest.

En tout état de cause

DEBOUTER Monsieur [G] [O], Free Invest et Les Jardins del Sol de l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions ;

DEBOUTER en conséquence toutes les parties de leurs demandes, fin et conclusions contraires aux présentes ;

CONDAMNER Monsieur [G] [O] à payer à Du Beau Voir toute somme qui serait due par Du Beau Voir au titre de l'éventuelle créance de restitution en conséquence de la nullité de l'acte du 28 juin 2022 portant sur la pleine propriété de 6.000 actions de la société [Adresse 18] conclu entre la société Du Beau Voir en qualité de cédant et la société Free Invest en qualité de cessionnaire ;

CONDAMNER solidairement Monsieur [G] [O] et la société Les Jardins del Sol à payer à Du Beau Voir la somme de 1.443.000 euros ;

ASSORTIR cette condamnation du taux d'intérêt légal ;

CONDAMNER solidairement la société Free Invest et Monsieur [G] [O] aux entiers dépens de l'instance et au paiement de la somme de 50.000 euros à chacune des société OCM et Du Beau Voir, au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Aux termes de ses conclusions signifiées par voie électronique le 21.05.2025 la SAS Du Beau Voir demande à la cour de :

PRONONCER la nullité de l'acte de vente en date du 28 juin 2022 portant sur la pleine propriété de 6.000 actions de la société [Adresse 18] conclu entre la société Du Beau Voir en qualité de cédant et la société Free Invest en qualité de cessionnaire compte tenu de son but illicite ;

En conséquence,

A titre principal :

ORDONNER la restitution par la société Free Invest à la société Du Beau Voir des 6.000 actions détenues au capital de la société [Adresse 18] ;

ORDONNER la restitution par la société Free Invest à la société Du Beau Voir du compte courant d'associé qu'elle détenait sur [Adresse 18] à hauteur de 167.804,21 euros

DESIGNER tout expert qu'il plaira à la Cour avec pour mission de :

o Fournir tous éléments techniques et de fait de nature à permettre à la Cour de se prononcer sur la nature et le quantum des fruits et de la valeur de la jouissance que la détention des 6.000 actions de Trinquet Village ont procuré à Free Invest depuis le 28 juin 2022 et jusqu'au jour de la restitution en nature à intervenir, en ce compris tout versement de dividendes et tout flux financier de quelque nature qu'ils soient ;

o A cette fin, se rendre en tous lieux utiles à ses investigations et se faire remettre ou donner accès à tous documents, informations et autres éléments, sur quelque support que ce soit, qu'il estimera utiles à l'accomplissement de sa mission, y-compris de la part de Free Invest ;

o Remettre aux parties un pré-rapport pour qu'elles lui fassent connaître leurs observations auxquels il devra répondre dans son rapport définitif ;

o Remettre aux parties et à la Cour son rapport définitif dans un délai maximum de quatre mois à compter de sa saisine ;

RECONVOQUER les parties aux fins de statuer sur les restitutions complémentaires à ordonner en conséquence du rapport d'expert, pour lesquelles Du Beau Voir sollicite la condamnation solidaire de Monsieur [G] [O] et Free Invest.

A titre subsidiaire

CONDAMNER solidairement Free Invest et Monsieur [G] [O] à payer à Du Beau Voir la somme de quatre millions huit cent mille euros correspondant à l'équivalent, en valeur, des 6.000 actions ordinaires détenues par Free Invest au capital de [Adresse 18] ;

CONDAMNER solidairement Free Invest et Monsieur [G] [O] à payer à Du Beau Voir la somme de cent soixante-sept mille huit cent quatre euros et vingt et un centimes correspondant à l'équivalent, en valeur, du compte courant d'associé détenue sur [Adresse 18] ;

DESIGNER tout expert qu'il plaira à la Cour avec pour mission de :

o Fournir tous éléments techniques et de fait de nature à permettre à la Cour de se prononcer sur la nature et quantum que des fruits et de la valeur de la jouissance que la détention des 6.000 actions de Trinquet Village ont procuré à Free Invest depuis le 28 juin 2022 et jusqu'au jour de la restitution en valeur à intervenir, en ce compris tout versement de dividendes et tout flux financier de quelque nature qu'ils soient mais également l'ensemble des loyers perçus par [Adresse 18] sur la période correspondante ;

o A cette fin, se rendre en tous lieux utiles à ses investigations et se faire remettre ou donner accès à tous documents, informations et autres éléments, sur quelque support que ce soit, qu'il estimera utiles à l'accomplissement de sa mission, y-compris de la part de Free Invest ;

o Remettre aux parties un pré-rapport pour qu'elles lui fassent connaître leurs observations auxquels il devra répondre dans son rapport définitif ;

o Remettre aux parties et à la Cour son rapport définitif dans un délai maximum de quatre mois à compter de sa saisine ;

RECONVOQUER les parties aux fins de statuer sur les restitutions complémentaires à ordonner en conséquence du rapport d'expert, pour lesquelles Du Beau Voir sollicite la condamnation solidaire de Monsieur [G] [O] et Free Invest.

A titre infiniment subsidiaire

DESIGNER tout expert qu'il plaira à la Cour avec pour mission de :

o Fournir tous éléments techniques et de fait de nature à permettre à la Cour de se prononcer sur la valorisation financière de [Adresse 18] et du compte-courant d'associé détenu par Free Invest sur [Adresse 18] à la date du jugement à intervenir ;

o Déterminer et chiffrer les fruits et la valeur de la jouissance que la détention des 6.000 actions de Trinquet Village ont procuré à Free Invest depuis le 28 juin 2022 et jusqu'au jour de la restitution en valeur à intervenir, en ce compris tout versement de dividendes et tout flux financier de quelque nature qu'ils soient mais également l'ensemble des loyers perçus par [Adresse 18] sur la période correspondante ;

o A cette fin, se rendre en tous lieux utiles à ses investigations et se faire remettre ou donner accès à tous documents, informations et autres éléments, sur quelque support que ce soit, qu'il estimera utiles à l'accomplissement de sa mission, y-compris de la part de Free Invest ;

o Remettre aux parties un pré-rapport pour que les parties lui fassent connaître leurs observations auxquels il devra répondre dans son rapport définitif ;

o Remettre aux parties et à la Cour son rapport définitif dans un délai maximum de quatre mois à compter de sa saisine ;

RECONVOQUER les parties aux fins de statuer sur les restitutions à ordonner en conséquence du rapport d'expert, pour lesquelles Du Beau Voir sollicite la condamnation solidaire de Monsieur [G] [O] et Free Invest.

