CA Paris, Pôle 4 ch. 5, 1 octobre 2025, n° 21/03082
PARIS
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
Innov Decor (SARL)
Défendeur :
Mary (SCI)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Jariel
Conseillers :
Mme Boutie, Mme Barutel
Avocats :
Me Rebboah, Me Janeau, Me Dauchel, Cabinet Sevellec Dauchel
EXPOSE DES FAITS ET DE LA PROCEDURE
Le 3 mars 2017, afin de procéder à la surélévation de la maison de M. [V] [D] et de Mme [M] [D], son épouse, (M. et Mme [D]), située au [Adresse 1] à [Localité 7] (93), la société Innov décor a établi un devis pour un montant total de 233 766,84 euros HT, soit 280 520,21 euros TTC.
Il est mentionné sur une page du devis produit aux débats par la société Innov décor :
" 1. Reçu 1er chèque d'acompte de 30 % de 84 000 euros, encaissable au plus tard le 4 avril 2017.
2. Reçu le 3 avril 2017, un virement de 15 000 euros. En attendant encaisser le chèque 84 000 euros. "
Le chèque de 84 000 euros, tiré sur le compte de M. et Mme [D], a été remis à la société Innov décor.
Le 8 mars 2017, à la demande de la société Innov décor, un procès-verbal d'état des lieux du chantier, commencé par un précédent entrepreneur, a été dressé par huissier de justice.
Le 3 avril 2017, le virement de 15 000 euros a été effectué par Mme [H] [D], fille de M. et Mme [D].
Par lettre recommandée avec demande d'avis de réception du 27 avril 2017, la société Innov décor a indiqué à M. et Mme [D] que les travaux de rénovation seraient suspendus étant donné qu'elle n'avait reçu que la somme de 15 000 euros et qu'elle n'avait plus les fonds nécessaires pour permettre d'avancer les travaux dans de bonnes conditions.
Le 15 mai 2017, à la demande de la société Innov décor, celle-ci indiquant rencontrer des difficultés avec son client, lequel ne la payerait plus, un procès-verbal de l'état des travaux effectués sur le chantier a été dressé par huissier de justice.
Par lettre recommandée avec demande d'avis de réception du 19 mai 2017, la société Innov décor a annoncé à M. et Mme [D] la suspension des travaux à compter du 22 mai et leur a indiqué que, sans réponse de leur part sous 15 jours, elle encaisserait le chèque de 84 000 euros. En outre, elle a sollicité le paiement de la somme de 38 929,20 euros au titre du solde des travaux réalisés jusqu'à ce jour.
Par lettre en date du 21 mai 2017, la société Innov décor a indiqué que, dans la facture communiquée, " il y a des lots des travaux réalisés qui ne sont pas dans le devis signé entre nous ".
Par lettre recommandée avec demande d'avis de réception du 31 mai 2017, M. et Mme [D] ont indiqué à la société Innov décor que, selon le " contrat de rénovation résidentielle ", tamponné par elle, un " chèque de caution non encaissable de 84 000 euros " était " à restituer à l'achèvement des travaux ". Ils ont, également, précisé que l'acompte de 15 000 euros réglé correspondait à la moitié de l'achèvement du lot " reprise des fondations " et coïncidait, selon eux, à l'état d'avancement des travaux réalisés par la société Innov décor. Ils ont souligné que toute demande supérieure à 15 000 euros était irrecevable et infondée.
Par une autre lettre recommandée avec demande d'avis de réception du 31 mai 2017, M. et Mme [D] ont indiqué à la société Innov décor que, conformément au devis, le lot " reprise sous 'uvre " s'élevait à la somme de 29 226 euros et qu'il n'était pas, à ce jour, à la moitié de son achèvement. Ils ont également rappelé que, compte tenu de leur situation financière, ils n'étaient pas en mesure de faire commencer la réalisation des travaux importants. Ils ont, compte tenu de l'arrêt des travaux, mis en demeure la société Inov décor de restituer la télécommande du volet roulant du garage et les clés de leur maison.
Le 4 juin 2017, M. [O], gérant de la société Innov décor, a déposé une main courante, aux termes de laquelle il a indiqué s'être rendu le jour même sur le chantier afin de récupérer son outillage et avoir constaté que, sur le portail d'entrée, se trouvait un gros cadenas.
Le 6 juin 2017, la société BNP Paribas a rejeté le dépôt du chèque de 84 000 euros au motif " chèque impayé ".
Par lettre recommandée avec demande d'avis de réception du 19 juin 2017, la société Innov décor a sollicité de la part de M. et Mme [D] le paiement de la somme de 38 929,20 euros au titre des travaux effectués.
