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Décisions

CA Caen, 3e ch. civ., 2 octobre 2025, n° 24/01973

CAEN

Arrêt

Autre

CA Caen n° 24/01973

2 octobre 2025

AFFAIRE : N° RG 24/01973 -

N° Portalis DBVC-V-B7I-HPDM

ARRET N° 309

ORIGINE : Décision du Juge aux affaires familiales d'[Localité 8] du 20 juin 2024

RG n° 23/00069

COUR D'APPEL DE CAEN

TROISIÈME CHAMBRE CIVILE

ARRET DU 02 OCTOBRE 2025

APPELANTE :

Madame [K] [Y]

née le [Date naissance 3] 1981 à [Localité 11]

[Adresse 5]

[Adresse 9]

[Localité 6]

assistée de Me Stéphanie LELONG, avocat au barreau d'ALENCON.

INTIMÉ :

Monsieur [E] [A]

née le [Date naissance 4] 1981 à [Localité 11]

[Adresse 2]

[Localité 6]

assisté de Me Guillaume CHESNOT, avocat au barreau d'ALENCON.

DÉBATS : A l'audience publique du 24 juin 2025, où l'affaire a été mise en délibéré au 02 Octobre 2025, sans opposition du ou des avocats, Madame LOUGUET, Conseillère, a entendu seule les plaidoiries et en a rendu compte à la cour dans son délibéré.

GREFFIÈRE : Mme FLEURY

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

M. GARET, Président de chambre,

Mme DE CROUZET, Conseillère,

Madame LOUGUET, Conseillère,

ARRET prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 02 octobre 2025 et signé par M. GARET, président, et Mme GUIBERT, greffière.

FAITS ET PROCÉDURE

Mme [K] [Y] et M. [E] [A] ont conclu un PACS enregistré le 19 août 2009 au greffe du tribunal de grande instance d'Alençon, optant pour le régime de l'indivision des biens qu'ils ont acquis ensemble ou séparément à compter de l'enregistrement du pacte.

Leur PACS a été rompu par déclaration conjointe en date du 12 mai 2020.

Faisant suite à l'assignation délivrée à la requête de Mme [Y], le juge aux affaires familiales du tribunal judiciaire d'Alençon a pour l'essentiel, par jugement du 20 juin 2024 :

- ordonné qu'il soit procédé aux opérations de comptes, liquidation et partage des intérêts patrimoniaux des parties ;

- désigné pour y procéder Me [T], notaire à [Localité 8], et le juge commis ;

- débouté Mme [Y] de sa demande d'indemnité d'occupation pour le bien sis à [Adresse 22]) ;

- condamné Mme [Y] à verser à l'indivision une indemnité d'occupation pour le bien sis à [Localité 15] à compter du 22 octobre 2020 et jusqu'au jour le plus près du partage ;

- dit qu'il appartiendra au notaire de procéder ou faire procéder à l'estimation de la valeur locative du bien situé à [Localité 13] [Adresse 1] référencé au cadastre section A n°[Cadastre 7], au jour le plus près du partage ;

- fixé à l'égard de l'indivision une créance dont est titulaire M. [A] au titre des travaux d'amélioration effectués sur le bien sis [Adresse 14] ;

- dit qu'il appartiendra au notaire commis d'évaluer cette créance et, si nécessaire, l'a autorisé à s'adjoindre les conseils d'un sapiteur à cette fin ;

- débouté Mme [Y] de sa demande de dommages et intérêts ;

- débouté les parties de leurs demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- dit que les dépens seront employés en frais privilégiés de partage.

Par déclaration reçue au greffe de la cour le 31 juillet 2024, Mme [Y] a interjeté appel de cette décision.

Elle a notifié ses dernières conclusions d'appelante le 17 juin 2025, M. [A] les siennes le 20 janvier 2025.

C'est en cet état que la clôture a été prononcée par ordonnance du 24 juin 2025, et l'affaire évoquée à l'audience de plaidoirie du même jour.

MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

Mme [Y] demande à la cour de :

- infirmer le jugement rendu le 20 juin 2024 en ce qu'il a :

* débouté Mme [Y] de sa demande d'indemnité d'occupation à charge de M. [A] pour le bien sis à [Adresse 22]) ;

* condamné Mme [Y] à verser à l'indivision une indemnité d'occupation pour le bien sis à [Localité 15] à compter du 22 octobre 2020 et jusqu'au jour le plus près du partage ;

* fixé à l'égard de l'indivision une créance dont est titulaire M. [A] au titre des travaux d'amélioration effectués sur le bien sis [Adresse 14] et dit qu'il appartiendra au notaire commis d'évaluer cette créance et, si nécessaire, l'a autorisé à s'adjoindre les conseils d'un sapiteur à cette fin ;

* débouté Mme [Y] de sa demande de dommages et intérêts et de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Statuant à nouveau :

- condamner M. [A] à payer à Mme [Y] la somme de 5.000 euros à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive ;

- constater que M. [A] est redevable d'une indemnité d'occupation de 700 euros par mois pour le bien sis à [Localité 20], compte tenu de sa jouissance exclusive de juin 2020 à décembre 2022 ;

- débouter M. [A] de sa demande de créance à l'encontre de l'indivision pour l'amélioration de l'immeuble sis sur le commune de [Localité 13], et de l'intégralité de ses prétentions plus amples ou contraires ;

- condamner M. [A] à payer à Mme [Y] une somme de 3.500 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

Au contraire, M. [A] demande à la cour de :

- déclarer irrecevables les pièces adverses n°28 et 29 ;

- confirmer le jugement en toutes ses dispositions ;

Par conséquent,

- débouter Mme [Y] de sa demande de voir fixer une indemnité d'occupation à la charge de M. [A] pour le bien sis à [Adresse 21] ;

- condamner Mme [Y] au paiement d'une indemnité d'occupation pour le bien immobilier sis à [Localité 13] à compter du 22 octobre 2020 jusqu'à la date du partage, dont le montant sera fixé par le notaire ;

- juger que M. [A] dispose d'une créance à l'encontre de l'indivision pour le financement des travaux d'amélioration de l'immeuble sis sur la commune de [Localité 13] et juger qu'il appartiendra au notaire commis d'évaluer cette créance et, si nécessaire, l'autoriser à s'adjoindre les conseils d'un sapiteur à cette fin ;

- débouter Mme [Y] de l'intégralité de ses prétentions plus amples ou contraires ;

Y ajoutant,

- condamner Mme [Y] à verser à M. [A] une somme de 2.500 euros au titre des frais irrépétiles pour la procédure d'appel ;

- dire que les dépens de l'instance seront employés en frais privilégiés de partage.

En application de l'article 455 du code de procédure civile, la cour se réfère, pour un plus ample exposé des prétentions et des moyens des parties, à leurs dernières conclusions susvisées.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur l'indemnité d'occupation afférente au bien indivis sis [Adresse 21] :

Pour débouter Mme [Y] de sa demande d'une indemnité d'occupation à la charge de M. [A] à compter de juin 2020, date selon elle de la jouissance exclusive par ce dernier du bien sis à [Localité 20], jusqu'à décembre 2022, le premier juge a retenu :

- que M. [A] justifie par plusieurs attestations que la maison de [Localité 20] est inhabitée depuis la séparation du couple, M. [A] s'y rendant occasionnellement afin d'entretenir le bien ;

- que suivant un échange de mails daté du 13 juin 2021, Mme [Y] indique elle-même s'être rendue à la maison de [Localité 20] afin d'y récupérer des affaires, ce à quoi M. [A] répond qu'elle peut passer quand elle souhaite puisqu'elle en a l'accès ;

- qu'ainsi, à défaut de jouissance privative, il n'y a pas lieu de fixer une indemnité d'occupation concernant le bien sis [Adresse 19] [Localité 16] [Adresse 10].

Mme [Y] sollicite l'infirmation de ce chef du jugement et réitère sa demande de voir fixer à la charge de M. [A] une indemnité d'occupation de 700 euros par mois au titre de sa jouissance privative de la maison de [Localité 20].

Elle soutient à cet effet :

- que M. [A] ne peut légitimement prétendre qu'il disposait d'un autre logement depuis le 16 mai 2020 en l'absence de justificatifs en ce sens ;

- qu'elle-même ne pouvait se rendre au domicile de [Localité 20] librement et devait attendre l'accord de M. [A] voire sa présence ;

- que les attestations produites émanant de M. [X] et sa compagne qui témoignent que la maison est inhabitée sont de pure complaisance, les maisons des attestants d'une part et des parties d'autre part étant très éloignées l'une de l'autre ;

- que les factures [12] et d'eau confirment que la maison était habitée non plus par quatre personnes, mais par une personne.