En tout état de cause

DEBOUTER Monsieur [G] [O], Free Invest et Les Jardins del Sol de l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions ;

CONDAMNER Monsieur [G] [O] à payer à Du Beau Voir toute somme qui serait due par Du Beau Voir au titre de l'éventuelle créance de restitution en conséquence de la nullité de l'acte du 28 juin 2022 portant sur la pleine propriété de 6.000 actions de la société [Adresse 18] conclu entre la société Du Beau Voir en qualité de cédant et la société Free Invest en qualité de cessionnaire ;

CONDAMNER solidairement Monsieur [G] [O] et la société Les Jardins del Sol à payer à Du Beau Voir la somme de 1.443.000 euros ;

ASSORTIR cette condamnation du taux d'intérêt légal ;

CONDAMNER solidairement la société Free Invest et Monsieur [G] [O] aux entiers dépens de l'instant et au paiement de la somme de 50.000 euros à Du Beau Voir, au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Aux termes de leurs conclusions signifiées par voie électronique le 28.05.2025 Monsieur [O], la société Les Jardins Del Sol et la société Free Invest demandent à la cour de :

Vu les articles 1591, 1162, 1168, 1169, 1302, 1302-1et 1353 du code civil,

Vu les articles L.225-251 et L. 227-8 du code de commerce,

Vu les articles 9 et 514 du code de procédure civile,

A titre liminaire :

SURSEOIR A STATUER dans l'attente d'une décision définitive dans la procédure introduite par la société Du [Localité 12] Capricorne contre les sociétés OCM [Localité 14] ECS Retail France et Du Beau Voir devant le Tribunal des activités économiques de Paris sous le numéro de RG 2025023898 ;

DIRE ne plus être saisie d'aucune demande par Du Beau Voir et, à tout le moins,

DÉCLARER irrecevable Du Beau Voir en ses fins, demandes et prétentions ;

Au fond, sur la validité de la convention de cession :

INFIRMER le jugement entrepris en ce qu'il n'a pas débouté les sociétés OCM [Localité 14] ECS Retail France et Du Beau Voir de leur demande de nullité de la convention de cession conclue le 28 juin 2022 entre d'une part, la société Du Beau Voir, en qualité de cédant; et d'autre part, la société Free Invest, en qualité de cessionnaire, portant sur la pleine propriété de 6.000 actions de la société [Adresse 18] ;

Statuant à nouveau,

JUGER que la Convention de Cession conclue le 28 juin 2022 entre d'une part, la société Du Beau Voir, en qualité de cédant ; et d'autre part, la société Free Invest, en qualité de cessionnaire, portant sur la pleine propriété de 6.000 actions de la société [Adresse 18] est licite et valable;

En conséquence,

DEBOUTER les sociétés OCM [Localité 14] ECS Retail France S.À R. L et Du Beau Voir de leur demande de nullité de la Convention de Cession conclue le 28 juin 2022 entre d'une part, la société Du Beau Voir, en qualité de cédant ; et d'autre part, la société Free Invest, en qualité de cessionnaire, portant sur la pleine propriété de 6.000 actions de la société [Adresse 18] ;

DÉBOUTER les sociétés OCM [Localité 14] ECS Retail France S.À R. L et Du Beau Voir de leur demande principale tendant d'une part, à la restitution par la société Free Invest à la société Du Beau Voir des 6.000 actions détenues au capital de la société [Adresse 18] ; et d'autre part, à la restitution par la société Free Invest à la société Du Beau Voir du compte courant d'associé qu'elle détenait sur [Adresse 18] à hauteur de 167.804,21 euros ;

DÉBOUTER les sociétés OCM [Localité 14] ECS Retail France S.À R. L et Du Beau Voir de leur demande subsidiaire tendant à voir condamner solidairement Free Invest et Monsieur [G] [O] à payer à la société Du Beau Voir d'une part, la somme de quatre millions huit cent mille euros correspondant prétendument à l'équivalent en valeur des 6.000 actions ordinaires détenues par Free Invest au capital de [Adresse 18] ; et d'autre part, la somme de cent soixante-sept mille huit cent quatre euros et vingt et un centimes correspondant au prétendu équivalent, en valeur, du compte-courant d'associé détenu sur Trinquet Village ;

Au fond, sur les demandes d'expertise :

INFIRMER le jugement entrepris en ce qu'il n'a pas débouté la société OCM [Localité 14] ECS Retail France S.À R. L. de sa demande de désignation d'un expert judiciaire à titre principal, subsidiaire et infiniment subsidiaire ;

Statuant à nouveau,

DÉBOUTER les sociétés OCM [Localité 14] ECS Retail France S.À R. L. et Du Beau Voir de leurs demandes formées tant à titre principal, à titre subsidiaire, qu'à titre infiniment subsidiaire, tendant à voir désigner un expert judiciaire.

Au fond, sur la responsabilité de Monsieur [G] [O] :

INFIRMER le jugement entrepris en ce qu'il n'a pas débouté les sociétés OCM [Localité 14] ECS Retail France S.À R. L. et Du Beau Voir de leur demande de condamnation de Monsieur [G] [O] pour faute de gestion ;

Statuant à nouveau,

JUGER que les sociétés OCM [Localité 14] ECS Retail France S.À R. L. et Du Beau Voir n'établissent aucunement l'existence d'une faute de gestion imputable à Monsieur [G] [O].

Par conséquent,

DÉBOUTER les sociétés OCM [Localité 14] ECS Retail France S.À R. L. et Du Beau Voir de leur demande tendant à voir condamner solidairement Monsieur [G] [O] au paiement de la somme de 1.443.000 euros au profit de la société Du Beau Voir ;

DÉBOUTER les sociétés OCM [Localité 14] ECS Retail France S.À R. L. et Du Beau Voir de leur demande tendant à voir condamner solidairement Free Invest et Monsieur [G] [O] à payer à la société Du Beau Voir d'une part, la somme de quatre millions huit cent mille euros correspondant prétendument à l'équivalent en valeur des 6.000 actions ordinaires détenues par Free Invest au capital de [Adresse 18] ; et d'autre part, la somme de cent soixante-sept mille huit cent quatre euros et vingt et un centimes correspondant au prétendu équivalent, en valeur, du compte-courant d'associé détenue sur Trinquet Village ;

Au fond, sur la restitution de l'indu :

INFIRMER le jugement entrepris en ce qu'il n'a pas débouté les sociétés OCM [Localité 14] ECS Retail France S.À R. L. et Du Beau Voir de leur demande de condamnation de la société Les Jardins del Sol pour restitution de l'indu Statuant à nouveau,

JUGER que la société Les Jardins del Sol n'est tenue à aucune restitution de l'indu ;

En conséquence,

DEBOUTER les sociétés OCM [Localité 14] ECS Retail France et Du Beau Voir de leur demande tendant à voir condamner solidairement la société Les Jardins Del Sol du paiement de la somme de 1.443.000 euros au profit de la société Du Beau Voir ;

En tout état de cause :

DÉBOUTER les sociétés OCM [Localité 14] ECS Retail France et Du Beau Voir de l'ensemble de leurs demandes, fins et prétentions.

