CA Lyon, 3e ch. a, 2 octobre 2025, n° 22/01888
LYON
Arrêt
Autre
N° RG 22/01888 - N° Portalis DBVX-V-B7G-OFPX
Décision du
Tribunal de Commerce de LYON
Au fond
du 07 février 2022
RG : 2020j54
ch n°
[P]
[J]
SELARL FIDES
C/
Société POINT S FRANCE
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE LYON
3ème chambre A
ARRET DU 02 Octobre 2025
APPELANTS :
Monsieur [I] [T] [R] [P],
né le 31/10/1972 à [Localité 8] (84)
de nationalité française
Domicilié [Adresse 4],
([Localité 3]
Et
Madame [F] [C] [J],
née le 19/07/1979 à [Localité 11] (17)
de nationalité française
Domiciliée [Adresse 4]
([Localité 3]
Et
Selarl FIDES,
Prise en la personne de Maître [H], domiciliée [Adresse 5]-qualités de liquidateur judiciaire de la société NES AUTO (ci-après « Nes Auto »), SARL au capital social de 40.000 €, immatriculée au RCS de Quimper sous le numéro 809 315 716, la Selarl Fides ayant été nommée aux fonctions deliquidateur judiciaire par jugement du Tribunal de commerce de Quimper rendu le 21 juin 2019.
Sis [Adresse 1],
([Localité 2] [Localité 10]
Représentés par Me Jacques AGUIRAUD de la SCP JACQUES AGUIRAUD ET PHILIPPE NOUVELLET, avocat au barreau de LYON, toque : 475, avocat postulant et Me Charlotte BELLET, avocate au barreau de PARIS, substituée par Me Rodolphe PERRIER, avocat au barreau de PARIS, avocat plaidant.
INTIMEE :
La société POINT S FRANCE,
S.A. à Conseil d'Administration, au capital social de 5 454 900,00 €, inscrite au Registre du Commerce et des Sociétés de Lyon sous le numéro 315 127 944, agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux, domiciliés en cette qualité audit siège.
Sis [Adresse 7]
([Localité 6]
Représentée par Me Olivier COSTA de la SELARL ADVALORIA, SOCIÉTÉ D'AVOCATS, avocat au barreau de LYON, toque : T.88
******
Date de clôture de l'instruction : 28 Février 2023
Date des plaidoiries tenues en audience publique : 25 Juin 2025
Date de mise à disposition : 02 Octobre 2025
Composition de la Cour lors des débats et du délibéré :
- Sophie DUMURGIER, présidente
- Aurore JULLIEN, conseillère
- Viviane LE GALL, conseillère
assistées pendant les débats de Céline DESPLANCHES, greffière
A l'audience, un membre de la cour a fait le rapport,
Arrêt Contradictoire rendu publiquement par mise à disposition au greffe de la cour d'appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,
Signé par Sophie DUMURGIER, présidente, et par Céline DESPLANCHES, greffiere, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.
* * * *
EXPOSÉ DU LITIGE
Le 15 janvier 2015, la société NES Auto, créée par M. [P] et Mme [J], a conclu un contrat avec la société Point S France. L'objet du contrat et de ses avenants successifs concernait l'exploitation d'un concept de « Centre Auto » consistant en l'ouverture d'un garage auquel est annexé une boutique d'accessoires automobiles.
Par jugement du 26 janvier 2018, la société NES Auto a été placée en redressement judiciaire, converti en liquidation judiciaire le 21 juin 2019.
Par acte introductif d'instance du 9 janvier 2020, la société Fides prise en la personne de Me [H], agissant en qualité de liquidateur judiciaire de la société NES Auto, M. [P] et Mme [J] ont assigné la société Point S France devant le tribunal de commerce de Lyon, aux fins d'indemnisation.
Par jugement contradictoire du 7 février 2022, le tribunal de commerce de Lyon a :
- dit que le contrat et ses avenants successifs liant les parties est un contrat de concession commerciale,
- jugé que le contrat et ses avenants successifs liant les parties est valide et que la société Point S France n'a commis aucune faute,
- débouté la société Fides en la personne de Me [H] en qualité de liquidateur judiciaire de la société NES Auto, M. [P] et Mme [J] de l'intégralité de leurs demandes,
- rejeté comme non fondés tous autres moyens, fins et conclusions contraires des parties,
- dit qu'il n'y a pas lieu d'écarter l'exécution provisoire,
- condamné solidairement la société Fides en la personne de Me [H] ès qualités, M. [P] et Mme [J] à payer à la société Point S France la somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné solidairement la société Fides en la personne de Me [H] ès qualités, M. [P] et Mme [J] aux entiers dépens de l'instance.
Par déclaration reçue au greffe le 10 mars 2022, la société Fides, M. [P] et Mme [J] ont interjeté appel de ce jugement portant sur l'ensemble des chefs de la décision critiquée.
