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Décisions

CA Grenoble, ch. com., 2 octobre 2025, n° 25/00024

GRENOBLE

Arrêt

Autre

CA Grenoble n° 25/00024

2 octobre 2025

N° RG 25/00024 - N° Portalis DBVM-V-B7J-MQ6C

C4

Minute :

Copie exécutoire

délivrée le :

la SELARL LX [Localité 7]-

CHAMBERY

la SELARL DAUPHIN ET MIHAJLOVIC

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE GRENOBLE

CHAMBRE COMMERCIALE

ARRÊT DU JEUDI 02 OCTOBRE 2025

Appel d'une décision (N° RG 24/00155)

rendue par le TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de [Localité 7]

en date du 14 novembre 2024

suivant déclaration d'appel du 31 décembre 2024

APPELANTE :

S.C.I. CHENOISE immatriculée au RCS d'[Localité 6] sous le numéro 847 710 092, prise en la personne de son représentant légal, domicilié en cette qualité audit siège.

[Adresse 3]

[Localité 5]

représentée par Me Alexis GRIMAUD de la SELARL LX GRENOBLE-CHAMBERY, avocat au barreau de GRENOBLE, postulant et plaidant par Me Jean CAGNE, avocat au barreau de PARIS,

INTIMÉE :

S.A.S. OPTIQUE SAINT JACQUES prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 1]

[Localité 4]

représentée et plaidant par Me Dejan MIHAJLOVIC de la SELARL DAUPHIN ET MIHAJLOVIC, avocat au barreau de GRENOBLE

COMPOSITION DE LA COUR :

LORS DU DÉLIBÉRÉ :

Mme Marie-Pierre FIGUET, Présidente de Chambre,

M. Lionel BRUNO, Conseiller,

Mme Raphaële FAIVRE, Conseillère,

DÉBATS :

A l'audience publique du 20 juin 2025, M. BRUNO, Conseiller, qui a fait rapport assisté de Alice RICHET, Greffière, a entendu les avocats en leurs conclusions et plaidoiries, les parties ne s'y étant pas opposées conformément aux dispositions des articles 805 et 906 du Code de Procédure Civile. Il en a été rendu compte à la Cour dans son délibéré et l'arrêt a été rendu ce jour.

Faits et procédure :

1. Par acte authentique du 30 janvier 2009, la Sas Optique Saint Jacques a conclu un bail commercial avec Mme [N] [O], propriétaire du local situé [Adresse 2], aux fins de fabrication, de réparation et de vente de lunettes et tous instruments d'optique et d'acoustique, pour une durée de neuf années. Ce bail a prévu un loyer annuel de 14.400 euros hors taxes, le loyer et les charges étant payables à terme échu. Il a été reconduit tacitement aux termes et conditions du bail initial.

2. Postérieurement au décès de [N] [O], un avenant a été signé le 2 novembre 2021 entre le preneur et « M. Mme [M] (indivision) », par lequel le loyer a été fixé à 900 euros par mois pour la période de novembre 2021 à janvier 2022 inclus, précisant qu'une réunion devra avoir lieu fin janvier/début février 2022 afin d'examiner une nouvelle fois « ces modalités ».

3. Par acte authentique du 13 juillet 2023, [V] [O] et [Z] [O] veuve [X] ont vendu le local commercial à la Sci Chenoise, précisant que le loyer annuel a été fixé à 14.400 euros par an, et que le loyer est convenu payable mensuellement à terme échu au domicile du bailleur, chaque échéance étant, à la date de cet acte, de 900 euros.

4. Le 15 mars 2023. la Sci Chenoise a mis en demeure la Sas Optique Saint Jacques de payer la somme de 774 euros au titre des arriérés de loyers des mois de juillet, août et septembre 2023, énonçant que le loyer était fixé à 1.200 euros par mois.

5. Le 26 octobre 2023, la Sci Chenoise a fait délivrer à la Sas Optique Saint Jacques une sommation de payer la somme de 1.160,32 euros au titre des arriérés de loyers pour la période de juillet à octobre 2023 et du coût de l'acte.

