CA Paris, Pôle 6 - ch. 3, 1 octobre 2025, n° 22/01334
PARIS
Arrêt
Autre
Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE
délivrées le :
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 6 - Chambre 3
ARRET DU 01 OCTOBRE 2025
(n° , 2 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 22/01334 - N° Portalis 35L7-V-B7G-CFBLT
Décision déférée à la Cour : Jugement du 09 Décembre 2021 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS - RG n° F19/08253
APPELANT
Monsieur [B] [R]
Né le 5 Septembre 1969 à [Localité 6]
[Adresse 7]
[Localité 4]
Représenté par Me Jeanne BAECHLIN, avocat au barreau de PARIS, toque : L0034, avocat postulant et par Me Romain VIOLET, avocat au barreau de PARIS, toque : P0289, avocat plaidant
INTIMEES
S.E.L.A.R.L. EMJ prise en la personne de Maître [I] [V], Mandataire Judiciaire, ès qualités de liquidateur judiciaire à la liquidation judiciaire de la S.A. GLOBAL EQUITIES CAPITAL MARKETS
[Adresse 2]
[Localité 3]
Représentée par Me Frédérique ETEVENARD, avocat au barreau de PARIS, toque : K0065, avocat postulant et par Me Judith GUEDJ, avocat au barreau de PARIS, toque : B0555, avocat plaidant
Association AGS CGEA IDF OUEST (UNEDIC DELEGATION), prise en la personne de son représentant légal
[Adresse 1]
[Localité 5]
Représentée par Me Anne-france DE HARTINGH, avocat au barreau de PARIS, toque : R1861
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 03 Septembre 2025, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant M. Christophe BACONNIER, Président de chambre, chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :
Christophe BACONNIER, président de chambre
Fabienne Rouge, présidente de chambre
Marie Lisette SAUTRON, présidente de chambre
Greffier, lors des débats : Madame Laetitia PRADIGNAC
ARRET :
- Contradictoire
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Christophe BACONNIER, président de chambre et par Laetitia PRADIGNAC, Greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
RAPPEL DES FAITS ET PROCEDURE
La société Global Equities Capital Markets - GECM (SA) a engagé M. [B] [R] par contrat de travail à durée indéterminée à compter du 15 décembre 2011, prenant effet le 20 décembre 2011, en qualité de directeur des opérations.
Les relations contractuelles entre les parties étaient soumises à la convention collective nationale des activités de marchés financiers.
M. [R] a détenu un mandat social de délégué général adjoint concurremment à ses fonctions.
La société GECM a cédé ses actions dans la société ACSIS à M. [R] par contrat du 18 décembre 2012 et M. [R] en est devenue le président ; une convention de prestation de services a été signée entre ces deux sociétés le 1er juillet 2013 pour de 24 mois à compter du 1er juillet 2013 ; cette convention mentionne que la société ACSIS apporte son assistance à la société GECM comme conseil en stratégie, en investissements et l'accompagne pour le développement de ses activités à l'international et prévoit une facturation annuelle de 325 000 € HT en 2013 et 250 000 € HT en 2014.
Le contrat de travail entre M. [R] et la société GECM a été rompu dans des conditions litigieuses la société GECM soutenant que M. [R] a implicitement démissionné le 30 novembre 2013, et M. [R] soutenant qu'il a été licencié irrégulièrement et abusivement le 24 avril 2014.
Sa rémunération mensuelle brute moyenne s'élevait en dernier lieu à la somme de 15 000 €.
La société GECM occupait à titre habituel moins de onze salariés lors de la rupture des relations contractuelles.
M. [R] a saisi le conseil de prud'hommes de Paris en référé le 25 février 2014, en paiement de ses salaires.
Le conseil d'administration de la société GECM a délibéré le 7 mars 2014 et décidé :
- la révocation pour faute(s) de M. [R], de ses fonctions de directeur général délégué,
- la résiliation à compter de cette date, de la convention conclue en date du 1er juillet 2013 entre la société GECM et la société ACSIS, représentée par M. [R], président compte tenu des manquements à ses obligations contractuelles ainsi que des fautes dont son représentant légal s'est rendu coupable.
Par ordonnance du 21 mars 2014, le conseil de prud'hommes de Paris statuant en référé a débouté M. [R] de ses demandes.
La société GECM, a saisi le tribunal de commerce de Paris le 18 mars 2014 d'une action en indemnisation à l'encontre de M. [R] et de la société ACSIS (150 000 € en indemnisation du préjudice subi par GECM et subsidiairement la société mère du fait du détournement de son crédit, 200 000 € en indemnisation du préjudice subi par GECM et subsidiairement la société mère du fait des actes de concurrence déloyale, 309 000 € en indemnisation du préjudice subi par GECM et subsidiairement la société mère du fait des actes de parasitisme commercial, 50 000 € en indemnisation du préjudice subi par GECM pour atteinte à la crédibilité de l'entreprise et plus généralement du groupe auquel elle appartient et 26 528 € en remboursement des honoraires payés à la société COREFIIM).
M. [R] a formé des demandes reconventionnelles en dommages et intérêts pour procédure abusive et sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
La société GECM, a saisi le conseil de prud'hommes de Paris le 31 mars 2014 d'une action en indemnisation à l'encontre de M. [R] (100 000 € pour les fautes lourdes entreprises dans le cadre de son contrat de travail, 50 000 € pour les fautes lourdes entreprises après l'exécution du contrat de travail et en sa qualité de mandataire social et 26 528 € les honoraires versés à la société COREFIIM).
Par jugement du 7 août 2014, le tribunal de commerce a prononcé la liquidation judiciaire de la société GECM et a désigné la SELARL EMJ, prise en la personne de Maître [V], ès qualités de liquidateur judiciaire de la société GECM.
La SELARL EMJ, prise en la personne de Maître [V], ès qualités de liquidateur judiciaire de la société GECM a repris et poursuivi les actions engagées par la société GECM.
Par jugement du 4 décembre 2017, le tribunal de commerce de Paris a rendu la décision suivante :
« (...) Déboute la SELARL EMJ (...) de toutes ses demandes d'indemnisation à l'encontre de la SAS ACSIS et de M. [B] [R],
Déboute la SELARL EMJ (...) de sa demande de remboursement d'honoraires,
Dit M. [B] [R] mal fondée en ses demandes reconventionnelles (NB : dommages et intérêts pour procédure abusive) et l'en déboute,
Condamne la SELARL EMJ (...) à mettre au passif de la liquidation, au profit de M. [B] [R] la somme de 1500 € au titre de l'article 700 CPC,
(...)
Condamne GECM aux dépens de l'instance, (...) »
Par jugement du 4 décembre 2017, le conseil de prud'hommes de Paris a « prononcé l'irrecevabilité des demandes relatives au tribunal de commerce et dommages et intérêts y afférents »
La SELARL EMJ, prise en la personne de Me [V], en qualité de mandataire liquidateur de la société GECM, a saisi à nouveau le conseil de prud'hommes de Paris le 17 septembre 2019 et a formé en dernier lieu les demandes suivantes :
« CONSTATER l'intervention volontaire de la SELARL EMJ en la personne de Me [I] [V], Liquidateur judiciaire de la société GLOBAL EQUITIES CAPITAL MARKETS, et l'y déclarer bien fondée,
Sur quoi,
DIRE ET JUGER que Monsieur [R] a manifesté une intention claire et sans équivoque de rompre son contrat de travail en vue d'y substituer un contrat de prestations de services avec la société GLOBAL EQUITIES CAPITAL MARKETS,
DIRE ET JUGER que la démission implicite de Monsieur [R] est devenue effective à compter du 30 novembre 2013,
DIRE ET JUGER que Monsieur [R] s'est rendu coupable de fautes lourdes dans le cadre de son contrat de travail,
DIRE ET JUGER que Monsieur [R] s'est rendu coupable de fautes lourdes dans le cadre de ses mandats sociaux,
DIRE ET JUGER que Monsieur [R] s'est rendu coupable de fautes lourdes après l'exécution du contrat de travail,
DIRE ET JUGER que Monsieur [R] s'est rendu coupable d'abus de fonctions en obtenant la signature d'un contrat avec la société COREFIIM qui ne devait nullement bénéficier aux intérêts de la société GECM,
En conséquence,
CONDAMNER Monsieur [R] à payer à la SELARL EMJ, en la personne de Me [I] [V], liquidateur judiciaire de la société GLOBAL EQUITIES CAPITAL MARKETS des dommages-intérêts à hauteur de 100 000 € pour les fautes lourdes entreprises dans le cadre de son contrat de travail,
CONDAMNER Monsieur [R] à payer à la SELARL EMJ, en la personne de Me [I] [V], liquidateur judiciaire de la société GLOBAL EQUITIES CAPITAL MARKETS des dommages-intérêts à hauteur de 50 000 € pour les fautes lourdes entreprises après l'exécution du contrat de travail et en sa qualité de mandataire social,
CONDAMNER Monsieur [R] à rembourser à la SELARL EMJ, en la personne de Me [I] [V], liquidateur judiciaire de la société GLOBAL EQUITIES CAPITAL MARKETS à hauteur de 26 528 € les honoraires versés à la société COREFIIM,
CONDAMNER Monsieur [R] au versement de la somme de 3 000 € au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile,
ORDONNER l'exécution provisoire ».
M. [R] a formé des demandes reconventionnelles suivantes :
« ORDONNER la réinscription au rôle de l'affaire enregistrée sous le RG N° E14/04 506,
CONSTATER que Monsieur [L] n'a pas démissionné,
DIRE que le jugement, définitif, rendu par le tribunal de commerce de Paris le 11 septembre 2017, a autorité de chose jugée en ce qu'il a retenu que les faits reprochés à Monsieur [L], qui sont les mêmes que ceux invoqués dans la présente procédure, ne sont constitutifs d'aucune faute,
En tout état de cause,
DIRE que Monsieur [L] n'a commis aucune faute dans le cadre de son contrat de travail,
DIRE que la société GECM ne démontre pas l'existence des prétendus préjudices qu'elle invoque,
CONSTATER que la société GECM a rompu irrégulièrement et abusivement le contrat de travail de Monsieur [L],
En conséquence,
DIRE ET JUGER que Monsieur [L] dispose d'une créance salariale à l'encontre de la société GLOBAL EQUITIES CAPITAL MARKETS à hauteur de :
- 72 000 € représentant les salaires dus de décembre 2013 au 24 avril 2014,
- 112 845,81 € au titre des bonus qui lui sont dus contractuellement,
- 100 000 € de dommages et intérêts pour rupture irrégulière et abusive de son
contrat de travail,
FIXER ces sommes au passif de la société GLOBAL EQUITIES CAPITAL MARKETS, aujourd'hui représentée par son liquidateur,
DECLARER le présent arrêt opposable à l'AGS,
CONDAMNER l'AGS à garantir le paiement de ces sommes dans les limites de sa garantie,
ORDONNER la remise des bulletins de salaire y afférents,
CONDAMNER la SELARL EMJ, représentée par Maître [V], en qualité de Liquidateur Judiciaire de la société GLOBAL EQUITIES CAPITAL MARKETS au paiement de la somme de 5 000 €, au titre des frais irrépétibles de l'article 700 du code de procédure civile,
CONDAMNER la SELARL EMJ, représentée par Maître [V], en qualité de Liquidateur Judiciaire de la société GLOBAL EQUITIES CAPITAL MARKETS, aux entiers dépens. »
L'AGS a été mise en cause et a formé les demandes suivantes :
« Constater et juger que Monsieur [R] n'avait pas la qualité de salarié,
En conséquence :
Mettre hors de cause de l'AGS
Débouter Monsieur [R] de l'ensemble de ses demandes reconventionnelles, moyens, fins et prétentions.
SUR LA GARANTIE
Juger qu'en tout état de cause, la garantie prévue aux dispositions de l'article L 3253-6 du code du travail ne peut concerner que les seules sommes dues en exécution du contrat de travail au sens et dans les limites de l'article L 3253-8 du code du travail, les astreintes, dommages et intérêts, indemnités, mettant en 'uvre la responsabilité de droit commun de l'employeur ou article 700 étant ainsi exclus de la garantie.
Juger qu'en tout état de cause la garantie de l'AGS ne pourra excéder, toutes créances confondues, l'un des trois plafonds fixés, en vertu des dispositions des articles L 3253-17 et D 3253-5 du code du travail.
Statuer ce que de droit quant aux frais d'instance sans qu'ils puissent être mis à la charge de l'UNEDIC AGS. »
Par jugement du 9 décembre 2021, auquel la cour se réfère pour l'exposé de la procédure antérieure et des prétentions initiales des parties, le conseil de prud'hommes a rendu la décision suivante :
« Dit que la démission de Monsieur [B] [L] [F] est effective le 30 novembre 2013
Met hors de cause l'AGS CGEA IDF OUEST
Condamne Monsieur [B] [L] [F] à payer à Me [V] de la SELARL EMJ es-qualités de mandataire liquidateur de la S.A. GLOBAL EQUITIES CAPITAL MARKETS les sommes suivantes :
- 100 000 € à titre de dommages et intérêts pour fautes lourdes dans le cadre du contrat de travail
- 26 528 € à titre de remboursement d'honoraires de la société COREFIIM
- 1 000 € au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile
Déboute Me [V] de La SELARL EMJ es-qualités de mandataire liquidateur de la S.A. GLOBAL EQUITIES CAPITAL MARKETS du surplus de ses demandes
Déboute Monsieur [B] [L] [F] de ses demandes reconventionnelles
Condamne [B] [L] [F] aux entiers dépens. »
M. [R] a relevé appel de ce jugement par déclaration transmise par voie électronique le 17 janvier 2022.
La constitution d'intimée de la société EMJ, prise en la personne Maître [V], ès qualités de liquidateur judiciaire de la société GECM, a été transmise par voie électronique le 9 mai 2022.
La constitution d'intimée de l'AGS a été transmise par voie électronique le 1er février 2022.
