CA Aix-en-Provence, ch. 3-4, 2 octobre 2025, n° 21/15475
AIX-EN-PROVENCE
Arrêt
Autre
COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE
Chambre 3-4
ARRÊT AU FOND
DU 02 OCTOBRE 2025
Rôle N° RG 21/15475 - N° Portalis DBVB-V-B7F-BIKPL
S.A.R.L. JLM
C/
Société SCF FONMARIN
Copie exécutoire délivrée
le : 2 Octobre 2025
à :
Me Maxime PLANTARD
Me Raphaëlle MAHE DES PORTES
Décision déférée à la Cour :
Jugement du TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP d'[Localité 1] en date du 20 Septembre 2021 enregistré au répertoire général sous le n° 20/01827.
APPELANTE
S.A.R.L. JLM prise en la personne de son représentant légal en exercice
, demeurant [Adresse 2]
représentée par Me Maxime PLANTARD de la SCP DAYDE - PLANTARD - ROCHAS & VIRY, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE substituée par Me Matthieu MOLINES, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE
INTIMEE
Société SCF FONMARIN
, demeurant [Adresse 9]
représentée par Me Raphaëlle MAHE DES PORTES, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions des articles 804, 806 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 24 Juin 2025 en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant :
Madame Laetitia VIGNON, Conseiller Rapporteur,
et Madame Gaëlle MARTIN, conseiller- rapporteur,
chargés du rapport qui en ont rendu compte dans le délibéré de la cour composée de :
Madame Anne-Laurence CHALBOS, Présidente
Madame Laetitia VIGNON, Conseillère
Madame Gaëlle MARTIN, Conseillère
Greffier lors des débats : Monsieur Achille TAMPREAU.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 02 Octobre 2025.
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 02 Octobre 2025.
Signé par Madame Anne-Laurence CHALBOS, Présidente et Monsieur Achille TAMPREAU, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
EXPOSE DU LITIGE
Par acte sous seing privé en date du 15 janvier 2007, la SCI La Palun a donné à bail commercial à la SARL JLM un bâtiment A sis [Adresse 4] [Adresse 10] Gardanne.
Par acte sous seing privé en date du 30 avril 2011, la SCI La Palun a conclu avec la SARL JLM un bail commercial précaire portant sur les bâtiments B et C sis lot n° 21, [Adresse 8] à Gardanne.
Les parties n'ont pas dressé d'état d'entrée des lieux.
La SARL JLM ayant acquis un terrain à [Adresse 5] afin d'y construire un entrepôt pour y installer son activité commerciale, elle a informé son bailleur, par courrier recommandé du 30 mai 2018, de son souhait de mettre fin aux baux susvisés, le 30 avril 2019.
Selon acte sous seing privé en date du 23 avril 2019, la SCI La Palun et la SARL JLM ont conclu une convention d'occupation précaire de cinq mois à compter du 1er mai 2019 jusqu'au 30 septembre 2019 portant sur les trois bâtiments dans l'attente de la fin des travaux entrepris par la SARL JLM.
Un dépôt de garantie de 6.200 € a alors été versé par la SARL JLM.
Les parties ont fait établir un état des lieux d'entrée par procès-verbal d'huissier du 3 mai 2019.
Par acte authentique en date du 24 mai 2019, la société créée de fait ( SCF) Fonmarin a acquis l'ensemble immobilier appartenant à Mme [E] et M. [U] venant aux droits de la SCI La Palun et loué à la SARL JLM.
La convention d'occupation précaire a pris fin le 30 septembre 2019 et un constat des lieux de sortie a été établi le même jour.
Le 1er janvier 2020, la SARL JLM a sollicité la restitution du dépôt de garantie de 6.200 €.
Par courrier recommandé en date du 28 janvier 2020, la SCF Fonmarin a mis en demeure la SARL JLM d'avoir à lui régler une somme de 29.213,65 € correspondant au coût de remise en état des clôtures et des fermetures du bien immobilier et la consommation d'eau, déduction faite du dépôt de garantie.
Face au refus opposé par la SARL JLM, la SCF Fonmarin l'a fait assigner, par acte du 25 mai 2020, devant le tribunal judiciaire d'Aix-en-Provence.
Par jugement en date du 20 septembre 2021, le tribunal judiciaire d'Aix-en-Provence a:
- dit la SCF Fonmarin recevable à agir pour la période antérieure au 23 avril 2019,
- condamné la SARL JLM à payer à la SCF Fonmarin la somme de 29.063,38 € au titre des dégradations locatives déduction faite du dépôt de garantie, avec intérêts au taux légal à compter du 31 janvier 2020,
- dit n'y avoir lieu au prononcé d'une astreinte,
- débouté les parties du surplus de leurs demandes,
- condamné la SARL JLM à payer à la SCF Fonmarin la somme de 2.500 € au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
- rappelé l'exécution provisoire de la décision,
- condamné la SARL JLM aux dépens distraits de l'application de l'article 699 du code de procédure civile.