***
Par conclusions notifiées par voie dématérialisée le 10 octobre 2022, la Selarl Fides, ès qualités, M. [P] et Mme [J] demandent à la cour, au visa des articles 1108, 1109, 1116, 1134, 1135, 1149 et 1184 du code civil dans leur version antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016 et les articles L. 330-3 et R. 330-1 du code de commerce, de :
- infirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions, et notamment en ce qu'il a :
* dit que le contrat et ses avenants successifs liant les parties est un contrat de concession commerciale,
* jugé que le contrat et ses avenants successifs liant les parties est valide,
* jugé que la société Point S France n'a commis aucune faute,
* débouté la société Fides en la personne de Me [H] en qualité de liquidateur judiciaire de la société NES Auto, M. [P] et Mme [J] de l'intégralité de leurs demandes,
et statuant à nouveau :
à titre principal :
- prononcer la nullité du contrat de franchise conclu le 15 janvier 2015 par la société NES Auto et la société Point S France, ainsi que celle de tous ses avenants,
- condamner en conséquence la société Point S France à verser à Me [H], ès qualités, 350.000 euros, sauf à parfaire,
à titre subsidiaire :
- prononcer la résiliation du contrat de franchise du 15 janvier 2015, ainsi que celle de tous ses avenants, aux torts exclusifs de la société Point S France,
- condamner en conséquence la société Point S France à verser à Me [H], ès qualités, une somme de 269.800 euros,
en tout état de cause :
- condamner la société Point S France à verser les sommes suivantes :
* 200.000 euros au profit de M. [P],
* 200.000 euros au profit de Mme [J],
- condamner la société Point S France, outre aux entiers frais et dépens, à verser à M. [P] et Mme [J] une somme de 7.000 euros chacun au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
***
Par conclusions notifiées par voie dématérialisée le 6 septembre 2022, la société Point S France demande à la cour, au visa des articles 1109 et 1110 dans leur version antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016, et 699 et 700 du code de procédure civile, de :
- confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions, et notamment en qu'il a :
* dit que le contrat et ses avenants successifs liant les parties est un contrat de concession commerciale,
* jugé que le contrat et ses avenants successifs liant les parties est valide,
* jugé que la société Point S France n'a commis aucune faute,
* débouté la société Fides représentée par Me [H] ès qualités, M. [P] et Mme [J] de l'intégralité de leurs demandes,
En conséquence :
- rejeter les demandes formées par M. [P] et Mme [J], de voir requalifier le contrat de réseau Point S en contrat de franchise,
- rejeter les demandes formées par M. [P] et Mme [J], de voir prononcer la résiliation du contrat de réseau aux torts exclusifs de la société Point S France,
- débouter Me [H] de l'ensemble de ses demandes formées sur ce fondement,
en tout état de cause,
- condamner solidairement, Me [H] ès qualités, ainsi que M. [P] et Mme [J], au paiement de la somme de 7.000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner Me [H] ès qualités, ainsi que M. [P] et Mme [J], aux entiers frais et dépens de justice.
La procédure a été clôturée par ordonnance du 28 février 2023, les débats étant fixés au 25 juin 2025.
Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, la cour se réfère, pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, à leurs conclusions écrites précitées.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur la qualification du contrat
La Selarl Fides, ès qualités, M. [P] et Mme [J], font valoir que :
- la société Point S tente tardivement de nier la qualification de contrat de franchise,
- le juge doit donner leur exacte qualification aux faits et actes litigieux sans s'arrêter à la dénomination proposée par les parties,
- selon les définitions de la Fédération Française de la Franchise et du Code de déontologie européen, un contrat de franchise se définit par deux éléments : la transmission d'un savoir-faire et la mise à disposition de signes de ralliement de la clientèle ; l'article 2 du contrat stipule justement que la société Point S met à la disposition de l'adhérent son savoir-faire, confidentiel et ses signes distinctifs ; les obligations de l'adhérent de formation initiale, respect de la politique du réseau, présence aux réunions, ou harmonisation des bâtiments démontrent la transmission d'un savoir-faire ; la clause de confidentialité engage l'adhérent à ne pas divulguer les méthodes qui lui sont connues en raison du présent contrat, ce qui vise à protéger le savoir-faire de la tête de réseau,
- il y a dans le réseau une obligation d'assistance que la société Point S dit avoir exécutée ; la société Point S verse aux débats des comptes-rendus de visite attestant du suivi du franchisé ; le contrat fait référence à une assistance tant au démarrage de l'activité de distribution qu'au fonctionnement de l'activité de distribution,
- les premiers juges se contredisent en relevant l'absence de transmission d'un savoir-faire alors qu'ils notent que le savoir-faire confidentiel est mis à la disposition de l'adhérent ; cette contradiction constitue une absence de motifs au regard de l'article 455 du code de procédure civile,
- la société Point S ne peut faire croire qu'en vendant un nouveau concept de centre auto elle ne transmettait aucun savoir-faire.
La société Point S fait valoir que :
- le tribunal de commerce de Lyon a justement relevé que les conditions pour qualifier un contrat de franchise ne sont pas réunies ; seule une condition sur trois est présente, à savoir la mise à disposition des signes distinctifs ; les deux autres conditions de mise à disposition d'un savoir-faire éprouvé répondant aux qualités définies et de prestation de services d'assistance permanente ne constituent pas des obligations contractuelles lui incombant,
- l'article 2 du contrat précise qu'elle concède le droit d'utiliser la marque et l'enseigne ; le savoir-faire confidentiel concerne seulement le droit d'utilisation de l'enseigne et la marque de produits,
- elle ne concède que la fourniture de produits contractuels et peut assister l'adhérent dans sa politique de commercialisation ; l'adhérent reste indépendant et libre dans sa politique commerciale, pouvant pratiquer des prix inférieurs ou supérieurs aux prix conseillés,
- l'adhérent savait que le nouveau concept de centre auto prenait corps progressivement ; ce concept met en avant l'autonomie offerte avec trois formats adaptables, qui ne correspond pas à la franchise,
- le contrat ne comporte aucun engagement de résultat économique,
- le tribunal de commerce a justement conclu qu'il s'agit d'un contrat de concession commerciale où le concédant s'engage à louer son enseigne et fournir exclusivement en produits contractuels un concessionnaire qui ne jouit que d'une exclusivité territoriale.
