CA Paris, Pôle 6 - ch. 13, 3 octobre 2025, n° 23/00334
PARIS
Arrêt
Autre
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 6 - Chambre 13
ARRÊT DU 03 Octobre 2025
(n° , 23 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : S N° RG 23/00334 - N° Portalis 35L7-V-B7H-CG57K
Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 24 Novembre 2022 par le Pole social du TJ de [Localité 21] RG n° 21/00597
APPELANTE
Madame [L] [H]
Elisant domicile au cabinet BORNHAUSER
[Adresse 2]
[Localité 5]
représentée par Me Marc BORNHAUSER, avocat au barreau de PARIS, toque : C1522 substitué par Me Sandra MOREIRA AFONSO, avocat au barreau de PARIS
INTIMEE
[Adresse 33]
[Adresse 20]
[Adresse 3]
[Localité 4]
représentée par M. [W] [D] en vertu d'un pouvoir spécial
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 02 Juillet 2025, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Monsieur Renaud DELOFFRE, Conseiller, chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Mme Chantal IHUELLOU LEVASSORT, présidente de chambre
M Renaud DELOFFRE, conseiller
Mme [L] COUPET, conseillère
Greffier : Mme Fatma DEVECI, lors des débats
ARRET :
- CONTRADICTOIRE
- prononcé
par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Mme Chantal IHUELLOU LEVASSORT, présidente de chambre et par Mme Fatma DEVECI, greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
La cour statue sur l'appel interjeté par Mme [L] [H] d'un jugement rendu le 24 novembre 2022 sous le numéro RG 21/00597 par le tribunal judiciaire de Paris dans un litige l'opposant à l'URSSAF [7].
FAITS, PROCÉDURE, PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
Les circonstances de la cause ont été correctement rapportées par le tribunal dans son jugement au contenu duquel la cour entend se référer pour un plus ample exposé.
Il suffit de rappeler que par courrier du 28 novembre 2019, l'[Adresse 28] a adressé à Mme [H] un appel de cotisation au titre de son assujettissement à la cotisation subsidiaire maladie ([13]) de l'année 2018, l'informant que selon les éléments transmis par l'administration fiscale, elle était redevable de la somme de 7 880 euros exigible au 6 janvier 2020.
Par courrier du 20 avril 2020, Mme [H], a saisi la commission de recours amiable ([12]) sollicitant le dégrèvement intégral de la somme réclamée.
L'[Adresse 26], par courrier du 13 mai 2020, a maintenu l'appel de cotisation pour son montant de 7 880 euros.
A la suite de la mise en demeure du 8 janvier 2021 qui lui a été adressée par l'URSSAF pour le règlement de la somme de 7 880 euros, Mme [H], le 18 janvier 2021, a saisi la [12] contestant la mise en demeure ainsi que la régularité et le bien fondé de l'appel de [13], puis par courrier recommandé expédié le 11 mars 2021, elle a saisi le pôle social du tribunal judiciaire de Paris contestant le rejet implicite de sa requête par la [12].
A la suite de la mise en demeure du 18 mars 2021 (annulant et remplaçant la mise en demeure du 18 janvier 2021) qui lui a été adressée par l'URSSAF pour le règlement de la somme de 7 880 euros, Mme [H], le 14 avril 2021, a saisi la [12] contestant les mises en demeure ainsi que la régularité et le bien fondé de l'appel de [13] ; la [12] par décision du 31 mai 2021 a rejeté sa demande et confirmé l'appel de cotisation du 28 novembre 2019 d'un montant de 7 880 euros.
Le tribunal judiciaire de Paris, par jugement du 24 novembre 2022 a :
- déclaré Mme [H] recevable en son recours ;
- débouté Mme [H] de l'intégralité de ses prétentions ;
- déclaré régulier l'appel de [13] en date du 28 novembre 2019 ;
- validé le dit appel de cotisation en son entier montant ;
- déclaré sans objet la mise en demeure en date du 8 janvier 2021 qui a été annulée et remplacée par la mise en demeure en date du 18 mars 2021;
- déclaré régulière la mise en demeure en date du 18 mars 2021;
- validé la mise en demeure en son entier montant ;
- déclaré l'[Adresse 26] recevable et bien fondée en sa demande reconventionnelle en paiement ;
- condamné Mme [H] à verser à l'[27] la somme de 7 880 euros au titre de la [13] afférente à l'année 2018 ;
- condamné Mme [H] aux dépens.
Pour statuer ainsi le premier juge indique que :
* La mise en demeure du 8 janvier 2021 a été annulée et remplacée par la mise en demeure du 18 mars 2021 qui apparaît tout à fait régulière ;
* Le non-respect par l'organisme de recouvrement de la date limite mentionnée par l'article R. 380-4 du code de la sécurité sociale a pour seul effet de reporter le délai au terme duquel la cotisation devient exigible ; l'appel de cotisation n'est donc pas entaché d'irrégularité du seul fait de son caractère tardif ; en outre l'URSSAF a respecté le délai légal, fixant au 6 janvier 2020 la date d'exigibilité de la cotisation, soit plus de trente jours après l'envoi de l'appel de cotisation du 28 novembre 2019, et n'a tiré aucune conséquence de l'absence initiale de paiement de la cotisation par Mme [H] ;
* La décision du Conseil Constitutionnel n°2018-735 QPC du 27 septembre 2018 a validé la conformité à la Constitution de l'article L380-2 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction résultant de la loi n°2015-1702 du 21 décembre 2015, applicable au présent litige. Le Conseil Constitutionnel a formulé une réserve d'interprétation dite "directive " dans cette décision, à savoir que le pouvoir réglementaire fixe les taux et modalités de détermination de l'assiette de la cotisation, de façon à ce que celle-ci n'entraîne pas de rupture caractérisée de l'égalité devant les charges publiques. Or en l'espèce, la requérante ne démontre pas que l'appel de cotisation litigieux serait contraire au principe d'égalité devant les charges publiques, et n'établit pas davantage que cette réserve d'interprétation aurait été méconnue.
En'n, la loi de financement de la sécurité sociale 2019 ainsi que son décret d'app1ication du 23 avril 2019 concernant la cotisation subsidiaire maladie ne sont pas applicables au présent litige.
* Il résulte de l'article L 122-7 du code de la sécurité sociale que chaque [23] dispose de la faculté de déléguer, par convention, à d'autres organismes la réalisation de missions, cette convention prenant effet après approbation par le directeur de [1] ([6]). En l'espèce, l'URSSAF d'l1e-de-France a délégué à l'[Adresse 28] le calcul, l'appel et le recouvrement des cotisations dues en application de l'article L 380-2 du code de la sécurité sociale, par une convention de délégation ayant été approuvée par décision du Directeur de I'[6] le 11 décembre 2017, la dite approbation ayant été publiée, le 15 janvier 2018.
* l'appel de cotisation du 28 novembre 2019, qui répond aux exigences du décret n°2017-1530 du 3 novembre 2017 n'apparaît pas entaché d'une quelconque irrégularité du fait de prétendus manquements aux exigences de la réglementation sur la transmission et le traitement des données personnelles.
* les personnes identifiées par la direction générale des finances publiques comme susceptibles d'être redevables de la [13] ont été informées par courriers individuels, sous forme de lettres circulaires envoyées par l'URSSAF dans le courant du mois de novembre 2019, indiquant que " cette cotisation sera appelée au cours du quatrième trimestre 2019 sur la base des éléments transmis dans (la) déclaration fiscale au titre des revenus 2018 "
* Aucune méconnaissance du Règlement général sur la protection des données et de la loi Informatique et Liberté n'a été constatée.
* la question préjudicielle posée, tendant au renvoi en interprétation du règlement n°20l6-679 et du principe d'effectivité du droit de l'Union européenne dans les termes précités, apparaît
inopportune à la résolution du litige, puisque le présupposé de la question selon lequel l'appel de cotisation a été établi sur la base de données traitées et transférées illégalement n'est pas démontré.
Le jugement lui ayant été notifié le 6 décembre 2022, Mme [H] en a interjeté appel par courrier recommandé posté le 22 décembre 2022.
L'affaire a été plaidée à l'audience de la cour du 2 juillet 2025.
Par conclusions écrites visées par le greffe et déposées à l'audience par son conseil, Mme [H] demande à la cour de :
- Infirmer le jugement ;
- Décharger la somme de 7 880 euros due par Mme [H] au titre de la [13] ;
A titre subsidiaire :
- Saisir la Cour de cassation pour avis sur le fondement de l'article L. 441-1 du code de l'organisation judiciaire en raison des questions de droit relatives à l'incompétence, les infractions à la réglementation en matière de données personnelles et la réserve d'interprétation constitutionnelle ;
A titre plus subsidiaire :
- Saisir la Cour de justice de l'Union européenne de la question préjudicielle suivante : Le règlement n° 2016/679 et le principe d'effectivité du droit de l'Union européenne doivent-ils être interprétés en ce sens que le juge national a l'obligation d'annuler un appel de cotisation établi sur la base de données traitées et transférées illégalement '
En tout état de cause :
- Condamner l'[Adresse 31] à payer la somme de 600 € à Mme [H] au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- Condamner l'[32] aux dépens.
Par conclusions écrites visées par le greffe et déposées à l'audience par son représentant, l'URSSAF demande à la cour de :
A titre principal :
- Confirmer le jugement en toutes ses dispositions ;
- Valider l'appel de cotisation du 28 novembre 2019 ainsi que la mise en demeure du 18 mars 2021 en leur montant de 7 880 euros ;
- Confirmer la décision de la [12] du 31 mai 2021 ;
A titre reconventionnel,
- Condamner Mme [H] au paiement de la somme de 7 880 euros au titre de la [13] 2018;
En tout état de cause,
- Débouter Mme [H] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;
- Condamner Mme [H] aux dépens.
A l'issue de l'audience, les parties ont été informées que la décision serait mise à disposition le 3 octobre 2025.
SUR CE,
- Sur la régularité de l'appel de cotisations au regard de sa tardiveté
Moyens des parties :
Mme [H] allègue que conformément aux dispositions du I de l'article R. 380-4 du code de la sécurité sociale, la cotisation devait être appelée au plus tard le 30 novembre 2019. Or, la cotisante indique que l'appel de cotisation au titre de l'année 2018 lui a été adressé par courrier posté le 2 décembre 2019, soit postérieurement à la date limite rappelée ci-dessus. Par conséquent, la cotisante fait valoir que la tardiveté de l'appel de cotisation doit entraîner sa nullité, ainsi que l'ont jugé de nombreuses juridictions du fond.
L'URSSAF rappelle que l'article R. 380-4 du code de la sécurité sociale, qui prévoit un appel de cotisation « au plus tard le dernier jour ouvré du mois de novembre de l'année suivant celle au titre de laquelle elle est due », n'est assorti d'aucune sanction. En l'absence de forclusion ou de péremption prévue pour sanctionner un appel tardif, l'URSSAF demeure en droit d'appeler et de recouvrer la [13] y compris lorsqu'elle procède à cet appel au-delà de la date butoir. Ainsi, il ne saurait être considéré, même si l'appel de cotisation du 28 novembre 2019 a été reçu postérieurement au 30 novembre 2019, que l'[Adresse 26] était définitivement déchue de son droit d'appeler et de recouvrer cette cotisation. Selon l'Urssaf, cette interprétation du texte viendrait ajouter une condition sans fondement juridique. A cet effet, l'URSSAF rappelle le principe en vertu duquel nulle sanction ne peut être prononcée sans texte.
Elle rappelle que la jurisprudence de la Cour de cassation du 28 janvier 2021 (pourvois 19-22.55 et 19-25.853) confirme l'analyse faite par le juge de première instance. Elle souligne que l'appel à cotisations ne constitue pas un acte administratif faisant grief à l'usager et qu'il ne peut donc être annulé. Elle indique que le dépassement du délai a pour seul effet de repousser le point de départ du délai d'exigibilité de 30 jours.
Réponse de la cour :
L'alinéa 1er de l'article R. 380-4 du code de la sécurité sociale dispose :
« La cotisation mentionnée à l'article L. 380-2 est appelée au plus tard le dernier jour ouvré du mois de novembre de l'année suivant celle au titre de laquelle elle est due. Elle est exigible dans les trente jours suivant la date à laquelle elle est appelée. »
L'article L. 244-3 du code de la sécurité sociale dispose que :
« Les cotisations et contributions sociales se prescrivent par trois ans à compter de la fin de l'année civile au titre de laquelle elles sont dues. Pour les cotisations et contributions sociales dont sont redevables les travailleurs indépendants, cette durée s'apprécie à compter du 30 juin de l'année qui suit l'année au titre de laquelle elles sont dues. »
L'article L. 244-8-1 du code de la sécurité sociale dispose que :
« Le délai de prescription de l'action civile en recouvrement des cotisations ou des majorations de retard, intentée indépendamment ou après extinction de l'action publique, est de trois ans à compter de l'expiration du délai imparti par les avertissements ou mises en demeure prévus aux articles L. 244-2 et L. 244-3. »
Le non-respect par l'organisme de recouvrement de la date limite mentionnée par l'article R. 380-4 a pour seul effet de reporter le délai au terme duquel la cotisation devient exigible (2e Civ., 28 janvier 2021, pourvoi n° 19-22.255 ; 2e Civ., 6 janvier 2022, pourvoi n° 20-16.379), étant rappelé qu'aucune sanction de nullité n'est prévue en cas de non-respect du délai. Dès lors, le dépassement du délai prévu entraîne uniquement le report de l'exigibilité et du point de départ de calcul des majorations de retard.
La seule tardiveté de l'appel de cotisation n'est pas de nature à en justifier son annulation. Le report de l'exigibilité de la cotisation ne fait pas grief au cotisant. En effet, il convient de distinguer, d'une part, la prescription de la dette et d'autre part, la prescription de l'action en recouvrement. En application de l'article L. 244-3 du code de la sécurité sociale, quelle que soit la date de l'appel à cotisation, la dette de cotisation de Mme [H] se prescrit par trois ans à compter de la fin de l'année civile au titre de laquelle elle est due. Un décalage de l'appel à cotisation sera donc sans effet sur le cours de la prescription de la dette, qui commence toujours à courir le 31 décembre de l'année au titre de laquelle elle est due.
En revanche, le report de l'exigibilité influe sur la prescription de l'action en recouvrement qui ne pourra courir qu'à compter de la délivrance de la mise en demeure ; un décalage de l'appel à cotisation retardera donc le point de départ de la prescription de l'action en recouvrement, qui est sans autre effet sur le cotisant que d'allonger le délai de paiement, étant précisé que si l'appel à cotisation intervient après le délai triennal de prescription de la dette, l'URSSAF [7] ne pourra plus réclamer aucune somme.
Ce moyen tiré de l'irrégularité de l'appel à cotisation au regard de sa tardiveté sera en conséquence rejeté.
- Sur la régularité de l'appel de cotisations au regard de la constitutionnalité des dispositions réglementaires régissant la [13]
Moyens des parties
Mme [H] indique que les modalités de calcul de la [13] peuvent engendrer une cotisation d'un montant très élevé, sans rapport avec le bénéfice supposé d'un accès à une couverture sociale collective. Elle précise que cette situation anormale a été corrigée successivement par les tribunaux, par le législateur et par le pouvoir réglementaire, mais dans des conditions de temps qui sont telles qu'elle en demeure exclue.
Ainsi, elle indique qu'à la suite de la saisine du Conseil constitutionnel sur une question prioritaire de constitutionnalité visant l'article L. 380-2 du code de la sécurité sociale, le Conseil constitutionnel a confirmé que la [13] était une cotisation sociale et non un impôt et qu'en conséquence, les modalités de calcul de cette cotisation sociale devaient être fixées par un texte réglementaire et non par un texte législatif. Tout en rappelant que son contrôle est limité au domaine de la loi, le Conseil constitutionnel a toutefois formé une réserve d'interprétation applicable au texte réglementaire, afin qu'il fixe les modalités de cette cotisation de telle sorte qu'elle n'entraîne pas de rupture caractérisée de l'égalité devant les charges publiques. Mme [H] expose que la décision du Conseil constitutionnel prend effet immédiatement et vise donc les articles D. 380-1 et D. 380-2 du code de la sécurité sociale dans leur version en vigueur au jour de la décision, qui ne doivent plus être appliqués ; elle souligne d'ailleurs que la décision du Conseil constitutionnel est rédigée au présent de l'indicatif, et non au futur de l'indicatif comme lorsque les réserves d'interprétation visent les textes réglementaires à venir.
Mme [H] expose qu'à la suite de la réserve d'interprétation du Conseil constitutionnel, le pouvoir exécutif, après avoir exposé dans la discussion parlementaire les défauts de conception de la [13], notamment au regard des effets de seuil et de l'absence de plafonnement, a proposé une modification de l'article L. 380-2 du code de la sécurité sociale, dans le projet de LFSS 2019, pour remédier aux difficultés pointées dans la réserve d'interprétation susvisée. Elle souligne toutefois que, malgré les mises en garde, l'application cette modification du texte a été différée jusqu'aux cotisations dues pour l'année 2019.
Mme [H] expose que, dans sa décision du 10 juillet 2019, visée par l'Urssaf, le Conseil d'Etat n'a pas pu appliquer la réserve d'interprétation du Conseil constitutionnel, puisque saisi pour un recours pour excès de pouvoir, il ne pouvait étudier le moyen dit d'incompétence négative, c'est-à-dire la lacune du texte quant à l'absence de plafonnement. Les dispositions réglementaires existantes qui lui étaient soumises n'étaient pas contraires à la Constitution. Mme [H] souligne toutefois que le Conseil d'Etat rappelle dans cette même décision que la réserve d'interprétation est revêtue de l'autorité absolue de la chose juge et qu'elle lie tant les autorités administratives que le juge, renvoyant ainsi implicitement au juge judiciaire la tâche d'écarter au cas par cas les dispositions réglementaires lorsqu'elles créent une rupture de l'égalité devant les charges publiques.
En effet, Mme [H] rappelle que, par application de l'article 62 de la Constitution, la réserve d'interprétation doit s'appliquer erga omnes, avec une autorité équivalente à celle d'une loi, immédiatement, avec un effet rétroactif, puisque la réserve d'interprétation s'incorpore à la disposition critiquée. Elle en conclut qu'elle a pour effet de paralyser l'exécution des articles D. 380-1 et D. 380-2 du code de la sécurité sociale tant qu'ils demeurent contraires à la Constitution, et ce, même pour les situations passées. Ainsi, Mme [H] estime que le juge judiciaire est bien compétent pour appliquer l'article 62 de la Constitution et de donner plein effet à la réserve d'interprétation, dès lors que le pouvoir réglementaire ne l'a pas fait pour les situations des cotisants redevables de la [13] pour les années antérieures à 2019.
L'URSSAF rappelle, en premier lieu, que la décision du Conseil constitutionnel du 27 septembre 2018 a validé la conformité à la Constitution de l'article L. 380-2 du code de la sécurité sociale dans sa version applicable au litige. En second lieu, l'URSSAF indique que si le Conseil constitutionnel a bien émis une réserve d'interprétation s'agissant des articles D. 380-1 et D. 380-2 du même code, cette seule réserve d'interprétation ne peut conduire à écarter purement et simplement l'application de ces articles. A cet effet, l'URSSAF rappelle que cette réserve est « directive », c'est-à-dire que le Conseil constitutionnel donne l'interprétation à retenir et comporte une prescription à l'égard du pouvoir réglementaire charge de l'application de la loi. Par conséquent, la réserve d'interprétation ne permet pas de considérer que le Conseil constitutionnel a entendu déclarer rétroactivement non conformes à la Constitution les dispositions réglementaires régissant la [13]. Par ailleurs, l'URSSAF fait valoir que ladite réserve d'interprétation s'adresse exclusivement aux autorités d'Etat chargées de l'application de la loi et ne peut être invoquée par les justiciables à l'appui de contestations d'appel de [13] ; cette décision du 27 septembre 2018 ne valant que pour l'avenir. En outre, il est impropre de considérer que les modifications des articles susvisés par la [18] 2019 doivent s'appliquer rétroactivement. L'URSSAF rappelle que le législateur a précisément entendu faire application de ces dispositions à compter du 1er janvier 2019. Par conséquent, l'URSSAF demande à la cour de valider l'appel de cotisation du 28 novembre 2019 et de rejeter les moyens invoqués par Mme [H].