Au contraire, M. [A] conteste devoir une quelconque indemnité d'occupation au titre de sa jouissance de l'immeuble indivis et sollicite par conséquent la confirmation de ce chef du jugement, faisant essentiellement valoir :

- qu'il justifie d'un bail d'habitation pour un appartement à [Localité 25] depuis le 16 mai 2020 ;

- que les factures de consommation électrique montrent clairement une baisse à compter de janvier 2020 puis de juin 2020 suite au départ des occupants, le maintien d'une consommation étant justifiée par la nécessité de chauffer la maison en hiver, et par l'existence des deux ballons d'eau chaude ainsi que de divers appareils électriques tels que le réfrigérateur, le nettoyeur ... ;

- qu'il en va de même de la facture d'eau révélant une chute de la consommation entre 2019 et 2020 ;

- que Mme [Y] avait d'ailleurs donné son accord dans la convention parentale pour participer à ces frais résiduels sur présentation des factures, ce qui supposait que ces consommations ne correspondent pas à une occupation quotidienne du bien par M. [A] seul ;

- qu'il ne se rend dans cette maison qu'afin de procéder à l'entretien nécessaire à sa conservation alors que Mme [Y] est libre d'y venir aussi comme elle le souhaite et a pu le faire à plusieurs reprises ;

- qu'au surplus, Mme [Y] fixe arbitrairement le montant de l'indemnité d'occupation qu'elle réclame à la somme de 700 euros par mois sans aucune explication.

Sur ce, la cour rappelle que selon l'article 815-9 du code civil pris en son second alinéa, l'indivisaire qui use ou jouit privativement de la chose indivise est, sauf convention contraire, redevable d'une indemnité.

A titre liminaire, il convient de relever que M. [A] demande, dans le dispositif de ses dernières conclusions, de déclarer irrecevables les attestations n°28 et 29 produites par Mme [Y] faute pour celles-ci de respecter toutes les mentions prescrites par l'article 202 du code de procédure civile. Or, la cour observe que ces éventuelles carences ne sauraient conduire au prononcé de l'irrecevabilité de ces pièces, devant seulement être prises en compte par la juridiction pour en évaluer la force probante.

En conséquence, il n'y a pas lieu de déclarer les pièces n°28 et 29 de Mme [Y] irrecevables.

En l'espèce, il ressort des éléments du dossier :

- que M. [A] justifie avoir conclu un bail d'habitation pour un appartement meublé sis [Adresse 23] à [Localité 25] à effet du 16 mai 2020, puis pour un autre appartement sis [Adresse 18], toujours à [Localité 25], à compter du 1er mars 2021, démontrant ainsi disposer d'un autre lieu de résidence que la maison indivise de [Localité 20] depuis le 16 mai 2020 ;

- que Mme [I] [L], maire de [Localité 20], atteste le 21 mars 2023 que l'immeuble indivis de Mme [Y] et M. [A] sis dans sa commune est inoccupé depuis janvier 2021 et que l'entretien est effectué régulièrement par M. [A], ce qui est confirmé par le voisin le plus proche, M. [X], qui, s'il n'a pas une vue permanente sur la maison, est en mesure de se rendre compte de la présence ou non de résidants, et qui indique également que la maison n'est plus habitée depuis la séparation du couple, M. [A] venant occasionnellement pour y effectuer l'entretien extérieur ;

- que les factures [12] et eau produites montrent une baisse significative des consommations à compter de 2020, sans qu'il puisse être déterminé si les consommations persistantes correspondent à une consommation quotidienne par une seule personne au lieu de quatre précédemment, ou seulement à une consommation occasionnelle liée aux travaux d'entretien de la maison, et notamment la nécessité de chauffer la maison un minimum l'hiver afin d'éviter qu'elle se dégrade ;

