CA Grenoble, ch. com., 2 octobre 2025, n° 24/00164
GRENOBLE
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
Kis (SAS)
Défendeur :
Advintech (SASU)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Figuet
Conseillers :
M. Bruno, Mme Faivre
Avocats :
Me Jay, Me Guichon, Me Burdin, CDMF Avocats
Faits et procédure :
1. Le 30 juin 2021, la société Advintech a signé un contrat de prestations de services et de conseils avec la société SGER, aux droits de laquelle est intervenue la société Kis, entré en vigueur le 1er juillet 2021 et devant se terminer le 30 juin 2024, moyennant un montant forfaitaire annuel de 272.268 euros HT payable mensuellement à terme échu soit 22.689 euros HT.
2. La société Advintech s'engageait à définir les termes des conditions de la stratégie d'innovation de l'activité « Food» de la société SGER et à fournir des prestations d'assistance stratégique et développement ainsi que des prestations d'assistance technique et commerciale.
3. Le 4 avril 2022, un avenant a été régularisé entre la société Advintech et la société SGER, prévoyant rétroactivement qu'à compter du 1er décembre 2021, la mission confiée au prestataire SGER sera réduite ainsi que le forfait mensuel désormais ramené à 13.900 euros HT, payable par trimestre civil le 10 du mois suivant le trimestre échu. Les autres stipulations et notamment le terme du contrat initial sont restés inchangés.
4. La facture du 4ème trimestre 2022 adressée à la société Kis pour un montant de 41.700 euros HT payable à échéance du 30 décembre 2022 est restée impayée, nonobstant relances faites par courriel le 20 mars et le 12 avril 2023.
5. Par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 5 mai 2023, la société Kis a fait valoir que la société Advintech ne peut prétendre à une quelconque rémunération puisque cette dernière a cessé depuis de nombreux mois toute intervention. Elle l'a mise en demeure de réaliser les prestations d'assistance prévues contractuellement, sous peine de résiliation du contrat de plein droit dans un délai d'un mois à compter de cette lettre. En réponse, la société Advintech a mis en demeure la société Kis de régler la facture restant due au titre du 4ème trimestre 2022, ainsi que de respecter ses obligations contractuelles afin qu'elle puisse poursuivre sa mission, invoquant, à défaut, la résiliation du contrat aux torts de la société Kis, et le paiement des sommes restant dues jusqu'au terme du contrat.
6. Le 7 juin 2023, la société Kis a prononcé la résiliation du contrat aux torts exclusifs de la société Advintech pour absence de diligence et de prestations malgré mise en demeure.
7. Par assignation délivrée le 6 octobre 2023, la société Advintech a demandé au tribunal de commerce de Grenoble de constater la résiliation de plein droit du contrat et de condamner la société Kis à régler la somme de 316.920 euros TTC outre intérêts de retard à compter de l'assignation.
8. Par jugement réputé contradictoire du 22 décembre 2023, le tribunal de commerce de Grenoble a :
- jugé la société Advintech recevable et bien fondée dans ses prétentions,
- en conséquence, à titre principal et conformément à l'article 12.2 du contrat liant les parties, constaté la résiliation de plein droit du contrat en date du 30 juin 2021 et de son annexe en date du 4 avril 2022 en l'absence de respect des obligations contractuelles incombant aujourd'hui à la société Kis venant aux droits de la société SGER,
- en conséquence, condamné la société Kis venant aux droits de la société SGER à régler à la société Advintech la somme de 291.900 euros HT outre intérêts au taux légal à compter de la présente décision,
- condamné la société Kis à payer à la société Advintech la somme de 3.000 euros à titre d'indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné la société Kis aux entiers dépens de l'instance et les a liquidés à la somme indiquée au bas de la première page de la décision.
9. La société Kis a interjeté appel de cette décision le 4 janvier 2024 en toutes ses dispositions reprises dans sa déclaration d'appel.
