CA Grenoble, ch. com., 2 octobre 2025, n° 24/02587
GRENOBLE
Arrêt
Autre
N° RG 24/02587 - N° Portalis DBVM-V-B7I-MKSS
C4
Minute :
Copie exécutoire
délivrée le :
Me Hassan KAIS
la SELAS AGIS
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE GRENOBLE
CHAMBRE COMMERCIALE
ARRÊT DU JEUDI 02 OCTOBRE 2025
Appel d'une décision (N° RG 2024JC1015)
rendue par le Juge commissaire de [Localité 7]
en date du 21 juin 2024
suivant déclaration d'appel du 08 juillet 2024
APPELANTE :
S.A.R.L. HELPCAR immatriculée au RCS de [Localité 7] sous le n°450 912 738, prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité audit siège.
[Adresse 6]
[Localité 5]
représentée par Me Hassan KAIS, avocat au barreau de GRENOBLE, substitué par Me MORVAN, avocat au barreau de GRENOBLE,
INTIMÉ :
M. LE COMPTABLE PUBLIC, RESPONSABLE DU PRS DE L'ISERE
[Adresse 2]
[Localité 3]
représenté par Me Gaëlle CHAVRIER de la SELAS AGIS, avocat au barreau de VIENNE
INTERVENANTE VOLONTAIRE :
SELARL [Y] & Associés, immatriculée au RCS de SAINT ETIENNE sous le n°830 000 451, prise en la personne de Maître [T] [I] désigné en qualité de mandataire judiciaire de la SARL HELP CAR, par jugement du Tribunal de Commerce de GRENOBLE du 6 juin 2023.
[Adresse 1]
[Localité 4]
représentée par Me Hassan KAIS, avocat au barreau de GRENOBLE, substitué par Me MORVAN, avocat au barreau de GRENOBLE,
COMPOSITION DE LA COUR :
LORS DU DÉLIBÉRÉ :
Mme Marie-Pierre FIGUET, Présidente de Chambre,
M. Lionel BRUNO, Conseiller,
Mme Raphaële FAIVRE, Conseillère,
DÉBATS :
A l'audience publique du 20 juin 2025, M. BRUNO, Conseiller, qui a fait rapport assisté de Alice RICHET, Greffière, a entendu les avocats en leurs conclusions, les parties ne s'y étant pas opposées conformément aux dispositions des articles 805 et 907 du Code de Procédure Civile. Il en a été rendu compte à la Cour dans son délibéré et l'arrêt a été rendu ce jour.
Faits et procédure :
1. La société Help'Car a été placée en redressement judiciaire le 6 juin 2023 par le tribunal de commerce de Grenoble.
2. Par ordonnance du 4 juin 2024, le juge-commissaire a admis la créance du Pôle de recouvrement spécialisé de l'Isère pour 524.896 euros à titre privilégié et définitif, la contestation de la société Help'Car ne procédant que de simples affirmations sans apporter de justification ou d'élément suffisant à son appui.
3. La société Help'Car a interjeté appel de cette décision le 8 juillet 2024.
L'instruction de cette procédure a été clôturée le 20 juin 2025, après que l'ordonnance de clôture ait été prononcée initialement le 22 mai 2025.
Prétentions et moyens de la société Help'Car et de la Selarl [Y] et Associés, prise en la personne de Me [I], ès-qualités de mandataire judiciaire de la société Help'Car:
4. Selon leurs conclusions remises par voie électronique le 19 juin 2024, elles demandent à la cour :
- de révoquer l'ordonnance de clôture intervenue le 22 mai 2025 et de dire que l'audience des plaidoiries est maintenue au 20 juin 2025 ;
- de prendre acte de l'intervention volontaire de la Selarl [Y] et Associés, prise en la personne de Me [I], ès-qualités de mandataire judiciaire de la société Help'Car ;
- de juger l'appel recevable et bien fondé ;
- de réformer l'ordonnance déférée ;
- statuant à nouveau, de constater, conformément à l'article L624-2 du code de commerce, qu'une instance est en cours.
