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CA Paris, Pôle 4 - ch. 3, 2 octobre 2025, n° 25/03299

PARIS

Arrêt

Autre

CA Paris n° 25/03299

2 octobre 2025

Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 4 - Chambre 3

ARRET DU 02 OCTOBRE 2025

(n° , 8 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 25/03299 - N° Portalis 35L7-V-B7J-CK3FU

Décision déférée à la Cour : Jugement du 03 Février 2025 -Tribunal paritaire des baux ruraux de SENS - RG n° 23/00315

APPELANTE

E.A.R.L. [H] représentée par son gérant Monsieur [Z] [C]

Immatriculée au R.C.S. de [Localité 17] sous le n° 750 802 571

Dont le siège sociale est sis [Adresse 6]

[Localité 12]

Représentée par Me Marie Louise SERRA de la SCP BOUAZIZ SERRA AYALA BONLIEU HAYOUN, avocat au barreau de FONTAINEBLEAU

Ayant pour avocat plaidant Me Flavie BONLIEU, avocat au barreau de FONTAINEBLEAU

INTIMEES

Madame [L] [S] épouse [N]

Née le 17 septembre 1950 à [Localité 15] (77)

Demeurant [Adresse 7]

[Localité 11]

Représentée par Me Evelyne PERSENOT-LOUIS de la SCP SCP P.BAZIN - E.PERSENOT-LOUIS - C.SIGNORET, avocat au barreau d'AUXERRE

Madame [A] [S] épouse [T]

Née le 23 octobre 1945 à [Localité 16] (Nord)

Demeurant [Adresse 4]

[Localité 10]

Représentée par Me Evelyne PERSENOT-LOUIS de la SCP SCP P.BAZIN - E.PERSENOT-LOUIS - C.SIGNORET, avocat au barreau d'AUXERRE

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 05 Septembre 2025, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Mme Aurore DOCQUINCOURT, Conseillère, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

- Madame Anne-Laure MEANO, présidente de la chambre ;

- Mme Aurore DOCQUINCOURT, Conseillère,

- Madame Laura TARDY, Conseillère ;

Greffier, lors des débats : Mme Aurely ARNELL

ARRET :

- contradictoire ;

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Anne-Laure MEANO, présidente de la chambre et par Edouard LAMBRY, Greffier, présent lors de la mise à disposition.

***

EXPOSÉ DU LITIGE

Selon acte authentique du 16 novembre 1984, M. [V] [S] et Mme [O] [P] épouse [S] ont consenti à M. [Y] [J] un bail rural à long terme portant sur diverses parcelles de terres situées sur la commune de [Localité 18] d'une contenance totale de 54ha 41a 6ca. Un contrat de cession de matériel agricole et de fournitures agraires a été conclu entre les époux [S] et M. [J] prévoyant notamment l'acquisition par ce dernier d'arrière-fumures des terres pour un montant de 100.000 francs.

Selon acte authentique du 23 octobre 2001, les parties précitées ont convenu de la résiliation du bail rural à long terme du 16 novembre 1984 'sans indemnité de part ni d'autre', et ont conclu un nouveau bail rural à long terme portant sur diverses parcelles de terres situées sur les communes de [Localité 14] et [Localité 18] d'une contenance totale de 55ha 81a 86ca.

Par courrier du 22 avril 2012, M. [J] a avisé ses bailleurs de la mise à disposition à compter du 1er avril 2012 des terres objets du bail à l'EARL [H] qu'il venait de constituer. Il a cédé 95% de ses parts dans l'EARL précitée à M. [Z] [C] le 1er juillet 2018.

Par acte d'huissier du 1er mars 2021, Mmes [L] [S] épouse [N] et [A] [S] épouse [T], venant aux droits de leurs parents, ont notifié à M. [J] un congé avec refus de renouvellement du bail, celui-ci ayant atteint l'âge légal de la retraite, à effet au 22 octobre 2022.