10. L'instruction de cette procédure a été clôturée le 12 juin 2025.
Prétentions et moyens de la société Kis :
11. Selon ses conclusions n°3 remises par voie électronique le 11 juin 2025, elle demande à la cour, au visa des articles 1217, 1219, 1224 du code :
- de la déclarer recevable et bien fondée en son appel ;
- d'infirmer le jugement déféré en ce qu'il a jugé la société Advintech recevable et bien fondée dans ses prétentions; en conséquence, à titre principal et conformément à l'article 12.2 du contrat liant les parties, constaté la résiliation de plein droit du contrat en date du 30 juin 2021 et de son annexe en date du 4 avril 2022 en l'absence de respect des obligations contractuelles incombant aujourd'hui à la société Kis venant aux droits de la société SGER; en conséquence, condamné la société Kis venant aux droits de la société SGER à régler à la société Advintech la somme de 291.900 euros outre intérêts au taux légal à compter de la présente décision; condamné la société Kis à payer à la société Advintech la somme de 3.000 euros au titre de l'indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ; condamné la société Kis aux entiers dépens de l'instance ;
- statuant à nouveau, de juger que la société Advintech n'a réalisé aucune des diligences prévues par le contrat de prestation de service du 30 juin 2021 et par l'avenant du 4 avril 2022 lui permettant de justifier de sa créance ;
- de juger par conséquent l'absence d'exécution ou à tout le moins l'inexécution suffisamment grave des obligations de la société Advintech ;
- de constater la résolution notifiée par la concluante du contrat de prestation de service du 30 juin 2021 et de son avenant du 4 avril 2022 ;
- de juger que le contrat de prestation de service du 30 juin 2021 et son avenant du 4 avril 2022 sont résiliés au 7 juin 2023 aux seuls torts de la société Advintech ;
- de juger qu'aucune indemnité de résiliation n'est due par la concluante à la société Advintech ;
- à titre subsidiaire, de juger que le tribunal de commerce de Grenoble a statué ultra petita et réduire en conséquence l'indemnité de résiliation à la somme de 316.920 euros TTC ;
- en tout état de cause, de débouter la société Advintech de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions ;
- de condamner la société Advintech à payer à la concluante la somme de 6.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi que les entiers dépens.
12. La société Kis expose :
13. - que la société SGER fabricant et commercialisant des distributeurs automatiques de pizzas, le contrat conclu avec l'intimée avait pour objet de définir les conditions de l'assistance stratégie et développement de la société SGER, en étudiant les enjeux de développement à court, moyen et long terme et en proposant les grands axes de développement sur de nouveaux produits, en effectuant une veille permanente des évolutions technologiques du marché et en lançant de nouvelles offres, en anticipant et recherchant les ruptures technologiques afin de maintenir l'entreprise dans une position de leadership, en travaillant en interface avec les directions marketing et commerciale pour appréhender les évolutions des besoins des clients et les transformer en orientations techniques, en définissant la stratégie d'acquisition de brevets, en
comparant et choisissant les idées innovantes les plus intéressantes pour le
développement du marché, en lançant et contrôlant les projets retenus auprès des équipes, en assurant une communication vers la direction générale sur les difficultés et les succès rencontrés, en déterminant la meilleure orientation possible pour raccourcir les délais d'études, en garantissant le respect des règles d'éthique et de bon fonctionnement en lien avec la culture et les valeurs de l'entreprise, en coordonnant la relation avec les autres départements de l'entreprise, en suivant et pilotant avec la direction juridique la protection économique des innovations notamment par le dépôt de brevets, en réalisant un point mensuel avec le président de l'entreprise ;
14. - concernant l'assistance technique, que la société Advintech devait fournir des conseils et des recommandations concernant le développement et la mise au point des produits, ainsi qu'une assistance et des recommandations sur le choix des matériaux, le développement de nouvelles gammes de produits et services, la réalisation de tests pour l'amélioration des produits, une veille technologique ;
