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CA Lyon, 3e ch. a, 2 octobre 2025, n° 23/01389

LYON

Arrêt

Autre

CA Lyon n° 23/01389

2 octobre 2025

N° RG 23/01389 - N° Portalis DBVX-V-B7H-OZRJ

Décision du

Tribunal de Commerce de LYON

Au fond

du 31 janvier 2023

RG : 2021j00876

ch n°

S.A.S. ITINSELL FRANCE SAS

C/

S.A.S. PRIVATESPORTSHOP

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE LYON

3ème chambre A

ARRET DU 02 Octobre 2025

APPELANTE :

La société ITINSELL France SAS,

Société par Actions Simplifiée au capital de 236.774,10 €, immatriculée au Registre du Commerce et des Sociétés de LYON sous le numéro 832 948 962, représentée par son Président en exercice.

Sis [Adresse 3]

([Localité 4]

Représentée par Me Thomas COURADE de la SELARL TC AVOCATS, avocat au barreau de LYON, toque : 1109

INTIMEE :

La société PRIVATE SPORT SHOP,

Société par Actions Simplifiée au capital de 10.608 euros, immatriculée au RCS de [Localité 5] sous le n° 529079667

Sis [Adresse 2]

([Localité 1]

Représentée par Me Romain LAFFLY de la SELARL LX LYON, avocat au barreau de LYON, toque : 938, avocat postulant et Me Ambroise COLOMBANI, avocat au barreau de PARIS, avocat plaidant.

******

Date de clôture de l'instruction : 30 Janvier 2024

Date des plaidoiries tenues en audience publique : 25 Juin 2025

Date de mise à disposition : 02 Octobre 2025

Composition de la Cour lors des débats et du délibéré :

- Sophie DUMURGIER, présidente

- Aurore JULLIEN, conseillère

- Viviane LE GALL, conseillère

assistées pendant les débats de Céline DESPLANCHES, greffière

A l'audience, un membre de la cour a fait le rapport,

Arrêt Contradictoire rendu publiquement par mise à disposition au greffe de la cour d'appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,

Signé par Sophie DUMURGIER, présidente, et par Céline DESPLANCHES, greffiere, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

* * * *

EXPOSÉ DU LITIGE

La société Itinsell France SAS est spécialisée dans le traitement de données informatiques via la conception et la commercialisation de différents logiciels informatiques. A ce titre, elle a notamment commercialisé la solution « ITRACK », un outil informatique permettant de suivre les colis expédiés et de gérer de manière automatisée les réclamations auprès des transporteurs jusqu'à indemnisation en cas de retard de livraison, d'avarie ou de perte. Le service ITRACK n'était jusqu'à l'été 2019 facturé qu'au résultat.

La société PrivateSportShop (la société PSS) exploite un site de vente en ligne d'articles de sports.

Le 19 février 2015, les deux sociétés ont régularisé plusieurs contrats pour une durée d'un an reconductibles tacitement.

La société Itinsell ayant modifié ses tarifs le 29 juillet 2019 en intégrant une partie fixe, la société PSS lui a notifié la résiliation de l'intégralité des contrats les liant, par lettre recommandée avec avis de réception du 28 août 2019.

Considérant qu'en dépit de la résiliation, la société PSS avait continué à transmettre ses flux d'expéditions en déposant chaque jour les informations relatives à ses expéditions sur le serveur Itinsell, tout en refusant le règlement de factures, la société Itinsell France SAS l'a assignée le 16 juin 2021, devant le tribunal de commerce de Lyon.

