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Décisions

CA Pau, ch. soc., 2 octobre 2025, n° 23/01266

PAU

Arrêt

Autre

CA Pau n° 23/01266

2 octobre 2025

AC/SB

Numéro 25/2704

COUR D'APPEL DE PAU

Chambre sociale

ARRÊT DU 02/10/2025

Dossier : N° RG 23/01266 - N° Portalis DBVV-V-B7H-IQQC

Nature affaire :

Contestation du motif non économique de la rupture du contrat de travail

Affaire :

[N] [M]

C/

S.A.S. FRITEC

Grosse délivrée le

à :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

A R R Ê T

Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour le 02 Octobre 2025, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile.

* * * * *

APRES DÉBATS

à l'audience publique tenue le 22 Janvier 2025, devant :

Madame CAUTRES-LACHAUD, Président

Madame SORONDO, Conseiller

Madame PACTEAU, Conseiller

assistées de Madame LAUBIE, Greffière.

Les magistrats du siège ayant assisté aux débats ont délibéré conformément à la loi.

dans l'affaire opposant :

APPELANTE :

Madame [N] [M]

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représentée par Maître SANTI de la SELARL DARMENDRAIL/SANTI, avocat au barreau de PAU

INTIMEE :

S.A.S. FRITEC

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représentée par Maître CHAUVELIER loco Maître MARTZEL de la SELARL A & M AVOCATS, avocat au barreau de SARREGUEMINES

sur appel de la décision

en date du 24 AVRIL 2023

rendue par le CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE DE PAU

RG numéro : 22/00079

EXPOSÉ DU LITIGE

Mme [N] [M] a été embauchée, à compter du 4 juin 2012, par la société par actions simplifiée (Sas) Distribution commerciale du froid «'Disco Froid France'», en qualité de chargée de clientèle/technico commerciale, selon contrat à durée indéterminée, statut cadre, niveau 7 échelon 1, régi par la convention collective du commerce de gros non alimentaire.

A compter du 2 janvier 2018, elle est devenue responsable du dépôt service de [Localité 5], niveau 8 échelon 1.

Le 2 mars 2022, Mme [N] [M] a adressé un courriel à son employeur faisant part des difficultés par elle rencontrées dans l'exercice de ses fonctions.

Le 11 mars 2022, Mme [N] [M] a été placée en arrêt de travail jusqu'au 25 mars 2022, arrêt prolongé jusqu'au 7 mai 2022.

Le 21 mars 2022, elle a été convoquée à un entretien préalable fixé le 6 avril 2022, assorti d'une mise à pied conservatoire à compter du 25 mars 2022.

Le 22 mars 2022, Mme [N] [M] a adressé un courrier à son employeur intitulé «'réitération de la dénonciation des conditions de travail'».

Le 31 mars 2022, Mme [N] [M] a saisi la juridiction prud'homale aux fins de contester la procédure de licenciement mise en 'uvre et aux fins de paiement de diverses sommes et indemnités.

Le 12 avril 2022 le conseil de prud'hommes de Pau a adressé une convocation devant le bureau de conciliation et d'orientation pour une audience fixée au 9 mai 2022

Le 5 mai 2022, Mme [M] a été licenciée pour faute grave.

Par jugement du 24 avril 2023, le conseil de prud'hommes de Pau a':

- Dit que le licenciement de Mme [N] [M] est non nul pour entrave à son droit d'ester en justice et qu'il ne repose pas sur une cause réelle et sérieuse,

- Dit que la réintégration de Mme [N] [M] doit être rejetée,

- Condamné la société Fritec à verser à Mme [N] [M] les sommes de':

10.897,50 euros (dix mille huit-cent quatre-vingt-dix-sept euros et cinquante centimes) d'indemnité conventionnelle de licenciement,

10.897,50 euros (dix mille huit-cent quatre-vingt-dix-sept euros et cinquante centimes) d'indemnité pour licenciement abusif,

10.897,50 euros (dix mille huit-cent quatre-vingt-dix-sept euros et cinquante centimes) d'indemnité compensatrice de préavis,

1089,75 euros (mille quatre-vingt-neuf euros et soixante-quinze centimes) de congés payés afférents,

- Débouté Mme [N] [M] du surplus de ses demandes,

- Condamné la société Fritec à verser à Mme [N] [M] la somme de 800 euros (huit cents euros) au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- Débouté la société Fritec de toutes ses demandes, fins et autres prétentions,

- Rappelé que les intérêts légaux sont de droit tout comme la demande d'exécution provisoire,

- Condamné chacune des parties à ses propres dépens afin de tenir compte de l'équité conformément aux articles 695 et 696 du code de procédure civile.

Le 5 mai 2023, Mme [N] [M] a interjeté appel du jugement, dans des conditions de forme et délai qui ne sont pas contestées.

Dans ses conclusions n°3 adressées au greffe par voie électronique 13 novembre 2024 auxquelles il y a lieu de se référer pour l'exposé des faits et des moyens, Mme [N] [M] demande à la cour de':

- A titre principal, infirmer le jugement en ce qu'il rejeté la demande de nullité du licenciement ou, subsidiairement, le confirmer en ce qu'il a jugé qu'il est dépourvu de cause réelle et sérieuse,

- Le confirmer également en ce qu'il a alloué 800 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et en ce qu'il a débouté la société Fritec de toutes ses demandes, fins et autres prétentions,

- Débouter l'intimée de son appel incident, de toutes ses demandes, fins et conclusions,

- Statuer à nouveau sur toutes les demandes,

- Écarter des débats le procès-verbal de constat d'huissier du 12 septembre 2022 (pièce 17 adverse), preuve déloyale obtenue en violation de la vie privée, du secret des correspondances, de la charte d'utilisation du système d'information et du Règlement général sur la protection des données (RGPD),

- Écarter des débats la pièce 25 adverse, preuve déloyale obtenue en violation de la vie privée, du secret des correspondances, de la charte d'utilisation du système d'information et du Règlement général sur la protection des données (RGPD),

> A titre principal,

- Prononcer la nullité du licenciement intervenu en violation du droit constitutionnel d'ester en justice et/ou de la liberté d'expression consacrée par l'article 10 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, la lettre de licenciement visant la procédure contentieuse, ce qui constitue un motif illicite contaminant,

- Prononcer, en conséquence, la réintégration, de droit,

- Fixer la rémunération à prendre en compte pour le calcul des indemnités à la somme de 4.154 euros bruts mensuels.