Sur ce,
Selon l'article 12 du code de procédure civile, le juge doit donner ou restituer leur exacte qualification aux faits et actes litigieux sans s'arrêter à la dénomination que les parties en auraient proposée.
Le contrat de franchise peut se définir comme un contrat synallagmatique à exécution successive par lequel une entreprise, le 'franchiseur', confère à une ou plusieurs autres entreprises, les 'franchisés', le droit de réitérer, sous son enseigne, à l'aide de ses signes de ralliement de la clientèle et de son assistance continue, le système de gestion qu'il a préalablement expérimenté et devant, grâce à l'avantage concurrentiel qu'il procure, raisonnablement permettre au franchisé diligent de faire des affaires profitables.
Ainsi, comme l'a justement énoncé le tribunal, le contrat de franchise se caractérise principalement par la mise à disposition des signes distinctifs du franchiseur, la transmission d'un savoir-faire et une assistance continue apportée au franchisé.
Le contrat de concession commerciale est un contrat par lequel un commerçant indépendant, le 'concessionnaire', se procure auprès d'un autre commerçant fabriquant ou grossiste, le 'concédant', des produits qu'il s'engage à commercialiser sous la marque du concédant, lequel lui confère une exclusivité géographique délimitée.
En l'espèce, le contrat conclu le 15 janvier 2015 entre la société NES Auto et la société Point S, dénommé 'Contrat de réseau', prévoit la mise à disposition de l'adhérent, des signes distinctifs de la société Point S France, par une licence de marque, une autorisation d'utiliser les logos et enseignes, et par une obligation d'harmoniser ses locaux aux couleurs et normes définies par Point S.
Ainsi, comme l'a retenu le tribunal, le critère relatif à la mise à disposition des signes distinctifs est établi.
S'agissant des deux autres critères du contrat de franchise, relatifs à la transmission d'un savoir-faire et à l'assistance permanente du franchisé, le contrat rappelle en préambule, que la société Point S France bénéficie d'une renommée nationale et internationale dans le domaine du pneumatique et que 'la valeur des formules mises au point, du savoir-faire et de l'image de marque s'est traduite par le développement d'un réseau de nombreux adhérents (...) et a permis à Point S d'être parmi les leaders sur le marché du pneumatique et de l'entretien auto'. Le contrat mentionne dans son objet, que 'Point S France met ainsi à la disposition de l'ADHERENT son savoir-faire confidentiel et ses signes distinctifs pour la commercialisation optimale des produits et services liés aux activités déclarées aux présentes'. L'avenant signé le même jour et qui 'fait partie intégrante du contrat' précise, en son préambule, que 'Cet avenant a pour objectif d'encadrer les relations entre les parties dans la mise en place d'un Centre Auto, combinaison d'un espace de vente adjacent à l'espace atelier, afin d'en optimiser le développement réciproque. La volonté des parties à travers la mise en place d'un Centre Auto est d'augmenter le confort des clients du réseau Point S en regroupant la vente des produits et accessoires automobiles et des services, réparation, entretien, sur un même site.'
L'article 7 de l'avenant précise que 'l'ADHERENT sera tenu de mettre en vente dans le Centre Auto les gammes de produits décrits en annexe' et que 'l'ensemble des services sont proposés dans l'atelier du [9] aux heures d'ouverture, sans rendez-vous. Les services mis en oeuvre par l'adhérent devront, notamment, être les suivants : Installation et montage (...), Services d'entretien (...)'.
L'article 9 de l'avenant ajoute que, 'en contrepartie des licences accordées par Point S, de sa notoriété et de son savoir-faire sur l'activité Centre Auto, l'adhérent verse à Point S France un droit d'entrée', et que, 'en contrepartie des services apportés par Point S France pendant toute l'exécution du présent avenant dédié à l'activité Centre Auto, l'adhérent s'engage à lui verser chaque année un droit d'enseigne' aussi appelé redevance annuelle.
Enfin, l'article 6 du contrat prévoit, au point 6.1, que 'Point S France assistera l'ADHERENT lors de l'ouverture de son établissement' et que 'Point S France fournira à l'ADHERENT qui s'y conformera, toute l'information et le savoir-faire qu'elle détient, concernant l'identification des produits à vendre, les formulaires et documents nécessaires à la mise en oeuvre de l'activité, la communication liée à l'ouverture d'un établissement Point S'.
Et au point 6.2, il est prévu que 'Point S France pourra assister l'adhérent dans la commercialisation de ses produits par la réalisation d'actions promotionnelles (...)' et que 'Point S France assistera également l'ADHERENT par la transmission de prix conseillés applicables aux produits distribués et services effectués pour assurer l'unité de la politique commerciale du réseau et en préserver l'image de marque (...)'.