5. Elles exposent :
6. - concernant le rabat de l'ordonnance de clôture, qu'elle est justifiée par l'intervention volontaire du mandataire judiciaire en cours d'instance ;
7. - sur le fond, qu'aux termes des dispositions de l'article L.622-24 du code de commerce, les créances du Trésor public et des organismes de prévoyance et de sécurité sociale qui n'ont pas fait l'objet d'un titre exécutoire au moment de leur déclaration, sont admises à titre provisionnel pour leur montant déclaré ;
8. - que selon les dispositions de l'article R624-6 du code de commerce, à la requête du Trésor public, le juge-commissaire, après avoir recueilli l'avis du mandataire judiciaire, prononce l'admission définitive des créances admises à titre provisionnel en application du quatrième alinéa de l'article L.622-24 et qui ont fait l'objet d'un titre exécutoire ou ne sont plus contestées ;
9. - qu'une créance est définitivement admise à la suite d'une décision du juge-commissaire statuant en dernier ressort, dès lors qu'elle n'a fait l'objet d'aucun recours ou d'une décision définitive relative à une instance en cours régulièrement reprise qui a abouti à la constatation et à la fixation de la créance ;
10. - que les créances fiscales sont contestées dans les formes du droit fiscal, dans le respect des règles applicables à la contestation des créances fiscales fixées au code général des impôts ; que doivent être admises les créances fiscales qui n'ont pas donné lieu à une réclamation contentieuse adressée à l'administration, conformément aux dispositions de ce livre ;
11. - qu'en l'espèce, la Direction générale des finances publiques a fait état d'un avis de mise en recouvrement pour justifier sa demande auprès du juge-commissaire, alors que la concluante a formé une réclamation conforme aux règles de la procédure fiscale ;
12. - qu'aucune décision n'étant intervenue suite à cette réclamation, il existe ainsi une instance en cours au sens de l'article L624-2 du code de commerce.
Prétentions et moyens du Comptable public du Pôle de recouvrement spécialisé de l'Isère :
13. Selon ses conclusions remises par voie électronique le 6 janvier 2025, il demande à la cour, au visa des articles R 624-4 et R 624-7 du code de commerce, des articles 553, 641 et 642 du code de procédure civile, de l'article L. 624-2 du code de commerce :
- au principal, de déclarer irrecevable l'appel formé par la société Help'Car;
- subsidiairement, de confirmer l'ordonnance rendue le 28 juin 2022 par le juge-commissaire en toutes ses dispositions, sauf à constater l'existence d'une instance en cours pour la somme de 167.441 euros ;
- de débouter la société Help'Car de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- très subsidiairement, d'admettre la créance du comptable public en constatant l'existence d'une instance en cours pour la somme de 516.194 euros (348.753 euros + 167.441 euros) ;
- de débouter la société Help'Car de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- de condamner la société Help'Car aux entiers dépens de première instance et d'appel.
14. L'intimé soutient :
15. - que l'appel est irrecevable, puisque le mandataire judiciaire n'a pas été appelé devant la cour, alors qu'il existe un lien d'indivisibilité entre le créancier, le débiteur et le mandataire judiciaire, qui devait ainsi être intimé;
16. - sur le fond, que le concluant a déclaré ses créances, par acte notifié le 19 juillet 2023, à hauteur de 1.755.193 euros dont 1.410.000 euros à titre provisionnel concernant la TVA et l'impôt sur les sociétés dus sur la période du 01/01/2020 au 31/12/2022 ;
17. - que ces impositions ont été mises en recouvrement par avis n° 202405Q0013 pour un montant de 503.735 euros, de sorte que le concluant, par requête transmise lors de l'audience de discussion des créances du 4 juin 2024, a demandé l'admission à titre définitif de sa créance, provisionnée à hauteur de 1.410.000 euros, pour 503.735 euros ;
18. - que le juge-commissaire a admis la créance, alors que ce n'est que le 6 décembre 2024 que l'appelante a introduit une réclamation contentieuse visant certaines impositions; ainsi, qu'au jour où le juge-commissaire a rendu son ordonnance, la seule réclamation contentieuse introduite par la société Help'Car concernait la somme de 167.441 euros relative à l'impôt sur les sociétés dû pour la période du 01/01/2014 au 31/12/2015; que le juge-Commissaire aurait donc dû constater l'existence d'une instance pour ce montant et non pour le surplus, soit 357.455 euros devant être admis au passif à titre privilégié en application des dispositions de l'article L. 624-2 du code de commerce ;
19. - qu'en cause d'appel, la seule réclamation introduite par l'appelante ne peut concerner que 167.441 euros.
*****
20. Il convient en application de l'article 455 du code de procédure civile de se référer aux conclusions susvisées pour plus ample exposé des prétentions et moyens des parties.
MOTIFS DE LA DECISION :
1) Concernant la révocation de l'ordonnance de clôture :
21. L'ordonnance de clôture du 22 mai 2025 a fait l'objet d'une révocation le 20 juin 2025 par le conseiller chargé de la mise en état, qui a prononcé ensuite la clôture de l'instruction du dossier. Il n'incombe ainsi plus à la cour de statuer sur ce point.