15. - que l'assistance commerciale devait intervenir sur la stratégie et la politique commerciale, le marketing, l'identification des clients potentiels et leurs besoins ;
16. - que la société SGER réalisant que ces prestations n'étaient pas complètement exécutées, l'avenant du 4 avril 2022 a revu les prestations devant être exécutées par l'intimée, avec une révision de ses honoraires ;
17. - que lorsque la concluante est venue aux droits de la société SGER fin 2022, elle a constaté que les prestations prévues par l'avenant du 4 avril 2022 n'étaient pas réalisées, alors que 10 litiges avec des anciens clients de la société SGER ont été portés à sa connaissance, malgré les termes du protocole de cession précisant qu'aucune procédure ou réclamation n'était sur le point d'être entamée contre la société SGER, à l'exception d'un risque de contentieux avec la société RMS ; que la concluante a, en conséquence, retenu une partie du prix de cession pour 200.000 euros, et a entamé des négociations avec M.[G], ancien dirigeant de la société SGER et dirigeant de la société Advintec sur le déblocage de la retenue de garantie d'actif et de passif et l'arrêt du contrat de prestations de services, ce qui a donné lieu au courrier du 5 janvier 2023 par lequel la concluante a proposé notamment l'abandon définitif de la garantie en contrepartie du paiement de l'intégralité des sommes restant dues au titre du contrat de prestation de services ;
18. - concernant l'inexécution du contrat de prestation de services, que si l'intimée a produit une facture du 30 décembre 2022 pour 41.700 euros HT, celle-ci n'est pas détaillée et ne fait état d'aucune prestation ; que l'intimée n'a versé en première instance aucun justificatif du travail réalisé ;
19. - que si devant la cour l'intimée produit ce qu'elle considère comme étant les justificatifs de son travail, il s'agit de documents concernant des diligences réalisées avant le dernier trimestre 2022, alors que l'avenant prévoyait un paiement des honoraires par trimestre civil ; ainsi, que l'intimée doit établir les diligences réalisées pendant les mois d'octobre à décembre 2022 ; que la production de documents concernant l'année 2021 et jusqu'au mois de septembre 2022 est sans effet ; que la production de l'agenda de M.[G] pour le dernier trimestre 2022 fait seulement état de trois rendez-vous ou visio-conférence avec la concluante ;
20. - que la pièce n°14 de l'intimée, portant sur le dernier trimestre 2022, ne justifie pas de diligences, alors qu'elle a été établie a posteriori, puisque la concluante n'en prend connaissance que dans le cadre de l'instance ; que ce document n'est pas un compte-rendu, mais qu'une simple veille sur les évolutions technologiques du marché, et ainsi sans assistance technique ou commerciale ; que la pièce n°22 produite par l'intimée concernant un rapport n'a pas été établie par M.[G], mais par l'équipe technique de la concluante ;
21. - que si M.[G] s'est rendu à [Localité 6] en octobre 2022 auprès de l'entreprise en charge de la procédure de certification de produits que la société Fase Vending LLC, dirigée par son fils, devait distribuer sur le continent américain, ce déplacement n'a pas été réalisé dans l'intérêt de la concluante, mais afin d'obtenir la certification qui avait été promise comme acquise en 2021 lors de la cession de la société SGER ;
22. - qu'il en résulte que l'intimée est mal fondée à solliciter le paiement de la facture correspondant au dernier trimestre 2022 et une indemnité égale à l'ensemble de ses honoraires jusqu'au terme du contrat le 30 juin 2024 ;
23. - que suite à ces inexécutions, la concluante a mis en demeure l'intimée le 5 mai 2023 de s'exécuter, en indiquant qu'à défaut, le contrat de prestation de services et son avenant seront résiliés passé un mois ; que l'intimée n'a pas justifié de cette exécution ; que la concluante a été ainsi bien fondée à résilier ces contrats le 7 juin 2023 ;
24. - que le tribunal n'a ainsi pu condamner la concluante au paiement d'une indemnité de résiliation, correspondant aux honoraires restant à percevoir jusqu'au terme du contrat ;
25. - que le tribunal a dépassé l'objet du litige, puisqu'il a indiqué que l'intimée avait sollicité le paiement de 316.920 euros TTC, ce que confirme l'assignation, alors qu'il a condamné la concluante au paiement de 350.280 euros TTC ; que ce problème a été relevé par le premier président de la cour d'appel dans le cadre de la demande de suspension de l'exécution provisoire.