Réponse de la cour
L'article L. 380-2 du code de la sécurité sociale, dans sa version applicable au litige, dispose :
« Les personnes mentionnées à l'article L. 160-1 sont redevables d'une cotisation annuelle lorsqu'elles remplissent les conditions suivantes :
« 1° Leurs revenus tirés, au cours de l'année considérée, d'activités professionnelles exercées en France sont inférieurs à un seuil fixé par décret. En outre, lorsqu'elles sont mariées ou liées à un partenaire par un pacte civil de solidarité, les revenus tirés d'activités professionnelles exercées en France de l'autre membre du couple sont également inférieurs à ce seuil ;
« 2° Elles n'ont perçu ni pension de retraite, ni rente, ni aucun montant d'allocation de chômage au cours de l'année considérée. Il en est de même, lorsqu'elles sont mariées ou liées à un partenaire par un pacte civil de solidarité, pour l'autre membre du couple.
« Cette cotisation est fixée en pourcentage du montant des revenus fonciers, de capitaux mobiliers, des plus-values de cession à titre onéreux de biens ou de droits de toute nature, des bénéfices industriels et commerciaux non professionnels et des bénéfices des professions non commerciales non professionnels, définis selon les modalités fixées au IV de l'article 1417 du code général des impôts, qui dépasse un plafond fixé par décret. Servent également au calcul de l'assiette de la cotisation, lorsqu'ils ne sont pas pris en compte en application du IV de l'article 1417 du code général des impôts, l'ensemble des moyens d'existence et des éléments de train de vie, notamment les avantages en nature et les revenus procurés par des biens mobiliers et immobiliers, dont le bénéficiaire de la couverture maladie universelle a disposé, en quelque lieu que ce soit, en France ou à l'étranger, et à quelque titre que ce soit. Ces éléments de train de vie font l'objet d'une évaluation dont les modalités sont fixées par décret en Conseil d'Etat. Un décret détermine le taux et les modalités de calcul de cette cotisation ainsi que les obligations déclaratives incombant aux assujettis.
« Lorsque les revenus d'activité mentionnés au 1° sont inférieurs au seuil défini au même 1° mais supérieurs à la moitié de ce seuil, l'assiette de la cotisation fait l'objet d'un abattement dans des conditions fixées par décret. Cet abattement croît à proportion des revenus d'activité, pour atteindre 100% à hauteur du seuil défini audit 1°.
« La cotisation est recouvrée l'année qui suit l'année considérée, mentionnée aux 1° et 2° du présent article, selon les dispositions des sections 2 à 4 du chapitre III et du chapitre IV du titre IV du livre II du présent code, sous réserve des adaptations prévues par décret du Conseil d'Etat. »
L'article D. 380-1 du code de la sécurité sociale, dans sa version applicable, prévoit :
« I.-Le montant de la cotisation mentionné à l'article L. 380-2 due par les assurés dont les revenus tirés d'activités professionnelles sont inférieurs à un seuil fixé à 10 % du plafond annuel de la sécurité sociale est déterminé selon les formules suivantes :
« 1° Si les revenus tirés d'activités professionnelles sont inférieurs à 5 % du plafond annuel de la sécurité sociale :
« Montant de la cotisation = 8 % × (A-D)
« Où :
« A est l'assiette des revenus définie au quatrième alinéa de l'article L. 380-2 ;
« D, qui correspond au plafond mentionné au quatrième alinéa du même article, est égal à 25% du plafond annuel de la sécurité sociale ;
« 2° Si les revenus tirés d'activités professionnelles sont compris entre 5% et 10% du plafond annuel de la sécurité sociale :
« Montant de la cotisation = 8 % × (A-D) × 2 × (1-R/ S)
« Où :
« R est le montant des revenus tirés d'activités professionnelles ;
« S, qui correspond au seuil des revenus tirés d'activités professionnelles mentionné au deuxième alinéa de l'article L. 380-2, est égal à 10% du plafond annuel de la sécurité sociale.
« II.-Lorsque le redevable de cette cotisation ne remplit les conditions mentionnées à l'article L. 160-1 que pour une partie de l'année civile, le montant de la cotisation due est calculé au prorata de cette partie de l'année.
« III.- Si, au titre d'une période donnée, l'assuré est redevable de la cotisation prévue à l'article L. 380-3-1, il ne peut être redevable de la cotisation prévue à l'article L. 380-2 pour la même période. Le montant de celle-ci est alors calculé dans les conditions prévues au II. »
Le Conseil constitutionnel, dans sa décision QPC n° 2018-735 du 27 septembre 2018, a déclaré l'article L. 380-2 du code de la sécurité sociale instituant la cotisation subsidiaire maladie conforme à la Constitution, sous la réserve d'interprétation énoncée au paragraphe 19, à savoir « la seule absence de plafonnement d'une cotisation dont les modalités de détermination de l'assiette ainsi que le taux sont fixés par voie réglementaire n'est pas, en elle-même, constitutive d'une rupture caractérisée de l'égalité devant les charges publiques. Toutefois, il appartient au pouvoir réglementaire de fixer ce taux et ces modalités de façon à ce que la cotisation n'entraîne pas de rupture caractérisée de l'égalité devant les charges publiques. » Le Conseil constitutionnel a donc validé l'article L. 380-2 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction applicable à l'espèce, et, partant, a validé l'existence d'un seuil d'assujettissement.
L'article D. 380-1 du code de la sécurité sociale fait partie des dispositions réglementaires prises en application de l'article L. 380-2 du code de la sécurité sociale et visées par la réserve d'interprétation du Conseil constitutionnel.
Saisi d'un recours pour excès de pouvoir de la décision par laquelle le Premier ministre a implicitement rejeté la demande d'un requérant tendant à l'adoption de nouvelles mesures réglementaires d'application de l'article L. 380-2 du code de la sécurité sociale pour les cotisations dues sur les revenus antérieurs au 1er janvier 2019, à la suite de la décision du Conseil constitutionnel n° 2018-735 QPC du 27 septembre 2018, le Conseil d'Etat a statué sur la constitutionnalité des dispositions réglementaires prises en application de l'article L. 380-2 du code de la sécurité sociale, telles que rédigées à la suite du décret du 19 juillet 2016, dans un arrêt de la première chambre du 29 juillet 2020 (CE, 29 juillet 2020, n° 430326). Il a ainsi décidé « qu'en fixant, dans le cadre déterminé par les dispositions de l'article L. 380-2 précité, le seuil de revenus professionnels prévu au deuxième alinéa de cet article, en deçà duquel la cotisation est due, à 10% du plafond annuel de la sécurité sociale, soit 3 922,80 euros en 2017, le montant des revenus du patrimoine mentionné au quatrième alinéa du même article, au-delà duquel s'applique le prélèvement, à 25% de ce même plafond, soit 9 807 euros en 2017, et le taux de la cotisation en cause à 8%, le pouvoir réglementaire a défini les modalités de calcul de cette cotisation dans des conditions qui n'entraînent pas de rupture caractérisée de l'égalité devant les charges publiques. Il s'en suit que l'article D. 380-1 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction issue du décret du 19 juillet 2016 précité, ne méconnaît pas le principe d'égalité devant les charges publiques garanti par l'article 13 de la Déclaration des droits de l'Homme et des citoyens de 1789, pas plus que les dispositions de l'article L. 380-2 du code de la sécurité sociale telles qu'interprétées par le Conseil constitutionnel dans sa décision n° 2018-735 QPC du 27 septembre 2018, qui, contrairement à ce qui est soutenu, n'impliquait pas l'adoption de mesures réglementaires pour le passé. »
Il résulte de cet arrêt que Mme [H] n'est pas fondée à soutenir que le pouvoir réglementaire était tenu de modifier les mesures réglementaires d'application des dispositions de l'article L. 380-2 du code de la sécurité sociale relatives à la cotisation subsidiaire maladie pour les périodes d'assujettissement antérieures au 1er janvier 2019. L'article D. 380-1 du code de la sécurité sociale, tel que rédigé pour l'appel de la [13] 2018, est donc conforme à la Constitution.
Par ailleurs, en vertu du principe de séparation des autorités administratives et judiciaires posé par l'article 13 de la loi des 16-24 août 1790 et par le décret du 16 fructidor an III, sous réserve des matières réservées par nature à l'autorité judiciaire et sauf dispositions législatives contraires, il n'appartient qu'à la juridiction administrative de connaître des recours tendant à l'annulation ou à la réformation des décisions prises par l'administration dans l'exercice de ses prérogatives de puissance publique. De même, le juge administratif est en principe seul compétent pour statuer, le cas échéant par voie de question préjudicielle, sur toute contestation de la légalité de telles décisions, soulevée à l'occasion d'un litige relevant à titre principal de l'autorité judiciaire (CE, 16 juin 1923, [Z] c/ [9], n° 00732). Toutefois, ces principes doivent être conciliés tant avec l'exigence de bonne administration de la justice qu'avec les principes généraux qui gouvernent le fonctionnement des juridictions, en vertu desquels tout justiciable a droit à ce que sa demande soit jugée dans un délai raisonnable. Il suit de là que si, en cas de contestation sérieuse portant sur la légalité d'un acte administratif, les tribunaux de l'ordre judiciaire statuant en matière civile doivent surseoir à statuer jusqu'à ce que la question préjudicielle de la légalité de cet acte soit tranchée par la juridiction administrative, il en va autrement lorsqu'il apparaît manifestement, au vu d'une jurisprudence établie, que la contestation peut être accueillie par le juge saisi au principal (Tribunal des conflits, 17/10/2011, SCEA du Cheneau et autres c/ [17], C3828).
Ainsi, contrairement à ce que soutient Mme [H], le juge judiciaire ne peut statuer sur la légalité de dispositions réglementaires que si leur illégalité est manifeste, au vu d'une jurisprudence établie. Or, ainsi qu'il vient d'être rappelé ci-dessus, la légalité des articles D. 380-1 et D. 380-2 du code de la sécurité sociale, dans leur version applicable au litige, n'a pas été remise en cause par le Conseil d'Etat dans sa décision susvisée du 29 juillet 2020. Les conditions pour permettre au juge judiciaire d'apprécier la légalité des articles D. 380-1 et D. 380-2 du code de la sécurité sociale ne sont donc pas réunies.
Dès lors, dans les litiges relatifs à la [13] pour la période antérieure au 1er janvier 2019, le juge judiciaire ne peut, sans enfreindre la dualité des ordres de juridictions, écarter de lui-même, directement dans un jugement, les articles D. 380-1 et D. 380-2 du code de la sécurité sociale, dans leur version applicable.
Par ailleurs, l'article 12 II de la loi 2018-1203 du 22 décembre 2018 de financement de la sécurité sociale pour 2019, qui introduit une modification de l'article L.380-2 du code de la sécurité sociale, dispose :
II.-Le présent article s'applique aux cotisations dues au titre des périodes courant à compter du 1er janvier 2019.
Les nouvelles modalités de calcul issues de la [18] 2019 ne s'appliquent donc qu'aux cotisations dues au titre des années 2019 et suivantes. Le législateur n'a prévu aucune rétroactivité. Il n'y a donc pas lieu d'en faire application pour la [13] 2018 objet du présent litige.
En conséquence, l'appel à cotisations délivré par l'[Adresse 26] à
Mme [H] sera déclaré régulier au regard de la réserve d'interprétation du Conseil constitutionnel en date du 27 septembre 2018.
- Sur la régularité des dispositions régissant la [13] au regard du principe d'égalité
Moyens des parties
Mme [H] rappelle que, conformément à l'article 6 de la Déclaration des droits de l'Homme, la loi doit être la même pour tous, ce qui, selon elle, n'a pas été observé par les dispositions régissant la [13]. La cotisante soutient que le taux de 8 % continue d'être appliquée au titre des années 2016, 2017 et 2018 en méconnaissance de la réserve d'interprétation du Conseil constitutionnel. Par ailleurs, la cotisante fait valoir que les assujettis à la [13] au titre de 2019 sont soumis à un taux de 6,5 % et ont droit à un plafonnement fixé à 20 000 euros de cotisation. Dès lors, Mme [H] note que pour établir des distinctions entre cotisants, le pouvoir réglementaire doit fonder son appréciation sur des critères rationnels en fonction des buts qu'il se propose. Or, selon la cotisante, le but de la [18] 2019 et de son décret d'application du 23 avril 2019 est de modifier le régime de la cotisation pour le mettre en conformité avec la décision du Conseil constitutionnel du 27 septembre 2018, sans qu'aucun autre but ne soit exprimé, ce qui montre qu'elle est contraire au principe d'égalité.
L'URSSAF expose qu'au paragraphe 19 de sa décision du 27 septembre 2018, la Conseil constitutionnel a décidé que l'absence de plafonnement de la [13] n'est pas, en elle-même, constitutive d'une rupture caractérisée de l'égalité devant les charges publiques. Dès lors, le Conseil constitutionnel a validé la conformité de l'article L. 380-2 du code de la sécurité sociale, malgré l'absence de plafonnement. Par ailleurs, l'URSSAF fait valoir que le taux de la [13] qui est fixé à 8 % n'a rien de disproportionné ni d'exceptionnel par rapport aux autres cotisations d'assurance maladie.
Elle précise qu'une distinction entre des personnes placées dans une situation analogue est discriminatoire si elle n'est pas assortie de justifications objectives et raisonnables, c'est-à-dire si elle ne poursuit pas un objectif d'utilité publique ou si elle n'est pas fondée sur des critères objectifs et rationnels en rapport avec les buts de la loi. Or, l'URSSAF mentionne une décision du Conseil d'Etat du 24 juin 2019 qui a relevé, au sujet de l'article L.380-2 du code de la sécurité sociale, que « le législateur, en créant une distinction entre les personnes pour la détermination des modalités de leur participation au financement de l'assurance maladie selon le montant de leurs revenus professionnels, a fondé son appréciation sur des critères objectifs et rationnels en rapport avec les buts qu'il se proposait ».
Réponse de la cour
Saisi d'un recours pour excès de pouvoir de la décision par laquelle le Premier ministre a implicitement rejeté la demande d'un requérant tendant à l'adoption de nouvelles mesures réglementaires d'application de l'article L. 380-2 du code de la sécurité sociale pour les cotisations dues sur les revenus antérieurs au 1er janvier 2019, à la suite de la décision du Conseil constitutionnel n° 2018-735 QPC du 27 septembre 2018, le Conseil d'Etat a statué sur la constitutionnalité des dispositions réglementaires prises en application de l'article L. 380-2 du code de la sécurité sociale, telles que rédigées à la suite du décret du 19 juillet 2016, dans un arrêt de la première chambre du 29 juillet 2020 (CE, 29 juillet 2020, n° 430326). Il a ainsi décidé « qu'en fixant, dans le cadre déterminé par les dispositions de l'article L. 380-2 précité, le seuil de revenus professionnels prévu au deuxième alinéa de cet article, en deçà duquel la cotisation est due, à 10% du plafond annuel de la sécurité sociale, le montant des revenus du patrimoine mentionné au quatrième alinéa du même article, au-delà duquel s'applique le prélèvement, à 25% de ce même plafond, et le taux de la cotisation en cause à 8%, le pouvoir réglementaire a défini les modalités de calcul de cette cotisation dans des conditions qui n'entraînent pas de rupture caractérisée de l'égalité devant les charges publiques. Il s'en suit que l'article D. 380-1 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction issue du décret du 19 juillet 2016 précité, ne méconnaît pas le principe d'égalité devant les charges publiques garanti par l'article 13 de la Déclaration des droits de l'Homme et des citoyens de 1789, pas plus que les dispositions de l'article L. 380-2 du code de la sécurité sociale telles qu'interprétées par le Conseil constitutionnel dans sa décision n° 2018-735 QPC du 27 septembre 2018, qui, contrairement à ce qui est soutenu, n'impliquait pas l'adoption de mesures réglementaires pour le passé. »
La question de la légalité de l'article D. 380-1 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction issue du décret no 2016-979 du 19 juillet 2016, au regard des dispositions de l'article L. 380-2 du code de la sécurité sociale telles qu'interprétées par le Conseil constitutionnel dans sa décision no 2018-735 QPC du 27 septembre 2018 ne soulève pas de difficulté sérieuse. En effet, l'article D. 380-1 du code de la sécurité sociale précité ne méconnaît ni le principe d'égalité devant les charges publiques garanti par l'article 13 de la Déclaration des droits de l'homme et des citoyens de 1789, ni les dispositions de l'article L. 380-2 du code de la sécurité sociale telles qu'interprétées par le Conseil constitutionnel dans sa décision no 2018-735 QPC du 27 septembre 2018 (C. Cass, Civ 2ème, 27 février 2025, pourvoi 22-21.800)
Il en résulte que Mme [H] n'est pas fondée à soutenir que le pouvoir réglementaire était tenu de modifier les mesures réglementaires d'application des dispositions de l'article L. 380-2 du code de la sécurité sociale relatives à la cotisation subsidiaire maladie pour les périodes d'assujettissement antérieures au 1er janvier 2019.
Les dispositions de l'article L. 380-2 du code de la sécurité sociale créent une différence de traitement entre les assurés sociaux redevables de cotisations sociales sur leurs seuls revenus professionnels et ceux qui, dès lors que leur revenu d'activité professionnelle est inférieur au seuil fixé par le pouvoir réglementaire en application du 1° de l'article D. 380-1 susvisé et qu'ils n'ont perçu aucun revenu de remplacement, sont redevables d'une cotisation assise sur l'ensemble de leurs revenus du patrimoine. Toutefois, ces dispositions visent à faire contribuer à la prise en charge des frais de santé les personnes qui, tout en bénéficiant de revenus du patrimoine supérieurs à un certain niveau, ne perçoivent pas de revenus professionnels ou perçoivent des revenus professionnels insuffisants pour que les cotisations assises sur ces revenus constituent une participation effective à cette prise en charge. Dans ces conditions, le législateur, en créant une distinction entre les personnes pour la détermination des modalités de leur participation au financement de l'assurance maladie selon le montant de leurs revenus professionnels, a fondé son appréciation sur des critères objectifs et rationnels en rapport avec les buts qu'il recherchait.
Ainsi, il en résulte que les dispositions des articles L. 380-2 du code de la sécurité sociale et D. 380-1 du code de la sécurité sociale sont compatibles avec les stipulations de l'article 14 de la Convention de sauvegarde des droits de l'Homme et des Libertés fondamentales, combiné avec l'article 1er du Protocole additionnel numéro 1 de cette Convention.
Dans ces conditions, la différence évoquée par Mme [H] n'a pas de conséquences disproportionnées, ni en termes d'égalité de traitement, ni en termes d'atteinte au droit de propriété. Elle n'est pas non plus contraire au principe d'égalité devant les charges publiques prévu à l'article 6 de la déclaration des droits de l'homme et du citoyen.
Même si ultérieurement l'article L. 380-2 précité a été complété par un mécanisme de plafonnement de l'assiette de la cotisation par l'article 12 de la loi du 22 décembre 2018 de financement de la sécurité sociale pour 2019, Mme [H] n'est pas fondée à prétendre que l'article D. 380-1 du code de la sécurité sociale instituerait une discrimination.
Le moyen tiré de la violation de l'article 6 de la déclaration des droits de l'homme et du citoyen sera en conséquence rejeté.