2) S'agissant de la recevabilité de l'appel :
22. Il résulte de l'article L624-1 du code de commerce que dans le délai fixé par le tribunal, le mandataire judiciaire établit, après avoir sollicité les observations du débiteur, la liste des créances déclarées avec ses propositions d'admission, de rejet ou de renvoi devant la juridiction compétente. Il transmet cette liste au juge-commissaire. L'article L624-2 ajoute qu'au vu des propositions du mandataire judiciaire, le juge-commissaire, si la demande d'admission est recevable, décide de l'admission ou du rejet des créances ou constate soit qu'une instance est en cours, soit que la contestation ne relève pas de sa compétence. En l'absence de contestation sérieuse, le juge-commissaire a également compétence, dans les limites de la compétence matérielle de la juridiction qui l'a désigné, pour statuer sur tout moyen opposé à la demande d'admission.
23. Selon l'article L624-3 du code de commerce, le recours contre les décisions du juge commissaire prises en matière de vérification de créances, est ouvert au créancier, au débiteur ou au mandataire judiciaire. L'article R624-7 précise que le recours contre les décisions du juge-commissaire statuant sur l'admission des créances est formé devant la cour d'appel.
24. Il résulte de ces dispositions que la décision prise dans le cadre de la vérification des créances est indivisible entre le débiteur, les créanciers et le mandataire judiciaire. En conséquence, à l'occasion d'un appel dont il n'est pas l'auteur, le mandataire judiciaire doit être intimé. A défaut, l'appel est irrecevable, le défaut d'intimation du mandataire judiciaire constituant une fin de non-recevoir au sens de l'article 122 du code de procédure civile.
25. Cependant, par application de l'article 126 de ce code, dans le cas où la situation donnant lieu à la fin de non-recevoir est susceptible d'être régularisée, l'irrecevabilité sera écartée si sa cause a disparu au moment où le juge statue. Il en est de même lorsque, avant toute forclusion, la personne ayant qualité pour agir devient partie à l'instance.
26. En l'espèce, la société Help'Car n'a pas intimé le mandataire judiciaire, sa déclaration d'appel n'ayant été formée que contre l'administration fiscale. Cependant, le mandataire judiciaire est intervenu volontairement à l'instance par conclusions du 19 juin 2025. Il en résulte que l'appel est ainsi désormais recevable, la fin de non-recevoir résultant du défaut d'intimation ayant disparu.
27. La cour ajoute qu'aucune précision n'est fournie concernant la date de la notification de l'ordonnance frappée d'appel, alors que cette ordonnance ne comporte aucune mention relative à sa notification à la société Help'Car, et qu'en application de l'article R661-3 du code de commerce, sauf dispositions contraires, le délai d'appel des parties est de dix jours à compter de la notification qui leur est faite des décisions rendues en matière de mandat ad hoc, de conciliation, de sauvegarde, de redressement judiciaire. Il en résulte que l'appel est également recevable, bien que formé le 8 juillet 2024, alors que l'ordonnance entreprise a été rendue le 4 juin précédant.
3 ) Sur le fond :
28. Sur le fond, l'administration fiscale a déclaré le 13 juillet 2023, à titre privilégié et définitif, les créances suivantes :
- impôt sur les sociétés du 01/01/2014 au 31/12/2015 : 167.441 euros,
- TVA du 01/01/2016 au 31/12/2018 : 10.502 euros,
soit un total de 177.943 euros.
29. Elle a également déclaré, à titre privilégié et provisionnel, les créances suivantes :
- TVA du 01/01/2000 au 30/12/2000 : 135.000 euros,
- impôts sur les sociétés du 01/01/2020 au 31/12/2022 : 450.000 euros,
- TVA du 01/01/2020 au 31/12/2022 : 400.000 euros,
- cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises du 01/01/2020 au 31/12/2023 : 12.000 euros,
- cotisation foncière des entreprises du 01/01/2023 au 31/12/2023 : 15.000 euros,
- prélèvement à la source de l'impôt sur le revenu du 01/04/2023 au 30/04/2023 : 221 euros,
- prélèvement à la source de l'impôt sur le revenu du 01/05/2023 au 31/05/2023 : 229 euros,
soit un total de droits pour 1.012.450 euros, outre des pénalités pour 564.800 euros, soit un total provisionnel de 1.577.250 euros.
30. Le 24 mai 2024, l'administration fiscale a notifié à la société Help'Car un avis de recouvrement n°202405Q0013 relatif à des rappels de TVA et d'impôts sur les sociétés, pour un total de 503.735 euros, suite à des propositions de rectification concernant :
- la TVA concernant l'année 2020 : 104.486 euros, outre 41.764 euros de pénalités, soit un total de 146.280 euros,
- l'impôt sur les sociétés de l'année 2020 : 249.109 euros, outre 99.644 euros au titre des pénalités, soit un total de 348.753 euros,
- l'impôt sur les sociétés du 01/01/2021 au 31/12/2022 : 6.216 euros outre 2.486 euros au titre des pénalités, soit un total de 8.702 euros.