Le tribunal a retenu, à cet effet, que:
Sur la recevabilité du bailleur à agir pour la période antérieure à la conclusions la convention d'occupation précaire du 23 avril 2019:
- le bail est un contrat à exécution successive, le locataire s'obligeant tout au long du bail et certaines de ses obligations ne s'appréciant qu'en fin de bail lorsque le preneur doit restituer les lieux,
- la vente du bien donné à bail ne constitue pas une clause exonératoire de responsabilité au même titre que la force majeure et la vétusté,
- l'action du nouveau bailleur est donc fondée sur la clause du bail mettant à la charge du preneur une obligation d'entretien et de réparation et la conclusion d'un nouveau bail n'interdit pas de réclamer au preneur, hormis les grosses réparations de l'article 606 du code civil, la réparation des dégradations résultant de l'usage de la chose pendant toute la durée de la location,
- la convention d'occupation précaire ne constitue qu'un aménagement du bail antérieur afin de permettre au preneur de se maintenir dans les lieux dans l'attente de l'aménagement de ses nouveaux locaux en construction, de sorte que le preneur n'a pas restitué les locaux entre l'expiration du bail commercial et la prise d'effet de la convention d'occupation précaire,
Sur les dégradations locatives:
- en l'absence d'état des lieux d'entrée en 2007 et 2011, la présomption de l'article 1731 du code civil est donc applicable,
- les attestations produites par le preneur pour renverser cette présomption n'ont pas de valeur probatoire suffisantes,
- les dégradations constatées lors de l'état des lieux de sortie du 30 septembre 2019 ne peuvent être imputables à la vétusté mais à un défaut d'entretien du preneur depuis sont entrée dans les lieux.
Par déclaration en date du 2 novembre 2021, la SARL JLM a interjeté appel de ce jugement.
Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par RPVA le 23 mars 2022, la société JLM demande à la cour de:
Vu l'article 1743 du code civil,
Vu l'article L 145-40-1 du code de commerce,
- recevoir la société JLM en son appel,
- le déclarer recevable,
- infirmer le jugement rendu le 20 septembre 2021 par le tribunal judiciaire d'Aix-en-Provence en ce qu'il a décidé que le bailleur est recevable à agir pour la période antérieure à la conclusion de la convention d'occupation précaire du 23 avril 2019,
- juger que la société SCF Fonmarin ne peut agir qu'à compter du 24 mai 2019, date à laquelle elle est devenue propriétaire, et à tout le moins qu'à compter du 23 avril 2019, date de la convention d'occupation précaire,
- infirmer le jugement rendu le 20 septembre 2021 par le tribunal judiciaire d'Aix-en-Provence en ce qu'il a condamné la SARL JLM à payer à la SCF Fonmarin la somme de 29.063,38 € au titre des dégradations locatives déduction faite du dépôt de garantie, avec intérêts au taux légal à compter du 31 janvier 2020,
- juger que la société JLM n'a commis aucune dégradation locative,
- débouter la SCF Fonmarin de l'intégralité de ses demandes, fins et prétentions,
- condamner la SCF Fonmarin à payer à la SARL JLM la somme de 6.200 € au titre de la restitution du dépôt de garantie, avec astreinte de 50 € par jour de retard à compter de la décision à intervenir,
- condamner la SCF Fonmarin à payer à la SARL JLM la somme de 4.500 € par application de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner la SCF Fonmarin aux entiers dépens.
La SCF Fonmarin, suivant ses dernières conclusions notifiées par RPVA le 20 mai 2022, demande à la cour de:
Vu les articles 1731, 1732 et 1754 du code civil,
- confirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu le 20 septembre 2021 par le tribunal judiciaire d'Aix-en-Provence,
- par conséquent, débouter la SARL JLM de toutes ses demandes, fins et conclusions,
- condamner la SARL JLM à verser à la SCF Fonmarin la somme de 3.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens distraits en application de l'article 699 du code de procédure civile,
- débouter la SARL JLM de toutes ses demandes, fins, conclusions et argumentation contraire aux présentes.
La procédure a été clôturée par ordonnance en date du 3 juin 2025.
MOTIFS
Sur la recevabilité du bailleur à agir pour la période antérieure à la conclusion de la convention d'occupation précaire du 23 avril 2019
Au visa de l'article 1743 du code civil, la SARL JLM oppose à la SCF Fonmarin l'irrecevabilité de son droit à agir pour la période antérieure à son acquisition des locaux donnés à bail et à tout le moins à la date de conclusion de la convention du 23 avril 2019.
Elle affirme que la transmission du bail à l'acquéreur de l'immeuble loué s'opère sans rétroactivité et ne prend donc effet entre les parties qu'à la date à laquelle le bailleur devient propriétaire des locaux, objets du bail, de sorte que pour tout ce qui a trait à la période antérieure à la vente, l'acquéreur n'est pas substitué à son auteur qui garde ses droits et obligations envers le locataire, le bailleur ne pouvant agir qu'à partir du jour où il est devenu propriétaire des locaux, objets du bail commercial.
Elle en tire pour conséquence qu'il appartient aux auteurs de la SCF Fonmarin d'agir le cas échéant à l'encontre de la locataire pour la période antérieure à l'acte authentique du 24 mai 2019.
Selon acte sous seing privé en date du 15 janvier 2007, la SCI La Palun a consenti à la SARL JLM un bail commercial portant sur un bâtiment A sis [Adresse 7], lot n° 21 à Gardanne ( 13120) pour une durée de neuf années consécutives à effet du 1er janvier 2007, moyennant un loyer mensuel de 1.300 € HT. Il n'a pas été fait d'état des lieux d'entrée.
Les conditions générales de ce bail comporte une clause ' entretien des lieux' stipulant que ' Le preneur fera, à ses frais pendant le cours du bail, tous travaux d'entretien, de réfection et de remplacement de toute nature qui seront nécessaires, y compris les clôtures, carrelages, remplacement de vitres détériorées, fermetures, rideaux et portes métalliques ou en bois, parquets, serrurerie, plomberie, appareils sanitaires etc..., ramonage des conduits de fumée et de ventilation, nettoyage des chéneaux et gouttières, dégorgement des canalisations d'eaux usées, curage des caniveaux et regards, vidange fosses d'aisances et bas à graisse, taille, élagage et échenillage des arbres et arbustes, enlèvement de la mousse et des végétaux parasites (...)'.