- Sur la régularité de l'appel de cotisation au regard de la loi du 6 janvier 1978 et du RGPD
Moyens des parties
En se fondant sur la loi 78-17 dit loi Informatique et liberté et sur le règlement 2016/679 dit RGPD, Mme [H] rappelle que le traitement de données personnelles suppose notamment une autorisation par décret après avis de la [11] en vertu de l'article 27 de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés, dite « loi informatique et libertés ». La cotisante fait valoir que l'[Adresse 28] a méconnu cette disposition en traitant des fichiers contenant des données personnelles sans en avoir l'autorisation par décret en Conseil d'Etat après avis de la [11]. A cet effet, elle indique que, dans son avis du 26 octobre 2017, la [11] prévoyait un traitement des données par les [23] territorialement compétentes, alors que le traitement des données a été, en réalité réalisé par des [23] non territorialement compétentes. Elle précise que cette organisation lui porte préjudice, puisqu'elle ne pouvait exercer son droit d'accès qu'à l'égard de l'URSSAF à laquelle elle était rattachée territorialement, c'est-à-dire l'[34], alors que c'est l'[Adresse 28] qui a traité ses données personnelles. Elle estime donc qu'elle a été privée des garanties offertes par la loi Informatique et Libertés.
Par ailleurs, la cotisante fait valoir que l'information préalable des personnes concernées par le traitement en vertu de l'article 32 de la loi informatique et libertés ainsi que de l'article 11 de la directive 95/45/CE, repris à l'article 14 du [22], n'a pas été respecté, alors même que ce principe a été rappelé par la [10] dans son arrêt C201/14 du 1er octobre 2015. Elle rappelle que dans le cadre de la [13], les données, collectées par l'administration fiscale auprès des cotisants, sont ensuite communiquées par l'administration fiscale à l'ACOSS. Cette situation est couverte par l'article 14 a) du RGPD et le II de l'article 116 de la loi informatique et libertés, qui prévoient une information du cotisant au plus tard lors de la communication des données. Or, la cotisante fait valoir que ni l'administration fiscale ni l'URSSAF n'ont informé l'appelante alors que la [11] avait, dans sa délibération du 26 octobre 2017, rappelé cette obligation d'information et que, par ailleurs, l'information diffusée sur le site internet de l'URSSAF et la publication au journal officiel du décret ne sauraient constituer une information des personnes concernées au sens de ces textes. En effet, cette information ne doit pas être générale à destination de tous les assurés sociaux mais bien individuelle. Par conséquent, Mme [H] sollicite l'annulation de l'appel de cotisation en ce qu'il a été effectué en violation du droit interne et du droit de l'Union européenne. A ce titre, Mme [H] fait valoir que les justiciables peuvent se prévaloir de la méconnaissance de la directive ainsi que de la loi informatique et libertés dans le cadre de recours de droit commun puisque le juge judiciaire est compétent pour se prononcer sur les méconnaissances de ces textes.
En outre, Mme [H] expose qu'il résulte de la lecture de l'article 14 du [22] cinquièmement que l'exception prévue est applicable uniquement lorsque les mesures constituent « des mesures appropriées visant à protéger les intérêts légitimes de la personne concernée », ce qui n'est pas le cas en l'espèce. Ainsi, la cotisante fait valoir qu'il ressort de ces éléments que l'obligation d'information des articles 14 du RGPD et 32 de la loi informatique et libertés s'imposait aux responsables des traitements tant lors de la transmission des informations entre l'administration fiscale et l'ACOSS qu'au stade du traitement des informations par l'[24].
Enfin, si la cour considère que les règles de droit interne ne permettent pas de conclure à l'annulation des actes résultant d'un traitement illégal de données, Mme [H] demande de saisir la Cour de justice de l'Union européenne d'une question préjudicielle sur le fondement de l'article 267 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne. La question préjudicielle est la suivante : « Le règlement n°2016/679 et le principe d'effectivité du droit de l'Union européenne doivent-ils être interprétés en ce sens que le juge national a l'obligation d'annuler un appel de cotisation établi sur la base de données traitées et transférées illégalement ' ».
L'[Adresse 28] fait valoir qu'il ressort clairement des dispositions du code de la sécurité sociale concernant la [13] que l'administration fiscale communique aux [23] les données et éléments nécessaires au calcul de cette cotisation. Qu'eu égard à la délibération de la [11] n°2017-279 du 26 octobre 2017, le traitement de données à caractère personnel destiné au calcul de la [13] a été mis en 'uvre par le décret du 3 novembre 2017. Ce décret autorise le traitement par l'ACOSS et les [23] des informations nominatives déclarées pour l'établissement de l'impôt sur le revenu par les personnes remplissant les conditions pour verser cette cotisation. Le décret du 24 mai 2018 vient compléter le dispositif existant de transfert de données entre la [14] et l'ACOSS et le traitement de ces données par l'ACOSS tel qu'autorisé et prévu par le décret du 3 novembre 2017. Par conséquent, l'[Adresse 28] fait valoir que les décrets précités autorisent le transfert de données entre la [14] et l'ACOSS ainsi que le traitement des données fiscales par l'ACOSS et les [23] pour le calcul de la [13], conformément à l'article 27 de la loi informatique et libertés.
Par ailleurs, l'[Adresse 28] indique être compétente pour procéder au recouvrement de la [13], par suite de la convention de mutualisation approuvé par le directeur de l'ACOSS du 11 décembre 2017. Elle précise que, par suite de cette convention, elle est également l'URSSAF territorialement compétente pour répondre au droit d'accès et de rectification de l'usager, qui conserve donc ses droits et garanties prévus par la loi Informatique et Libertés.
Par suite, l'URSSAF appuie son argumentation sur l'article 32 de la loi du 6 janvier 1978 et sur l'article 14 du RGPD en précisant que l'obligation d'information a été respectée puisque les décrets susvisés ont été publiés au Journal Officiel et que le site internet [35] contient également l'information concernant le transfert de données. Par conséquent, l'[Adresse 28] considère avoir respecté son obligation d'information générale des assurés sociaux concernant la [13] et, qu'en tout état de cause, la cotisante n'est pas fondée à soutenir que l'obligation d'information doit être individuelle et personnelle puisque cela reviendrait à remettre en cause le principe d'information générale des organismes sociaux tel qu'il résulte de l'article R112-2 du code de la sécurité sociale, tel qu'interprété par la Cour de cassation (Civ. 2e, 28 novembre 2013 pourvoir 12-24.210 et Civ. 2e, 6 mars 2018 pourvoi 027-11.812). En outre, l'URSSAF rappelle que l'appel de cotisation du 28 novembre 2019 mentionnait toutes les informations nécessaires concernant la [13] de sorte que Mme [H] ne peut alléguer ne peut pas avoir eu connaissance de son assujettissement à cette cotisation. Par ailleurs, l'URSSAF relève que le traitement automatique de données personnelles entre l'administration fiscale et l'URSSAF s'inscrit bien dans l'exception prévu au §5 c) de l'article 14 du RGPD. En tout état de cause, l'[Adresse 28] souligne que si une atteinte à la loi du 6 janvier 1978 était avérée, seule la [11] pourrait en faire le constat et prononcer une éventuelle sanction, qui ne saurait consister en une annulation de l'appel de cotisation litigieux. Par conséquent, l'URSSAF sollicite de la cour de rejeter les arguments de Mme [H].
Réponse de la cour
Sur le droit européen applicable au litige :
La directive 95/46/CE du Parlement européen et du Conseil, du 24 octobre 1995, relative à la protection des personnes physiques à l'égard du traitement des données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données a été transposée en droit interne par la loi n° 2004-801 du 6 août 2004 relative à la protection des personnes physiques à l'égard des traitements de données à caractère personnel, qui a modifié la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés. Les juridictions doivent donc faire application du droit interne et non directement de la directive.
De plus, le règlement (UE) 2016/679 du Parlement européen et du Conseil du 27 avril 2016, relatif à la protection des personnes physiques à l'égard du traitement des données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données, dit [22], a, par application de ses articles 94 et 99, abrogé la directive 95/46/CE, et est directement applicable dans les états membres à compter de son entrée en vigueur, le 25 mai 2018.
Compte tenu de la date de l'appel à cotisation, à savoir le 28 novembre 2019 la réglementation européenne à prendre en compte est donc le règlement [22].
- Sur la régularité de l'appel à cotisation au regard de l'obligation posée par la loi 78-17 du 6 janvier 1978 de prévoir une autorisation par décret en Conseil d'Etat:
Contrairement à ce que soutient l'URSSAF, qui vise par erreur l'article 32 de la loi 78-17, les dispositions de l'article 27 de loi 78-17 du 6 janvier 2018, dans sa version en vigueur jusqu'au 24 mai 2018, ont été reprises à l'article 22 de la même loi pour la période du 25 mai 2018 au 1er juin 2019, puis à l'article 30 de la même loi à compter du 1er juin 2019. Il convient donc de faire application de ce dernier texte.
L'article 30 de la loi 78-17 du 6 janvier 1978, dans sa version applicable au litige telle qu'elle résulte de la loi 2019-774 du 24 juillet 2019 relative à la protection des données personnelles, dispose :
« Un décret en Conseil d'Etat, pris après avis motivé et publié de la Commission nationale de l'informatique et des libertés, détermine les catégories de responsables de traitement et les finalités de ces traitements au vu desquelles ces derniers peuvent être mis en 'uvre lorsqu'ils portent sur des données comportant le numéro d'inscription des personnes au répertoire national d'identification des personnes physiques. La mise en 'uvre des traitements intervient sans préjudice des obligations qui incombent aux responsables de traitement ou à leurs sous-traitants en application de la section 3 du chapitre IV du règlement (UE) 2016/679 du 27 avril 2016. »
Le principe du partage d'informations nominatives entre l'administration fiscale et les organismes de sécurité sociale préexistait à l'instauration de la [13] et est prévu à l'article L. 152 du livre des procédures fiscales, qui dispose, dans sa version applicable au présent litige :
« Les agents des administrations fiscales communiquent aux organismes et services chargés de la gestion d'un régime obligatoire de sécurité sociale, de l'attribution de la protection complémentaire en matière de santé visée à l'article du code de la sécurité sociale, aux services chargés de la gestion et du paiement des pensions aux fonctionnaires de l'Etat et assimilés, aux institutions mentionnées au chapitre Ier du titre II du livre IX du code de la sécurité sociale, au service mentionné au deuxième alinéa de l'article L. 815-7 du même code ainsi qu'à l'institution mentionnée à l'article L.5312-1 du code du travail les informations nominatives nécessaires :
« 1° à l'appréciation des conditions d'ouverture et de maintien des droits aux prestations ;
« 2° au calcul des prestations ;
« 3° à l'appréciation des conditions d'assujettissement aux cotisations et contributions ;
« 4° à la détermination de l'assiette et du montant des cotisations et contributions ainsi qu'à leur recouvrement ;
« 5° Au recouvrement des prestations indûment versées ;
« 6° A l'appréciation des conditions d'ouverture et de maintien des prestations versées dans le cadre de leur mission légale en matière d'action sanitaire et sociale ;
« 7° Au calcul des prestations versées dans le cadre de leur mission légale en matière d'action sanitaire et sociale.
« Le numéro d'inscription au répertoire national d'identification des personnes physiques peut être utilisé pour les demandes, échanges et traitements nécessaires à la communication des informations mentionnées aux 1° à 7°, lorsqu'elles concernent des personnes physiques.
« Dans le but de contrôler les conditions d'ouverture, de maintien ou d'extinction des droits aux prestations de sécurité sociale de toute nature, ainsi que le paiement des cotisations et contributions, les organismes et services mentionnés au premier alinéa peuvent demander aux administrations fiscales de leur communiquer une liste des personnes qui ont déclaré soit n'avoir plus leur domicile en France, soit n'avoir perçu que des revenus du patrimoine ou de placement.
« Les agents des administrations fiscales signalent aux directeurs régionaux des affaires sanitaires et sociales et aux chefs des services régionaux de l'inspection du travail, de l'emploi et de la politique sociale agricoles, ainsi qu'aux organismes de protection sociale les faits susceptibles de constituer des infractions qu'ils relèvent en ce qui concerne l'application des lois et règlements relatifs au régime général, au régime des travailleurs indépendants non agricoles, aux régimes spéciaux, au régime agricole de sécurité sociale ou à l'assurance chômage. »
La loi instituant la [13], cotisation fixée en fonction, notamment, des revenus du patrimoine et de l'activité professionnelle, prévoit que cette cotisation est déterminée sur la base de ce partage d'informations, puisque l'article L. 380-2, dernier alinéa, du code de la sécurité sociale, qui fixe l'assiette de la cotisation, dispose :
« Les agents des administrations fiscales communiquent aux organismes mentionnés aux articles L. 213-1 et L. 752-2 les informations nominatives déclarées pour l'établissement de l'impôt sur le revenu par les personnes remplissant les conditions mentionnées au premier alinéa de l'article L. 380-2, conformément à l'article L. 152 du livre des procédures fiscales. »
Ce partage d'informations entre l'administration fiscale et les organismes de recouvrement, prévu par la loi, existait également dans les dispositions réglementaires rendues applicables à la [13], puisque l'article R.380-3 du code de la sécurité sociale, préexistant à la [13], prévoit, dans sa version applicable au présent litige :
« Les cotisations mentionnées à l'article et au deuxième alinéa du IV de l'article L. 380-3-1 sont calculées, appelées et recouvrées par les organismes chargés du recouvrement des cotisations du régime général au vu des éléments transmis par l'administration fiscale ou par les personnes redevables de ces cotisations. »
Et l'article D. 380-5-I du code de la sécurité sociale, également préexistant à la [13], précise, dans sa version applicable au présent litige :
« Les éléments nécessaires à la détermination des revenus mentionnés aux articles D. 380-1 et D. 380-2 sont communiqués par l'administration fiscale aux organismes chargés du calcul et du recouvrement des cotisations mentionnées à l'article et au deuxième alinéa du IV de l'article L. 380-3-1. »
Les organismes de sécurité sociale, et notamment les [23], disposaient donc d'un accès aux données fiscales sur la base du corpus législatif et réglementaire existant, sans qu'il ne soit nécessaire d'attendre le décret en Conseil d'Etat prévu à l'article 27 devenu 30 de la loi 78-17 du 6 janvier 1978. En revanche, ce sont les modalités de traitement de ces données pour déterminer les personnes assujetties et le montant de la cotisation qui ont dû être fixées par décret, conformément aux obligations fixées par la loi 78-17 du 6 janvier 1978.
Par application de l'article 27 devenu 30 de la loi 78-17 du 6 janvier 1978, l'article 1er du décret 2017-1530 du 3 novembre 2017, pris après avis motivé et publié de la [11] sous le numéro 2017-279 en date du 26 octobre 2017, prévoit :
« I - Pour l'application des dispositions de l'article L. 380-2 du code de la sécurité sociale est autorisée la création par l'Agence centrale des organismes de sécurité sociale d'un traitement de données à caractère personnel dénommé « Cotisation spécifique maladie ».
« Les finalités de ce traitement sont le calcul et le recouvrement par les organismes mentionnés aux articles L. 213-1 et L. 752-2 du code de la sécurité sociale de la cotisation spécifique maladie prévue par l'article L. 380-2 du code de la sécurité sociale.
« II. - Le traitement autorisé par le présent article porte sur les catégories de données suivantes :
« 1° Données relatives à l'identité des personnes (')
« 2° Données fiscales relatives aux revenus :
« - traitements et salaires ;
« - pensions, retraites et rentes ;
« - revenus et plus-values des professions non salariées : revenus agricoles, revenus industriels et commerciaux professionnels, revenus industriels et commerciaux non professionnels, revenus non commerciaux professionnels, revenus non commerciaux non professionnels ;
« - divers : montant net des revenus agricoles, revenus industriels et commerciaux, revenus non commerciaux non soumis aux contributions sociales par les organismes sociaux, indemnités d'élus locaux, revenus étrangers imposables en France, ouvrant droit à un crédit d'impôt égal au montant de l'impôt français ;
« - revenus des valeurs et capitaux mobiliers ;
« - plus-values et gains divers ;
« - revenus fonciers ;
« - revenus fonciers exceptionnels ou différés ;
« - le cas échéant, rectifications apportées, par le contribuable ou les services de la direction générale des finances publiques, aux mêmes données, en cas d'émission de rôles supplémentaires et de dégrèvements.
« III. - Sont destinataires des données à caractère personnel mentionnées au II du présent article, à raison de leurs attributions respectives et dans la limite du besoin d'en connaître :
« 1° Les agents de l'Agence centrale des organismes de sécurité sociale individuellement habilités par le directeur de l'Agence ;
« 2° Les agents des organismes mentionnés aux articles L. 213-1 et L. 752-2 du code de la sécurité sociale chargés du calcul, du recouvrement et du contrôle de la cotisation prévue par l'article L. 380-2, individuellement habilités par le directeur de l'organisme concerné. (')
« V. - Les droits d'accès et de rectification prévus aux articles 39 et 40 de la loi du 6 janvier 1978 susvisée s'exercent auprès du directeur de l'organisme mentionné aux articles L. 213-1 et L. 752-2 du code de la sécurité sociale auquel la personne est rattachée au vu de l'adresse de domicile qu'elle a déclarée à l'administration fiscale.
« Le droit d'opposition prévu par l'article 38 de la même loi ne s'applique pas au traitement dont la création est autorisée par le présent article. »
Le décret 2017-1530 du 3 novembre 2017 a été complété ultérieurement par le décret 2018-392 du 24 mai 2018, qui a prévu l'autorisation d'un traitement automatisé au niveau de la [14] avant transmission des données entre la [14] et l'ACOSS ainsi qu'il est dit dans son article 1 :
« Pour l'application du dernier alinéa de l'article L. 380-2 du code de la sécurité sociale, est autorisée la mise en 'uvre par la direction générale des finances publiques d'un traitement automatisé de transfert de données à caractère personnel à destination de l'agence centrale des organismes de sécurité sociale.
« Ce traitement automatisé a pour finalité de communiquer à l'agence centrale des organismes de sécurité sociale les informations nominatives dont dispose l'administration fiscale nécessaires à la détermination de l'assiette et du montant de la cotisation prévue par les dispositions de l'article L. 380-2 du code de la sécurité sociale ci-dessus mentionné.
« Le transfert est mis en 'uvre par un service informatique de la direction générale des finances publiques. »
Le décret 2018-392 a été pris après délibération n° 2017-250 du 14 septembre 2017 portant avis de la Commission nationale de l'informatique et des libertés. Le traitement automatisé par la [14] a été mis en place pour la [13] 2017 appelée à la fin de l'année 2018. Il était donc autorisé pour l'appel à cotisation litigieux du 28 novembre 2019 adressé à Mme [H].
Il résulte de l'ensemble de ces textes qu'au jour de l'appel à cotisations litigieux, étaient donc prévus :
par des dispositions législatives (article L. 152 du livre des procédures fiscales et article L. 380-2 du code de la sécurité sociale), le partage des données fiscales entre l'administration fiscale, l'ACOSS et les [23] ;
par un décret en Conseil d'Etat 2017-1530 du 3 novembre 2017 après avis de la [11], la collecte, le traitement et la transmission des données fiscales par l'ACOSS et les [23] ;
par un décret en Conseil d'Etat 2018-392 du 24 mai 2018, après avis de la [11], le traitement automatisé de transfert de données à caractère personnel par la direction générale des finances publiques à destination de l'agence centrale des organismes de sécurité sociale.
Ainsi, le moyen d'irrégularité fondé sur l'article 27 devenu article 30 de la loi 78-17 du 6 janvier 1978 sera donc écarté.