Par ses dernières conclusions communiquées par voie électronique le 10 juin 2025, auxquelles la cour se réfère expressément pour l'exposé des moyens, M. [R] demande à la cour de :
« INFIRMER le jugement rendu par le conseil des prud'hommes de [Localité 8] le 9 décembre 2021 dans toutes ses dispositions,
Statuant à nouveau :
JUGER que M. [L] n'a pas démissionné,
JUGER que le jugement, définitif, rendu par le tribunal de commerce de Paris le 11 septembre 2017, a autorité de chose jugée en ce qu'il a retenu que les faits reprochés à M. [L], qui sont les mêmes que ceux invoqués dans la présente procédure, ne sont constitutifs d'aucune faute,
En tout état de cause,
JUGER que M. [L] n'a commis aucune faute dans le cadre de son contrat de travail,
JUGER que la société GECM ne démontre pas l'existence des prétendus préjudices qu'elle invoque,
CONSTATER que la société GECM a rompu irrégulièrement et abusivement le contrat de travail de M. [L],
En conséquence,
JUGER que M. [L] dispose d'une créance salariale à l'encontre de la société GLOBAL EQUITIES CAPITAL MARKETS à hauteur de :
- 72 000 € représentant les salaires dus de décembre 2013 au 24 avril 2014,
- 112 845,81 € au titre des bonus qui lui sont dus contractuellement,
- 100 000 € de dommages et intérêts pour rupture irrégulière et abusive de son contrat de travail,
FIXER ces sommes au passif de la société GLOBAL EQUITIES CAPITAL MARKETS,
aujourd'hui représentée par son liquidateur,
DECLARER le présent arrêt opposable à l'AGS,
CONDAMNER l'AGS à garantir le paiement de ces sommes dans les limites de sa garantie,
ORDONNER la remise des bulletins de salaire y afférents,
DEBOUTER de toutes ses demandes la SELARL EMJ, représentée par Maître [V], en qualité de Liquidateur Judiciaire de la société GLOBAL EQUITIES CAPITAL MARKETS,
DEBOUTER l'AGS de ses demandes contraires au présent dispositif,
CONDAMNER la SELARL EMJ, représentée par Maître [V], en qualité de Liquidateur Judiciaire de la société GLOBAL EQUITIES CAPITAL MARKETS, au paiement de la somme de 5 000 €, au titre des frais irrépétibles de l'article 700 du code de procédure civile,
S'ENTENDRE CONDAMNER la SELARL EMJ, représentée par Maître [V], en qualité de Liquidateur Judiciaire de la société GLOBAL EQUITIES CAPITAL MARKETS, aux entiers dépens de première instance et d'appel. »
Par ses dernières conclusions communiquées par voie électronique le 13 juillet 2022, auxquelles la cour se réfère expressément pour l'exposé des moyens, la société EMJ, prise en la personne de Me [V], en qualité de liquidateur judiciaire de la société GECM, demande à la cour de :
« CONFIRMER le jugement rendu le 9 septembre 2021 par le conseil de Prud'hommes de Paris en toutes ses dispositions ;
En conséquence,
DIRE ET JUGER que Monsieur [R] a manifesté une intention claire et sans équivoque de rompre son contrat de travail en vue d'y substituer un contrat de prestations de services avec la société GLOBAL EQUITIES CAPITAL MARKETS,
DIRE ET JUGER que la démission implicite de Monsieur [R] est devenue effective à compter du 30 novembre 2013,
DIRE et JUGER que Monsieur [R] s'est rendu coupable de fautes lourdes dans le cadre de son contrat de travail,
DIRE et JUGER que Monsieur [R] s'est rendu coupable d'abus de fonctions en obtenant la signature d'un contrat avec la société COREFIIM qui ne devait nullement bénéficier aux intérêts de la société GECM,
En conséquence,
CONDAMNER Monsieur [R] à payer à la SELARL EMJ, en la personne de Me [I] [V], liquidateur judiciaire de la société GLOBAL EQUITIES CAPITAL MARKETS des dommages-intérêts à hauteur de 200 000 € pour les fautes lourdes et autres agissements fautifs et déloyaux entrepris dans le cadre de son contrat de travail,
CONDAMNER Monsieur [R] à rembourser à la SELARL EMJ, en la personne de Me [I] [V], liquidateur judiciaire de la société GLOBAL EQUITIES CAPITAL MARKETS à hauteur de 26 528 € les honoraires versés à la société COREFIIM,
DEBOUTER Monsieur [R] de l'ensemble de ses demandes, fins et
conclusions, en ce qu'elles sont mal fondées ;
CONDAMNER Monsieur [R] au versement de la somme de 5 000 € au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile,
CONDAMNER Monsieur [R] aux entiers dépens. »
Par ses dernières conclusions communiquées par voie électronique le 13 juillet 2022, auxquelles la cour se réfère expressément pour l'exposé des moyens, l'AGS demande à la cour de :
« CONFIRMER le jugement entrepris en toutes ses dispositions
En conséquence,
Constater et juger que Monsieur [R] n'avait pas la qualité de salarié,
En conséquence :
Confirmer la mise hors de cause de l'AGS
Débouter Monsieur [R] de l'ensemble de ses demandes, moyens, fins et prétentions.
SUR LA GARANTIE
Juger qu'en tout état de cause, la garantie prévue aux dispositions de l'article L 3253-6 du code du travail ne peut concerner que les seules sommes dues en exécution du contrat de travail au sens et dans les limites de l'article L 3253-8 du code du travail, les astreintes, dommages et intérêts, indemnités, mettant en 'uvre la responsabilité de droit commun de l'employeur ou article 700 étant ainsi exclus de la garantie.
Juger qu'en tout état de cause la garantie de l'AGS ne pourra excéder, toutes créances confondues, l'un des trois plafonds fixés, en vertu des dispositions des articles L 3253-17 et D 3253-5 du code du travail.
Statuer ce que de droit quant aux frais d'instance sans qu'ils puissent être mis à la charge de l'UNEDIC AGS. »
L'ordonnance de clôture a été rendue à la date du 8 juillet 2025.
L'affaire a été appelée à l'audience du 3 septembre 2025.
MOTIFS
Sur la demande de mise hors de cause de l'AGS
La demande est rejetée au motif que l'AGS est concernée par le litige du fait des demandes formées par M. [R].
Le jugement déféré est donc infirmé en ce qu'il a mis hors de cause l'AGS, et statuant à nouveau de ce chef, la cour déboute l'AGS de sa demande de mise hors de cause.
A titre préliminaire sur l'autorité de la chose jugée du jugement rendu le 11 septembre 2017 par le tribunal de commerce de Paris
M. [R] soutient que :
- la société GECM avait, devant le tribunal de commerce de Paris, recherché la responsabilité de M. [R] pour des faits qualifiés de fautes liées à ses mandats sociaux, invoquant des comportements déloyaux et des abus de fonctions et réclamant des dommages-intérêts.
- le tribunal de commerce, par jugement du 11 septembre 2017 (pièce n°27) devenu définitif, a débouté intégralement la société GECM de ses demandes.
Cette décision a donc autorité de chose jugée (art. 1355 C. civ.).
- Ultérieurement, par jugement du 4 décembre 2017 (pièce n°28), le conseil de prud'hommes a déclaré irrecevables les demandes de la société GECM formées contre M. [R] sur le fondement de son contrat de travail, au motif qu'elles concernaient en réalité les mêmes faits et montants que ceux déjà soumis au tribunal de commerce.
- la société GECM n'a jamais distingué, ni devant le tribunal de commerce, ni devant la juridiction prud'homale, quelles fautes relèveraient d'une part des mandats sociaux de M. [R], et d'autre part de son contrat de travail. Dès lors, les mêmes faits ne peuvent pas être requalifiés en fautes disciplinaires relevant du contrat de travail.
- Malgré l'autorité de chose jugée attachée au jugement du tribunal de commerce (11 sept. 2017, pièce n°27) et à celui du conseil de prud'hommes (4 déc. 2017, pièce n°28), ce dernier a condamné M. [R] au remboursement de 26 528 € d'honoraires COREFIIM.
La société EMJ demande la confirmation du jugement.
L'AGS ne développe pas sur ce point.
Il est constant que le jugement rendu le 11 septembre 2017 par le tribunal de commerce de Paris est devenu définitif.
À l'examen des pièces produites et des moyens débattus, la cour retient que M. [R] est bien fondé à invoquer la fin de non-recevoir tirée de l'autorité de la chose jugée en ce qui concerne la demande de remboursement des honoraires versés à la société COREFIIM à hauteur de la somme de 26 528 € au motif que l'autorité de la chose jugée s'étend à une demande identique (mêmes parties, même objet, même cause) dès lors qu'elle a été tranchée dans le dispositif d'un jugement définitif ; tel est le cas ici, dès lors que la demande de remboursement des honoraires versés à la société COREFIIM formée par la société GECM contre M. [R] (et la société ACSIS) devant le tribunal de commerce a été rejetée. Ce chef de jugement, clairement visé et rejeté dans le dispositif, acquiert donc l'autorité de la chose jugée à l'égard de toute demande ultérieure identique entre les mêmes parties, même devant le conseil de prud'hommes étant précisé que la présence initiale de la société ACSIS parmi les défendeurs devant le tribunal de commerce n'altère pas l'autorité de la décision vis-à-vis de M. [R] seul, sauf si le fondement ou la qualité des parties a été substantiellement modifié, ce qui n'est pas le cas.
En revanche, M. [R] est mal fondé pour le surplus de la fin de non-recevoir tirée de l'autorité de la chose jugée (JUGER que le jugement, définitif, rendu par le tribunal de commerce de Paris le 11 septembre 2017, a autorité de chose jugée en ce qu'il a retenu que les faits reprochés à M. [L], qui sont les mêmes que ceux invoqués dans la présente procédure, ne sont constitutifs d'aucune faute) au motif que seul le dispositif du jugement a autorité de la chose jugée, à l'exclusion des motifs. Les motifs du jugement du tribunal de commerce qui ont retenu qu'aucune faute n'était caractérisée à l'encontre de M. [R] et de la société ACSIS n'ont donc pas d'autorité de la chose jugée.
Le jugement déféré est donc infirmé en ce qu'il a condamné M. [R] à payer à Me [V] de la SELARL EMJ ès qualités de mandataire liquidateur de la société GECM la somme de 26 528 € à titre de remboursement d'honoraires de la société COREFIIM, et statuant à nouveau de ce chef, la cour dit que Me [V] de la SELARL EMJ ès qualités de mandataire liquidateur de la société GECM est irrecevable à demander la somme de 26 528 € à titre de remboursement d'honoraires de la société COREFIIM, cette demande ayant été rejetée par le jugement définitif rendu le 11 septembre 2017 par le tribunal de commerce de Paris.
Sur la qualité de salarié et le cumul du mandat social et du contrat de travail
M. [R] soutient que :
- Il a été salarié de la société GECM puis mandataire social de celle-ci en parallèle, les conditions nécessaires au cumul du mandat social et du contrat de travail étant réunies.
- Il a exercé des fonctions de directeur des opérations distinctes de ses prérogatives d'administrateur, ou de directeur général délégué attribuées ultérieurement, pour lesquelles il n'a pas perçu de rémunération.
- Il a été soumis à un lien de subordination, en tant qu'administrateur et non gérant majoritaire, qui n'a jamais été remis en cause, soumis aux décisions du conseil d'administration et du président, et a ainsi dû rendre compte de ses activités opérationnelles, respecter les directives de la société, soumettre ses congés et se conformer à sa hiérarchie.
La société EMJ évoque un cumul des fonctions lorsqu'elle développe les fautes du salarié.
L'AGS soutient en réplique que :
- M. [R] n'a plus été salarié au sein de la société lorsqu'il est devenu mandataire social et n'a pas démontré qu'il remplissait les conditions pour cumuler son mandat social avec son contrat de travail.
- Celui-ci n'a pas rapporté la preuve de l'existence d'un lien de subordination, car ne recevait aucune directive et n'était soumis à aucun contrôle.
À l'examen des pièces produites et des moyens débattus, la cour retient que le cumul de fonction est établi et n'est d'ailleurs pas contesté par le liquidateur judiciaire de la société GECM étant précisé que les salaires de M. [R] ont été payés par la société GECM jusqu'en novembre 2013 alors même qu'il a eu le mandat de directeur général adjoint de 2011 au 7 mars 2014.
Sur les demandes indemnitaires de la société GECM
La société EMJ demande par confirmation du jugement et reconventionnellement les sommes de :
- 200 000 € pour les fautes lourdes et autres agissements fautifs et déloyaux entrepris dans le cadre de son contrat de travail,
- 26 528 € les honoraires versés à la société COREFIIM.
La cour a jugé plus haut que la demande en paiement de la somme de 26 528 € les honoraires versés à la société COREFIIM était irrecevable compte tenu de l'autorité de la chose jugée du jugement du tribunal de commerce du 11 septembre 2017.
La cour constate que la société EMJ demande la confirmation du jugement ; or le jugement a condamné M. [R] à payer 100 000 € pour les fautes lourdes et autres agissements fautifs et déloyaux entrepris dans le cadre de son contrat de travail, et non 200 000 € ; faute de demande d'infirmation du jugement au quantum, la cour n'est saisie que de la demande de confirmation du jugement du liquidateur judiciaire de la société GECM et de la demande d'infirmation de M. [R] qui conteste la condamnation à payer 100 000 € pour les fautes lourdes et autres agissements fautifs et déloyaux entrepris dans le cadre de son contrat de travail.