INFIRMER le jugement entrepris en ce qu'il a débouté [G] [O] et la société Les Jardins del Sol de leurs demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Statuant à nouveau,

CONDAMNER les sociétés OCM [Localité 14] ECS Retail France et Du Beau Voir, chacune, à payer à chacun de Monsieur [G] [O], et de la société Les Jardins Del Sol la somme de 50.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile pour la première instance, et la somme de 50.000 euros pour la présente instance d'appel, ainsi qu'à supporter les entiers dépens.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur le sursis à statuer

Les intimés font valoir que la société Du [Localité 12] Capricorne Holding a assigné la société OCM et la société Du Beau Voir aux fins d'obtenir la nullité de l'ensemble des décisions prises par OCM en qualité d'associé unique de la société Du Beau Voir en ce compris la décision de révocation de Monsieur [G] [O] et de nomination de Monsieur [D] aux fonctions de président de la société et que cette procédure a une influence directe sur la résolution de la présente instance.

Les appelants font valoir que la procédure engagée ne peut plus avoir d'influence sur la décision de la cour à intervenir dès lors que la question de la validité de l'assignation délivrée par la société Du Beau Voir a été définitivement tranchée.

Sur ce

La question du sursis a été tranchée par arrêt du 3.04.2025 qui faisait le constat qu'il n'existait aucune action introduite par la société [Localité 12] Capricorne Holding pour qu'il soit statué sur la propriété des titres de la société Du Beau Voir et sur les décisions sociales prises concernant la direction de la société alors même que cette question a été centrale dans les premiers débats entre les parties. Il n'apparaît pas en conséquence d'une bonne administration de la justice de surseoir à statuer du fait de l'introduction d'une telle action qui en outre n'a pas d'incidence sur les demandes portées par la société OCM.

Sur la convention de cession des actions de la société [Adresse 18]

Les appelants soutiennent que la cession des actions de la société Trinquet Village est une cession qui poursuit un but doublement illicite: permettre à Monsieur [O] d'user des biens de la société à titre personnel au détriment de l'intérêt social et permettre une fraude aux droits d'OCM en sa qualité de créancier, ce qui justifie de prononcer la nullité de l'acte de cession et d'ordonner la restitution dans le patrimoine de Du Beau Voir de la participation détenue au capital de [Adresse 18], étant précisé que la restitution corrélative du prix de cession par la société du Beau Voir à la société Free Invest devra être précédée d'une condamnation de la société Les Jardins Del Sol et de Monsieur [G] [O] d'avoir à restituer le prix de cession et d'une exécution de cette décision.

Ils font valoir pour caractériser l'illicéité de la cession que celle-ci a été effectuée à une valeur très inférieure à sa valeur à la société personnelle de Monsieur [O] et en outre en violation du contrat de prêt qui impose d'une part l'accord du prêteur pour la vente des biens des sociétés du groupe au delà d'un seuil qui avait été atteint après diverses ventes et d'autre part le versement du prix de cession au prêteur.

Ils demandent la restitution en nature des titres, et à défaut en valeur sur dire d'expert, et la restitution des fruits à dire d'expert.

Les intimés soutiennent que cette convention de cession ne poursuit aucun but illicite exposant que la fixation du prix étant libre un prix dont il est soutenu, et en l'espèce contesté, qu'il est inférieur à la valeur de la chose vendue ne caractérise pas le caractère illicite de la cession, que par ailleurs le contrat de vente avait un contenu licite et certain au sens de l'article 1162 du code civil, que la bonne foi de Monsieur [O] est établie par les conditions même de la vente qui prévoient que la plus-value éventuelle qui serait effectuée lors de la revente de [Adresse 18] à un tiers serait partagée par moitié entre les sociétés Free Invest et Du Beau Voir.

Ils contestent toute fraude aux droits d'OCM soutenant que le seuil de vente (à partir duquel OCM doit donner son accord pour qu'il soit procédé à la vente) n'était pas atteint puisqu'une des ventes visée par les appelants a été réalisée par eux et ne saurait donc être imputée à Monsieur [O]. Ils ajoutent qu'en outre Monsieur [O], depuis qu'il a été révoqué de ses fonctions de Trimax Développement le 27.01.2022, n'a plus d'information lui permettant de respecter les termes du contrat et en particulier le remboursement de l'emprunt obligataire.

Sur ce

L'article 1128 du code civil dispose que sont nécessaires à la validité d'un contrat:

1° le consentement des parties

2° leur capacité à contracter

3° un contenu licite et certain.

L'article 1162 du code civil dispose que le contrat ne peut déroger à l'ordre public ni par ses stipulations, ni par son but, que ce dernier ait été connu ou non par toutes les parties.

Ainsi est retenue, pour caractériser l'absence de contenu licite, l'illicéité du but de la convention litigieuse et ce caractère illicite peut être établi en se fondant sur les effets illicites qu'a la convention.

Ainsi le contenu illicite de la convention se définit non seulement au regard de l'objet du contrat et du but contraires à la loi, mais également si la convention emporte des effets contraires à la loi.

Il résulte des articles L.242-6 et L.244-1 du code de commerce qu'il est interdit aux dirigeants d'une société de faire un usage des biens de la société contraire à l'intérêt de la société et dans leur intérêt personnel ou pour favoriser une société dans laquelle ils sont intéressés directement ou indirectement.

Le fait que l'article L.242-6 du code de commerce prévoit des sanctions pénales aux agissements interdits ne signifie pas, comme le soutiennent à tort les intimés, qu'ils ne peuvent pas servir de fondement à la juridiction civile, pour autant que les comportements interdits soient caractérisés, pour prononcer la nullité d'un contrat pour contenu illicite quand bien même aucune instance pénale n'aurait été engagée.

En effet la caractérisation de l'illicéité, qui découle de la constatation des agissements réprimés, est effectuée par le juge saisi d'une action en nullité du contrat et qui va, dans ce cadre, examiner les caractéristiques de l'opération critiquée, ce qui relève de son périmètre de jugement.

Les décisions prises par le dirigeant d'une société qui relèvent des dispositions citées ci-dessus en ce qu'elles seraient contraires à l'intérêt de cette dernière, sont ainsi de nature à caractériser le fait que le contrat, qui est le support juridique de la décision litigieuse, a un but illicite en ce que son exécution entraîne des effets illicites.

En l'espèce il ressort des éléments produis aux débats que la participation de la société Du Beau Voir dans le capital de la société [Adresse 18] a été vendue, par la société Du Beau Voir, pour le prix de 1.300.000 euros, par acte sous signature privée en date du 28.06.2022, à la société Free Invest.