31. Le 30 mai 2024, l'administration fiscale a déposé auprès du juge-commissaire une requête afin d'admission à titre définitif de créances déclarées initialement et admises à titre provisoire au titre de la TVA portant sur les années 2020 à 2022, ramenée à 146.280 euros contre 600.000 euros
initialement, et de l'impôt sur les sociétés concernant la même période, ramené à 357.455 euros contre 810.000 euros initialement, ainsi pour un total de 503.735 euros, abandonnant 906.265 euros de créances.
32. Le juge commissaire a admis les créances fiscales à titre privilégié et définitif le 4 juin 2024, pour 524.896 euros, sans cependant que son ordonnance mentionne quelles créances ont été ainsi admises. Selon les conclusions de l'administration fiscale déposées devant la cour, lors de l'audience tenue par le juge-commissaire, elle a demandé l'admission de sa créance à titre définitif pour 503.735 euros, somme correspondant à son avis de mise en recouvrement.
33. Il est justifié par la société Help'Car que le 6 décembre 2024, elle a saisi la Direction de Contrôle Fiscal Rhône Alpes Bourgogne d'une réclamation contentieuse, contre l'avis de mise en recouvrement n°202405Q0013 authentifié le 24 mai 2024 concernant des rappels de TVA et d'impôts sur les sociétés.
34. La cour constate que l'administration fiscale, à l'appui de sa déclaration de créance, n'a produit aucun avis de mise en recouvrement des sommes prétendument due par la société Help'Car. Il résulte de ses propres conclusions qu'elle n'a finalement sollicité l'admission, à titre définitif, que de la somme de 503.735 euros au titre de l'avis de mise en recouvrement n°202405Q0013, alors que le juge-commissaire a admis la créance, sans aucun motif, pour un montant supérieur. Il en résulte que l'ordonnance du juge-commissaire ne peut ainsi qu'être infirmée, ayant dépassé le montant de la demande du créancier.
35. La cour retient que dans sa contestation du 6 décembre 2024, l'appelante a contesté l'intégralité des sommes portées à son débit dans l'avis de recouvrement fondant la décision du juge-commissaire. Cependant, cette réclamation contentieuse a été portée devant l'administration fiscale après que le juge-commissaire ait statué. Il en résulte qu'à la date de l'ordonnance déférée, il n'existait pas d'instance en cours au sens de l'article L624-2 du code commerce.
36. La cour statue cependant dans la limite des pouvoirs dévolus au juge-commissaire. Elle doit ainsi se prononcer au regard des éléments de fait existants à la date à laquelle elle se prononce lui permettant de vérifier la réalité et le montant de la créance.
37. En la cause, la société Help'Car justifie d'une instance actuellement en cours concernant l'avis de mise en recouvrement sur lequel repose la demande d'admission de créances fiscales à titre définitif. Il en résulte que la cour ne peut que constater l'existence d'une telle instance. L'ordonnance déférée doit ainsi être infirmée également à ce titre.
38. Il n'y a pas lieu d'allouer à la société Help'Car la somme de 2.000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile, puisque si cette demande figure dans le corps de ses conclusions, elle ne figure pas dans leur dispositif qui seul saisit la cour.
39. Les dépens de l'instance seront employés en frais privilégiés de la procédure de redressement judiciaire.
PAR CES MOTIFS :
La Cour statuant publiquement, contradictoirement, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile, après en avoir délibéré conformément à la loi,
Vu les articles 122 et suivants du code de procédure civile, les articles L624-1 et suivants, R624-7 et R661-3 du code de commerce ;
Dit que la demande de révocation de l'ordonnance de clôture est sans objet;
Reçoit l'intervention volontaire de la Selarl [Y] & Associés, prise en la personne de Me [I], ès-qualités de mandataire judiciaire de la société Help'Car :
Déclare l'appel de la société Help'Car recevable ;
Infirme l'ordonnance déférée en ce qu'elle a admis la créance du Pôle de recouvrement spécialisé de l'Isère pour 524.896 euros à titre privilégié et définitif ;
Confirme l'ordonnance déférée en ses autres dispositions ;
statuant à nouveau ;
Constate qu'une instance est en cours ;
Dit que les dépens d'appel seront employés en frais privilégiés de la procédure de redressement judiciaire ;
Signé par Mme Marie-Pierre FIGUET, Présidente et par Mme Anne BUREL, Greffière présente lors de la mise à disposition à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
La Greffière La Présidente
C4
Minute :
Copie exécutoire
délivrée le :
Me Hassan KAIS
la SELAS AGIS
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE GRENOBLE
CHAMBRE COMMERCIALE
ARRÊT DU JEUDI 02 OCTOBRE 2025
Appel d'une décision (N° RG 2024JC1015)
rendue par le Juge commissaire de [Localité 7]
en date du 21 juin 2024
suivant déclaration d'appel du 08 juillet 2024
APPELANTE :
S.A.R.L. HELPCAR immatriculée au RCS de [Localité 7] sous le n°450 912 738, prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité audit siège.