Par jugement contradictoire du 31 janvier 2023, le tribunal de commerce de Lyon a :

- débouté la société Itinsell de sa demande visant à condamner la société PSS à lui payer les sommes suivantes :

' 695 857,14 euros au titre du chiffre d'affaires perdu du fait du refus de la société PSS de la laisser poursuivre juridiquement le recouvrement des indemnités dues sur de multiples processus d'indemnisation,

' 61.106,10 euros au titre du chiffre d'affaires perdu du fait du défaut de coopération de la société PSS consistant en l'absence de contestation de la réponse du transporteur,

' 121.638 euros au titre du chiffre d'affaires du fait de l'absence de transmission par la société PSS des éléments nécessaires à la poursuite de nombreuses réclamations,

' 82.286,46 euros TTC au titre des réclamations engagées postérieurement à la résiliation des contrats sur commande spontanée de la société PSS,

- rejeté l'ensemble des demandes subsidiaires afférentes aux demandes principales,

- rejeté la demande reconventionnelle de la société PSS,

- rejeté toutes fins, moyens ou prétentions contraires,

- condamné la société Itinsell à payer à la société PSS la somme de 5.000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

Par déclaration reçue au greffe le 20 février 2023, la société Itinsell France SAS a interjeté appel portant sur l'ensemble des chefs du jugement, sauf en ce qu'il a rejeté la demande reconventionnelle de la société PSS.

***

Par conclusions notifiées par voie dématérialisée le 27 octobre 2023, la société Itinsell France demande à la cour, au visa des articles 1103, 1113 et 1231-2 du code civil et 1369-1 à 1369-3 du code civil applicables à la date de souscription des contrats, de :

- juger bien fondé l'appel interjeté à l'encontre du jugement rendu le 31 janvier 2023 par le tribunal de commerce de Lyon en ce qu'il a :

- débouté la société Itinsell de sa demande visant à condamner la société PSS à lui payer les sommes suivantes :

' 695 857,14 euros au titre du chiffre d'affaires perdu du fait du refus de la société PSS de la laisser poursuivre juridiquement le recouvrement des indemnités dues sur de multiples processus d'indemnisation,

' 61 106,10 euros au titre du chiffre d'affaires perdu du fait du défaut de coopération de la société PSS consistant en l'absence de contestation de la réponse du transporteur,

' 121 638 euros au titre du chiffre d'affaires du fait de l'absence de transmission par la société PSS des éléments nécessaires à la poursuite de nombreuses réclamations,

' 82 286,46 euros TTC au titre des réclamations engagées postérieurement à la résiliation des contrats sur commande spontanée de la société PSS,

- rejeté l'ensemble des demandes subsidiaires afférentes aux demandes principales,

- rejeté toutes fins, moyens ou prétentions contraires,

- condamné la société Itinsell à payer à la société PSS la somme de 5 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

le réformer de ces chefs,

statuant à nouveau :

- condamner la société PSS à payer à la société Itinsell France SAS les sommes suivantes :

' 695 857,14 euros au titre du chiffre d'affaires perdu du fait du refus de la société PSS de la laisser poursuivre judiciairement le recouvrement des indemnités dues sur de multiples processus d'indemnisation,

subsidiairement, la somme de 647 147,14 euros, correspondant à la perte de chance pour la société Itinsell d'obtenir sa rémunération, laquelle ne peut être fixée à un montant inférieur à 93 % du montant total des indemnisations dues,

' 61 106,10 euros au titre du chiffre d'affaires perdu du fait du défaut de coopération de la société PSS consistant en l'absence de contestation de la réponse du transporteur,

subsidiairement, la somme de 56 828,67 euros, correspondant à la perte de chance pour la société Itinsell d'obtenir sa rémunération, laquelle ne peut être fixée à un montant inférieur à 93 % du montant total des indemnisations dues,

' 121 638 euros au titre du chiffre d'affaires perdu du fait de l'absence de transmission par la société PSS des éléments nécessaires à la poursuite de nombreuses réclamations,

subsidiairement, la somme de 113 123,34 euros, correspondant à la perte de chance pour la société Itinsell d'obtenir sa rémunération, laquelle ne peut être fixée à un montant inférieur à 93 % du montant total des indemnisations dues,

' 82 286,46 euros TTC au titre des réclamations engagées postérieurement à la résiliation des contrats sur commande spontanée de la société PSS,

- dire que ces condamnations porteront intérêt au taux conventionnel de trois fois le taux légal à compter de la mise en demeure du 27 mai 2020,

- rejeter les demandes reconventionnelles de la société PSS,

- débouter la société PSS de son appel incident,

- rejeter toutes fins, moyens ou prétentions contraires,

- condamner la société PSS à payer à la société Itinsell France SAS la somme de 10 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.