- que lors d'un échange de mails le 13 juin 2021, Mme [Y] informe M. [A] qu'elle est allée à [Localité 20] avec les filles pour récupérer des affaires, ce à quoi M. [A] répond qu'elle peut passer quand elle le souhaite dans leur maison dont elle a l'accès, ce qui tend à démontrer que Mme [Y] est en mesure d'accéder à la maison au même titre que M. [A] et donc à exclure l'existence d'une jouissance privative du bien par ce dernier ;

- que suivant attestation de visite rédigée par M. [N] [H], maire de [Localité 20], laquelle n'est d'ailleurs pas signée, il apparaît que celui-ci a accompagné Mme [Y] à son ancien logement sis à [Localité 20] le 30 décembre 2021 pour y récupérer des affaires, M. [A] étant arrivé peu de temps après eux, et que la présence d'un tiers et de M. [A] se justifiait, non pas par l'impossibilité de Mme [Y] d'accéder seule au bien mais par l'objectif de cette visite qui consistait pour Mme [Y] à reprendre des affaires de manière contradictoire pour éviter les conflits avec M. [A] par la suite ; qu'il convient d'observer en outre que si l'attestant relève que du linge était étendu dans la pièce de vie, il indique que la maison n'était pas chauffée, ce qui est incompatible avec une occupation habituelle du bien à cette saison ;

- que le 03 décembre 2021, les parties ont signé un accord prévoyant le paiement par M. [A] des factures d'eau et d'[12] de la maison de [Localité 20] ainsi que la participation de Mme [Y] sur présentation des factures, ce qui ne peut se justifier que par le fait qu'il s'agisse de consommations résiduelles et non de consommations liées à l'occupation privative et permanente du logement par M. [A] ;

- que l'écrit de Mme [D] [V] en date du 16 juillet 2024 par lequel celle-ci certifie sur l'honneur que M. [A] résidait à [Localité 20] de juin 2020 à décembre 2022 sans aucune autre précision ne respecte pas les formes de l'article 202 du code de procédure civile et ne saurait constituer une preuve suffisante de la jouissance privative du bien par M. [A] postérieurement au mois de juin 2020 ;

- que les attestations de Mme [F] qui certifie que sa fille a été invitée à passer un week-end chez sa copine [J] [A] à une période où son père résidait à [Localité 20] les 05 et 06 février 2022, et de Mme [C] qui témoigne avoir vu [J] et [W] jouer dans le jardin de leur maison située à [Localité 20] durant des week-ends sur la période de 2020-2022, n'établissent pas davantage que M. [A] avait seul la jouissance dudit bien indivis alors qu'il reconnaît qu'il pouvait s'y rendre occasionnellement pour effectuer l'entretien.

Au regard de l'ensemble de ces éléments, c'est à juste titre que le premier juge a considéré que Mme [Y] ne démontrait pas que M. [A] avait la jouissance privative du biens indivis sis [Localité 20] de juin 2020 à décembre 2022.

Le jugement sera donc confirmé en ce qu'il a débouté Mme [Y] de sa demande en fixation d'une indemnité d'occupation à la charge de M. [A] pour son occupation privative de ce bien.

Sur l'indemnité d'occupation afférente au bien indivis sis [Adresse 14] :

Pour mettre à la charge de Mme [Y] une indemnité d'occupation concernant le bien de [Localité 13] à compter du 22 octobre 2020, dont les mensualités seront fixées dans le cadre des opérations de liquidation et partage devant le notaire désigné, le premier juge a retenu :

- que M. [A] a informé Mme [Y] le 22 octobre 2020 de ce qu'il avait perdu les clés du logement de [Localité 13], proposant à défaut d'obtenir un double des clés de remplacer les canons et de déposer le double dans la boîte aux lettres de Mme [Y] qui n'a toutefois pas répondu à cette proposition ;

- que Mme [Y] étant la seule détentrice des clés permettant d'accéder à ce logement, elle en avait la jouissane privative.

Mme [Y] s'oppose à la fixation à sa charge d'une telle indemnité, faisant valoir pour l'essentiel :

- qu'elle n'a jamais occupé ce bien, et encore moins de manière privative, les parties ayant convenu notamment dans le cadre de la médiation de résilier les compteurs d'eau, [12] et tout à l'égoût de la maison de [Localité 13] ;

- que M. [A] savait que la mère de Mme [Y] disposait d'un double des clés qu'elle tenait à sa disposition.

