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Décisions

CA Caen, 2e ch. civ., 2 octobre 2025, n° 24/02032

CAEN

Arrêt

Autre

CA Caen n° 24/02032

2 octobre 2025

AFFAIRE :N° RG 24/02032

ARRÊT N°

NLG

ORIGINE : DECISION en date du 06 Juin 2024 du Président du TJ de LISIEUX

RG n° 24/00001

COUR D'APPEL DE CAEN

DEUXIEME CHAMBRE CIVILE ET COMMERCIALE

ARRÊT DU 02 OCTOBRE 2025

APPELANTE :

S.A.R.L. GPAP

N° SIRET : 904 170 040

[Adresse 8]

[Localité 19]

prise en la personne de son représentant légal

Représentée par Me Didier PILOT, avocat au barreau de LISIEUX,

Assistée de Me Guillaume DAPSANCE, avocat au barreau de PARIS

INTIMES :

Madame [B] [U] [R] [O]

née le 05 Juin 1955 à [Localité 15] (MADAGASCAR)

[Adresse 16]

[Adresse 16]

[Localité 7]

Madame [L] [F] [A] [O]

née le 04 Juin 1957 à [Localité 15] (MADAGASCAR)

[Adresse 6]

[Localité 4]

Madame [J] [N] [Y] [O]

née le 16 Décembre 1959 à [Localité 17]

[Adresse 13]

[Adresse 13]

[Localité 11]

Madame [F] [P] [V] veuve [G]

née le 14 Février 1945 à [Localité 18]

[Adresse 9]

[Localité 12]

Monsieur [H] [S] [I] [G]

né le 09 Décembre 1969 à [Localité 14]

[Adresse 9]

[Localité 12]

Représentés et assistés par Me Stéphane PIEUCHOT, substitué par Me Sophie BOURDIN, avocats au barreau de CAEN

Madame [D] [J] [Z] [G] épouse [E]

née le 26 Juin 1973 à [Localité 14]

[Adresse 1]

[Localité 10]

Représentée et assistée par Me Stéphane PIEUCHOT, substitué par Me Sophie BOURDIN, avocats au barreau de CAEN

INTERVENANTE VOLONTAIRE :

S.E.L.A.R.L. [W] [M], prise en la personne de Me [M], liquidateur de la SARL GPAP

[Adresse 2]

[Localité 3]

prise en la personne de son représentant légal

Représentée par Me Didier PILOT, avocat au barreau de LISIEUX,

Assistée de Me Guillaume DAPSANCE, avocat au barreau de PARIS

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

Madame EMILY, Président de Chambre,

Mme COURTADE, Conseillère,

M. GOUARIN, Conseiller,

DÉBATS : A l'audience publique du 12 juin 2025

GREFFIER : Mme LE GALL, greffier

ARRET prononcé publiquement le 02 octobre 2025 à 14h00 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile et signé par Mme COURTADE, Conseillère, pour le président empêché et Mme LE GALL, greffier

*

* *

Suivant acte authentique du 8 février 2008, Mme [T] [X] a consenti au profit de la société NMP, aux droits de laquelle vient la SARL GPAP, un bail commercial portant sur des locaux commerciaux situés [Adresse 8] et [Adresse 5] à [Localité 19], pour une durée de 9 années, ayant commencé à courir rétroactivement le 28 avril 2006 pour se terminer le 27 avril 2015.

Le bail s'est trouvé renouvelé pour neuf ans à compter du 1er juillet 2018 jusqu'au 30 juin 2027.

De 2021 à 2022, la société GPAP a effectué, sans l'autorisation du bailleur, des travaux importants et structurels dans les locaux loués où elle exploite un restaurant.

Le 3 août 2023, le commissaire de justice, désigné par ordonnance du président du tribunal judiciaire de Lisieux, a dressé un procès-verbal de constat des travaux réalisés sans autorisation.

Mme [B] [O], Mme [L] [O], Mme [J] [O], M. [H] [G] et Mme [D] [G] épouse [E], venant aux droits de Mme [T] [X], ont fait délivrer, par acte de commissaire de justice du 16 octobre 2023, à la société GPAP, un commandement visant la clause de résiliation de plein droit et valant mise en demeure pour des motifs graves et légitimes, faisant sommation à la locataire de remettre les lieux dans leur état d'origine dans le délai d'un mois.