[Adresse 6]
[Localité 5]
représentée par Me Hassan KAIS, avocat au barreau de GRENOBLE, substitué par Me MORVAN, avocat au barreau de GRENOBLE,
INTIMÉ :
M. LE COMPTABLE PUBLIC, RESPONSABLE DU PRS DE L'ISERE
[Adresse 2]
[Localité 3]
représenté par Me Gaëlle CHAVRIER de la SELAS AGIS, avocat au barreau de VIENNE
INTERVENANTE VOLONTAIRE :
SELARL [Y] & Associés, immatriculée au RCS de SAINT ETIENNE sous le n°830 000 451, prise en la personne de Maître [T] [I] désigné en qualité de mandataire judiciaire de la SARL HELP CAR, par jugement du Tribunal de Commerce de GRENOBLE du 6 juin 2023.
[Adresse 1]
[Localité 4]
représentée par Me Hassan KAIS, avocat au barreau de GRENOBLE, substitué par Me MORVAN, avocat au barreau de GRENOBLE,
COMPOSITION DE LA COUR :
LORS DU DÉLIBÉRÉ :
Mme Marie-Pierre FIGUET, Présidente de Chambre,
M. Lionel BRUNO, Conseiller,
Mme Raphaële FAIVRE, Conseillère,
DÉBATS :
A l'audience publique du 20 juin 2025, M. BRUNO, Conseiller, qui a fait rapport assisté de Alice RICHET, Greffière, a entendu les avocats en leurs conclusions, les parties ne s'y étant pas opposées conformément aux dispositions des articles 805 et 907 du Code de Procédure Civile. Il en a été rendu compte à la Cour dans son délibéré et l'arrêt a été rendu ce jour.
Faits et procédure :
1. La société Help'Car a été placée en redressement judiciaire le 6 juin 2023 par le tribunal de commerce de Grenoble.
2. Par ordonnance du 4 juin 2024, le juge-commissaire a admis la créance du Pôle de recouvrement spécialisé de l'Isère pour 524.896 euros à titre privilégié et définitif, la contestation de la société Help'Car ne procédant que de simples affirmations sans apporter de justification ou d'élément suffisant à son appui.
3. La société Help'Car a interjeté appel de cette décision le 8 juillet 2024.
L'instruction de cette procédure a été clôturée le 20 juin 2025, après que l'ordonnance de clôture ait été prononcée initialement le 22 mai 2025.
Prétentions et moyens de la société Help'Car et de la Selarl [Y] et Associés, prise en la personne de Me [I], ès-qualités de mandataire judiciaire de la société Help'Car:
4. Selon leurs conclusions remises par voie électronique le 19 juin 2024, elles demandent à la cour :
- de révoquer l'ordonnance de clôture intervenue le 22 mai 2025 et de dire que l'audience des plaidoiries est maintenue au 20 juin 2025 ;
- de prendre acte de l'intervention volontaire de la Selarl [Y] et Associés, prise en la personne de Me [I], ès-qualités de mandataire judiciaire de la société Help'Car ;
- de juger l'appel recevable et bien fondé ;
- de réformer l'ordonnance déférée ;
- statuant à nouveau, de constater, conformément à l'article L624-2 du code de commerce, qu'une instance est en cours.