La société EMJ soutient par confirmation du jugement que :
- M. [R] occupe, depuis son recrutement en 2011, des fonctions de haute responsabilité au sein de GECM, attestées par son CV (Pièce n°7), comprenant notamment la qualité d'administrateur, de membre du comité de direction et de directeur général délégué ;
- son contrat de travail comportait des clauses essentielles, dont la clause de confidentialité (article 10), la clause de non-sollicitation (article 11) et la clause d'exclusivité (article 14), garantissant le respect des intérêts de la société tout au long de la relation contractuelle et au-delà ;
- en tant que mandataire social et associé actionnaire, M. [R] était tenu à un devoir de loyauté renforcé vis-à-vis du groupe GIS et de sa filiale GECM ;
- au cours de décembre 2013, M. [R] a entrepris, sans accord ni régularisation, de substituer la convention ACSIS/GECM à une convention ACSIS/GIS, tout en émettant deux factures à GIS, datées du 24 décembre 2013 et du 24 janvier 2014, respectivement pour 162 500 € et 25 000 €, en l'absence de restitution des originaux signés (Pièce n°8) ;
- l'employeur a découvert l'implication active du salarié dans le projet de reprise du concurrent SDF Markets, matérialisée par le dépôt d'un dossier d'agrément auprès de l'ACPR, daté du 7 novembre 2013, dans lequel il se présentait comme dirigeant et organisateur de la future structure concurrente, Aldrin Asset Invest, alors qu'il était encore salarié et mandataire de GECM, avec des déclarations inexactes sur ses fonctions (Pièce n°9) ;
- M. [R] a été convoqué régulièrement au conseil d'administration, qui a décidé, le 7 mars 2014, sa révocation pour faute grave de ses fonctions de directeur général délégué et la résiliation pour faute de la convention ACSIS/GECM du 1er juillet 2013 ;
- dans un courrier adressé à l'ACPR par son avocat le 23 décembre 2013, M. [R] affirme, de façon contestée, l'absence de clause de non-concurrence dans son contrat, outre qu'une note annexe datée du 24 décembre 2013 livre ses projets de transfert d'activités vers le concurrent, en violation de ses obligations de loyauté et d'exclusivité (Pièces n°10 et n°11) ;
- M. [R] a poursuivi des projets personnels, dont celui lié à l'affaire « C'ur Défense », pilotée sous l'entête GCSA (ACSIS), société sous son contrôle, et pour laquelle il a rédigé un mémoire à destination d'investisseurs étrangers, avec un honoraire escompté de 1,89 million d'euros, en usant frauduleusement de l'adresse du siège de GECM pour ces activités extérieures (Pièce n°12) ;
- l'employeur relève également que le salarié a détourné les moyens de GECM, en effectuant via cette société deux virements en faveur de la société COREFIIM pour un montant total de 26 528 €, liés à des missions étrangères à son contrat ;
- ces faits démontrent un comportement déloyal et frauduleux, doublé d'abus de fonctions, par des opérations menées dans l'intérêt du salarié et de sociétés tierces, au mépris de ses obligations contractuelles et fiduciaires ;
- l'employeur conclut que la violation persistante par M. [R] des devoirs de loyauté et d'exclusivité, ainsi que la multiplicité des agissements concurrents et frauduleux, caractérisent une faute lourde au sens du droit du travail, privative de toute indemnité de rupture, et s'étayent par les pièces jointes versées au débat.
L'AGS s'en remet aux explications et éléments justificatifs produits par le mandataire représentant GECM, notamment à un courrier démontrant que M. [R] a tenté de contourner le contrôle de l'autorité de contrôle et de régulation, en développant son activité personnelle sous couvert de ses fonctions et au détriment de la société GECM.
M. [R] soutient que :
- les faits prétendument fautifs n'ont été invoqués qu'à la suite de la saisine du conseil de prud'hommes par M. [R] en référé le 25 février 2014, ce qui montre qu'ils sont essentiellement circonstanciels et étrangers à la réalité du lien contractuel ;
- par jugement définitif ayant autorité de chose jugée, le tribunal de commerce de Paris a estimé que les faits reprochés à M. [R] n'étaient pas constitutifs de faute, ni source de préjudice pour la société GECM (pièce n°27), ce qui interdit toute nouvelle qualification défavorable sur les mêmes faits ;
- au fil de la relation contractuelle, M. [R] a été successivement promu administrateur, membre du comité de direction, puis directeur général délégué de GECM, et associé actionnaire du groupe GIS, sans que la société ne formule la moindre critique ;
- la cession de la société ACSIS et la conclusion de la convention de prestation de services sont le fruit d'une stratégie de groupe, validée par le conseil d'administration (pièces n°11, n°12, n°13, n°14, n°23), et le schéma était identique à celui mis en 'uvre par le président du groupe GIS avec sa propre société BOYER & Co (pièces n°15, n°16) ;
- la clause d'exclusivité du contrat de travail, limitée géographiquement à la France (pièce adverse n°1), n'a pas été violée puisque l'activité de la société ACSIS avait pour vocation le développement à l'international ;
- la société GECM a elle-même validé la coexistence des deux fonctions, n'a jamais soulevé d'incident ou de grief jusqu'à la liquidation du groupe et la procédure engagée contre M. [R] ;
- les mandats sociaux et les multiples projets internationaux ont été développés avec l'accord des plus hautes instances de la société ; expert-comptable, service juridique et commissaire aux comptes étaient identiques entre ACSIS et GECM, sans objection, et nombre de projets de rapprochement étaient même menés sous supervision de dirigeants du groupe (pièces n°18 à n°22) ;
- le contrat de conseil avec COREFIIM (pièce n°17) a été signé par le président du directoire de GECM et le salarié a demandé sa dénonciation par courriel (pièce n°10), ce qui démontre que la société était informée et impliquée dans l'opération ;
- les activités qui auraient été menées en parallèle sont soit restées au stade de projet - DSF Markets, TESLA - soit se sont déroulées exclusivement à l'étranger, dans le respect de la clause contractuelle ;
- les prétentions tardives de la société GECM n'ont pour objectif que de justifier une rupture irrégulière, consécutive à la saisine par M. [R] et à la crise du groupe ;
- il conteste la régularité de la convocation à la réunion du conseil ayant conduit à sa révocation, invoquant une irrégularité de procédure (pièce n°30).
À l'examen des pièces produites et des moyens débattus, la cour retient que la société EMJ ès qualités de liquidateur judiciaire GECM est mal fondée dans sa demande indemnitaire formé à hauteur de 100 000 € en réparation des fautes lourdes et autres agissements fautifs et déloyaux entrepris dans le cadre de son contrat de travail ; elle invoque à l'encontre de M. [R] la commission de fautes lourdes, engageant la rupture du contrat de travail à ses torts exclusifs et justifiant l'irrecevabilité des demandes indemnitaires du salarié ; cependant, pour caractériser une faute lourde, la jurisprudence et les textes exigent que l'employeur démontre non seulement la gravité exceptionnelle des manquements du salarié, mais surtout l'intention manifeste et délibérée de nuire à l'employeur ou à l'entreprise, critère essentiel et déterminant de cette qualification ; or si le liquidateur judiciaire de la société GECM présente plusieurs faits susceptibles d'être fautifs, notamment la gestion parallèle de la société ACSIS, la conclusion de conventions et la participation à des projets concurrents, il n'est pas établi qu'ils ont été commis dans le but délibéré de porter préjudice à la société GECM, mais sont insérés dans un contexte de stratégie de groupe validée par les plus hautes instances, et partagée par la direction elle-même, dont témoigne la nomination de M. [R] au poste de directeur général délégué ; par ailleurs, les différentes conventions et projets, bien que contestés, ont toujours bénéficié de l'aval explicite ou implicite des organes de contrôle et services internes, comme l'illustre la validation par le conseil d'administration, l'expertise du service juridique et le rapport de l'expert-comptable ; en outre, le jugement du tribunal de commerce qui est définitif, a lui-même écarté la faute et le préjudice au détriment de la société GECM ; enfin, les prétentions de la société GECM sur la violation des clauses contractuelles, dans des conditions où elle a elle-même organisé et validé les modalités d'exercice parallèle d'activités par M. [R], notamment par la cession de ACSIS et la convention de prestation de services, montrent que le manquement allégué à la clause d'exclusivité n'est ni démontré ni constitutif d'une faute lourde.
Compte tenu de ce qui précède, la qualification de faute lourde retenue par l'employeur ne peut être retenue par la cour, faute d'éléments probants établissant l'intention de nuire, critère fondamental et requis par la jurisprudence constante.
Il s'ensuit que les demandes du liquidateur judiciaire de la société GECM fondées sur la faute lourde et ses conséquences (notamment exclusion des indemnités) sont rejetées ;
Par suite, le jugement doit être infirmé en tant qu'il accueille les prétentions de la société GECM et condamne M. [R] au paiement de la somme de 100 000 € pour en réparation des fautes lourdes et autres agissements fautifs et déloyaux entrepris dans le cadre de son contrat de travail, et statuant à nouveau de ce chef, la cour déboute le liquidateur judiciaire de la société GECM de sa demande en paiement de la somme de 100 000 € pour en réparation des fautes lourdes et autres agissements fautifs et déloyaux entrepris dans le cadre de son contrat de travail.
Sur la démission
M. [R] soutient que :
- il existait un contrat de travail écrit en vertu duquel il exerçait les fonctions de directeur des opérations, sous un lien de subordination au président et au conseil de la société GECM, lien jamais remis en cause par ses mandats sociaux ;
- il n'a jamais cessé d'exécuter ses fonctions salariées, même après sa nomination comme administrateur, et qu'il n'a donc jamais eu la volonté de mettre fin au contrat ;
- aucune lettre de démission n'a été rédigée, ni aucun engagement de démission pris, ce qui rend la thèse d'une « démission implicite » juridiquement inopérante, la jurisprudence rappelant que la démission ne se présume pas ;
- l'argument de la société GECM, selon lequel dès 2012 il aurait manifesté son intention de démissionner pour des raisons fiscales et patrimoniales, est totalement infondé et ne repose sur aucune pièce, et se heurte au fait que les salaires lui ont été régulièrement versés jusqu'à novembre 2013 ;
- la thèse de la société GECM d'une démission au 1er décembre 2013 repose sur la convention de prestation de services du 1er juillet 2013 (pièce adverse n°5), mais cette convention, rédigée par les services et l'expert-comptable de la société GECM, intervenait dans le cadre de la réorganisation du groupe, et non d'un choix personnel de rupture : elle définissait d'ailleurs des missions distinctes (conseil en stratégie, accompagnement international) ;
- les pièces adverses ne démontrent rien : le salarié n'est pas partie aux courriels de décembre 2012 (pièce adverse n°3) ; le courrier adressé au Parquet le 26 août 2013 (pièce adverse n°4), présenté comme rédigé par la société GECM, ne vaut pas manifestation de volonté claire ; le mail du 26 juillet 2013 (pièce adverse n°6) relatif à sa rémunération variable n'a donné lieu qu'à une facturation ACSIS six mois plus tard, sans rapport avec son salaire ; le formulaire ACPR de novembre 2013 (pièce adverse n°19) ne contient pas une déclaration de cessation d'activité mais seulement l'affirmation de l'absence de clause de non-concurrence ;
- la preuve que le contrat de travail s'est poursuivi au-delà du 30 novembre 2013 résulte de ce que M. [R] a engagé une procédure de référé le 25 février 2014 pour obtenir le paiement de ses salaires, qu'il a fait l'objet d'une mise à pied notifiée le 4 mars 2014 (pièce n° 2), et qu'il avait encore posé des congés RTT le 28 février 2014 pour la période du 3 au 7 mars suivant (pièce n°7) ;
- l'attestation Pôle emploi produite par l'employeur indique au demeurant comme motif de rupture « licenciement » (pièce adverse n°15), ce qui démontre que jamais une démission n'a été actée ;
- enfin, les documents sociaux finalement remis en avril 2014 (pièce n°4) confirment un motif de rupture tenant au licenciement, à défaut du moindre acte ou protocole constatant une démission, une prise d'acte, une rupture conventionnelle ou un licenciement régulier.
- la « démission implicite » retenue par le conseil des prud'hommes est dénuée de fondement en fait comme en droit ;
- son contrat de travail a été rompu abusivement par la société GECM au 24 avril 2014, date de communication des documents sociaux.
Les pièces suivantes sont produites ou invoquées par M. [R] :
- Pièce n°2 : Mise à pied en date du 4 mars 2014.
- Pièce n°7 : Demande de congés du 28 février 2014 (pour la période mars 2014).
- Pièces n°18 à 22 : Échanges relatifs au projet DSF Markets, démontrant l'absence de volonté de démissionner et la transparence vis-à-vis de GECM.
- Pièce n°4 : Documents sociaux transmis par GECM le 24 avril 2014 faisant état dans l'attestation Pôle emploi datée du 24 avril 2014 d'un « licenciement » comme motif de la rupture datée du 30 novembre 2013
- Pièce adverse n°15 : Attestation employeur Pôle emploi mentionnant « licenciement » preuve qu'il n'y a jamais eu démission.
La société EMJ soutient en réplique que :
- selon l'article L.1237-1 du code du travail, la démission résulte d'une volonté claire, sérieuse et non équivoque, ce qu'attestent en l'espèce les agissements constants de M. [R], qui a multiplié les démarches en vue de mettre fin à son contrat salarié pour se transformer en prestataire indépendant ;
- dès le dernier trimestre 2012, M. [R] a manifesté sa volonté de ne plus percevoir ses revenus sous forme de salaires en raison de la charge fiscale, et a sollicité la mise en place d'un véhicule ad hoc sous la forme d'une société commerciale ;
- par acte de cession du 18 décembre 2012 (pièce n°2), il a acquis auprès du groupe la société ACSIS, en devenant l'associé unique et le président, ce qui démontre déjà sa volonté d'abandonner son statut salarié pour exercer via sa propre structure ;
- dans le même temps, entre les 17 et 19 décembre 2012 (pièce n°3), plusieurs échanges d'emails entre dirigeants et services du groupe (non contestés par M. [R]) actent son accord pour rembourser et annuler certains salaires, afin de les transformer en facturations futures émises par sa société ACSIS dans le cadre d'une relation de prestation ;
- par un courrier du 26 août 2013 adressé au procureur de la République (pièce n°4), M. [R] déclare expressément qu'il est devenu « associé unique » et qu'« il assume la direction de la société ACSIS dans le cadre de la réorganisation de [ses] activités professionnelles », ce qui révèle de façon non équivoque une restructuration mettant fin au lien salarié antérieur ;
- une convention de prestations de services datée du 1er juillet 2013 a été conclue entre la société ACSIS et la société GECM (pièce n°5), convention directement substitutive au contrat de travail, dont la mise en 'uvre fut retardée uniquement du fait des lenteurs de régularisation imputables à M. [R] ;
- dans un courriel du 26 juillet 2013 (pièce n°6), adressé à plusieurs dirigeants de la société GECM, M. [R] écrit expressément que sa rémunération variable « fera l'objet d'une facture dans le cadre du contrat de prestations » et précise que ledit contrat sera soumis au conseil d'administration, ce qui démontre son intention de substituer facturation à salariat ;
- la rupture du contrat de travail s'est concrétisée au 30 novembre 2013, comme en attestent le certificat de travail, le solde de tout compte et l'attestation employeur Pôle emploi mentionnant cette date (pièces n°14 et 15) ;
- M. [R] a ensuite émis au titre du contrat ACSIS plusieurs factures : le 24 décembre 2013 (194 350 € TTC pour le second semestre 2013) et le 24 janvier 2014 (25 000 € TTC), signées en sa qualité de président de la société ACSIS, ce qui exclut la poursuite de son contrat de travail salarié ;
- en novembre 2013, il a encore transmis à l'ACPR (pièce adverse n°19) un formulaire où il se déclare « dirigeant opérationnel » de la société DSF MARKETS, certifiant ne pas exercer d'autre emploi ni être lié par d'anciens engagements, ce qui confirme l'effectivité de sa démission et l'absence de lien contractuel salarié à cette date ;
- l'argument du salarié tiré de la mise à pied disciplinaire du 4 mars 2014 est inopérant : il appartient aux juges du fond de constater la démission au vu des faits, indépendamment de la lettre de licenciement ou d'autres mesures prises postérieurement ;
- enfin, M. [R] n'a fourni aucune prestation salariée pour le compte de la société GECM après le 30 novembre 2013, et n'a jamais réclamé d'instructions ni de travail à compter de cette date, ce qui confirme la rupture consommée du contrat de travail.