6. Par exploit de commissaire de justice du 30 janvier 2024, la Sci Chenoise a fait assigner la Sas Optique Saint Jacques devant le juge des référés du tribunal judiciaire de Grenoble aux fins notamment de voir résilier le bail commercial du 30 janvier 2009, d'ordonner en conséquence l'expulsion de la Sas Optique Saint Jacques, de la voir condamnée au paiement provisionnel de 3.260,32 euros, de la condamner au paiement d'une indemnité d'occupation égale à 1.200 euros par mois, du jour de la résiliation à celui de la libération des locaux et de la restitution des clés.

7. Par ordonnance de référé du 14 novembre 2024, la présidente du tribunal judiciaire de Grenoble a :

- dit n'y avoir lieu à référé sur la demande de résiliation du bail commercial du 30 janvier 2009 formulée par la Sci Chenoise ;

- dit n'y avoir lieu à référé sur la demande de provision à valoir au titre des arriérés de loyers formulée par la Sci Chenoise ;

- dit n'y avoir lieu à référé sur la demande d'indemnité d'occupation provisionnelle formulée par la Sci Chenoise ;

- enjoint à la Sci Chenoise de communiquer les quittances de loyers depuis le changement de bailleur, soit le 13 Juillet 2023 ;

- dit n'y avoir lieu à référé sur la demande de provision à valoir au titre de la perte de la propriété commerciale, pour procédure complexe, abusive, vexatoire et mauvaise foi formulée par la Sas Optique Saint Jacques ;

- condamné la Sci Chenoise à payer à la Sas Optique Saint Jacques la somme de 1.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamné la Sci Chenoise aux dépens ;

- rappelé que l'exécution provisoire est de droit.

8. La Sci Chenoise a interjeté appel de cette décision le 31 décembre 2024, en toutes ses dispositions reprises dans son acte d'appel.

9. L'instruction de cette procédure a été clôturée le 20 juin 2025.

Prétentions et moyens de la Sci Chenoise :

10. Selon ses conclusions n°3 remises par voie électronique le 11 juin 2025, elle demande à la cour, au visa de l'article L145-41 du code de commerce, des articles 834 et 835 du code de procédure civile, d'infirmer l'ordonnance déférée en ce qu'elle a :

- dit n'y avoir lieu à référé sur la demande de résiliation du bail commercial du 30 janvier 2009 ;

- dit n'y avoir lieu à référé sur la demande de provision à valoir au titre des arriérés de loyers ;

- dit n'y avoir lieu à référé sur la demande d'indemnité d'occupation provisionnelle ;

- enjoint à la concluante de communiquer les quittances de loyers depuis le changement de bailleur, soit le 13 juillet 2023 ;

- condamné la concluante à payer à la Sas Optique Saint Jacques la somme de 1.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamné la concluante aux dépens.

11. Elle demande à la cour, statuant à nouveau :

- de résilier le bail commercial du 30 janvier 2009 ;

- d'ordonner en conséquence l'expulsion de l'intimée ainsi que celle de tous occupants de son chef des locaux situés à [Adresse 8], avec, au besoin, l'assistance de la force publique et d'un serrurier ;

- d'ordonner l'enlèvement des biens et facultés mobilières se trouvant dans les lieux en un lieu approprié aux frais, risques et périls de l'intimée qui disposera d'un délai d'un mois pour les retirer à compter de la sommation qui sera délivrée par l'huissier chargé de l'exécution ;

- d'assortir l'obligation de quitter les lieux d'une astreinte d'un montant de 50 euros par jour de retard à compter du prononcé de la décision à intervenir et ce jusqu'au jour de la complète libération des lieux et de la remise des clés ;

- de condamner l'intimée à payer à la concluante, à titre provisionnel, la somme de 7.160,32 euros ;

- de condamner l'intimée à payer à la concluante une indemnité d'occupation égale à 1.200 euros par mois, du jour de la résiliation à celui de la libération des locaux et de la restitution des clés ;

- de condamner l'intimée aux dépens ;

- de condamner l'intimée au paiement de 3.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

- de débouter l'intimée de toutes ses demandes.