Il est en outre mentionné que l'adhérent sera tenu de participer à une formation initiale obligatoire et qu'il s'engage à suivre une à deux formations par an, pendant la durée du contrat. Il s'engage par ailleurs à 'maintenir un niveau de qualification professionnelle suffisante (...) au regard de la technicité du secteur d'activité de Point S France', en suivant toute formation nécessaire relative à la gestion d'un centre, la gestion du pneumatique, l'accueil clients, 'et toutes autres formations liées à l'activité'.
Dès lors, il résulte des dispositions contractuelles, que la société Point S ne se bornait pas à fournir des produits à la société NES Auto, comme l'a retenu le tribunal. En effet, cette dernière était également tenue d'exécuter des services d'atelier (entretien, installation et montage), au titre de la mise en oeuvre du concept global de 'Centre auto' qui fait l'objet du contrat de réseau et son avenant. Pour cette activité d'atelier, la société NES Auto était tenue d'acquérir du matériel spécifique listé au contrat 'compte tenu de la technicité requise pour faire partie du réseau', et de mettre son local en harmonie avec les normes définies par la société Point S. En outre, la société Point S devait fournir à la société NES Auto 'qui s'y conformera, toute l'information et le savoir-faire qu'elle détient' concernant, notamment, l'identification des produits à vendre.
Or, le savoir-faire peut résulter de la capacité pour le franchiseur à mettre en 'uvre un concept spécifique, par la remise au franchisé des éléments techniques permettant d'agencer le magasin et d'exercer l'activité selon ce concept. Le savoir-faire peut ainsi comprendre un « savoir-sélectionner » les produits par le franchiseur ou un « savoir-vendre » résultant de la délivrance de conseils adaptés pour leur vente.
En l'espèce, le concept de 'Centre auto' que la société Point S indique avoir 'lancé' en 2012 relève d'une méthode de vente, par la combinaison d'une activité d'exécution de services et d'une activité de distribution de produits, dont la société Point S assure la maîtrise au moyen d'une harmonisation complète des points de vente, 'tant en ce qui concerne les aménagements intérieurs qu'en ce qui concerne les aménagements extérieurs', et au moyen des formations obligatoires pour l'adhérent pendant toute la durée du contrat. Ce contrat se fonde donc bien sur un savoir-faire, dont la société Point S se prévaut d'ailleurs expressément, dans les dispositions contractuelles liant les parties.
Le fait que la société NES Auto disposait de la maîtrise de sa politique de commercialisation, comme le fait valoir la société Point S dans ses écritures, n'est pas de nature à écarter la qualification de contrat de franchise. En effet, le franchisé est indépendant juridiquement, il est propriétaire de son stock et en principe libre de fixer ses prix. Sa maîtrise de la politique commerciale n'est donc pas un critère exclu du contrat de franchise.
Enfin, le critère relatif à l'assistance permanente de l'adhérent par la société Point S est également prévu au contrat, comme cela résulte des articles 6.1 et 6.2 ci-dessus rappelés.
Le contrat ne peut donc se réduire à une simple concession commerciale, de sorte que le jugement sera infirmé de ce chef et il convient de qualifier le contrat de réseau de contrat de franchise.
Sur la demande principale en nullité du contrat et ses conséquences
La Selarl Fides, ès qualités, M. [P] et Mme [J], font valoir que :
- selon les articles L. 330-3 et R. 330-1 du code de commerce, le franchiseur doit fournir un document d'information précontractuelle sincère permettant au candidat de s'engager en connaissance de cause, précisant notamment l'ancienneté et l'expérience de l'entreprise, l'état et les perspectives du marché, l'importance du réseau, ainsi que les investissements spécifiques ; selon la jurisprudence, un contrat de franchise peut être annulé sur le fondement d'une erreur sur la rentabilité de l'activité lorsqu'il existe un différentiel important entre les perspectives initiales et les résultats effectifs.