M. [J], qui n'a pas contesté ledit congé, a libéré les lieux à la date d'effet du congé précitée.

Par requête reçue au greffe le 27 février 2023, l'EARL [H] a saisi le tribunal paritaire des baux ruraux de Sens aux fins de désignation d'un expert judiciaire pour déterminer l'indemnité due au titre des améliorations culturales et avances aux cultures par Mmes [L] [S] épouse [N] et [A] [S] épouse [T].

A l'audience de conciliation du 6 juin 2023, les parties ne sont pas parvenues à se concilier et l'affaire a été renvoyée en audience de jugement.

L'EARL [H] a demandé au tribunal paritaire de :

- rejeter la fin de non-recevoir tirée du prétendu défaut d'intérêt à agir,

- nommer tel expert qu'il plaira aux fins de préciser la nature, le coût et la date des améliorations apportées par le preneur, calculer l'indemnité due au titre des améliorations culturales, des façons culturales et avances aux cultures, et plus généralement, déterminer l'ensemble des améliorations apportées au fonds par le preneur,

- fixer la consignation à valoir sur la rémunération de l'expert qui sera mise à sa charge,

- condamner solidairement Madame [L] [S] et Madame [A] [S] au paiement de la somme de 26 234,74 euros à titre d'indemnité provisionnelle à valoir sur l'indemnisation des améliorations apportées au fonds,

- les condamner solidairement au paiement de la somme de 3000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens.

Mmes [L] [S] épouse [N] et [A] [S] épouse [T] ont demandé au tribunal paritaire de :

- à titre principal, juger l'EARL [H] irrecevable en son action,

- en conséquence, débouter l'EARL [H] de toutes ses demandes, fins et conclusions,

- à titre subsidiaire, juger l'EARL [H] mal fondée en son action,

- en conséquence, débouter l'EARL [H] de toutes ses demandes, fins et conclusions,

- à titre infiniment subsidiaire,

- débouter l'EARL [H] de sa demande d'indemnité provisionnelle,

- compléter la mission de l'expert comme suit :

- Établir la chronologie et l'antériorité des améliorations apportées à l'EARL [H] lors de sa création,

- Établir le lien entre lesdites améliorations et les parcelles louées en tenant compte de leur état à la fin du bail,

- condamner l'EARL [H] à leur payer la somme de 3000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- écarter l'exécution provisoire de la décision à intervenir concernant toute condamnation qui par impossible serait prononcée contre elles,

- condamner l'EARL [H] aux entiers dépens.

Par jugement contradictoire entrepris du 3 février 2025, le tribunal paritaire des baux ruraux de Sens a ainsi statué :

DÉCLARE recevable l'action de l'EARL [H],

REJETTE l'ensemble des demandes de l'EARL [H],

CONDAMNE l'EARL [H] à payer à Madame [L] [S] et Madame [A] [S] la somme de 1500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

REJETTE la demande en paiement des frais irrépétibles formulée par l'EARL [H],

CONDAMNE l'EARL aux dépens,

RAPPELLE que l'exécution provisoire est de droit.

PRÉTENTIONS DES PARTIES

Vu l'appel interjeté le 20 février 2025 par l'EARL [H],

Vu les dernières écritures remises au greffe le 1er septembre 2025 et développées oralement à l'audience par lesquelles l'EARL [H] demande à la cour de :

Recevoir L'EARL [H] subrogée dans les droits de Monsieur [Y] [J] en son appel et l'y déclarer bien fondée,

Confirmer le jugement le jugement rendu le 3 février 2025 par le Tribunal Paritaire des Baux Ruraux de SENS en ce qu'il a déclaré l'action recevable,

Infirmer le jugement rendu le 3 février 2025 par le Tribunal Paritaire des Baux Ruraux de SENS en ce qu'il a débouté l'EARL [H] de ses demandes,

Statuant à nouveau,

Nommer tel Expert qu'il plaira à la Cour de désigner avec la mission de :

- Se rendre sur place,

- Se faire remettre tous documents utiles,

- Entendre tous sachants, et notamment Monsieur [Y] [J], preneur à bail aux fins de production des rendements et analyses de sol des cinq premières années,