- Condamner Fritec à payer :

133.673,28 euros d'indemnité d'éviction correspondant à la rémunération depuis le 5 mai 2022, date du licenciement jusqu'au 5 mai 2025 (somme à parfaire en fonction de la date de réintégration effective),

13.367,32 euros d'indemnité compensatrice de congés acquis pendant la période illicite d'éviction (somme à parfaire en fonction de la date de réintégration),

> Subsidiairement,

- Prononcer l'absence de cause réelle et sérieuse les griefs, contestés, n'étant pas établis et le licenciement n'ayant pas été prononcé dans un délai restreint,

- Condamner Fritec à payer :

55.000 euros de dommages-intérêts pour licenciement abusif en écartant le barème d'indemnisation des licenciements ou à titre subsidiaire 37.386 euros sur le fondement de l'article L.1235-3 du code du travail,

12.254,30 euros d'indemnité de licenciement,

12.462 euros au titre du préavis, outre 1.246,20 euros de congés afférents,

> En tout état de cause,

- Condamner Fritec à payer :

600 euros de rappel de prime de surperformance et 60 euros de congés afférents,

3.460,41 euros de rappel de salaire sur les trois dernières années, sur la base du niveau 8 échelon 3 de la convention collective, outre 346,04 euros de congés afférents,

25.000 euros de dommages-intérêts pour discrimination femme/homme au besoin en prenant toute mesure d'instruction sur le fondement du droit à la preuve de l'article 6 CEDH afin de permettre l'accès à la preuve de la discrimination homme/femme, conformément à la décision-cadre du défenseur des droits relative à l'accès à la preuve de la discrimination, Fritec n'ayant pas répondu aux courriers de l'inspecteur du travail et à la sommation de communiquer en ordonnant à Fritec de produire, sous astreinte de 150 euros par jour de retard et se réserver la faculté de ma liquider :

La copie des bulletins de paie pour les années 2020 et 2021 pour les postes de responsable d'agence de l'entreprise Fritec,

La copie des bulletins de paie pour les années 2016 et 2017 pour les postes de chargé de clientèle de l'entreprise Fritec,

L'accord collectif portant sur l'égalité professionnelle femme/homme.

Ces pièces n'étant toujours pas produites par Fritec dans le cadre de l'instance, il lui est fait une quatrième sommation de les produire.

25.000 euros de dommages-intérêts pour discrimination liée à l'état de santé,

10.000 euros de dommages-intérêts pour violation de l'obligation de sécurité et de protection de la santé,

5.000 euros de dommages-intérêts pour violation des conditions cumulatives de collecte des données en application du Règlement général sur la protection des données (RGPD),

7.500 euros de dommages-intérêts pour violation de la vie privée et du secret des correspondances sur le fondement des articles 9 du code civil et 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales,

5.500 euros au titre des frais irrépétibles d'appel sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- Condamner également Fritec à émettre le bulletin de paie afférents aux condamnations ainsi que les documents de rupture rectifiés,

- Frapper les condamnations des intérêts au taux légal depuis la saisine du conseil de prud'hommes et faire application des dispositions de l'article 1343-2 du code civil autorisant la capitalisation des intérêts,

- Condamner l'intimée aux entiers dépens.

Dans ses conclusions n°2 adressées au greffe par voie électronique le 6 décembre 2024 auxquelles il y a lieu de se référer pour l'exposé des faits et des moyens, la Sas Fritec, formant appel incident, demande à la cour de':

- Déclarer Mme [N] [M] irrecevable et mal fondée en toutes ses demandes, et l'en débouter,

- Confirmer le jugement déféré' en ce qu'il a jugé que le licenciement n'était pas nul et débouté de Mme [N] [M] de ses demandes en réintégration et en paiement d'indemnité d'éviction,

- Confirmer le jugement du 24 avril 2023 en ce qu'il a débouté Mme [N] [M] de ses demandes :

de 600 euros bruts de rappel de salaire au titre de la prime de surperformance et 60 euros bruts de congés afférents,

de 25.000 euros de dommages-intérêts pour discrimination liée à l'état de santé,

de 10.000 euros de dommages-intérêts pour violation de l'obligation de sécurité et de protection de la santé,

de 15.000 euros de dommages-intérêts pour discrimination fondée sur le sexe,

de 5.000 euros de dommages-intérêts pour violation du Règlement général sur la protection des données,

de 7.500 euros de dommages-intérêts pour violation de la vie privée sur le fondement des articles 9 du code civil et 8 de la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales,

- Déclarer la société Fritec recevable et bien fondée en son appel incident,

Statuant à nouveau :

- Infirmer le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Pau le 24 avril 2023 en ce qu'il a jugé que le licenciement de Mme [N] [M] était sans cause réelle et sérieuse et condamné la société Fritec Sas à lui payer :

10.897,50 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis et 1.089,754 euros au titre des congés payés afférents,

10.897,50 euros au titre de l'indemnité de licenciement,

10.897,50 euros au titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

800 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,

- Juger que le licenciement pour faute grave de Mme [N] [M] est bien fondé,

- Débouter Mme [N] [M] de toutes ses demandes, fins et prétentions,

- Condamner Mme [N] [M] au paiement à la société Fritec d'une somme de 7.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- Condamner Mme [N] [M] aux entiers frais et dépens de l'instance toutes taxes comprises.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 23 décembre 2024.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur les demandes tendant à voir écarter des débats certaines pièces

L'article L.1222-4 du code du travail dispose qu'aucune information concernant personnellement un salarié ne peut être collectée par un dispositif qui n'a pas été porté préalablement à sa connaissance.