Par conclusions notifiées par voie dématérialisée le 24 janvier 2024, la société PrivateSportShop demande à la cour, au visa des articles 1353, 1101 et suivants du code civil, de :

' A titre principal,

- dire et juger que la société Itinsell France n'apporte aucune preuve des préjudices qu'elle prétend avoir subi du fait de la société Private Sport Shop,

- constater que la société Private Sport Shop a résilié le contrat qui la liait à la société Itinsell France le 28 août 2019,

- dire et juger qu'à compter de cette date plus aucun accord n'existait entre les parties et que si la société Itinsell France SAS a poursuivi sa mission, c'est de son propre chef,

- dire et juger que la société Itinsell France SAS n'est pas fondée à demander quoique ce soit pour des réclamations qu'elle aurait introduites pour le compte de la société Private Sport Shop contre la volonté de celle-ci et sans mandat pour le faire,

- dire et juger qu'en tout état de cause, la mauvaise foi de la société Itinsell France SAS à l'encontre de la société Private Sport Shop exclut de sa part toute demande relative à d'éventuelles réclamations introduites auprès de La Poste,

En conséquence :

- confirmer le jugement dont appel,

- débouter la société Itinsell France SAS de l'entièreté de ses demandes,

- en tout état de cause écarter l'exécution provisoire attachée à toute condamnation susceptible d'être prononcée à l'encontre de la société Private Sport Shop,

' A titre subsidiaire et reconventionnel,

- dire et juger, si par extraordinaire il devait être considéré que la société Itinsell France SAS établit l'existence de demandes en suspens qui n'auraient pu aboutir du fait de manque de documents, que cette dernière est responsable de la situation,

- dire et juger que ne réunissant pas tous les éléments pour faire aboutir ces réclamations la société Itinsell France SAS a commis une faute à l'encontre de la société Private Sport Shop,

- dire et juger que le préjudice ainsi subi par la société Private Sport Shop correspond à la perte de chance de récupérer un montant d'indemnité de 2 668 711,95 euros,

en conséquence :

- condamner la société Itinsell France SAS à payer à la société Private Sport Shop la somme de 2 688 711,95 euros,

' En tout état de cause :

- condamner la société Itinsell France SAS à payer à la société Private Sport Shop la somme 15 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et à supporter les entiers dépens de l'instance.

La procédure a été clôturée par ordonnance du 30 janvier 2024, les débats étant fixés au 25 juin 2025.

Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, la cour se réfère, pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, à leurs conclusions écrites précitées.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la responsabilité contractuelle de la société PSS

La société Itinsell fait valoir que :

- ses conditions générales de vente sont opposables à la société PSS qui y a adhéré en souscrivant les contrats ; selon ces CGV, la société PSS s'engageait à lui communiquer l'ensemble des expéditions confiées au transporteur Colissimo ainsi que toutes les informations nécessaires à la réalisation de ses prestations dont la gestion des réclamations auprès du transporteur ;

- or, dès la souscription des contrats, la société PSS a été partiellement défaillante dans la transmission des pièces nécessaires pour mener à leurs termes les processus d'indemnisation de nombreux colis ; elle ne transmettait notamment pas les factures des contenus des colis et les bordereaux de transmission tamponnés, qui servent de base au calcul de l'indemnisation par Colissimo et sans lesquels aucune indemnisation ne peut donc intervenir ; cette situation a perduré malgré de nombreuses relances ;

- les actions requises étaient accessibles sur le compte iTrack de la société PSS et cette dernière a été informée du mode d'accès pour y procéder ;

- la société PSS n'a jamais répondu à ses réclamations, ni justifié son refus de transmettre les documents nécessaires à l'aboutissement des réclamations ;

- si elle disposait de l'accès aux comptes transporteurs de la société PSS, elle n'avait pas accès aux bordereaux d'envoi ni aux factures des contenus des colis dont seule la société PSS était en possession.

