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Décisions

CA Aix-en-Provence, ch. 3-4, 2 octobre 2025, n° 21/14982

AIX-EN-PROVENCE

Arrêt

Autre

CA Aix-en-Provence n° 21/14982

2 octobre 2025

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 3-4

ARRÊT AU FOND

DU 02 OCTOBRE 2025

Rôle N° RG 21/14982 - N° Portalis DBVB-V-B7F-BIIZL

[W] [I]

C/

S.C.I. [I]-CHANTECLERC

Copie exécutoire délivrée

le : 2 Octobre 2025

à :

Me Laure LAYDEVANT

Décision déférée à la Cour :

Jugement du TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP d'[Localité 4] en date du 11 Décembre 2020 enregistré au répertoire général sous le n°17/6354 .

APPELANT

Monsieur [W] [I]

(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2021/005079 du 01/10/2021 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de [Localité 4])

né le [Date naissance 1] 1954 à [Localité 3] (13), demeurant [Adresse 2]

représenté par Me Laure LAYDEVANT, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

INTIMEE

S.C.I. [I]-CHANTECLERC

, demeurant [Adresse 5]

défaillante

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 804, 806 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 17 Juin 2025 en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant :

Madame Anne-Laurence CHALBOS, Président Rapporteur,

et Madame Gaëlle MARTIN, conseiller- rapporteur,

chargés du rapport qui en ont rendu compte dans le délibéré de la cour composée de :

Madame Anne-Laurence CHALBOS, Présidente

Madame Laetitia VIGNON, Conseillère

Madame Gaëlle MARTIN, Conseillère

Greffier lors des débats : Monsieur Achille TAMPREAU.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 02 Octobre 2025.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 02 Octobre 2025.

Signé par Madame Anne-Laurence CHALBOS, Présidente et Monsieur Achille TAMPREAU, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

FAITS ET PROCÉDURE

M. [K] [I] et Mme [S] [I], née [P], époux et parents de onze enfants, parmi lesquels M. [W] [E] [I], ont procédé à la constitution de trois sociétés familiales dans le cadre de l'exploitation d'un camping dénommé '[6]' :

- par acte sous seing privé enregistré le 28 juin 1977, la [Adresse 7] (SGACC), société commerciale d'exploitation,

- par acte notarié en date du 22 janvier 1980, la société civile immobilière [I]-Chanteclerc,

- par acte sous seing privé en date du 24 février 1995, la société civile immobilière Chanteclerc.

Les deux sociétés civiles immobilières sont propriétaires des terrains donnés à bail et exploités par la SARL SGACC.

Mme [S] [I] et M. [K] [I] sont décédés respectivement en 2000 et 2001.

M. [W] [E] [I] est membre de l'indivision successorale [K] et [S] [I], propriétaire de 219 parts de la SCI [I]-Chanteclerc.

Par ordonnance du 3 mars 2017, le président du tribunal de grande instance d'Aix-en-Provence a désigné Maître [X] en qualité d'administrateur ad hoc pour représenter l'indivision lors de la prochaine assemblée générale extraordinaire des SCI Chanteclerc et [I]-Chanteclerc portant à l'ordre du jour la vente de terrains appartenant auxdites sociétés.

Lors des assemblées générales extraordinaires réunies le 11 juillet 2017 par les deux SCI, il a été retenu l'offre d'acquisition présentée par la société SERPI pour les terrains mis en vente.

Par acte d'huissier du 20 novembre 2017, M. [W] [E] [I] a assigné la SCI [I]-Chanteclerc devant le tribunal judiciaire d'Aix-en-Provence, sollicitant l'annulation de l'assemblée générale du 11 juillet 2017 et de l'ensemble des résolutions adoptées, outre la condamnation de la SCI au paiement de la somme de 1500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.

La SCI [I]-Chanteclerc a soulevé une exception de nullité de l'assignation et conclu au fond au rejet des demandes de M. [I] et à sa condamnation à dommages et intérêts et amende civile pour procédure abusive.