- Sur la régularité de l'appel à cotisations au regard de l'obligation d'information du cotisant
L'article 116 (ancien article 32) de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978, dans sa version applicable au litige telle qu'elle résulte de l'ordonnance 2018-1125 du 12 décembre 2018, dispose :
« I.-La personne auprès de laquelle sont recueillies des données à caractère personnel la concernant est informée, sauf si elle l'a été au préalable, par le responsable de traitement ou son représentant :
« 1° De l'identité du responsable du traitement et, le cas échéant, de celle de son représentant;
« 2° De la finalité poursuivie par le traitement auquel les données sont destinées ;
« 3° Du caractère obligatoire ou facultatif des réponses ;
« 4° Des conséquences éventuelles, à son égard, d'un défaut de réponse ;
« 5° Des destinataires ou catégories de destinataires des données ;
« 6° Des droits qu'elle tient des dispositions des articles 117 à 120 ;
« 7° Le cas échéant, des transferts de données à caractère personnel envisagés à destination d'un Etat non membre de l'Union européenne ;
« 8° De la durée de conservation des catégories de données traitées ou, en cas d'impossibilité, des critères utilisés permettant de déterminer cette durée.
« Lorsque de telles données sont recueillies par voie de questionnaires, ceux-ci doivent porter mention des prescriptions figurant aux 1°, 2°, 3° et 6°.
« II.-Lorsque les données à caractère personnel n'ont pas été recueillies auprès de la personne concernée, le responsable de traitement ou son représentant doit fournir à cette dernière les informations énumérées au I dès l'enregistrement des données ou, si une communication des données à des tiers est envisagée, au plus tard lors de la première communication des données.
« Lorsque les données à caractère personnel ont été initialement recueillies pour un autre objet, les dispositions de l'alinéa précédent ne s'appliquent pas lorsque la personne concernée est déjà informée ou quand son information se révèle impossible ou exige des efforts disproportionnés par rapport à l'intérêt de la démarche.
« III.-Les dispositions du I ne s'appliquent pas aux données recueillies dans les conditions prévues au II dans la mesure où une telle limitation est nécessaire au respect des fins poursuivies par le traitement. »
L'article 14 du règlement RGPD, intitulé « informations à fournir lorsque les données à caractère personnel n'ont pas été collectées auprès de la personne concerné » prévoit, dans son paragraphe 5:
« Les paragraphes 1 à 4 ne s'appliquent pas lorsque et dans la mesure où :
« a) la personne concernée dispose déjà de ces informations ;
« b) la fourniture de telles informations se révèle impossible ou exigerait des efforts disproportionnés, en particulier pour le traitement à des fins archivistiques dans l'intérêt public, à des fins de recherche scientifique ou historique ou à des fins statistiques sous réserve des conditions et garanties visées à l'article 89, paragraphe 1, ou dans la mesure où l'obligation visée au paragraphe 1 du présent article est susceptible de rendre impossible ou de compromettre gravement la réalisation des objectifs dudit traitement. En pareils cas, le responsable du traitement prend des mesures appropriées pour protéger les droits et libertés ainsi que les intérêts légitimes de la personne concernée, y compris en rendant les informations publiquement disponibles ;
« c) l'obtention ou la communication des informations sont expressément prévues par le droit de l'Union ou le droit de l'État membre auquel le responsable du traitement est soumis et qui prévoit des mesures appropriées visant à protéger les intérêts légitimes de la personne concernée ; ou
«d)les données à caractère personnel doivent rester confidentielles en vertu d'une obligation de secret professionnel réglementée par le droit de l'Union ou le droit des États membre, y compris une obligation légale de secret professionnel.»
Aux termes de l'article 116 II de la loi du 6 janvier 1978 susvisée, lorsque les données à caractère personnel n'ont pas été recueillies auprès de la personne concernée, le responsable du traitement ou son représentant doit fournir à cette dernière les informations énumérées au I dès l'enregistrement des données ou, si une communication des données à des tiers est envisagée, au plus tard lors de la première communication des données. Toutefois, le responsable du traitement n'est pas tenu de fournir à la personne concernée les informations énumérées au I de ce texte lorsque celle-ci est déjà informée.
Selon le paragraphe 5 du règlement RGPD, il est fait exception à l'obligation de fournir des informations à la personne concernée auprès de laquelle les données à caractère personnel n'ont pas été collectées lorsque et dans la mesure où l'obtention ou la communication des données sont expressément prévues par le droit de l'Union ou le droit de l'État membre auquel le responsable du traitement est soumis et qui prévoit des mesures appropriées visant à protéger les intérêts légitimes de la personne concernée (CJUE, arrêt du 28 novembre 2024, Másdi, C-169/23, § 45).
Il résulte des articles L. 380-2, dernier alinéa, R. 380-3 et D. 380-5, I, du code de la sécurité sociale, susvisés, le premier dans sa rédaction issue de la loi n° 2015-1702 du 21 décembre 2015, le deuxième dans sa rédaction issue du décret n° 2017-736 du 3 mai 2017 et le dernier dans sa rédaction issue du décret n° 2016-979 du 19 juillet 2016, que les éléments nécessaires à la détermination des revenus composant l'assiette de la cotisation subsidiaire maladie sont communiqués par l'administration fiscale aux organismes chargés du calcul et du recouvrement des cotisations.
Le décret n° 2017-1530 du 3 novembre 2017 susvisé autorise la mise en 'uvre par l'Agence centrale des organismes de sécurité sociale d'un traitement de données à caractère personnel destiné au calcul de la cotisation prévue à l'article L. 380-2 du code de la sécurité sociale. Il prévoit l'identité du responsable du traitement des données, les finalités poursuivies par le traitement, les destinataires des données, la durée de conservation des données traitées, ainsi que l'existence d'un droit d'accès et de rectification aux données et les modalités d'exercice de ces droits.
Il résulte de la combinaison de ces textes que, dès lors que la communication des données fiscales du cotisant à l'URSSAF est expressément prévue par les articles L. 380-2, dernier alinéa, R. 380-3 et D. 380-5, I, du code de la sécurité sociale précités et qu'il est prévu, par le décret n° 2017-1530 du 3 novembre 2017, des mesures appropriées visant à protéger les intérêts légitimes du cotisant, il est fait exception, pour les cotisations appelées à compter de cette dernière date, à l'obligation d'information, prévue à l'article 166 (ancien article 32) de la loi du 6 janvier 1978 susvisé, pesant sur le responsable du traitement des données personnelles, à l'égard de la personne concernée par celles-ci lorsqu'elles n'ont pas été recueillies auprès d'elle (2e Civ., 27 février 2025, pourvoi n° 23-22.218).
En l'espèce, l'appel de cotisation a été adressé au cotisant le 28 novembre 2019, c'est-à-dire postérieurement à l'entrée en vigueur du décret du 3 novembre 2017, contenant des mesures appropriées visant à protéger les intérêts légitimes du cotisant.
Mme [H] a eu connaissance de la transmission de ses données personnelles, de l'administration fiscale vers l'organisme chargé du recouvrement, par la publication au Journal Officiel des dispositions législatives et réglementaires susvisées (articles L. 380-2, R. 380-3 et D. 380-5 du code de la sécurité sociale).
L'[Adresse 28] le lui a rappelé directement dans l'appel de cotisations du 28 novembre 2019, puisque ce document, après avoir exposé les informations générales sur la [13], précise « selon les éléments transmis par la [15] ([14]), vous êtes redevable de la somme de 7 880 euros calculée sur vos revenus du patrimoine 2018 et exigible au 06 janvier 2020 ». Cet appel à cotisations invite également la cotisante à consulter le site de l'URSSAF ou à contacter un conseiller pour davantage d'informations ou pour contestation des montants retenus.
Ainsi, les dispositions relatives à l'obligation d'information, prévue à l'article 116 (ancien article 32) de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés, ne s'appliquent pas au cas d'espèce.
Le moyen d'irrégularité de l'appel à cotisations fondé sur l'article 116 (ancien article 32) de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés sera donc écarté.
- Sur la compétence territoriale de l'URSSAF Centre Val-de-[Localité 19] pour traiter les données :
Dans sa délibération 2017-279 du 26 octobre 2017, la [11] a indiqué :
« Sur les destinataires des données :
« L'article 1er-IV du projet de décret prévoit que seront destinataires des données à caractère personnel, à raison de leurs attributions et du besoin d'en connaître :
« - les agents habilités de l'ACOSS ;
« - les agents habilités des organismes mentionnés aux articles L. 213-1 et L. 752-2 du code de la sécurité sociale (Urssaf) en charge du calcul, du recouvrement et du contrôle de la cotisation. S'agissant de ces organismes, la commission prend acte de ce qu'ils ne seront destinataires que des données concernant les cotisants pour lesquels ils sont territorialement compétents.
« Un tel accès aux données apparaît justifié au regard des finalités du traitement. »
Les organismes territorialement compétents évoqués dans l'avis de la [11] du 26 octobre 2017 ne désignent pas l'URSSAF du lieu de résidence du cotisant, mais, par référence au début du paragraphe, l'URSSAF en charge du calcul, du recouvrement et du contrôle de la cotisation, seule [23] légitime à recevoir les données personnelles des cotisants soumis à la [13]. En s'abstenant de désigner expressément l'URSSAF du lieu de résidence du cotisant, mais en utilisant cette formule, la [11] ne fait pas obstacle à la mise en place d'une convention de mutualisation ultérieure tout en garantissant les droits des cotisants pour que leurs données personnelles ne soient transmises qu'à l'URSSAF en charge du traitement du dossier.
Le 1er décembre 2017, a été signée la convention relative à la centralisation du recouvrement de la cotisation d'assurance maladie visée à l'article L. 380-2 du code de la sécurité sociale, communiquée par l'URSSAF en pièce 13, entre, notamment, les directeurs des [Adresse 30] ainsi que par les agents comptables de ces [23].
Elle stipule que « la présente convention est applicable à compter de la décision d'approbation du Directeur de l'ACOSS et conclue pour une durée indéterminée » (article 2), que « les [23] délégantes transfèrent à l'URSSAF délégataire l'ensemble des droits et obligations afférents à l'exercice des missions de recouvrement résultant des articles R. 380-3 et suivants du code de la sécurité sociale sur le champ de la cotisation d'assurance maladie visée à l'article L. 380-2 du code de la sécurité sociale » (article 3) et enfin que « l'URSSAF délégataire assure l'encaissement centralisé et la gestion du recouvrement de la cotisation visée à l'article L. 380-2 du code de la sécurité sociale, dont le contrôle et les suites amiables et judiciaires des contestations soulevées par les cotisants » (article 4).
Par décision du 11 décembre 2017 (pièce 12 de l'URSSAF) prise par le directeur de l'ACOSS en application de l'article L. 122-7 du code de la sécurité sociale et relative au recouvrement des cotisations dues en application de l'article L. 380-2 du code de la sécurité sociale, « sont approuvées les conventions de mutualisation interrégionales, prises en application de l'article L. 122-7 du code de la sécurité sociale et conclues entre les [23] aux fins de délégation de calcul, de l'appel et du recouvrement des cotisations dues en application de l'article L. 380-2 du code de la sécurité sociale, à des [23] délégataires conformément à la répartition figurant sur le tableau annexé à la présente décision ».
Dans le tableau annexé, il est précisé que l'[29] est « l'URSSAF délégante » et que l'[Adresse 25], devenue en cours de procédure l'[27], est « l'URSSAF délégataire » de la première.
L'organisme délégataire est habilité à exercer les pouvoirs résultant de cette délégation à compter de la décision d'approbation, sans qu'il n'y ait lieu d'attendre la publication (Cass., Civ. 2e, 16 novembre 2023, n° 21-25.534).
Ainsi, l'[Adresse 26] était bien, à compter du 11 décembre 2017, l'URSSAF en charge du calcul, du recouvrement et du contrôle de la cotisation subsidiaire maladie des cotisants dont le domicile est situé en Île-de-France. Elle pouvait donc, au regard des impératifs posés par la délibération de la [11], recevoir les données transmises par l'administration fiscale.
L'article 1 du décret 2017-1530 du 3 novembre 2017, autorisant la mise en 'uvre d'un traitement de données à caractère personnel destiné au calcul de la cotisation prévue à l'article L. 380-2 du code de la sécurité sociale, déjà cité, prévoit, dans son paragraphe [16] :
« I. -
(')
« III. - Sont destinataires des données à caractère personnel mentionnées au II du présent article, à raison de leurs attributions respectives et dans la limite du besoin d'en connaître :
« 1° Les agents de l'Agence centrale des organismes de sécurité sociale individuellement habilités par le directeur de l'Agence ;
« 2° Les agents des organismes mentionnés aux articles L. 213-1 et L. 752-2 du code de la sécurité sociale chargés du calcul, du recouvrement et du contrôle de la cotisation prévue par l'article L. 380-2, individuellement habilités par le directeur de l'organisme concerné.
« IV. ' (').
« V. - Les droits d'accès et de rectification prévus aux articles 39 et 40 de la loi du 6 janvier 1978 susvisée s'exercent auprès du directeur de l'organisme mentionné aux articles L. 213-1 et L. 752-2 du code de la sécurité sociale auquel la personne est rattachée au vu de l'adresse de domicile qu'elle a déclarée à l'administration fiscale.
« Le droit d'opposition prévu par l'article 38 de la même loi ne s'applique pas au traitement dont la création est autorisée par le présent article. »
A l'instar de l'avis de la [11], le décret prévoit que les données à caractère personnel sont transmises aux [23] chargées du calcul, du recouvrement et du contrôle de la cotisation, c'est-à-dire, dans le cas d'espèce, l'URSSAF Centre - Val de [Localité 19] à compter du 11 décembre 2017. De même, les droits d'accès et de rectification s'exercent auprès du directeur de l'URSSAF auquel la personne est rattachée au vu de l'adresse de domicile qu'elle a déclarée à l'administration fiscale. Par suite de la convention de mutualisation, Mme [H], qui a son domicile à [Localité 21], est rattachée, à compter du 11 décembre 2017, pour la question de la [13], à l'[Adresse 28] et peut exercer son droit d'accès et de rectification auprès d'elle.
Ainsi, comme l'avis de la [11], le décret ne fait pas obstacle à la mise en place d'une convention de mutualisation, tout en préservant l'effectivité du droit d'accès et de rectification du cotisant.
Ainsi, l'[Adresse 26], compétente pour calculer, appeler et recouvrer les cotisations subsidiaires maladies dont Mme [H] était redevable au jour de l'appel de cotisation, était également compétente, à compter du 11 décembre 2017, pour traiter les données à caractère personnel légalement collectées à cette fin, sans porter atteinte aux droits de Mme [H].
Ce moyen d'irrégularité sera donc écarté.
- Sur la demande subsidiaire de saisine de la CJUE aux fins de question préjudicielle
Il convient de rappeler que l'article 267 du traité de fonctionnement de l'Union Européenne (TFUE) prévoit :
La Cour de justice de l'Union européenne est compétente pour statuer, à titre préjudiciel : a) sur l'interprétation des traités, b) sur la validité et l'interprétation des actes pris par les institutions, organes ou organismes de l'Union.
Lorsqu'une telle question est soulevée devant une juridiction d'un des États membres, cette juridiction peut, si elle estime qu'une décision sur ce point est nécessaire pour rendre son jugement, demander à la Cour de statuer sur cette question.
Lorsqu'une telle question est soulevée dans une affaire pendante devant une juridiction nationale dont les décisions ne sont pas susceptibles d'un recours juridictionnel de droit interne, cette juridiction est tenue de saisir la Cour. (')
Telle qu'interprétée par la [10], dans son arrêt de principe S.r.l. CILFIT et Lanificio di Gavardo S.p.a. c/ Ministère de la santé du 6 octobre 1982, l'obligation posée par l'article 267 du TFUE ne s'applique pas lorsque la juridiction constate que la « question soulevée n'est pas pertinente ou que la disposition (du droit de l'Union) en cause a déjà fait l'objet d'une interprétation de la part de la Cour ou que l'application correcte du droit (de l'Union) s'impose avec une telle évidence qu'elle ne laisse place à aucun doute raisonnable ».
En l'espèce, la question de la sanction du traitement et du transfert illégaux des données personnelles ne se pose pas, puisqu'il a été jugé qu'il n'y avait pas lieu de faire application de l'obligation d'information prévue à l'ancien article 32 III, devenu article 116, de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés.
La demande subsidiaire de question préjudicielle sera donc écartée.
- Sur la demande de saisine pour avis de la Cour de cassation :
Moyens des parties :
Mme [H], qui a formulé une telle demande dans le dispositif de ses conclusions quant aux questions de droit relatives à l'incompétence, les infractions à la réglementation en matière de données personnelles et la réserve d'interprétation constitutionnelle, ne fait valoir aucun moyen à l'appui dans le corps de ses conclusions.
L'URSSAF n'a pas conclu sur ce point.
Réponse de la cour :
L'article 441-1 du code de l'organisation judiciaire dispose :
« Avant de statuer sur une question de droit nouvelle, présentant une difficulté sérieuse et se posant dans de nombreux litiges, les juridictions de l'ordre judiciaire peuvent, par une décision non susceptible de recours, solliciter l'avis de la Cour de cassation.
« Elles peuvent, dans les mêmes conditions, solliciter l'avis de la commission paritaire mentionnée à l'article L. 2232-9 du code du travail ou de la Cour de cassation avant de statuer sur l'interprétation d'une convention ou d'un accord collectif présentant une difficulté sérieuse et se posant dans de nombreux litiges. »
Comme indiqué plus haut, la sanction du non-respect de l'obligation d'information prévue à l'article 116 de la loi 78-17 de la loi Informatique et Libertés ne se pose pas, puisqu'il vient d'être jugé qu'une telle obligation d'information ne s'appliquait pas au cas d'espèce.
En ce qui concerne les questions de droit relatives à l'incompétence, les infractions à la réglementation en matière de données personnelles et la réserve d'interprétation constitutionnelle, l'état du droit et de la jurisprudence est suffisamment établi et il n'apparaît pas nécessaire d'avoir recours à un avis de la Cour de cassation.
- Sur la confirmation de la décision de la commission de recours amiable en date du 31 mai 2021 :
Les décisions des cours et tribunaux se substituent aux décisions des caisses, de telle sorte que la cour d'appel n'est saisie que du fond du litige.
La cour d'appel n'a pas à statuer sur les demandes d'infirmation, de confirmation ou d'annulation des décisions de la commission de recours amiable, qui est une instance purement administrative.
La demande sera donc écartée.
- Sur la demande reconventionnelle en paiement :
L'article L. 244-2 du code de la sécurité sociale dispose :
« Toute action ou poursuite effectuée en application de l'article précédent ou des articles L. 244-6 et L. 244-8-1 est obligatoirement précédée, si elle a lieu à la requête du ministère public, d'un avertissement par lettre recommandée de l'autorité compétente de l'Etat invitant l'employeur ou le travailleur indépendant à régulariser sa situation dans le mois. Si la poursuite n'a pas lieu à la requête du ministère public, ledit avertissement est remplacé par une mise en demeure adressée par lettre recommandée à l'employeur ou au travailleur indépendant. »
L'URSSAF a délivré à Mme [H] une mise en demeure le 18 mars 2021 pour un montant de 7 880 euros.
Mme [H] ne conteste pas le montant des sommes réclamées au regard du montant de ses revenus pris en compte.
Mme [H] n'a pas réglé les sommes réclamées, ou, à tout le moins, n'en justifie pas.
En conséquence, elle sera condamnée à verser la somme de 7 880 euros à l'URSSAF [Adresse 8].
- Sur les demandes accessoires :
Mme [H], succombant à l'instance, sera tenue aux entiers dépens et sera déboutée de sa demande formée au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS,
DÉCLARE recevable l'appel formé par Mme [L] [H] ;
CONFIRME le jugement du 24 novembre 2022 (RG 21/00597) rendu par le tribunal judiciaire de Paris en toutes ses dispositions ;
Y AJOUTANT
DIT n'y avoir lieu à confirmation de la décision de la commission de recours amiable en date du 31 mai 2021 ;
DÉBOUTE Mme [L] [H] de l'ensemble de ses demandes ;
CONDAMNE Mme [L] [H] aux dépens d'appel.