La société PSS réplique que :

- elle n'a manqué à aucune de ses obligations ; la société Itinsell avait accès à toutes ses données relatives au compte transporteur ouvert auprès de La Poste, et gérait donc les réclamations en toute autonomie pour être ensuite payée au résultat, elle était en charge de la collecte des informations nécessaires pour les demandes d'indemnisation ;

- la société Itinsell ne rapporte pas la preuve d'une violation, par la société PSS, de ses obligations ; le tableau établi par la société Itinsell est illisible et incompréhensible ; les réclamations auprès de Colissimo ne sont possibles qu'au maximum un an après l'envoi du colis, de sorte que les prétendues indemnités ne peuvent plus être récupérées, ce tableau démontre donc le peu de sérieux de la société Itinsell ;

- les courriels produits par la société Itinsell ne démontrent que les manquements de cette dernière ;

- la société Itinsell a décidé unilatéralement de modifier sa pratique tarifaire en août 2019, en ajoutant à la rémunération par le gain rapporté, un montant fixe par dossier traité, ce qui a substantiellement augmenté sa facture du mois d'août 2019, raison pour laquelle elle a résilié les contrats.

Sur ce,

Selon l'article 1134 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, et les articles 1103 et 1104 du même code, dans leur rédaction issue de ladite ordonnance, les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits, ils doivent être exécutés de bonne foi.

En l'espèce, il résulte des pièces produites aux débats, que la société PSS a conclu avec la société Itinsell plusieurs contrats d'une durée d'un an, à compter du 19 février 2015 et jusqu'en août 2018, pour les services 'QS' et 'Enquêtes' de l'outil 'iTrack'. Les conditions générales de vente font partie intégrante de chacun de ces contrats.

La société Itinsell forme trois demandes d'indemnisation distinctes, au titre de l'exécution des contrats avant la résiliation, qu'il convient d'examiner successivement. Il s'agit :

- du chiffre d'affaires perdu du fait du refus de la société PSS de la laisser poursuivre judiciairement le recouvrement des indemnités dues sur de multiples processus d'indemnisation ;

- du chiffre d'affaires perdu du fait du défaut de coopération de la société PSS par l'absence de contestation de la réponse du transporteur ;

- du chiffre d'affaires perdu du fait de l'absence de transmission par la société PSS des éléments nécessaires à la poursuite de nombreuses réclamations.

- 1. Sur la poursuite judiciaire du recouvrement des indemnités

Pour réclamer la condamnation de la société PSS à lui payer la somme de 695.957,14 euros de dommages-intérêts au titre des réclamations visées dans les catégories « pas de réponse transporteur » ou « en cours de traitement », la société Itinsell fait valoir qu'elle propose un service de suivi de la procédure judiciaire en lieu et place du client jusqu'à indemnisation effective, avec prise en charge de l'ensemble des frais afférents, mais que la société PSS a refusé de la mandater à cet effet.

Or, l'article 6 des conditions générales de vente de la société Itinsell prévoit que 'Le Client donne pouvoir à la société Itinsell, pour la réalisation du service iTrack®, de réaliser en son nom et pour son compte les opérations nécessaires à la gestion des réclamations effectuées auprès des Transporteurs en raison d'expéditions non livré(s), en retard, subissant une avarie ou une erreur de facturation et notamment toutes les déclarations, démarches, et produire toutes pièces justificatives en vue de la représentation de ses intérêts à l'égard du Transporteur pour lequel les Services auront été souscrits et dans le cadre de ceux-ci.

Sont expressément exclus du présent mandat :

- toute possibilité d'agir en justice,

- toute négociation avec le Transporteur en vue notamment de transiger sur les litiges opposant le Client au Transporteur.'

Ainsi, il résulte clairement de ces dispositions contractuelles, que la société Itinsell ne disposait pas de mandat pour exercer des poursuites judiciaires contre les transporteurs, au nom de sa cliente la société PSS. Le fait que cette dernière ait refusé de la mandater à cette fin, comme l'allègue l'appelante sans le démontrer, relève manifestement de la liberté contractuelle et non pas d'une 'absence de concours' fautive, comme le soutient la société Itinsell.