Les pièces suivantes sont produites par l'employeur :
Pièce n°2 : acte de cession du 18/12/2012 (rachat par M. [R] de la société ACSIS).
Pièce n°3 : courriels échangés en déc. 2012 sur la substitution salaire/facturation.
Pièce n°4 : courrier du 26 août 2013 de M. [R] au Parquet (attestant sa réorganisation professionnelle).
Pièce n°5 : convention de prestation de services ACSIS-GECKO (1er juillet 2013).
Pièce n°6 : courriel du 26 juillet 2013 (bonus transformé en facture ACSIS).
Pièces n°14 et 15 : certificat de travail, solde de tout compte, attestation Pôle-emploi au 30 novembre 2013.
L'AGS soutient que la démission implicite du salarié est devenue effective le 30 novembre 2013.
Il ressort de l'article L. 1237-1 du code du travail, la démission résulte d'une volonté claire et non équivoque du salarié de mettre fin au contrat de travail, laquelle ne se présume pas et doit ressortir de manifestations exprimées directement et personnellement par l'intéressé.
À l'examen des pièces produites et des moyens débattus, la cour retient que la société GECM est mal fondée à soutenir que M. [R] a implicitement démissionné le 30 novembre 2013 au motif qu'aucune lettre de démission n'est produite, qu'aucun engagement ou annonce de démission n'est exprimé, qu'au contraire M. [R] établit qu'il a engagé une procédure de référé en février 2014 pour obtenir les salaires de décembre 2013 ce qui contredit l'allégation d'une démission volontaire, M. [R] établit qu'il a fait l'objet d'une mise à pied disciplinaire le 4 mars 2014 (pièce salarié n° 2) et qu'il a posé des RTT le 28 février 2014 (pièce salarié n° 7), ce qui démontre qu'employeur et salarié se comportaient encore dans le cadre du contrat de travail. En outre les documents de fin de contrat qui mentionnent la date du 30 novembre 2013 comme date de fin de contrat ont été remis le 24 avril 2014 (pièce salarié n° 4) et l'attestation Pôle emploi mentionne un « licenciement » comme motif de rupture et elle est elle-même datée du 24 avril 2014 (pièce n°4 et pièce adverse n°15), ce qui contredit la thèse de la démission.
C'est donc en vain que la société GECM soutient que M. [R] a implicitement démissionné le 30 novembre 2013 étant ajouté que ce n'est pas à M. [R] de prouver qu'il n'a pas démissionné, mais à la société GECM d'apporter la preuve de la volonté claire et non équivoque de M. [R] de mettre fin au contrat de travail. Or aucun acte unilatéral de M. [R] ne vient démontrer une démission. Aucun des éléments produits ne permet de retenir la volonté claire et non équivoque de M. [R] de mettre fin au contrat de travail : en effet aucune phrase, aucun mail, aucune lettre ne contient l'expression de cette volonté. Même si la stratégie patrimoniale de M. [R] (optimisation fiscale : facturer via ACSIS) peut démontrer une intention de réorganisation, elle ne suffit pas à établir sa volonté claire et non équivoque de mettre fin au contrat de travail. En outre certaines pièces établies par la société GECM (la mise à pied conservatoire et l'attestation Pôle emploi,) contredisent la thèse de la démission.
Compte tenu de ce qui précède, le jugement déféré est infirmé en ce qu'il a dit que la démission de M. [R] est effective le 30 novembre 2013, et statuant à nouveau de ce chef, la cour déboute le liquidateur judiciaire de sa demande relative à la démission.
Sur les salaires et bonus demandés par M. [R]
M. [R] demande par infirmation du jugement les sommes de 72 000 euros représentant les salaires dus de décembre 2013 au 24 avril 2014 et de 112 845,81 euros au titre des bonus au titre du mois de janvier, juillet et octobre 2013 et janvier 2014 qui lui sont dus contractuellement.
La société EMJ liquidateur judiciaire de la société GECM s'oppose à ces demandes qui sont prescrites sur le fondement de l'article L3245-1 du code du travail sans faire valoir de moyens de contestation sur le quantum.
Sur la prescription
L'article L3245-1 du code du travail dispose que l'action en paiement ou en répétition du salaire se prescrit par trois ans à compter du jour où celui qui l'exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer. La demande peut porter sur les sommes dues au titre des trois dernières années à compter de ce jour ou, lorsque le contrat de travail est rompu, sur les sommes dues au titre des trois années précédant la rupture du contrat.
Selon l'article 2241 du code civil dispose notamment que la demande en justice, même en référé, interrompt le délai de prescription.
Et l'article 2242 dispose que l'interruption résultant de la demande en justice produit ses effets jusqu'à l'extinction de l'instance.
La cour rappelle que la saisine du conseil de prud'hommes, y compris en référé, interrompt la prescription pour toutes les demandes relatives au même contrat de travail, que l'interruption bénéficie à toutes les demandes du même créancier, et que la demande formée à titre reconventionnel interrompt également le délai pour les mêmes créances.
La cour constate que M. [R] demande paiement des salaires dus pour la période de décembre 2013 à avril 2014 est des bonus dus de janvier 2013 à janvier 2014, qu'il a saisi une première fois le conseil des prud'hommes d'une action en référé le 25 février 2014, que cette action en paiement a été rejetée par ordonnance de référé du 21 mars 2014, compte-tenu des contestations sérieuses, que la société GECM a saisi le conseil des prud'hommes le 31 mars 2014, et que dans le cadre de cette action, M. [R] a lui-même formé des demandes reconventionnelles pour obtenir paiement des salaires et du bonus litigieux, que le conseil des prud'hommes par jugement du 4 décembre 2017 a déclaré les demandes de la société GECM irrecevables et n'a pas statué sur les demandes reconventionnelles, que l'employeur a à nouveau saisi le conseil des prud'hommes le 17 septembre 2019 d'une action contre M. [R] qui a formé à nouveau les mêmes demandes reconventionnelles relatives aux salaires et bonus litigieux.
En l'espèce, il résulte des pièces de la procédure que, pour les salaires de décembre 2013 à avril 2014, le premier acte interruptif est la saisine du conseil des prud'hommes en référé, le 25 février 2014 ; même si l'action de référé a été rejetée, l'effet interruptif demeure ; les nouvelles demandes à titre reconventionnel pour les salaires de décembre 2013 à avril 2014 et les bonus de janvier 2013 à janvier 2014, dans l'instance de 2017, puis à nouveau en 2019, interrompent également la prescription à chaque fois pour les mêmes droits issus du même contrat de travail ; l'appel du 17 janvier 2022, dans le cadre du même contentieux portant sur les mêmes droits, continue la suspension jusqu'à la décision définitive.
Il s'ensuit qu'à aucun moment, un délai supérieur à trois ans ne s'est écoulé entre deux actes interruptifs de prescription portant sur le même contrat et les mêmes créances de salaire et de bonus. Par conséquent, la prescription triennale prévue par l'article L. 3245-1, interrompue à de multiples reprises par l'exercice régulier de ses droits par le salarié, n'a pu produire ses effets extinctifs.
En conséquence, l'exception de prescription opposée par l'employeur doit être rejetée.
Sur le fond
À l'examen des pièces produites et des moyens débattus, la cour retient que M. [R] est bien fondé dans ses demandes relatives aux salaires de décembre 2013 à avril 2014 et aux bonus de janvier 2013 à janvier 2014 qui ne sont d'ailleurs pas contestées dans leur quantum par le liquidateur judiciaire de la société GECM.
Compte tenu de ce qui précède, le jugement déféré est infirmé en ce qu'il a débouté M. [R] de ses demandes en paiement des salaires de décembre 2013 à avril 2014 et des bonus de janvier 2013 à janvier 2014, et statuant à nouveau de ce chef, la cour fixe la créance de M. [R] au passif de la société GECM aux sommes de :
- 72 000 euros représentant les salaires dus de décembre 2013 au 24 avril 2014.
- 112 845,81 euros au titre des bonus des mois de janvier, juillet et octobre 2013 et janvier 2014.
Sur les dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse demandés par M. [R]
M. [R] demande par infirmation du jugement la somme de 100 000 euros de dommages et intérêts pour rupture irrégulière et abusive de son contrat de travail ; il soutient que, privé de salaires de décembre 2013 à avril 2014, il a subi une perte de revenus de 72 000 €, aggravée par l'absence de documents sociaux jusqu'en avril 2014, l'empêchant de bénéficier des allocations chômage (pièce n°26 : attestation RSA), et des poursuites fiscales lui causant un grand préjudice (pièce n°31).
En défense, la société GECM s'oppose à cette demande.
Il est constant qu'aucune procédure de licenciement n'a été mise en 'uvre.
À l'examen des pièces produites et des moyens débattus, la cour retient que le contrat a été rompu par la société GECM le 24 avril 2014 par l'envoi à M. [R] des documents de fin de contrat dont l'attestation Pôle emploi qui mentionne « licenciement » comme « motif de la rupture ».
Compte tenu de ce qui précède, le licenciement est irrégulier et abusif.
Il est constant qu'à la date du licenciement, l'effectif de la société GECM n'atteignait pas le seuil de 11 salariés ; il y a donc lieu à l'application de l'article L. 1235-5 du code du travail dans sa rédaction applicable au litige dont il ressort que le juge octroie une indemnité au salarié égale au préjudice subi.
Compte tenu notamment de l'effectif de l'entreprise, des circonstances de la rupture, du montant de la rémunération de M. [R], de son âge, de son ancienneté, de sa capacité à trouver un nouvel emploi eu égard à sa formation et à son expérience professionnelle et des conséquences du licenciement à son égard, tels qu'ils résultent des pièces et des explications fournies, la cour retient que l'indemnité à même de réparer intégralement le préjudice de M. [R] doit être évaluée à la somme de 50 000 €.
Le jugement déféré est donc infirmé en ce qu'il a débouté M. [R] de sa demande de dommages et intérêts pour licenciement irrégulier et abusif et statuant à nouveau de ce chef, la cour fixe la créance de M. [R] au passif de la société GECM à la somme de 50 000 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement irrégulier et abusif.
Sur la délivrance de documents
M. [R] demande la remise des bulletins de paie.
Il est constant que les documents demandés ne lui ont pas été remis ; il est donc fait droit à la demande de remise de documents formulée par M. [R].
Le jugement déféré est donc infirmé sur ce point, et statuant à nouveau, la cour ordonne à la société GECM de remettre M. [R] les bulletins de paie qui devront être établis conformément à ce qui a été jugé dans la présente décision,
Sur les autres demandes
La cour déclarera le présent arrêt commun à l'AGS et dira que les sommes allouées au salarié seront garanties par l'AGS dans les limites légales du plafond applicable à la date de la rupture, à l'exclusion de l'indemnité allouée à l'intéressé au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
La cour condamne la société EMJ ès qualités de liquidateur judiciaire de la société GECM aux dépens de la procédure de première instance et de la procédure d'appel en application de l'article 696 du code de procédure civile.
Le jugement déféré est infirmé en ce qui concerne l'application de l'article 700 du code de procédure civile.
Il apparaît équitable, compte tenu des éléments soumis aux débats, de condamner la société EMJ ès qualités de liquidateur judiciaire de la société GECM à payer à M. [R] la somme de 3 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.
L'ensemble des autres demandes plus amples ou contraires formées en demande ou en défense est rejeté, leur rejet découlant des motifs amplement développés dans tout l'arrêt.
PAR CES MOTIFS
La cour,
Infirme le jugement en toutes ses dispositions :
Statuant à nouveau et ajoutant,
Déboute l'AGS de sa demande de mise hors de cause.
Dit que Me [V] de la SELARL EMJ ès qualités de mandataire liquidateur de la société GECM est irrecevable à demander la somme de 26 528 € à titre de remboursement d'honoraires de la société COREFIIM, cette demande ayant été rejetée par le jugement définitif rendu le 11 septembre 2017 par le tribunal de commerce de Paris.
Déboute Me [V] de la SELARL EMJ ès qualités de mandataire liquidateur de la société GECM de sa demande en paiement de la somme de 100 000 € pour en réparation des fautes lourdes et autres agissements fautifs et déloyaux entrepris dans le cadre de son contrat de travail.
Déboute Me [V] de la SELARL EMJ ès qualités de mandataire liquidateur de la société GECM de sa demande relative à la démission.
Fixe la créance de M. [R] au passif de la société GECM aux sommes de :
- 72 000 euros représentant les salaires dus de décembre 2013 au 24 avril 2014.
- 112 845,81 euros au titre des bonus des mois de janvier, juillet et octobre 2013 et janvier 2014.
- 50 000 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement irrégulier et abusif.
Ordonne à Me [V] de la SELARL EMJ ès qualités de mandataire liquidateur de la société GECM de remettre M. [R] les bulletins de paie qui devront être établis conformément à ce qui a été jugé dans la présente décision, dans les deux mois de la notification de la présente décision.
Condamne Me [V] de la SELARL EMJ ès qualités de mandataire liquidateur de la société GECM à payer à M. [R] la somme de 3 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.
Déclare le présent arrêt commun à l'AGS.
Dit que les sommes allouées à M. [R] seront garanties par l'AGS dans les limites légales du plafond applicable à la date de la rupture, à l'exclusion de l'indemnité allouée à l'intéressé au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Déboute les parties de leurs demandes plus amples et contraires,
Condamne Me [V] de la SELARL EMJ ès qualités de mandataire liquidateur de la société GECM aux dépens de première instance et d'appel.