Le 1er juin 2017, Mme [H] [D] a déposé plainte pour abus de confiance contre la société Innov décor.
Le 14 décembre 2017, la société Innov décor a déposé plainte pour faux et usage de faux à l'encontre de Mme [H] [D] pour la rédaction d'un " faux contrat de travail " concernant les travaux de surélévation de la maison.
Par acte en date du 12 décembre 2018, la société Innov décor a assigné M. [V] [D] en paiement du solde des travaux outre des dommages et intérêts.
Par actes en dates des 8 et 10 août 2019, la société Innov décor a assigné Mme [H] [D] et la SCI Mary (la SCI), à qui la propriété de la maison avait été apportée, en intervention forcée.
Le 7 novembre 2019, les affaires ont été jointes.
Par ordonnance du 10 juillet 2019, le juge de l'exécution du tribunal judiciaire de Bobigny a autorisé la société Innov décor à pratiquer une saisie conservatoire sur les sommes détenues par le notaire pour le compte de Mme [H] [D] ou la SCI dans le cadre de la vente de l'immeuble en cause.
Par jugement du 4 janvier 2021, le tribunal judiciaire de Bobigny a statué en ces termes :
Déclare irrecevables les demandes à l'encontre de Mme [H] [D] et la SCI ;
Déboute la société Innov décor, de ses demandes :
au titre du solde de travaux,
au titre de dommages et intérêts pour non-exécution du contrat et non-récupération des outils et matériaux ;
Déboute M. [V] [D], Mme [H] [D] et la SCI de leur demande de dommages et intérêts pour procédure abusive ;
Déboute les parties de leurs demandes plus amples ou contraires ;
Condamne la société Innov décor, à verser à M. [V] [D], Mme [H] [D] et la SCI la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamne la société Innov décor aux dépens ;
Dit n'y avoir lieu à prononcer l'exécution provisoire.
Par déclaration en date du 15 février 2021, la société Innov décor a interjeté appel du jugement, intimant devant la cour :
- M. [V] [D],
- Mme [H] [D],
- la SCI.
EXPOSE DES PRÉTENTIONS DES PARTIES
Dans ses conclusions notifiées par voie électronique le 15 janvier 2025, la société Innov décor demande à la cour de :
Recevoir la société Innov décor en ses conclusions et l'y déclarée bien fondée ;
Rejeter l'intégralité des demandes, fins et conclusions de M. [V] et Mme [H] [D] et de la SCI à l'encontre de la société Innov décor notamment leur demande de nullité du devis signé entre les parties qui constitue une demande nouvelle prohibée en cause d'appel ;
Infirmer le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Bobigny en ce qu'il :
Déclaré irrecevable les demandes à l'encontre de Mme [H] [D] et la SCI ;
Débouté la société Innov de ses demandes :
- au titre du solde des travaux,
- au titre de dommages-intérêts pour non-exécution du contrat et non-récupération des outils et matériaux ;
Débouté M. [V] [D], Mme [H] [D] et la SCI de leur demande de dommages et intérêts pour procédure abusive ;
Débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires ;
Condamné la société Innov, à verser à M. [V] [D], Mme [H] [D] et la SCI la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamné la société Innov aux dépens ;
Dit n'y avoir lieu à prononcer l'exécution provisoire ;
En conséquence, et statuant à nouveau :
Déclarer recevable et bien fondée la société Innov en ses demandes à l'encontre de M. [V] [D], Mme [H] [D] et la SCI ;
Condamner in solidum M. [V] [D], Mme [H] [D] et la SCI à verser à la société Innov :
- une somme de 38 929 euros, à titre de solde pour les travaux réalisés par la société Innov décor,
- une somme de 45 000 euros à titre de dommages et intérêts pour le préjudice subi et correspondant à la perte de matériels,
- une somme de 29 500 euros au titre de préjudice pour man'uvres trompeuses,
- une somme de 10 000 euros au titre de préjudice pour manque à gagner et l'atteinte à l'image ;
Confirmer le jugement intervenu en ce qu'il a débouté les intimés de leurs demandes à l'encontre de l'appelante ;
En toute hypothèse,
Condamner in solidum M. [V] [D], Mme [H] [D] et la SCI à verser à la société Innov une somme de 10 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamner in solidum M. [V] [D], Mme [H] [D] et la SCI aux dépens d'instance, qui seront recouvrés directement par Me Rebboah, avocat à la cour, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
Dans leurs conclusions notifiées par voie électronique le 17 septembre 2024, M. [V] [D], Mme [H] [D] et la SCI demandent à la cour de :
A titre principal,
Confirmer la décision dont appel en ce qu'elle a déclaré irrecevables les demandes à l'encontre de Mme [H] [D] et de la SCI ;