Le 30 avril 2011, les mêmes parties ont conclu un bail commercial précaire de 12 mois portant sur les bâtiments B et C sis [Adresse 7], lot B et C à [Localité 3] pour un loyer mensuel de 1.800 € TTC. Aucun d'état des lieux n'a été établi. Cette convention comporte également une clause ' entretien-réparation' précisant que ' Le locataire entretiendra les lieux loués en bon état de réparations locatives pendant toute la durée du bail (...) Le locataire sera tenu d'effectuer dans les lieux loués, pendant toute la durée du bail et à ses frais, toutes les réparations et travaux d'entretien, le nettoyage et en générale toute réfection ou remplacement s'avérant nécessaire pour quelque cause que ce soit (...)'.
Par courrier du 30 mai 2018, le gérant de la SARL JLM a fait part au bailleur de son intention de résilier les deux contrats de location pour le 30 avril 2019, exposant avoir acquis un terrain à [Localité 6] sur lequel il fait édifier un bâtiment.
Le 23 avril 2019, les parties ont régularisé un bail commercial précaire de cinq mois à compter du 1er mai 2019 portant sur les locaux, objets des deux précédents baux, pour se terminer le 30 septembre 2019 et moyennant un loyer mensuel de 3.300 €. Un dépôt de garantie de 6.200 € a été versé par la SARL JLM et un état des lieux a été dressé par Me [H], huissier de justice le 3 mai 2019.
Ledit bail comporte également une clause ' entretien-réparations' ainsi libellée ' Le locataire entretiendra les lieux loués en bon état de réparations locatives pendant toute la durée du bail (...). Le locataire sera tenu d'effectuer, pendant toute la durée du bail et à ses frais, toutes les réparations et travaux d'entretien, le nettoyage et en général, toute réfection ou remplacement qui s'avérant nécessaire, pour quelque cause que ce soit, notamment en ce qui concerne les ferrures des portes croisées, persiennes, voltes roulants, appareils sanitaires, robinetterie, canalisation d'eau, de gaz, tuyaux, de vidange etc... sans que cette énumération soit exhaustive. Il prendra également toutes précautions utiles pour éviter le gel de tous appareils, conduits et canalisations d'eau ou de gaz, de chauffage ou autres; il supportera les frais de réparations ou dégâts de toutes espèces causés par l'inobservation des conditions ci-dessus.'
Il n'est pas contesté que par acte notarié en date du 24 mai 2019, la SCF Fonmarin a acquis l'ensemble immobilier appartenant à Mme [O] [E] et M. [K] [U], venant aux droits de la SCI La Palun, et donné à bail à la SARL JLM. Cet acte rappelle d'ailleurs que le bien litigieux est actuellement occupé par la SARL JLM en vertu d'un bail dérogatoire de 5 mois ayant commencé à courir le 1er mai 2019 pour se terminer le 30 septembre 2019. Il est précisé que ' Compte tenu des conventions contenues dans le bail, les parties sont averties qu'il incombe au bailleur en titre au jour de la fin du bail de rembourser le dépôt de garantie. A ce titre le vendeur verse à l'acquéreur, qui le reconnaît, par la comptabilité soussignée et en moins en prenant sur le prix de vente le montant du dépôt de garantie, soit la somme de 6.200 € (...).'
En vertu de l'article 1732 du code civil, le locataire répond des dégradations ou des pertes qui arrivent pendant sa jouissance à moins qu'il ne prouve qu'elles ont eu lieu sans sa faute.
Conformément à l'article 1743 du même code, si le bailleur vend la chose louée, l'acquéreur ne peut expulser le locataire qui a un bail authentique ou dont la date est certaine.
Le preneur est ainsi tenu des dégradations intervenues pendant la location ainsi que des réparations locatives. Le bail oblige le locataire à restituer la chose en bon état de réparations locatives et le rend responsable des dégradations commises pendant sa jouissance, une telle obligation s'appréciant en fin de bail, au moment de la restitution des locaux.
En outre, le bail étant un contrat à exécution successive, le locataire s'oblige à entretenir les lieux en bon état de réparations locatives tout au long de la relation contractuelle.
L'acquéreur du bien immobilier étant substitué au bailleur d'origine, il peut agir contre le preneur pour les dégradations liées à l'inexécution des réparations locatives. Les parties sont, en effet, tenues par leurs seuls rapports locatifs, peu important les stipulations de l'acte de vente. Ainsi la SARL JLM n'est pas fondée à prétendre que l'acquéreur ne peut agir à son encontre qu'à raison des manquements postérieurs à son acquisition, dès lors que l'action du nouveau bailleur est fondée sur les clauses du bail mettant à la charge du preneur, pendant toute la durée de son occupation, une obligation d'entretien et de réparation.
De même, le fait qu'un nouveau bail ait été conclu entre le bailleur et le locataire n'interdit pas au bailleur de réclamer au locataire la réparation des dégradations commises au cours des baux antérieurs, le bailleur ne saurait être considéré y avoir, de ce seul fait, renoncé, et le locataire est tenu de les réparer en fin de jouissance, lors de la restitution des locaux. En l'occurrence, la SARL JLM a indiqué son intention de résilier les deux baux initialement consentis pour le 30 avril 2019 et la convention d'occupation précaire régularisée le 23 avril 2019 d'une durée de cinq mois à effet du 1er mai 2019, porte sur les mêmes locaux que ceux donnés à bail les 15 janvier 2007 et 30 avril 2011 et constitue un aménagement des baux antérieurs afin de permettre au preneur de se maintenir dans les lieux postérieurement à la date initialement fixée, à savoir le 30 avril 2019, dans l'attente de pouvoir disposer des nouveaux locaux qu'il avait acquis.