Ce commandement est resté infructueux, comme il a été constaté par un second procès-verbal de constat sur ordonnance dressé par commissaire de justice le 30 novembre 2023.

Par acte de commissaire de justice du 21 décembre 2023, Mme [B] [O], Mme [L] [O], Mme [J] [O], M. [H] [G] et Mme [D] [G] épouse [E] et Mme [F] [V] veuve [G] (consorts [O]-[G]) ont assigné la société GPAP devant le juge des référés du tribunal judiciaire de Lisieux, aux fins, notamment de voir constater l'absence de remise des lieux dans leur état d'origine, de voir constater que la résiliation du bail commercial est acquise de plein droit depuis le 16 novembre 2023, de voir ordonner en conséquence, l'expulsion de la société GPAP et celle de tous occupants de son chef, et de condamner la société GPAP à libérer les locaux et à restituer les clés, le tout sous astreinte de 500 euros par jour de retard.

Par ordonnance de référé du 6 juin 2024, le président du tribunal judiciaire de Lisieux a :

- constaté que la résiliation du bail commercial, objet du présent litige, est acquise de plein droit depuis le 16 novembre 2023 ;

En conséquence,

- ordonné l'expulsion de la société GPAP, prise en la personne de ses représentants légaux, et celle de tous occupants de son chef, le cas échéant avec le concours de la force publique ;

- condamné la société GPAP prise en la personne de ses représentants légaux, à libérer les locaux, objet du présent litige, et à restituer les clés ;

- ordonné au besoin le transport et le séquestre de tous les actifs mobiliers de la société GPAP dans un garde meubles, aux frais de cette dernière ;

- condamné la société GPAP prise en la personne de ses représentants légaux, au paiement, à titre provisionnel, envers Mme [B] [O], Mme [L] [O], Mme [J] [O], Mme [F] [V] veuve [G], M. [H] [G] et Mme [D] [G] épouse [E], unis d'intérêts, d'une indemnité d'occupation calculée prorata temporis à compter du 16 novembre 2023, sur la base du loyer en vigueur au jour des présentes, jusqu'à la date de libération effective des locaux, de restitution des clés et pendant tout le temps nécessaire à la relocation du bien ;

- débouté la société GPAP prise en la personne de ses représentants légaux, de l'intégralité de ses demandes, fins et prétentions ;

- condamné la société GPAP prise en la personne de ses représentants légaux, à verser aux consorts [O]-[G] unis d'intérêts, la somme de 2.000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamné la société GPAP prise en la personne de ses représentants légaux, aux entiers dépens comprenant le remboursement des commandements du 16 octobre 2023.

Par déclaration du 2 août 2024, la société GPAP a relevé appel de cette ordonnance.

Par jugement du 4 septembre 2024, le tribunal de commerce de Lisieux a ouvert une procédure de liquidation judiciaire à l'égard de la société GPAP et a désigné la SELARL [W] [M] en qualité de liquidateur judiciaire.

Aux termes de leurs dernières conclusions déposées 5 mai 2025, l'appelante et la SELARL [W] [M], ès qualités, demandent à la cour de :

- Donner acte à Me [W] [M] agissant ès qualités de liquidateur de la société GPAP de son intervention volontaire,

- Déclarer la société GPAP recevable en son appel et bien fondée en ses demandes.

- Infirmer l'ordonnance en ce qu'elle a :

* constaté que la résiliation du bail commercial, objet du présent litige, est acquise de plein droit depuis le 16 novembre 2023 ;

En conséquence,

* ordonné l'expulsion de la société GPAP, prise en la personne de ses représentants légaux, et celle de tous occupants de son chef, le cas échéant avec le concours de la force publique ;

* condamné la société GPAP prise en la personne de ses représentants légaux, à libérer les locaux, objet du présent litige, et à restituer les clés ;

* ordonné au besoin le transport et le séquestre de tous les actifs mobiliers de la société GPAP dans un garde-meubles, aux frais de cette dernière ;

* condamné la société GPAP prise en la personne de ses représentants légaux, au paiement, à titre provisionnel, envers Mme [B] [O], Mme [L] [O], Mme [J] [O], Mme [F] [V] veuve [G], M. [H] [G] et Mme [D] [G] épouse [E], unis d'intérêts, d'une indemnité d'occupation calculée prorata temporis à compter du 16 novembre 2023, sur la base du loyer en vigueur au jour des présentes, jusqu'à la date de libération effective des locaux, de restitution des clés et pendant tout le temps nécessaire à la relocation du bien ;