5. Elles exposent :
6. - concernant le rabat de l'ordonnance de clôture, qu'elle est justifiée par l'intervention volontaire du mandataire judiciaire en cours d'instance ;
7. - sur le fond, qu'aux termes des dispositions de l'article L.622-24 du code de commerce, les créances du Trésor public et des organismes de prévoyance et de sécurité sociale qui n'ont pas fait l'objet d'un titre exécutoire au moment de leur déclaration, sont admises à titre provisionnel pour leur montant déclaré ;
8. - que selon les dispositions de l'article R624-6 du code de commerce, à la requête du Trésor public, le juge-commissaire, après avoir recueilli l'avis du mandataire judiciaire, prononce l'admission définitive des créances admises à titre provisionnel en application du quatrième alinéa de l'article L.622-24 et qui ont fait l'objet d'un titre exécutoire ou ne sont plus contestées ;
9. - qu'une créance est définitivement admise à la suite d'une décision du juge-commissaire statuant en dernier ressort, dès lors qu'elle n'a fait l'objet d'aucun recours ou d'une décision définitive relative à une instance en cours régulièrement reprise qui a abouti à la constatation et à la fixation de la créance ;
10. - que les créances fiscales sont contestées dans les formes du droit fiscal, dans le respect des règles applicables à la contestation des créances fiscales fixées au code général des impôts ; que doivent être admises les créances fiscales qui n'ont pas donné lieu à une réclamation contentieuse adressée à l'administration, conformément aux dispositions de ce livre ;
11. - qu'en l'espèce, la Direction générale des finances publiques a fait état d'un avis de mise en recouvrement pour justifier sa demande auprès du juge-commissaire, alors que la concluante a formé une réclamation conforme aux règles de la procédure fiscale ;
12. - qu'aucune décision n'étant intervenue suite à cette réclamation, il existe ainsi une instance en cours au sens de l'article L624-2 du code de commerce.
Prétentions et moyens du Comptable public du Pôle de recouvrement spécialisé de l'Isère :
13. Selon ses conclusions remises par voie électronique le 6 janvier 2025, il demande à la cour, au visa des articles R 624-4 et R 624-7 du code de commerce, des articles 553, 641 et 642 du code de procédure civile, de l'article L. 624-2 du code de commerce :
- au principal, de déclarer irrecevable l'appel formé par la société Help'Car;
- subsidiairement, de confirmer l'ordonnance rendue le 28 juin 2022 par le juge-commissaire en toutes ses dispositions, sauf à constater l'existence d'une instance en cours pour la somme de 167.441 euros ;
- de débouter la société Help'Car de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- très subsidiairement, d'admettre la créance du comptable public en constatant l'existence d'une instance en cours pour la somme de 516.194 euros (348.753 euros + 167.441 euros) ;
- de débouter la société Help'Car de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- de condamner la société Help'Car aux entiers dépens de première instance et d'appel.
14. L'intimé soutient :
15. - que l'appel est irrecevable, puisque le mandataire judiciaire n'a pas été appelé devant la cour, alors qu'il existe un lien d'indivisibilité entre le créancier, le débiteur et le mandataire judiciaire, qui devait ainsi être intimé;
16. - sur le fond, que le concluant a déclaré ses créances, par acte notifié le 19 juillet 2023, à hauteur de 1.755.193 euros dont 1.410.000 euros à titre provisionnel concernant la TVA et l'impôt sur les sociétés dus sur la période du 01/01/2020 au 31/12/2022 ;
17. - que ces impositions ont été mises en recouvrement par avis n° 202405Q0013 pour un montant de 503.735 euros, de sorte que le concluant, par requête transmise lors de l'audience de discussion des créances du 4 juin 2024, a demandé l'admission à titre définitif de sa créance, provisionnée à hauteur de 1.410.000 euros, pour 503.735 euros ;
18. - que le juge-commissaire a admis la créance, alors que ce n'est que le 6 décembre 2024 que l'appelante a introduit une réclamation contentieuse visant certaines impositions; ainsi, qu'au jour où le juge-commissaire a rendu son ordonnance, la seule réclamation contentieuse introduite par la société Help'Car concernait la somme de 167.441 euros relative à l'impôt sur les sociétés dû pour la période du 01/01/2014 au 31/12/2015; que le juge-Commissaire aurait donc dû constater l'existence d'une instance pour ce montant et non pour le surplus, soit 357.455 euros devant être admis au passif à titre privilégié en application des dispositions de l'article L. 624-2 du code de commerce ;
19. - qu'en cause d'appel, la seule réclamation introduite par l'appelante ne peut concerner que 167.441 euros.
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20. Il convient en application de l'article 455 du code de procédure civile de se référer aux conclusions susvisées pour plus ample exposé des prétentions et moyens des parties.
MOTIFS DE LA DECISION :
1) Concernant la révocation de l'ordonnance de clôture :
21. L'ordonnance de clôture du 22 mai 2025 a fait l'objet d'une révocation le 20 juin 2025 par le conseiller chargé de la mise en état, qui a prononcé ensuite la clôture de l'instruction du dossier. Il n'incombe ainsi plus à la cour de statuer sur ce point.