12. L'appelante expose :

13. ' que si dans l'avenant du 2 novembre 2021, l'ancien propriétaire a accordé une réduction du prix du loyer, le ramenant de 1.200 à 900 euros par mois, ce n'était que pour les mois de novembre 2021 à février 2022 ; ainsi, qu'à partir du mois de mars 2022, le loyer est revenu à 1.200 euros ; que dans sa mise en demeure du 15 septembre 2023, la concluante a, en conséquence, entendu voir appliquer le prix prévu dans le bail ;

14. ' que devant le refus du preneur, la sommation de payer avant saisie conservatoire délivrée le 26 octobre 2023 a visé le reliquat du loyer prorata temporis du 13 au 31 juillet 2023, et les soldes mensuels de 300 euros des mois d'août à octobre 2023, outre le coût de l'acte ;

15. ' que cette sommation n'a pas été exécutée, fondant ainsi la concluante à solliciter la résolution du bail et l'expulsion du preneur ;

16. ' que sa demande de provision concerne les reliquats de loyers dus du 13 juillet 2023 au mois de juin 2025, le preneur n'ayant pas réglé le complément mensuel de 300 euros, outre le coût de la sommation ;

17. ' que si l'intimée soutient que la réduction du prix du loyer est permanente, en raison de l'avenant du 2 novembre 2021, ce dernier indique que cette réduction n'était que provisoire, une réunion devant avoir lieu fin janvier/début février 2022 afin d'examiner une nouvelle fois cette réduction ;

18. ' que cette réduction n'a été qu'une tolérance accordée par le bailleur, alors que l'article 18 du bail stipule qu'elle ne pourra pas, quelle que soit sa durée ou sa fréquence, être considérée comme une modification ou une suppression des conditions du bail ;

19. ' que si le preneur invoque la mention de l'acte de cession des locaux selon laquelle il est fait mention de l'avenant, et que le vendeur déclare qu'à la date de la cession, le loyer n'a pas été révisé et qu'il a été maintenu de fait à 900 euros par mois, cette mention signifie seulement que l'ancien bailleur a renoncé à ramener le loyer à son niveau précédent, et qu'il ne s'agit que d'une tolérance ;

20. - que le preneur reconnaît que le loyer mensuel est de 1.200 euros, puisqu'il a commercialisé son fonds de commerce, l'annonce mentionnant un loyer mensuel de 1.200 euros ; que l'attestation de l'agent immobilier ayant signé le mandat de vente du commerce est fausse et sans valeur, alors qu'il mentionne qu'il avait été convenu de maintenir le loyer en l'état à 900 euros avant de le remonter à 1.200 euros ;

21. ' que le preneur est mal fondé à soutenir que les parties se seraient revues sans formaliser par écrit leur accord pour maintenir le prix à 900 euros, puisque dans un courrier officiel de son conseil du 11 décembre 2023, il a indiqué que ce rendez-vous n'était jamais intervenu et que les parties ont continué à payer et encaisser un montant mensuel de 900 euros ;

22. ' que les deux attestations de l'ancien propriétaire concernant le paiement du loyer de 900 euros sont sans effet, indiquant seulement qu'il a renoncé à remonter le prix du loyer, ce qui ne caractérise qu'une tolérance et non un avenant ; en outre, que le fils de l'ancienne propriétaire atteste qu'il n'avait pas été envisagé que la réduction soit permanente ;

23. ' qu'un loyer mensuel de 900 euros est inférieur au prix du marché pour un local similaire au centre-ville de [Localité 7].

Prétentions et moyens de la société Optique Saint Jacques :

24. Selon ses conclusions n°2 remises par voie électronique le 11 juin 2025, elle demande à la cour, au visa des articles 34-1, 834, 835 et 837 du code de procédure civile, des articles 1104, 1224, 1240 du code civil, de déclarer l'appel de la Sci Chenoise injustifié et non fondé et de confirmer l'ordonnance déférée en ce qu'elle a :

- dit n'y avoir lieu à référé sur la demande de résiliation du bail commercial du 30 janvier 2009 formulée par la Sci Chenoise ;

- dit n'y avoir lieu à référé sur la demande de provision à valoir au titre des loyers formulée par la Sci Chenoise ;

- dit n'y avoir lieu à référé sur la demande d'indemnité d'occupation provisionnelle formulée par la Sci Chenoise ;

- enjoint à la Sci Chenoise de communiquer les quittances de loyers depuis le changement de bailleur, soit le 13 juillet 2023.