En conséquence, aucune faute ne saurait être retenue contre la société PSS au titre des réclamations des catégories « pas de réponse transporteur » ou « en cours de traitement ».

Le jugement sera donc confirmé en ce qu'il rejette la demande de la société Itinsell tendant à la condamnation de la société PSS à lui payer la somme de 695.857,14 euros à titre de dommages-intérêts du fait de son refus de la laisser poursuivre juridiquement le recouvrement des indemnités pour ces catégories de réclamations, et en ce qu'il rejette la demande subsidiaire d'indemnisation d'une perte de chance, fondée sur la même faute alléguée.

- 2. Sur le défaut de coopération par l'absence de contestation de la réponse du transporteur

Pour réclamer la condamnation de la société PSS à lui payer la somme de 61.106,10 euros de dommages-intérêts au titre de l'absence de contestation des réponses des transporteurs, la société Itinsell fait valoir que seule la société PSS pouvait, par simple 'clic', contester le refus d'indemnisation opposé par le transporteur ou choisir de clôturer définitivement la réclamation, et qu'en s'abstenant de contester la réponse du transporteur, la société PSS ne l'a pas mise en mesure de poursuivre la réclamation, 'alors même que l'indemnisation aurait dû être versée' (ses conclusions, page 28). Elle fait état de 6.784 réclamations pour cette catégorie 'désaccord'.

Ce faisant, la société Itinsell considère comme acquis le fait que le refus du transporteur n'était pas justifié. Or, aucun élément ne permet de considérer que les refus des transporteurs n'étaient pas fondés, de sorte que le préjudice allégué à ce titre n'est pas démontré, et à tout le moins parfaitement hypothétique en ce qu'il n'est pas établi que la contestation du refus aurait abouti à une indemnisation. Ce seul motif justifie le rejet de la demande, tant principale que subsidiaire, formée à ce titre.

Au surplus, il ressort des explications de la société Itinsell quant au mode opératoire, que la société PSS disposait d'un choix entre accepter la réponse du transporteur et clôturer le cas, ou bien répondre elle-même directement. Aucune disposition contractuelle ne faisait obligation à la société PSS de contester les refus d'indemnisation opposés par les transporteurs. La faute alléguée n'est donc pas non plus caractérisée sur ce point.

Il convient donc de confirmer le jugement en ce qu'il rejette la demande de la société Itinsell tendant à la condamnation de la société PSS à lui payer la somme de 61.106,10 euros à titre de dommages-intérêts du fait de l'absence de contestation de la réponse du transporteur, et en ce qu'il rejette la demande subsidiaire d'indemnisation d'une perte de chance, fondée sur la même faute alléguée.

- 3. Sur l'absence de transmission par la société PSS des éléments nécessaires à la poursuites de nombreuses réclamations

Pour réclamer la condamnation de la société PSS à lui payer la somme de 121.638 euros de dommages-intérêts au titre de l'absence de transmission des éléments nécessaires à la poursuite de nombreuses réclamations, la société Itinsell fait valoir que 239.698 réclamations ne sont pas allées à leur terme du fait de ce manquement de la société PSS.

Les conditions générales de vente prévoient, à l'article 4 :

'La réalisation des Services implique que le Client qui s'y engage, transmette à la société Itinsell toutes les données nécessaires au suivi des expéditions telles que numéro de tracking, date d'expédition, nom et prénom du client livré, code postal et ville de livraison (ci-après « Conditions techniques »).

(...)

D'une manière générale, le Client s'engage envers la société Itinsell à lui communiquer toutes informations, documents nécessaires à la meilleure réalisation des services, et notamment de lui transmettre, dans les deux jours ouvrés suivant leur date de réception, une copie de tout document reçu et ayant un lien direct avec la réalisation de ses Services.'