2) S'agissant de la recevabilité de l'appel :
22. Il résulte de l'article L624-1 du code de commerce que dans le délai fixé par le tribunal, le mandataire judiciaire établit, après avoir sollicité les observations du débiteur, la liste des créances déclarées avec ses propositions d'admission, de rejet ou de renvoi devant la juridiction compétente. Il transmet cette liste au juge-commissaire. L'article L624-2 ajoute qu'au vu des propositions du mandataire judiciaire, le juge-commissaire, si la demande d'admission est recevable, décide de l'admission ou du rejet des créances ou constate soit qu'une instance est en cours, soit que la contestation ne relève pas de sa compétence. En l'absence de contestation sérieuse, le juge-commissaire a également compétence, dans les limites de la compétence matérielle de la juridiction qui l'a désigné, pour statuer sur tout moyen opposé à la demande d'admission.
23. Selon l'article L624-3 du code de commerce, le recours contre les décisions du juge commissaire prises en matière de vérification de créances, est ouvert au créancier, au débiteur ou au mandataire judiciaire. L'article R624-7 précise que le recours contre les décisions du juge-commissaire statuant sur l'admission des créances est formé devant la cour d'appel.
24. Il résulte de ces dispositions que la décision prise dans le cadre de la vérification des créances est indivisible entre le débiteur, les créanciers et le mandataire judiciaire. En conséquence, à l'occasion d'un appel dont il n'est pas l'auteur, le mandataire judiciaire doit être intimé. A défaut, l'appel est irrecevable, le défaut d'intimation du mandataire judiciaire constituant une fin de non-recevoir au sens de l'article 122 du code de procédure civile.
25. Cependant, par application de l'article 126 de ce code, dans le cas où la situation donnant lieu à la fin de non-recevoir est susceptible d'être régularisée, l'irrecevabilité sera écartée si sa cause a disparu au moment où le juge statue. Il en est de même lorsque, avant toute forclusion, la personne ayant qualité pour agir devient partie à l'instance.
26. En l'espèce, la société Help'Car n'a pas intimé le mandataire judiciaire, sa déclaration d'appel n'ayant été formée que contre l'administration fiscale. Cependant, le mandataire judiciaire est intervenu volontairement à l'instance par conclusions du 19 juin 2025. Il en résulte que l'appel est ainsi désormais recevable, la fin de non-recevoir résultant du défaut d'intimation ayant disparu.
27. La cour ajoute qu'aucune précision n'est fournie concernant la date de la notification de l'ordonnance frappée d'appel, alors que cette ordonnance ne comporte aucune mention relative à sa notification à la société Help'Car, et qu'en application de l'article R661-3 du code de commerce, sauf dispositions contraires, le délai d'appel des parties est de dix jours à compter de la notification qui leur est faite des décisions rendues en matière de mandat ad hoc, de conciliation, de sauvegarde, de redressement judiciaire. Il en résulte que l'appel est également recevable, bien que formé le 8 juillet 2024, alors que l'ordonnance entreprise a été rendue le 4 juin précédant.
3 ) Sur le fond :
28. Sur le fond, l'administration fiscale a déclaré le 13 juillet 2023, à titre privilégié et définitif, les créances suivantes :
- impôt sur les sociétés du 01/01/2014 au 31/12/2015 : 167.441 euros,
- TVA du 01/01/2016 au 31/12/2018 : 10.502 euros,
soit un total de 177.943 euros.
29. Elle a également déclaré, à titre privilégié et provisionnel, les créances suivantes :
- TVA du 01/01/2000 au 30/12/2000 : 135.000 euros,
- impôts sur les sociétés du 01/01/2020 au 31/12/2022 : 450.000 euros,
- TVA du 01/01/2020 au 31/12/2022 : 400.000 euros,
- cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises du 01/01/2020 au 31/12/2023 : 12.000 euros,
- cotisation foncière des entreprises du 01/01/2023 au 31/12/2023 : 15.000 euros,
- prélèvement à la source de l'impôt sur le revenu du 01/04/2023 au 30/04/2023 : 221 euros,
- prélèvement à la source de l'impôt sur le revenu du 01/05/2023 au 31/05/2023 : 229 euros,
soit un total de droits pour 1.012.450 euros, outre des pénalités pour 564.800 euros, soit un total provisionnel de 1.577.250 euros.
30. Le 24 mai 2024, l'administration fiscale a notifié à la société Help'Car un avis de recouvrement n°202405Q0013 relatif à des rappels de TVA et d'impôts sur les sociétés, pour un total de 503.735 euros, suite à des propositions de rectification concernant :
- la TVA concernant l'année 2020 : 104.486 euros, outre 41.764 euros de pénalités, soit un total de 146.280 euros,
- l'impôt sur les sociétés de l'année 2020 : 249.109 euros, outre 99.644 euros au titre des pénalités, soit un total de 348.753 euros,
- l'impôt sur les sociétés du 01/01/2021 au 31/12/2022 : 6.216 euros outre 2.486 euros au titre des pénalités, soit un total de 8.702 euros.