Cette vente correspondant à 60% du capital de la société [Adresse 18], celle-ci était donc valorisée à 2.166.666 euros.

Lors de la vente la société Du Beau Voir et la société Free Invest étaient toutes deux représentées par Monsieur [O] qui a donc signé le contrat de cession d'actions et de compte courant associé du 28.06.2022 à la fois comme président de la société cédante et président de la société acquéreure.

Or le 12.07.2022, soit 15 jours après la cession, Monsieur [O] a établi un projet d'accord avec la société Initiative France, locataire de la société [Adresse 18], valorisant la société Trinquet Village à 10 millions d'euros et le 23.08.2022 un accord de principe de cession a été conclu entre la société Free Invest, la société AN Gestion Conseil et la société TN Gestion conseil, en qualité de cédants et la société Initiative France en qualité d'acquéreur, pour une acquisition de 100% des actions de la société [Adresse 18] pour la somme de 8 millions d'euros.

La signature de cet accord de principe de cession était l'aboutissement de discussions initiées avec la société Initiative France avant la vente Du Beau Voir-Free Invest, comme en rapporte la preuve le mail adressé par Initiative France le 1er juillet 2022 à [G] [O] indiquant: A la suite des différents échanges que tu as pu avoir avec chacun de nous durant ce dernier mois je me permets de confirmer avec cet email notre intérêt pour le rachat de la concession du Trinquet.

Cet email est adressé sur une adresse [Courriel 15] démontrant la confusion organisée par Monsieur [O] sur sa qualité de vendeur: les acquéreurs se sont adressés à lui en tant que représentant de la société Du Beau Voir alors propriétaire de la majorité des actions de la société [Adresse 18]. Pour autant les échanges se sont faits sur un mail privé de Monsieur [O] et non sur un mail de la société Du Beau Voir. Par ailleurs le premier projet d'accord qui fixait le prix de vente des actions à 10 millions d'euros indiquait comme cédant la société [Adresse 18] alors même que la vente concernant les actions de la société Trinquet Village détenues alors par la société Du Beau Voir et les sociétés AN Conseil Gestion et TN Conseil Gestion, la société [Adresse 18] ne pouvait être la cédante de ses propres actions.

Ainsi alors que Monsieur [O] en qualité de président de la société Du Beau Voir détenant 60% des actions de la société [Adresse 18] était en discussion avec la société Initiative France pour la cession de la totalité des actions de [Adresse 18] pour une valeur totale comprise entre 8 et 10 millions d'euros, il organisait la cession des actions détenues par la société Du Beau Voir à la société Free Invest sur la base d'une valorisation de la société [Adresse 18] de 2.166.000 euros. Il privait ainsi la société Du Beau Voir du bénéfice qu'elle pouvait escompter d'une vente de ses actions à la société Initiative France pour en faire bénéficier la société Free Invest qui n'a pas de lien capitalistique avec le groupe Trimax Développement dont fait partie la société Du Beau Voir.

La mention dans le contrat de cession du 28.06.2022 qu'en cas de revente des actions cédées dans un délai de trois ans, la moitié de la plus value éventuelle issue du prix perçu, après déduction du financement d'acquisition, revient à la société Du Beau Voir, n'est pas de nature à modifier cette analyse dans la mesure où la société Du Beau Voir se voit privée d'une part importante de la différence entre les deux prix de vente par ce mécanisme, si une vente intervient dans les trois ans, et de l'intégralité de la plus value pour une vente postérieure au délai prévu.

Le contrat litigieux de cession des actions de la société [Adresse 18] détenues par la société Du Beau Voir à la société Free Invest poursuivait donc un but illicite qui était de faire bénéficier la société Free Invest de la plus value financière issue de la vente envisagée en lieu et place de la société Du Beau Voir.

Le président de la société Du Beau Voir, Monsieur [O], a à ce titre organisé une cession contraire à l'intérêt de la société mais dans son intérêt personnel, cet intérêt personnel étant caractérisé par le fait qu'il est président de la société Free Invest dont il détient les titres. La cession répond donc à la définition de l'infraction visée à l'article L.242-6 du code de commerce.

Au regard du but illicite du contrat de cession, le fait que la vente des titres à la société Initiative France ne se soit pas finalement concrétisée importe peu. De même le fait que selon les intimés la société [Adresse 18] présente une valeur moindre que la valeur indiquée dans l'accord de principe signée avec Initiative France n'est pas de nature à combattre utilement le caractère illicite du contenu du contrat de cession dans la mesure où le but de celui-ci, lorsqu'il a été signé, était de frauder les droits de la société Du Beau Voir.

En conséquence, compte tenu du caractère illicite du contenu du contrat de cession en date du 28.06.2022 il y a lieu d'en prononcer la nullité.

Sur les effets de la nullité du contrat de cession

Les appelants demandent à titre principal que soit ordonnée la restitution en nature à la société Du Beau Voir des 6000 actions détenues par la société Free Invest ainsi que du compte courant d'associé à hauteur de 167.804,21 euros, que cette restitution inclut également les fruits mais que s'agissant d'une restitution en nature des dividendes qui auraient pu être distribués par [Adresse 18] à Free Invest depuis le 28.06.2022 ainsi que tout flux financier intervenu au profit de Free Invest depuis cette date il convient d'ordonner une expertise dans la mesure où il ne leur est pas possible d'en déterminer les montants.

A titre subsidiaire les appelants demandent au cas où la restitution en nature ne serait pas possible une restitution en valeur des actions, ce qui impose d'évaluer cette valeur à dire d'expert.

Les intimés concluent au rejet de la demande d'expertise puisque formulant une demande de rejet de la nullité de la convention de cession.

Sur ce

L'article 1178 du code civil dispose qu' un contrat qui ne remplit pas les conditions requises pour sa validité est nul. La nullité doit être prononcée par le juge, à moins que les parties ne la constatent d'un commun accord.

Le contrat annulé est censé n'avoir jamais existé.

Les prestations exécutées donnent lieu à restitution dans les conditions prévues aux articles 1352 à 1352-9.

Indépendamment de l'annulation du contrat, la partie lésée peut demander réparation du dommage subi dans les conditions de droit commun de la responsabilité extra-contractuelle.

L'article 1352 du code civil dispose que la restitution d'une chose autre que d'une somme d'argent a lieu en nature ou, lorsque cela est impossible, en valeur, estimée au jour de la restitution.

L'article 1352-3 du code civil dispose que la restitution inclut les fruits et la valeur de la jouissance que la chose a procurée.

La valeur de la jouissance est évaluée par le juge au jour où il se prononce.