Au contraire, M. [A] sollicite la confirmation du principe d'une indemnité d'occupation mise à la charge de Mme [Y] pour la maison de [Localité 13], faisant observer :

- que Mme [Y] avait l'usage exclusif dudit bien indivis, peu important qu'elle n'y résidait pas, puisqu'en effet, depuis le 22 octobre 2020, M. [A] ne dispose plus des clés de cette maison, les ayant perdues ;

- qu'à plusieurs reprises, il a sollicité Mme [Y] pour qu'elle l'autorise à faire un double afin qu'il puisse accéder aux lieux et vérifier le bon état du bien, ce en vain, Mme [Y] s'y étant toujours opposée et l'ayant même menacé de représailles judiciaires s'il tentait d'y pénétrer sans son accord ;

- que lors de la médiation, il avait demandé le double des clés, que Mme [Y] ne lui a jamais transmis, sauf enfin le 05 septembre 2024 par l'intermédiaire de la médiation de la [17], alors que la possession des clés par un seul des indivisaires présume l'occupation exclusive du bien.

Sur ce, la cour rappelle que selon l'article 815-9 du code civil pris en son second alinéa, l'indivisaire qui use ou jouit privativement de la chose indivise est, sauf convention contraire, redevable d'une indemnité.

En l'espèce, il ressort des éléments du dossier :

- que M. [A] a informé Mme [Y], par SMS du 22 octobre 2020, qu'il avait perdu les clés de la maison de [Localité 13] et qu'il souhaitait faire un double ;

- que si Mme [M], mère de Mme [Y], atteste le 16 septembre 2021 qu'elle a toujours eu en sa possession un jeu de clés de la maison de [Localité 13] mis à disposition de sa fille et de M. [A] comme convenu avec eux depuis le début des travaux mais que M. [A] ne s'est jamais manifesté pour les utiliser, Mme [Y] ne justifie pas avoir proposé à M. [A] de récupérer ce jeu de clés ;

- que finalement, ce n'est que le 05 septembre 2024 que M. [A] a récupéré les clés de la maison de [Localité 13], Mme [Z], médiatrice familiale de la [17], attestant ce même jour que Mme [Y] a confié à M. [A] les clés de la maison de [Localité 13] ;

- que si Mme [Y] et M. [A] ont convenu le 03 décembre 2021, dans le cadre d'accords parentaux, de la coupure des compteurs eau, [12] et tout à l'égoût de la maison de [Localité 13], aucun justificatif de la mise en oeuvre concrète de cette disposition conventionnelle n'est produit.

Aussi et au regard de l'ensemble de ces éléments, Mme [Y] ayant eu la jouissance du bien de manière exclusive entre le 22 octobre 2020 et le 05 septembre 2024, il y a lieu de mettre à sa charge une indemnité d'occupation au titre de cette période dont le montant sera à déterminer par le notaire commis, en tenant compte néanmoins s'il y a lieu de la coupure des alimentations en eau et électricité qui ont pu limiter considérablement les possibilités d'occupation du bien.

Le jugement sera donc réformé uniquement quant à la durée de cette indemnité d'occupation due par Mme [Y], celle-ci étant due du 22 octobre 2020 jusqu'au 05 septembre 2024 seulement.

Sur la créance revendiquée par M. [A] à l'encontre de l'indivision au titre des travaux d'amélioration du bien sis à [Localité 13] :

M. [A] revendique, au visa de l'article 815-13 du code civil, une créance à l'encontre de l'indivision au titre des travaux d'amélioration de l'immeuble indivis de [Localité 13] qu'il a assumés seul.

Il explique à cet effet :

- qu'il a réalisé et payé, pour un montant total de près de 40.000 euros, des travaux d'amélioration de la grange de [Localité 13], le couple ayant pour projet de la transformer en gîte rural, alors que Mme [Y] prétend de son côté qu'il s'agissait d'une résidence secondaire pour la famille ;

- qu'il produit une partie des factures de ces travaux et justifie avoir souscrit pour les financer un crédit à la consommation en 2017 à hauteur de 24.938 euros qu'il a ensuite remboursé par prélèvement sur son compte bancaire ;

- que la maison a pris de la valeur puisqu'étant évaluée à 20.000 euros lorsque les partenaires se sont accordés pour en partager la propriété par moitié, elle est estimée désormais entre 90.000 et 130.000 euros ;

- que par ailleurs, M. [A] participait aux autres charges dont le règlement du crédit immobilier de la maison de [Localité 20] puisqu'il versait chaque mois 900 euros sur le compte joint du couple en plus du crédit travaux ;

- qu'à ce jour, il n'est pas en mesure de chiffrer sa créance puisque sa valeur correspond à la plus-value apportée par les travaux, qu'il appartiendra au notaire d'évaluer.