* débouté la société GPAP prise en la personne de ses représentants légaux, de l'intégralité de ses demandes, fins et prétentions ;

* condamné la société GPAP prise en la personne de ses représentants légaux, à verser aux consorts [O]-[G] unis d'intérêts, la somme de 2.000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

* condamné la société GPAP prise en la personne de ses représentants légaux, aux entiers dépens comprenant le remboursement des commandements du 16 octobre 2023,

- Infirmer l'ordonnance en ce qu'elle n'a pas :

* à titre principal, constaté l'existence de contestations sérieuses et dit n'y avoir lieu à référé,

* à titre subsidiaire, accordé à la Société GPAP un délai de 24 mois pour remettre en état les locaux et suspendu les effets de la clause résolutoire à ce titre,

* à titre infiniment subsidiaire, condamné solidairement Mme [B] [O], Mme [L] [O], Mme [J] [O], Mme [F] [V] veuve [G], M. [H] [G] et Mme [D] [G] épouse [E] au remboursement des travaux engagés dans les locaux à hauteur de 931.671,74 euros outre les frais d'études et d'intervenants réglementaires à hauteur de 82.900 euros soit un total de 1.014.571,74 euros,

* en tout état de cause, condamné solidairement Mme [B] [O], Mme [L] [O], Mme [J] [O], Mme [F] [V] veuve [G], M. [H] [G] et Mme [D] [G] épouse [E] à régler à la société GPAP une somme de 3.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens de l'instance.

Statuant à nouveau,

A titre principal,

- Rejeter la demande de Mme [B] [O], Mme [L] [O], Mme [J] [O], Mme [F] [V] veuve [G], M. [H] [G] et Mme [D] [G] épouse [E] tendant à la résiliation du bail commercial bénéficiant à la SARL GPAP,

En conséquence,

- Condamner solidairement Mme [B] [O], Mme [L] [O], Mme [J] [O], Mme [F] [V] veuve [G], M. [H] [G] et Mme [D] [G] épouse [E] à verser à la SARL GPAP, représentée par son liquidateur, une somme de 600.000 euros à titre de provision à valoir sur l'indemnité due à raison de l'éviction de son fonds de commerce de restauration,

- Désigner tel expert, aux frais avancés de Mme [B] [O], Mme [L] [O], Mme [J] [O], Mme [F] [V] veuve [G], M. [H] [G] et Mme [D] [G] épouse [E], lequel pourra prendre l'initiative de recueillir l'avis d'un autre technicien, mais seulement dans une spécialité distincte de la sienne, avec mission de :

se faire communiquer tous documents et pièces qu'il estimera utiles à l'accomplissement de sa mission, les pièces produites devant être de manière générale numérotées en continu et accompagnées d'un bordereau ;

se rendre sur place [Adresse 8] ;

entendre les parties ainsi que tous sachants et disons que l'expert évoquera à l'issue de la première réunion avec les parties le calendrier possible de la suite des opérations. Il leur en communiquera la teneur dans un délai de SIX à DIX SEMAINES après le versement de la consignation, en leur impartissant au besoin un délai pour diligenter les mises en cause complémentaires. Dans le même temps, il leur adressera le montant prévisible de ses frais et honoraires détaillés qu'il actualisera s'il y a lieu au fur et à mesure de l'exécution de la mission ;

fournir, en tenant compte des activités professionnelles autorisées par le bail et des facilités offertes à celles-ci par la situation des lieux, tous éléments utiles à l'estimation de l'indemnité compensatrice du préjudice résultant de la perte du fonds de commerce, indemnité comprenant notamment la valeur marchande du fonds, déterminée suivant les usages de la profession, augmentée éventuellement des frais normaux de déménagement et de réinstallation, ainsi que les frais et droits de mutation afférents à la cession d'un fonds de commerce de même importance et du montant du préjudice correspondant au trouble commercial que subirait le locataire ;

fournir tous éléments permettant d'apprécier le montant de l'indemnité d'éviction en date du 6 juin 2024 ;

disons que l'expert sera saisi et effectuera sa mission conformément aux dispositions du code de procédure civile relatives aux mesures d'instruction et prendra en compte dans son avis, selon les dispositions de l'article 276 du code de procédure civile, les observations qui lui seront éventuellement faites dans un délai qu'il aura imparti, de l'ordre de 4 à 6 semaines, au vu d'une synthèse des constatations, opérations et de ses orientations,