Par jugement du 11 décembre 2020, le tribunal judiciaire d'Aix-en-Provence a statué comme suit :

- Rejette l'exception de nullité de l'assignation ;

- Déboute M. [W] [E] [I] de l'ensemble de ses demandes ;

- Déboute la SCI [I] Chanteclerc de ses demandes reconventionnelles sur le fondement de l'article 32-1 du code de procédure civile ;

- Condamne M. [W] [E] [I] à payer à la SCI [I] Chanteclerc la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

- Condamne M. [W] [E] [I] aux dépens.

Pour statuer ainsi, le tribunal judiciaire a retenu :

- sur l'exception de nullité de l'assignation pour vice de forme, que la SCI, ayant elle-même produit la convocation adressée à M. [I] à son domicile, ne justifiait d'aucun grief résultant de la mention d'une simple boîte postale au lieu de l'adresse personnelle du demandeur sur l'assignation,

- sur la nullité de la convocation de M. [I] à l'assemblée générale du 11 juillet 2017, qu'en application des articles 1844 alinéa 1er et 1844-10 alinéa 3 du code civil, les modalités de convocation des associés aux assemblées générales sont prescrites à peine de nullité à charge pour l'associé de démontrer un grief, ; que M. [I] a reçu le 4 juillet 2017 la convocation à l'AGE du 11 juillet 2017 comportant l'ordre du jour et précisant que le texte des résolution et les documents nécessaires étaient à disposition au siège social ; que M. [I] a adressé le 10 juillet 2017 un mail indiquant qu'il ne pourrait être présent et manifestant son désaccord sur les points fixés à l'ordre du jour, qu'il était ainsi informé de la situation et ne démontrait pas que le court délai de convocation lui avait causé un grief,

- sur la nullité alléguée de la désignation de Maître [X] en qualité d'administrateur ad hoc, que M. [I], qui ne pouvait prétendre ignorer cette désignation, sa connaissance résultant du courriel de son conseil adressé à Maître [X], ainsi que d'une attestation établie le 5 février 2018 par ce dernier, ne pouvait en contester la validité faute d'en avoir référé au juge qui avait rendu l'ordonnance et avait compétence exclusive pour statuer ; que Maître [X] avait donc valablement représenté l'indivision lors de l'assemblée générale du 11 juillet 2017,

- s'agissant de la demande en dommages et intérêts pour procédure abusive formée par la défenderesse, que l'abus du droit d'agir en justice n'était pas établi.

Par déclaration du 21 octobre 2021, M. [W] [E] [I] a interjeté appel de cette décision.

Par conclusions déposées et notifiées le 18 janvier 2022, M. [W] [E] [I] demande à la cour, vu les articles 1844 et 1844-10 du code civil, de :

- Déclarer recevable et bien fondé l'appel interjeté par M. [I] le 21 octobre 2021.

- Réformer le jugement dont appel en ce qu'il a : - débouté M. [I] de sa demande d'annulation de sa convocation à l'assemblée générale du 11 juillet 2017 et de l'assemblée générale du 11 juillet 2017,

- condamné M. [I] à la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

Et statuer à nouveau :

- Juger que le délai de convocation de M. [I] à l'assemblée générale du 11 juillet 2017 était inférieur à 15 jours,

- Juger que le mandat de Maître [X] pour représenter l'indivision [K] et [S] [I] était irrégulier,

- Prononcer la nullité de l'assemblée générale extraordinaire en date du 11 juillet 2017 et de l'ensemble des résolutions adoptées,

- Condamner la société [I]-Chanteclerc au paiement de 1500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

La SCI [I]-Chanteclerc, citée par dépôt de l'acte à l'étude, n'a pas constitué avocat.

L'instruction du dossier a été clôturée par une ordonnance du 27 mai 2025.

MOTIFS

M. [I] a produit l'acte de signification du jugement dont appel, délivré le 10 février 2021, et la décision du bureau d'aide juridictionnelle rendue le 1er octobre 2021 sur une demande présentée le 1er mars 2021.