En matière prud'homale, les parties peuvent administrer la preuve des faits, si elles le jugent utile, par tous moyens, en ce que la preuve est libre.

Toutefois, les modes de preuve illicites ou obtenus par des procédés déloyaux sont en principe interdits.

Lorsque le droit à la preuve, tel que garanti par l'article 6§1 de la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, entre en conflit avec d'autres droits et libertés, notamment le droit au respect de la vie privée, il appartient au juge de mettre en balance les différents droits et intérêts concernés. Il en résulte que, dans un procès civil, le juge doit, lorsque cela lui est demandé, apprécier si une preuve obtenue ou produite de manière illicite ou déloyale porte atteinte au caractère équitable de la procédure dans son ensemble, en confrontant le droit à la preuve et les droits antinomiques en présence, le droit à la preuve pouvant justifier la production d'éléments portant atteinte à d'autres droits à condition que cette production soit indispensable à son exercice et que l'atteinte soit strictement proportionnée au but poursuivi.

Mme [N] [M] demande que les pièces 17 et 25, correspondant respectivement à un PV de constat d'huissier du 12 septembre 2022'et un courriel du 13 janvier 2022 contenant des pièces jointes soient écartées des débats. Elle fait valoir que ces pièces, obtenues en violation de sa vie privée, du secret des correspondances et de la charte d'utilisation du système d'information et du Règlement général sur la protection des données (RGPD), sont donc illicites et déloyales.

La société Fritec s'y oppose et fait valoir que le conseil des prud'hommes a mal interprété la charte informatique, que le dépassement du délai de conservation des emails doit s'apprécier à la date de découverte des faits et qu'en toute hypothèse l'illicéité d'un moyen de preuve n'entraine pas nécessairement son rejet des débats.

A titre liminaire, la cour observe que ces demandes bien que traitées par le conseil des prud'hommes ne figurent pas au dispositif du jugement.

Dans le cas présent, la cour relève, en premier lieu, que le PV de constat d'huissier du 12 septembre 2022 s'il contient des mails qui n'auraient pas dû être conservés au regard de la charte informatique de la société, liste de manière exhaustive les mails trouvés sur la boîte professionnelle de la salariée, sans pour autant produire l'intégralité des contenus, qu'il s'agisse de mails personnels adressés sur la boîte professionnelle ou de mails professionnels adressés sur la boîte personnelle.

Il constitue le moyen pour l'employeur de justifier des transferts et par suite d'étayer les reproches formés dans la lettre de licenciement.

Si le mail personnel que la salariée a adressé sur la boîte professionnelle du 13 janvier 2022 est produit, il ne l'est pas, dans cette pièce, dans son intégralité et ne contient aucune donnée ou pièce jointe, de sorte qu'il ne porte aucunement atteinte à la vie privée de la salariée, aucun autre mail personnel adressé à la salariée' n'étant produit également.

Il ne saurait donc par suite être écarté des débats.

En second lieu, concernant plus particulièrement le courriel du 13 janvier 2022 produit dans son intégralité en pièce distincte avec pièces jointes, ce dernier porte un ordre de mutation individuel provisoire de M. [S] [V], mari de Mme [N] [M] l'affectant en Nouvelle Calédonie ainsi qu'un courrier de ce dernier sollicitant la résiliation d'un contrat auprès d'une banque compte tenu de ce déplacement.

Si l'employeur soutient qu'il est incompréhensible que cette pièce ait été écartée par les juges de première instance, il n'est ni justifié ni même soutenu par ce dernier que cette production, qui porte atteinte au droit au respect de la vie privée de Mme [N] [M] soit indispensable à l'exercice du droit de la preuve et que l'atteinte soit strictement proportionnée au but poursuivi.

Cette pièce figurant au n° 25 du bordereau de communication de pièces de l'intimé sera écartée des débats.

Sur le rappel de prime de surperformance et les congés payés y afférents

Mme [N] [M] soutient avoir réalisé ses objectifs justifiant le versement d'une prime de surperformance de 600 euros outre 60 euros de congés payés y afférents.

L'employeur s'y oppose considérant que si les objectifs de 2021 ont été effectivement atteints, elle ne remplissait pas les conditions générales pour en bénéficier.

En l'espèce, l'employeur qui reconnaît expressément dans ses écritures que la salariée a rempli ses objectifs n'établit pas, par la seule production d'une directive générale de 2020 dont il n'est pas justifié de la diffusion, qu'elle ne remplissait pas l'ensemble des conditions requises pour bénéficier de la prime.

La société Fritec sera donc condamnée à verser à Mme [N] [M] la somme de 600 euros outre 60 euros de congés payés y afférents.

Le jugement sera infirmé sur ce point

Sur le rappel de salaire et congés payés y afférents

Mme [N] [M] sollicite le bénéfice d'une rémunération correspondant au niveau 8 échelon 3 de la convention collective compte-tenu des tâches et responsabilités décrites dans l'avenant à son contrat de travail, ainsi que les congés payés y afférents.

La société Fritec s'y oppose en l'absence de tout élément de démonstration.