- le franchiseur a commis des fautes en remettant une information précontractuelle lacunaire notamment sur l'état du marché, sur l'analyse de la zone de chalandise sans analyse de la concurrence ni de l'état de la population, sur les investissements spécifiques et les perspectives de développement,
- l'information précontractuelle est également mensongère, dès lors que la société Point S a transmis des chiffres prévisionnels particulièrement optimistes pour l'établissement des dossiers prévisionnels ; malgré les efforts constants, la société Nes Auto n'a jamais atteint ne fût-ce que la moitié de ces chiffres et a subi des pertes importantes,
- l'échec total de l'activité de boutique, au c'ur du nouveau concept, résulte d'une surestimation manifeste par le franchiseur ; selon l'expert-comptable, l'activité garage seule aurait été rentable dès la deuxième année, mais l'activité boutique a généré un fort déficit et dégradé la trésorerie,
- la franchise suppose le transfert d'un savoir-faire original, éprouvé et constamment perfectionné ; selon le règlement européen d'exemption n° 330/2010 du 20 avril 2010 relatif aux accords verticaux, le savoir-faire doit être testé par le franchiseur ; l'expérimentation par le franchiseur de son concept doit se faire au moyen d'une installation modèle avant de le proposer à des franchisés ; la franchise doit être la réitération d'un succès ; or, la société Point S reconnaît qu'il est matériellement impossible pour le réseau Point S d'expérimenter ses concepts avant de les proposer à ses adhérents, ce qui constitue une défaillance contractuelle fondamentale,
- M. [P], profane dans le secteur automobile, ne pouvait s'informer par lui-même et avait décidé de devenir un commerçant indépendant sous enseigne franchisée, ce qui impliquait de pouvoir compter sur l'expérience et le savoir-faire du franchiseur,
- leur projet initial ne visait qu'un garage automobile, comme le démontrent ses démarches avec l'enseigne Midas ; c'est la société Point S qui les a convaincus d'abandonner les contacts avec Midas, et leur a proposé d'adjoindre une boutique centre auto pour justifier la superficie du local et le loyer élevé, pour un projet final différent et inadapté,
- le choix de l'emplacement fait partie intégrante du savoir-faire d'un franchiseur et constitue un élément crucial de la viabilité du projet ; la société Point S a engagé sa responsabilité en validant un emplacement manifestement inadapté à l'exploitation d'un garage et d'une boutique associée ; la société Point S l'a reconnu en préconisant un déménagement du site en 2017 pour être plus visible et réduire les charges fixes,
- les premiers juges se sont abstenus d'apprécier et de présenter des éléments de motivation relatifs au concept proposé et à son adéquation avec le local, se contentant d'énonciations générales et abstraites qui ne satisfont pas aux exigences de l'article 455 du code de procédure civile,
- la nullité du contrat de franchise donne lieu à restitution des sommes versées en application du contrat, sans préjudice des dommages et intérêts supplémentaires ; l'exercice d'une action en nullité n'exclut pas celui d'une action en responsabilité pour couvrir l'entier préjudice ; le préjudice peut notamment correspondre à une perte de chance de mieux investir ses fonds,
- le liquidateur judiciaire est fondé à obtenir le versement d'une somme correspondant au montant du passif existant lors de la liquidation, soit la somme de 350.000 euros.
La société Point S fait valoir que :
- le tribunal a justement retenu que le document d'information précontractuelle respectait les conditions de l'article R. 330-1 du code de commerce ; les données sur l'état local du marché étaient basées sur les dernières données INSEE et la zone de chalandise déterminée par un logiciel spécialisé,
- selon la jurisprudence, il appartient au franchisé de s'informer lui-même sur l'état du marché ; l'incomplétude de l'information précontractuelle ne suffit pas à caractériser un vice de consentement,
- elle a fourni une aide financière substantielle et de nombreuses recommandations lors des visites, mais la société Nes Auto n'a suivi aucune de ces recommandations et n'a pas respecté son obligation de communiquer ses comptes sociaux,
- M. [P] était un dirigeant averti qui avait déjà une expérience de dirigeant de commerce ; il disposait d'un délai suffisant pour étudier les documents ; il était au surplus accompagné dans son activité par M. [N] qui est expérimenté,
- l'avenant relatif au centre auto n'était pas requis dans le document d'information précontractuelle ; M. [P] l'a valablement signé sans jamais le contester et ne peut simplement contester sa force obligatoire,
- le nouvel adhérent concurrent implanté se situe hors de la zone d'exclusivité contractuelle à une distance suffisante ; aucun manquement aux obligations contractuelles ne peut être reproché à ce titre,
- le concept de centre auto était nouveau, elle ne disposait pas du recul nécessaire ; il est matériellement impossible d'expérimenter les concepts avant de les proposer aux adhérents,
- le concept s'avère particulièrement rentable vu le nombre de centres actifs et leur chiffre d'affaires moyen ;
- M. [P] s'est désintéressé de son établissement en étant absent lors des visites,
- selon l'article 15 du contrat, l'adhérent agit en qualité de commerçant indépendant et elle n'a pas la faculté de s'immiscer dans sa gestion ; elle a fourni toutes les informations en sa possession ; en conséquence, le choix de l'emplacement ne peut lui être reproché,
- le document d'information précontractuelle a été établi sur la base d'un concept nouveau et le prévisionnel établi par une société d'expertise externe ; selon la jurisprudence, en matière de rentabilité économique, l'erreur doit porter sur une qualité substantielle de la chose et non sur son utilisation ; l'erreur est inexcusable lorsqu'il pesait sur la victime un devoir de renseignement ; même à supposer que l'évalution des chiffres aurait été optimiste, la jurisprudence précise qu'ils n'entraînent aucune faute dès lors qu'elle n'était pas assujettie à une obligation de résultat,
- le jugement du tribunal de commerce de Lorient ne dit pas que le concept constituait un risque excessif ; la société Banque Populaire, spécialisée en franchise, a accepté de financer le projet, trouvant le concept fiable,
- le franchisé a l'obligation de rapporter la preuve du vice ayant affecté son consentement et doit démontrer avec précision les informations manquantes qui l'auraient empêché de contracter ; les demandeurs ne prouvent en aucun cas que la fourniture d'éléments complémentaires les aurait conduits à refuser de contracter.
Sur ce,
L'article 1110 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, applicable au litige, énonce que 'l'erreur n'est une cause de nullité de la convention que lorsqu'elle tombe sur la substance même de la chose qui en est l'objet'.