31. Le 30 mai 2024, l'administration fiscale a déposé auprès du juge-commissaire une requête afin d'admission à titre définitif de créances déclarées initialement et admises à titre provisoire au titre de la TVA portant sur les années 2020 à 2022, ramenée à 146.280 euros contre 600.000 euros
initialement, et de l'impôt sur les sociétés concernant la même période, ramené à 357.455 euros contre 810.000 euros initialement, ainsi pour un total de 503.735 euros, abandonnant 906.265 euros de créances.
32. Le juge commissaire a admis les créances fiscales à titre privilégié et définitif le 4 juin 2024, pour 524.896 euros, sans cependant que son ordonnance mentionne quelles créances ont été ainsi admises. Selon les conclusions de l'administration fiscale déposées devant la cour, lors de l'audience tenue par le juge-commissaire, elle a demandé l'admission de sa créance à titre définitif pour 503.735 euros, somme correspondant à son avis de mise en recouvrement.
33. Il est justifié par la société Help'Car que le 6 décembre 2024, elle a saisi la Direction de Contrôle Fiscal Rhône Alpes Bourgogne d'une réclamation contentieuse, contre l'avis de mise en recouvrement n°202405Q0013 authentifié le 24 mai 2024 concernant des rappels de TVA et d'impôts sur les sociétés.
34. La cour constate que l'administration fiscale, à l'appui de sa déclaration de créance, n'a produit aucun avis de mise en recouvrement des sommes prétendument due par la société Help'Car. Il résulte de ses propres conclusions qu'elle n'a finalement sollicité l'admission, à titre définitif, que de la somme de 503.735 euros au titre de l'avis de mise en recouvrement n°202405Q0013, alors que le juge-commissaire a admis la créance, sans aucun motif, pour un montant supérieur. Il en résulte que l'ordonnance du juge-commissaire ne peut ainsi qu'être infirmée, ayant dépassé le montant de la demande du créancier.
35. La cour retient que dans sa contestation du 6 décembre 2024, l'appelante a contesté l'intégralité des sommes portées à son débit dans l'avis de recouvrement fondant la décision du juge-commissaire. Cependant, cette réclamation contentieuse a été portée devant l'administration fiscale après que le juge-commissaire ait statué. Il en résulte qu'à la date de l'ordonnance déférée, il n'existait pas d'instance en cours au sens de l'article L624-2 du code commerce.
36. La cour statue cependant dans la limite des pouvoirs dévolus au juge-commissaire. Elle doit ainsi se prononcer au regard des éléments de fait existants à la date à laquelle elle se prononce lui permettant de vérifier la réalité et le montant de la créance.
37. En la cause, la société Help'Car justifie d'une instance actuellement en cours concernant l'avis de mise en recouvrement sur lequel repose la demande d'admission de créances fiscales à titre définitif. Il en résulte que la cour ne peut que constater l'existence d'une telle instance. L'ordonnance déférée doit ainsi être infirmée également à ce titre.
38. Il n'y a pas lieu d'allouer à la société Help'Car la somme de 2.000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile, puisque si cette demande figure dans le corps de ses conclusions, elle ne figure pas dans leur dispositif qui seul saisit la cour.
39. Les dépens de l'instance seront employés en frais privilégiés de la procédure de redressement judiciaire.
PAR CES MOTIFS :
La Cour statuant publiquement, contradictoirement, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile, après en avoir délibéré conformément à la loi,
Vu les articles 122 et suivants du code de procédure civile, les articles L624-1 et suivants, R624-7 et R661-3 du code de commerce ;
Dit que la demande de révocation de l'ordonnance de clôture est sans objet;
Reçoit l'intervention volontaire de la Selarl [Y] & Associés, prise en la personne de Me [I], ès-qualités de mandataire judiciaire de la société Help'Car :
Déclare l'appel de la société Help'Car recevable ;
Infirme l'ordonnance déférée en ce qu'elle a admis la créance du Pôle de recouvrement spécialisé de l'Isère pour 524.896 euros à titre privilégié et définitif ;
Confirme l'ordonnance déférée en ses autres dispositions ;
statuant à nouveau ;
Constate qu'une instance est en cours ;
Dit que les dépens d'appel seront employés en frais privilégiés de la procédure de redressement judiciaire ;
Signé par Mme Marie-Pierre FIGUET, Présidente et par Mme Anne BUREL, Greffière présente lors de la mise à disposition à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
La Greffière La Présidente