Le greffier Le président
délivrées le :
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 6 - Chambre 3
ARRET DU 01 OCTOBRE 2025
(n° , 2 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 22/01334 - N° Portalis 35L7-V-B7G-CFBLT
Décision déférée à la Cour : Jugement du 09 Décembre 2021 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS - RG n° F19/08253
APPELANT
Monsieur [B] [R]
Né le 5 Septembre 1969 à [Localité 6]
[Adresse 7]
[Localité 4]
Représenté par Me Jeanne BAECHLIN, avocat au barreau de PARIS, toque : L0034, avocat postulant et par Me Romain VIOLET, avocat au barreau de PARIS, toque : P0289, avocat plaidant
INTIMEES
S.E.L.A.R.L. EMJ prise en la personne de Maître [I] [V], Mandataire Judiciaire, ès qualités de liquidateur judiciaire à la liquidation judiciaire de la S.A. GLOBAL EQUITIES CAPITAL MARKETS
[Adresse 2]
[Localité 3]
Représentée par Me Frédérique ETEVENARD, avocat au barreau de PARIS, toque : K0065, avocat postulant et par Me Judith GUEDJ, avocat au barreau de PARIS, toque : B0555, avocat plaidant
Association AGS CGEA IDF OUEST (UNEDIC DELEGATION), prise en la personne de son représentant légal
[Adresse 1]
[Localité 5]
Représentée par Me Anne-france DE HARTINGH, avocat au barreau de PARIS, toque : R1861
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 03 Septembre 2025, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant M. Christophe BACONNIER, Président de chambre, chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :
Christophe BACONNIER, président de chambre
Fabienne Rouge, présidente de chambre
Marie Lisette SAUTRON, présidente de chambre
Greffier, lors des débats : Madame Laetitia PRADIGNAC
ARRET :
- Contradictoire
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Christophe BACONNIER, président de chambre et par Laetitia PRADIGNAC, Greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
RAPPEL DES FAITS ET PROCEDURE
La société Global Equities Capital Markets - GECM (SA) a engagé M. [B] [R] par contrat de travail à durée indéterminée à compter du 15 décembre 2011, prenant effet le 20 décembre 2011, en qualité de directeur des opérations.
Les relations contractuelles entre les parties étaient soumises à la convention collective nationale des activités de marchés financiers.
M. [R] a détenu un mandat social de délégué général adjoint concurremment à ses fonctions.
La société GECM a cédé ses actions dans la société ACSIS à M. [R] par contrat du 18 décembre 2012 et M. [R] en est devenue le président ; une convention de prestation de services a été signée entre ces deux sociétés le 1er juillet 2013 pour de 24 mois à compter du 1er juillet 2013 ; cette convention mentionne que la société ACSIS apporte son assistance à la société GECM comme conseil en stratégie, en investissements et l'accompagne pour le développement de ses activités à l'international et prévoit une facturation annuelle de 325 000 € HT en 2013 et 250 000 € HT en 2014.
Le contrat de travail entre M. [R] et la société GECM a été rompu dans des conditions litigieuses la société GECM soutenant que M. [R] a implicitement démissionné le 30 novembre 2013, et M. [R] soutenant qu'il a été licencié irrégulièrement et abusivement le 24 avril 2014.
Sa rémunération mensuelle brute moyenne s'élevait en dernier lieu à la somme de 15 000 €.
La société GECM occupait à titre habituel moins de onze salariés lors de la rupture des relations contractuelles.
M. [R] a saisi le conseil de prud'hommes de Paris en référé le 25 février 2014, en paiement de ses salaires.
Le conseil d'administration de la société GECM a délibéré le 7 mars 2014 et décidé :
- la révocation pour faute(s) de M. [R], de ses fonctions de directeur général délégué,
- la résiliation à compter de cette date, de la convention conclue en date du 1er juillet 2013 entre la société GECM et la société ACSIS, représentée par M. [R], président compte tenu des manquements à ses obligations contractuelles ainsi que des fautes dont son représentant légal s'est rendu coupable.
Par ordonnance du 21 mars 2014, le conseil de prud'hommes de Paris statuant en référé a débouté M. [R] de ses demandes.
La société GECM, a saisi le tribunal de commerce de Paris le 18 mars 2014 d'une action en indemnisation à l'encontre de M. [R] et de la société ACSIS (150 000 € en indemnisation du préjudice subi par GECM et subsidiairement la société mère du fait du détournement de son crédit, 200 000 € en indemnisation du préjudice subi par GECM et subsidiairement la société mère du fait des actes de concurrence déloyale, 309 000 € en indemnisation du préjudice subi par GECM et subsidiairement la société mère du fait des actes de parasitisme commercial, 50 000 € en indemnisation du préjudice subi par GECM pour atteinte à la crédibilité de l'entreprise et plus généralement du groupe auquel elle appartient et 26 528 € en remboursement des honoraires payés à la société COREFIIM).
M. [R] a formé des demandes reconventionnelles en dommages et intérêts pour procédure abusive et sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
La société GECM, a saisi le conseil de prud'hommes de Paris le 31 mars 2014 d'une action en indemnisation à l'encontre de M. [R] (100 000 € pour les fautes lourdes entreprises dans le cadre de son contrat de travail, 50 000 € pour les fautes lourdes entreprises après l'exécution du contrat de travail et en sa qualité de mandataire social et 26 528 € les honoraires versés à la société COREFIIM).
Par jugement du 7 août 2014, le tribunal de commerce a prononcé la liquidation judiciaire de la société GECM et a désigné la SELARL EMJ, prise en la personne de Maître [V], ès qualités de liquidateur judiciaire de la société GECM.
La SELARL EMJ, prise en la personne de Maître [V], ès qualités de liquidateur judiciaire de la société GECM a repris et poursuivi les actions engagées par la société GECM.
Par jugement du 4 décembre 2017, le tribunal de commerce de Paris a rendu la décision suivante :
« (...) Déboute la SELARL EMJ (...) de toutes ses demandes d'indemnisation à l'encontre de la SAS ACSIS et de M. [B] [R],
Déboute la SELARL EMJ (...) de sa demande de remboursement d'honoraires,
Dit M. [B] [R] mal fondée en ses demandes reconventionnelles (NB : dommages et intérêts pour procédure abusive) et l'en déboute,
Condamne la SELARL EMJ (...) à mettre au passif de la liquidation, au profit de M. [B] [R] la somme de 1500 € au titre de l'article 700 CPC,
(...)
Condamne GECM aux dépens de l'instance, (...) »
Par jugement du 4 décembre 2017, le conseil de prud'hommes de Paris a « prononcé l'irrecevabilité des demandes relatives au tribunal de commerce et dommages et intérêts y afférents »
La SELARL EMJ, prise en la personne de Me [V], en qualité de mandataire liquidateur de la société GECM, a saisi à nouveau le conseil de prud'hommes de Paris le 17 septembre 2019 et a formé en dernier lieu les demandes suivantes :
« CONSTATER l'intervention volontaire de la SELARL EMJ en la personne de Me [I] [V], Liquidateur judiciaire de la société GLOBAL EQUITIES CAPITAL MARKETS, et l'y déclarer bien fondée,
Sur quoi,
DIRE ET JUGER que Monsieur [R] a manifesté une intention claire et sans équivoque de rompre son contrat de travail en vue d'y substituer un contrat de prestations de services avec la société GLOBAL EQUITIES CAPITAL MARKETS,
DIRE ET JUGER que la démission implicite de Monsieur [R] est devenue effective à compter du 30 novembre 2013,
DIRE ET JUGER que Monsieur [R] s'est rendu coupable de fautes lourdes dans le cadre de son contrat de travail,
DIRE ET JUGER que Monsieur [R] s'est rendu coupable de fautes lourdes dans le cadre de ses mandats sociaux,
DIRE ET JUGER que Monsieur [R] s'est rendu coupable de fautes lourdes après l'exécution du contrat de travail,
DIRE ET JUGER que Monsieur [R] s'est rendu coupable d'abus de fonctions en obtenant la signature d'un contrat avec la société COREFIIM qui ne devait nullement bénéficier aux intérêts de la société GECM,
En conséquence,
CONDAMNER Monsieur [R] à payer à la SELARL EMJ, en la personne de Me [I] [V], liquidateur judiciaire de la société GLOBAL EQUITIES CAPITAL MARKETS des dommages-intérêts à hauteur de 100 000 € pour les fautes lourdes entreprises dans le cadre de son contrat de travail,
CONDAMNER Monsieur [R] à payer à la SELARL EMJ, en la personne de Me [I] [V], liquidateur judiciaire de la société GLOBAL EQUITIES CAPITAL MARKETS des dommages-intérêts à hauteur de 50 000 € pour les fautes lourdes entreprises après l'exécution du contrat de travail et en sa qualité de mandataire social,
CONDAMNER Monsieur [R] à rembourser à la SELARL EMJ, en la personne de Me [I] [V], liquidateur judiciaire de la société GLOBAL EQUITIES CAPITAL MARKETS à hauteur de 26 528 € les honoraires versés à la société COREFIIM,
CONDAMNER Monsieur [R] au versement de la somme de 3 000 € au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile,
ORDONNER l'exécution provisoire ».
M. [R] a formé des demandes reconventionnelles suivantes :
« ORDONNER la réinscription au rôle de l'affaire enregistrée sous le RG N° E14/04 506,
CONSTATER que Monsieur [L] n'a pas démissionné,
DIRE que le jugement, définitif, rendu par le tribunal de commerce de Paris le 11 septembre 2017, a autorité de chose jugée en ce qu'il a retenu que les faits reprochés à Monsieur [L], qui sont les mêmes que ceux invoqués dans la présente procédure, ne sont constitutifs d'aucune faute,
En tout état de cause,
DIRE que Monsieur [L] n'a commis aucune faute dans le cadre de son contrat de travail,
DIRE que la société GECM ne démontre pas l'existence des prétendus préjudices qu'elle invoque,
CONSTATER que la société GECM a rompu irrégulièrement et abusivement le contrat de travail de Monsieur [L],
En conséquence,
DIRE ET JUGER que Monsieur [L] dispose d'une créance salariale à l'encontre de la société GLOBAL EQUITIES CAPITAL MARKETS à hauteur de :
- 72 000 € représentant les salaires dus de décembre 2013 au 24 avril 2014,
- 112 845,81 € au titre des bonus qui lui sont dus contractuellement,
- 100 000 € de dommages et intérêts pour rupture irrégulière et abusive de son
contrat de travail,
FIXER ces sommes au passif de la société GLOBAL EQUITIES CAPITAL MARKETS, aujourd'hui représentée par son liquidateur,
DECLARER le présent arrêt opposable à l'AGS,
CONDAMNER l'AGS à garantir le paiement de ces sommes dans les limites de sa garantie,
ORDONNER la remise des bulletins de salaire y afférents,
CONDAMNER la SELARL EMJ, représentée par Maître [V], en qualité de Liquidateur Judiciaire de la société GLOBAL EQUITIES CAPITAL MARKETS au paiement de la somme de 5 000 €, au titre des frais irrépétibles de l'article 700 du code de procédure civile,
CONDAMNER la SELARL EMJ, représentée par Maître [V], en qualité de Liquidateur Judiciaire de la société GLOBAL EQUITIES CAPITAL MARKETS, aux entiers dépens. »
L'AGS a été mise en cause et a formé les demandes suivantes :
« Constater et juger que Monsieur [R] n'avait pas la qualité de salarié,
En conséquence :
Mettre hors de cause de l'AGS
Débouter Monsieur [R] de l'ensemble de ses demandes reconventionnelles, moyens, fins et prétentions.
SUR LA GARANTIE
Juger qu'en tout état de cause, la garantie prévue aux dispositions de l'article L 3253-6 du code du travail ne peut concerner que les seules sommes dues en exécution du contrat de travail au sens et dans les limites de l'article L 3253-8 du code du travail, les astreintes, dommages et intérêts, indemnités, mettant en 'uvre la responsabilité de droit commun de l'employeur ou article 700 étant ainsi exclus de la garantie.
Juger qu'en tout état de cause la garantie de l'AGS ne pourra excéder, toutes créances confondues, l'un des trois plafonds fixés, en vertu des dispositions des articles L 3253-17 et D 3253-5 du code du travail.
Statuer ce que de droit quant aux frais d'instance sans qu'ils puissent être mis à la charge de l'UNEDIC AGS. »
Par jugement du 9 décembre 2021, auquel la cour se réfère pour l'exposé de la procédure antérieure et des prétentions initiales des parties, le conseil de prud'hommes a rendu la décision suivante :
« Dit que la démission de Monsieur [B] [L] [F] est effective le 30 novembre 2013
Met hors de cause l'AGS CGEA IDF OUEST
Condamne Monsieur [B] [L] [F] à payer à Me [V] de la SELARL EMJ es-qualités de mandataire liquidateur de la S.A. GLOBAL EQUITIES CAPITAL MARKETS les sommes suivantes :
- 100 000 € à titre de dommages et intérêts pour fautes lourdes dans le cadre du contrat de travail
- 26 528 € à titre de remboursement d'honoraires de la société COREFIIM
- 1 000 € au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile
Déboute Me [V] de La SELARL EMJ es-qualités de mandataire liquidateur de la S.A. GLOBAL EQUITIES CAPITAL MARKETS du surplus de ses demandes
Déboute Monsieur [B] [L] [F] de ses demandes reconventionnelles
Condamne [B] [L] [F] aux entiers dépens. »
M. [R] a relevé appel de ce jugement par déclaration transmise par voie électronique le 17 janvier 2022.
La constitution d'intimée de la société EMJ, prise en la personne Maître [V], ès qualités de liquidateur judiciaire de la société GECM, a été transmise par voie électronique le 9 mai 2022.
La constitution d'intimée de l'AGS a été transmise par voie électronique le 1er février 2022.