Par ailleurs, l'article L. 330-3 du code de commerce énonce :
'Toute personne qui met à la disposition d'une autre personne un nom commercial, une marque ou une enseigne, en exigeant d'elle un engagement d'exclusivité ou de quasi-exclusivité pour l'exercice de son activité, est tenue, préalablement à la signature de tout contrat conclu dans l'intérêt commun des deux parties, de fournir à l'autre partie un document donnant des informations sincères, qui lui permette de s'engager en connaissance de cause.
Ce document, dont le contenu est fixé par décret, précise notamment, l'ancienneté et l'expérience de l'entreprise, l'état et les perspectives de développement du marché concerné, l'importance du réseau d'exploitants, la durée, les conditions de renouvellement, de résiliation et de cession du contrat ainsi que le champ des exclusivités.
Lorsque le versement d'une somme est exigé préalablement à la signature du contrat mentionné ci-dessus, notamment pour obtenir la réservation d'une zone, les prestations assurées en contrepartie de cette somme sont précisées par écrit, ainsi que les obligations réciproques des parties en cas de dédit.
Le document prévu au premier alinéa ainsi que le projet de contrat sont communiqués vingt jours minimum avant la signature du contrat, ou, le cas échéant, avant le versement de la somme mentionnée à l'alinéa précédent.'
Et l'article R. 330-1 du même code précise :
'Le document prévu au premier alinéa de l'article L. 330-3 contient les informations suivantes :
1° L'adresse du siège de l'entreprise et la nature de ses activités avec l'indication de sa forme juridique et de l'identité du chef d'entreprise s'il s'agit d'une personne physique ou des dirigeants s'il s'agit d'une personne morale ; le cas échéant, le montant du capital ;
2° Les mentions visées aux 1° et 2° de l'article R. 123-237 ainsi que la date et le numéro d'enregistrement ou du dépôt de la marque et, dans le cas où la marque qui doit faire l'objet du contrat a été acquise à la suite d'une cession ou d'une licence, la date et le numéro de l'inscription correspondante au registre national des marques avec, pour les contrats de licence, l'indication de la durée pour laquelle la licence a été consentie ;
3° La ou les domiciliations bancaires de l'entreprise. Cette information peut être limitée aux cinq principales domiciliations bancaires ;
4° La date de la création de l'entreprise avec un rappel des principales étapes de son évolution, y compris celle du réseau d'exploitants, s'il y a lieu, ainsi que toutes indications permettant d'apprécier l'expérience professionnelle acquise par l'exploitant ou par les dirigeants.
Les informations mentionnées à l'alinéa précédent peuvent ne porter que sur les cinq dernières années qui précèdent celle de la remise du document. Elles doivent être complétées par une présentation de l'état général et local du marché des produits ou services devant faire l'objet du contrat et des perspectives de développement de ce marché.
Doivent être annexés à cette partie du document les comptes annuels des deux derniers exercices ou, pour les sociétés dont les titres financiers sont admis aux négociations sur un marché réglementé, les rapports établis au titre des deux derniers exercices en application du VI de l'article L. 451-1-2 du code monétaire et financier ;
5° Une présentation du réseau d'exploitants qui comporte :
a) La liste des entreprises qui en font partie avec l'indication pour chacune d'elles du mode d'exploitation convenu ;
b) L'adresse des entreprises établies en France avec lesquelles la personne qui propose le contrat est liée par des contrats de même nature que celui dont la conclusion est envisagée ; la date de conclusion ou de renouvellement de ces contrats est précisée ;
Lorsque le réseau compte plus de cinquante exploitants, les informations mentionnées à l'alinéa précédent ne sont exigées que pour les cinquante entreprises les plus proches du lieu de l'exploitation envisagée ;
c) Le nombre d'entreprises qui, étant liées au réseau par des contrats de même nature que celui dont la conclusion est envisagée, ont cessé de faire partie du réseau au cours de l'année précédant celle de la délivrance du document. Le document précise si le contrat est venu à expiration ou s'il a été résilié ou annulé ;
d) S'il y a lieu, la présence, dans la zone d'activité de l'implantation prévue par le contrat proposé, de tout établissement dans lequel sont offerts, avec l'accord exprès de la personne qui propose le contrat, les produits ou services faisant l'objet de celui-ci ;
6° L'indication de la durée du contrat proposé, des conditions de renouvellement, de résiliation et de cession, ainsi que le champ des exclusivités.
Le document précise, en outre, la nature et le montant des dépenses et investissements spécifiques à l'enseigne ou à la marque que la personne destinataire du projet de contrat engage avant de commencer l'exploitation.'
En l'espèce, un document d'information précontractuelle (DIP) a été remis à la société NES Auto le 27 novembre 2014. Conformément à l'article R. 330-1 précité, il comporte une présentation de l'enseigne ainsi qu'un historique de celle-ci, il mentionne également le chiffre d'affaires et le résultat de la société Point S France pour les années 2002 à 2011, l'évolution du nombre de centres jusqu'en 2013, mais encore les entrées/sorties d'adhérents en 2013 avec la précision du motif de sortie (liquidations judiciaires et résiliations). Il comporte aussi en annexe la liste des adhérents au réseau.