- Examiner les parcelles de terres sises :

- Commune de [Localité 14] :

o Parcelle cadastrée section YK n° [Cadastre 1] - Commune de [Localité 18] :

o Parcelle cadastrée section YD n° [Cadastre 3],

o Parcelle cadastrée section YD n° [Cadastre 8],

o Parcelle cadastrée section YE n° [Cadastre 5],

o Parcelle cadastrée section YH n° [Cadastre 13],

o Parcelle cadastrée section YH n° [Cadastre 2],

o Parcelle cadastrée section [Cadastre 19] n° [Cadastre 13],

o Parcelle cadastrée section [Cadastre 19] n° [Cadastre 9],

- Préciser la nature, le coût et la date des améliorations apportées par le preneur, et ce à compter du 23 Octobre 2001,

- Calculer l'indemnité due au titre des améliorations culturales,

- Calculer l'indemnité due au titre des façons culturales et avances aux cultures,

- Et plus généralement, déterminer l'ensemble des améliorations apportées au fonds par le preneur,

- Et du tout, dresser rapport.

Fixer la consignation à valoir sur la rémunération de l'Expert qui sera mise à la charge de l'EARL [H], selon barème forfaitaire de l'Article R 411-15 du Code Rural et de la Pêche Maritime,

Condamner solidairement Madame [L] [S] épouse [N] et Madame [A] [S] épouse [T] au paiement de la somme de 26.234,74 € à titre d'indemnité provisionnelle à valoir sur l'indemnisation des améliorations apportées au fonds,

Les condamner solidairement au paiement de la somme de 3.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

Les condamner solidairement aux entiers dépens.

Vu les dernières écritures remises au greffe le 1er septembre 2025 et développées oralement à l'audience par lesquelles Mmes [L] [N] née [S] et [A] [T] née [S] demandent à la cour de :

INFIRMER le jugement rendu le 3 février 2025 par le Tribunal Paritaire des Baux Ruraux de SENS en ce qu'il a déclaré recevable l'action de l'EARL [H] ;

Statuant à nouveau sur ce point,

DECLARER l'EARL [H] irrecevable en son action ;

DEBOUTER l'EARL [H] de toutes ses demandes, fins et conclusions ;

CONFIRMER le jugement rendu le 3 février 2025 par le Tribunal Paritaire des Baux Ruraux de SENS en ce qu'il a :

' rejeté l'ensemble des demandes de l'EARL [H] ;

' condamné l'EARL [H] à payer à Madame [L] [S] et Madame [A] [S] la somme de 1.500 Euros au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile ;

' rejeté la demande en paiement des frais irrépétibles formulée par l'EARL [H] ;

' condamné l'EARL aux dépens ;

' rappelé que l'exécution provisoire est de droit.

Y ajoutant,

DECLARER la demande de communication sous astreinte de l'état des lieux d'entrée du 15 Novembre 1984, irrecevable et mal fondée,

A titre subsidiaire,

Débouter l'EARL [H] de sa demande d'indemnité provisionnelle,

Compléter la mission de l'expert comme suit :

' Etablir la chronologie et l'antériorité des améliorations apportées à l'EARL [H] lors de sa création,

' Etablir le lien entre lesdites améliorations et les parcelles louées en tenant compte de leur état à la fin du bail,

' A défaut d'améliorations dire, si les terres ont été rendues en bon état conformément aux obligations contractuelles du preneur,

En tout état de cause,

Condamner l'EARL [H] à payer à Mesdames [L] [N] et [A] [T] une somme globale de 3.000 Euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile,

Condamner l'EARL [H] aux entiers dépens.

Pour un plus ample exposé des prétentions et des moyens des parties, la cour, conformément à l'article 455 du code de procédure civile, renvoie aux conclusions qu'elles ont remises au greffe et au jugement déféré.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Il convient au préalable de constater que l'EARL [H] n'a pas maintenu dans ses dernières écritures développées à l'audience sa demande de production sous astreinte de l'état des lieux d'entrée dressé le 15 novembre 1984, celui-ci ayant été produit par les intimées, de sorte que la cour n'en est pas saisie.