Confirmer la décision dont appel en ce qu'elle a débouté la société Innov décor de ses demandes au titre du solde des travaux et de dommages et intérêts ;
Confirmer la décision dont appel en ce qu'elle a jugé que la demande de dommages et intérêts de la société Innov n'est ni justifiée ni fondée ;
En conséquence,
Prononcer la mise hors de cause de la SCI et de Mme [H] [D] ;
Débouter la société Innov décor de sa demande en paiement de la somme de 38 929 euros ;
Débouter la société Innov décor de sa demande au titre de dommages et intérêts pour un montant de 84 500 euros ;
A titre subsidiaire :
Constater que la société Innov décor ne justifie pas sa demande en paiement de la somme de 38 929 euros au titre d'une prétendue réalisation des travaux ;
Confirmer la décision dont appel en ce qu'elle a débouté la société Innov décor de ses demandes au titre du solde des travaux et de dommages et intérêts ;
Constater que la société Innov décor ne justifie pas sa demande de dommages et intérêts pour un montant de 84 500 euros ;
En conséquence,
Débouter la société Innov décor de sa demande en paiement de la somme de 38 929 euros ;
Débouter la société Innov décor de sa demande au titre de dommages et intérêts pour un montant de 84 500 euros ;
À titre incident,
Infirmer la décision dont appel en ce qu'elle a débouté M. [V] [D] et Mme [H] [D], la SCI de leur demande de dommages et intérêts pour procédure abusive ;
Condamner la société Innov au paiement de la somme de 5 000 euros à chacun des défendeurs pour procédure abusive ;
Condamner la société Innov décor à la restitution du chèque n° 5856112 d'un montant de 84 000 euros, et ce sous astreinte de 200 euros par jour de retard ;
En tout état de cause,
Condamner la société Innov décor au paiement de la somme de 5 000 euros à chacun des défendeurs, au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamner la société Innov décor aux entiers dépens.
La clôture a été prononcée par ordonnance du 10 juin 2025 et l'affaire a été appelée à l'audience du 8 juillet 2025, à l'issue de laquelle elle a été mise en délibéré.
MOTIVATION
Sur les parties au contrat
Moyens des parties
La société Innov décor soutient que ses demandes dirigées contre Mme [H] [D] et la SCI sont recevables.
S'agissant de la première, elle relève que, exerçant la profession d'architecte d'intérieur, elle a été sa principale interlocutrice sur le chantier, a établi les plans de l'opération de rénovation et a procédé, à son profit, au virement de la somme 15 000 euros.
Elle précise, qu'ayant agi pour le compte de ses parents, elle était impliquée et associée en permanence au chantier de rénovation, en sorte qu'elle en était le réel maître de l'ouvrage.
Elle souligne que, la supervision du chantier lui ayant été déléguée par ses parents, Mme [H] [D] a agi tel un maître d'ouvrage délégué et que c'est d'ailleurs elle qui a demandé à son père de signer le devis en présence de sa mère.
Elle ajoute que le fait que ses parents aient été les propriétaires mentionnés sur les plans n'enlève rien au rôle de leur fille dans le déroulement des travaux, celle-ci s'étant d'ailleurs bien gardée de dire qu'elle n'était pas la propriétaire de la maison.
S'agissant de la SCI, elle énonce que, si elle a été immatriculée postérieurement à la signature du devis, il n'en demeure pas moins que, lors de sa constitution, M. et Mme [D] lui ont apporté, en nature, la maison en cause et qu'elle en est donc devenue propriétaire jusqu'à sa cession en juin 2019 ; étant observé que Mme [H] [D] en était la gérante et associée, de sorte qu'elle était particulièrement intéressée au chantier.
En réponse, Mme [H] [D] et la SCI font valoir que, n'ayant jamais contracté d'obligations avec la société Innov décor, elles ne peuvent être redevables des sommes réclamées par elle en application de celles-ci et doivent donc être mises hors de cause.
S'agissant de Mme [H] [D], elle n'a pas signé le devis et n'était pas la propriétaire de la maison qui appartenait à ses parents, comme l'a toujours su la société Innov décor : le " plan de structure vue en plans " mentionnant, en tant que maîtres de l'ouvrage, " Mr et Mme [D] [V] et [M] " ainsi d'ailleurs que les plans prétendument réalisés par Mme [H] [D].
Elles précisent que les devis produits de part et d'autre ont été signés soit par M. [V] [D], soit, par son épouse, Mme [M] [D] et que la société Innov décor échoue à démontrer que les travaux en cause auraient été commandés pour son compte.
Elles observent que le chèque de " caution " de 84 000 euros a été émis par les parents de Mme [H] [D].