La greffière, Le président
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 6 - Chambre 13
ARRÊT DU 03 Octobre 2025
(n° , 23 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : S N° RG 23/00334 - N° Portalis 35L7-V-B7H-CG57K
Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 24 Novembre 2022 par le Pole social du TJ de [Localité 21] RG n° 21/00597
APPELANTE
Madame [L] [H]
Elisant domicile au cabinet BORNHAUSER
[Adresse 2]
[Localité 5]
représentée par Me Marc BORNHAUSER, avocat au barreau de PARIS, toque : C1522 substitué par Me Sandra MOREIRA AFONSO, avocat au barreau de PARIS
INTIMEE
[Adresse 33]
[Adresse 20]
[Adresse 3]
[Localité 4]
représentée par M. [W] [D] en vertu d'un pouvoir spécial
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 02 Juillet 2025, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Monsieur Renaud DELOFFRE, Conseiller, chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Mme Chantal IHUELLOU LEVASSORT, présidente de chambre
M Renaud DELOFFRE, conseiller
Mme [L] COUPET, conseillère
Greffier : Mme Fatma DEVECI, lors des débats
ARRET :
- CONTRADICTOIRE
- prononcé
par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Mme Chantal IHUELLOU LEVASSORT, présidente de chambre et par Mme Fatma DEVECI, greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
La cour statue sur l'appel interjeté par Mme [L] [H] d'un jugement rendu le 24 novembre 2022 sous le numéro RG 21/00597 par le tribunal judiciaire de Paris dans un litige l'opposant à l'URSSAF [7].
FAITS, PROCÉDURE, PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
Les circonstances de la cause ont été correctement rapportées par le tribunal dans son jugement au contenu duquel la cour entend se référer pour un plus ample exposé.
Il suffit de rappeler que par courrier du 28 novembre 2019, l'[Adresse 28] a adressé à Mme [H] un appel de cotisation au titre de son assujettissement à la cotisation subsidiaire maladie ([13]) de l'année 2018, l'informant que selon les éléments transmis par l'administration fiscale, elle était redevable de la somme de 7 880 euros exigible au 6 janvier 2020.
Par courrier du 20 avril 2020, Mme [H], a saisi la commission de recours amiable ([12]) sollicitant le dégrèvement intégral de la somme réclamée.
L'[Adresse 26], par courrier du 13 mai 2020, a maintenu l'appel de cotisation pour son montant de 7 880 euros.
A la suite de la mise en demeure du 8 janvier 2021 qui lui a été adressée par l'URSSAF pour le règlement de la somme de 7 880 euros, Mme [H], le 18 janvier 2021, a saisi la [12] contestant la mise en demeure ainsi que la régularité et le bien fondé de l'appel de [13], puis par courrier recommandé expédié le 11 mars 2021, elle a saisi le pôle social du tribunal judiciaire de Paris contestant le rejet implicite de sa requête par la [12].
A la suite de la mise en demeure du 18 mars 2021 (annulant et remplaçant la mise en demeure du 18 janvier 2021) qui lui a été adressée par l'URSSAF pour le règlement de la somme de 7 880 euros, Mme [H], le 14 avril 2021, a saisi la [12] contestant les mises en demeure ainsi que la régularité et le bien fondé de l'appel de [13] ; la [12] par décision du 31 mai 2021 a rejeté sa demande et confirmé l'appel de cotisation du 28 novembre 2019 d'un montant de 7 880 euros.
Le tribunal judiciaire de Paris, par jugement du 24 novembre 2022 a :
- déclaré Mme [H] recevable en son recours ;
- débouté Mme [H] de l'intégralité de ses prétentions ;
- déclaré régulier l'appel de [13] en date du 28 novembre 2019 ;
- validé le dit appel de cotisation en son entier montant ;
- déclaré sans objet la mise en demeure en date du 8 janvier 2021 qui a été annulée et remplacée par la mise en demeure en date du 18 mars 2021;
- déclaré régulière la mise en demeure en date du 18 mars 2021;
- validé la mise en demeure en son entier montant ;
- déclaré l'[Adresse 26] recevable et bien fondée en sa demande reconventionnelle en paiement ;
- condamné Mme [H] à verser à l'[27] la somme de 7 880 euros au titre de la [13] afférente à l'année 2018 ;
- condamné Mme [H] aux dépens.
Pour statuer ainsi le premier juge indique que :
* La mise en demeure du 8 janvier 2021 a été annulée et remplacée par la mise en demeure du 18 mars 2021 qui apparaît tout à fait régulière ;
* Le non-respect par l'organisme de recouvrement de la date limite mentionnée par l'article R. 380-4 du code de la sécurité sociale a pour seul effet de reporter le délai au terme duquel la cotisation devient exigible ; l'appel de cotisation n'est donc pas entaché d'irrégularité du seul fait de son caractère tardif ; en outre l'URSSAF a respecté le délai légal, fixant au 6 janvier 2020 la date d'exigibilité de la cotisation, soit plus de trente jours après l'envoi de l'appel de cotisation du 28 novembre 2019, et n'a tiré aucune conséquence de l'absence initiale de paiement de la cotisation par Mme [H] ;
* La décision du Conseil Constitutionnel n°2018-735 QPC du 27 septembre 2018 a validé la conformité à la Constitution de l'article L380-2 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction résultant de la loi n°2015-1702 du 21 décembre 2015, applicable au présent litige. Le Conseil Constitutionnel a formulé une réserve d'interprétation dite "directive " dans cette décision, à savoir que le pouvoir réglementaire fixe les taux et modalités de détermination de l'assiette de la cotisation, de façon à ce que celle-ci n'entraîne pas de rupture caractérisée de l'égalité devant les charges publiques. Or en l'espèce, la requérante ne démontre pas que l'appel de cotisation litigieux serait contraire au principe d'égalité devant les charges publiques, et n'établit pas davantage que cette réserve d'interprétation aurait été méconnue.
En'n, la loi de financement de la sécurité sociale 2019 ainsi que son décret d'app1ication du 23 avril 2019 concernant la cotisation subsidiaire maladie ne sont pas applicables au présent litige.
* Il résulte de l'article L 122-7 du code de la sécurité sociale que chaque [23] dispose de la faculté de déléguer, par convention, à d'autres organismes la réalisation de missions, cette convention prenant effet après approbation par le directeur de [1] ([6]). En l'espèce, l'URSSAF d'l1e-de-France a délégué à l'[Adresse 28] le calcul, l'appel et le recouvrement des cotisations dues en application de l'article L 380-2 du code de la sécurité sociale, par une convention de délégation ayant été approuvée par décision du Directeur de I'[6] le 11 décembre 2017, la dite approbation ayant été publiée, le 15 janvier 2018.
* l'appel de cotisation du 28 novembre 2019, qui répond aux exigences du décret n°2017-1530 du 3 novembre 2017 n'apparaît pas entaché d'une quelconque irrégularité du fait de prétendus manquements aux exigences de la réglementation sur la transmission et le traitement des données personnelles.
* les personnes identifiées par la direction générale des finances publiques comme susceptibles d'être redevables de la [13] ont été informées par courriers individuels, sous forme de lettres circulaires envoyées par l'URSSAF dans le courant du mois de novembre 2019, indiquant que " cette cotisation sera appelée au cours du quatrième trimestre 2019 sur la base des éléments transmis dans (la) déclaration fiscale au titre des revenus 2018 "
* Aucune méconnaissance du Règlement général sur la protection des données et de la loi Informatique et Liberté n'a été constatée.
* la question préjudicielle posée, tendant au renvoi en interprétation du règlement n°20l6-679 et du principe d'effectivité du droit de l'Union européenne dans les termes précités, apparaît
inopportune à la résolution du litige, puisque le présupposé de la question selon lequel l'appel de cotisation a été établi sur la base de données traitées et transférées illégalement n'est pas démontré.
Le jugement lui ayant été notifié le 6 décembre 2022, Mme [H] en a interjeté appel par courrier recommandé posté le 22 décembre 2022.
L'affaire a été plaidée à l'audience de la cour du 2 juillet 2025.
Par conclusions écrites visées par le greffe et déposées à l'audience par son conseil, Mme [H] demande à la cour de :
- Infirmer le jugement ;
- Décharger la somme de 7 880 euros due par Mme [H] au titre de la [13] ;
A titre subsidiaire :
- Saisir la Cour de cassation pour avis sur le fondement de l'article L. 441-1 du code de l'organisation judiciaire en raison des questions de droit relatives à l'incompétence, les infractions à la réglementation en matière de données personnelles et la réserve d'interprétation constitutionnelle ;
A titre plus subsidiaire :
- Saisir la Cour de justice de l'Union européenne de la question préjudicielle suivante : Le règlement n° 2016/679 et le principe d'effectivité du droit de l'Union européenne doivent-ils être interprétés en ce sens que le juge national a l'obligation d'annuler un appel de cotisation établi sur la base de données traitées et transférées illégalement '
En tout état de cause :
- Condamner l'[Adresse 31] à payer la somme de 600 € à Mme [H] au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- Condamner l'[32] aux dépens.
Par conclusions écrites visées par le greffe et déposées à l'audience par son représentant, l'URSSAF demande à la cour de :
A titre principal :
- Confirmer le jugement en toutes ses dispositions ;
- Valider l'appel de cotisation du 28 novembre 2019 ainsi que la mise en demeure du 18 mars 2021 en leur montant de 7 880 euros ;
- Confirmer la décision de la [12] du 31 mai 2021 ;
A titre reconventionnel,
- Condamner Mme [H] au paiement de la somme de 7 880 euros au titre de la [13] 2018;
En tout état de cause,
- Débouter Mme [H] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;
- Condamner Mme [H] aux dépens.
A l'issue de l'audience, les parties ont été informées que la décision serait mise à disposition le 3 octobre 2025.
SUR CE,
- Sur la régularité de l'appel de cotisations au regard de sa tardiveté
Moyens des parties :
Mme [H] allègue que conformément aux dispositions du I de l'article R. 380-4 du code de la sécurité sociale, la cotisation devait être appelée au plus tard le 30 novembre 2019. Or, la cotisante indique que l'appel de cotisation au titre de l'année 2018 lui a été adressé par courrier posté le 2 décembre 2019, soit postérieurement à la date limite rappelée ci-dessus. Par conséquent, la cotisante fait valoir que la tardiveté de l'appel de cotisation doit entraîner sa nullité, ainsi que l'ont jugé de nombreuses juridictions du fond.
L'URSSAF rappelle que l'article R. 380-4 du code de la sécurité sociale, qui prévoit un appel de cotisation « au plus tard le dernier jour ouvré du mois de novembre de l'année suivant celle au titre de laquelle elle est due », n'est assorti d'aucune sanction. En l'absence de forclusion ou de péremption prévue pour sanctionner un appel tardif, l'URSSAF demeure en droit d'appeler et de recouvrer la [13] y compris lorsqu'elle procède à cet appel au-delà de la date butoir. Ainsi, il ne saurait être considéré, même si l'appel de cotisation du 28 novembre 2019 a été reçu postérieurement au 30 novembre 2019, que l'[Adresse 26] était définitivement déchue de son droit d'appeler et de recouvrer cette cotisation. Selon l'Urssaf, cette interprétation du texte viendrait ajouter une condition sans fondement juridique. A cet effet, l'URSSAF rappelle le principe en vertu duquel nulle sanction ne peut être prononcée sans texte.
Elle rappelle que la jurisprudence de la Cour de cassation du 28 janvier 2021 (pourvois 19-22.55 et 19-25.853) confirme l'analyse faite par le juge de première instance. Elle souligne que l'appel à cotisations ne constitue pas un acte administratif faisant grief à l'usager et qu'il ne peut donc être annulé. Elle indique que le dépassement du délai a pour seul effet de repousser le point de départ du délai d'exigibilité de 30 jours.
Réponse de la cour :
L'alinéa 1er de l'article R. 380-4 du code de la sécurité sociale dispose :
« La cotisation mentionnée à l'article L. 380-2 est appelée au plus tard le dernier jour ouvré du mois de novembre de l'année suivant celle au titre de laquelle elle est due. Elle est exigible dans les trente jours suivant la date à laquelle elle est appelée. »
L'article L. 244-3 du code de la sécurité sociale dispose que :
« Les cotisations et contributions sociales se prescrivent par trois ans à compter de la fin de l'année civile au titre de laquelle elles sont dues. Pour les cotisations et contributions sociales dont sont redevables les travailleurs indépendants, cette durée s'apprécie à compter du 30 juin de l'année qui suit l'année au titre de laquelle elles sont dues. »
L'article L. 244-8-1 du code de la sécurité sociale dispose que :
« Le délai de prescription de l'action civile en recouvrement des cotisations ou des majorations de retard, intentée indépendamment ou après extinction de l'action publique, est de trois ans à compter de l'expiration du délai imparti par les avertissements ou mises en demeure prévus aux articles L. 244-2 et L. 244-3. »
Le non-respect par l'organisme de recouvrement de la date limite mentionnée par l'article R. 380-4 a pour seul effet de reporter le délai au terme duquel la cotisation devient exigible (2e Civ., 28 janvier 2021, pourvoi n° 19-22.255 ; 2e Civ., 6 janvier 2022, pourvoi n° 20-16.379), étant rappelé qu'aucune sanction de nullité n'est prévue en cas de non-respect du délai. Dès lors, le dépassement du délai prévu entraîne uniquement le report de l'exigibilité et du point de départ de calcul des majorations de retard.
La seule tardiveté de l'appel de cotisation n'est pas de nature à en justifier son annulation. Le report de l'exigibilité de la cotisation ne fait pas grief au cotisant. En effet, il convient de distinguer, d'une part, la prescription de la dette et d'autre part, la prescription de l'action en recouvrement. En application de l'article L. 244-3 du code de la sécurité sociale, quelle que soit la date de l'appel à cotisation, la dette de cotisation de Mme [H] se prescrit par trois ans à compter de la fin de l'année civile au titre de laquelle elle est due. Un décalage de l'appel à cotisation sera donc sans effet sur le cours de la prescription de la dette, qui commence toujours à courir le 31 décembre de l'année au titre de laquelle elle est due.
En revanche, le report de l'exigibilité influe sur la prescription de l'action en recouvrement qui ne pourra courir qu'à compter de la délivrance de la mise en demeure ; un décalage de l'appel à cotisation retardera donc le point de départ de la prescription de l'action en recouvrement, qui est sans autre effet sur le cotisant que d'allonger le délai de paiement, étant précisé que si l'appel à cotisation intervient après le délai triennal de prescription de la dette, l'URSSAF [7] ne pourra plus réclamer aucune somme.
Ce moyen tiré de l'irrégularité de l'appel à cotisation au regard de sa tardiveté sera en conséquence rejeté.
- Sur la régularité de l'appel de cotisations au regard de la constitutionnalité des dispositions réglementaires régissant la [13]
Moyens des parties
Mme [H] indique que les modalités de calcul de la [13] peuvent engendrer une cotisation d'un montant très élevé, sans rapport avec le bénéfice supposé d'un accès à une couverture sociale collective. Elle précise que cette situation anormale a été corrigée successivement par les tribunaux, par le législateur et par le pouvoir réglementaire, mais dans des conditions de temps qui sont telles qu'elle en demeure exclue.
Ainsi, elle indique qu'à la suite de la saisine du Conseil constitutionnel sur une question prioritaire de constitutionnalité visant l'article L. 380-2 du code de la sécurité sociale, le Conseil constitutionnel a confirmé que la [13] était une cotisation sociale et non un impôt et qu'en conséquence, les modalités de calcul de cette cotisation sociale devaient être fixées par un texte réglementaire et non par un texte législatif. Tout en rappelant que son contrôle est limité au domaine de la loi, le Conseil constitutionnel a toutefois formé une réserve d'interprétation applicable au texte réglementaire, afin qu'il fixe les modalités de cette cotisation de telle sorte qu'elle n'entraîne pas de rupture caractérisée de l'égalité devant les charges publiques. Mme [H] expose que la décision du Conseil constitutionnel prend effet immédiatement et vise donc les articles D. 380-1 et D. 380-2 du code de la sécurité sociale dans leur version en vigueur au jour de la décision, qui ne doivent plus être appliqués ; elle souligne d'ailleurs que la décision du Conseil constitutionnel est rédigée au présent de l'indicatif, et non au futur de l'indicatif comme lorsque les réserves d'interprétation visent les textes réglementaires à venir.
Mme [H] expose qu'à la suite de la réserve d'interprétation du Conseil constitutionnel, le pouvoir exécutif, après avoir exposé dans la discussion parlementaire les défauts de conception de la [13], notamment au regard des effets de seuil et de l'absence de plafonnement, a proposé une modification de l'article L. 380-2 du code de la sécurité sociale, dans le projet de LFSS 2019, pour remédier aux difficultés pointées dans la réserve d'interprétation susvisée. Elle souligne toutefois que, malgré les mises en garde, l'application cette modification du texte a été différée jusqu'aux cotisations dues pour l'année 2019.
Mme [H] expose que, dans sa décision du 10 juillet 2019, visée par l'Urssaf, le Conseil d'Etat n'a pas pu appliquer la réserve d'interprétation du Conseil constitutionnel, puisque saisi pour un recours pour excès de pouvoir, il ne pouvait étudier le moyen dit d'incompétence négative, c'est-à-dire la lacune du texte quant à l'absence de plafonnement. Les dispositions réglementaires existantes qui lui étaient soumises n'étaient pas contraires à la Constitution. Mme [H] souligne toutefois que le Conseil d'Etat rappelle dans cette même décision que la réserve d'interprétation est revêtue de l'autorité absolue de la chose juge et qu'elle lie tant les autorités administratives que le juge, renvoyant ainsi implicitement au juge judiciaire la tâche d'écarter au cas par cas les dispositions réglementaires lorsqu'elles créent une rupture de l'égalité devant les charges publiques.
En effet, Mme [H] rappelle que, par application de l'article 62 de la Constitution, la réserve d'interprétation doit s'appliquer erga omnes, avec une autorité équivalente à celle d'une loi, immédiatement, avec un effet rétroactif, puisque la réserve d'interprétation s'incorpore à la disposition critiquée. Elle en conclut qu'elle a pour effet de paralyser l'exécution des articles D. 380-1 et D. 380-2 du code de la sécurité sociale tant qu'ils demeurent contraires à la Constitution, et ce, même pour les situations passées. Ainsi, Mme [H] estime que le juge judiciaire est bien compétent pour appliquer l'article 62 de la Constitution et de donner plein effet à la réserve d'interprétation, dès lors que le pouvoir réglementaire ne l'a pas fait pour les situations des cotisants redevables de la [13] pour les années antérieures à 2019.
L'URSSAF rappelle, en premier lieu, que la décision du Conseil constitutionnel du 27 septembre 2018 a validé la conformité à la Constitution de l'article L. 380-2 du code de la sécurité sociale dans sa version applicable au litige. En second lieu, l'URSSAF indique que si le Conseil constitutionnel a bien émis une réserve d'interprétation s'agissant des articles D. 380-1 et D. 380-2 du même code, cette seule réserve d'interprétation ne peut conduire à écarter purement et simplement l'application de ces articles. A cet effet, l'URSSAF rappelle que cette réserve est « directive », c'est-à-dire que le Conseil constitutionnel donne l'interprétation à retenir et comporte une prescription à l'égard du pouvoir réglementaire charge de l'application de la loi. Par conséquent, la réserve d'interprétation ne permet pas de considérer que le Conseil constitutionnel a entendu déclarer rétroactivement non conformes à la Constitution les dispositions réglementaires régissant la [13]. Par ailleurs, l'URSSAF fait valoir que ladite réserve d'interprétation s'adresse exclusivement aux autorités d'Etat chargées de l'application de la loi et ne peut être invoquée par les justiciables à l'appui de contestations d'appel de [13] ; cette décision du 27 septembre 2018 ne valant que pour l'avenir. En outre, il est impropre de considérer que les modifications des articles susvisés par la [18] 2019 doivent s'appliquer rétroactivement. L'URSSAF rappelle que le législateur a précisément entendu faire application de ces dispositions à compter du 1er janvier 2019. Par conséquent, l'URSSAF demande à la cour de valider l'appel de cotisation du 28 novembre 2019 et de rejeter les moyens invoqués par Mme [H].