Par ses dernières conclusions communiquées par voie électronique le 10 juin 2025, auxquelles la cour se réfère expressément pour l'exposé des moyens, M. [R] demande à la cour de :
« INFIRMER le jugement rendu par le conseil des prud'hommes de [Localité 8] le 9 décembre 2021 dans toutes ses dispositions,
Statuant à nouveau :
JUGER que M. [L] n'a pas démissionné,
JUGER que le jugement, définitif, rendu par le tribunal de commerce de Paris le 11 septembre 2017, a autorité de chose jugée en ce qu'il a retenu que les faits reprochés à M. [L], qui sont les mêmes que ceux invoqués dans la présente procédure, ne sont constitutifs d'aucune faute,
En tout état de cause,
JUGER que M. [L] n'a commis aucune faute dans le cadre de son contrat de travail,
JUGER que la société GECM ne démontre pas l'existence des prétendus préjudices qu'elle invoque,
CONSTATER que la société GECM a rompu irrégulièrement et abusivement le contrat de travail de M. [L],
En conséquence,
JUGER que M. [L] dispose d'une créance salariale à l'encontre de la société GLOBAL EQUITIES CAPITAL MARKETS à hauteur de :
- 72 000 € représentant les salaires dus de décembre 2013 au 24 avril 2014,
- 112 845,81 € au titre des bonus qui lui sont dus contractuellement,
- 100 000 € de dommages et intérêts pour rupture irrégulière et abusive de son contrat de travail,
FIXER ces sommes au passif de la société GLOBAL EQUITIES CAPITAL MARKETS,
aujourd'hui représentée par son liquidateur,
DECLARER le présent arrêt opposable à l'AGS,
CONDAMNER l'AGS à garantir le paiement de ces sommes dans les limites de sa garantie,
ORDONNER la remise des bulletins de salaire y afférents,
DEBOUTER de toutes ses demandes la SELARL EMJ, représentée par Maître [V], en qualité de Liquidateur Judiciaire de la société GLOBAL EQUITIES CAPITAL MARKETS,
DEBOUTER l'AGS de ses demandes contraires au présent dispositif,
CONDAMNER la SELARL EMJ, représentée par Maître [V], en qualité de Liquidateur Judiciaire de la société GLOBAL EQUITIES CAPITAL MARKETS, au paiement de la somme de 5 000 €, au titre des frais irrépétibles de l'article 700 du code de procédure civile,
S'ENTENDRE CONDAMNER la SELARL EMJ, représentée par Maître [V], en qualité de Liquidateur Judiciaire de la société GLOBAL EQUITIES CAPITAL MARKETS, aux entiers dépens de première instance et d'appel. »
Par ses dernières conclusions communiquées par voie électronique le 13 juillet 2022, auxquelles la cour se réfère expressément pour l'exposé des moyens, la société EMJ, prise en la personne de Me [V], en qualité de liquidateur judiciaire de la société GECM, demande à la cour de :
« CONFIRMER le jugement rendu le 9 septembre 2021 par le conseil de Prud'hommes de Paris en toutes ses dispositions ;
En conséquence,
DIRE ET JUGER que Monsieur [R] a manifesté une intention claire et sans équivoque de rompre son contrat de travail en vue d'y substituer un contrat de prestations de services avec la société GLOBAL EQUITIES CAPITAL MARKETS,
DIRE ET JUGER que la démission implicite de Monsieur [R] est devenue effective à compter du 30 novembre 2013,
DIRE et JUGER que Monsieur [R] s'est rendu coupable de fautes lourdes dans le cadre de son contrat de travail,
DIRE et JUGER que Monsieur [R] s'est rendu coupable d'abus de fonctions en obtenant la signature d'un contrat avec la société COREFIIM qui ne devait nullement bénéficier aux intérêts de la société GECM,
En conséquence,
CONDAMNER Monsieur [R] à payer à la SELARL EMJ, en la personne de Me [I] [V], liquidateur judiciaire de la société GLOBAL EQUITIES CAPITAL MARKETS des dommages-intérêts à hauteur de 200 000 € pour les fautes lourdes et autres agissements fautifs et déloyaux entrepris dans le cadre de son contrat de travail,
CONDAMNER Monsieur [R] à rembourser à la SELARL EMJ, en la personne de Me [I] [V], liquidateur judiciaire de la société GLOBAL EQUITIES CAPITAL MARKETS à hauteur de 26 528 € les honoraires versés à la société COREFIIM,
DEBOUTER Monsieur [R] de l'ensemble de ses demandes, fins et
conclusions, en ce qu'elles sont mal fondées ;
CONDAMNER Monsieur [R] au versement de la somme de 5 000 € au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile,
CONDAMNER Monsieur [R] aux entiers dépens. »
Par ses dernières conclusions communiquées par voie électronique le 13 juillet 2022, auxquelles la cour se réfère expressément pour l'exposé des moyens, l'AGS demande à la cour de :
« CONFIRMER le jugement entrepris en toutes ses dispositions
En conséquence,
Constater et juger que Monsieur [R] n'avait pas la qualité de salarié,
En conséquence :
Confirmer la mise hors de cause de l'AGS
Débouter Monsieur [R] de l'ensemble de ses demandes, moyens, fins et prétentions.
SUR LA GARANTIE
Juger qu'en tout état de cause, la garantie prévue aux dispositions de l'article L 3253-6 du code du travail ne peut concerner que les seules sommes dues en exécution du contrat de travail au sens et dans les limites de l'article L 3253-8 du code du travail, les astreintes, dommages et intérêts, indemnités, mettant en 'uvre la responsabilité de droit commun de l'employeur ou article 700 étant ainsi exclus de la garantie.
Juger qu'en tout état de cause la garantie de l'AGS ne pourra excéder, toutes créances confondues, l'un des trois plafonds fixés, en vertu des dispositions des articles L 3253-17 et D 3253-5 du code du travail.
Statuer ce que de droit quant aux frais d'instance sans qu'ils puissent être mis à la charge de l'UNEDIC AGS. »
L'ordonnance de clôture a été rendue à la date du 8 juillet 2025.
L'affaire a été appelée à l'audience du 3 septembre 2025.
MOTIFS
Sur la demande de mise hors de cause de l'AGS
La demande est rejetée au motif que l'AGS est concernée par le litige du fait des demandes formées par M. [R].
Le jugement déféré est donc infirmé en ce qu'il a mis hors de cause l'AGS, et statuant à nouveau de ce chef, la cour déboute l'AGS de sa demande de mise hors de cause.
A titre préliminaire sur l'autorité de la chose jugée du jugement rendu le 11 septembre 2017 par le tribunal de commerce de Paris
M. [R] soutient que :
- la société GECM avait, devant le tribunal de commerce de Paris, recherché la responsabilité de M. [R] pour des faits qualifiés de fautes liées à ses mandats sociaux, invoquant des comportements déloyaux et des abus de fonctions et réclamant des dommages-intérêts.
- le tribunal de commerce, par jugement du 11 septembre 2017 (pièce n°27) devenu définitif, a débouté intégralement la société GECM de ses demandes.
Cette décision a donc autorité de chose jugée (art. 1355 C. civ.).
- Ultérieurement, par jugement du 4 décembre 2017 (pièce n°28), le conseil de prud'hommes a déclaré irrecevables les demandes de la société GECM formées contre M. [R] sur le fondement de son contrat de travail, au motif qu'elles concernaient en réalité les mêmes faits et montants que ceux déjà soumis au tribunal de commerce.
- la société GECM n'a jamais distingué, ni devant le tribunal de commerce, ni devant la juridiction prud'homale, quelles fautes relèveraient d'une part des mandats sociaux de M. [R], et d'autre part de son contrat de travail. Dès lors, les mêmes faits ne peuvent pas être requalifiés en fautes disciplinaires relevant du contrat de travail.
- Malgré l'autorité de chose jugée attachée au jugement du tribunal de commerce (11 sept. 2017, pièce n°27) et à celui du conseil de prud'hommes (4 déc. 2017, pièce n°28), ce dernier a condamné M. [R] au remboursement de 26 528 € d'honoraires COREFIIM.
La société EMJ demande la confirmation du jugement.
L'AGS ne développe pas sur ce point.
Il est constant que le jugement rendu le 11 septembre 2017 par le tribunal de commerce de Paris est devenu définitif.
À l'examen des pièces produites et des moyens débattus, la cour retient que M. [R] est bien fondé à invoquer la fin de non-recevoir tirée de l'autorité de la chose jugée en ce qui concerne la demande de remboursement des honoraires versés à la société COREFIIM à hauteur de la somme de 26 528 € au motif que l'autorité de la chose jugée s'étend à une demande identique (mêmes parties, même objet, même cause) dès lors qu'elle a été tranchée dans le dispositif d'un jugement définitif ; tel est le cas ici, dès lors que la demande de remboursement des honoraires versés à la société COREFIIM formée par la société GECM contre M. [R] (et la société ACSIS) devant le tribunal de commerce a été rejetée. Ce chef de jugement, clairement visé et rejeté dans le dispositif, acquiert donc l'autorité de la chose jugée à l'égard de toute demande ultérieure identique entre les mêmes parties, même devant le conseil de prud'hommes étant précisé que la présence initiale de la société ACSIS parmi les défendeurs devant le tribunal de commerce n'altère pas l'autorité de la décision vis-à-vis de M. [R] seul, sauf si le fondement ou la qualité des parties a été substantiellement modifié, ce qui n'est pas le cas.
En revanche, M. [R] est mal fondé pour le surplus de la fin de non-recevoir tirée de l'autorité de la chose jugée (JUGER que le jugement, définitif, rendu par le tribunal de commerce de Paris le 11 septembre 2017, a autorité de chose jugée en ce qu'il a retenu que les faits reprochés à M. [L], qui sont les mêmes que ceux invoqués dans la présente procédure, ne sont constitutifs d'aucune faute) au motif que seul le dispositif du jugement a autorité de la chose jugée, à l'exclusion des motifs. Les motifs du jugement du tribunal de commerce qui ont retenu qu'aucune faute n'était caractérisée à l'encontre de M. [R] et de la société ACSIS n'ont donc pas d'autorité de la chose jugée.
Le jugement déféré est donc infirmé en ce qu'il a condamné M. [R] à payer à Me [V] de la SELARL EMJ ès qualités de mandataire liquidateur de la société GECM la somme de 26 528 € à titre de remboursement d'honoraires de la société COREFIIM, et statuant à nouveau de ce chef, la cour dit que Me [V] de la SELARL EMJ ès qualités de mandataire liquidateur de la société GECM est irrecevable à demander la somme de 26 528 € à titre de remboursement d'honoraires de la société COREFIIM, cette demande ayant été rejetée par le jugement définitif rendu le 11 septembre 2017 par le tribunal de commerce de Paris.
Sur la qualité de salarié et le cumul du mandat social et du contrat de travail
M. [R] soutient que :
- Il a été salarié de la société GECM puis mandataire social de celle-ci en parallèle, les conditions nécessaires au cumul du mandat social et du contrat de travail étant réunies.
- Il a exercé des fonctions de directeur des opérations distinctes de ses prérogatives d'administrateur, ou de directeur général délégué attribuées ultérieurement, pour lesquelles il n'a pas perçu de rémunération.
- Il a été soumis à un lien de subordination, en tant qu'administrateur et non gérant majoritaire, qui n'a jamais été remis en cause, soumis aux décisions du conseil d'administration et du président, et a ainsi dû rendre compte de ses activités opérationnelles, respecter les directives de la société, soumettre ses congés et se conformer à sa hiérarchie.
La société EMJ évoque un cumul des fonctions lorsqu'elle développe les fautes du salarié.
L'AGS soutient en réplique que :
- M. [R] n'a plus été salarié au sein de la société lorsqu'il est devenu mandataire social et n'a pas démontré qu'il remplissait les conditions pour cumuler son mandat social avec son contrat de travail.
- Celui-ci n'a pas rapporté la preuve de l'existence d'un lien de subordination, car ne recevait aucune directive et n'était soumis à aucun contrôle.
À l'examen des pièces produites et des moyens débattus, la cour retient que le cumul de fonction est établi et n'est d'ailleurs pas contesté par le liquidateur judiciaire de la société GECM étant précisé que les salaires de M. [R] ont été payés par la société GECM jusqu'en novembre 2013 alors même qu'il a eu le mandat de directeur général adjoint de 2011 au 7 mars 2014.
Sur les demandes indemnitaires de la société GECM
La société EMJ demande par confirmation du jugement et reconventionnellement les sommes de :
- 200 000 € pour les fautes lourdes et autres agissements fautifs et déloyaux entrepris dans le cadre de son contrat de travail,
- 26 528 € les honoraires versés à la société COREFIIM.
La cour a jugé plus haut que la demande en paiement de la somme de 26 528 € les honoraires versés à la société COREFIIM était irrecevable compte tenu de l'autorité de la chose jugée du jugement du tribunal de commerce du 11 septembre 2017.
La cour constate que la société EMJ demande la confirmation du jugement ; or le jugement a condamné M. [R] à payer 100 000 € pour les fautes lourdes et autres agissements fautifs et déloyaux entrepris dans le cadre de son contrat de travail, et non 200 000 € ; faute de demande d'infirmation du jugement au quantum, la cour n'est saisie que de la demande de confirmation du jugement du liquidateur judiciaire de la société GECM et de la demande d'infirmation de M. [R] qui conteste la condamnation à payer 100 000 € pour les fautes lourdes et autres agissements fautifs et déloyaux entrepris dans le cadre de son contrat de travail.