Toutefois, alors même que la société Itinsell se prévaut de 239.698 réclamations en attente de documents, il s'avère que ce nombre concerne la période de 2014 à 2019 (sa pièce n° 6) et que sur toutes ces années, elle se borne à produire un seul e-mail adressé à la société PSS le 28 septembre 2017 (sa pièce n° 7 b) aux termes duquel elle indiquait faire un point sur la transmission des données de cette dernière et souhaitait savoir si 'tout [était] normal', ayant relevé 'plusieurs exemples [...] troublants'. La société Itinsell ne précise pas quelle a été la suite donnée à ce mail par la société PSS, alors même qu'elle ne prétend pas avoir dû effectuer des relances. Quant aux deux e-mails adressés les 26 et 27 février 2019 par la société Itinsell (ses pièces n° 20 et 21), ils concernent la société Bricoprivé ; il en va de même de l'historique des notifications (sa pièce n°19) qui portent sur les divers comptes des sociétés Bébé Boutik Web et Homme privé, de sorte que ces éléments ne sont pas probants. Enfin, s'agissant du constat d'huissier de justice en date du 19 février 2018 (sa pièce n° 25), il a été dressé dans le cadre d'un litige ayant opposé la société Itinsell à la société La Poste en raison de réclamations non-traitées par cette dernière, et ne démontre aucunement les prétendus manquements de la société PSS.

Ainsi, la société Itinsell ne justifie nullement avoir réclamé à la société PSS entre 2015 et 2019 des documents manquants, ni même lui avoir reproché un quelconque défaut de collaboration au cours de ces cinq années d'exécution des contrats, pouvant justifier le préjudice dont elle se prévaut désormais, pour près de 240.000 réclamations non indemnisées sur toute cette période. Il résulte des pièces produites aux débats que ce grief formé contre la société PSS n'a commencé à être évoqué par la société Itinsell que postérieurement à la résiliation du 28 août 2019. En effet, par e-mail du 18 novembre 2019, la société Itinsell indiquait à la société PSS : 'Vous trouverez ci-joint une analyse détaillée du nombre de réclamations ouvertes, des indemnités obtenues et des indemnités en attente du fait du non traitement des réclamations par Privatesportshop et/ou Colissimo depuis 2014. Cela vous montre le potentiel qui est actuellement perdu rien que sur ce service... Nous pensons qu'il est utile d'organiser un rendez-vous physique (...)'.

Au vu de l'ensemble de ces éléments, il n'y a pas lieu de retenir la faute alléguée contre la société PSS dans l'exécution du contrat.

En conséquence, il convient de confirmer le jugement en ce qu'il rejette la demande de la société Itinsell tendant à la condamnation de la société PSS à lui payer la somme de 121.638 euros à titre de dommages-intérêts du fait de l'absence de transmission d'éléments nécessaires à la poursuite des réclamations, et en ce qu'il rejette la demande subsidiaire d'indemnisation d'une perte de chance, fondée sur la même faute alléguée.

Sur la rémunération des prestations postérieures à la résiliation

La société Itincell fait valoir que :

- la société PSS a spontanément poursuivi l'utilisation des services après la résiliation des contrats ; elle est seule à l'origine de l'action de dépôt de ses flux d'expédition sur le serveur dédié ;

- elle-même ne devait pas interrompre le fonctionnement du logiciel iTrack après la résiliation, dès lors qu'elle devait poursuivre jusqu'à leur terme les réclamations engagées avant la résiliation ; elle n'a fait qu'accepter les demandes spontanées de la société PSS intervenues après la résiliation des contrats ;

- elle est donc fondée à réclamer ses prestations pour la période d'août 2019 à novembre 2020 ; conformément aux conditions générales de vente, les condamnations doivent porter intérêt au taux conventionnel de trois fois le taux légal à compter de la mise en demeure du 27 mai 2020.

La société PSS réplique que :

- elle n'était pas en mesure de stopper les flux en direction de la société Itinsell, seule cette dernière disposait des moyens techniques pour interrompre sa réception des flux ; l'outil informatique avait été déposé sur son système informatique par la société Itinsell qui en avait la maîtrise ;

- la société Itinsell a continué à se connecter aux comptes Colissimo pour récupérer ses données alors qu'elle avait résilié les contrats, une telle attitude s'apparente à du chantage et à une tentative d'intimidation ; la volonté unilatérale de la société Itinsell de poursuivre la relation ne peut entraîner une obligation réciproque.

