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Décisions

CA Paris, Pôle 6 - ch. 9, 2 octobre 2025, n° 22/08497

PARIS

Arrêt

Autre

CA Paris n° 22/08497

2 octobre 2025

Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 9

ARRET DU 02 OCTOBRE 2025

(n° , 9 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 22/08497 - N° Portalis 35L7-V-B7G-CGOXI

Décision déférée à la Cour : Jugement du 12 Septembre 2022 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire d'AUXERRE - RG n° F 21/00088

APPELANT

Monsieur [J] [K]

[Adresse 5]

[Localité 3]

Représenté par Me Marie-Gabrielle DUVAL, avocat au barreau D'AUBE

INTIMEE

Société DUBOST RESEAUX TRAVAUX PUBLICS (DRTP)

[Adresse 1]

[Adresse 4]

[Localité 2]

Représentée par Me Vincent RIBAUT, avocat au barreau de PARIS, toque : L0010

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 07 Juillet 2025, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Florence MARGUERITE, présidente de chambre chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :

Madame Florence MARGUERITE, présidente de chambre

Monsieur Fabrice MORILLO, conseiller

Madame Nelly CHRETIENNOT, conseillère

Greffier, lors des débats : Madame Marika WOHLSCHIES

ARRET :

- contradictoire,

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,

- signé par Madame Florence MARGUERITE, présidente de chambre et par Madame Marika WOHLSCHIES, greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

RAPPEL DES FAITS ET DE LA PROCEDURE

M. [K] a été engagé par la société Dubost réseau travaux publics (DRTP) par contrat à durée indéterminée à compter du 21 août 2007, en qualité de comptable.

Le 1er août 2008, il accédait à la qualité de cadre.

En dernier lieu, depuis le 1er juillet 2015, il exerçait les fonctions de directeur administratif et financier.

Depuis le 12 juin 2009, il avait la qualité d'associé de la société.

La relation de travail était soumise à la convention collective des cadres des travaux publics.

La société employait plus de 11 salariés.

M. [X] était embauché le 04 juillet 2017 en qualité de Directeur adjoint, et succédait à M. [I] en qualité de Président Directeur général en suite de l'assemblée générale en juin 2018.

Le 21 février 2020, le conseil d'administration souhaitait destituer M. [X]. En raison du conflit entre les administrateurs, Maître [G] était désigné en qualité d'administrateur provisoire, par jugement du tribunal de commerce du 4 mars 2020.

M. [K] a été placé en arrêt de travail pour maladie du 9 janvier au 23 janvier 2020, du 19 février au 15 mars 2020 puis à partir du 21 juillet 2020.

Par lettre du 15 décembre 2020, M. [K] était mis à pied à titre conservatoire et convoqué pour le 14 janvier 2021 à un entretien préalable à son licenciement, lequel lui a été notifié le 21 janvier 2021 pour faute grave.

Le 26 mai 2021, M. [K] a saisi le conseil de prud'hommes d'Auxerre et formé des demandes afférentes à un licenciement nul ou sans cause réelle et sérieuse, ainsi qu'à l'exécution de son contrat de travail.

Par jugement du 12 septembre 2022, le conseil de prud'hommes d'Auxerre a :

- dit qu'il n'y a pas eu de violation de l'obligation de sécurité,

- dit que le licenciement pour faute grave de M. [K] est justifié,

- condamné la société DRTP à payer à M. [K] la somme de 24 998,34 euros aux titres des participations et intérêts restant dus,

- dit qu'il n'y a pas lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile,

- débouté M. [K] de toute autre demande,

- condamné la société DRTP aux dépens.

Par déclaration adressée au greffe le 6 octobre 2022, M. [K] a interjeté appel du jugement en visant expressément les dispositions critiquées.

La société DRTP a constitué avocat le 11 septembre 2023.

Par ordonnance du 12 décembre 2023, le conseiller de la mise en état de la chambre 6-1 de la cour d'appel de Paris a déclaré irrecevables les conclusions et pièces de la société DRTP.

L'ordonnance de clôture a été prononcée le 18 juin 2025.

PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Vu les dernières conclusions transmises par voie électronique le 3 juin 2025, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des moyens et prétentions conformément à l'article 455 du code de procédure civile et aux termes desquelles M. [K] demande à la cour de :

- INFIRMER la décision dont appel en ce qu'elle a jugé que M. [K] n'était pas victime de harcèlement moral, que la société DRTP n'avait pas violé son obligation de sécurité, ni son obligation d'exécution loyale du contrat et que le licenciement de M. [K] n'était pas nul et justifié par une faute grave ;

En conséquence,

- JUGER que M. [K] a été victime de harcèlement moral et, statuant à nouveau, CONDAMNER la société DRTP à verser à M. [K] la somme de 48 342 euros à titre de dommages et intérêts ;

- JUGER que la société D.R.T.P. a manifestement violé son obligation de sécurité et, statuant à nouveau CONDAMNER la société DRTP à verser à M. [K] la somme de 48 342 euros à titre de dommages-intérêts ;

- JUGER que la société DRTP a violé son obligation de loyauté dans l'exécution du contrat de travail de M. [K] et, statuant à nouveau, CONDAMNER la société DRTP à verser à M. [K] la somme de 24 171 euros à titre de dommages-intérêts ;

- JUGER le licenciement du 21 janvier 2021 nul et en tout état de cause dépourvu de cause réelle et sérieuse et, statuant à nouveau,

- CONDAMNER la société DRTP à verser à M. [K] les sommes suivantes :

o Indemnité compensatrice de préavis : 24 171 euros bruts et 2 417,10 euros bruts au titre des congés payés y afférents ;

o Indemnité conventionnelle de licenciement : 41 896,40 euros ;

o Dommages-intérêts pour licenciement nul et en tout état de cause dépourvu de cause réelle et sérieuse : 145 026 euros ;

o Dommages-intérêts pour licenciement vexatoire : 24 171 euros ;

o Remettre à M. [K] ses documents de fin de contrat rectifiés (attestation POLE EMPLOI, solde de tout compte et bulletin de salaire correspondant) sous astreinte de 50 euros par document et par jour de retard ;

- CONFIRMER la décision dont appel en ce qu'elle a condamné la société DRTP à verser à M. [K] la somme de 24 998,34 euros bruts correspondant aux participations de 2017 à 2019 incluses ;

- INFIRMER la décision dont appel en ce qu'elle a débouté M. [K] de toute autre demande ;

- CONDAMNER la société DRTP à payer à M. [K] des intérêts contractuels de 6% sur les participations dues pour l'année 2021 arrêtés au 31 décembre 2021 et, à compter du 1er juin 2021, du taux d'intérêt de retard légal majoré de 3,53 %, appliqué sur la totalité des sommes dues et jusqu'au 23 février 2023 ;

- CONDAMNER la société DRTP à verser à M. [K] 4 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens d'appel et aux éventuels frais d'exécution forcée de la décision à intervenir.

Au soutien de ses prétentions, l'appelant fait valoir que :

- M. [X] a été engagé en qualité de directeur adjoint en juillet 2017 et a succédé à M. [I] en qualité de PDG en juin 2018, ce qui entraînait une guerre des clans dans la société.

- Le 21 février 2020, se tenait un conseil d'administration dont l'objet était de destituer M. [X] et de rétablir M. [I], ce qui a conduit à la désignation de Maître [G] en qualité d'administrateur provisoire, par décision de justice du 4 mars 2020.

- M. [X] adoptait à son encontre un comportement agressif et suspicieux et le mettait à l'écart ; il ne pouvait plus prendre de décision et se voyait imposer du personnel ; les attestations qu'il produit confirment ce mode opératoire.

- Le 15 juillet 2020, il était lynché par M. [H] lors d'une réunion.

- Il a subi des conséquences médicales dès mars 2019.

- Le 30 septembre 2020 lors d'une visite de pré-reprise, le médecin du travail faisait état d'un risque de souffrance professionnelle.

- La société ne maintenait pas son salaire pendant l'arrêt maladie et il faisait l'objet de courriers sarcastiques.

- La société a retenu jusqu'au solde de tout compte les indemnités de prévoyance et IJSS.

- Le 22 novembre 2020, la société envoyait un huissier procéder à une fouille de son ordinateur et téléphone personnel.

- L'employeur venait récupérer les effets professionnels le 24 décembre 2020.

- Le nombre de démissions, d'arrêts maladie pour dépressions et de licenciement fallacieux depuis la fin de l'année 2019 dans la société a augmenté ; il a travaillé pendant ses arrêts maladie ; le médecin du travail a fait une alerte ; la société n'a jamais pris de mesures face à ces évènements.

- L'employeur a agi de façon déloyale en retenant le salaire dû pendant l'arrêt maladie et en ne reversant pas les IJSS, en ne sollicitant pas la CPAM, en ne répondant pas à la demande de rupture conventionnelle, en faisant traîner la procédure de licenciement, en mettant quatre semaines à adresser les documents de fin de contrat, en n'adressant pas le certificat de la caisse de congés payés.

- Le licenciement de M. [K] du 21 janvier 2021 n'est que l'aboutissement du harcèlement dont il a été victime.

- M. [K] n'a jamais eu la qualité de cadre dirigeant : il restait soumis à l'horaire collectif, n'était pas administrateur et n'était pas classé au niveau le plus haut de la convention collective.