La société EMJ soutient par confirmation du jugement que :
- M. [R] occupe, depuis son recrutement en 2011, des fonctions de haute responsabilité au sein de GECM, attestées par son CV (Pièce n°7), comprenant notamment la qualité d'administrateur, de membre du comité de direction et de directeur général délégué ;
- son contrat de travail comportait des clauses essentielles, dont la clause de confidentialité (article 10), la clause de non-sollicitation (article 11) et la clause d'exclusivité (article 14), garantissant le respect des intérêts de la société tout au long de la relation contractuelle et au-delà ;
- en tant que mandataire social et associé actionnaire, M. [R] était tenu à un devoir de loyauté renforcé vis-à-vis du groupe GIS et de sa filiale GECM ;
- au cours de décembre 2013, M. [R] a entrepris, sans accord ni régularisation, de substituer la convention ACSIS/GECM à une convention ACSIS/GIS, tout en émettant deux factures à GIS, datées du 24 décembre 2013 et du 24 janvier 2014, respectivement pour 162 500 € et 25 000 €, en l'absence de restitution des originaux signés (Pièce n°8) ;
- l'employeur a découvert l'implication active du salarié dans le projet de reprise du concurrent SDF Markets, matérialisée par le dépôt d'un dossier d'agrément auprès de l'ACPR, daté du 7 novembre 2013, dans lequel il se présentait comme dirigeant et organisateur de la future structure concurrente, Aldrin Asset Invest, alors qu'il était encore salarié et mandataire de GECM, avec des déclarations inexactes sur ses fonctions (Pièce n°9) ;
- M. [R] a été convoqué régulièrement au conseil d'administration, qui a décidé, le 7 mars 2014, sa révocation pour faute grave de ses fonctions de directeur général délégué et la résiliation pour faute de la convention ACSIS/GECM du 1er juillet 2013 ;
- dans un courrier adressé à l'ACPR par son avocat le 23 décembre 2013, M. [R] affirme, de façon contestée, l'absence de clause de non-concurrence dans son contrat, outre qu'une note annexe datée du 24 décembre 2013 livre ses projets de transfert d'activités vers le concurrent, en violation de ses obligations de loyauté et d'exclusivité (Pièces n°10 et n°11) ;
- M. [R] a poursuivi des projets personnels, dont celui lié à l'affaire « C'ur Défense », pilotée sous l'entête GCSA (ACSIS), société sous son contrôle, et pour laquelle il a rédigé un mémoire à destination d'investisseurs étrangers, avec un honoraire escompté de 1,89 million d'euros, en usant frauduleusement de l'adresse du siège de GECM pour ces activités extérieures (Pièce n°12) ;
- l'employeur relève également que le salarié a détourné les moyens de GECM, en effectuant via cette société deux virements en faveur de la société COREFIIM pour un montant total de 26 528 €, liés à des missions étrangères à son contrat ;
- ces faits démontrent un comportement déloyal et frauduleux, doublé d'abus de fonctions, par des opérations menées dans l'intérêt du salarié et de sociétés tierces, au mépris de ses obligations contractuelles et fiduciaires ;
- l'employeur conclut que la violation persistante par M. [R] des devoirs de loyauté et d'exclusivité, ainsi que la multiplicité des agissements concurrents et frauduleux, caractérisent une faute lourde au sens du droit du travail, privative de toute indemnité de rupture, et s'étayent par les pièces jointes versées au débat.
L'AGS s'en remet aux explications et éléments justificatifs produits par le mandataire représentant GECM, notamment à un courrier démontrant que M. [R] a tenté de contourner le contrôle de l'autorité de contrôle et de régulation, en développant son activité personnelle sous couvert de ses fonctions et au détriment de la société GECM.
M. [R] soutient que :
- les faits prétendument fautifs n'ont été invoqués qu'à la suite de la saisine du conseil de prud'hommes par M. [R] en référé le 25 février 2014, ce qui montre qu'ils sont essentiellement circonstanciels et étrangers à la réalité du lien contractuel ;
- par jugement définitif ayant autorité de chose jugée, le tribunal de commerce de Paris a estimé que les faits reprochés à M. [R] n'étaient pas constitutifs de faute, ni source de préjudice pour la société GECM (pièce n°27), ce qui interdit toute nouvelle qualification défavorable sur les mêmes faits ;
- au fil de la relation contractuelle, M. [R] a été successivement promu administrateur, membre du comité de direction, puis directeur général délégué de GECM, et associé actionnaire du groupe GIS, sans que la société ne formule la moindre critique ;
- la cession de la société ACSIS et la conclusion de la convention de prestation de services sont le fruit d'une stratégie de groupe, validée par le conseil d'administration (pièces n°11, n°12, n°13, n°14, n°23), et le schéma était identique à celui mis en 'uvre par le président du groupe GIS avec sa propre société BOYER & Co (pièces n°15, n°16) ;
- la clause d'exclusivité du contrat de travail, limitée géographiquement à la France (pièce adverse n°1), n'a pas été violée puisque l'activité de la société ACSIS avait pour vocation le développement à l'international ;
- la société GECM a elle-même validé la coexistence des deux fonctions, n'a jamais soulevé d'incident ou de grief jusqu'à la liquidation du groupe et la procédure engagée contre M. [R] ;
- les mandats sociaux et les multiples projets internationaux ont été développés avec l'accord des plus hautes instances de la société ; expert-comptable, service juridique et commissaire aux comptes étaient identiques entre ACSIS et GECM, sans objection, et nombre de projets de rapprochement étaient même menés sous supervision de dirigeants du groupe (pièces n°18 à n°22) ;
- le contrat de conseil avec COREFIIM (pièce n°17) a été signé par le président du directoire de GECM et le salarié a demandé sa dénonciation par courriel (pièce n°10), ce qui démontre que la société était informée et impliquée dans l'opération ;
- les activités qui auraient été menées en parallèle sont soit restées au stade de projet - DSF Markets, TESLA - soit se sont déroulées exclusivement à l'étranger, dans le respect de la clause contractuelle ;
- les prétentions tardives de la société GECM n'ont pour objectif que de justifier une rupture irrégulière, consécutive à la saisine par M. [R] et à la crise du groupe ;
- il conteste la régularité de la convocation à la réunion du conseil ayant conduit à sa révocation, invoquant une irrégularité de procédure (pièce n°30).
À l'examen des pièces produites et des moyens débattus, la cour retient que la société EMJ ès qualités de liquidateur judiciaire GECM est mal fondée dans sa demande indemnitaire formé à hauteur de 100 000 € en réparation des fautes lourdes et autres agissements fautifs et déloyaux entrepris dans le cadre de son contrat de travail ; elle invoque à l'encontre de M. [R] la commission de fautes lourdes, engageant la rupture du contrat de travail à ses torts exclusifs et justifiant l'irrecevabilité des demandes indemnitaires du salarié ; cependant, pour caractériser une faute lourde, la jurisprudence et les textes exigent que l'employeur démontre non seulement la gravité exceptionnelle des manquements du salarié, mais surtout l'intention manifeste et délibérée de nuire à l'employeur ou à l'entreprise, critère essentiel et déterminant de cette qualification ; or si le liquidateur judiciaire de la société GECM présente plusieurs faits susceptibles d'être fautifs, notamment la gestion parallèle de la société ACSIS, la conclusion de conventions et la participation à des projets concurrents, il n'est pas établi qu'ils ont été commis dans le but délibéré de porter préjudice à la société GECM, mais sont insérés dans un contexte de stratégie de groupe validée par les plus hautes instances, et partagée par la direction elle-même, dont témoigne la nomination de M. [R] au poste de directeur général délégué ; par ailleurs, les différentes conventions et projets, bien que contestés, ont toujours bénéficié de l'aval explicite ou implicite des organes de contrôle et services internes, comme l'illustre la validation par le conseil d'administration, l'expertise du service juridique et le rapport de l'expert-comptable ; en outre, le jugement du tribunal de commerce qui est définitif, a lui-même écarté la faute et le préjudice au détriment de la société GECM ; enfin, les prétentions de la société GECM sur la violation des clauses contractuelles, dans des conditions où elle a elle-même organisé et validé les modalités d'exercice parallèle d'activités par M. [R], notamment par la cession de ACSIS et la convention de prestation de services, montrent que le manquement allégué à la clause d'exclusivité n'est ni démontré ni constitutif d'une faute lourde.
Compte tenu de ce qui précède, la qualification de faute lourde retenue par l'employeur ne peut être retenue par la cour, faute d'éléments probants établissant l'intention de nuire, critère fondamental et requis par la jurisprudence constante.
Il s'ensuit que les demandes du liquidateur judiciaire de la société GECM fondées sur la faute lourde et ses conséquences (notamment exclusion des indemnités) sont rejetées ;
Par suite, le jugement doit être infirmé en tant qu'il accueille les prétentions de la société GECM et condamne M. [R] au paiement de la somme de 100 000 € pour en réparation des fautes lourdes et autres agissements fautifs et déloyaux entrepris dans le cadre de son contrat de travail, et statuant à nouveau de ce chef, la cour déboute le liquidateur judiciaire de la société GECM de sa demande en paiement de la somme de 100 000 € pour en réparation des fautes lourdes et autres agissements fautifs et déloyaux entrepris dans le cadre de son contrat de travail.
Sur la démission
M. [R] soutient que :
- il existait un contrat de travail écrit en vertu duquel il exerçait les fonctions de directeur des opérations, sous un lien de subordination au président et au conseil de la société GECM, lien jamais remis en cause par ses mandats sociaux ;
- il n'a jamais cessé d'exécuter ses fonctions salariées, même après sa nomination comme administrateur, et qu'il n'a donc jamais eu la volonté de mettre fin au contrat ;
- aucune lettre de démission n'a été rédigée, ni aucun engagement de démission pris, ce qui rend la thèse d'une « démission implicite » juridiquement inopérante, la jurisprudence rappelant que la démission ne se présume pas ;
- l'argument de la société GECM, selon lequel dès 2012 il aurait manifesté son intention de démissionner pour des raisons fiscales et patrimoniales, est totalement infondé et ne repose sur aucune pièce, et se heurte au fait que les salaires lui ont été régulièrement versés jusqu'à novembre 2013 ;
- la thèse de la société GECM d'une démission au 1er décembre 2013 repose sur la convention de prestation de services du 1er juillet 2013 (pièce adverse n°5), mais cette convention, rédigée par les services et l'expert-comptable de la société GECM, intervenait dans le cadre de la réorganisation du groupe, et non d'un choix personnel de rupture : elle définissait d'ailleurs des missions distinctes (conseil en stratégie, accompagnement international) ;
- les pièces adverses ne démontrent rien : le salarié n'est pas partie aux courriels de décembre 2012 (pièce adverse n°3) ; le courrier adressé au Parquet le 26 août 2013 (pièce adverse n°4), présenté comme rédigé par la société GECM, ne vaut pas manifestation de volonté claire ; le mail du 26 juillet 2013 (pièce adverse n°6) relatif à sa rémunération variable n'a donné lieu qu'à une facturation ACSIS six mois plus tard, sans rapport avec son salaire ; le formulaire ACPR de novembre 2013 (pièce adverse n°19) ne contient pas une déclaration de cessation d'activité mais seulement l'affirmation de l'absence de clause de non-concurrence ;
- la preuve que le contrat de travail s'est poursuivi au-delà du 30 novembre 2013 résulte de ce que M. [R] a engagé une procédure de référé le 25 février 2014 pour obtenir le paiement de ses salaires, qu'il a fait l'objet d'une mise à pied notifiée le 4 mars 2014 (pièce n° 2), et qu'il avait encore posé des congés RTT le 28 février 2014 pour la période du 3 au 7 mars suivant (pièce n°7) ;
- l'attestation Pôle emploi produite par l'employeur indique au demeurant comme motif de rupture « licenciement » (pièce adverse n°15), ce qui démontre que jamais une démission n'a été actée ;
- enfin, les documents sociaux finalement remis en avril 2014 (pièce n°4) confirment un motif de rupture tenant au licenciement, à défaut du moindre acte ou protocole constatant une démission, une prise d'acte, une rupture conventionnelle ou un licenciement régulier.
- la « démission implicite » retenue par le conseil des prud'hommes est dénuée de fondement en fait comme en droit ;
- son contrat de travail a été rompu abusivement par la société GECM au 24 avril 2014, date de communication des documents sociaux.
Les pièces suivantes sont produites ou invoquées par M. [R] :
- Pièce n°2 : Mise à pied en date du 4 mars 2014.
- Pièce n°7 : Demande de congés du 28 février 2014 (pour la période mars 2014).
- Pièces n°18 à 22 : Échanges relatifs au projet DSF Markets, démontrant l'absence de volonté de démissionner et la transparence vis-à-vis de GECM.
- Pièce n°4 : Documents sociaux transmis par GECM le 24 avril 2014 faisant état dans l'attestation Pôle emploi datée du 24 avril 2014 d'un « licenciement » comme motif de la rupture datée du 30 novembre 2013
- Pièce adverse n°15 : Attestation employeur Pôle emploi mentionnant « licenciement » preuve qu'il n'y a jamais eu démission.
La société EMJ soutient en réplique que :
- selon l'article L.1237-1 du code du travail, la démission résulte d'une volonté claire, sérieuse et non équivoque, ce qu'attestent en l'espèce les agissements constants de M. [R], qui a multiplié les démarches en vue de mettre fin à son contrat salarié pour se transformer en prestataire indépendant ;
- dès le dernier trimestre 2012, M. [R] a manifesté sa volonté de ne plus percevoir ses revenus sous forme de salaires en raison de la charge fiscale, et a sollicité la mise en place d'un véhicule ad hoc sous la forme d'une société commerciale ;
- par acte de cession du 18 décembre 2012 (pièce n°2), il a acquis auprès du groupe la société ACSIS, en devenant l'associé unique et le président, ce qui démontre déjà sa volonté d'abandonner son statut salarié pour exercer via sa propre structure ;
- dans le même temps, entre les 17 et 19 décembre 2012 (pièce n°3), plusieurs échanges d'emails entre dirigeants et services du groupe (non contestés par M. [R]) actent son accord pour rembourser et annuler certains salaires, afin de les transformer en facturations futures émises par sa société ACSIS dans le cadre d'une relation de prestation ;
- par un courrier du 26 août 2013 adressé au procureur de la République (pièce n°4), M. [R] déclare expressément qu'il est devenu « associé unique » et qu'« il assume la direction de la société ACSIS dans le cadre de la réorganisation de [ses] activités professionnelles », ce qui révèle de façon non équivoque une restructuration mettant fin au lien salarié antérieur ;
- une convention de prestations de services datée du 1er juillet 2013 a été conclue entre la société ACSIS et la société GECM (pièce n°5), convention directement substitutive au contrat de travail, dont la mise en 'uvre fut retardée uniquement du fait des lenteurs de régularisation imputables à M. [R] ;
- dans un courriel du 26 juillet 2013 (pièce n°6), adressé à plusieurs dirigeants de la société GECM, M. [R] écrit expressément que sa rémunération variable « fera l'objet d'une facture dans le cadre du contrat de prestations » et précise que ledit contrat sera soumis au conseil d'administration, ce qui démontre son intention de substituer facturation à salariat ;
- la rupture du contrat de travail s'est concrétisée au 30 novembre 2013, comme en attestent le certificat de travail, le solde de tout compte et l'attestation employeur Pôle emploi mentionnant cette date (pièces n°14 et 15) ;
- M. [R] a ensuite émis au titre du contrat ACSIS plusieurs factures : le 24 décembre 2013 (194 350 € TTC pour le second semestre 2013) et le 24 janvier 2014 (25 000 € TTC), signées en sa qualité de président de la société ACSIS, ce qui exclut la poursuite de son contrat de travail salarié ;
- en novembre 2013, il a encore transmis à l'ACPR (pièce adverse n°19) un formulaire où il se déclare « dirigeant opérationnel » de la société DSF MARKETS, certifiant ne pas exercer d'autre emploi ni être lié par d'anciens engagements, ce qui confirme l'effectivité de sa démission et l'absence de lien contractuel salarié à cette date ;
- l'argument du salarié tiré de la mise à pied disciplinaire du 4 mars 2014 est inopérant : il appartient aux juges du fond de constater la démission au vu des faits, indépendamment de la lettre de licenciement ou d'autres mesures prises postérieurement ;
- enfin, M. [R] n'a fourni aucune prestation salariée pour le compte de la société GECM après le 30 novembre 2013, et n'a jamais réclamé d'instructions ni de travail à compter de cette date, ce qui confirme la rupture consommée du contrat de travail.