25. Elle demande par conséquent à la cour, à titre principal :

- de se déclarer incompétente pour statuer sur la demande de résiliation du bail, la demande d'expulsion et sur les demandes de la Sci Chenoise ;

- de débouter la Sci Chenoise de l'intégralité de ses demandes ;

- «d'ordonner l'absence de résiliation du bail et le maintien dans les lieux de la Sas Optique Saint Jacques» ;

- d'ordonner la remise des quittances de loyers depuis le changement de bailleur.

26. L'intimée demande, à titre subsidiaire :

- de dire et juger que le montant du loyer est de 900 euros par mois ;

- de dire et juger que la concluante n'a pas manqué à son obligation contractuelle de payer les loyers ;

- par conséquent, de débouter la Sci Chenoise de l'ensemble de ses demandes ;

- «d'ordonner l'absence de résiliation du bail et le maintien dans les lieux de la Sas Optique Saint Jacques» ;

- d'ordonner la remise des quittances de loyers depuis le changement de bailleur.

27. Elle demande, à titre très subsidiaire :

- de dire et juger que la Sci Chenoise ne justifie pas d'une inexécution suffisamment grave de la concluante ;

- par conséquent, de débouter la Sci Chenoise de l'ensemble de ses demandes ;

- «d'ordonner l'absence de résiliation du bail et le maintien dans les lieux de la Sas Optique Saint Jacques» ;

- d'ordonner la remise des quittances de loyers depuis le changement de bailleur ;

- de réformer l'ordonnance déférée en ce que le «tribunal» a statué ainsi : «disons n'y avoir lieu à référé sur la demande de provision à valoir au titre de la perte de la propriété commerciale, pour procédure complexe, abusive, vexatoire et mauvaise foi formulée par la Sas Optique Saint Jacques» ;

- statuant à nouveau, de condamner la Sci Chenoise à verser à la concluante, à titre provisionnel, la somme de 100.000 euros au titre de dommages intérêts et d'amende civile augmentés des intérêts légaux à compter de la date de la décision de la cour.

28. Elle demande en tout état de cause :

- de condamner la Sci Chenoise à payer à la concluante la somme de 10.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi que les frais d'huissier, de mise en demeure d'un montant de 86,32 euros et de signification de 55,48 euros, et de signification de l'ordonnance du juge des référés ;

- de condamner la Sci Chenoise aux entiers dépens d'appel ;

- d'assortir toute condamnation des intérêts légaux.

29. L'intimée soutient :

30. ' qu'un premier avenant est intervenu le 2 janvier 2021, ramenant le prix du loyer à 600 euros pour la période de février à avril 2021, afin de tenir compte de l'impact de la crise sanitaire et de la situation économique de la concluante ; qu'un second avenant du 4 mai 2021 a remonté le prix du loyer à 800 euros jusqu'au mois de novembre 2021, avant que le dernier avenant du 2 novembre le porte à 900 euros, mais sans qu'il soit fait état de l'impact de la crise sanitaire ;

31. ' que ce dernier avenant a prévu une réunion pour une nouvelle discussion fin janvier/début février 2022, laquelle a eu lieu, bien qu'aucun écrit n'ait été formalisé, maintenant le prix du loyer à 900 euros ; que ce montant a été réglé et encaissé sans réclamation des bailleurs, qui ont reconnu ce montant lors de la cession des murs ;

32. ' en conséquence, que la modification du loyer à 900 euros a été entérinée pour l'avenir, d'autant que le 29 décembre 2022, la concluante a sollicité le renouvellement du bail conformément à l'article L145-10 du code de commerce, demande restée sans réponse de sorte que le bail s'est tacitement renouvelé ;