Prétentions et moyens de la société Advintech :
26. Selon ses conclusions n°2 remises par voie électronique le 21 mai 2025, elle demande à la cour, au visa des articles 1217,1219, 1224 et suivants du code civil :
- de déclarer recevable mais particulièrement infondé l'appel interjeté par la société Kis à l'encontre du jugement rendu par le tribunal de commerce de Grenoble le 22 décembre 2023 ;
- de dire et juger que le tribunal n'a pas statué ultra petita ;
- de juger que la concluante a réalisé toutes les diligences prévues par le contrat de prestations de service du 30 juin 2021 et par l'avenant du 4 avril 2022 ;
- de juger, par contre, que la société Kis a gravement manqué à ses obligations telles que découlant du contrat de prestations de service du 30 juin 2021;
- en conséquence, de débouter la société Kis de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions et confirmer le jugement attaqué en toutes ses dispositions;
- y ajoutant, de condamner la société Kis à régler à la concluante la somme de 6.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.
27. L'intimée soutient :
28. - que le premier président de la cour d'appel n'a pas arrêté l'exécution provisoire, mais a seulement ordonné la consignation des sommes de 291.000 et 3.000 euros ;
29. - que le contrat objet du litige s'inscrit dans le cadre d'accords plus larges, puisque M.[G], gérant de la société SGER, y était associé avec notamment ses deux fils [D] et [B] ; que dans le cadre de la cession de la société initialement à la société Photo Me, il a été prévu l'obligation pour ce cessionnaire de signer avec la société Fase Vending, de droit américain et gérée par [D] [G], un contrat de distribution exclusive, l'obligation de rester dans les locaux du cédant et ainsi de régler les loyers pendant six ans, d'embaucher [B] [G] ; qu'en parallèle, le contrat de prestation de services a été conclu entre la concluante et la société SGER ;
30. - que suite au rachat de la société SGER, puis de sa dissolution sans liquidation, la société Kis n'a pas exécuté correctement ces contrats, en ne donnant pas suite au contrat de distribution exclusive signé avec la société Fase Vending, en mettant fin au contrat de prestation de services, en résiliant le bail au bout de trois ans, en licenciant sans motif [B] [G] qui était directeur commercial et marketing de la société SGER et dont le contrat s'était poursuivi après la cession de cette société ; que la société Kis a multiplié des demandes au titre de la garantie d'actif de 200.000 euros ;
31. - que la concluante produit les justificatifs de son travail, consistant en des rapports, courriers, plannings de travail, mails ; que comme retenu par le tribunal de commerce, la société Kis a mis en demeure la concluante sans avoir auparavant procédé à une réclamation pendant deux ans ;
32. - ainsi, que la société Kis a nommé, en septembre 2021, M.[T] comme directeur ; que la concluante a assuré avec ce dernier le transfert de technologie et le développement d'une nouvelle machine, ainsi que le transfert d'une autre machine à un bureau d'études ; qu'elle a transmis les dossiers concernant la certification des machines pour le marché nord américain dans le cadre du contrat conclu avec la société Fase Vending ; que début 2022, la concluante a travaillé avec M.[C], recruté par la société Kis en qualité de responsable sous l'autorité de M.[T] devenu directeur technique pour l'ensemble des produits du groupe, M.[C] étant ensuite licencié en mai 2022, alors que M.[T] a quitté le groupe en janvier 2023 ; que suite au changement de ces interlocuteurs, les différentes propositions et demandes de la concluante sont restées sans réponse, mais sans que la société Kis ne forme de réclamation ; que la concluante n'a plus eu ensuite de discussions qu'avec M.[X], directeur de la société Kis, qui a cherché à mettre fin au partenariat à l'automne 2022, aucune réunion n'étant tenue à partir du mois de novembre, alors que la concluante n'a plus reçu aucune demande sur le plan technique ou commercial ;