A titre subsidiaire,

- Condamner solidairement Mme [B] [O], Mme [L] [O], Mme [J] [O], Mme [F] [V] veuve [G], M. [H] [G] et Mme [D] [G] épouse [E] à verser à la SARL GPAP, représentée par son liquidateur, une somme de 1.000.000 euros à titre de provision à valoir sur l'indemnité due au titre de l'enrichissement injustifié,

En tout état de cause,

- Condamner solidairement Mme [B] [O], Mme [L] [O], Mme [J] [O], Mme [F] [V] veuve [G], M. [H] [G] et Mme [D] [G] épouse [E] à régler à la Société GPAP une somme de 7.500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- Condamner les mêmes aux dépens de première instance et d'appel.

Aux termes de leurs dernières conclusions déposées le 7 mai 2025, les consorts [O]-[G] demandent à la cour de :

- Prononcer l'irrecevabilité de la prétention nouvelle formulée par la société GPAP à leur encontre, au titre de sa demande d'expertise judiciaire,

Sur le fond,

- Confirmer l'ordonnance rendue le 6 juin 2024 par le président du tribunal judiciaire de Lisieux en toutes ses dispositions,

- Débouter la société GPAP de l'intégralité de ses demandes, fins et prétentions,

- Fixer au passif de la société GPAP une somme à titre d'indemnité d'occupation, due à compter du 16 novembre 2023, jusqu'à la libération des lieux loués, la restitution des clés et pendant tout le temps nécessaire à la relocation de l'immeuble en application de l'article 1760 du code civil, laquelle indemnité sera fixée conformément au loyer en vigueur à la date de la présente instance,

- Condamner la société GPAP à leur verser, unis d'intérêts, la somme complémentaire de 6.000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- Condamner la société GPAP aux entiers dépens, ainsi qu'au remboursement des commandements du 16 octobre 2023 et des formalités de notification aux créanciers inscrits,

- Accorder à la SELARL Pieuchot et associés représentée par Me Stéphane Pieuchot le bénéfice du droit de recouvrement direct instauré par l'article 699 du code de procédure civile.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 14 mai 2025.

A l'audience de plaidoiries, la cour a soulevé d'office l'irrecevabilité de la demande des intimés tendant à la fixation d'une indemnité d'occupation et invité les parties à présenter leurs observations sur ce point ainsi qu'à préciser la date de remise des clés, ce pour le 19 juin 2025.

Les intimés ont répondu par deux notes en délibéré déposées les 16 et 25 juin 2025.

La SARL GPAP et la SELARL [M] ès qualités ont déposé une note en délibéré le 19 juin 2025.

Il est expressément renvoyé aux écritures précitées pour un plus ample exposé des prétentions et moyens des parties.

MOTIFS

I. Sur la résiliation du bail par acquisition de la clause résolutoire et la fixation d'une indemnité d'occupation

L'article 834 du code de procédure civile dispose notamment que dans tous les cas d'urgence, le président du tribunal judiciaire ou le juge des contentieux de la protection dans les limites de sa compétence, peuvent ordonner en référé toutes les mesures qui ne se heurtent à aucune contestation sérieuse.

En application de ce texte, le juge des référés est compétent pour constater l'acquisition de la clause résolutoire. Juge de l'évidence, le juge des référés n'a toutefois pas le pouvoir de statuer en cas de contestation sérieuse.

Selon l'article 835 du code de procédure civile, le président du tribunal judiciaire ou le juge des contentieux de la protection dans les limites de sa compétence peuvent, dans les cas où l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable, accorder une provision au créancier ou ordonner l'exécution de l'obligation même s'il s'agit d'une obligation de faire.

Aux termes des dispositions de l'article L145-41 du code de commerce :

'toute clause insérée dans le bail prévoyant la résiliation de plein droit ne produit effet qu'un mois après un commandement demeuré infructueux. Le commandement doit à peine de nullité mentionner ce délai.

Les juges saisis d'une demande présentée dans les formes et conditions prévues à l'article 1343-5 du code civil, peuvent, en accordant des délais, suspendre la réalisation et les effets de la clause de résiliation, lorsque la résiliation n'est pas constatée ou prononcée par une décision de justice ayant acquis l'autorité de la chose jugée. La clause résolutoire ne joue pas si le locataire se libère dans les conditions fixées par le juge.'