Elles ajoutent que Mme [H] [D] n'ayant servi, qu'en tant qu'intermédiaire, elle n'avait pas, non plus, la qualité de maître de l'ouvrage délégué et, qu'en tout état de cause, une telle qualité ne lui aurait pas conféré celle de partie aux contrats puisqu'elle n'aurait, alors, été que la mandataire de ses parents.
S'agissant de la SCI, elles indiquent que celle-ci n'ayant pas d'existence au jour du contrat elle ne peut être liée par celui-ci et indiquent qu'elle n'est, en tout état de cause, devenue propriétaire de la maison en cause que postérieurement à l'assignation.
Réponse de la cour
Aux termes de l'article 1113 du code civil, le contrat est formé par la rencontre d'une offre et d'une acceptation par lesquelles les parties manifestent leur volonté de s'engager. Cette volonté peut résulter d'une déclaration ou d'un comportement non équivoque de son auteur.
Aux termes de l'article 1353 du même code, celui qui réclame l'exécution d'une obligation doit la prouver. Réciproquement, celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l'extinction de son obligation.
Aux termes de l'article 31 du code de procédure civile, l'action est ouverte à tous ceux qui ont un intérêt légitime au succès ou au rejet d'une prétention, sous réserve des cas dans lesquels la loi attribue le droit d'agir aux seules personnes qu'elle qualifie pour élever ou combattre une prétention, ou pour défendre un intérêt déterminé.
Aux termes de l'article 32 du même code, est irrecevable toute prétention émise par ou contre une personne dépourvue du droit d'agir.
A titre liminaire, la cour rappellera qu'il est établi que le maître de l'ouvrage est le propriétaire de celui-ci (3e Civ., 25 janvier 1989, pourvoi n° 87-16.071, Bulletin 1989 III N° 21 ; 3e Civ., 1 juillet 2009, pourvoi n° 08-14.714, Bull. 2009, III, n° 162 ; 3e Civ., 16 novembre 2022, pourvoi n° 21-23.505, publié au Bulletin ; 3e Civ., 13 avril 2023, pourvoi n° 22-10.487, publié au Bulletin).
Au cas d'espèce, la SCI et Mme [H] [D] se prévalent de leur qualité de tiers au contrat de travaux pour exciper de l'irrecevabilité de l'action en exécution dudit contrat engagée à leur encontre.
S'agissant de la SCI, celle-ci a été immatriculée le 26 juin 2018, de sorte que, comme l'a exactement relevé le premier juge, elle ne pouvait être le maître de l'ouvrage de travaux commandés et réalisés avant qu'elle n'existe.
Par suite, c'est à bon droit que le premier juge a déclaré irrecevable l'action intentée par la société Innov décor à son encontre.
S'agissant de Mme [H] [D], il est constant qu'elle n'était pas la propriétaire de l'ouvrage et qu'elle n'a signé aucun des devis produits de part et d'autre, l'un l'ayant été par M. [V] [D], l'autre l'ayant été par Mme [M] [D].
Par ailleurs, il est expressément mentionné sur les plans des travaux produits que M. et Mme [D] sont les maîtres de l'ouvrage et il ressort même de la capture d'écran d'un message adressé le 5 janvier 2017par Mme [H] [D] au gérant de la société Innov décor, figurant en page 3 de ses conclusions récapitulatives, que M. et Mme [D] seraient les maîtres de l'ouvrage du chantier au titre duquel il lui était demandé d'intervenir.
Il s'en infère que la société Innov décor échoue à démontrer que, peu important ses qualifications professionnelles et le virement de 15 000 euros réalisé par elle le 3 avril 2017, Mme [H] [D] aurait été partie au contrat de travaux en qualité de maître de l'ouvrage.
En l'absence de signature par elle des devis, la société Innov décor ne démontre pas plus qu'elle serait intervenue en tant que maître de l'ouvrage délégué, qualité dont la constatation aurait d'ailleurs été inopérante puisqu'elle ne lui aurait pas donné celle de partie au contrat mais celle de mandataire de ses parents.
Par suite, c'est à bon droit que le premier juge a déclaré irrecevable l'action intentée par la société Innov décor à l'encontre de Mme [H] [D].
Le jugement sera confirmé de ce chef.
Sur la recevabilité du moyen tiré de la nullité de l'engagement des parties
Moyens des parties
La société Innov décor soutient que la demande tendant à ce que soit prononcée la nullité du " devis " liant les parties est une demande nouvelle présentée pour la première fois en cause d'appel et, partant, irrecevable.