Sauf stipulation contraire la restitution des fruits, s'ils ne se retrouvent pas en nature, a lieu selon une valeur estimée à la date du remboursement suivant l'état de la chose au jour du paiement de l'obligation.

En l'espèce compte tenu du prononcé de la nullité de la convention il y a lieu d'ordonner la restitution des 6000 actions de la société [Adresse 18] cédées à la société Free Invest par la société Du Beau Voir, ainsi que la restitution du compte courant associé d'un montant de 167.804,21 euros.

Quand bien même aucune demande de restitution de la somme de 1.300.000 euros, ni du prix d'achat du compte courant de 167.804,21 euros n'est formulée par la société Free Invest il y a lieu pour la cour de tirer toutes conséquences du prononcé de la nullité du contrat et d'ordonner l'ensemble des restitutions qui découlent de cette annulation dont le remboursement par la société Du Beau Voir de la somme de 1.467.804,21 euros à la société Free Invest.

Compte tenu des perceptions éventuelles de dividendes depuis le 28.06.2022 et des flux financiers qui ont pu être opérés sur les comptes de la société [Adresse 18] depuis la date de la cession une expertise est ordonnée avec la mission proposée par les appelantes, et non critiquée par les intimés et le dossier est renvoyé à la mise en état.

Sur la restitution des sommes par la société Les Jardins Del Sol et Monsieur [O]

Les appelants exposent que le prix de cession a été versé sur le compte bancaire de la société Du Beau Voir mais a immédiatement été viré sur le compte de la société Les Jardins del Sol, qu'aucun élément ne justifie un tel transfert d'argent.

Ils demandent en conséquence la condamnation solidaire de Monsieur [O], en ce qu'il a commis une faute en procédant à ce versement, et de la société Les Jardins del Sol, sur le fondement de la répétition de l'indu, à leur rembourser la somme de 1.443.000 euros et qu'il soit jugé que la restitution du prix de cession par la société Du Beau Voir à la société Free Invest ne puisse intervenir qu'après une condamnation solidaire des intimés à restituer cette somme à la société Du Beau Voir.

S'agissant de la convention de trésorerie qui est avancée par la société Les Jardins Del Sol pour contester l'action en répétition de l'indu ils font valoir que les conditions pour que cette convention s'applique ne sont pas réunies et qu'à supposer qu'elles le soient cette avance réalisée en dehors des conditions de l'article 2 et sans aucune restitution d'intérêts a été résiliée automatiquement en application de son article 5.2 rendant ainsi les sommes concernées immédiatement exigibles.

Ils ajoutent que l'examen des grands livres de la société Les Jardins Del Sol ont révélé que les fonds qui y ont été versés par Du Beau Voir ont immédiatement été dispersés au bénéfice d'autres sociétés dirigées par Monsieur [O] de sorte que la société Les Jardins Del Sol n'est pas en mesure de restituer ces fonds.

Concernant Monsieur [O] ils se fondent sur les articles 1833 du code civil et L.225-251 alinéa 1 du code de commerce et font valoir les fautes de gestion commises par lui: la vente à un prix inférieur de 4 fois la valeur de marché des actions détenues par Du Beau Voir, le détournement immédiat du prix de cession vers la société Les Jardins Del Sol, une impossibilité matérielle pour Du Beau Voir d'obtenir la restitution des fonds ainsi versées en raison de la dispersion des fonds par la société Les Jardins Del Sol à d'autres sociétés contrôlées par Monsieur [O].

Les intimés soutiennent que les conditions de la responsabilité de [G] [O] et d'une restitution de l'indu par la société Les Jardins Del Sol ne sont pas réunies, que s'agissant de la société Les Jardins Del Sol, qui est une filiale à 90% de Du Beau Voir il existe une convention de trésorerie qui explique le versement et dont la société OCM était parfaitement informée puisque l'existence de cette convention de trésorerie est expressément mentionnée dans le contrat des OBSA, qu'en exécution de cette convention de trésorerie des versements ont d'ailleurs été effectués par la société Les Jardins del Sol à Du Beau Voir d'un montant de 400.000 euros entre juillet et décembre 2022, que la société Les Jardins Del Sol occupait en effet le rôle de société centralisatrice de trésorerie au sein du groupe Trimax, qu'il n'existe pas d'indu.

Ils font valoir que s'agissant de [G] [O] aucune faute n'est caractérisée à son encontre.

Sur ce

Sur la restitution des sommes par la SARL Les Jardins Del Sol

Il n'est pas contesté par les parties que la somme de 1.443.000 euros provenant du prix de vente des actions de la société [Adresse 18] et du prix d'achat du compte courant a été dès sa perception, reversée par la société Du Beau Voir à la société Les Jardins Del Sol étant rappelé que la société Du Beau Voir était alors présidée par Monsieur [O] et que la société Les Jardins Del Sol dont 90% des parts sociales étaient détenues par la société Du Beau Voir et 10% par Mme [Y] [V] épouse de Monsieur [O] était gérée par les deux époux.

Une convention de trésorerie existait entre la société Du Beau Voir et la société Les Jardins Del Sol, étant rappelé que la seconde est la filiale de la première qui en détient 90% des parts sociales prévoyant que la société de cet ensemble disposant d'un compte excédentaire acceptait de transférer le solde positif de son compte vers un compte emprunteur de ce même ensemble qui en aurait besoin, sous réserve que la trésorerie disponible mise à disposition:

- soit jugée non immédiatement nécessaire à une bonne réalisation des opérations de la société dont le compte concerné présente un solde excédentaire

- n'obère en aucune manière la poursuite des opérations en bon père de famille des opérations de ladite société en sa qualité de prêteur

- et fasse l'objet d'une rémunération conforme à l'article 3 ci-dessous.

Aucune disposition de la convention ne réglemente le remboursement de l'avance ainsi consentie par la société ayant présenté un compte excédentaire et ayant accepté de transférer son solde à l'autre société du groupe avec laquelle elle a signé la convention, de telle sorte qu'en l'absence de terme indiqué dans la convention la société prêteuse peut réclamer à n'importe quel moment et sous n'importe quelle forme les sommes prêtées.

En l'espèce la société Du Beau Voir a demandé par lettre du 3.01.2024 à la société Les Jardins Del Sol le remboursement de la somme de 1.443.000 euros.

Le fait qu'il ait été visé dans le courrier adressé le caractère indu du versement initialement effectué ne fait pas perdre à la demande formulée son caractère de réclamation de remboursement de telle sorte que la société Les Jardins Del Sol qui a reçu la somme de 1.443.000 euros en exécution de la convention de trésorerie aurait dû rembourser celle-ci dès réception du courrier.

En l'absence de remboursement de la somme versée dans le cadre de la convention de trésorerie c'est de façon indue que la société Les Jardins Del Sol conserve ladite somme de telle sorte que la demande de condamnation est fondée sur le principe.