33. - qu'il en résulte que l'appelante ne s'est pas donnée les moyens de répondre aux engagements pris lors de l'achat de la société SGER, puisque les contrats avaient prévu qu'elle devait veiller à ce que ses structures propres soient susceptibles d'accueillir les prestations, notamment par le recours à un personnel correctement formé, la concluante ne devant pas suppléer les conséquences d'une formation insuffisante ;
34. - que dans sa proposition de transaction du 5 janvier 2023, la société Kis a ainsi proposé le paiement des sommes restant dues à la concluante au titre de ses prestations de service, contre l'abandon définitif de la garantie d'actif, des accords avec la société PZ USA et la société Fase Vending et le paiement du véhicule que la concluante utilisait depuis le rachat de la société SGER ; que la rupture du contrat de prestations de services ne s'inscrit ainsi que dans le cadre de la volonté de la société Kis de couper toutes relations avec la famille [G] ;
35. - concernant le montant des condamnations sollicitées par la concluante, que l'indemnité de résiliation est de 291.000 euros HT (21 mois x 13.900 €) ; que dans son assignation, la concluante a commis une erreur puisque si elle a indiqué que le contrat devait ne prendre fin que le 30 juin 2024, alors qu'elle n'avait pas reçu de paiement depuis le 30 septembre 2022, de sorte que 19 mois d'honoraires étaient dus, le tribunal a rectifié cet erreur, puisqu'il s'agit de 21 mois ; que le tribunal n'a pas ainsi dépassé l'objet du litige, mais a seulement interpréter la demande contenant une erreur manifeste ; en tout état de cause, que l'effet dévolutif de l'appel permet de statuer sur cette demande.
*****
36. Il convient en application de l'article 455 du code de procédure civile de se référer aux conclusions susvisées pour plus ample exposé des prétentions et moyens des parties.
MOTIFS DE LA DECISION :
37. Le tribunal de commerce a relevé, s'agissant en premier lieu de la demande principale de la société Advintech, à savoir de constater la résiliation de plein droit du contrat en date du 30 juin 2021 et de son annexe en date du 4 avril 2022, pour absence de respect des obligations contractuelles de la société Kis, que les deux courriels adressés par la société Advintech le 20 mars 2023 puis le 12 avril 2023 en demande de paiement de la facture du 4ème trimestre 2022, n'ont fait l'objet d'aucune contestation à réception de la part de la société Kis. Les relances effectuées par mails ainsi que les échanges de mails entre les parties démontrent que le contenu de la prestation s'est poursuivie au moins jusqu'en janvier 2023. Dans trois courriels des 5, 23 et 24 janvier 2023, la société Kis n'a fait alors valoir aucune difficulté sur les prestations réalisées jusqu'alors par la société Advintech.
38. Le tribunal a observé que si par lettre recommandée en date du 5 mai 2023, la société Kis a mis en demeure la société Advintech d'exécuter sa mission en indiquant que cette dernière aurait cessé toute intervention depuis de nombreux mois sans fournir la moindre explication sur cette cessation d'intervention, pour autant, elle n'indique pas avoir procédé à des réclamations au préalable ou demandes relatives à ces périodes antérieures avant cette mise en demeure. Au demeurant, elle n'a pas régularisé sa situation en persistant dans le non-règlement de la facture du 4ème trimestre 2022, soit 5 mois après la date d'échéance. Dès lors, elle ne peut pas valablement soutenir que son prestataire devait fournir des prestations alors qu'elle est défaillante et qu'elle a manqué à ses obligations contractuelles en paiement.