La SARL JML n'a pas restitué les lieux entre la fin des deux premiers baux et la conclusion de la dernière convention d'occupation précaire. Si effectivement un état des lieux a été dressé le 3 mai 2019, il ne peut en être déduit que le bailleur a renoncé à réclamer au preneur les dégradations commises au cours des baux antérieurs, depuis la prise de possession des locaux par ce dernier, d'autant que le procès-verbal de constat a été établi alors que les locaux étaient occupés, ne permettant au bailleur d'appréhender l'état réel des lieux à cette date.
En considération de ces éléments, la SCF Fonmarin est parfaitement recevable à agir à l'encontre de la SARL JLM au titre des dégradations locatives pour la période antérieure à la date à laquelle est devenue propriétaire, à savoir le 24 mai 2019 et pour la période antérieure à la convention d'occupation précaire consentie le 23 avril 2019, le jugement entrepris étant confirmé sur ce point.
Sur les dégradations locatives
Au regard des développements qui précèdent, la SARL JLM ne peut utilement soutenir que la SCF Fonmarin ne peut pas lui réclamer la réparation des dégradations locatives commises avant la conclusion de la convention d'occupation précaire.
Celle-ci est contraire fondée à solliciter la sanction des manquements de la preneuse à ses obligations contractuelles de bon entretien des locaux donnés à bail pendant toute la période durant laquelle l'appelante a eu la jouissance des lieux, soit à compter du 15 janvier 2007 pour le bâtiment A et du 30 avril 2011, pour les deux autres bâtiments.
Aucun état des lieux n'a été effectué lors de la conclusion des deux baux respectivement en 2007 et 2011, une telle formalité n'étant pas obligatoire à cette date, l'article 1731 du code civil y suppléant.
En vertu de cet article, la SARL JLM est présumée avoir reçu les lieux en bon état de réparations locatives.
La cour observe que la société appelante ne produit plus, en cause d'appel, les trois attestations qu'elle avait communiquées en première instance aux fins de renverser la présomption édictée à l'article 1731 susvisée et qui n'avaient pas été jugées probantes par le tribunal.
La lecture du procès-verbal de constat dressé le 3 mai 2019 lors de la conclusion de la convention d'occupation précaire révèle que ' L'ensemble du local est très ancien et à l'état d'usage. Il y a l'eau courante et l'électricité mais l'ensemble est très usagé avec des dégradations dues à l'utilisation comme en témoigne l'ensemble du reportage photographique joint au présent constat. Le local et l'extérieur sont occupés et il est difficile de tout voir compte tenu de la présence de matériels et du stock.'
L'état des lieux de sortie effectué par huissier le 30 septembre 2019 relate qu'au niveau de l'accès aux locaux, les deux grands portails métalliques sont en mauvais état avec des trous en partie basse et de nombreuses traces de rouille, que le grillage métallique au niveau du portail de droite est endommagé, que les deux portes d'accès à l'entrepôt présentent de nombreuses traces de rouille ainsi que sur un portail à droite d'une construction et que les grillages sont également en mauvais état.
Comme l'a relevé à juste titre le premier juge, les dégradations ainsi constatées ne sont pas imputables à la vétusté en ce que la présence de rouille ne peut s'expliquer que par l'absence d'entretien des portes et portails pendant la durée de l'occupation, de même que la présence de trous dans les portes et le mauvais état des grillages.
La SCF Fonmarin produit un devis portant sur la remise en état des clôtures, le remplacement des portails d'entrée et la remise en état des portes de l'atelier pour un montant de 35.263,38 € qui est justifié au regard des constatations effectuées lors de la restitution des locaux par la SARL JLM.
C'est en vain que celle-ci prétend que les sommes réclamées correspondent à des dégradations qui relèvent de l'article 606 du code civil, incombant par là au bailleur alors que les clauses d'entretien figurant dans les différents baux, précisent que:
- 'Le preneur fera, à ses frais pendant le cours du bail, tous travaux d'entretien, de réfection et de remplacement de toute nature qui seront nécessaires, y compris les clôtures (...) fermetures, portes métalliques' ( bail du 15 janvier 2007)
- 'Le locataire entretiendra les lieux loués en bon état de réparations locatives pendant toute la durée du bail (...) Le locataire sera tenu d'effectuer dans les lieux loués, pendant toute la durée du bail et à ses frais, toutes les réparations et travaux d'entretien, le nettoyage et en générale toute réfection ou remplacement s'avérant nécessaire pour quelque cause que ce soit ' ( bail du 30 avril 2011),
- Le locataire entretiendra les lieux loués en bon état de réparations locatives pendant toute la durée du bail (...). Le locataire sera tenu d'effectuer, pendant toute la durée du bail et à ses frais, toutes les réparations et travaux d'entretien, le nettoyage et en général, toute réfection ou remplacement qui s'avérant nécessaire, pour quelque cause que ce soit,' ( convention du 23 avril 2019).
Or, les dégradations constatées sur les portes, portails et grillages résultent bien d'un défaut d'entretien et de réfection de ces ouvrages.
Il convient, par voie de conséquence, de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a condamné la SARL JLM au paiement d'une somme de 29.063, 38 € au titre des frais de remise en état, correspondant au montant du devis après déduction du montant de garantie conservé par le bailleur ( 35.263,38 €- 6.200 €) , avec intérêts au taux légal à compter du 31 janvier 2020, date à laquelle elle a eu connaissance de la mise en demeure qui lui a été adressée par le conseil de la SCI Fonmarin.
Vu l'article 700 du code de procédure civile,
Vu l'article 696 du code de procédure civile;
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement, par mise à disposition au greffe et par arrêt contradictoire,
Déboute la SARL JLM des fins de son recours et confirme le jugement du tribunal judiciaire d'Aix-en-Provence déféré en toutes ses dispositions,
Y ajoutant,
Condamne la SARL JLM à payer à la SCI Fonmarin la somme de 3.000 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamne la SARL JLM aux dépens de la procédure d'appel, qui pourront être recouverts conformément à l'article 699 du code de procédure civile.