Il en résulte que l'appel du 21 octobre 2021 est recevable pour avoir été formé dans le délai prévu par l'article 538 du code de procédure civile, interrompu par la demande d'aide juridictionnelle.

La SCI [I]-Chanteclerc, n'ayant pas constitué avocat en appel, la cour doit examiner les prétentions et moyens de l'appelant en considération des motifs retenus par les premiers juges, conformément aux dispositions des articles 472 et 954 du code de procédure civile.

Sur la demande d'annulation fondée sur l'irrégularité de la convocation à l'assemblée générale du 11 juillet 2017

M. [I] fait valoir que la convocation à l'assemblée générale extraordinaire du 11 juillet 2017, reçue moins de quinze jours avant la tenue de celle-ci, est irrégulière au regard de l'article 40 du décret du 3 juillet 1978, qu'il n'a pu s'organiser pour être présent, étant convoqué à la même date en qualité de partie civile devant un juge d'instruction au tribunal de grande instance de Paris, et qu'il n'a pas disposé d'un temps suffisant pour faire une analyse des offres d'achat à la lumière du rapport d'expertise ; que l'irrégularité lui a causé un grief dès lors qu'il n'a pu participer à une réunion à une assemblée générale d'une importance capitale pour chacun des associés et indivisaires et faire valoir utilement son point de vue sur les résolutions annoncées.

Il résulte des dispositions de l'article 1844 du code civil que les indivisaires de droits sociaux ont la qualité d'associés et doivent à ce titre être convoqués aux assemblées générales pour exercer leur droit à participer aux décisions collectives en prenant part à la discussion préalable au vote, même si le droit de vote ne peut être exercé que par leur mandataire commun.

Aux termes de l'article 40 du décret n°78-704 du 3 juillet 2018, applicable aux SCI, les associés sont convoqués quinze jours au moins avant la réunion de l'assemblée, par lettre recommandée.

Il est de principe que la violation de cette règle peut être sanctionnée par la nullité des délibérations prises par l'assemblée générale irrégulièrement convoquée, à charge pour l'associé qui s'en prévaut de démontrer en avoir subi un grief.

Le jugement mentionne comme fait constant que M. [I] a reçu le 4 juillet 2017 la convocation à l'assemblée générale extraordinaire de la SCI [I]-Chanteclerc pour le 11 juillet 2017, soit 6 jours avant la date de la réunion.

M. [I] produit la convocation qui lui a été adressée le 15 mai 2017 par un juge d'instruction du tribunal de grande instance de Paris pour une audition fixée le 11 juillet 2017 à 14 heures.

Il s'en déduit que même s'il avait été convoqué régulièrement 15 jours à l'avance, M. [I] n'aurait pas pu se présenter à l'assemblée générale du 11 juillet 2017 du fait de cette convocation à partie civile, de sorte que le grief tiré de l'impossibilité de s'organiser pour être présent et pouvoir prendre part à la discussion préalable au vote n'apparaît pas pertinent.

L'appelant verse aux débats le mail qui lui a été adressé le 6 juillet 2017 par Maître [X] dans ces termes :

'Je fais suite à votre mail et votre appel téléphonique de ce matin.

Sachez que je me suis opposé à la tenue de la dernière AG en l'état de votre absence justifiée (à juste titre) par l'absence du rapport [F], expert foncier.

Par contre ça sera difficile à mon sens de reporter une nouvelle fois cette AG.

Faites votre maximum pour venir il s'agit d'une vente à presque 15M d'euros même si je comprends les obligations de tous.'