Sur la fin de non-recevoir tirée du défaut de qualité pour agir de l'EARL [H] soulevée par Mmes [S]

Formant appel incident sur ce point, Mmes [S] font grief au jugement entrepris d'avoir déclaré l'action de l'EARL [H] recevable, et réitèrent leur fin de non-recevoir tirée du défaut de qualité de cette dernière. Elles font valoir que le bail de 1984 a été résilié en 2001 'sans indemnité de part ni d'autre', et que lors de l'apport de l'exploitation de M. [J] à l'EARL [H], des améliorations apportées ont été valorisées sans précision des parcelles concernées, étant précisé que l'exploitation retenue a une surface de 158 ha et que le bail objet du litige ne porte que sur 55 ha, de sorte que l'appelante ne démontre pas sa qualité à agir sur des améliorations ayant fait l'objet d'un bail résilié sans indemnité de part et d'autre. Elles ajoutent que, parallèlement à la présente procédure et de manière contradictoire, M. [J] leur a réclamé par courrier du 12 juin 2023 réitéré le 22 janvier 2024 une somme de 18.502,87 euros au titre des améliorations acquises en 1984.

L' EARL [H] conclut à la confirmation du jugement entrepris sur ce point, en faisant valoir que la résiliation du bail de 1984 sans indemnité est sans conséquence sur l'indemnisation des améliorations culturales survenues à compter du nouveau bail intervenu en 2001, et que le courrier de M. [J] de 2023 ne concerne pas l'indemnisation des améliorations apportées au fonds loué en vertu de ce bail, mais la restitution des indemnités versées au preneur sortant au titre des améliorations culturales antérieures au bail du 16 novembre 1984, sans lien avec sa demande.

Selon l'article 31 du code de procédure civile, 'l'action est ouverte à tous ceux qui ont un intérêt légitime au succès ou au rejet d'une prétention, sous réserve des cas dans lesquels la loi attribue le droit d'agir aux seules personnes qu'elle qualifie pour élever ou combattre une prétention, ou pour défendre un intérêt déterminé'.

En l'espèce, l'EARL [H] fonde son action sur l'article L. 411-69 du code rural et de la pêche maritime, lequel dispose que 'le preneur qui a, par son travail ou par ses investissements, apporté des améliorations au fonds loué a droit, à l'expiration du bail, à une indemnité due par le bailleur, quelle que soit la cause qui a mis fin au bail (...)'.

En vertu de l'article L. 411-75 dudit code, 'un associé qui, dans les conditions prévues par les articles L. 323-14 et L. 411-37, met à la disposition d'une société des biens dont il est locataire peut céder à ladite société les améliorations qu'il justifie avoir faites sur le fonds et qui lui ouvrent droit, au terme du bail, à l'indemnité prévue par l'article L. 411-69.

La société lui attribue des parts correspondant à ce transfert. Elle est subrogée dans les droits à l'indemnité que l'intéressé aurait pu exercer en fin de bail vis-à-vis du bailleur (...)'.

L'EARL [H], à laquelle M. [J] a apporté suivant les statuts du 30 mars 2012 la somme totale de 401.054,80 euros au titre des apports en numéraire, incluant les sommes de 74.500 euros au titre de l'amélioration du fonds et 77.220,55 euros au titre des façons culturales et avances aux cultures suivant rapport d'expertise établi par M. [F], expert foncier et agricole, le 25 mars 2012, a dès lors qualité pour agir, en ce qu'elle est subrogée dans les droits du preneur sortant à l'indemnité que ce dernier aurait pu exercer en fin de bail vis-à-vis du bailleur en vertu de l'article L. 411-75 du code rural précité, et qu'elle précise que sa demande concerne les améliorations postérieures au nouveau bail du 23 octobre 2001.