Sur ce,

L'article 8 des conditions générales de vente de la société Itinsell prévoit que 'La société Itinsell se réserve le droit de modifier ses prix à tout moment. La société Itinsell en informe par tous moyens le Client. Les tarifs transmis seront applicables sur la facture du mois suivant. Le Client peut durant ce délai d'un mois, demander la résiliation du présent contrat par lettre recommandée avec avis de réception. Cette demande doit être adressée au siège social de la société Itinsell qui figure sur la dernière facture. Si le client n'utilise pas cette faculté de résiliation durant le délai accordé, il est réputé avoir accepté la modification tarifaire à compter de son entrée en vigueur.'

Il est établi par les pièces produites aux débats, que la société PSS a résilié les contrats par lettre recommandée avec avis de réception du 28 août 2019, après avoir reçu les nouveaux tarifs que lui avait adressés la société Itinsell par e-mail du 29 juillet 2019.

La résiliation est donc régulière, de sorte que la société Itinsell n'avait pas à traiter les éventuelles informations relatives aux expéditions de la société PSS postérieures à la résiliation, disponibles sur son serveur. Elle ne saurait valablement opposer à la société PSS le fait que celle-ci aurait continué à déposer ses flux d'expédition, alors qu'il lui appartenait de maîtriser son propre outil.

De plus, la société Itinsell ne peut pas se prévaloir d'un comportement non équivoque de la société PSS pour prétendre à la poursuite des relations contractuelles, dès lors que la société PSS n'a cessé, dès le 5 septembre 2019 et pendant les mois qui ont suivi, de lui réclamer des avoirs pour les factures de juillet et août 2019 qui avaient été établies sur la base des nouveaux tarifs, et de lui rappeler qu'elle avait résilié les contrats le 28 août précédent et qu'elle contestait donc les factures postérieures.

Il convient donc de confirmer le jugement en ce qu'il rejette la demande de la société Itinsell tendant au paiement des prestations postérieures à la résiliation des contrats.

Sur la demande subsidiaire reconventionnelle de la société PSS

La société PSS fait valoir que :

- si la cour retenait que la société Itinsell démontre l'existence de réclamations en suspens qui n'auraient pu aboutir du fait de documents manquants, alors la société Itinsell devra réparer le préjudice subi ;

- en effet, la société Itinsell s'est engagée à mettre en place les moyens permettant de récupérer les indemnités auprès de La Poste ; or la société Itinsell n'a pas fait le nécessaire en informant la société PSS de la situation, que dans le cadre du présent litige, soit bien trop tard au regard du délai d'un an pour former des réclamations auprès de Colissimo ;

- il en résulte que, par sa faute, la société Itinsell l'a privée de potentielles indemnités d'un montant de 2.668.711,95 euros.

La société Itinsell réplique que si les réclamations ne sont pas allées à leur terme, c'est du fait de la société PSS qui a manqué à ses obligations de coopération et de communication ; qu'il ne s'agissait pas de simples obligations de moyens pour la société PSS.

Sur ce,

Aux termes du dispositif de ses écritures, la société PSS ne forme pas d'appel incident sur le chef du jugement ayant rejeté sa demande subsidiaire reconventionnelle tendant à la condamnation de la société Itinsell à lui payer la somme de 2.668.711,95 euros. Or, ce chef du jugement n'a pas non plus été dévolu à la cour par la déclaration d'appel de la société Itinsell qui n'a formé qu'un appel partiel.

Il en résulte que la cour n'est pas saisie de ce chef du jugement et n'a donc pas à statuer sur les moyens afférents à cette demande.

Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile

La société Itinsell succombant à l'instance, elle sera condamnée aux dépens d'appel.

En application de l'article 700 du code de procédure civile, la société Itinsell sera condamnée à payer à la société PSS la somme de 4.000 euros.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement et contradictoirement, dans les limites de l'appel,

Confirme le jugement déféré, en toutes ses dispositions critiquées ;

Y ajoutant,

Condamne la société Itinsell France aux dépens d'appel ;

Condamne la société Itinsell France à payer à la société Privatesportshop la somme de 4.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

La greffière La présidente

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