33. ' que dans l'acte authentique de vente du 11 juillet 2023, il a été ainsi indiqué que le loyer annuel a été fixé à 14.400 euros, et que le loyer est convenu payable mensuellement à terme échu au domicile du bailleur, chaque échéance étant actuellement de 900 euros, en rappelant l'avenant signé le 2 novembre 2021, et en précisant que le vendeur déclare qu'au jour de la vente, le loyer n'a pas été révisé et est maintenu de fait à 900 euros ;

34. ' que les quittances données par les bailleurs visent bien la somme mensuelle de 900 euros ;

35. ' qu'il en résulte que l'appelante connaissait les conditions du bail ;

36. ' que le juge des référés n'a pas ainsi compétence en raison de contestations sérieuses, ne pouvant examiner l'existence d'une faute contractuelle et sa gravité, ni les obligations des parties, ou encore interpréter un contrat ;

37. ' que le juge des référés ne peut prononcer la résiliation d'un bail, alors que l'appelante forme une demande de résolution pour faute grave sur le fondement de l'article 1224 du code civil, sans invoquer de clause résolutoire, laquelle figure cependant dans le bail ; qu'aucun commandement de payer visant la clause résolutoire n'a d'ailleurs été signifié, puisque seule une sommation de payer a été délivrée;

38. ' qu'il n'existe pas d'inexécution suffisamment grave justifiant la résolution du bail, les arriérés invoqués ne portant que sur 300 euros par mois, alors que la détermination du prix du loyer fait l'objet de contestations sérieuses ;

39. ' que si l'appelante invoque les conditions de la mise en vente du fonds de commerce de la concluante, il résulte de l'attestation de l'agent immobilier qu'il a échangé avec le nouveau bailleur, et qu'il a été convenu de maintenir le loyer en l'état à 900 euros avant de le remonter lors de la cession du fonds à 1.200, voire 1.500 euros ;

40. ' que l'ensemble de ces éléments indique que le prix de 900 euros a été entériné pour l'avenir, montant opposable au nouveau bailleur ;

41. ' reconventionnellement, que l'action de l'appelante s'analyse en une procédure d'éviction de la concluante, afin de la priver de l'indemnité conférée par la propriété commerciale ; que cette action est ainsi abusive ; qu'elle cause un préjudice à la concluante se trouvant depuis deux ans dans un climat d'insécurité juridique et financière dans un contexte de vente de son fonds de commerce.

*****

42. Il convient en application de l'article 455 du code de procédure civile de se référer aux conclusions susvisées pour plus ample exposé des prétentions et moyens des parties.

MOTIFS DE LA DECISION :

43. La cour constate que l'appelante fonde son appel sur les articles 834 et 835 du code de procédure civile, ainsi que sur l'article L145-41 du code de commerce.

44. Selon l'article 834 du code de procédure civile, dans tous les cas d'urgence, le président du tribunal judiciaire ou le juge des contentieux de la protection dans les limites de sa compétence, peuvent ordonner en référé toutes les mesures qui ne se heurtent à aucune contestation sérieuse ou que justifie l'existence d'un différend. L'article 835 ajoute que le président du tribunal judiciaire ou le juge des contentieux de la protection dans les limites de sa compétence peuvent toujours, même en présence d'une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite. Dans les cas où l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable, ils peuvent accorder une provision au créancier, ou ordonner l'exécution de l'obligation même s'il s'agit d'une obligation de faire.

45. L'article L145-41 du code de commerce dispose que toute clause insérée dans le bail prévoyant la résiliation de plein droit ne produit effet qu'un mois après un commandement demeuré infructueux. Le commandement doit, à peine de nullité, mentionner ce délai. Les juges saisis d'une demande présentée dans les formes et conditions prévues à l'article 1343-5 du code civil peuvent, en accordant des délais, suspendre

la réalisation et les effets des clauses de résiliation, lorsque la résiliation n'est pas constatée ou prononcée par une décision de justice ayant acquis l'autorité de la chose jugée. La clause résolutoire ne joue pas, si le locataire se libère dans les conditions fixées par le juge.