La question de savoir si les améliorations des terres louées sont justifiées est sans incidence sur la qualité pour agir de l'EARL [H], mais sera examinée ci-après dans le cadre du bien-fondé de la demande.

Enfin, le fait que M. [J] ait sollicité par courriers des 12 juin 2023 et 22 janvier 2024 de ses bailleresses le remboursement des arrière-fumures du premier bail de 1984, au demeurant non suivi de l'introduction d'une instance, est sans incidence sur la qualité pour agir de L'EARL [H] en paiement de l'indemnité due pour amélioration du fonds loué.

Il convient dès lors de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a écarté la fin de non-recevoir soulevée par Mmes [S] et déclaré l'EARL [H] recevable en son action.

Sur le bien-fondé des demandes d'expertise et d'indemnité provisionnelle

L' EARL [H] fait grief au jugement entrepris d'avoir rejeté ses demandes d'expertise et de condamnation de Mmes [S] au paiement d'une indemnité provisionnelle à valoir sur l'indemnisation des améliorations apportées au fonds de 26.234,74 euros, qu'elle réitère devant la cour.

Elle fait valoir que l'amélioration culturale, fait juridique, se prouve par tous moyens et non exclusivement par comparaison des états des lieux d'entrée et de sortie, souligne que le rapport d'expertise de M. [F] de mars 2012 a évalué les améliorations apportées au fonds à hauteur de 470 euros par hectare, affirme que ces améliorations étaient toujours présentes à l'expiration du bail en 2022, et ajoute qu'elle a procédé à un désenrochement sur une des parcelles louées en 2018 de nature à améliorer les façons culturales. Elle relève que les avances aux cultures ont été évaluées à la somme de 77.220,55 euros par M. [F] en 2012. Elle affirme que l'état des lieux établi en décembre 2022 par Mme [W], expert, ne lui est pas opposable en ce qu'elle n'y a pas été partie, et rappelle que le juge ne peut se fonder exclusivement sur une expertise non judiciaire réalisée à la demande de l'une des parties.

Mmes [S] concluent à la confirmation du jugement entrepris, en faisant valoir que le rapport de M. [F] de 2012 leur est inopposable en ce qu'elle n'y ont pas été associées, et qu'il concerne l'exploitation globale de M. [J] d'une superficie de 158,70 ha et ne permet pas d'individualiser les éléments liés aux terres concernées par le bail portant uniquement sur une superficie de 55 ha 81 a 86 ca. Elles soulignent que les terres ont été prises en bon état en 1984, tandis que l'état des lieux établi par Mme [W], expert, en 2022 prouve qu'elles ont été restituées en mauvais état ; elles affirment que cette pièce peut servir de commencement de preuve bien que n'ayant pas été établi contradictoirement entre les parties, dès lors qu'il a pu faire l'objet d'une discussion contradictoire entre elles dans le cadre du procès.

Selon l'article R. 411-15 du Code rural et de la pêche maritime, 'la preuve des améliorations mentionnées à l'article L. 411-69 résulte soit d'un état des lieux établi dans les conditions prévues à l'article L. 411-4, soit de tout autre moyen de preuve admis par le droit commun (...)'.

A défaut d'état des lieux, l'indemnité au preneur sortant peut être déterminée par comparaison de la valeur de rendement à l'entrée avec la valeur de rendement précédant les dernières années du bail (Civ. 3ème, 2 décembre 1992, n°90-15.509). A également été jugée valable la méthode des bilans ayant pour objet de déterminer la plus-value procurée aux terrains repris au jour le plus proche du départ des preneurs (Civ. 3ème, 15 juin 1994, n°92-10.507). A défaut d'éléments établissant l'état des terres lors de l'entrée en jouissance, la preuve d'améliorations par le preneur n'est pas rapportée par une expertise faisant apparaître une productivité et un rendement supérieurs aux résultats habituels dans le département (Civ. 3ème, 3 avril 2001, n°99-17.059). Les améliorations peuvent s'apprécier avec un état des lieux réalisé lors du premier renouvellement du bail avec une comparaison corrigée des rendements des premières et dernières années du bail (Civ. 3ème, 5 novembre 2015, n°14-23.875).