- La plainte du 28 janvier 2021 ne vise que M. [R] et absolument pas M. [K] qui n'est aucunement concerné, tandis que le PV de constat du 4 novembre 2020 n'établit strictement rien et ne " démasque " absolument pas M. [K].

- Le grief de demande à la BPALC le 26 mai 2020 de lui fournir la cotation de la société est prescrit ; cette demande était nécessaire, il ne pouvait refuser la transmission à M. [I].

- Pour ce qui est des transmissions des 17 juin et 8 juin 2020, Me [G] avait expressément donné son accord à M. [K] par mail du 05 juin 2020 ; le grief est prescrit ; le courrier du 4 juin 2020 n'est pas produit.

- C'est la querelle de gouvernance qui a induit une procédure d'alerte du commissaire aux comptes et non un bilan erroné de se part ; l'attestation d'[N] audit est partisane.

- Il n'avait plus accès aux données pour la liasse fiscale.

- Il a réinitialisé le téléphone parce que ce téléphone contenait une importante quantité de données personnelles (photos et contacts et sms personnels notamment) qu'il ne voulait pas voir partagées par la direction de D.R.T.P.

- Il justifie d'un préjudice important.

- M. [K] a été licencié le 21 janvier 2021 en sorte qu'il était en droit de disposer du versement immédiat de ses participations aux bénéficies pour les années 2016 à 2019 incluses ; il a été obligé de recouvrer la somme fixée par le jugement par exécution forcée ; il a droit aux intérêts contractuels.

La société DRTP n'ayant pas conclu dans les délais prévus, elle est réputée s'approprier les motifs du jugement rendu le 12 septembre 2022 par le conseil de prud'hommes d'Auxerre en application de l'article 954 in fine du code de procédure civile.

MOTIFS

Sur les demandes au titre d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse

La lettre de licenciement du 21 janvier 2021 retient les griefs suivants à l'encontre de M. [K] dans le cadre de la mise en place d'une organisation entre M. [I], ancien PDG, et des cadres de l'entreprise, dont M. [K], afin d'entraver le fonctionnement de l'entreprise et le rôle du mandataire judiciaire :

- d'avoir demandé le 26 mai 2020 à la banque populaire la cotation de la société auprès de la Banque de France et d'avoir communiqué cette information à M. [I],

- d'avoir communiqué le 7 juillet 2020 à M. [I] deux arrêts maladie concernant M. [X] et, le 22 mai 2020, le contrat de travail de M. [X],

- d'avoir communiqué le 17 juin 2020 à M. [I] le grand livre des comptes 2020,

- d'avoir transmis le 8 juin 2020 la liste des encours au 31 décembre 2019,

- d'avoir, alors qu'une procédure d'alerte avait été engagée le 2 juin 2020, établi et communiqué au commissaire aux comptes un budget alarmant fallacieux car il n'incluait aucune recette et que l'administrateur provisoire a dû demander une expertise comptable,

- de ne pas avoir déposé la liasse fiscale de l'exercice 2019 à la date limite du 30 juin 2020,

- d'avoir réinitialisé son téléphone professionnel le 23 novembre 2020 et modifié les mots de passe des adresses mails faisant obstruction à la mesure de constat ordonnée par le président du tribunal de commerce d'Auxerre.

Sur les premiers griefs, M. [K] ne conteste pas utilement les motifs du jugement qui constatent que la société DRTP n'a eu connaissance des courriels adressés par M. [K] qu'à réception du constat d'huissier du 4 novembre 2020.

Sur le premier grief, M. [K] affirme qu'il avait le droit dans ses attributions de directeur administratif et financier de demander la cotation de la société. Il affirme que, comme M. [I] apparaissait comme PDG sur le Kbis de l'époque, il ne pouvait refuser la transmission. Il soutient qu'il en est de même des documents relatifs à M. [X].

Toutefois, il est évident que M. [K] en tant que directeur administratif et financier était au courant de la nomination d'un administrateur ad hoc en raison de conflits entre les dirigeants et il aurait dû s'abstenir de toute communication directe de documents internes.

Sur les communications du grand livre des comptes et d'un arrêt des comptes des cinq premiers mois 2020, M. [K] établit qu'il a obtenu l'accord de l'administrateur provisoire pour cette transmission à M. [I].

Il ressort toutefois du courriel de l'administrateur provisoire du 5 juin 2020 que ce dernier indiquait que les transmissions à M. [I] devaient être faites de manière identique à M. [X].

Sur le budget communiqué au commissaire aux comptes, M. [K] conteste que le budget non achevé, qu'il avait établi, ait été fallacieux et il critique l'indépendance du cabinet d'audit.

En l'absence de conclusions de l'employeur, le doute profite à M. [K] sur ce grief.