Il ressort cependant du [Localité 12] Livre des comptes concernant les opérations effectuées sur le compte bancaire de la société Les Jardins Del Sol qu'une somme de 400.000 euros a été restituée. Les versements effectués sont référencés sous l'intitulé 'virement trésorerie JDS à DBV', 'tréso JDS à DBS' et 'SARL DU BEAU VOIR' entre le 1.07.2022 au 31.12.2022. La société Du Beau Voir ne conteste pas avoir reçu les versements inscrits sur le grand livre de la société Les Jardins Del Sol produit aux débats.

Il en résulte qu'il convient de faire droit à la demande de condamnation à hauteur de 1.043.000 euros.

Sur la condamnation de Monsieur [O]

Il résulte des articles L.225-251 et L.227-8 du code de commerce que le dirigeant d'une société par actions simplifiée est responsable envers la société ou envers les tiers soit des infractions aux dispositions législatives et réglementaires applicables, soit des violations des statuts, soit des fautes commises dans sa gestion.

L'article L.223-22 du code de commerce prévoit la même responsabilité pour le gérant d'une SARL. En outre aux termes de l'alinéa 3 dudit article les associés disposent contre le gérant d'une action en réparation du préjudice qu'ils ont subi personnellement.

Il résulte de la jurisprudence que la mise en oeuvre de la responsabilité du gérant d'une SARL par les associés n'est pas soumise à la condition que les fautes imputées au dirigeant soient intentionnelles, d'une particulière gravité et incompatibles avec l'exercice normal des fonctions sociales.

Par ailleurs, il résulte des articles L.242-6 et L.244-1 du code de commerce qu'il est interdit aux dirigeants d'une société de faire un usage des biens de la société contraire à l'intérêt de la société et dans leur intérêt personnel ou pour favoriser une société dans laquelle ils sont intéressés directement ou indirectement.

Il a été établi ci-dessus que le président de la société Du Beau Voir, Monsieur [O], a organisé une cession:

- contraire à l'intérêt de la société Du Beau Voir dont il était président puisque la cession s'est réalisée à un prix inférieur de presque 4 fois à la vente envisagée dans le même temps à un tiers,

- mais dans son intérêt personnel, cet intérêt personnel étant caractérisé par le fait qu'il est président de la société Free Invest dont il détient les titres qui est la société qui a acquis les titres.

La cession répond donc à la définition de l'infraction visée à l'article L.242-6 du code de commerce.

Il y a donc lieu de retenir que Monsieur [O] a commis dans ses fonctions de dirigeant de la SAS Du Beau Voir une faute de gestion grave.

Cette faute a causé un préjudice à la société en la privant d'un actif constitué par les titres de sa filiale.

L'annulation de la cession entraîne cependant la restitution à la société Du Beau Voir des titres cédés mais celle-ci doit rembourser le prix de vente ainsi que le prix d'achat du compte courant.

Or en application de la convention de trésorerie, ce prix de vente a été versé par la société Du Beau Voir présidée par Monsieur [O] à la société Les Jardins Del Sol qui était également dirigée par Monsieur [O] et son épouse.

La société Du Beau Voir soutient que le versement de cette somme ne respecte pas les conditions prévues dans la convention de trésorerie qui sont que le solde positif soit jugée non immédiatement nécessaire à une bonne réalisation des opérations de la société dont le compte concerné présente un solde excédentaire, que le versement effectué n'obère en aucune manière la poursuite des opérations en bon père de famille des opérations de ladite société en sa qualité de prêteur, et fasse l'objet d'une rémunération conforme à l'article 3.

Or la société Du Beau Voir ne rapporte pas la preuve que les deux premières conditions n'étaient pas remplies puisqu'elle n'établit pas que le solde positif de sa trésorerie lui était nécessaire et que le versement effectué a obéré la réalisation de ses opérations.

Concernant la rémunération de l'avance il est prévu à l'article 3 de la convention que le montant des intérêts sera porté en compte en valeur du dernier jour de l'année concernée.

La société Jardin Del Sol produit un grand-livre des comptes concernant le compte de la Banque Populaire Rives de [Localité 16] comme indiqué dans l'en-tête précédent l'ensemble des écritures. Ce document retrace les écritures comptables concernant les sommes reçues sur le compte bancaire ouvert par la société Les Jardins Del Sol dans les livres de la Banque Populaire et les paiements effectués à partir de ce compte bancaire.

En conséquence le montant des intérêts calculés ne peut figurer sur le grand-livre des comptes concernant les opérations bancaires réalisées.

La société Du Beau Voir ne rapporte pas la preuve par ailleurs que les intérêts n'ont pas été portés sur son compte courant d'associé dans la comptabilité de la société Les Jardins Del Sol.

Il en résulte que le versement du prix de cession par la société Du Beau Voir à la société Les Jardins Del Sol, en application de la convention de trésorerie, ne peut pas être qualifiée de faute de Monsieur [O].

La société Les Jardins Del Sol qui a bénéficié de l'avance et qui en doit restitution ne rapporte pas la preuve qu'elle est en capacité de la restituer.

La société Du Beau Voir fait valoir au soutien de sa demande de condamnation de Monsieur [O] que la société Les Jardins Del Sol dont il était le gérant a dispersé lesdits fonds à d'autres sociétés contrôlées par lui sans justes motifs, détournant ainsi le prix de vente.

Il ressort en effet du grand-livre des comptes de la société Les Jardins Del Sol que l'intégralité de la somme transférée a fait l'objet de virements à divers tiers et a également servi au paiement d'échéances de prêt, seule la somme de 400.000 euros ayant été restituée à la société Du Beau Voir comme indiquée ci-dessus.

Les intimés exposent pour justifier le versement du prix de vente à la société Les Jardins Del Sol que celle-ci occupait un rôle de centralisateur de la trésorerie et produisent aux débats une convention de trésorerie.

Le principe d'une convention de trésorerie est de permettre entre des sociétés entretenant des liens capitalistiques directs ou indirects, de transférer la trésorerie excédentaire générée par une société à une société ayant besoin de fonds.

Lorsque dans un groupe il est mis en place une gestion de la trésorerie centralisée une telle gestion s'organise autour d'une entité du groupe (société ou succursale) chargée de recevoir des flux de trésorerie de la part des sociétés liées par le contrat et apte à répondre aux besoins de financement de ces mêmes sociétés. La centralisation permet ainsi que les excédents de trésorerie de certaines filiales servent à financer les déficits de trésorerie des autres.

Dans le cas d'une gestion de la trésorerie centralisée la société centralisatrice n'utilise pas les fonds reçus pour elle-même mais les redistribue aux sociétés du groupe ayant des besoins de trésorerie.