Mme [Y] s'y oppose, faisant valoir en effet :

- qu'elle a elle aussi investi du temps personnel, assumant seule toutes les tâches domestiques et le remboursement du prêt commun de la résidence du couple à [Localité 20] ;

- que M. [A] n'est donc pas titulaire d'une créance à l'égard de l'indivision, étant donné que chacun des coindivisaires s'est investi pour mettre en valeur le patrimoine commun ;

- qu'elle a participé aux travaux de [Localité 13] mais que M. [A] s'est permis de prendre tous les documents sans discussion préalable, l'empêchant désormais de faire valoir ses droits.

Le premier juge a considéré que les dépenses faites par M. [A] ont permis d'améliorer le bien indivis qui était à l'état de grange lorsque Mme [Y] l'a reçu et qui est désormais habitable selon les photographies transmises.

Sur ce, la cour rappelle que l'article 815-13 du code civil dispose que :

'Lorsqu'un indivisaire a amélioré à ses frais l'état d'un bien indivis, il doit lui en être tenu compte selon l'équité, eu égard à ce dont la valeur du bien se trouve augmentée au temps du partage ou de l'aliénation. Il doit lui être pareillement tenu compte des dépenses nécessaires qu'il a faites de ses deniers personnels pour la conservation desdits biens, encore qu'elles ne les aient point améliorés.

Inversement, l'indivisaire répond des dégradations et détériorations qui ont diminué la valeur des biens indivis par son fait ou par sa faute'.

En l'espèce, il ressort des pièces et explications fournies :

- que M. [A] produit un grand nombre de factures d'achat de matériaux dont la plupart mentionne son seul nom et l'adresse du chantier à [Localité 13], laissant présumer qu'il en a assumé seul le coût, étant observé que Mme [Y] ne conteste pas par ailleurs l'affectation de ces achats de matériaux aux travaux réalisés dans le bien de [Localité 13] par M. [A] ;

- que M. [A] justifie par ailleurs avoir souscrit en décembre 2016 un crédit auprès de [24] d'un montant de 24.938 euros remboursé ensuite par mensualités de 342,12 euros prélevées sur son compte personnel alors que l'affectation de ce financement aux travaux réalisés sur le bien de [Localité 13] n'est pas non plus contestée par Mme [Y] ;

- que si Mme [Y] soutient avoir participé aux travaux de [Localité 13] en énumérant une liste de chèques émis, elle ne produit aucun justificatif de ces dépenses, de leur origine et de leur affectation ;

- que les factures produites correspondent à des travaux de charpente et toiture, de maçonnerie sur le gros oeuvre, d'agrandissement, de rehaussement et d'installations sanitaires, lesquels travaux, par leur nature, ont nécessairement amélioré l'état du bien qui était une grange lorsqu'elle est devenue la propriété indivise des parties à concurrence de la moitié chacune par acte du 17 juin 2010 qui qualifie le bien de 'cellier' ;

- que s'il est constant que Mme [Y] remboursait de son côté le prêt immobilier afférent à l'acquisition de la résidence de la famille à [Localité 20] par mensualités de 740,45 euros, M. [A] justifie qu'il abondait le compte joint du couple par des versements de 900 euros par mois, ce qui peut correspondre à sa part dans le remboursement du prêt immobilier de la résidence familiale et dans le règlement des charges courantes ;

- que le bien de [Localité 13], pour lequel M. [A] a versé 12.128 euros pour en acquérir la moitié en juin 2010, a désormais une valeur comprise entre 85.000 (avis de valeur du 20 décembre 2022) et 145.000 euros (avis de valeur du 23 juillet 2021).