En réponse, M. [V] [D] fait valoir que, selon la jurisprudence, la demande en nullité d'un contrat dont l'adversaire demande l'exécution est recevable, pour la première fois, en cause d'appel.
Réponse de la cour
Aux termes de l'article 564 du code de procédure civile, à peine d'irrecevabilité relevée d'office, les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions si ce n'est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l'intervention d'un tiers, ou de la survenance ou de la révélation d'un fait.
Il est établi que sont recevables pour être opposés à l'adversaire qui en demande l'exécution la demande qualifiée d'exception de nullité du contrat ou le moyen tiré de la nullité de celui-ci (1re Civ., 23 juin 1993, pourvoi n° 90-10.112, Bulletin 1993 I N° 225 ; 1re Civ., 26 avril 2000, pourvoi n° 98-14.212).
Au cas présent, M. [V] [D] ne sollicite pas, dans le dispositif de ses conclusions, que soit prononcée la nullité du " devis ", de sorte qu'il n'excipe, en réalité, que d'un moyen de nullité de son engagement pour s'opposer à la demande de son adversaire en exécution de celui-ci.
Par suite, ledit moyen sera déclaré recevable.
Sur la nullité de l'engagement des parties
Moyens des parties
M. [V] [D] soutient que les mentions sur les modalités de paiement figurant sur le devis remis par la société Innov décor sont constitutives d'un faux pour avoir été ajoutées postérieurement à sa signature et en infère que ledit devis ne satisfait pas aux prescriptions des articles L. 111-1 et R. 111-1 du code de la consommation pour ne comporter aucune indication concernant tant le délai d'exécution de la prestation que les modalités de paiement, de sorte que ce défaut d'information doit être sanctionné par sa nullité.
Il précise que ces informations manquantes sont des éléments essentiels du contrat.
Il observe également que le devis est nul en ce que la société Innov décor a méconnu les dispositions de l'article L. 121-1 du code de la consommation en le trompant sur ses compétences et la qualité de son travail afin de le pousser à contracter.
Il précise qu'elle a ainsi prétendu, à tort, disposer de la certification Qualibat alors qu'une telle certification était un élément déterminant du choix de cette société.
Il déduit de la nullité à venir que la demande en paiement de la société Innov décor ne pourra qu'être rejetée dès lors qu'elle ne produit aucun justificatif permettant d'évaluer, dans le cadre des restitutions à opérer, le montant des travaux effectués hors marge.
En réponse, la société Innov décor fait valoir que la demande tendant à ce que soit prononcée la nullité du " devis " liant les parties est infondée dès lors que M. [V] [D] verse aux débats un " contrat de rénovation résidentiel ", rédigé par Mme [H] [D], qu'il affirme avoir conclu avec elle, de sorte qu'il ne peut pas lui reprocher de ne pas avoir eu connaissance des conditions d'exécution du chantier et des travaux.
Elle souligne que les nombreux SMS produits établissent que Mme [H] [D] a été parfaitement informée des conditions dans lesquelles le chantier allait être réalisé ainsi que du coût total des travaux.
Elle relève que l'absence des modalités de règlement sur le devis résultait d'un problème de sélection d'impression de feuille Excel et que les règles concernant les modalités d'acompte dans le bâtiment sont usuelles et, qu'en l'occurrence, le chèque de 84 000 euros émis par M. [V] [D] correspondait aux 30 % habituellement versés au démarrage du chantier.
Elle ajoute que M. [V] [D] ne tire pas toutes les conséquences de sa demande de nullité qui le conduirait, en tout état de cause, à lui rembourser l'intégralité des travaux par elle effectués.
Réponse de la cour
Aux termes de l'article 1112-1 du code civil, celle des parties qui connaît une information dont l'importance est déterminante pour le consentement de l'autre doit l'en informer dès lors que, légitimement, cette dernière ignore cette information ou fait confiance à son cocontractant. Néanmoins, ce devoir d'information ne porte pas sur l'estimation de la valeur de la prestation. Ont une importance déterminante les informations qui ont un lien direct et nécessaire avec le contenu du contrat ou la qualité des parties. Il incombe à celui qui prétend qu'une information lui était due de prouver que l'autre partie la lui devait, à charge pour cette autre partie de prouver qu'elle l'a fournie. Les parties ne peuvent ni limiter, ni exclure ce devoir. Outre la responsabilité de celui qui en était tenu, le manquement à ce devoir d'information peut entraîner l'annulation du contrat dans les conditions prévues aux articles 1130 et suivants.
Il résulte de cet article que le devoir d'information précontractuelle ne porte que sur les informations qui ont un lien direct et nécessaire avec le contenu du contrat ou la qualité des parties, et dont l'importance est déterminante pour le consentement de l'autre partie (Com., 14 mai 2025, pourvoi n° 23-18.082, 23-17.948, 23-18.049, publié au Bulletin).