39. Le tribunal a constaté que le contrat initial stipule en son article 12.2 «résiliation pour manquement» que le contrat pourra être résilié par anticipation par l'une ou l'autre des parties, en cas de manquement par l'une des parties au respect de ses obligations contractuelles. La résiliation interviendra de plein droit et automatiquement un mois après une mise en demeure signifiée à la partie défaillante par lettre recommandée avec avis de réception restée infructueuse. La résiliation anticipée à l'initiative du client, justifiée par une faute grave du prestataire, privera celui-ci de tout droit à indemnisation. Le prestataire gardera les sommes correspondantes aux honoraires perçus. Dans l'hypothèse, où le contrat serait résilié à l'initiative du prestataire du fait d'un manquement grave du client, le prestataire percevra à titre d'indemnisation une somme correspondant aux honoraires restant à percevoir jusqu'au terme du contrat.
40. Le tribunal a noté que la société Advintech justifie avoir mis en demeure la société Kis par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 18 mai 2023 de respecter ses obligations contractuelles afin de pourvoir poursuivre sa mission faute de quoi le contrat serait résilié du fait d'un manquement grave de sa part et qu'elle demanderait le règlement restant dû jusqu'à la fin du contrat conformément à l'article 12,2.
41. Il a, en conséquence, constaté la résiliation de plein droit du contrat en date du 30 juin 2021 et de son avenant en date du 4 avril 2022 en absence de respect des obligations contractuelles, incombant à la société Kis.
42. Le tribunal, faisant application de l'article 12.2 et de l'avenant, a condamné la société Kis à régler à la société Advintech, à titre d'indemnisation, la somme correspondant aux honoraires mensuels restant à percevoir courant du 1er octobre 2022 jusqu'au 30 juin 2024, soit la somme de 291.900 euros HT outre intérêts au taux légal à compter du jugement.
43. La cour constate que le contrat de prestation de services, s'il met à la charge de l'intimée les obligations rappelées par la société Kis, met également à la charge de la société SGER devenue Kis les obligations suivantes en son article 6 : mise en 'uvre d'une équipe dédiée et en adéquation avec l'objet du contrat, communication au prestataire de tous les éléments et documentations nécessaires à la réalisation de ses prestations, obligation que ses structures propres, notamment son personnel, soient susceptibles d'accueillir avec l'efficacité requise les prestations et que ce personnel dispose d'une formation correcte, les prestations n'étant pas destinées à suppléer les conséquences d'une formation insuffisante du personnel du client.
44. L'article 7 ajoute que les parties conviennent de collaborer étroitement dans le cadre de leurs relations, le client s'engageant notamment à remettre au prestataire l'ensemble des éléments qu'il a demandés. Le client s'engage à tenir le prestataire informé des actions effectuées dans le cadre d'activités ne relevant pas du contrat, mais qui seraient susceptibles d'avoir une incidence sur le bon déroulement des prestations.
45. L'article 10 du contrat prévoit que le prestataire est soumis à une obligation de moyens pour l'exécution de ses prestations, et que sa responsabilité ne pourra être engagée qu'en cas de faute grave.
46. La cour constate également que dans son mail du 5 janvier 2023, la société Kis propose une sortie des relations existantes, en contrepartie du paiement de la totalité des sommes dues liées au contrat de prestation de services.
47. Dans son courrier du 18 mai 2023, la société Advintech, en réponse au courrier de la société Kis la mettant en demeure d'exécuter le contrat, oppose que c'est la société Kis qui a cessé toute relation et n'a pas respecté le contrat, concernant l'équipe dédiée, la communication des éléments nécessaires à l'exécution des prestations. Elle ajoute que la société Kis n'a pas répondu aux propositions dans le cadre de l'amélioration des produits, et du développement de nouveaux produits.
48. La cour relève que les rapport de la société Advintech, effectués à compter du mois d'août 2021, relatent les problèmes traités, les suites données à des réunions, des plannings. Ces comptes-rendus sont détaillés pour chaque intervention réalisée, et parfois accompagnés de documents volumineux (ainsi le rapport du 31 mars 2022). Le rapport du 31 décembre 2022 est relatif à l'évolution du marché de distribution automatique de pizzas, avec l'analyse de projets de fabricants de machines, et des propositions de développement sur d'autres secteurs.