Le Greffier, La Présidente,
Chambre 3-4
ARRÊT AU FOND
DU 02 OCTOBRE 2025
Rôle N° RG 21/15475 - N° Portalis DBVB-V-B7F-BIKPL
S.A.R.L. JLM
C/
Société SCF FONMARIN
Copie exécutoire délivrée
le : 2 Octobre 2025
à :
Me Maxime PLANTARD
Me Raphaëlle MAHE DES PORTES
Décision déférée à la Cour :
Jugement du TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP d'[Localité 1] en date du 20 Septembre 2021 enregistré au répertoire général sous le n° 20/01827.
APPELANTE
S.A.R.L. JLM prise en la personne de son représentant légal en exercice
, demeurant [Adresse 2]
représentée par Me Maxime PLANTARD de la SCP DAYDE - PLANTARD - ROCHAS & VIRY, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE substituée par Me Matthieu MOLINES, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE
INTIMEE
Société SCF FONMARIN
, demeurant [Adresse 9]
représentée par Me Raphaëlle MAHE DES PORTES, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions des articles 804, 806 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 24 Juin 2025 en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant :
Madame Laetitia VIGNON, Conseiller Rapporteur,
et Madame Gaëlle MARTIN, conseiller- rapporteur,
chargés du rapport qui en ont rendu compte dans le délibéré de la cour composée de :
Madame Anne-Laurence CHALBOS, Présidente
Madame Laetitia VIGNON, Conseillère
Madame Gaëlle MARTIN, Conseillère
Greffier lors des débats : Monsieur Achille TAMPREAU.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 02 Octobre 2025.
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 02 Octobre 2025.
Signé par Madame Anne-Laurence CHALBOS, Présidente et Monsieur Achille TAMPREAU, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
EXPOSE DU LITIGE
Par acte sous seing privé en date du 15 janvier 2007, la SCI La Palun a donné à bail commercial à la SARL JLM un bâtiment A sis [Adresse 4] [Adresse 10] Gardanne.
Par acte sous seing privé en date du 30 avril 2011, la SCI La Palun a conclu avec la SARL JLM un bail commercial précaire portant sur les bâtiments B et C sis lot n° 21, [Adresse 8] à Gardanne.
Les parties n'ont pas dressé d'état d'entrée des lieux.
La SARL JLM ayant acquis un terrain à [Adresse 5] afin d'y construire un entrepôt pour y installer son activité commerciale, elle a informé son bailleur, par courrier recommandé du 30 mai 2018, de son souhait de mettre fin aux baux susvisés, le 30 avril 2019.
Selon acte sous seing privé en date du 23 avril 2019, la SCI La Palun et la SARL JLM ont conclu une convention d'occupation précaire de cinq mois à compter du 1er mai 2019 jusqu'au 30 septembre 2019 portant sur les trois bâtiments dans l'attente de la fin des travaux entrepris par la SARL JLM.
Un dépôt de garantie de 6.200 € a alors été versé par la SARL JLM.
Les parties ont fait établir un état des lieux d'entrée par procès-verbal d'huissier du 3 mai 2019.
Par acte authentique en date du 24 mai 2019, la société créée de fait ( SCF) Fonmarin a acquis l'ensemble immobilier appartenant à Mme [E] et M. [U] venant aux droits de la SCI La Palun et loué à la SARL JLM.
La convention d'occupation précaire a pris fin le 30 septembre 2019 et un constat des lieux de sortie a été établi le même jour.
Le 1er janvier 2020, la SARL JLM a sollicité la restitution du dépôt de garantie de 6.200 €.
Par courrier recommandé en date du 28 janvier 2020, la SCF Fonmarin a mis en demeure la SARL JLM d'avoir à lui régler une somme de 29.213,65 € correspondant au coût de remise en état des clôtures et des fermetures du bien immobilier et la consommation d'eau, déduction faite du dépôt de garantie.
Face au refus opposé par la SARL JLM, la SCF Fonmarin l'a fait assigner, par acte du 25 mai 2020, devant le tribunal judiciaire d'Aix-en-Provence.
Par jugement en date du 20 septembre 2021, le tribunal judiciaire d'Aix-en-Provence a:
- dit la SCF Fonmarin recevable à agir pour la période antérieure au 23 avril 2019,
- condamné la SARL JLM à payer à la SCF Fonmarin la somme de 29.063,38 € au titre des dégradations locatives déduction faite du dépôt de garantie, avec intérêts au taux légal à compter du 31 janvier 2020,
- dit n'y avoir lieu au prononcé d'une astreinte,
- débouté les parties du surplus de leurs demandes,
- condamné la SARL JLM à payer à la SCF Fonmarin la somme de 2.500 € au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
- rappelé l'exécution provisoire de la décision,
- condamné la SARL JLM aux dépens distraits de l'application de l'article 699 du code de procédure civile.
Le tribunal a retenu, à cet effet, que:
Sur la recevabilité du bailleur à agir pour la période antérieure à la conclusions la convention d'occupation précaire du 23 avril 2019:
- le bail est un contrat à exécution successive, le locataire s'obligeant tout au long du bail et certaines de ses obligations ne s'appréciant qu'en fin de bail lorsque le preneur doit restituer les lieux,
- la vente du bien donné à bail ne constitue pas une clause exonératoire de responsabilité au même titre que la force majeure et la vétusté,
- l'action du nouveau bailleur est donc fondée sur la clause du bail mettant à la charge du preneur une obligation d'entretien et de réparation et la conclusion d'un nouveau bail n'interdit pas de réclamer au preneur, hormis les grosses réparations de l'article 606 du code civil, la réparation des dégradations résultant de l'usage de la chose pendant toute la durée de la location,
- la convention d'occupation précaire ne constitue qu'un aménagement du bail antérieur afin de permettre au preneur de se maintenir dans les lieux dans l'attente de l'aménagement de ses nouveaux locaux en construction, de sorte que le preneur n'a pas restitué les locaux entre l'expiration du bail commercial et la prise d'effet de la convention d'occupation précaire,
Sur les dégradations locatives:
- en l'absence d'état des lieux d'entrée en 2007 et 2011, la présomption de l'article 1731 du code civil est donc applicable,
- les attestations produites par le preneur pour renverser cette présomption n'ont pas de valeur probatoire suffisantes,
- les dégradations constatées lors de l'état des lieux de sortie du 30 septembre 2019 ne peuvent être imputables à la vétusté mais à un défaut d'entretien du preneur depuis sont entrée dans les lieux.