La convention de trésorerie produite aux débats n'est signée qu'entre la société Du Beau Voir et la société Les Jardins Del Sol alors même que la société Du Beau Voir avait plusieurs filiales autres que la société Les Jardins Del Sol.

Elle prévoit que:

Les trois (sic) sociétés, ci-dessus, constituent une ensemble des sociétés mères et filiale et dans ce cadre, se proposent de mettre en place, entre elles, un système d'avances de trésorerie.

Elles sont convenues que les mouvements de trésorerie générés par ce système d'avances de trésorerie sont et seront impérativement dictés par un intérêt économique , social et financier commun.

La présente convention a pour objet de définir les conditions de fonctionnement de la trésorerie au sein de cet ensemble.

Il a été convenu ce qui suit:

1- principes

Les sociétés, ci-dessus, conviennent de faire usage de façon permanente, de la possibilité de pratiquer entre elles des avances de trésorerie permettant de favoriser une gestion optimale, conformément à l'article L.511-7 du code monétaire et financier.

2- opération d'équilibrage-fonctionnement

La société de cet ensemble disposant d'un compte excédentaire accepte de transférer le solde positif de son compte vers un compte emprunteur de ce même ensemble qui en aurait besoin, sous réserve que la trésorerie disponible mise à disposition:

- soit jugée non immédiatement nécessaire à une bonne réalisation des opérations de la Société dont le compte concerné présente un solde excédentaire;

- n'obère en aucune manière la poursuite des opérations en bon père de famille des opérations de ladite société en sa qualité de prêteur

- et fasse l'objet d'une rémunération conforme à l'article 3 ci-dessous.

Suivent:

- un paragraphe 3 sur la rémunération de l'avance consentie,

- un paragraphe 4 sur l'obligation des sociétés membres de l'ensemble de tenir une comptabilité reflétant les activités propres de chacune d'elle,

- un paragraphe 5 prévoyant la durée de la convention et les cause de résiliation,

- un paragraphe 6 intitulé Adhésion et qui stipule que si par la suite d'autres sociétés rejoignant cet ensemble souhaitent adhérer à la présence convention, un avenant devra être signé par toutes les parties à la présente convention, ainsi que par les nouvelles sociétés adhérentes.

Enfin un paragraphe 7 prévoit la loi applicable et les litiges.

Il en résulte que la convention de trésorerie produite ne prévoit aucunement une gestion centralisée de la trésorerie entre plusieurs sociétés du même groupe en faisant de la société Les Jardins Del Sol la société centralisatrice mais est uniquement une convention de trésorerie entre deux sociétés, la société Du Beau Voir et sa filiale la société Les Jardins Del Sol.

Il s'ensuit d'une part que les fonds versés par la société Du Beau Voir à la société Les Jardins Del Sol pouvaient être utilisés par cette dernière conformément au fonctionnement classique d'une convention de trésorerie entre deux sociétés par laquelle la société emprunteuse utilise les fonds remis pour son activité, et d'autre part que les fonds remis par la société Du Beau Voir à la société Les Jardins Del Sol ne pouvaient être versés à d'autres sociétés du groupe en l'absence de signature d'un avenant entre toutes les parties concernées.

On constate à la lecture des opérations réalisées que des virements importants ont été effectués:

- à un tiers intitulé Bethemont pour des montants de 160.000 euros et 380.000 euros sous l'intitulé VIRT TRESO JDS A BETHEMONT sans cependant que la société Les Jardins Del Sol produise une convention de trésorerie signée avec Bethemont et la société Du Beau Voir permettant de verser la trésorerie reçue de la société Du Beau Voir à Bethemont -dont la preuve n'est pas rapportée qu'elle faisait partie du groupe Trimax-.

- à la société Trimax SA pour 40.000 euros, 30.000 euros, 35.000 euros (ces trois opérations étant inscrites sous l'intitulé VIRT TRESO JDS A TRIMAX SA), 30.000 euros, 38.000 euros (les deux derniers versements étant intitulés 'JDS PC DBV A TRIMAX SA) sans cependant que la société Les Jardins Del Sol produise de convention de trésorerie signée avec la société Trimax SA et la société Du Beau Voir permettant de verser la trésorerie reçue de la société Du Beau Voir à la société Trimax SA.

- à la société RSV pour un montant de 110 euros sous l'intitulé VIRT TRESO JDS A RSV et pour un montant de 2000 euros sous l'intitulé TRESO JDS A RSV PC TRIMAX sans cependant que la société Les Jardins Del Sol produise de convention de trésorerie signée avec les sociétés Du Beau Voir, Trimax SA et RSV permettant de verser la trésorerie reçue de la société Du Beau Voir à la société RSV y compris pour le compte de la société Trimax SA, étant souligné qu'il n'est pas rapportée la preuve que la société RSV fait partie du groupe Trimax.

Aucune convention de trésorerie n'ayant été signée avec Bethemont, Trimax, et RSV, le versement de ces sommes à des sociétés tiers est irrégulière et constitue une faute du gérant Monsieur [O] puisqu'il n'existe aucun fondement juridique à de tels transferts d'argent.

Le total des sommes transférées s'établit à 715.110 euros.

Par ailleurs des opérations sont inscrites sous des intitulés indiquant qu'elles ont été réalisées pour le compte de la société Du Beau Voir:

REINHART PC DBV F2209010 7728 euros et F2206101 25.200 euros

FREE INVEST PC DBV Hono 3 et [Immatriculation 7]: 72.000 euros

COMMERCES PC DBV Rbrsmt CC Assoc: 125.455,38 euros.

Or d'une part la convention de trésorerie signée entre les sociétés Du Beau Voir et Les Jardins Del Sol ne prévoit pas un dispositif aux termes duquel la société qui reçoit des fonds devrait procéder au paiement de sommes dues par la société qui a versé sa trésorerie excédentaire, en lieu et place de cette dernière et sur sa demande.

D'autre part la société Les Jardins Del Sol ne rapporte pas la preuve que la société Du Beau Voir lui a donné instruction de régler diverses factures pour son compte.

En procédant à de tels paiements, et en utilisant pour ce faire les sommes mises à sa disposition par la société Du Beau Voir la société Les Jardins Del Sol a donc commis une faute en procédant à des paiements sans autorisation et sans cadre juridique. Monsieur [O] en sa qualité de gérant de la SARL Les Jardins Del Sol a décidé des paiements ainsi effectués et est responsable de la faute commise.

Sa responsabilité est donc engagée. Le total des sommes versées s'établit à 222.655,38 euros.