En revanche, s'agissant de la 'présentation de l'état général et local du marché', il convient d'observer que les renseignements figurant dans le DIP sont particulièrement succincts et indigents. Ainsi, la présentation de l'état du marché local est la suivante : 'Les zones de chalandise du lieu d'implantation ont été déterminées par un logiciel cartographique spécialisé dans ce type d'approche, dénommé K Analyse', ce qui ne donne aucune information sur le marché local. Il est ajouté que 'la zone d'exclusivité territoriale est présentée dans le Contrat Adhérent', lequel est joint en annexe, et s'agissant de la zone de chalandise du projet, un tableau présente le nombre d'immatriculations et la population totale pour trois zones (la zone 5 minutes, la zone 10 minutes et la zone 15 minutes), avec la précision portée sous le tableau : 'Source INSEE 2009', de sorte que ces informations n'apparaissent pas pertinentes au vu de leur ancienneté.
Quant aux perspectives de développement, le DIP indique, de façon très générale : '1 700 000 pneumatiques Tourisme, 4x4 et Camionnettes ont été vendus dans le réseau Point S, avec une perspective de développement du nombre d'Adhérents permettant l'accroissement de ces volumes.' Aucune information n'est donnée sur les perspectives de développement du marché local, au regard du projet d'adhésion de la société NES Auto.
Le DIP s'avère ainsi tout à fait insuffisant pour permettre à l'adhérent de s'engager en connaissance de cause, comme l'exige l'article L. 330-3 précité.
A cette insuffisance s'ajoute le fait que la société Point S a fourni aux candidats M. [P] et Mme [J] des 'données estimatives' pour un centre auto de 'type B' dont le chiffre d'affaires était évalué à 1.125.000 euros HT correspondant à 225.000 euros pour la partie vente et 900.000 euros pour la partie atelier (pièce 2.2 de NES Auto).
Pourtant, ces chiffres n'ont jamais pu être atteints par la société NES Auto, à laquelle il n'est pas reproché de faute de gestion, et dont le chiffre d'affaires au 31 décembre 2016 (pour la période de juillet 2015 à décembre 2016 soit dix-huit mois) était de 445.757 euros pour un résultat net comptable déficitaire de 118.653 euros, et au 31 décembre 2017 de 342.364 euros pour un résultat déficitaire de 51.147 euros, avant que la société ne soit placée en redressement judiciaire par jugement du 25 janvier 2018.
De plus, alors même que dès novembre 2014, la société Point S avait validé les locaux choisis par l'adhérent (pièce n° 1 de Point S), tant au titre de son emplacement qu'au titre de sa superficie, elle indiquait en octobre 2017, à la suite d'une visite effectuée dans le centre auto exploité par la société NES Auto : 'penser à déménager son site afin d'être plus visible et de réduire les charges fixes'.
En outre, le mandataire judiciaire a mentionné dans son 'Etat des réponses à la consultation des créanciers', qu'un espace de vente avait été édifié pour les accessoires automobiles dès le début de l'activité (250 m²) mais que cette activité ne générait pas de chiffre d'affaires, seule l'activité de garage fonctionnant. Il ajoutait : 'Le loyer du commerce est bien trop élevé car il n'est supporté que par l'activité « garage »'.
Cette inadaptation du local est encore confirmée par le diagnostic financier en date du 28 octobre 2019 qui rappelle que la surface exploitée par la société NES Auto était de 600 m² dont 350 m² affectés à l'activité de garage et 250 m² à l'activité de boutique. Ce rapport établit que l'activité garage était parfaitement viable mais que l'activité boutique présentait un fort déficit à l'origine des difficultés d'exploitation et de trésorerie de la société NES Auto.
Il résulte de ceci, que la société Point S n'a pas délivré à la société NES Auto les informations exigées pour le DIP mais s'est bornée à donner des éléments généraux ou non actuels, sans indiquer en quoi il serait concrètement possible pour la société NES Auto de développer un centre auto Point S dans le local choisi et sur le secteur géographique considéré, et en lui délivrant une information manifestement trop optimiste quant aux perspectives de chiffre d'affaires. Or, ces éléments étaient déterminants du consentement de l'adhérent et portaient sur une qualité substantielle du contrat envisagé, tenant à la possibilité d'assurer une exploitation bénéficiaire ou à tout le moins équilibrée. L'erreur ainsi commise sur la rentabilité du concept est, en outre, excusable dès lors que M. [P] et Mme [J] ne justifiaient d'aucune expérience dans le milieu du pneumatique et de l'entretien automobile, ayant auparavant exploité un magasin de chaussures sous forme de 'gérance-mandat'. Le vice du consentement étant ainsi retenu, il entraîne la nullité du contrat.
Le liquidateur judiciaire rappelle, dans ses écritures, que l'annulation du contrat donne lieu à restitution des sommes versées, sans préjudice des dommages-intérêts supplémentaires tendant à couvrir l'entier préjudice. Il rappelle également que l'indemnisation peut porter sur les bénéfices prévisionnels, ou sur le préjudice moral, ou encore correspondre à une perte de chance de mieux investir ses fonds, pour solliciter in fine le versement d'une somme correspondant au montant du passif de la société NES Auto, 'soit 350.000 euros à parfaire'.
Il est exact que le préjudice résultant du manquement à une obligation précontractuelle d'information est constitué par la perte de chance de ne pas contracter ou de contracter à des conditions plus avantageuses.