Par déclaration en date du 2 novembre 2021, la SARL JLM a interjeté appel de ce jugement.
Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par RPVA le 23 mars 2022, la société JLM demande à la cour de:
Vu l'article 1743 du code civil,
Vu l'article L 145-40-1 du code de commerce,
- recevoir la société JLM en son appel,
- le déclarer recevable,
- infirmer le jugement rendu le 20 septembre 2021 par le tribunal judiciaire d'Aix-en-Provence en ce qu'il a décidé que le bailleur est recevable à agir pour la période antérieure à la conclusion de la convention d'occupation précaire du 23 avril 2019,
- juger que la société SCF Fonmarin ne peut agir qu'à compter du 24 mai 2019, date à laquelle elle est devenue propriétaire, et à tout le moins qu'à compter du 23 avril 2019, date de la convention d'occupation précaire,
- infirmer le jugement rendu le 20 septembre 2021 par le tribunal judiciaire d'Aix-en-Provence en ce qu'il a condamné la SARL JLM à payer à la SCF Fonmarin la somme de 29.063,38 € au titre des dégradations locatives déduction faite du dépôt de garantie, avec intérêts au taux légal à compter du 31 janvier 2020,
- juger que la société JLM n'a commis aucune dégradation locative,
- débouter la SCF Fonmarin de l'intégralité de ses demandes, fins et prétentions,
- condamner la SCF Fonmarin à payer à la SARL JLM la somme de 6.200 € au titre de la restitution du dépôt de garantie, avec astreinte de 50 € par jour de retard à compter de la décision à intervenir,
- condamner la SCF Fonmarin à payer à la SARL JLM la somme de 4.500 € par application de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner la SCF Fonmarin aux entiers dépens.
La SCF Fonmarin, suivant ses dernières conclusions notifiées par RPVA le 20 mai 2022, demande à la cour de:
Vu les articles 1731, 1732 et 1754 du code civil,
- confirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu le 20 septembre 2021 par le tribunal judiciaire d'Aix-en-Provence,
- par conséquent, débouter la SARL JLM de toutes ses demandes, fins et conclusions,
- condamner la SARL JLM à verser à la SCF Fonmarin la somme de 3.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens distraits en application de l'article 699 du code de procédure civile,
- débouter la SARL JLM de toutes ses demandes, fins, conclusions et argumentation contraire aux présentes.
La procédure a été clôturée par ordonnance en date du 3 juin 2025.
MOTIFS
Sur la recevabilité du bailleur à agir pour la période antérieure à la conclusion de la convention d'occupation précaire du 23 avril 2019
Au visa de l'article 1743 du code civil, la SARL JLM oppose à la SCF Fonmarin l'irrecevabilité de son droit à agir pour la période antérieure à son acquisition des locaux donnés à bail et à tout le moins à la date de conclusion de la convention du 23 avril 2019.
Elle affirme que la transmission du bail à l'acquéreur de l'immeuble loué s'opère sans rétroactivité et ne prend donc effet entre les parties qu'à la date à laquelle le bailleur devient propriétaire des locaux, objets du bail, de sorte que pour tout ce qui a trait à la période antérieure à la vente, l'acquéreur n'est pas substitué à son auteur qui garde ses droits et obligations envers le locataire, le bailleur ne pouvant agir qu'à partir du jour où il est devenu propriétaire des locaux, objets du bail commercial.
Elle en tire pour conséquence qu'il appartient aux auteurs de la SCF Fonmarin d'agir le cas échéant à l'encontre de la locataire pour la période antérieure à l'acte authentique du 24 mai 2019.
Selon acte sous seing privé en date du 15 janvier 2007, la SCI La Palun a consenti à la SARL JLM un bail commercial portant sur un bâtiment A sis [Adresse 7], lot n° 21 à Gardanne ( 13120) pour une durée de neuf années consécutives à effet du 1er janvier 2007, moyennant un loyer mensuel de 1.300 € HT. Il n'a pas été fait d'état des lieux d'entrée.
Les conditions générales de ce bail comporte une clause ' entretien des lieux' stipulant que ' Le preneur fera, à ses frais pendant le cours du bail, tous travaux d'entretien, de réfection et de remplacement de toute nature qui seront nécessaires, y compris les clôtures, carrelages, remplacement de vitres détériorées, fermetures, rideaux et portes métalliques ou en bois, parquets, serrurerie, plomberie, appareils sanitaires etc..., ramonage des conduits de fumée et de ventilation, nettoyage des chéneaux et gouttières, dégorgement des canalisations d'eaux usées, curage des caniveaux et regards, vidange fosses d'aisances et bas à graisse, taille, élagage et échenillage des arbres et arbustes, enlèvement de la mousse et des végétaux parasites (...)'.