S'agissant des autres opérations effectuées à partir du compte bancaire de la société Les Jardins Del Sol la simple lecture de leurs intitulés s'agissant en particulier d'une saisie attribution réalisée en septembre 2022 cantonnée à la somme de 38.469 euros, du paiement de mensualités de prêts, des frais bancaires, de la cotisation foncière des entreprises 2022 intitulée d'une part '[Localité 16]' et d'autre part '[Localité 17]' et enfin d'un virement intitulé [Z] [C] ne permet pas de caractériser qu'il s'agit d'opérations irrégulières car dénuées de fondement juridique et/ou ne pouvant être reliées à l'activité de la société Les Jardins Del Sol et constituant de ce fait une utilisation anormale des fonds versés par la société Du Beau Voir.

En conséquence Monsieur [O] est condamné in solidum avec la société Les Jardins Del Sol à payer à la société Du Beau Voir la somme de 937.765,38 euros.

Sur les demandes sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens

Il est inéquitable de laisser les appelants supporter les frais irrépétibles engagés pour assurer leur défense et il y a dès à présent de condamner les intimés ensemble à payer la somme de 30.000 euros à la SARL OCM et la somme de 30.000 euros à la SAS Du Beau Voir.

Les dépens sont réservés.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Rejette la demande de sursis à statuer présentée par les intimées

Prononce la nullité de l'acte de vente en date du 28 juin 2022 portant sur la pleine propriété de 6.000 actions de la société [Adresse 18] conclu entre la société Du Beau Voir

en qualité de cédant et la société Free Invest en qualité de cessionnaire,

En conséquence,

Ordonne la restitution par la société Free Invest à la société Du Beau Voir des 6.000 actions détenues au capital de la société [Adresse 18] ;

Ordonne la restitution par la société Free Invest à la société Du Beau Voir du compte courant d'associé qu'elle détenait sur [Adresse 18] à hauteur de 167.804,21 euros

Ordonne à la société Du Beau Voir de restituer à la société Free Invest la somme de 1.467.804,21 euros reçue en paiement de la cession des actions de la société [Adresse 18] et du compte courant d'associé

Condamne in solidum la société Les Jardins Del Sol et Monsieur [G] [O] à rembourser la somme de 1.043.000 euros à la société Du Beau Voir, la condamnation de Monsieur [O] étant plafonnée à la somme de 937.765,38 euros

Déboute la société OCM et la société Du Beau Voir de leur demande de condamnation de Monsieur [O] au paiement de la somme de 1.443.000 euros

Ordonne une expertise

désigne [S] [A]

PROREVISE

[Adresse 4]

Tel:[XXXXXXXX01]

email:[Courriel 11]

expert judiciaire près la cour d'appel de Paris, avec mission ci-après libellée, en se conformant aux règles du code de procédure civile:

' Entendre les parties et tous sachants ;

' Se faire communiquer l'ensemble des documents nécessaires à sa mission, y-compris de la part de Free Invest ;

' Les examiner ;

' Fournir tous éléments techniques et de fait de nature à permettre à la cour de se prononcer sur la nature et le quantum des fruits et de la valeur de la jouissance que la détention des 6.000 actions de [Adresse 18] ont procuré à Free Invest depuis le 28 juin 2022 et jusqu'au jour de la restitution en nature à intervenir, en ce compris tout versement de dividendes et tout flux financier de quelque nature qu'ils soient ; A ce titre chiffrer les fruits, la valeur de jouissance, les dividendes versés, et les flux financiers entre les sociétés [Adresse 18] et Free Invest,

' Plus généralement, donner toutes indications techniques et de fait pouvant apparaître utiles;

Dit que l'expert commis pourra sur simple présentation de la présente ordonnance requérir la communication, soit par les parties, soit par des tiers de tous documents relatifs à cette affaire ;

Dit que l'expert fera connaître sans délai son acceptation, qu'en cas de refus ou d'empêchement légitime, il sera pourvu aussitôt à son remplacement ;

Dit que l'expert commis, saisi par le greffe, devra accomplir sa mission en présence des parties ou elles dûment convoquées, les entendre en leurs dires et explications, en leur impartissant un délai de rigueur pour déposer leurs dires écrits et fournir leurs pièces justificatives ;

Dit qu'en application de l'article 38 du décret n°2005-1678 du 28 décembre 2005, les dernières observations ou réclamations des parties doivent rappeler sommairement le contenu de celles qu'elles ont présentées antérieurement ; qu'à défaut, elles sont réputées abandonnées par elles ;

Rappelle en tant que de besoin à l'expert judiciaire commis son obligation de répondre à tout dire dûment formalisé par écrit par l'une quelconque des parties par une note elle-même écrite et motivée ;

Dit que les sociétés OCM et Du Beau Voir devront faire l'avance des frais d' expertise et consigner à la régie de la cour d'appel de Paris une provision de 10.000 euros TTC avant le 15 novembre 2025;

Dit qu'à défaut de consignation dans le délai et selon les modalités imparties, la désignation de l'expert sera [B] à moins que le juge, à la demande d'une des parties se prévalant d'un motif légitime, décide une prolongation du délai ou un relevé de la caducité ;

Dit que l'expert devra commencer ses opérations d' expertise dès qu'il sera averti que les parties ont consigné la provision mise à leur charge ;

Dit que lors de la première réunion d'expertise laquelle devra se dérouler dans un délai de deux mois à compter de l'avis donné par le greffe de la consignation de la provision, l'expert devra, en concertation avec les parties, dresser un programme de ses investigations, et proposer d'une manière aussi précise que possible que le montant prévisible de ses honoraires, de ses frais et débours, ainsi que la date de dépôt du rapport avant d'adresser ces informations au juge chargé du contrôle de l'expertise, à l'appui d'une demande d'ordonnance complémentaire fixant le montant de la provision complémentaire ainsi que le délai prévu pour le dépôt du rapport ;

Dit que l'expert commis devra communiquer aux parties et à leur conseil respectif un pré-rapport contenant l'ensemble de ses appréciations littérales et chiffrées, ainsi que l'ensemble de ses conclusions, au moins un mois avant la date de dépôt du rapport d' expertise, en invitant les parties à présenter leurs observations ;

Dit qu'après avoir répondu de façon appropriée aux éventuelles observations formulées par les parties, l'expert commis devra déposer au greffe un rapport définitif de ses opérations avant le 1er juin 2026, date de rigueur, sauf prorogation des opérations dûment autorisée par le conseiller de la mise en état sur demande de l'expert ;

Renvoie le dossier à la mise en état du jeudi 18.06.2026 à 9h30

Condamne Monsieur [O], la SARL Les Jardins Del Sol et la société Free Invest, ensemble, à payer d'une part à la société OCM et d'autre part à la société Du Beau Voir la somme de 30.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile

Réserve les dépens.

LA GREFFIERE LA CONSEILLERE POUR LA PRESIDENTE EMPECHEE

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