En l'espèce, Mme [N] [M] a été recrutée initialement en qualité de cadre, niveau 7 échelon 1 de la convention collective du commerce de gros non alimentaire pour occuper les fonctions de technico-commercial externe.

Si par avenant du 13 avril 2012, elle a évolué en qualité de responsable du service du dépôt service de [Localité 5] et a changé de niveau en passant au niveau 8 échelon 1, elle n'établit pas en quoi les attributions visées dans l'avenant relèveraient de l'échelon 3.

Mme [N] [M] sera donc déboutée de sa demande et le jugement confirmé sur ces points.

Sur les dommages et intérêts pour discrimination femme/homme

Il résulte de l'article 157 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (TFUE), un principe d'égalité des rémunérations entre travailleurs masculins et féminins et la prohibition des'discriminations'directes ou indirectes fondées sur le'sexe.

Selon les dispositions de l'article L. 3221-2 du code du travail': «'Tout employeur assure, pour un même travail ou pour un travail de valeur égale, l'égalité de rémunération entre les femmes et les hommes'».

Selon les dispositions de l'article L. 1144-1 du code du travail': «'Lorsque survient un litige relatif à l'application des dispositions des articles L. 1142-1 et L. 1142-2, le candidat à un emploi, à un stage ou à une période de formation ou le salarié présente des éléments de fait laissant supposer l'existence d'une discrimination, directe ou indirecte, fondée sur le sexe, la situation de famille ou la grossesse.

Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination.

Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.'»

Il en résulte que :

- toute discrimination de salaire fondée sur le sexe est interdite,

- par «'rémunération'», il est entendu toutes les sommes payées directement ou indirectement, en espèces ou en nature au salarié en raison de son emploi,

- par «'travail de valeur égale'», il est entendu un travail qui exige des salariés un ensemble comparable de connaissances professionnelles ou de capacités qui peuvent découler de l'expérience acquise, des responsabilités ou de la charge physique ou nerveuse liées au poste de travail.

- les salariés doivent être placés dans une situation comparable mais pas nécessairement identique.

Mme [N] [M] soutient qu'elle aurait dû bénéficier de l'échelon 3 du niveau 8 et que tous ses collègues masculins occupant le même poste étaient mieux payés.

Elle verse notamment aux débats :

- 3 correspondances du ministère du travail adressées à la société Fritec, concernant la plainte de Mme [N] [M] des 16 juin 2022, 14 septembre 2022, et 14 octobre 2022':

* la première relate la dénonciation d'une discrimination financière entre hommes et femmes par Mme [N] [M]. Elle rappelle les textes et demande à la société de lui transmettre la copie des bulletins de paie pour les années 2020 et 2021 pour les postes de responsable d'agence au sein de l'entreprise, la copie des bulletins de paie pour les années 2016 et 2017 pour les postes de chargé de clientèle et l'accord collectif portant sur l'égalité professionnelle femme/homme,

* les deux autres sont des lettres de relance avec mention des sanctions pénales associées au fait de faire obstacle à l'accomplissement des devoirs d'un agent de contrôle de l'inspection du travail,

- 1ère réponse du ministère du travail à Mme [N] [M] en date du 13 janvier 2023 (P24) lui transmettant les données traitées pour les années 2020 et 2021 avec le taux horaire des responsables d'agence, tous de niveau 8. Il est relevé que pour ces deux années, elle est la seule femme responsable d'agence. Le tableau transmis met en évidence que la salariée bénéficie d'un taux horaire de 17,308 euros. Sur les 23 responsables d'agence dont elle fait partie, 21, tous masculins, ont un taux supérieur au sien, qu'ils soient plus anciens ou moins anciens. Elle n'a pas bénéficié de prime annuelle contrairement à 20 d'entre eux, le responsable d'agence ayant le même taux qu'elle en ayant bénéficié.

- 2ème réponse du ministère du travail à Mme [N] [M] en date du 11 août 2023, établissant le récapitulatif des rémunérations de 2015 à 2021':

* 2015': ce document ne permet pas de mettre en évidence une discrimination,

* 2016': Les 16 profils présentés ne permettent pas d'établir de discrimination,

* 2017': Les trois femmes chargées de clientèle dont Mme [M], seule cadre, ont un taux horaire inférieur à celui des hommes occupant des fonctions plus ou moins anciennes, et d'égale ou de moindre importance dans le cas concernant la salariée,

* 2018': Mme [M], cadre et responsable d'agence a le plus faible taux horaire de 17,308 euros sur les 17 cadres et responsables d'agence ou assimilés, plus ou moins anciens, certains ayant au demeurant moins d'heures à effectuer par mois: 162,5 contre 169h. Son taux n'évoluera pas,

* 2019': seul un salarié cadre et responsable d'agence sur les 25 autres, dont Mme [M], ont le même taux horaire que cette dernière,

* 2020 et 2021 confirment les données d'ores et déjà transmises,

Force est donc de constater que Mme [N] [M] présente des éléments de fait laissant supposer l'existence d'une discrimination directe ou indirecte.

En réponse, l'employeur, qui ne conteste pas les données établies par le ministère du travail, fait valoir que la salariée ne démontre l'existence d'aucun préjudice et ne produit aucun élément de nature à prouver que les agissements invoqués sont justifiés par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination.

A titre liminaire, comme précédemment évoqué, si Mme [N] [M] soutient qu'elle aurait dû bénéficier de l'échelon 3, niveau 8 de la convention collective, elle ne l'établit pas.

Il résulte toutefois des éléments produits au dossier que le taux horaire de Mme [N] [M] est depuis 2017 resté le même et est inférieur depuis cette date et à une exception près, à l'ensemble des autres salariés hommes placés dans la même situation et que l'employeur n'apporte aucun élément objectif étranger à toute discrimination entre le salaire des hommes et des femmes.