Réponse de la cour
L'article L. 380-2 du code de la sécurité sociale, dans sa version applicable au litige, dispose :
« Les personnes mentionnées à l'article L. 160-1 sont redevables d'une cotisation annuelle lorsqu'elles remplissent les conditions suivantes :
« 1° Leurs revenus tirés, au cours de l'année considérée, d'activités professionnelles exercées en France sont inférieurs à un seuil fixé par décret. En outre, lorsqu'elles sont mariées ou liées à un partenaire par un pacte civil de solidarité, les revenus tirés d'activités professionnelles exercées en France de l'autre membre du couple sont également inférieurs à ce seuil ;
« 2° Elles n'ont perçu ni pension de retraite, ni rente, ni aucun montant d'allocation de chômage au cours de l'année considérée. Il en est de même, lorsqu'elles sont mariées ou liées à un partenaire par un pacte civil de solidarité, pour l'autre membre du couple.
« Cette cotisation est fixée en pourcentage du montant des revenus fonciers, de capitaux mobiliers, des plus-values de cession à titre onéreux de biens ou de droits de toute nature, des bénéfices industriels et commerciaux non professionnels et des bénéfices des professions non commerciales non professionnels, définis selon les modalités fixées au IV de l'article 1417 du code général des impôts, qui dépasse un plafond fixé par décret. Servent également au calcul de l'assiette de la cotisation, lorsqu'ils ne sont pas pris en compte en application du IV de l'article 1417 du code général des impôts, l'ensemble des moyens d'existence et des éléments de train de vie, notamment les avantages en nature et les revenus procurés par des biens mobiliers et immobiliers, dont le bénéficiaire de la couverture maladie universelle a disposé, en quelque lieu que ce soit, en France ou à l'étranger, et à quelque titre que ce soit. Ces éléments de train de vie font l'objet d'une évaluation dont les modalités sont fixées par décret en Conseil d'Etat. Un décret détermine le taux et les modalités de calcul de cette cotisation ainsi que les obligations déclaratives incombant aux assujettis.
« Lorsque les revenus d'activité mentionnés au 1° sont inférieurs au seuil défini au même 1° mais supérieurs à la moitié de ce seuil, l'assiette de la cotisation fait l'objet d'un abattement dans des conditions fixées par décret. Cet abattement croît à proportion des revenus d'activité, pour atteindre 100% à hauteur du seuil défini audit 1°.
« La cotisation est recouvrée l'année qui suit l'année considérée, mentionnée aux 1° et 2° du présent article, selon les dispositions des sections 2 à 4 du chapitre III et du chapitre IV du titre IV du livre II du présent code, sous réserve des adaptations prévues par décret du Conseil d'Etat. »
L'article D. 380-1 du code de la sécurité sociale, dans sa version applicable, prévoit :
« I.-Le montant de la cotisation mentionné à l'article L. 380-2 due par les assurés dont les revenus tirés d'activités professionnelles sont inférieurs à un seuil fixé à 10 % du plafond annuel de la sécurité sociale est déterminé selon les formules suivantes :
« 1° Si les revenus tirés d'activités professionnelles sont inférieurs à 5 % du plafond annuel de la sécurité sociale :
« Montant de la cotisation = 8 % × (A-D)
« Où :
« A est l'assiette des revenus définie au quatrième alinéa de l'article L. 380-2 ;
« D, qui correspond au plafond mentionné au quatrième alinéa du même article, est égal à 25% du plafond annuel de la sécurité sociale ;
« 2° Si les revenus tirés d'activités professionnelles sont compris entre 5% et 10% du plafond annuel de la sécurité sociale :
« Montant de la cotisation = 8 % × (A-D) × 2 × (1-R/ S)
« Où :
« R est le montant des revenus tirés d'activités professionnelles ;
« S, qui correspond au seuil des revenus tirés d'activités professionnelles mentionné au deuxième alinéa de l'article L. 380-2, est égal à 10% du plafond annuel de la sécurité sociale.
« II.-Lorsque le redevable de cette cotisation ne remplit les conditions mentionnées à l'article L. 160-1 que pour une partie de l'année civile, le montant de la cotisation due est calculé au prorata de cette partie de l'année.
« III.- Si, au titre d'une période donnée, l'assuré est redevable de la cotisation prévue à l'article L. 380-3-1, il ne peut être redevable de la cotisation prévue à l'article L. 380-2 pour la même période. Le montant de celle-ci est alors calculé dans les conditions prévues au II. »
Le Conseil constitutionnel, dans sa décision QPC n° 2018-735 du 27 septembre 2018, a déclaré l'article L. 380-2 du code de la sécurité sociale instituant la cotisation subsidiaire maladie conforme à la Constitution, sous la réserve d'interprétation énoncée au paragraphe 19, à savoir « la seule absence de plafonnement d'une cotisation dont les modalités de détermination de l'assiette ainsi que le taux sont fixés par voie réglementaire n'est pas, en elle-même, constitutive d'une rupture caractérisée de l'égalité devant les charges publiques. Toutefois, il appartient au pouvoir réglementaire de fixer ce taux et ces modalités de façon à ce que la cotisation n'entraîne pas de rupture caractérisée de l'égalité devant les charges publiques. » Le Conseil constitutionnel a donc validé l'article L. 380-2 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction applicable à l'espèce, et, partant, a validé l'existence d'un seuil d'assujettissement.
L'article D. 380-1 du code de la sécurité sociale fait partie des dispositions réglementaires prises en application de l'article L. 380-2 du code de la sécurité sociale et visées par la réserve d'interprétation du Conseil constitutionnel.
Saisi d'un recours pour excès de pouvoir de la décision par laquelle le Premier ministre a implicitement rejeté la demande d'un requérant tendant à l'adoption de nouvelles mesures réglementaires d'application de l'article L. 380-2 du code de la sécurité sociale pour les cotisations dues sur les revenus antérieurs au 1er janvier 2019, à la suite de la décision du Conseil constitutionnel n° 2018-735 QPC du 27 septembre 2018, le Conseil d'Etat a statué sur la constitutionnalité des dispositions réglementaires prises en application de l'article L. 380-2 du code de la sécurité sociale, telles que rédigées à la suite du décret du 19 juillet 2016, dans un arrêt de la première chambre du 29 juillet 2020 (CE, 29 juillet 2020, n° 430326). Il a ainsi décidé « qu'en fixant, dans le cadre déterminé par les dispositions de l'article L. 380-2 précité, le seuil de revenus professionnels prévu au deuxième alinéa de cet article, en deçà duquel la cotisation est due, à 10% du plafond annuel de la sécurité sociale, soit 3 922,80 euros en 2017, le montant des revenus du patrimoine mentionné au quatrième alinéa du même article, au-delà duquel s'applique le prélèvement, à 25% de ce même plafond, soit 9 807 euros en 2017, et le taux de la cotisation en cause à 8%, le pouvoir réglementaire a défini les modalités de calcul de cette cotisation dans des conditions qui n'entraînent pas de rupture caractérisée de l'égalité devant les charges publiques. Il s'en suit que l'article D. 380-1 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction issue du décret du 19 juillet 2016 précité, ne méconnaît pas le principe d'égalité devant les charges publiques garanti par l'article 13 de la Déclaration des droits de l'Homme et des citoyens de 1789, pas plus que les dispositions de l'article L. 380-2 du code de la sécurité sociale telles qu'interprétées par le Conseil constitutionnel dans sa décision n° 2018-735 QPC du 27 septembre 2018, qui, contrairement à ce qui est soutenu, n'impliquait pas l'adoption de mesures réglementaires pour le passé. »
Il résulte de cet arrêt que Mme [H] n'est pas fondée à soutenir que le pouvoir réglementaire était tenu de modifier les mesures réglementaires d'application des dispositions de l'article L. 380-2 du code de la sécurité sociale relatives à la cotisation subsidiaire maladie pour les périodes d'assujettissement antérieures au 1er janvier 2019. L'article D. 380-1 du code de la sécurité sociale, tel que rédigé pour l'appel de la [13] 2018, est donc conforme à la Constitution.
Par ailleurs, en vertu du principe de séparation des autorités administratives et judiciaires posé par l'article 13 de la loi des 16-24 août 1790 et par le décret du 16 fructidor an III, sous réserve des matières réservées par nature à l'autorité judiciaire et sauf dispositions législatives contraires, il n'appartient qu'à la juridiction administrative de connaître des recours tendant à l'annulation ou à la réformation des décisions prises par l'administration dans l'exercice de ses prérogatives de puissance publique. De même, le juge administratif est en principe seul compétent pour statuer, le cas échéant par voie de question préjudicielle, sur toute contestation de la légalité de telles décisions, soulevée à l'occasion d'un litige relevant à titre principal de l'autorité judiciaire (CE, 16 juin 1923, [Z] c/ [9], n° 00732). Toutefois, ces principes doivent être conciliés tant avec l'exigence de bonne administration de la justice qu'avec les principes généraux qui gouvernent le fonctionnement des juridictions, en vertu desquels tout justiciable a droit à ce que sa demande soit jugée dans un délai raisonnable. Il suit de là que si, en cas de contestation sérieuse portant sur la légalité d'un acte administratif, les tribunaux de l'ordre judiciaire statuant en matière civile doivent surseoir à statuer jusqu'à ce que la question préjudicielle de la légalité de cet acte soit tranchée par la juridiction administrative, il en va autrement lorsqu'il apparaît manifestement, au vu d'une jurisprudence établie, que la contestation peut être accueillie par le juge saisi au principal (Tribunal des conflits, 17/10/2011, SCEA du Cheneau et autres c/ [17], C3828).
Ainsi, contrairement à ce que soutient Mme [H], le juge judiciaire ne peut statuer sur la légalité de dispositions réglementaires que si leur illégalité est manifeste, au vu d'une jurisprudence établie. Or, ainsi qu'il vient d'être rappelé ci-dessus, la légalité des articles D. 380-1 et D. 380-2 du code de la sécurité sociale, dans leur version applicable au litige, n'a pas été remise en cause par le Conseil d'Etat dans sa décision susvisée du 29 juillet 2020. Les conditions pour permettre au juge judiciaire d'apprécier la légalité des articles D. 380-1 et D. 380-2 du code de la sécurité sociale ne sont donc pas réunies.
Dès lors, dans les litiges relatifs à la [13] pour la période antérieure au 1er janvier 2019, le juge judiciaire ne peut, sans enfreindre la dualité des ordres de juridictions, écarter de lui-même, directement dans un jugement, les articles D. 380-1 et D. 380-2 du code de la sécurité sociale, dans leur version applicable.
Par ailleurs, l'article 12 II de la loi 2018-1203 du 22 décembre 2018 de financement de la sécurité sociale pour 2019, qui introduit une modification de l'article L.380-2 du code de la sécurité sociale, dispose :
II.-Le présent article s'applique aux cotisations dues au titre des périodes courant à compter du 1er janvier 2019.
Les nouvelles modalités de calcul issues de la [18] 2019 ne s'appliquent donc qu'aux cotisations dues au titre des années 2019 et suivantes. Le législateur n'a prévu aucune rétroactivité. Il n'y a donc pas lieu d'en faire application pour la [13] 2018 objet du présent litige.
En conséquence, l'appel à cotisations délivré par l'[Adresse 26] à
Mme [H] sera déclaré régulier au regard de la réserve d'interprétation du Conseil constitutionnel en date du 27 septembre 2018.
- Sur la régularité des dispositions régissant la [13] au regard du principe d'égalité
Moyens des parties
Mme [H] rappelle que, conformément à l'article 6 de la Déclaration des droits de l'Homme, la loi doit être la même pour tous, ce qui, selon elle, n'a pas été observé par les dispositions régissant la [13]. La cotisante soutient que le taux de 8 % continue d'être appliquée au titre des années 2016, 2017 et 2018 en méconnaissance de la réserve d'interprétation du Conseil constitutionnel. Par ailleurs, la cotisante fait valoir que les assujettis à la [13] au titre de 2019 sont soumis à un taux de 6,5 % et ont droit à un plafonnement fixé à 20 000 euros de cotisation. Dès lors, Mme [H] note que pour établir des distinctions entre cotisants, le pouvoir réglementaire doit fonder son appréciation sur des critères rationnels en fonction des buts qu'il se propose. Or, selon la cotisante, le but de la [18] 2019 et de son décret d'application du 23 avril 2019 est de modifier le régime de la cotisation pour le mettre en conformité avec la décision du Conseil constitutionnel du 27 septembre 2018, sans qu'aucun autre but ne soit exprimé, ce qui montre qu'elle est contraire au principe d'égalité.
L'URSSAF expose qu'au paragraphe 19 de sa décision du 27 septembre 2018, la Conseil constitutionnel a décidé que l'absence de plafonnement de la [13] n'est pas, en elle-même, constitutive d'une rupture caractérisée de l'égalité devant les charges publiques. Dès lors, le Conseil constitutionnel a validé la conformité de l'article L. 380-2 du code de la sécurité sociale, malgré l'absence de plafonnement. Par ailleurs, l'URSSAF fait valoir que le taux de la [13] qui est fixé à 8 % n'a rien de disproportionné ni d'exceptionnel par rapport aux autres cotisations d'assurance maladie.
Elle précise qu'une distinction entre des personnes placées dans une situation analogue est discriminatoire si elle n'est pas assortie de justifications objectives et raisonnables, c'est-à-dire si elle ne poursuit pas un objectif d'utilité publique ou si elle n'est pas fondée sur des critères objectifs et rationnels en rapport avec les buts de la loi. Or, l'URSSAF mentionne une décision du Conseil d'Etat du 24 juin 2019 qui a relevé, au sujet de l'article L.380-2 du code de la sécurité sociale, que « le législateur, en créant une distinction entre les personnes pour la détermination des modalités de leur participation au financement de l'assurance maladie selon le montant de leurs revenus professionnels, a fondé son appréciation sur des critères objectifs et rationnels en rapport avec les buts qu'il se proposait ».
Réponse de la cour
Saisi d'un recours pour excès de pouvoir de la décision par laquelle le Premier ministre a implicitement rejeté la demande d'un requérant tendant à l'adoption de nouvelles mesures réglementaires d'application de l'article L. 380-2 du code de la sécurité sociale pour les cotisations dues sur les revenus antérieurs au 1er janvier 2019, à la suite de la décision du Conseil constitutionnel n° 2018-735 QPC du 27 septembre 2018, le Conseil d'Etat a statué sur la constitutionnalité des dispositions réglementaires prises en application de l'article L. 380-2 du code de la sécurité sociale, telles que rédigées à la suite du décret du 19 juillet 2016, dans un arrêt de la première chambre du 29 juillet 2020 (CE, 29 juillet 2020, n° 430326). Il a ainsi décidé « qu'en fixant, dans le cadre déterminé par les dispositions de l'article L. 380-2 précité, le seuil de revenus professionnels prévu au deuxième alinéa de cet article, en deçà duquel la cotisation est due, à 10% du plafond annuel de la sécurité sociale, le montant des revenus du patrimoine mentionné au quatrième alinéa du même article, au-delà duquel s'applique le prélèvement, à 25% de ce même plafond, et le taux de la cotisation en cause à 8%, le pouvoir réglementaire a défini les modalités de calcul de cette cotisation dans des conditions qui n'entraînent pas de rupture caractérisée de l'égalité devant les charges publiques. Il s'en suit que l'article D. 380-1 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction issue du décret du 19 juillet 2016 précité, ne méconnaît pas le principe d'égalité devant les charges publiques garanti par l'article 13 de la Déclaration des droits de l'Homme et des citoyens de 1789, pas plus que les dispositions de l'article L. 380-2 du code de la sécurité sociale telles qu'interprétées par le Conseil constitutionnel dans sa décision n° 2018-735 QPC du 27 septembre 2018, qui, contrairement à ce qui est soutenu, n'impliquait pas l'adoption de mesures réglementaires pour le passé. »
La question de la légalité de l'article D. 380-1 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction issue du décret no 2016-979 du 19 juillet 2016, au regard des dispositions de l'article L. 380-2 du code de la sécurité sociale telles qu'interprétées par le Conseil constitutionnel dans sa décision no 2018-735 QPC du 27 septembre 2018 ne soulève pas de difficulté sérieuse. En effet, l'article D. 380-1 du code de la sécurité sociale précité ne méconnaît ni le principe d'égalité devant les charges publiques garanti par l'article 13 de la Déclaration des droits de l'homme et des citoyens de 1789, ni les dispositions de l'article L. 380-2 du code de la sécurité sociale telles qu'interprétées par le Conseil constitutionnel dans sa décision no 2018-735 QPC du 27 septembre 2018 (C. Cass, Civ 2ème, 27 février 2025, pourvoi 22-21.800)
Il en résulte que Mme [H] n'est pas fondée à soutenir que le pouvoir réglementaire était tenu de modifier les mesures réglementaires d'application des dispositions de l'article L. 380-2 du code de la sécurité sociale relatives à la cotisation subsidiaire maladie pour les périodes d'assujettissement antérieures au 1er janvier 2019.
Les dispositions de l'article L. 380-2 du code de la sécurité sociale créent une différence de traitement entre les assurés sociaux redevables de cotisations sociales sur leurs seuls revenus professionnels et ceux qui, dès lors que leur revenu d'activité professionnelle est inférieur au seuil fixé par le pouvoir réglementaire en application du 1° de l'article D. 380-1 susvisé et qu'ils n'ont perçu aucun revenu de remplacement, sont redevables d'une cotisation assise sur l'ensemble de leurs revenus du patrimoine. Toutefois, ces dispositions visent à faire contribuer à la prise en charge des frais de santé les personnes qui, tout en bénéficiant de revenus du patrimoine supérieurs à un certain niveau, ne perçoivent pas de revenus professionnels ou perçoivent des revenus professionnels insuffisants pour que les cotisations assises sur ces revenus constituent une participation effective à cette prise en charge. Dans ces conditions, le législateur, en créant une distinction entre les personnes pour la détermination des modalités de leur participation au financement de l'assurance maladie selon le montant de leurs revenus professionnels, a fondé son appréciation sur des critères objectifs et rationnels en rapport avec les buts qu'il recherchait.
Ainsi, il en résulte que les dispositions des articles L. 380-2 du code de la sécurité sociale et D. 380-1 du code de la sécurité sociale sont compatibles avec les stipulations de l'article 14 de la Convention de sauvegarde des droits de l'Homme et des Libertés fondamentales, combiné avec l'article 1er du Protocole additionnel numéro 1 de cette Convention.
Dans ces conditions, la différence évoquée par Mme [H] n'a pas de conséquences disproportionnées, ni en termes d'égalité de traitement, ni en termes d'atteinte au droit de propriété. Elle n'est pas non plus contraire au principe d'égalité devant les charges publiques prévu à l'article 6 de la déclaration des droits de l'homme et du citoyen.
Même si ultérieurement l'article L. 380-2 précité a été complété par un mécanisme de plafonnement de l'assiette de la cotisation par l'article 12 de la loi du 22 décembre 2018 de financement de la sécurité sociale pour 2019, Mme [H] n'est pas fondée à prétendre que l'article D. 380-1 du code de la sécurité sociale instituerait une discrimination.
Le moyen tiré de la violation de l'article 6 de la déclaration des droits de l'homme et du citoyen sera en conséquence rejeté.