M. [I] produit également le courriel adressé le 10 juillet 2017 à Maître [X] par son conseil, aux termes duquel ce dernier informe le mandataire qu'il ne pourra être présent lors de l'assemblée générale et développe divers arguments faisant obstacle à ce que l'assemblée générale valide le compromis et en particulier :

- le fait que l'assemblée générale soit susceptible d'annulation comme n'ayant pas été convoqué dans les délais légaux,

- le fait que le rapport de M. [F], daté du 23 juin, non circularisé mais envoyé avec la convocation de l'assemblée générale datée du 26 juin, et reçu le 1er juillet, indique que le prix offert est avantageux pour 12700 m² de SDP mais précise que cette SDP est un maximum, alors que le rapport établi par une autre société, CAP 21, consultée pour avis, est beaucoup plus restrictif sur la SDP possible,

- le fait que les offres faites soient toutes sous conditions suspensives de la réalisation possible de cette surface et prévoient une révision de prix dans l'hypothèse d'une réduction de SDP, que ces offres ne soient pas sérieuses puisque révisables à la baisse, bloquant toute autre opportunité de vente, peut-être à un prix inférieur mais sans condition suspensive liée à la surface constructible.

Le rapport de la gérance joint à la convocation de l'assemblée générale extraordinaire du 11 juillet 2017 rappelle par ailleurs qu'une AGE convoquée précédemment pour le 19 juin 2017 n'a pas pu se tenir à la demande de Maître [X], M. [F], expert immobilier près la cour d'appel d'Aix-en-Provence n'ayant pu établir à cette date son rapport concernant l'offre de la société SERPI, qui avait été adressée à chaque associé par courrier du 14 décembre 2016.

Il ressort de ces échanges et pièces que M. [I] et son conseil, informés de la teneur de l'offre de la société SERPI depuis plusieurs mois, et de la convocation d'une précédente AG sur le même sujet, reportée à la demande du mandataire, ont disposé, comme les autres associés et le mandataire, du temps nécessaire pour prendre connaissance du rapport de M. [F] reçu le 1er juillet 2017, soumettre les conclusions de l'expert à un autre cabinet d'expertise mandaté par eux, et formuler auprès de Maître [X] un argumentaire circonstancié pour faire valoir la position de M. [I].

C'est en conséquence à juste titre et par des motifs que la cour adopte, que les premiers juges ont considéré que le non-respect du délai de 15 jours prévu par l'article 40 du décret n°78-704 du 3 juillet 2018, n'avait pas causé de grief à M. [I].

Sur la demande d'annulation fondée sur l'irrégularité du mandat de représentation de Maître [X] :

M. [I] soutient que l'ordonnance sur requête du 3 mars 2017, désignant Maître [X] pour représenter l'indivision lors de l'assemblée générale extraordinaire de la SCI [I]-Chanteclerc appelée à se prononcer sur l'offre de la société SERPI, rendue sans débat sans justification de circonstances particulières permettant de déroger à la procédure contradictoire, est irrégulière au regard de l'article 493 du code de procédure civile, de sorte que Me [X] ne disposait pas d'un mandat valable pour représenter l'indivision lors de l'assemblée du 11 juillet 2017 qui doit en conséquence être annulée.

C'est cependant par des motifs pertinents que la cour adopte que les premiers juges ont rejeté la demande d'annulation fondée sur ce moyen, relevant :

- que M. [I] ne pouvait prétendre ignorer cette désignation, sa connaissance résultant notamment des échanges de courriels versés aux débats, ainsi que d'une attestation établie le 5 février 2018 par Maître [X] indiquant que lors des rendez-vous organisés à sa demande, M. [I] était présent et n'avait jamais contesté sa désignation en tant qu'administrateur ad hoc,

- qu'il ne pouvait dès lors contester la validité de cette désignation faute d'en avoir référé au juge qui avait rendu l'ordonnance et avait compétence exclusive pour statuer conformément aux dispositions de l'article 496 du code de procédure civile, ce référé-rétractation n'étant enfermé dans aucun délai.

Le jugement sera en conséquence confirmé en toutes ses dispositions soumises à la cour.

Partie succombante, M. [I] sera débouté de sa demande fondée sur les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et condamné aux dépens.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, par mise à disposition au greffe, par défaut,

Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions soumises à la cour,

Déboute M. [W] [E] [I] de ses demandes,

Le condamne aux dépens.

Le Greffier, La Présidente,

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