Il est donc parfaitement établi, sans qu'il soit besoin de faire droit à sa demande de production de pièce sous astreinte, que la salariée a subi un traitement inégalitaire de nature à lui ouvrir droit à réparation.

La société Fritec sera condamnée à lui verser la somme de 15000 euros correspondant à une très juste appréciation du préjudice subi, au vu des pièces du dossier.

Le jugement sera infirmé sur ce point.

Sur les dommages et intérêts pour discrimination liée à l'état de santé

A titre liminaire, il convient de constater que la salariée ne sollicite qu'une indemnisation de ce chef et ne conclut pas à la nullité de son licenciement.

L'article L.1132-1 du code du travail dispose qu'aucune personne ne peut être écartée d'une procédure de recrutement ou de nomination ou de l'accès à un stage ou à une période de formation en entreprise, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, telle que définie à l'article 1er de la loi n 2008-496 du 27 mai 2008 portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations, notamment en matière de reclassement, d'affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, ou de mutation en raison de son état de santé.

En outre, il résulte de l'article L.1134-1 du même code qu'il appartient au juge du fond':

1 ) d'examiner la matérialité de tous les éléments invoqués par le salarié,

2 ) d'apprécier si les faits matériellement établis, pris dans leur ensemble, laissent supposer l'existence d'une discrimination directe ou indirecte,

3 ) dans l'affirmative, d'apprécier si l'employeur prouve que les agissements invoqués sont justifiés par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination.

Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.

Au soutien de sa demande, Mme [N] [M] fait valoir qu'elle a été licenciée pendant un arrêt maladie et que la discrimination a aggravé sa détresse psychologique.

Outre ses arrêts de travail du 11 mars 2022 au 7 mai 2022 et des attestations louant ses mérites, la salariée ne produit aucune pièce utile au soutien de ses allégations, de sorte qu'aucun élément ne laisse supposer que Mme [N] [M] a fait l'objet d'une discrimination en raison de son état de santé.

Mme [N] [M] sera donc déboutée de cette demande formée devant le conseil des prud'hommes qui a omis de statuer sur ce point.

Sur les dommages et intérêts pour violation de l'obligation de sécurité et de protection de la santé

Il résulte de l'article L. 4121-1 du code du travail que l'employeur, tenu d'une obligation de sécurité envers les salariés, doit prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs. Il ne méconnaît pas cette obligation légale s'il justifie avoir pris toutes les mesures prévues par les articles L. 4121-1 et L. 4121-2 du code du travail.

La salariée soutient que l'employeur a manqué à son obligation générale de sécurité consacrée aux articles L.4121-1 et suivants du code du travail en accentuant les pressions après avoir dénoncé des dysfonctionnements internes et des conditions de travail anormales et en empêchant la salariée de bénéficier d'une visite de reprise auprès du médecin du travail.

L'employeur s'y oppose relevant une absence de préjudice.

En l'espèce, à titre liminaire, la cour observe que la juridiction de première instance a omis de statuer sur cette demande.

Par mail du 2 mars 2022, Mme [N] [M] a alerté sa hiérarchie de ses conditions de travail. Elle évoque dans ce courrier de nombreuses difficultés et l'impact de ces difficultés sur sa santé.

Si elle soutient dans ce mail, sans l'établir, qu'elle a antérieurement prévenu sa hiérarchie verbalement, l'employeur reconnaît expressément avoir donné la parole à la salariée sur les difficultés dénoncées lors d'une réunion d'ores et déjà planifiée le 9 mars suivant et avoir abordé avec elle l'ensemble des difficultés.

L'employeur produit au dossier différentes attestations de salariés de l'entreprise qui témoignent que l'employeur n'était pas informé d'une situation grave et alarmante sur les conditions et organisations du travail des salariés de la structure.

Pour autant, force est de constater que l'ensemble des attestations relate un fonctionnement au sein de la structure dégradé depuis de nombreuses années, et justifié tant par le domaine de compétence que par la crise générée par le covid. Ces difficultés, ressenties par les salariés dont Mme [N] [M], sont partiellement confirmées par la hiérarchie, notamment par un mail du 12 septembre 2022 produit par l'employeur, lequel critique chacune des affirmations de la salariée mais en corrobore une partie.

Si ces difficultés apparaissent selon l'employeur ou certains salariés intrinsèques au milieu professionnel, ou communes à tous les salariés, elles ne sauraient exonérer l'employeur de son obligation de sécurité envers ses salariés.

Mme [N] [M], qui a dénoncé les conséquences sur sa santé de cette situation, a été placée en arrêt de travail dans les jours qui ont suivi la révélation de ses conditions de travail dégradées.

Or la réunion du 9 mars, organisée à l'initiative de l'employeur, est totalement insuffisante à établir que celui-ci a mis en 'uvre les mesures nécessaires à assurer la santé et la sécurité de la salariée.

La société Fritec sera donc condamnée à verser à la salariée la somme de 5000 euros qui constitue une juste appréciation de son préjudice au vu des pièces du dossier.

Sur les dommages et intérêts pour violation des conditions cumulatives de collecte des données en application du Règlement général sur la protection des données (RGPD)

Au soutien de sa demande de dommages et intérêts, Mme [N] [M] fait valoir que l'employeur ne l'a pas informée préalablement de l'identité du responsable du traitement des données, pas plus que des modalités d'exercice de ses droits, qu'il a conservé des mails de la salariée transférés sur la boîte professionnelle en violation de sa propre charte informatique.

Pour s'y opposer, la société Fritec fait valoir qu'aucun traitement de données à caractère personnel n'est mis en cause et que la salariée n'apporte pas la preuve d'un préjudice.