La clause résolutoire doit être invoquée de bonne foi par le bailleur.

En l'espèce, comme exactement relevé par le premier juge, la SARL GPAP a réalisé dans les lieux loués d'importants travaux structurels impliquant notamment le percement de murs, la suppression du mur porteur du rez-de chaussée pour prolonger la salle de restaurant sur le local voisin appartenant à la SCI Bernard Smith, et des changements de distribution, ce sans justifier d'un consentement exprès et par écrit du bailleur en violation de la clause claire et précise du bail commercial.

Le commandement délivré le16 octobre 2023, visant la clause résolutoire de plein droit stipulée au bail en cas d'inexécution d'une seule de ses conditions, et faisant sommation à la locataire de remettre les lieux dans leur état d'origine dans le délai d'un mois, est resté infructueux.

La persistance des infractions est ainsi caractérisée.

Pour faire échec à la demande d'acquisition de la clause résolutoire devant le juge des référés, la SARL GPAP se prévaut de contestations sérieuses.

C'est par des motifs pertinents adoptés par la cour que le premier juge a rejeté la contestation tirée de la nullité du commandement délivré le 16 octobre 2023, en considérant que l'acte était suffisamment précis quant aux travaux à réaliser pour la remise des lieux dans leur état d'origine.

C'est également à juste titre qu'il a écarté la contestation tirée de la mauvaise foi des intimés auxquels la SARL GPAP reproche d'avoir pour seule motivation de récupérer des locaux entièrement rénovés sans le versement d'aucune somme afin de pouvoir les relouer à un loyer bien supérieur à celui actuel.

A cet égard, il convient de rappeler que la connaissance depuis de longue date des aménagements litigieux par les intimés n'est nullement démontrée.

Par ailleurs, le fait que la SARL GPAP avait, avant la cession du bail en date du 18 novembre 2021, informé le notaire de Mme [X] de son projet de travaux et que celle-ci n'avait pas manifesté son opposition n'enlève rien à la réalité des infractions commises par l'appelante aux stipulations du bail qui exigent une autorisation préalable, écrite et expresse de la bailleresse et excluent clairement qu'une simple tolérance puisse permettre de déroger aux obligations incombant au preneur et valoir consentement de la propriétaire à la transformation des lieux, étant rappelé que Mme [X] était âgée de 99 ans à l'époque.

En outre, il ne peut être déduit du simple fait que la remise en état du local ne pouvait raisonnablement être réalisée dans le délai d'un mois imparti compte tenu de l'importance des travaux effectués, que la mise en oeuvre par le bailleur de la clause résolutoire a été motivée par la seule volonté d'échapper au paiement d'une indemnité d'éviction, alors d'une part que la teneur des aménagements incriminés, en particulier la réunion des deux locaux attenants, rendait parfaitement légitime la poursuite de l'exécution de l'obligation méconnue, d'autre part, que la SARL GPAP n'avait, dans le délai prescrit, entrepris aucune démarche pour se rapprocher du des intimés, ou commencer à régulariser la situation ou encore saisir le juge d'une demande de délais.

Il en résulte que la SARL GPAP ne peut sérieusement se prévaloir ni de la nullité du commandement ni de la mauvaise foi du bailleur.

Enfin, le moyen de la SARL GPAP selon lequel elle ne serait pas à l'origine des travaux exécutés avant le 18 novembre 2021, date de cession du fonds de commerce à son profit, est inopérant dès lors qu'elle a réalisé l'essentiel des aménagements reprochés ainsi qu'il ressort des échanges de mails susvisés, des plans de son projet de rénovation (pièce 9 des intimés) et du procès-verbal de constat du commissaire de justice du 3 août 2023.

Il ressort de ces éléments que le juge des référés n'a pas outrepassé ses pouvoirs en constatant la résiliation de plein droit du bail et en prononçant l'expulsion de la locataire.

L'ordonnance entreprise est donc confirmée de ces chefs.

L'instance en référé tendant à la condamnation du débiteur au paiement d'une provision n'est pas une instance en cours interrompue par l'ouverture de la procédure collective du débiteur, de sorte que la cour d'appel, statuant sur l'appel formé par ce dernier contre l'ordonnance l'ayant condamné au paiement d'une provision, doit infirmer cette ordonnance et dire n'y avoir lieu à référé, la demande en paiement étant devenue irrecevable en vertu de la règle de l'interdiction des poursuites édictée par l'article L. 622-21 du code de commerce.