46. En premier lieu, la cour statue selon les pouvoirs conférés au juge des référés. Ses pouvoirs sont ainsi limités par les articles précités du code de procédure civile.

47. En second lieu, la référence à l'article L145-41 du code de commerce est superfétatoire, puisque la cour n'est pas saisie d'une demande tendant à constater l'acquisition d'une clause résolutoire, suite à un commandement l'ayant visée, mais d'une demande de résolution du bail commercial pour défaut de paiement des loyers, aucun commandement de payer n'ayant été délivré, puisque l'acte signifié le 26 octobre 2023 est une sommation de payer avant saisie conservatoire, ne visant aucune clause résolutoire.

48. La cour rappelle qu'il est de jurisprudence acquise qu'elle ne peut, dans le cadre d'un référé, prononcer la résiliation d'un contrat pour faute de l'une des parties, puisque cela l'exposerait à juger de la gravité de la faute invoquée, et ainsi à se prononcer en qualité de juge du fond.

49. En outre, il résulte des explications et des pièces des parties qu'un litige concerne la détermination du prix mensuel du loyer, le défaut de paiement de la somme de 300 euros fondant la demande de résiliation du bail commercial. La résolution de ce litige suppose l'interprétation des avenants, actes et attestations produits par les parties, auxquels elles attachent des effets contraires. Cette analyse appartient également au juge du fond, les contestations soulevées de part et d'autre étant sérieuses.

50. Il en résulte que statuant dans la limite des pouvoirs conférés au juge des référés, la cour ne peut trancher ces contestations pour retenir l'existence d'une faute suffisamment grave pour justifier la résiliation du bail et l'expulsion du preneur, qui se trouverait ainsi privé du bénéfice de la propriété commerciale.

51. En conséquence, l'ordonnance entreprise ne peut qu'être confirmée en ses dispositions ayant dit n'y avoir lieu à référé sur la demande de résiliation du bail et ses conséquences.

52. Concernant la demande reconventionnelle de l'intimée, il ne résulte pas nécessairement des données du litige que l'action du nouveau bailleur soit abusive, compte tenu de la nécessaire recherche à opérer concernant le prix du bail. Le premier juge a également justement dit qu'il n'y avait pas lieu à référé sur la demande de provision.

53. L'ordonnance entreprise sera en outre confirmée en ce qu'il a enjoint au bailleur de fournir les quittances des loyers perçus depuis son acquisition des locaux donnés à bail.

54. Il en résulte que la cour confirmera cette ordonnance en toutes ses dispositions.

55. Concernant la demande de l'intimée sollicitant de la cour qu'elle ordonne l'absence de résiliation du bail et son maintien dans les lieux, la cour note qu'il ne lui appartient pas de se prononcer sur ce point, alors qu'il a été confirmé qu'il n'y a pas lieu à référé sur la résiliation du bail et

l'expulsion de l'intimée. Cette demande est sans objet au regard du sens du présent arrêt. Il sera ainsi dit qu'il n'y a pas lieu à référé sur ce point.

56. Succombant en son appel, la Sci Chenoise sera condamnée à payer à la société Optique Saint Jacques la somme complémentaire de 2.000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile, au titre des frais irrépétibles exposés en cause d'appel.

57. La Sci Chenoise sera en outre condamnée aux dépens d'appel.

PAR CES MOTIFS :

La Cour statuant publiquement, contradictoirement, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile, après en avoir délibéré conformément à la loi,

Vu les articles 834 et 835 du code de procédure civile, l'article L145-41 du code de commerce, l'article 32-1 du code de procédure civile ;

Confirme l'ordonnance entreprise en ses dispositions soumises à la cour ;

y ajoutant,

Dit n'y avoir lieu à référé sur la demande de la société Optique Saint Jacques visant à ordonner l'absence de résiliation du bail et son maintien dans les lieux ;

Condamne la Sci Chenoise à payer à la société Optique Saint Jacques la somme complémentaire de 2.000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne la Sci Chenoise aux dépens ;

Signé par Mme Marie-Pierre FIGUET, Présidente et par Mme Anne BUREL, Greffière présente lors de la mise à disposition à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

La Greffière La Présidente

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