Le procès-verbal d'huissier produit par l'employeur, pour justifier le licenciement de la salariée dont la procédure a été initiée le 21 mars 2022, décompte les mails de la salariée bien antérieurs au mois d'octobre 2021, soit un temps de conservation des données supérieur au délai maximum prévu par la charte informatique laquelle prévoit que «'la messagerie électronique ne sera conservée sur le serveur concerné de l'entreprise que pour une durée courte déterminée par l'administrateur mais ne pouvant excéder 6 mois. Au-delà de cette date, les messages seront effacés sauf avis contraire donné par l'utilisateur qui demanderait une prolongation expresse à l'administrateur'».

Aucun autre document ne permet par ailleurs de confirmer que la salariée a été informée préalablement de l'identité du responsable du traitement des données et des modalités d'exercice de ses droits, dont le droit à rectification.

Il s'ensuit un préjudice pour la salariée, qui au vu des pièces produites et de l'utilisation des courriels par l'employeur, doit être évalué à la somme de 1000 euros.

Le jugement déféré sera infirmé sur ce point.

Sur les dommages et intérêts pour violation de la vie privée et du secret des correspondances sur le fondement des articles 9 du code civil et 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales

Il résulte des articles 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l''homme'et des libertés fondamentales, 9 du code civil et L. 1121-1 du'code du travail'que le salarié a droit, même au temps et au lieu de travail, au respect de l'intimité de sa vie privée. Celle-ci implique en particulier le secret des correspondances. L'employeur ne peut dès lors, sans violation de cette liberté fondamentale, utiliser le contenu des messages personnels émis par le salarié et reçus par lui grâce à un outil informatique mis à sa disposition pour son travail, pour le sanctionner.

Ensuite, il résulte des articles L. 1234-1, L. 1234-5 et L. 1234-9 du'code du travail, qu'un motif tiré de la vie personnelle du salarié ne peut justifier, en principe, un'licenciement'disciplinaire, sauf s'il constitue un manquement de l'intéressé à une obligation découlant de son contrat de travail.

Le caractère illicite du motif du'licenciement'fondé, même en partie, sur le contenu de messages personnels émis par le salarié grâce à un outil informatique mis à sa disposition pour son travail, en violation du droit au respect de l'intimité de sa vie privée, liberté fondamentale, entraîne à lui seul la nullité du'licenciement.

Cependant dans le cas d'espèce la salariée ne sollicite nullement la nullité de son licenciement de ce chef.

Enfin, la seule constatation de l'atteinte à la vie privée ouvre droit à réparation.

Mme [N] [M] soutient que l'employeur a violé sa vie privée et le secret des correspondances, outre la charte informatique et le règlement général sur la protection des données, en évoquant dans sa lettre de licenciement et en le produisant, un courrier de son mari, militaire.

La société Fritec s'y oppose objectant qu'il peut utiliser des échanges ayant un lien avec l'activité professionnelle, que le transfert des données constitue un manquement grave à ses obligations professionnelles et qu'en toute hypothèse l'illicéité d'un moyen de preuve ne justifie pas nécessairement son rejet, dès lors que sa production est indispensable.

En l'espèce, la lettre de licenciement mentionne expressément que': «'Le 13/01/2022 à 10 heures 14 (concomitamment donc au transfert en masse des informations et données professionnelles à votre adresse Email privée), vous vous êtes transféré un email de votre conjoint ([S] [G]) contenant son ordre de mutation en Nouvelle Calédonie (daté du 24/11/2021) avec changement de résidence à compter du 21/07/2022, ainsi qu'une lettre de résiliation anticipée du contrat LOA de son véhicule personnel.

Ainsi, alors que votre déménagement en outremer est imminent et qu'il devrait s'accompagner de votre démission, il apparaît clairement que votre comportement artificiel n'est effectivement que tentative de supercherie, mascarade, manigances et tromperies dont l'objet est de faire imputer faussement à la société FRITEC la responsabilité à ses torts d'une rupture de votre contrat de travail ou de provoquer votre licenciement que vous appelez de vos v'ux (que vous vous êtes d'ores et déjà empressée de contester devant le Conseil de prud'hommes alors qu'il vous est seulement notifié aujourd'hui !).'»

Comme évoqué plus haut, le mail avec pièces jointes, figurant en pièce 25 de l'intimé, a été écarté comme portant atteinte à la vie privée de la salariée.

Il n'est pas contesté que ce courriel et les pièces jointes, ouverts par l'employeur provenaient d'une adresse privée et que les contenus ont été retranscrits dans la lettre de licenciement à l'appui d'un grief.

Malgré la connaissance par l'employeur du caractère personnel de ce courriel, certes présent dans la messagerie professionnelle mais provenant de l'adresse mail personnelle de la salariée, il a décidé d'exploiter les données personnelles de la salariée au détriment de son droit à la vie privée, ce qui a nécessairement causé un préjudice à Mme [M] qui sera évalué, au vu des pièces et des circonstances de l'espèce à la somme de 3'000 euros.

Le jugement déféré sera infirmé sur ce point.

Sur la rupture du contrat de travail

> Sur le licenciement

En application de'l'article L. 1121-1 du'code du travail'et de l'article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales, est nul comme portant atteinte à une liberté fondamentale constitutionnellement garantie, le licenciement intervenu en raison d'une action en justice introduite ou susceptible d'être introduite par le salarié à l'encontre de son employeur. Le caractère illicite du motif du licenciement prononcé, même en partie, en raison de l'exercice du droit d'agir en justice entraîne à lui seul la nullité du licenciement.