Aux termes de l'article 1130 du même code, l'erreur, le dol et la violence vicient le consentement lorsqu'ils sont de telle nature que, sans eux, l'une des parties n'aurait pas contracté ou aurait contracté à des conditions substantiellement différentes. Leur caractère déterminant s'apprécie eu égard aux personnes et aux circonstances dans lesquelles le consentement a été donné.
Aux termes de l'article 1131 de ce code, les vices du consentement sont une cause de nullité relative du contrat.
Aux termes de l'article 1132 de ce code, l'erreur de droit ou de fait, à moins qu'elle ne soit inexcusable, est une cause de nullité du contrat lorsqu'elle porte sur les qualités essentielles de la prestation due ou sur celles du cocontractant.
Aux termes de l'article L. 111-1 du code de la consommation, dans sa rédaction issue de l'ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016, avant que le consommateur ne soit lié par un contrat de vente de biens ou de fourniture de services, le professionnel communique au consommateur, de manière lisible et compréhensible, les informations suivantes :
1° Les caractéristiques essentielles du bien ou du service, compte tenu du support de communication utilisé et du bien ou service concerné ;
2° Le prix du bien ou du service, en application des articles L. 112-1 à L. 112-4 ;
3° En l'absence d'exécution immédiate du contrat, la date ou le délai auquel le professionnel s'engage à livrer le bien ou à exécuter le service ;
4° Les informations relatives à son identité, à ses coordonnées postales, téléphoniques et électroniques et à ses activités, pour autant qu'elles ne ressortent pas du contexte ;
5° S'il y a lieu, les informations relatives aux garanties légales, aux fonctionnalités du contenu numérique et, le cas échéant, à son interopérabilité, à l'existence et aux modalités de mise en 'uvre des garanties et aux autres conditions contractuelles ;
6° La possibilité de recourir à un médiateur de la consommation dans les conditions prévues au titre Ier du livre VI.
La liste et le contenu précis de ces informations sont fixés par décret en Conseil d'Etat.
Les dispositions du présent article s'appliquent également aux contrats portant sur la fourniture d'eau, de gaz ou d'électricité, lorsqu'ils ne sont pas conditionnés dans un volume délimité ou en quantité déterminée, ainsi que de chauffage urbain et de contenu numérique non fourni sur un support matériel. Ces contrats font également référence à la nécessité d'une consommation sobre et respectueuse de la préservation de l'environnement.
Aux termes de l'article R. 111-1 du même code, dans sa rédaction issue du décret n° 2016-884 du 29 juin 2016, pour l'application des 4°, 5° et 6° de l'article L. 111-1, le professionnel communique au consommateur les informations suivantes :
1° Son nom ou sa dénomination sociale, l'adresse géographique de son établissement et, si elle est différente, celle du siège social, son numéro de téléphone et son adresse électronique ;
2° Les modalités de paiement, de livraison et d'exécution du contrat ainsi que celles prévues par le professionnel pour le traitement des réclamations ;
3° S'il y a lieu, l'existence et les modalités d'exercice de la garantie légale de conformité mentionnée aux articles L. 217-4 à L. 217-13 et de celle des défauts de la chose vendue dans les conditions prévues aux articles 1641 à 1648 et 2232 du code civil ainsi que, le cas échéant, de la garantie commerciale et du service après-vente mentionnés respectivement aux articles L. 217-15 et L. 217-17 ;
4° S'il y a lieu, la durée du contrat ou, s'il s'agit d'un contrat à durée indéterminée ou à tacite reconduction, les conditions de sa résiliation ;
5° S'il y a lieu, toute interopérabilité pertinente du contenu numérique avec certains matériels ou logiciels dont le professionnel a ou devrait raisonnablement avoir connaissance ainsi que les fonctionnalités du contenu numérique, y compris les mesures de protection technique applicables ;
6° Les coordonnées du ou des médiateurs de la consommation compétents dont il relève en application de l'article L. 616-1.
Il est établi qu'il résulte de la combinaison de l'article L. 111-1 du code de la consommation, qui ne sanctionne pas expressément par la nullité du contrat le manquement aux obligations d'information précontractuelles qu'il énonce, et de l'article 1112-1 du code civil, qu'un tel manquement du professionnel à l'égard du consommateur entraîne l'annulation du contrat, dans les conditions prévues aux articles 1130 et suivants du code civil, si le défaut d'information porte sur des éléments essentiels du contrat (1re Civ., 20 décembre 2023, pourvoi n° 22-18.928, publié au Bulletin).