Le 30 avril 2011, les mêmes parties ont conclu un bail commercial précaire de 12 mois portant sur les bâtiments B et C sis [Adresse 7], lot B et C à [Localité 3] pour un loyer mensuel de 1.800 € TTC. Aucun d'état des lieux n'a été établi. Cette convention comporte également une clause ' entretien-réparation' précisant que ' Le locataire entretiendra les lieux loués en bon état de réparations locatives pendant toute la durée du bail (...) Le locataire sera tenu d'effectuer dans les lieux loués, pendant toute la durée du bail et à ses frais, toutes les réparations et travaux d'entretien, le nettoyage et en générale toute réfection ou remplacement s'avérant nécessaire pour quelque cause que ce soit (...)'.
Par courrier du 30 mai 2018, le gérant de la SARL JLM a fait part au bailleur de son intention de résilier les deux contrats de location pour le 30 avril 2019, exposant avoir acquis un terrain à [Localité 6] sur lequel il fait édifier un bâtiment.
Le 23 avril 2019, les parties ont régularisé un bail commercial précaire de cinq mois à compter du 1er mai 2019 portant sur les locaux, objets des deux précédents baux, pour se terminer le 30 septembre 2019 et moyennant un loyer mensuel de 3.300 €. Un dépôt de garantie de 6.200 € a été versé par la SARL JLM et un état des lieux a été dressé par Me [H], huissier de justice le 3 mai 2019.
Ledit bail comporte également une clause ' entretien-réparations' ainsi libellée ' Le locataire entretiendra les lieux loués en bon état de réparations locatives pendant toute la durée du bail (...). Le locataire sera tenu d'effectuer, pendant toute la durée du bail et à ses frais, toutes les réparations et travaux d'entretien, le nettoyage et en général, toute réfection ou remplacement qui s'avérant nécessaire, pour quelque cause que ce soit, notamment en ce qui concerne les ferrures des portes croisées, persiennes, voltes roulants, appareils sanitaires, robinetterie, canalisation d'eau, de gaz, tuyaux, de vidange etc... sans que cette énumération soit exhaustive. Il prendra également toutes précautions utiles pour éviter le gel de tous appareils, conduits et canalisations d'eau ou de gaz, de chauffage ou autres; il supportera les frais de réparations ou dégâts de toutes espèces causés par l'inobservation des conditions ci-dessus.'
Il n'est pas contesté que par acte notarié en date du 24 mai 2019, la SCF Fonmarin a acquis l'ensemble immobilier appartenant à Mme [O] [E] et M. [K] [U], venant aux droits de la SCI La Palun, et donné à bail à la SARL JLM. Cet acte rappelle d'ailleurs que le bien litigieux est actuellement occupé par la SARL JLM en vertu d'un bail dérogatoire de 5 mois ayant commencé à courir le 1er mai 2019 pour se terminer le 30 septembre 2019. Il est précisé que ' Compte tenu des conventions contenues dans le bail, les parties sont averties qu'il incombe au bailleur en titre au jour de la fin du bail de rembourser le dépôt de garantie. A ce titre le vendeur verse à l'acquéreur, qui le reconnaît, par la comptabilité soussignée et en moins en prenant sur le prix de vente le montant du dépôt de garantie, soit la somme de 6.200 € (...).'
En vertu de l'article 1732 du code civil, le locataire répond des dégradations ou des pertes qui arrivent pendant sa jouissance à moins qu'il ne prouve qu'elles ont eu lieu sans sa faute.
Conformément à l'article 1743 du même code, si le bailleur vend la chose louée, l'acquéreur ne peut expulser le locataire qui a un bail authentique ou dont la date est certaine.
Le preneur est ainsi tenu des dégradations intervenues pendant la location ainsi que des réparations locatives. Le bail oblige le locataire à restituer la chose en bon état de réparations locatives et le rend responsable des dégradations commises pendant sa jouissance, une telle obligation s'appréciant en fin de bail, au moment de la restitution des locaux.
En outre, le bail étant un contrat à exécution successive, le locataire s'oblige à entretenir les lieux en bon état de réparations locatives tout au long de la relation contractuelle.
L'acquéreur du bien immobilier étant substitué au bailleur d'origine, il peut agir contre le preneur pour les dégradations liées à l'inexécution des réparations locatives. Les parties sont, en effet, tenues par leurs seuls rapports locatifs, peu important les stipulations de l'acte de vente. Ainsi la SARL JLM n'est pas fondée à prétendre que l'acquéreur ne peut agir à son encontre qu'à raison des manquements postérieurs à son acquisition, dès lors que l'action du nouveau bailleur est fondée sur les clauses du bail mettant à la charge du preneur, pendant toute la durée de son occupation, une obligation d'entretien et de réparation.
De même, le fait qu'un nouveau bail ait été conclu entre le bailleur et le locataire n'interdit pas au bailleur de réclamer au locataire la réparation des dégradations commises au cours des baux antérieurs, le bailleur ne saurait être considéré y avoir, de ce seul fait, renoncé, et le locataire est tenu de les réparer en fin de jouissance, lors de la restitution des locaux. En l'occurrence, la SARL JLM a indiqué son intention de résilier les deux baux initialement consentis pour le 30 avril 2019 et la convention d'occupation précaire régularisée le 23 avril 2019 d'une durée de cinq mois à effet du 1er mai 2019, porte sur les mêmes locaux que ceux donnés à bail les 15 janvier 2007 et 30 avril 2011 et constitue un aménagement des baux antérieurs afin de permettre au preneur de se maintenir dans les lieux postérieurement à la date initialement fixée, à savoir le 30 avril 2019, dans l'attente de pouvoir disposer des nouveaux locaux qu'il avait acquis.
La SARL JML n'a pas restitué les lieux entre la fin des deux premiers baux et la conclusion de la dernière convention d'occupation précaire. Si effectivement un état des lieux a été dressé le 3 mai 2019, il ne peut en être déduit que le bailleur a renoncé à réclamer au preneur les dégradations commises au cours des baux antérieurs, depuis la prise de possession des locaux par ce dernier, d'autant que le procès-verbal de constat a été établi alors que les locaux étaient occupés, ne permettant au bailleur d'appréhender l'état réel des lieux à cette date.