Lorsque les faits invoqués dans la lettre de licenciement caractérisent a priori une cause réelle et sérieuse de licenciement, il appartient au salarié de démontrer que la rupture de son contrat de travail constitue une mesure de rétorsion à une action en justice introduite pour faire valoir ses droits.

En revanche, le grief, s'il figure en tant que tel dans la lettre de licenciement, est constitutif d'une atteinte à une liberté fondamentale et entraîne à lui seul la nullité du licenciement. Il importe peu que la voie de droit introduite par le salarié ne soit pas fondée, du moins lorsque l'employeur ne parvient pas à établir que sa décision est justifiée par des éléments étrangers à toute volonté de sanctionner l'exercice, par le salarié, de son droit d'agir en justice.

Mme [N] [F] soutient que son licenciement est nul pour avoir été prononcé en violation du droit constitutionnel d'ester en justice et du droit fondamental à la liberté d'expression.

La société Fritec s'y oppose et relève que l'action en justice n'est pas le motif du licenciement lequel figure avant la parenthèse et rappelle la date de convocation à l'entretien préalable, laquelle est antérieure à la saisine prud'homale.

En l'espèce, la lettre de licenciement énonce en des termes clairs et dénués d'ambiguïté': «'(') Ainsi, alors que votre déménagement en outremer est imminent et qu'il devrait s'accompagner de votre démission, il apparaît clairement que votre comportement artificiel n'est effectivement que tentative de supercherie, mascarade, manigances et tromperies dont l'objet est de faire imputer faussement à la société FRITEC la responsabilité à ses torts d'une rupture de votre contrat de travail ou de provoquer votre licenciement que vous appelez de vos v'ux (que vous vous êtes d'ores et déjà empressée de contester devant le Conseil de prud'hommes alors qu'il vous est seulement notifié aujourd'hui !).

Votre dénonciation de façade de vos conditions de travail et toutes autres allégations par lesquelles vous vous octroyez un rôle de victime, si elles restaient incompréhensibles se révèlent, sans surprise, avoir été autant de mensonges éhontés destinés à servir votre cause. Il ne saurait être toléré qu'une collaboratrice manque autant à son obligation de loyauté en agissant par pure stratégie avec une absolue mauvaise foi sans encourir, de ce seul chef, la plus grave des sanctions.

Eu égard aux faits et griefs relatés ci-dessus, nous sommes dans l'obligation de constater que toute continuation de votre contrat de travail est devenue impossible et de prendre à votre encontre la présente mesure de licenciement pour faute grave. (') ».

La lecture de ce courrier démontre que l'employeur reproche expressément à la salariée d'avoir entamé une procédure judiciaire à l'encontre de la société, procédure qui au vu de la chronologie des évènements (alerte sur les conditions de travail par mail le 2 mars 2022, confirmation de la dénonciation des conditions de travail dans le cadre d'une réunion collective le 9 mars 2022, arrêt de travail du 11 mars 2022, convocation à entretien préalable le 21 mars 2022, réitération de la dénonciation des conditions de travail le 22 mars 2022, mise à pied à titre conservatoire à compter du 25 mars 2022, saisine du conseil des prud'hommes le 31 mars 2022) n'est nullement abusive.

La référence explicite dans la lettre de rupture à la procédure contentieuse diligentée par Mme [N] [M] constitue une atteinte à la liberté fondamentale d'ester en justice, entraînant à elle seule la nullité du licenciement prononcé, sans qu'il y ait lieu de statuer sur le moyen tiré de la liberté d'expression.

Le jugement déféré sera donc infirmé sur ce point.

> Sur les conséquences de la nullité du licenciement

> Sur la réintégration

Par principe, le droit à réintégration est acquis au salarié dont le licenciement est déclaré nul.

Lorsque le salarié demande sa réintégration sur le fondement de la nullité de son licenciement, l'employeur doit justifier son refus en apportant des éléments de nature à caractériser l'impossibilité matérielle dans laquelle il se trouve de réintégrer le salarié dans son emploi ou, à défaut, dans un emploi équivalent.

Si la réintégration est impossible ou si le salarié renonce à sa réintégration, lui est accordée en lieu et place une indemnisation';

En l'espèce, Mme [N] [M] demande que soit ordonnée sa réintégration au sein de la société Fritec.

La société Fritec qui conteste la nullité du licenciement ne fait valoir aucune observation particulière sur cette demande et ne fait état d'aucun élément factuel et récent démontrant, pour elle, l'impossibilité matérielle de réintégrer la salariée dans son emploi ou dans un emploi équivalent.

Il sera dès lors fait droit à sa demande de réintégration. Le jugement sera infirmé sur ce point.

> Sur l'indemnité d'éviction et congés payés afférents'

Dans la mesure où la nullité du'licenciement'résulte de la violation d'une liberté fondamentale constitutionnellement garantie, le salarié qui demande sa'réintégration'a droit au paiement d'une indemnité égale au montant de la'rémunération'qu'il aurait dû percevoir entre son éviction de l'entreprise et sa'réintégration', sans déduction des éventuels revenus de remplacement dont il a pu bénéficier pendant cette période.

Cette période doit être assimilée à une période de travail effectif aux fins de la détermination des droits au congé annuel payé.

Il en résulte qu'il y a lieu de juger désormais, en application de la jurisprudence européenne que, sauf lorsque le salarié a occupé un autre emploi durant la période d'éviction comprise entre la date du licenciement nul et celle de la réintégration dans son emploi, il peut prétendre à ses droits à congés payés au titre de cette période en application des dispositions des articles L. 3141-3 et L.3141-9 du code du travail.

Mme [N] [M] sollicite la somme de 133.673,28 euros d'indemnité d'éviction correspondant à la rémunération depuis le 5 mai 2022, date du licenciement jusqu'au 5 mai 2025, somme à parfaire en fonction de la date de réintégration effective, sur la base d'un salaire mensuel brut moyen de 4154 euros, dont il demande la fixation.