Au cas d'espèce, les devis produits, tant par la société Innov décor que par M. [V] [D], ne comportent pas d'indications préalables concernant, d'une part, la date de réalisation du chantier, d'autre part, les modalités de paiement de celui-ci, dès lors que les indications mentionnées sur le devis produits par la société Innov décor sont nécessairement postérieures à celui-ci.
Par ailleurs, la société Innov décor ne peut se prévaloir du " contrat de rénovation résidentielle " produit par M. [V] [D], dont elle argue qu'il s'agirait d'un faux, pour justifier avoir satisfait à ses obligations au regard du code de la consommation.
Dès lors, cette société ne justifie pas avoir satisfait à son obligation de communiquer au consommateur, en l'occurrence M. [V] [D], avant qu'il ne soit engagé et de manière lisible et compréhensible, d'une part, la date ou le délai d'exécution de son service, d'autre part, les modalités de paiement de celui-ci.
Il résulte du défaut de satisfaction aux obligations d'information précontractuelles prévues à l'article L. 111-1 et R. 111-1 du code de la consommation que le consentement de M. [V] [D] sur des éléments essentiels du contrat a nécessairement été vicié pour procéder d'une erreur, de sorte que celui-ci est nul.
Ladite nullité étant constatée pour défaut d'information, la cour n'examinera pas le moyen de M. [V] [D] tenant à la même nullité, cette fois-ci au titre de pratiques commerciales trompeuses.
Sur le solde du chantier
Moyens des parties
La société Innov décor soutient que, déduction faite de l'acompte de 15 000 euros, M. [V] [D] est redevable de la somme de 38 929,20 euros correspondant aux travaux réalisés.
Elle précise qu'elle est intervenue à la suite d'une précédente entreprise dont les malfaçons avaient occasionné un risque d'effondrement de la maison, de sorte qu'elle a effectué un certain nombre de travaux non mentionnés au devis mais avec l'accord de Mme [H] [D], qui était présente sur le chantier.
Elle observe que les travaux effectués, contrairement à ce qu'a relevé le premier juge, ne concernent pas uniquement le sous-sol, au titre duquel elle ne sollicite le paiement que de ceux effectivement réalisés, mais aussi le sondage du sol, l'installation de bâches de protection et de clôtures, de réparation de rideaux métalliques du garage, de l'achat de matériaux, de travaux de décaissement et de reprise dans une chambre.
Elle souligne que, par la production du constat dressé par huissier de justice le 15 mai 2017 et des nombreux SMS échangés de part et d'autre, elle rapporte la preuve de leur réalisation.
En réponse, M. [V] [D] fait valoir que la demande en paiement ne peut qu'être rejetée dès lors que, du fait de la nullité du contrat, seule une restitution à hauteur du montant des travaux hors marge peut être effectuée et, qu'en l'occurrence, la société Innov décor ne produit aucun justificatif permettant d'évaluer la valeur des matériaux utilisés
Réponse de la cour
Aux termes de l'article 1131 de ce code, les vices du consentement sont une cause de nullité relative du contrat.
Au cas d'espèce, la cour a, en réponse au moyen présenté par M. [V] [D], constaté la nullité de la convention le liant à la société Innov décor.
Il en résulte que celle-ci n'est pas fondée à agir en exécution de ladite convention.
Par suite, la demande en paiement de ses prestations par la société Innov décor sera rejetée.
Le jugement sera confirmé de ce chef.
Sur les préjudices de la société Innov décor
Moyens des parties
La société Innov décor soutient que, en ne payant pas l'acompte de 30 % du prix du chantier et en la contraignant à suspendre puis à interrompre définitivement le contrat, M. [V] [D] lui a causé un préjudice certain puisqu'elle s'est trouvée privée du chiffre d'affaires correspondant au montant total du chantier sans pouvoir trouver un autre chantier à réaliser.
Elle énonce que, Mme [H] [D] profitant du lien de confiance établi avec son gérant, elle a été victime de man'uvres en vue d'obtenir des travaux de confortement sans lui verser le montant nécessaire pour effectuer lesdits travaux de manière convenable.
Elle énonce, qu'en raison du cadenas apposé sur la porte de la maison, elle n'a pu récupérer les outils de chantier et les matériaux laissés sur place dont elle évalue la valeur, au regard du listing qu'elle a établi, à la somme globale de 29 500 euros au moins.
En réponse, M. [V] [D] fait valoir que, comme l'ont relevé les premiers juges, la société Innov décor ne verse aux débats aucun élément permettant de déterminer les matériaux et outils lui appartenant qui se trouveraient toujours sur le chantier.
Il souligne que la société Innov décor ne peut se prévaloir d'un préjudice résultant de pratiques commerciales trompeuses alors que c'est elle qui a manqué à ses obligations d'information précontractuelles.