- Sur la régularité de l'appel de cotisation au regard de la loi du 6 janvier 1978 et du RGPD
Moyens des parties
En se fondant sur la loi 78-17 dit loi Informatique et liberté et sur le règlement 2016/679 dit RGPD, Mme [H] rappelle que le traitement de données personnelles suppose notamment une autorisation par décret après avis de la [11] en vertu de l'article 27 de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés, dite « loi informatique et libertés ». La cotisante fait valoir que l'[Adresse 28] a méconnu cette disposition en traitant des fichiers contenant des données personnelles sans en avoir l'autorisation par décret en Conseil d'Etat après avis de la [11]. A cet effet, elle indique que, dans son avis du 26 octobre 2017, la [11] prévoyait un traitement des données par les [23] territorialement compétentes, alors que le traitement des données a été, en réalité réalisé par des [23] non territorialement compétentes. Elle précise que cette organisation lui porte préjudice, puisqu'elle ne pouvait exercer son droit d'accès qu'à l'égard de l'URSSAF à laquelle elle était rattachée territorialement, c'est-à-dire l'[34], alors que c'est l'[Adresse 28] qui a traité ses données personnelles. Elle estime donc qu'elle a été privée des garanties offertes par la loi Informatique et Libertés.
Par ailleurs, la cotisante fait valoir que l'information préalable des personnes concernées par le traitement en vertu de l'article 32 de la loi informatique et libertés ainsi que de l'article 11 de la directive 95/45/CE, repris à l'article 14 du [22], n'a pas été respecté, alors même que ce principe a été rappelé par la [10] dans son arrêt C201/14 du 1er octobre 2015. Elle rappelle que dans le cadre de la [13], les données, collectées par l'administration fiscale auprès des cotisants, sont ensuite communiquées par l'administration fiscale à l'ACOSS. Cette situation est couverte par l'article 14 a) du RGPD et le II de l'article 116 de la loi informatique et libertés, qui prévoient une information du cotisant au plus tard lors de la communication des données. Or, la cotisante fait valoir que ni l'administration fiscale ni l'URSSAF n'ont informé l'appelante alors que la [11] avait, dans sa délibération du 26 octobre 2017, rappelé cette obligation d'information et que, par ailleurs, l'information diffusée sur le site internet de l'URSSAF et la publication au journal officiel du décret ne sauraient constituer une information des personnes concernées au sens de ces textes. En effet, cette information ne doit pas être générale à destination de tous les assurés sociaux mais bien individuelle. Par conséquent, Mme [H] sollicite l'annulation de l'appel de cotisation en ce qu'il a été effectué en violation du droit interne et du droit de l'Union européenne. A ce titre, Mme [H] fait valoir que les justiciables peuvent se prévaloir de la méconnaissance de la directive ainsi que de la loi informatique et libertés dans le cadre de recours de droit commun puisque le juge judiciaire est compétent pour se prononcer sur les méconnaissances de ces textes.
En outre, Mme [H] expose qu'il résulte de la lecture de l'article 14 du [22] cinquièmement que l'exception prévue est applicable uniquement lorsque les mesures constituent « des mesures appropriées visant à protéger les intérêts légitimes de la personne concernée », ce qui n'est pas le cas en l'espèce. Ainsi, la cotisante fait valoir qu'il ressort de ces éléments que l'obligation d'information des articles 14 du RGPD et 32 de la loi informatique et libertés s'imposait aux responsables des traitements tant lors de la transmission des informations entre l'administration fiscale et l'ACOSS qu'au stade du traitement des informations par l'[24].
Enfin, si la cour considère que les règles de droit interne ne permettent pas de conclure à l'annulation des actes résultant d'un traitement illégal de données, Mme [H] demande de saisir la Cour de justice de l'Union européenne d'une question préjudicielle sur le fondement de l'article 267 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne. La question préjudicielle est la suivante : « Le règlement n°2016/679 et le principe d'effectivité du droit de l'Union européenne doivent-ils être interprétés en ce sens que le juge national a l'obligation d'annuler un appel de cotisation établi sur la base de données traitées et transférées illégalement ' ».
L'[Adresse 28] fait valoir qu'il ressort clairement des dispositions du code de la sécurité sociale concernant la [13] que l'administration fiscale communique aux [23] les données et éléments nécessaires au calcul de cette cotisation. Qu'eu égard à la délibération de la [11] n°2017-279 du 26 octobre 2017, le traitement de données à caractère personnel destiné au calcul de la [13] a été mis en 'uvre par le décret du 3 novembre 2017. Ce décret autorise le traitement par l'ACOSS et les [23] des informations nominatives déclarées pour l'établissement de l'impôt sur le revenu par les personnes remplissant les conditions pour verser cette cotisation. Le décret du 24 mai 2018 vient compléter le dispositif existant de transfert de données entre la [14] et l'ACOSS et le traitement de ces données par l'ACOSS tel qu'autorisé et prévu par le décret du 3 novembre 2017. Par conséquent, l'[Adresse 28] fait valoir que les décrets précités autorisent le transfert de données entre la [14] et l'ACOSS ainsi que le traitement des données fiscales par l'ACOSS et les [23] pour le calcul de la [13], conformément à l'article 27 de la loi informatique et libertés.
Par ailleurs, l'[Adresse 28] indique être compétente pour procéder au recouvrement de la [13], par suite de la convention de mutualisation approuvé par le directeur de l'ACOSS du 11 décembre 2017. Elle précise que, par suite de cette convention, elle est également l'URSSAF territorialement compétente pour répondre au droit d'accès et de rectification de l'usager, qui conserve donc ses droits et garanties prévus par la loi Informatique et Libertés.
Par suite, l'URSSAF appuie son argumentation sur l'article 32 de la loi du 6 janvier 1978 et sur l'article 14 du RGPD en précisant que l'obligation d'information a été respectée puisque les décrets susvisés ont été publiés au Journal Officiel et que le site internet [35] contient également l'information concernant le transfert de données. Par conséquent, l'[Adresse 28] considère avoir respecté son obligation d'information générale des assurés sociaux concernant la [13] et, qu'en tout état de cause, la cotisante n'est pas fondée à soutenir que l'obligation d'information doit être individuelle et personnelle puisque cela reviendrait à remettre en cause le principe d'information générale des organismes sociaux tel qu'il résulte de l'article R112-2 du code de la sécurité sociale, tel qu'interprété par la Cour de cassation (Civ. 2e, 28 novembre 2013 pourvoir 12-24.210 et Civ. 2e, 6 mars 2018 pourvoi 027-11.812). En outre, l'URSSAF rappelle que l'appel de cotisation du 28 novembre 2019 mentionnait toutes les informations nécessaires concernant la [13] de sorte que Mme [H] ne peut alléguer ne peut pas avoir eu connaissance de son assujettissement à cette cotisation. Par ailleurs, l'URSSAF relève que le traitement automatique de données personnelles entre l'administration fiscale et l'URSSAF s'inscrit bien dans l'exception prévu au §5 c) de l'article 14 du RGPD. En tout état de cause, l'[Adresse 28] souligne que si une atteinte à la loi du 6 janvier 1978 était avérée, seule la [11] pourrait en faire le constat et prononcer une éventuelle sanction, qui ne saurait consister en une annulation de l'appel de cotisation litigieux. Par conséquent, l'URSSAF sollicite de la cour de rejeter les arguments de Mme [H].
Réponse de la cour
Sur le droit européen applicable au litige :
La directive 95/46/CE du Parlement européen et du Conseil, du 24 octobre 1995, relative à la protection des personnes physiques à l'égard du traitement des données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données a été transposée en droit interne par la loi n° 2004-801 du 6 août 2004 relative à la protection des personnes physiques à l'égard des traitements de données à caractère personnel, qui a modifié la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés. Les juridictions doivent donc faire application du droit interne et non directement de la directive.
De plus, le règlement (UE) 2016/679 du Parlement européen et du Conseil du 27 avril 2016, relatif à la protection des personnes physiques à l'égard du traitement des données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données, dit [22], a, par application de ses articles 94 et 99, abrogé la directive 95/46/CE, et est directement applicable dans les états membres à compter de son entrée en vigueur, le 25 mai 2018.
Compte tenu de la date de l'appel à cotisation, à savoir le 28 novembre 2019 la réglementation européenne à prendre en compte est donc le règlement [22].
- Sur la régularité de l'appel à cotisation au regard de l'obligation posée par la loi 78-17 du 6 janvier 1978 de prévoir une autorisation par décret en Conseil d'Etat:
Contrairement à ce que soutient l'URSSAF, qui vise par erreur l'article 32 de la loi 78-17, les dispositions de l'article 27 de loi 78-17 du 6 janvier 2018, dans sa version en vigueur jusqu'au 24 mai 2018, ont été reprises à l'article 22 de la même loi pour la période du 25 mai 2018 au 1er juin 2019, puis à l'article 30 de la même loi à compter du 1er juin 2019. Il convient donc de faire application de ce dernier texte.
L'article 30 de la loi 78-17 du 6 janvier 1978, dans sa version applicable au litige telle qu'elle résulte de la loi 2019-774 du 24 juillet 2019 relative à la protection des données personnelles, dispose :
« Un décret en Conseil d'Etat, pris après avis motivé et publié de la Commission nationale de l'informatique et des libertés, détermine les catégories de responsables de traitement et les finalités de ces traitements au vu desquelles ces derniers peuvent être mis en 'uvre lorsqu'ils portent sur des données comportant le numéro d'inscription des personnes au répertoire national d'identification des personnes physiques. La mise en 'uvre des traitements intervient sans préjudice des obligations qui incombent aux responsables de traitement ou à leurs sous-traitants en application de la section 3 du chapitre IV du règlement (UE) 2016/679 du 27 avril 2016. »
Le principe du partage d'informations nominatives entre l'administration fiscale et les organismes de sécurité sociale préexistait à l'instauration de la [13] et est prévu à l'article L. 152 du livre des procédures fiscales, qui dispose, dans sa version applicable au présent litige :
« Les agents des administrations fiscales communiquent aux organismes et services chargés de la gestion d'un régime obligatoire de sécurité sociale, de l'attribution de la protection complémentaire en matière de santé visée à l'article du code de la sécurité sociale, aux services chargés de la gestion et du paiement des pensions aux fonctionnaires de l'Etat et assimilés, aux institutions mentionnées au chapitre Ier du titre II du livre IX du code de la sécurité sociale, au service mentionné au deuxième alinéa de l'article L. 815-7 du même code ainsi qu'à l'institution mentionnée à l'article L.5312-1 du code du travail les informations nominatives nécessaires :
« 1° à l'appréciation des conditions d'ouverture et de maintien des droits aux prestations ;
« 2° au calcul des prestations ;
« 3° à l'appréciation des conditions d'assujettissement aux cotisations et contributions ;
« 4° à la détermination de l'assiette et du montant des cotisations et contributions ainsi qu'à leur recouvrement ;
« 5° Au recouvrement des prestations indûment versées ;
« 6° A l'appréciation des conditions d'ouverture et de maintien des prestations versées dans le cadre de leur mission légale en matière d'action sanitaire et sociale ;
« 7° Au calcul des prestations versées dans le cadre de leur mission légale en matière d'action sanitaire et sociale.
« Le numéro d'inscription au répertoire national d'identification des personnes physiques peut être utilisé pour les demandes, échanges et traitements nécessaires à la communication des informations mentionnées aux 1° à 7°, lorsqu'elles concernent des personnes physiques.
« Dans le but de contrôler les conditions d'ouverture, de maintien ou d'extinction des droits aux prestations de sécurité sociale de toute nature, ainsi que le paiement des cotisations et contributions, les organismes et services mentionnés au premier alinéa peuvent demander aux administrations fiscales de leur communiquer une liste des personnes qui ont déclaré soit n'avoir plus leur domicile en France, soit n'avoir perçu que des revenus du patrimoine ou de placement.
« Les agents des administrations fiscales signalent aux directeurs régionaux des affaires sanitaires et sociales et aux chefs des services régionaux de l'inspection du travail, de l'emploi et de la politique sociale agricoles, ainsi qu'aux organismes de protection sociale les faits susceptibles de constituer des infractions qu'ils relèvent en ce qui concerne l'application des lois et règlements relatifs au régime général, au régime des travailleurs indépendants non agricoles, aux régimes spéciaux, au régime agricole de sécurité sociale ou à l'assurance chômage. »
La loi instituant la [13], cotisation fixée en fonction, notamment, des revenus du patrimoine et de l'activité professionnelle, prévoit que cette cotisation est déterminée sur la base de ce partage d'informations, puisque l'article L. 380-2, dernier alinéa, du code de la sécurité sociale, qui fixe l'assiette de la cotisation, dispose :
« Les agents des administrations fiscales communiquent aux organismes mentionnés aux articles L. 213-1 et L. 752-2 les informations nominatives déclarées pour l'établissement de l'impôt sur le revenu par les personnes remplissant les conditions mentionnées au premier alinéa de l'article L. 380-2, conformément à l'article L. 152 du livre des procédures fiscales. »
Ce partage d'informations entre l'administration fiscale et les organismes de recouvrement, prévu par la loi, existait également dans les dispositions réglementaires rendues applicables à la [13], puisque l'article R.380-3 du code de la sécurité sociale, préexistant à la [13], prévoit, dans sa version applicable au présent litige :
« Les cotisations mentionnées à l'article et au deuxième alinéa du IV de l'article L. 380-3-1 sont calculées, appelées et recouvrées par les organismes chargés du recouvrement des cotisations du régime général au vu des éléments transmis par l'administration fiscale ou par les personnes redevables de ces cotisations. »
Et l'article D. 380-5-I du code de la sécurité sociale, également préexistant à la [13], précise, dans sa version applicable au présent litige :
« Les éléments nécessaires à la détermination des revenus mentionnés aux articles D. 380-1 et D. 380-2 sont communiqués par l'administration fiscale aux organismes chargés du calcul et du recouvrement des cotisations mentionnées à l'article et au deuxième alinéa du IV de l'article L. 380-3-1. »
Les organismes de sécurité sociale, et notamment les [23], disposaient donc d'un accès aux données fiscales sur la base du corpus législatif et réglementaire existant, sans qu'il ne soit nécessaire d'attendre le décret en Conseil d'Etat prévu à l'article 27 devenu 30 de la loi 78-17 du 6 janvier 1978. En revanche, ce sont les modalités de traitement de ces données pour déterminer les personnes assujetties et le montant de la cotisation qui ont dû être fixées par décret, conformément aux obligations fixées par la loi 78-17 du 6 janvier 1978.
Par application de l'article 27 devenu 30 de la loi 78-17 du 6 janvier 1978, l'article 1er du décret 2017-1530 du 3 novembre 2017, pris après avis motivé et publié de la [11] sous le numéro 2017-279 en date du 26 octobre 2017, prévoit :
« I - Pour l'application des dispositions de l'article L. 380-2 du code de la sécurité sociale est autorisée la création par l'Agence centrale des organismes de sécurité sociale d'un traitement de données à caractère personnel dénommé « Cotisation spécifique maladie ».
« Les finalités de ce traitement sont le calcul et le recouvrement par les organismes mentionnés aux articles L. 213-1 et L. 752-2 du code de la sécurité sociale de la cotisation spécifique maladie prévue par l'article L. 380-2 du code de la sécurité sociale.
« II. - Le traitement autorisé par le présent article porte sur les catégories de données suivantes :
« 1° Données relatives à l'identité des personnes (')
« 2° Données fiscales relatives aux revenus :
« - traitements et salaires ;
« - pensions, retraites et rentes ;
« - revenus et plus-values des professions non salariées : revenus agricoles, revenus industriels et commerciaux professionnels, revenus industriels et commerciaux non professionnels, revenus non commerciaux professionnels, revenus non commerciaux non professionnels ;
« - divers : montant net des revenus agricoles, revenus industriels et commerciaux, revenus non commerciaux non soumis aux contributions sociales par les organismes sociaux, indemnités d'élus locaux, revenus étrangers imposables en France, ouvrant droit à un crédit d'impôt égal au montant de l'impôt français ;
« - revenus des valeurs et capitaux mobiliers ;
« - plus-values et gains divers ;
« - revenus fonciers ;
« - revenus fonciers exceptionnels ou différés ;
« - le cas échéant, rectifications apportées, par le contribuable ou les services de la direction générale des finances publiques, aux mêmes données, en cas d'émission de rôles supplémentaires et de dégrèvements.
« III. - Sont destinataires des données à caractère personnel mentionnées au II du présent article, à raison de leurs attributions respectives et dans la limite du besoin d'en connaître :
« 1° Les agents de l'Agence centrale des organismes de sécurité sociale individuellement habilités par le directeur de l'Agence ;
« 2° Les agents des organismes mentionnés aux articles L. 213-1 et L. 752-2 du code de la sécurité sociale chargés du calcul, du recouvrement et du contrôle de la cotisation prévue par l'article L. 380-2, individuellement habilités par le directeur de l'organisme concerné. (')
« V. - Les droits d'accès et de rectification prévus aux articles 39 et 40 de la loi du 6 janvier 1978 susvisée s'exercent auprès du directeur de l'organisme mentionné aux articles L. 213-1 et L. 752-2 du code de la sécurité sociale auquel la personne est rattachée au vu de l'adresse de domicile qu'elle a déclarée à l'administration fiscale.
« Le droit d'opposition prévu par l'article 38 de la même loi ne s'applique pas au traitement dont la création est autorisée par le présent article. »
Le décret 2017-1530 du 3 novembre 2017 a été complété ultérieurement par le décret 2018-392 du 24 mai 2018, qui a prévu l'autorisation d'un traitement automatisé au niveau de la [14] avant transmission des données entre la [14] et l'ACOSS ainsi qu'il est dit dans son article 1 :
« Pour l'application du dernier alinéa de l'article L. 380-2 du code de la sécurité sociale, est autorisée la mise en 'uvre par la direction générale des finances publiques d'un traitement automatisé de transfert de données à caractère personnel à destination de l'agence centrale des organismes de sécurité sociale.
« Ce traitement automatisé a pour finalité de communiquer à l'agence centrale des organismes de sécurité sociale les informations nominatives dont dispose l'administration fiscale nécessaires à la détermination de l'assiette et du montant de la cotisation prévue par les dispositions de l'article L. 380-2 du code de la sécurité sociale ci-dessus mentionné.
« Le transfert est mis en 'uvre par un service informatique de la direction générale des finances publiques. »
Le décret 2018-392 a été pris après délibération n° 2017-250 du 14 septembre 2017 portant avis de la Commission nationale de l'informatique et des libertés. Le traitement automatisé par la [14] a été mis en place pour la [13] 2017 appelée à la fin de l'année 2018. Il était donc autorisé pour l'appel à cotisation litigieux du 28 novembre 2019 adressé à Mme [H].
Il résulte de l'ensemble de ces textes qu'au jour de l'appel à cotisations litigieux, étaient donc prévus :
par des dispositions législatives (article L. 152 du livre des procédures fiscales et article L. 380-2 du code de la sécurité sociale), le partage des données fiscales entre l'administration fiscale, l'ACOSS et les [23] ;
par un décret en Conseil d'Etat 2017-1530 du 3 novembre 2017 après avis de la [11], la collecte, le traitement et la transmission des données fiscales par l'ACOSS et les [23] ;
par un décret en Conseil d'Etat 2018-392 du 24 mai 2018, après avis de la [11], le traitement automatisé de transfert de données à caractère personnel par la direction générale des finances publiques à destination de l'agence centrale des organismes de sécurité sociale.
Ainsi, le moyen d'irrégularité fondé sur l'article 27 devenu article 30 de la loi 78-17 du 6 janvier 1978 sera donc écarté.