Au regard de ces éléments, c'est à juste titre que le premier juge a considéré que M. [A] était titulaire d'une créance envers l'indivision au titre des travaux qu'il a réalisés et financés pour améliorer le bien indivis de [Localité 13], en renvoyant l'évaluation de cette créance au notaire à défaut d'attestation précise établissant la plus-value apportée au bien par ces travaux.

Le jugement sera donc confirmé de ce chef.

Sur la demande de dommages et intérêts de Mme [Y] :

Mme [Y] sollicite la somme de 5.000 euros à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive de M. [A] aux motifs qu'elle a accompli de nombreuses démarches restées vaines face au refus de signature des mandats de vente des biens de M. [A], et que le préjudice est établi en ce que M. [A] cherche, en donnant l'impression d'un accord amiable qui peut être trouvé, à la manipuler pour la faire céder et exercer du chantage à son encontre, notamment vis-à-vis des enfants communs.

M. [A] s'oppose à cette prétention, rappelant que les parties sont d'accord pour procéder à la vente du bien situé à [Localité 20] mais en désaccord quant à l'évaluation de la maison de [Localité 13] que M. [A] souhaiterait conserver en propre.

Il fait valoir en outre :

- que les échanges de courriels entre les parties produits par Mme [Y] permettent de constater que les deux parties sont autant responsables de l'échec de la liquidation amiable en raison de blocages propres,

- qu'il a eu raison de défendre ses intérêts puisque le jugement de première instance a fait droit à ses prétentions, ce qui démontre qu'il n'a pas été dans l'abus de droit,

- que Mme [Y] ne démontre aucun préjudice.

Le premier juge a débouté Mme [Y] de sa demande indemnitaire aux motifs qu'elle ne rapportait aucun autre élément que l'archivage du mandat de vente de la maison de [Localité 20] suite à l'absence de signature de M. [A] permettant de justifier une résistance abusive, ce qui était insuffisant.

Sur ce, la cour rappelle qu'aux termes de l'article 1240 du code civil, tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer.

En l'espèce, la cour relève :

- que la situation patrimoniale des parties, qui comprend deux biens dont l'un a été transformé de grange en maison d'habitation, peut être qualifiée de complexe ;

- qu'il n'est pas démontré d'obstruction systématique et illégitime de la part de M. [A] lors des démarches amiables, alors au surplus qu'il obtient au moins partiellement satisfaction en première instance et en appel dans le cadre de la procédure judiciaire ;

- qu'en tout état de cause, la maison de [Localité 20] a fait l'objet d'un compromis de vente, les deux partenaires ayant accepté de la mettre en vente ;

- que le sort de la maison de [Localité 13] est objectivement plus complexe dès lors que M. [A] souhaite la conserver et qu'un débat existe tant sur sa créance au titre des travaux d'amélioration réalisés que sur son évaluation.

Dans ces circonstances, Mme [Y] ne démontre pas la résistance abusive de M. [A] et le jugement sera donc confirmé en ce qu'il l'a déboutée de sa demande indemnitaire à ce titre.

Sur les autres demandes :

Le caractère familial du litige justifie de ne pas faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile en faveur de l'une ou l'autre des parties.

De même, chacune des parties conservera la charge de ses propres dépens d'appel.

PAR CES MOTIFS,

La cour,

Statuant contradictoirement, en dernier ressort et par mise à disposition :

- déboute M. [A] de sa demande visant à voir déclarer les pièces n°28 et 29 de Mme [Y] irrecevables ;

- infirme le jugement déféré uniquement en ce qu'il a fixé la période durant laquelle il a condamné Mme [Y] à verser à l'indivision une indemnité d'occupation pour le bien sis à [Localité 13] à compter du 22 octobre 2020 jusqu'au jour le plus près du partage ;

Statuant à nouveau de ce chef :

- dit que Mme [Y] est redevable d'une indemnité d'occupation pour le bien sis à [Localité 13] à compter du 22 octobre 2020 jusqu'au 05 septembre 2024 ;

- confirme le jugement déféré en toutes ses autres dispositions appelées non contraires ;

Y ajoutant :

- déboute les parties du surplus de leurs demandes, y compris celles présentées sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

- dit que chacune des parties conservera la charge de ses propres dépens d'appel.

LA GREFFIÈRE LE PRÉSIDENT

Ginette GUIBERT Dominique GARET

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