En considération de ces éléments, la SCF Fonmarin est parfaitement recevable à agir à l'encontre de la SARL JLM au titre des dégradations locatives pour la période antérieure à la date à laquelle est devenue propriétaire, à savoir le 24 mai 2019 et pour la période antérieure à la convention d'occupation précaire consentie le 23 avril 2019, le jugement entrepris étant confirmé sur ce point.
Sur les dégradations locatives
Au regard des développements qui précèdent, la SARL JLM ne peut utilement soutenir que la SCF Fonmarin ne peut pas lui réclamer la réparation des dégradations locatives commises avant la conclusion de la convention d'occupation précaire.
Celle-ci est contraire fondée à solliciter la sanction des manquements de la preneuse à ses obligations contractuelles de bon entretien des locaux donnés à bail pendant toute la période durant laquelle l'appelante a eu la jouissance des lieux, soit à compter du 15 janvier 2007 pour le bâtiment A et du 30 avril 2011, pour les deux autres bâtiments.
Aucun état des lieux n'a été effectué lors de la conclusion des deux baux respectivement en 2007 et 2011, une telle formalité n'étant pas obligatoire à cette date, l'article 1731 du code civil y suppléant.
En vertu de cet article, la SARL JLM est présumée avoir reçu les lieux en bon état de réparations locatives.
La cour observe que la société appelante ne produit plus, en cause d'appel, les trois attestations qu'elle avait communiquées en première instance aux fins de renverser la présomption édictée à l'article 1731 susvisée et qui n'avaient pas été jugées probantes par le tribunal.
La lecture du procès-verbal de constat dressé le 3 mai 2019 lors de la conclusion de la convention d'occupation précaire révèle que ' L'ensemble du local est très ancien et à l'état d'usage. Il y a l'eau courante et l'électricité mais l'ensemble est très usagé avec des dégradations dues à l'utilisation comme en témoigne l'ensemble du reportage photographique joint au présent constat. Le local et l'extérieur sont occupés et il est difficile de tout voir compte tenu de la présence de matériels et du stock.'
L'état des lieux de sortie effectué par huissier le 30 septembre 2019 relate qu'au niveau de l'accès aux locaux, les deux grands portails métalliques sont en mauvais état avec des trous en partie basse et de nombreuses traces de rouille, que le grillage métallique au niveau du portail de droite est endommagé, que les deux portes d'accès à l'entrepôt présentent de nombreuses traces de rouille ainsi que sur un portail à droite d'une construction et que les grillages sont également en mauvais état.
Comme l'a relevé à juste titre le premier juge, les dégradations ainsi constatées ne sont pas imputables à la vétusté en ce que la présence de rouille ne peut s'expliquer que par l'absence d'entretien des portes et portails pendant la durée de l'occupation, de même que la présence de trous dans les portes et le mauvais état des grillages.
La SCF Fonmarin produit un devis portant sur la remise en état des clôtures, le remplacement des portails d'entrée et la remise en état des portes de l'atelier pour un montant de 35.263,38 € qui est justifié au regard des constatations effectuées lors de la restitution des locaux par la SARL JLM.
C'est en vain que celle-ci prétend que les sommes réclamées correspondent à des dégradations qui relèvent de l'article 606 du code civil, incombant par là au bailleur alors que les clauses d'entretien figurant dans les différents baux, précisent que:
- 'Le preneur fera, à ses frais pendant le cours du bail, tous travaux d'entretien, de réfection et de remplacement de toute nature qui seront nécessaires, y compris les clôtures (...) fermetures, portes métalliques' ( bail du 15 janvier 2007)
- 'Le locataire entretiendra les lieux loués en bon état de réparations locatives pendant toute la durée du bail (...) Le locataire sera tenu d'effectuer dans les lieux loués, pendant toute la durée du bail et à ses frais, toutes les réparations et travaux d'entretien, le nettoyage et en générale toute réfection ou remplacement s'avérant nécessaire pour quelque cause que ce soit ' ( bail du 30 avril 2011),
- Le locataire entretiendra les lieux loués en bon état de réparations locatives pendant toute la durée du bail (...). Le locataire sera tenu d'effectuer, pendant toute la durée du bail et à ses frais, toutes les réparations et travaux d'entretien, le nettoyage et en général, toute réfection ou remplacement qui s'avérant nécessaire, pour quelque cause que ce soit,' ( convention du 23 avril 2019).
Or, les dégradations constatées sur les portes, portails et grillages résultent bien d'un défaut d'entretien et de réfection de ces ouvrages.
Il convient, par voie de conséquence, de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a condamné la SARL JLM au paiement d'une somme de 29.063, 38 € au titre des frais de remise en état, correspondant au montant du devis après déduction du montant de garantie conservé par le bailleur ( 35.263,38 €- 6.200 €) , avec intérêts au taux légal à compter du 31 janvier 2020, date à laquelle elle a eu connaissance de la mise en demeure qui lui a été adressée par le conseil de la SCI Fonmarin.
Vu l'article 700 du code de procédure civile,
Vu l'article 696 du code de procédure civile;
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement, par mise à disposition au greffe et par arrêt contradictoire,
Déboute la SARL JLM des fins de son recours et confirme le jugement du tribunal judiciaire d'Aix-en-Provence déféré en toutes ses dispositions,
Y ajoutant,
Condamne la SARL JLM à payer à la SCI Fonmarin la somme de 3.000 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamne la SARL JLM aux dépens de la procédure d'appel, qui pourront être recouverts conformément à l'article 699 du code de procédure civile.
Le Greffier, La Présidente,