Il ajoute que cette même société ne peut se prévaloir d'un quelconque préjudice économique dès lors qu'aucun manque à gagner ne peut découler de l'inexécution d'un contrat censé n'avoir jamais existé.
Réponse de la cour
Aux termes de l'article 1131 du code civil, les vices du consentement sont une cause de nullité relative du contrat.
Aux termes de l'article 1240 du même code, tout fait quelconque de l'homme qui cause à autrui un dommage oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer.
Aux termes de l'article 1353 de ce code, celui qui réclame l'exécution d'une obligation doit la prouver. Réciproquement, celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l'extinction de son obligation.
Au cas d'espèce, comme l'ont relevé les premiers juges, la société Innov décor ne justifie pas de l'existence des outils et matériaux qu'elle allègue avoir laissés sur le site du chantier.
Par ailleurs, elle ne démontre pas l'existence des man'uvres frauduleuses en vue de l'amener à contracter dont elle se prévaut et ce d'autant plus que, ayant manqué à ses propres obligations précontractuelles d'information, elle a induit en erreur M. [V] [D] sur les éléments essentiels du marché en cause.
Enfin, elle n'est pas fondée à se prévaloir de l'existence d'un préjudice tenant au défaut de réalisation d'un marché nul en raison de ses propres manquements.
Par suite, les demandes en paiement de dommages et intérêts présentées par la société Innov décor seront rejetées.
Le jugement sera confirmé de ce chef.
Sur le caractère abusif de la procédure
Moyens des parties
La SCI, M. [V] [D] et Mme [H] [D] soutiennent que les divers manquements commis par la société Innov décor et sa patente mauvaise foi justifient qu'ils leur soient octroyés la somme de 5 000 euros, chacun, en réparation du caractère abusif de la procédure.
La société Innov décor n'a pas fait valoir d'observations.
Réponse de la cour
Aux termes de l'article 1240 du code civil, tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer.
Il est établi que seule une faute caractérisée, dont l'existence ne saurait résulter du seul échec d'une procédure, peut faire dégénérer en abus l'exercice du droit d'agir en justice.
Au cas d'espèce, après examen de l'ensemble des éléments produits aux débats, la cour retient que la SCI, M. [V] [D] et Mme [H] [D] ne démontrent pas l'existence d'une telle faute.
Par suite, leur demande en paiement de dommages et intérêts en raison du caractère abusif de la procédure sera rejetée.
Le jugement sera confirmé de ce chef.
Sur la demande de restitution du chèque de 84 000 euros
Moyens des parties
M. [V] [D] soutient que, en raison du rejet par la société BNP Paribas du chèque d'un montant de 84 000 euros, il a été inscrit sur le fichier des incidents de paiement.
Il souligne que ce chèque dit de caution n'avait pas vocation à être encaissé, de sorte que la société Innov décor doit le lui restituer.
En réponse, la société Innov décor fait valoir que le chèque litigieux correspond à l'acompte de 30 % versé par M. et Mme [D] et que, en application de l'article L. 131-31 du code monétaire et financier, il était payable à vue, toute mention contraire étant réputée non écrite.
Réponse de la cour
Aux termes de l'article 1131 du code civil, les vices du consentement sont une cause de nullité relative du contrat.
Au cas d'espèce, le chèque n° 5856112 tiré sur la société BNP Paribas d'un montant de 84 000 euros a été émis en application d'un contrat dont la cour a constaté la nullité.
Par suite, la société Innov décor est tenue de le restituer.
Ajoutant au jugement, il sera ordonné à la société Innov décor de restituer ledit chèque. Cette injonction sera ordonnée sans astreinte.
Sur les frais du procès
Le sens de l'arrêt conduit à confirmer le jugement sur la condamnation aux dépens et sur celle au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
En cause d'appel, la société Innov décor, partie succombante, sera condamnée aux dépens et à payer à M. [V] [D], Mme [H] [D] et la SCI la somme globale de 4 000 euros, au titre des frais irrépétibles.
PAR CES MOTIFS
La cour,
Déclare recevable le moyen de M. [V] [D] tiré de la nullité de l'engagement des parties au contrat de construction ;
Confirme le jugement en ses dispositions soumises à la cour,
Y ajoutant,
Ordonne à la société Innov décor de restituer à M. [V] [D] le chèque n° 5856112 tiré sur la société BNP Paribas d'un montant de 84 000 euros ;
Condamne la société Innov décor aux dépens d'appel ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la société Innov décor et la condamne à payer à M. [V] [D], Mme [H] [D] et la société Mary la somme globale de 4 000 euros.