Par suite, compte tenu de la liquidation judiciaire prononcée contre la SARL GPAP le 4 septembre 2024, il y a lieu d'infirmer l'ordonnance entreprise en ce qu'elle a condamné cette dernière au paiement d'une indemnité d'occupation à titre provisionnel, de dire n'y avoir lieu à référé et de déclarer irrecevable la demande des intimés visant à voir condamner et/ou fixer au passif de la procédure collective une somme à ce titre.

II. Sur les demandes reconventionnelles de la SARL GPAP

1. Sur les demandes d'expertise et de provision

En cause d'appel, dans l'hypothèse où la résiliation du bail serait infirmée, la SARL GPAP sollicite une expertise pour évaluer le montant de l'indemnité d'éviction ainsi que l'allocation d'une somme provisionnelle de 600.000 euros de ce chef, faisant valoir que si le bail n'avait pas été résilié, elle aurait pu poursuivre son activité malgré ses difficultés financières et envisager une procédure de redressement judiciaire.

Cependant, la décision attaquée ayant été confirmée sur la résiliation, il n'y a pas lieu de statuer sur ces demandes qui sont sans objet.

2. Sur la demande provisonnelle au titre de l'enrichissement injustifié

A titre subsidiaire, la SARL GPAP représentée par son mandataire liquidateur sollicite la somme de 1.000.000 euros à titre de provision à valoir sur l'indemnité qu'elle estime due au titre de l'enrichissement sans cause, au visa des articles 1303 et 1303-1 du code civil, faisant valoir qu'en cas d'expulsion, les bailleurs profiteront de la rénovation intégrale de l'immeuble réalisée pour plus d'un million d'euros, sans engager la moindre dépense.

Cependant, au regard de la violation par l'appelante de ses obligations contractuelles, s'étant abstenue de solliciter l'autorisation du bailleur pour réaliser les travaux litigieux et se trouvant ainsi à l'origine de la situation, sa demande d'indemnité provisionnelle se heurte à une contestation sérieuse.

Il convient en conséquence de la débouter de sa prétention.

III. Sur les demandes accessoires

Les dispositions relatives aux dépens et frais irrépétibles sont confirmées.

La SELARL [W] [M] ès qualités succombant, est condamnée aux dépens de l'appel, y compris les frais de notification aux créanciers inscrits, et à payer aux intimés la somme complémentaire de 3.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

La SARL GPAP est déboutée de sa demande formée à ce titre.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire, mis à disposition au greffe,

Confirme le jugement entrepris des chefs de disposition dont il a été interjeté appel sauf en ce qu'il a condamné la société GPAP prise en la personne de ses représentants légaux, au paiement, à titre provisionnel, envers Mme [B] [O], Mme [L] [O], Mme [J] [O], Mme [F] [V] veuve [G], M. [H] [G] et Mme [D] [G] épouse [E], unis d'intérêts, d'une indemnité d'occupation ;

Statuant à nouveau du chef de cette disposition infirmée et y ajoutant,

Déclare irrecevable la demande des consorts [O]-[G] tendant à voir condamner et/ou fixer une somme au passif de la procédure collective de la SARL GPAP au titre d'une indemnité d'occupation ;

Déboute la SELARL [W] [M] ès qualités de mandataire à la liquidation judiciaire de la SARL GPAP de sa demande visant au paiement de la somme de 1.0000.000 euros à titre de provision à valoir sur l'indemnité au titre de l'enrichissement injustifié ;

Condamne la SELARL [W] [M] ès qualités de mandataire à la liquidation judiciaire de la SARL GPAP à payer aux consorts [O]-[G] la somme complémentaire de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Déboute la SARL GPAP sa demande formée à ce titre ;

Condamne la SELARL [W] [M] ès qualités de mandataire à la liquidation judiciaire de la SARL GPAP aux dépens de l'appel, comprenant les frais de notification aux créanciers inscrits, avec droit de recouvrement direct au profit des avocats constitués en la cause qui en ont fait la demande, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

LE GREFFIER POUR LE PRÉSIDENT

EMPECHE

N. LE GALL L. COURTADE

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