L'article 16 du code de procédure civile n'interdit de retenir les documents produits entre les parties que si elles n'ont pas été à même d'en débattre contradictoirement (Civ. 3ème, 23 mars 2005, n°04-11.455). Le juge ne peut toutefois se fonder exclusivement sur une expertise non judiciaire réalisée à la demande d'une des parties (Civ. 3ème, 14 mai 2020, n°19-16.278 et 19- 16.279).

En l'espèce, il résulte de l'état des lieux annexé au bail du 16 novembre 1984 que les terres et les cultures étaient en 'état satisfaisant'.

Aucun nouvel état des lieux n'a été réalisé lors de la conclusion du bail du 23 octobre 2001, alors même que les terres objets du bail ne sont pas exactement les mêmes ; pourtant, ainsi que le relève à juste titre le premier juge, il résulte des stipulations contractuelles de 2001 que cet état des lieux aurait pu être établi par une seule des parties à condition de le notifier à l'autre par lettre recommandée.

L'EARL [H] soutient que la preuve des améliorations culturales apportées au fonds résulterait de l'expertise de M. [F] du 25 mars 2012 établie à la requête de M. [J] en vue de la constitution de l'EARL. Outre le fait que la preuve des améliorations culturales ne saurait être exclusivement rapportée par cette expertise extrajudiciaire et non contradictoire, il convient de relever que les améliorations du fonds et les avances aux cultures chiffrées par l'expert, respectivement à 74.500 euros et 77.220,55 euros, ont été calculées sur la surface totale d'exploitation de M. [J] s'élevant à 158 ha 70 a, alors que la surface des terres du bail litigieux ne représente que 55 ha 81 a 86 ca, soit environ le tiers, sans qu'il soit possible d'identifier sur quelles parcelles de la surface totale de 158 ha portent les améliorations culturales.

Les autres éléments produits par l'EARL [H] au soutien de sa demande consistent en des analyses de terre de 2012 à 2015, soit en cours de bail, sans comparatifs de début ni de fin de bail, et en une facture d'arrachage de roches du 28 septembre 2018 au lieu dit '[M]' qui ne figure pas au nombre des parcelles louées.

Mmes [S] produisent un état des lieux d'entrée établi par expert le 30 décembre 2022, soit deux mois après la libération des lieux par M. [J], portant sur les terres objets du bail, lequel peut être retenu comme élément probant dès lors qu'il a été soumis au débat contradictoire et que la décision n'est pas exclusivement fondée sur celui-ci ; il en résulte que les cultures n'étaient pas en parfait état (présence de nombreuses repousses, infestation de plantes invasives, non déchaumées ...).

Il convient dès lors de juger que la preuve d'améliorations culturales apportées au fonds loué par l'EARL [H], subrogée dans les droits de M. [J], preneur sortant, n'est pas rapportée, en l'absence de possibilité de comparaison des états des lieux d'entrée et de sortie, ou, à défaut, de comparaison de la valeur de rendement à l'entrée avec la valeur de rendement des dernières années du bail, ces éléments n'étant pas produits.

Il convient dès lors de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté l'EARL de ses demandes d'expertise et de provision.

Sur l'article 700 du code de procédure civile et les dépens

Le sens du présent arrêt commande de confirmer le jugement entrepris s'agissant des dépens et de l'article 700 du code de procédure civile.

L'EARL [H], partie perdante, sera condamnée aux dépens d'appel. L'équité commande de la condamner au paiement de la somme de 1500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile en appel.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant par arrêt contradictoire,

Confirme, en ses dispositions frappées d'appel, le jugement entrepris,

Et y ajoutant,

Condamne l'EARL [H] à payer à Mmes [L] [N] née [S] et [A] [T] née [S] la somme de 1.500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne l'EARL [H] aux dépens d'appel,

Rejette toutes autres demandes.

Le greffier Le président

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