La société Fritec, qui évalue le salaire moyen de la salariée à 3512 euros voire 3632,50 euros, s'y oppose.

En l'espèce, à la date de la présente décision, , elle a donc vocation à percevoir une indemnité d'éviction s'élevant à 148932,50 euros, outre 14'893,25 euros pour les congés payés y afférents, sur la base d'un salaire mensuel de référence fixé à la somme de 3632,50 euros, la somme réclamée par la salariée étant à parfaire.

Sur les demandes accessoires

> Sur les organismes sociaux

Aux termes de l'article L. 1235-4 du code du travail, dans les cas prévus aux articles L. 1132-4, L. 1134-4, L. 1144-3, L. 1152-3, L. 1153-4, L. 1235-3 et L. 1235-11, le juge ordonne le remboursement par l'employeur fautif aux organismes intéressés de tout ou partie des indemnités de chômage versées au salarié licencié, du jour de son'licenciement'au jour du jugement prononcé, dans la limite de six mois d'indemnités de chômage par salarié intéressé. Ce remboursement est ordonné d'office lorsque les organismes intéressés ne sont pas intervenus à l'instance ou n'ont pas fait connaître le montant des indemnités versées.

Il y a donc lieu de dire que l'employeur devra rembourser Pôle Emploi, devenu France travail, à hauteur de six mois d'indemnités.

> Sur les intérêts

Il n'y a pas lieu de déroger aux dispositions des articles 1231-6 et 1231-7 du code civil en application desquelles les créances salariales produisent intérêts au taux légal à compter de la réception par l'employeur de la convocation devant le conseil de prud'hommes et les créances indemnitaires produisent intérêts au taux légal à compter du prononcé de la décision en fixant tout à la fois le principe et le montant, la capitalisation des intérêts étant ordonnée conformément aux dispositions de l'article 1343-2.

> Sur la transmission du bulletin de paie afférent aux condamnations ainsi que les documents de rupture rectifiés

La société intimée devra délivrer à Mme [N] [M] un bulletin de salaire récapitulatif des sommes allouées ainsi qu'une attestation France Travail (anciennement Pôle Emploi) rectifiés en considération des condamnations prononcées et ce, dans le délai de deux mois à compter de la signification de la présente décision.

> Sur les dépens et frais irrépétibles

L'employeur qui succombe sera condamné aux dépens de première instance et d'appel.

Il apparaît équitable en l'espèce de condamner la SAS Fritec à payer à Mme [N] [M] la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel.

PAR CES MOTIFS

La Cour, après en avoir délibéré, statuant publiquement, par arrêt contradictoire et en dernier ressort

Infirme le jugement du conseil de prud'hommes de Pau en date du 24 avril 2023 sauf en ce qu'il a débouté Mme [N] [M] de'sa demande de'rappel de salaire et de congés payés y afférents, et a condamné la société au titre de l'article 700 du code de procédure civile ,

Et statuant à nouveau sur les chefs infirmés et y ajoutant,

Déboute Mme [N] [M] de sa demande de voir écarter des débats le procès-verbal de constat d'huissier du 12 septembre 2022, pièce 17,

Ecarte des débats le courriel du 13 janvier 2022 et son contenu produit par la société Fritec pièce 25,

Dit que le licenciement de Mme [N] [M] est nul,

Ordonne la réintégration de Mme [N] [M],

Fixe la rémunération à prendre en compte pour le calcul des indemnités à la somme de 3632,50 euros bruts mensuels,

Condamne la société par actions simplifiée Fritec à payer à Mme [N] [M] les sommes suivantes :

* 148'932,50 euros d'indemnité d'éviction correspondant à la rémunération depuis le 5 mai 2022, date du licenciement jusqu'à la date de la présente décision,

* 14'893,25 euros d'indemnité compensatrice de congés acquis pendant la période illicite d'éviction,

* 600 euros de rappel de prime de surperformance et 60 euros de congés afférents,

* 15.000 euros de dommages-intérêts pour discrimination femme/homme,

* 5 000 euros de dommages-intérêts pour violation de l'obligation de sécurité et de protection de la santé,

* 1.000 euros de dommages-intérêts pour violation des conditions cumulatives de collecte des données en application du Règlement général sur la protection des données,

* 3000 euros de dommages-intérêts pour violation de la vie privée et du secret des correspondances,

Déboute Mme [N] [M] de sa demande de dommages et intérêts pour discrimination liée à l'état de santé,

Rappelle que les créances salariales portent intérêts au taux légal à compter de la réception par l'employeur de sa convocation devant le conseil de prud'hommes tandis que les créances indemnitaires portent intérêts au taux légal à compter de la décision en fixant tout à la fois le principe et le montant, la capitalisation des intérêts étant ordonnée conformément aux dispositions de l'article 1343-2 du code civil,

Dit que la société par actions simplifiée Fritec devra délivrer à Mme [N] [M] un bulletin de salaire récapitulatif des sommes allouées ainsi qu'une attestation France Travail rectifiés en considération des condamnations prononcées et ce, dans le délai de deux mois à compter de la signification de la présente décision,

Ordonne le remboursement par la société par actions simplifiée Fritec à France Travail des indemnités de chômage éventuellement versées à Mme [N] [M] depuis son licenciement dans la limite de 6 mois d'indemnités,

Condamne la société par actions simplifiée Fritec aux entiers dépens et à payer à Mme [N] [M] la somme de 2500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Arrêt signé par Madame CAUTRES-LACHAUD, Présidente, et par Madame LAUBIE, greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LA GREFFIÈRE, LA PRÉSIDENTE,

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