49. La société Advintech justifie également des plannings détaillés de ses interventions, mois par mois. Un ensemble de mails concerne les interventions de la société Advintech et l'exécution du contrat avec les salariés de la société Kis (développement, service après-vente, rapports d'intervention etc). Ces mails concernent également le dernier trimestre 2022. Un mail du 2 février 2023 est relatif à des interventions de [F] [G] concernant la certification d'une machine.
50. La cour constate enfin que la société Kis ne produit aucun élément sur les moyens qu'elle a mis en 'uvre pour permettre l'exécution du contrat. Il n'est pas justifié d'une dégradation des interventions réalisées par la société Advintech. La pièce n°14 produite par la société Advintech, datée du 30 décembre 2022, est relative à une étude sur le marché notamment américain de distributeurs automatiques, et propose des pistes de développement. Il n'apparaît pas que ce document ait été réalisé pour les besoins de l'instance, et il ne constitue pas une simple veille technologique.
51. La pièce n°22 de la société Advintech, également critiquée par l'appelante, est relative à un échange de mails intervenu notamment au cours du dernier trimestre 2022 entre M.[G] et l'équipe de la société Kis, concernant la mise au point d'appareils automatiques, le suivi de certifications en cours, et confirme les actions de la société Advintech dans le suivi des projets en cours, d'autant qu'elle était intéressée par un développement sur le marché américain.
52. Si la société Kis reproche en outre à la facture émise par l'intimée le 30 décembre 2022 de ne mentionner aucune prestation, la cour constate que l'émission de cette facture ne concerne que le paiement des prestations au trimestre échu, selon l'accord des parties faisant suite à l'avenant du 4 avril 2022.
53. Enfin, le fait que des contentieux commerciaux soient en cours ne concerne que le problème afférent à la garantie d'actif et de passif figurant dans le contrat de cession de la société SGER au profit de la société Kis, lequel est distinct du contrat de prestations de services conclu avec la société Advintech.
54. Il résulte de ces éléments, ajoutés aux motifs pertinents retenus par le tribunal de commerce, que la société Kis était mal fondée à résilier le contrat de prestations de services aux torts de la société Advintech. La cour constate que cette dernière n'a commis aucune faute dans l'exécution de ses prestations, dont elle justifie par ailleurs l'exécution. Il en résulte que le tribunal a justement prononcé la résiliation du contrat aux torts de la société Kis.
55. Concernant le grief de la société Kis pris d'un dépassement de l'objet du litige par le tribunal de commerce, la cour constate que selon l'assignation du 6 octobre 2023 saisissant cette juridiction, la demande de la société Advintech figurant dans le dispositif de l'assignation est le paiement de 316.920 euros TTC outre intérêts de retard à compter de l'assignation. Elle précise, dans sa motivation, qu'il s'agit de 19 mois d'honoraires qui sont dus, le terme du contrat étant le 30 juin 2024, alors qu'elle n'est plus payée depuis le 30 septembre 2022.
56. Or, la cour constate, comme le tribunal, que cette période de 19 mois est erronée, puisqu'il s'agit en réalité de 21 mois de prestations qui n'ont pu être accomplis par le fait de la société Kis. Il en résulte qu'au titre de la période écoulée entre le 1er octobre 2022 et le 30 juin 2024, la société Kis est redevable de 21 paiements mensuels de 13.900 euros HT, soit un total de 291.900 euros HT, ainsi que retenu par les premiers juges, qui n'ont pas ainsi dépassé l'objet du litige.
57. En conséquence, le jugement déféré sera confirmé en toutes ses dispositions soumises à la cour. Succombant en son appel, la société Kis sera condamnée à payer à la société Advintech la somme complémentaire de 3.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens d'appel.
PAR CES MOTIFS :
La Cour statuant publiquement, contradictoirement, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile, après en avoir délibéré conformément à la loi,
Vu les articles 1217 et suivants du code civil ;
Confirme le jugement déféré en ses dispositions soumises à la cour ;
y ajoutant,
Condamne la société Kis à payer à la société Advintech la somme complémentaire de 3.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamne la société Kis aux dépens d'appel ;