- Sur la régularité de l'appel à cotisations au regard de l'obligation d'information du cotisant
L'article 116 (ancien article 32) de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978, dans sa version applicable au litige telle qu'elle résulte de l'ordonnance 2018-1125 du 12 décembre 2018, dispose :
« I.-La personne auprès de laquelle sont recueillies des données à caractère personnel la concernant est informée, sauf si elle l'a été au préalable, par le responsable de traitement ou son représentant :
« 1° De l'identité du responsable du traitement et, le cas échéant, de celle de son représentant;
« 2° De la finalité poursuivie par le traitement auquel les données sont destinées ;
« 3° Du caractère obligatoire ou facultatif des réponses ;
« 4° Des conséquences éventuelles, à son égard, d'un défaut de réponse ;
« 5° Des destinataires ou catégories de destinataires des données ;
« 6° Des droits qu'elle tient des dispositions des articles 117 à 120 ;
« 7° Le cas échéant, des transferts de données à caractère personnel envisagés à destination d'un Etat non membre de l'Union européenne ;
« 8° De la durée de conservation des catégories de données traitées ou, en cas d'impossibilité, des critères utilisés permettant de déterminer cette durée.
« Lorsque de telles données sont recueillies par voie de questionnaires, ceux-ci doivent porter mention des prescriptions figurant aux 1°, 2°, 3° et 6°.
« II.-Lorsque les données à caractère personnel n'ont pas été recueillies auprès de la personne concernée, le responsable de traitement ou son représentant doit fournir à cette dernière les informations énumérées au I dès l'enregistrement des données ou, si une communication des données à des tiers est envisagée, au plus tard lors de la première communication des données.
« Lorsque les données à caractère personnel ont été initialement recueillies pour un autre objet, les dispositions de l'alinéa précédent ne s'appliquent pas lorsque la personne concernée est déjà informée ou quand son information se révèle impossible ou exige des efforts disproportionnés par rapport à l'intérêt de la démarche.
« III.-Les dispositions du I ne s'appliquent pas aux données recueillies dans les conditions prévues au II dans la mesure où une telle limitation est nécessaire au respect des fins poursuivies par le traitement. »
L'article 14 du règlement RGPD, intitulé « informations à fournir lorsque les données à caractère personnel n'ont pas été collectées auprès de la personne concerné » prévoit, dans son paragraphe 5:
« Les paragraphes 1 à 4 ne s'appliquent pas lorsque et dans la mesure où :
« a) la personne concernée dispose déjà de ces informations ;
« b) la fourniture de telles informations se révèle impossible ou exigerait des efforts disproportionnés, en particulier pour le traitement à des fins archivistiques dans l'intérêt public, à des fins de recherche scientifique ou historique ou à des fins statistiques sous réserve des conditions et garanties visées à l'article 89, paragraphe 1, ou dans la mesure où l'obligation visée au paragraphe 1 du présent article est susceptible de rendre impossible ou de compromettre gravement la réalisation des objectifs dudit traitement. En pareils cas, le responsable du traitement prend des mesures appropriées pour protéger les droits et libertés ainsi que les intérêts légitimes de la personne concernée, y compris en rendant les informations publiquement disponibles ;
« c) l'obtention ou la communication des informations sont expressément prévues par le droit de l'Union ou le droit de l'État membre auquel le responsable du traitement est soumis et qui prévoit des mesures appropriées visant à protéger les intérêts légitimes de la personne concernée ; ou
«d)les données à caractère personnel doivent rester confidentielles en vertu d'une obligation de secret professionnel réglementée par le droit de l'Union ou le droit des États membre, y compris une obligation légale de secret professionnel.»
Aux termes de l'article 116 II de la loi du 6 janvier 1978 susvisée, lorsque les données à caractère personnel n'ont pas été recueillies auprès de la personne concernée, le responsable du traitement ou son représentant doit fournir à cette dernière les informations énumérées au I dès l'enregistrement des données ou, si une communication des données à des tiers est envisagée, au plus tard lors de la première communication des données. Toutefois, le responsable du traitement n'est pas tenu de fournir à la personne concernée les informations énumérées au I de ce texte lorsque celle-ci est déjà informée.
Selon le paragraphe 5 du règlement RGPD, il est fait exception à l'obligation de fournir des informations à la personne concernée auprès de laquelle les données à caractère personnel n'ont pas été collectées lorsque et dans la mesure où l'obtention ou la communication des données sont expressément prévues par le droit de l'Union ou le droit de l'État membre auquel le responsable du traitement est soumis et qui prévoit des mesures appropriées visant à protéger les intérêts légitimes de la personne concernée (CJUE, arrêt du 28 novembre 2024, Másdi, C-169/23, § 45).
Il résulte des articles L. 380-2, dernier alinéa, R. 380-3 et D. 380-5, I, du code de la sécurité sociale, susvisés, le premier dans sa rédaction issue de la loi n° 2015-1702 du 21 décembre 2015, le deuxième dans sa rédaction issue du décret n° 2017-736 du 3 mai 2017 et le dernier dans sa rédaction issue du décret n° 2016-979 du 19 juillet 2016, que les éléments nécessaires à la détermination des revenus composant l'assiette de la cotisation subsidiaire maladie sont communiqués par l'administration fiscale aux organismes chargés du calcul et du recouvrement des cotisations.
Le décret n° 2017-1530 du 3 novembre 2017 susvisé autorise la mise en 'uvre par l'Agence centrale des organismes de sécurité sociale d'un traitement de données à caractère personnel destiné au calcul de la cotisation prévue à l'article L. 380-2 du code de la sécurité sociale. Il prévoit l'identité du responsable du traitement des données, les finalités poursuivies par le traitement, les destinataires des données, la durée de conservation des données traitées, ainsi que l'existence d'un droit d'accès et de rectification aux données et les modalités d'exercice de ces droits.
Il résulte de la combinaison de ces textes que, dès lors que la communication des données fiscales du cotisant à l'URSSAF est expressément prévue par les articles L. 380-2, dernier alinéa, R. 380-3 et D. 380-5, I, du code de la sécurité sociale précités et qu'il est prévu, par le décret n° 2017-1530 du 3 novembre 2017, des mesures appropriées visant à protéger les intérêts légitimes du cotisant, il est fait exception, pour les cotisations appelées à compter de cette dernière date, à l'obligation d'information, prévue à l'article 166 (ancien article 32) de la loi du 6 janvier 1978 susvisé, pesant sur le responsable du traitement des données personnelles, à l'égard de la personne concernée par celles-ci lorsqu'elles n'ont pas été recueillies auprès d'elle (2e Civ., 27 février 2025, pourvoi n° 23-22.218).
En l'espèce, l'appel de cotisation a été adressé au cotisant le 28 novembre 2019, c'est-à-dire postérieurement à l'entrée en vigueur du décret du 3 novembre 2017, contenant des mesures appropriées visant à protéger les intérêts légitimes du cotisant.
Mme [H] a eu connaissance de la transmission de ses données personnelles, de l'administration fiscale vers l'organisme chargé du recouvrement, par la publication au Journal Officiel des dispositions législatives et réglementaires susvisées (articles L. 380-2, R. 380-3 et D. 380-5 du code de la sécurité sociale).
L'[Adresse 28] le lui a rappelé directement dans l'appel de cotisations du 28 novembre 2019, puisque ce document, après avoir exposé les informations générales sur la [13], précise « selon les éléments transmis par la [15] ([14]), vous êtes redevable de la somme de 7 880 euros calculée sur vos revenus du patrimoine 2018 et exigible au 06 janvier 2020 ». Cet appel à cotisations invite également la cotisante à consulter le site de l'URSSAF ou à contacter un conseiller pour davantage d'informations ou pour contestation des montants retenus.
Ainsi, les dispositions relatives à l'obligation d'information, prévue à l'article 116 (ancien article 32) de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés, ne s'appliquent pas au cas d'espèce.
Le moyen d'irrégularité de l'appel à cotisations fondé sur l'article 116 (ancien article 32) de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés sera donc écarté.
- Sur la compétence territoriale de l'URSSAF Centre Val-de-[Localité 19] pour traiter les données :
Dans sa délibération 2017-279 du 26 octobre 2017, la [11] a indiqué :
« Sur les destinataires des données :
« L'article 1er-IV du projet de décret prévoit que seront destinataires des données à caractère personnel, à raison de leurs attributions et du besoin d'en connaître :
« - les agents habilités de l'ACOSS ;
« - les agents habilités des organismes mentionnés aux articles L. 213-1 et L. 752-2 du code de la sécurité sociale (Urssaf) en charge du calcul, du recouvrement et du contrôle de la cotisation. S'agissant de ces organismes, la commission prend acte de ce qu'ils ne seront destinataires que des données concernant les cotisants pour lesquels ils sont territorialement compétents.
« Un tel accès aux données apparaît justifié au regard des finalités du traitement. »
Les organismes territorialement compétents évoqués dans l'avis de la [11] du 26 octobre 2017 ne désignent pas l'URSSAF du lieu de résidence du cotisant, mais, par référence au début du paragraphe, l'URSSAF en charge du calcul, du recouvrement et du contrôle de la cotisation, seule [23] légitime à recevoir les données personnelles des cotisants soumis à la [13]. En s'abstenant de désigner expressément l'URSSAF du lieu de résidence du cotisant, mais en utilisant cette formule, la [11] ne fait pas obstacle à la mise en place d'une convention de mutualisation ultérieure tout en garantissant les droits des cotisants pour que leurs données personnelles ne soient transmises qu'à l'URSSAF en charge du traitement du dossier.
Le 1er décembre 2017, a été signée la convention relative à la centralisation du recouvrement de la cotisation d'assurance maladie visée à l'article L. 380-2 du code de la sécurité sociale, communiquée par l'URSSAF en pièce 13, entre, notamment, les directeurs des [Adresse 30] ainsi que par les agents comptables de ces [23].
Elle stipule que « la présente convention est applicable à compter de la décision d'approbation du Directeur de l'ACOSS et conclue pour une durée indéterminée » (article 2), que « les [23] délégantes transfèrent à l'URSSAF délégataire l'ensemble des droits et obligations afférents à l'exercice des missions de recouvrement résultant des articles R. 380-3 et suivants du code de la sécurité sociale sur le champ de la cotisation d'assurance maladie visée à l'article L. 380-2 du code de la sécurité sociale » (article 3) et enfin que « l'URSSAF délégataire assure l'encaissement centralisé et la gestion du recouvrement de la cotisation visée à l'article L. 380-2 du code de la sécurité sociale, dont le contrôle et les suites amiables et judiciaires des contestations soulevées par les cotisants » (article 4).
Par décision du 11 décembre 2017 (pièce 12 de l'URSSAF) prise par le directeur de l'ACOSS en application de l'article L. 122-7 du code de la sécurité sociale et relative au recouvrement des cotisations dues en application de l'article L. 380-2 du code de la sécurité sociale, « sont approuvées les conventions de mutualisation interrégionales, prises en application de l'article L. 122-7 du code de la sécurité sociale et conclues entre les [23] aux fins de délégation de calcul, de l'appel et du recouvrement des cotisations dues en application de l'article L. 380-2 du code de la sécurité sociale, à des [23] délégataires conformément à la répartition figurant sur le tableau annexé à la présente décision ».
Dans le tableau annexé, il est précisé que l'[29] est « l'URSSAF délégante » et que l'[Adresse 25], devenue en cours de procédure l'[27], est « l'URSSAF délégataire » de la première.
L'organisme délégataire est habilité à exercer les pouvoirs résultant de cette délégation à compter de la décision d'approbation, sans qu'il n'y ait lieu d'attendre la publication (Cass., Civ. 2e, 16 novembre 2023, n° 21-25.534).
Ainsi, l'[Adresse 26] était bien, à compter du 11 décembre 2017, l'URSSAF en charge du calcul, du recouvrement et du contrôle de la cotisation subsidiaire maladie des cotisants dont le domicile est situé en Île-de-France. Elle pouvait donc, au regard des impératifs posés par la délibération de la [11], recevoir les données transmises par l'administration fiscale.
L'article 1 du décret 2017-1530 du 3 novembre 2017, autorisant la mise en 'uvre d'un traitement de données à caractère personnel destiné au calcul de la cotisation prévue à l'article L. 380-2 du code de la sécurité sociale, déjà cité, prévoit, dans son paragraphe [16] :
« I. -
(')
« III. - Sont destinataires des données à caractère personnel mentionnées au II du présent article, à raison de leurs attributions respectives et dans la limite du besoin d'en connaître :
« 1° Les agents de l'Agence centrale des organismes de sécurité sociale individuellement habilités par le directeur de l'Agence ;
« 2° Les agents des organismes mentionnés aux articles L. 213-1 et L. 752-2 du code de la sécurité sociale chargés du calcul, du recouvrement et du contrôle de la cotisation prévue par l'article L. 380-2, individuellement habilités par le directeur de l'organisme concerné.
« IV. ' (').
« V. - Les droits d'accès et de rectification prévus aux articles 39 et 40 de la loi du 6 janvier 1978 susvisée s'exercent auprès du directeur de l'organisme mentionné aux articles L. 213-1 et L. 752-2 du code de la sécurité sociale auquel la personne est rattachée au vu de l'adresse de domicile qu'elle a déclarée à l'administration fiscale.
« Le droit d'opposition prévu par l'article 38 de la même loi ne s'applique pas au traitement dont la création est autorisée par le présent article. »
A l'instar de l'avis de la [11], le décret prévoit que les données à caractère personnel sont transmises aux [23] chargées du calcul, du recouvrement et du contrôle de la cotisation, c'est-à-dire, dans le cas d'espèce, l'URSSAF Centre - Val de [Localité 19] à compter du 11 décembre 2017. De même, les droits d'accès et de rectification s'exercent auprès du directeur de l'URSSAF auquel la personne est rattachée au vu de l'adresse de domicile qu'elle a déclarée à l'administration fiscale. Par suite de la convention de mutualisation, Mme [H], qui a son domicile à [Localité 21], est rattachée, à compter du 11 décembre 2017, pour la question de la [13], à l'[Adresse 28] et peut exercer son droit d'accès et de rectification auprès d'elle.
Ainsi, comme l'avis de la [11], le décret ne fait pas obstacle à la mise en place d'une convention de mutualisation, tout en préservant l'effectivité du droit d'accès et de rectification du cotisant.
Ainsi, l'[Adresse 26], compétente pour calculer, appeler et recouvrer les cotisations subsidiaires maladies dont Mme [H] était redevable au jour de l'appel de cotisation, était également compétente, à compter du 11 décembre 2017, pour traiter les données à caractère personnel légalement collectées à cette fin, sans porter atteinte aux droits de Mme [H].
Ce moyen d'irrégularité sera donc écarté.
- Sur la demande subsidiaire de saisine de la CJUE aux fins de question préjudicielle
Il convient de rappeler que l'article 267 du traité de fonctionnement de l'Union Européenne (TFUE) prévoit :
La Cour de justice de l'Union européenne est compétente pour statuer, à titre préjudiciel : a) sur l'interprétation des traités, b) sur la validité et l'interprétation des actes pris par les institutions, organes ou organismes de l'Union.
Lorsqu'une telle question est soulevée devant une juridiction d'un des États membres, cette juridiction peut, si elle estime qu'une décision sur ce point est nécessaire pour rendre son jugement, demander à la Cour de statuer sur cette question.
Lorsqu'une telle question est soulevée dans une affaire pendante devant une juridiction nationale dont les décisions ne sont pas susceptibles d'un recours juridictionnel de droit interne, cette juridiction est tenue de saisir la Cour. (')
Telle qu'interprétée par la [10], dans son arrêt de principe S.r.l. CILFIT et Lanificio di Gavardo S.p.a. c/ Ministère de la santé du 6 octobre 1982, l'obligation posée par l'article 267 du TFUE ne s'applique pas lorsque la juridiction constate que la « question soulevée n'est pas pertinente ou que la disposition (du droit de l'Union) en cause a déjà fait l'objet d'une interprétation de la part de la Cour ou que l'application correcte du droit (de l'Union) s'impose avec une telle évidence qu'elle ne laisse place à aucun doute raisonnable ».
En l'espèce, la question de la sanction du traitement et du transfert illégaux des données personnelles ne se pose pas, puisqu'il a été jugé qu'il n'y avait pas lieu de faire application de l'obligation d'information prévue à l'ancien article 32 III, devenu article 116, de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés.
La demande subsidiaire de question préjudicielle sera donc écartée.
- Sur la demande de saisine pour avis de la Cour de cassation :
Moyens des parties :
Mme [H], qui a formulé une telle demande dans le dispositif de ses conclusions quant aux questions de droit relatives à l'incompétence, les infractions à la réglementation en matière de données personnelles et la réserve d'interprétation constitutionnelle, ne fait valoir aucun moyen à l'appui dans le corps de ses conclusions.
L'URSSAF n'a pas conclu sur ce point.
Réponse de la cour :
L'article 441-1 du code de l'organisation judiciaire dispose :
« Avant de statuer sur une question de droit nouvelle, présentant une difficulté sérieuse et se posant dans de nombreux litiges, les juridictions de l'ordre judiciaire peuvent, par une décision non susceptible de recours, solliciter l'avis de la Cour de cassation.
« Elles peuvent, dans les mêmes conditions, solliciter l'avis de la commission paritaire mentionnée à l'article L. 2232-9 du code du travail ou de la Cour de cassation avant de statuer sur l'interprétation d'une convention ou d'un accord collectif présentant une difficulté sérieuse et se posant dans de nombreux litiges. »
Comme indiqué plus haut, la sanction du non-respect de l'obligation d'information prévue à l'article 116 de la loi 78-17 de la loi Informatique et Libertés ne se pose pas, puisqu'il vient d'être jugé qu'une telle obligation d'information ne s'appliquait pas au cas d'espèce.
En ce qui concerne les questions de droit relatives à l'incompétence, les infractions à la réglementation en matière de données personnelles et la réserve d'interprétation constitutionnelle, l'état du droit et de la jurisprudence est suffisamment établi et il n'apparaît pas nécessaire d'avoir recours à un avis de la Cour de cassation.
- Sur la confirmation de la décision de la commission de recours amiable en date du 31 mai 2021 :
Les décisions des cours et tribunaux se substituent aux décisions des caisses, de telle sorte que la cour d'appel n'est saisie que du fond du litige.
La cour d'appel n'a pas à statuer sur les demandes d'infirmation, de confirmation ou d'annulation des décisions de la commission de recours amiable, qui est une instance purement administrative.
La demande sera donc écartée.
- Sur la demande reconventionnelle en paiement :
L'article L. 244-2 du code de la sécurité sociale dispose :
« Toute action ou poursuite effectuée en application de l'article précédent ou des articles L. 244-6 et L. 244-8-1 est obligatoirement précédée, si elle a lieu à la requête du ministère public, d'un avertissement par lettre recommandée de l'autorité compétente de l'Etat invitant l'employeur ou le travailleur indépendant à régulariser sa situation dans le mois. Si la poursuite n'a pas lieu à la requête du ministère public, ledit avertissement est remplacé par une mise en demeure adressée par lettre recommandée à l'employeur ou au travailleur indépendant. »
L'URSSAF a délivré à Mme [H] une mise en demeure le 18 mars 2021 pour un montant de 7 880 euros.
Mme [H] ne conteste pas le montant des sommes réclamées au regard du montant de ses revenus pris en compte.
Mme [H] n'a pas réglé les sommes réclamées, ou, à tout le moins, n'en justifie pas.
En conséquence, elle sera condamnée à verser la somme de 7 880 euros à l'URSSAF [Adresse 8].
- Sur les demandes accessoires :
Mme [H], succombant à l'instance, sera tenue aux entiers dépens et sera déboutée de sa demande formée au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS,
DÉCLARE recevable l'appel formé par Mme [L] [H] ;
CONFIRME le jugement du 24 novembre 2022 (RG 21/00597) rendu par le tribunal judiciaire de Paris en toutes ses dispositions ;
Y AJOUTANT
DIT n'y avoir lieu à confirmation de la décision de la commission de recours amiable en date du 31 mai 2021 ;
DÉBOUTE Mme [L] [H] de l'ensemble de ses demandes ;
CONDAMNE Mme [L] [H] aux dépens d'appel.
La greffière, Le président