En l'espèce, au vu des éléments produits aux débats, et notamment du diagnostic financier ainsi que de l''état des réponses à la consultation des créanciers' établi par le mandataire judiciaire le 4 janvier 2019, la cour est en mesure d'évaluer le préjudice de la société NES Auto à la somme de 70.000 euros. La société Point S sera donc condamnée à payer cette somme au liquidateur judiciaire.
Sur les préjudices subis par M. [P] et Mme [J]
La Selarl Fides, ès qualités, M. [P] et Mme [J], font valoir que :
- on ne peut leur reprocher l'exploitation déficitaire alors que le tribunal de commerce avait renouvelé à plusieurs reprises la période d'observation, estimant que la situation n'était pas irrémédiablement compromise,
- selon la jurisprudence, le gérant d'une société franchisée peut agir afin d'être indemnisé des préjudices subis personnellement du fait de la nullité ; leur action est donc recevable,
- bien que tiers au contrat de franchise, ils peuvent invoquer le principe jurisprudentiel selon lequel le tiers à un contrat peut invoquer, sur le fondement de la responsabilité délictuelle, un manquement contractuel dès lors que ce manquement lui a causé un dommage ; le tiers n'a pas à prouver une faute distincte de l'inexécution contractuelle ; l'action ne tend pas à réclamer indirectement le bénéfice du contrat mais à faire valoir que l'inexécution leur a été dommageable,
- M. [P] et Mme [J] ont subi des préjudices liés aux fautes commises par la société Point S, savoir la perte des apports en compte-courant, la perte de rémunération sur trois ans, la perte de chance de mieux investir leur argent et leur temps, et la perte de temps liée à la gestion du contentieux ; de plus, ils sont désormais poursuivis par la société Banque Populaire en paiement de leurs engagements de caution des engagements de la société Nes Auto, la banque ayant interjeté appel du jugement du tribunal de commerce de Lorient sur ce point ; en conséquence, chacun sollicite la somme globale de 200.000 euros.
La société Point S réplique que :
- selon la jurisprudence, la faute de la victime exonère la responsabilité du franchiseur ; M. [P] a manqué à son obligation d'information ; Mme [J] l'a accompagné dans ses démarches ; ils ont délibérément poursuivi l'activité déficitaire en réinjectant des fonds propres et en souscrivant des prêts personnels plutôt que de demander une procédure de sauvegarde,
- l'engagement de caution de M. [P] et Mme [J] doit être assumé en tant que professionnels aguerris ; ils ont déjà été indemnisés par le tribunal de commerce de Lorient au titre des manquements de la société Banque Populaire ; les appelants ne justifient d'aucun lien direct entre ses actes et leur engagement de caution ; la concluante n'a commis aucune faute contractuelle,
- le groupe Point S et elle-même ont subi des pertes dans la liquidation de la société Nes Auto, démontrant qu'elle ne se désintéressait pas de la situation,
- elle a apporté son aide à la société Nes Auto, en cherchant un équilibre avec la solidarité et pérennité du réseau,
- M. [P] et Mme [J] ont agi au mépris de la solidarité inhérente au réseau ; l'entêtement à poursuivre une activité déficitaire irrémédiablement compromise constitue une faute de gestion ; le passif déclaré résulte de leur gestion d'ensemble, donc de leur responsabilité, et non de celle de la société Point S.
Sur ce,
En application de l'article 1382 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, applicable au litige, le tiers à un contrat peut invoquer, sur le fondement de la responsabilité délictuelle, un manquement contractuel dès lors que ce manquement lui a causé un dommage.
Il est établi que M. [P] et Mme [J] ont procédé à des apports, tant lors de la création de la société NES Auto qu'au cours de son existence afin de tenter de remédier aux difficultés de celle-ci. Ils subissent donc une perte de chance de récupérer leur créance d'apport en compte courant et d'avoir pu mieux investir leur argent. En l'absence d'éléments quant à la liquidation judiciaire de la société et à leurs perspectives de recouvrement, mais également compte tenu des autres préjudices dont ils font état, il convient d'évaluer l'indemnisation de l'ensemble de ces préjudices à la somme globale de 30.000 euros chacun. La société Point S sera donc condamnée à leur payer chacun cette somme.
Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile
La société Point S succombant à l'instance, elle sera condamnée aux dépens.
En application de l'article 700 du code de procédure civile, la société Point S sera condamnée à payer à M. [P] et Mme [J] la somme globale de 4.000 euros.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement et contradictoirement,
Infirme le jugement déféré ;
Statuant à nouveau et y ajoutant,
Dit que le contrat de réseau conclu entre la société Point S France et la société NES Auto constitue un contrat de franchise ;
Prononce la nullité du contrat de réseau Point S conclu le 15 janvier 2015 entre la société Point S France et la société NES Auto, et de ses avenants ;
Condamne la société Point S France à payer à la société Fidès, prise en la personne de Maître [H], en sa qualité de liquidateur judiciaire de la société NES Auto, la somme de 70.000 euros à titre de dommages-intérêts ;
Condamne la société Point S France à payer à M. [P] et à Mme [J] la somme de 30.000 euros chacun, à titre de dommages-intérêts ;
Condamne la société Point S France aux dépens de première instance et d'appel ;
Condamne la société Point S France à payer à M. [P] et Mme [J] la somme globale de 4.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
La greffière La présidente