Les pièces suivantes sont produites par l'employeur :
Pièce n°2 : acte de cession du 18/12/2012 (rachat par M. [R] de la société ACSIS).
Pièce n°3 : courriels échangés en déc. 2012 sur la substitution salaire/facturation.
Pièce n°4 : courrier du 26 août 2013 de M. [R] au Parquet (attestant sa réorganisation professionnelle).
Pièce n°5 : convention de prestation de services ACSIS-GECKO (1er juillet 2013).
Pièce n°6 : courriel du 26 juillet 2013 (bonus transformé en facture ACSIS).
Pièces n°14 et 15 : certificat de travail, solde de tout compte, attestation Pôle-emploi au 30 novembre 2013.
L'AGS soutient que la démission implicite du salarié est devenue effective le 30 novembre 2013.
Il ressort de l'article L. 1237-1 du code du travail, la démission résulte d'une volonté claire et non équivoque du salarié de mettre fin au contrat de travail, laquelle ne se présume pas et doit ressortir de manifestations exprimées directement et personnellement par l'intéressé.
À l'examen des pièces produites et des moyens débattus, la cour retient que la société GECM est mal fondée à soutenir que M. [R] a implicitement démissionné le 30 novembre 2013 au motif qu'aucune lettre de démission n'est produite, qu'aucun engagement ou annonce de démission n'est exprimé, qu'au contraire M. [R] établit qu'il a engagé une procédure de référé en février 2014 pour obtenir les salaires de décembre 2013 ce qui contredit l'allégation d'une démission volontaire, M. [R] établit qu'il a fait l'objet d'une mise à pied disciplinaire le 4 mars 2014 (pièce salarié n° 2) et qu'il a posé des RTT le 28 février 2014 (pièce salarié n° 7), ce qui démontre qu'employeur et salarié se comportaient encore dans le cadre du contrat de travail. En outre les documents de fin de contrat qui mentionnent la date du 30 novembre 2013 comme date de fin de contrat ont été remis le 24 avril 2014 (pièce salarié n° 4) et l'attestation Pôle emploi mentionne un « licenciement » comme motif de rupture et elle est elle-même datée du 24 avril 2014 (pièce n°4 et pièce adverse n°15), ce qui contredit la thèse de la démission.
C'est donc en vain que la société GECM soutient que M. [R] a implicitement démissionné le 30 novembre 2013 étant ajouté que ce n'est pas à M. [R] de prouver qu'il n'a pas démissionné, mais à la société GECM d'apporter la preuve de la volonté claire et non équivoque de M. [R] de mettre fin au contrat de travail. Or aucun acte unilatéral de M. [R] ne vient démontrer une démission. Aucun des éléments produits ne permet de retenir la volonté claire et non équivoque de M. [R] de mettre fin au contrat de travail : en effet aucune phrase, aucun mail, aucune lettre ne contient l'expression de cette volonté. Même si la stratégie patrimoniale de M. [R] (optimisation fiscale : facturer via ACSIS) peut démontrer une intention de réorganisation, elle ne suffit pas à établir sa volonté claire et non équivoque de mettre fin au contrat de travail. En outre certaines pièces établies par la société GECM (la mise à pied conservatoire et l'attestation Pôle emploi,) contredisent la thèse de la démission.
Compte tenu de ce qui précède, le jugement déféré est infirmé en ce qu'il a dit que la démission de M. [R] est effective le 30 novembre 2013, et statuant à nouveau de ce chef, la cour déboute le liquidateur judiciaire de sa demande relative à la démission.
Sur les salaires et bonus demandés par M. [R]
M. [R] demande par infirmation du jugement les sommes de 72 000 euros représentant les salaires dus de décembre 2013 au 24 avril 2014 et de 112 845,81 euros au titre des bonus au titre du mois de janvier, juillet et octobre 2013 et janvier 2014 qui lui sont dus contractuellement.
La société EMJ liquidateur judiciaire de la société GECM s'oppose à ces demandes qui sont prescrites sur le fondement de l'article L3245-1 du code du travail sans faire valoir de moyens de contestation sur le quantum.
Sur la prescription
L'article L3245-1 du code du travail dispose que l'action en paiement ou en répétition du salaire se prescrit par trois ans à compter du jour où celui qui l'exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer. La demande peut porter sur les sommes dues au titre des trois dernières années à compter de ce jour ou, lorsque le contrat de travail est rompu, sur les sommes dues au titre des trois années précédant la rupture du contrat.
Selon l'article 2241 du code civil dispose notamment que la demande en justice, même en référé, interrompt le délai de prescription.
Et l'article 2242 dispose que l'interruption résultant de la demande en justice produit ses effets jusqu'à l'extinction de l'instance.
La cour rappelle que la saisine du conseil de prud'hommes, y compris en référé, interrompt la prescription pour toutes les demandes relatives au même contrat de travail, que l'interruption bénéficie à toutes les demandes du même créancier, et que la demande formée à titre reconventionnel interrompt également le délai pour les mêmes créances.
La cour constate que M. [R] demande paiement des salaires dus pour la période de décembre 2013 à avril 2014 est des bonus dus de janvier 2013 à janvier 2014, qu'il a saisi une première fois le conseil des prud'hommes d'une action en référé le 25 février 2014, que cette action en paiement a été rejetée par ordonnance de référé du 21 mars 2014, compte-tenu des contestations sérieuses, que la société GECM a saisi le conseil des prud'hommes le 31 mars 2014, et que dans le cadre de cette action, M. [R] a lui-même formé des demandes reconventionnelles pour obtenir paiement des salaires et du bonus litigieux, que le conseil des prud'hommes par jugement du 4 décembre 2017 a déclaré les demandes de la société GECM irrecevables et n'a pas statué sur les demandes reconventionnelles, que l'employeur a à nouveau saisi le conseil des prud'hommes le 17 septembre 2019 d'une action contre M. [R] qui a formé à nouveau les mêmes demandes reconventionnelles relatives aux salaires et bonus litigieux.
En l'espèce, il résulte des pièces de la procédure que, pour les salaires de décembre 2013 à avril 2014, le premier acte interruptif est la saisine du conseil des prud'hommes en référé, le 25 février 2014 ; même si l'action de référé a été rejetée, l'effet interruptif demeure ; les nouvelles demandes à titre reconventionnel pour les salaires de décembre 2013 à avril 2014 et les bonus de janvier 2013 à janvier 2014, dans l'instance de 2017, puis à nouveau en 2019, interrompent également la prescription à chaque fois pour les mêmes droits issus du même contrat de travail ; l'appel du 17 janvier 2022, dans le cadre du même contentieux portant sur les mêmes droits, continue la suspension jusqu'à la décision définitive.
Il s'ensuit qu'à aucun moment, un délai supérieur à trois ans ne s'est écoulé entre deux actes interruptifs de prescription portant sur le même contrat et les mêmes créances de salaire et de bonus. Par conséquent, la prescription triennale prévue par l'article L. 3245-1, interrompue à de multiples reprises par l'exercice régulier de ses droits par le salarié, n'a pu produire ses effets extinctifs.
En conséquence, l'exception de prescription opposée par l'employeur doit être rejetée.
Sur le fond
À l'examen des pièces produites et des moyens débattus, la cour retient que M. [R] est bien fondé dans ses demandes relatives aux salaires de décembre 2013 à avril 2014 et aux bonus de janvier 2013 à janvier 2014 qui ne sont d'ailleurs pas contestées dans leur quantum par le liquidateur judiciaire de la société GECM.
Compte tenu de ce qui précède, le jugement déféré est infirmé en ce qu'il a débouté M. [R] de ses demandes en paiement des salaires de décembre 2013 à avril 2014 et des bonus de janvier 2013 à janvier 2014, et statuant à nouveau de ce chef, la cour fixe la créance de M. [R] au passif de la société GECM aux sommes de :
- 72 000 euros représentant les salaires dus de décembre 2013 au 24 avril 2014.
- 112 845,81 euros au titre des bonus des mois de janvier, juillet et octobre 2013 et janvier 2014.
Sur les dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse demandés par M. [R]
M. [R] demande par infirmation du jugement la somme de 100 000 euros de dommages et intérêts pour rupture irrégulière et abusive de son contrat de travail ; il soutient que, privé de salaires de décembre 2013 à avril 2014, il a subi une perte de revenus de 72 000 €, aggravée par l'absence de documents sociaux jusqu'en avril 2014, l'empêchant de bénéficier des allocations chômage (pièce n°26 : attestation RSA), et des poursuites fiscales lui causant un grand préjudice (pièce n°31).
En défense, la société GECM s'oppose à cette demande.
Il est constant qu'aucune procédure de licenciement n'a été mise en 'uvre.
À l'examen des pièces produites et des moyens débattus, la cour retient que le contrat a été rompu par la société GECM le 24 avril 2014 par l'envoi à M. [R] des documents de fin de contrat dont l'attestation Pôle emploi qui mentionne « licenciement » comme « motif de la rupture ».
Compte tenu de ce qui précède, le licenciement est irrégulier et abusif.
Il est constant qu'à la date du licenciement, l'effectif de la société GECM n'atteignait pas le seuil de 11 salariés ; il y a donc lieu à l'application de l'article L. 1235-5 du code du travail dans sa rédaction applicable au litige dont il ressort que le juge octroie une indemnité au salarié égale au préjudice subi.
Compte tenu notamment de l'effectif de l'entreprise, des circonstances de la rupture, du montant de la rémunération de M. [R], de son âge, de son ancienneté, de sa capacité à trouver un nouvel emploi eu égard à sa formation et à son expérience professionnelle et des conséquences du licenciement à son égard, tels qu'ils résultent des pièces et des explications fournies, la cour retient que l'indemnité à même de réparer intégralement le préjudice de M. [R] doit être évaluée à la somme de 50 000 €.
Le jugement déféré est donc infirmé en ce qu'il a débouté M. [R] de sa demande de dommages et intérêts pour licenciement irrégulier et abusif et statuant à nouveau de ce chef, la cour fixe la créance de M. [R] au passif de la société GECM à la somme de 50 000 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement irrégulier et abusif.
Sur la délivrance de documents
M. [R] demande la remise des bulletins de paie.
Il est constant que les documents demandés ne lui ont pas été remis ; il est donc fait droit à la demande de remise de documents formulée par M. [R].
Le jugement déféré est donc infirmé sur ce point, et statuant à nouveau, la cour ordonne à la société GECM de remettre M. [R] les bulletins de paie qui devront être établis conformément à ce qui a été jugé dans la présente décision,
Sur les autres demandes
La cour déclarera le présent arrêt commun à l'AGS et dira que les sommes allouées au salarié seront garanties par l'AGS dans les limites légales du plafond applicable à la date de la rupture, à l'exclusion de l'indemnité allouée à l'intéressé au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
La cour condamne la société EMJ ès qualités de liquidateur judiciaire de la société GECM aux dépens de la procédure de première instance et de la procédure d'appel en application de l'article 696 du code de procédure civile.
Le jugement déféré est infirmé en ce qui concerne l'application de l'article 700 du code de procédure civile.
Il apparaît équitable, compte tenu des éléments soumis aux débats, de condamner la société EMJ ès qualités de liquidateur judiciaire de la société GECM à payer à M. [R] la somme de 3 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.
L'ensemble des autres demandes plus amples ou contraires formées en demande ou en défense est rejeté, leur rejet découlant des motifs amplement développés dans tout l'arrêt.
PAR CES MOTIFS
La cour,
Infirme le jugement en toutes ses dispositions :
Statuant à nouveau et ajoutant,
Déboute l'AGS de sa demande de mise hors de cause.
Dit que Me [V] de la SELARL EMJ ès qualités de mandataire liquidateur de la société GECM est irrecevable à demander la somme de 26 528 € à titre de remboursement d'honoraires de la société COREFIIM, cette demande ayant été rejetée par le jugement définitif rendu le 11 septembre 2017 par le tribunal de commerce de Paris.
Déboute Me [V] de la SELARL EMJ ès qualités de mandataire liquidateur de la société GECM de sa demande en paiement de la somme de 100 000 € pour en réparation des fautes lourdes et autres agissements fautifs et déloyaux entrepris dans le cadre de son contrat de travail.
Déboute Me [V] de la SELARL EMJ ès qualités de mandataire liquidateur de la société GECM de sa demande relative à la démission.
Fixe la créance de M. [R] au passif de la société GECM aux sommes de :
- 72 000 euros représentant les salaires dus de décembre 2013 au 24 avril 2014.
- 112 845,81 euros au titre des bonus des mois de janvier, juillet et octobre 2013 et janvier 2014.
- 50 000 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement irrégulier et abusif.
Ordonne à Me [V] de la SELARL EMJ ès qualités de mandataire liquidateur de la société GECM de remettre M. [R] les bulletins de paie qui devront être établis conformément à ce qui a été jugé dans la présente décision, dans les deux mois de la notification de la présente décision.
Condamne Me [V] de la SELARL EMJ ès qualités de mandataire liquidateur de la société GECM à payer à M. [R] la somme de 3 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.
Déclare le présent arrêt commun à l'AGS.
Dit que les sommes allouées à M. [R] seront garanties par l'AGS dans les limites légales du plafond applicable à la date de la rupture, à l'exclusion de l'indemnité allouée à l'intéressé au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Déboute les parties de leurs demandes plus amples et contraires,
Condamne Me [V] de la SELARL EMJ ès qualités de mandataire liquidateur de la société GECM aux dépens de première instance et d'appel.
Le greffier Le président