Sur l'absence de dépôt de la liasse fiscale, M. [K] expose que la période était perturbée par la pandémie, par les conflits entre administrateurs et qu'il n'avait plus accès aux données.

Mais, dès lors qu'un administrateur provisoire avait été nommé le 4 mars 2020, il appartenait à M. [K] de s'assurer avec lui du respect de cette obligation fiscale dont la date avait été reportée au 30 juin en raison de la crise sanitaire.

Sur la réinitialisation du téléphone portable constaté par PV d'huissier cité dans le jugement, M. [K] affirme que le téléphone contenait une importante quantité de données personnelles (photos et contacts et sms personnels notamment) qu'il ne voulait pas voir partagées par la direction de D.R.T.P.

Mais il appartenait à M. [K], ainsi d'ailleurs que le prévoit l'ordonnance, d'indiquer cet élément à l'huissier afin qu'aucune divulgation des données personnelles ne soit faite à l'employeur et non de supprimer l'intégralité du contenu.

Dès lors, le jugement sera confirmé en ce qu'il a jugé que la faute grave était caractérisée et en ce qu'il a débouté M. [K] de ses demandes au titre d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Sur les demandes au titre d'un harcèlement moral et de nullité du licenciement

Aux termes de l'article L.1152-1 du code du travail "Aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel."

En outre, l'article L.1154-1 du même code, dans sa version en vigueur depuis le 10 août 2016, dispose que :

"Lorsque survient un litige relatif à l'application des articles L.1152-1 à L.1152-3 et L.1153-1 à L.1153-4, le candidat à un emploi, à un stage ou à une période de formation en entreprise ou le salarié présente des éléments de fait laissant supposer l'existence d'un harcèlement.

Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles."

Il résulte de ces dispositions que, pour se prononcer sur l'existence d'un harcèlement moral, il appartient au juge d'examiner l'ensemble des éléments invoqués par le salarié, en prenant en compte les documents médicaux éventuellement produits, et d'apprécier si les faits matériellement établis, pris dans leur ensemble, permettent de présumer ou laissent supposer l'existence d'un harcèlement moral au sens de l'article L.1152-1 du code du travail. Dans l'affirmative, il revient au juge d'apprécier si l'employeur prouve que les agissements invoqués ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

Au soutien de ses prétentions, le salarié présente les faits suivants :

- Comportement agressif de M. [X],

- Perte de liberté de décision,

- Travail pendant les arrêts maladie de janvier à mars 2020,

- Agression verbale par M. [H] le 15 juillet 2020,

- Absence de maintien de salaire pendant l'arrêt maladie à l'automne 2020,

- Fouille de l'ordinateur et du téléphone par un huissier le 22 novembre 2020 suivie d'un licenciement infondé,

- Récupération des effets professionnels le 24 décembre 2020,

- Atteinte à sa santé.

Il produit les éléments suivants.

- Comportement agressif de M. [X]

M. [K] produit une attestation et la plainte pénale déposée par Mme [D]. Cette dernière dénonce un harcèlement moral sur sa personne. Elle évoque un climat détestable et conflictuel instauré par M. [X] en raison de l'existence de deux clans au sein des administrateurs.

S'agissant de M. [K], elle indique qu'il a assumé des grosses responsabilités malgré les agissements de M. [X] qui n'était pas toujours bienveillant.

Dans son audition devant les services de police, elle évoque deux autres salariées comme victimes de harcèlement moral mais pas M. [K]

Il produit aussi l'attestation de Mme [C] qui évoque également une pression et une agressivité de M. [X] et M. [H]. Comme Mme [D], cela l'a conduite à démissionner.

S'agissant de M. [K], elle indique qu'elle entendait des haussements de voix entre M. [K] et M. [X] et des portes qui claquaient.

Il produit deux attestations de Mme [V] qui fait état d'une dégradation des relations entre les salariés et l'équipe dirigeante. Elle indique que les agissements envers certains salariés, le harcèlement et le mépris ont conduit à de nombreux licenciements et démissions, dont la sienne.

S'il ressort de ces attestations que les salariés ont subi les conséquences du conflit entre deux clans dans les administrateurs et que M. [X] et son équipe ont provoqué une dégradation des relations interpersonnelles dans l'entreprise, aucun comportement précis envers M. [K] n'est explicité.

Ce fait n'est pas établi.

- Perte de liberté de décision

M. [K] dit qu'il était surveillé.

Il produit sur ce point l'attestation de Mme [C] indiquant que M. [K] n'était pas informé de son arrivée comme stagiaire en mars 2019.

Cet oubli en mars 2019 ne caractérise pas la perte de liberté de décision invoquée par M. [K].

- Travail pendant les arrêts maladie de janvier à mars 2020

M. [K] produit des courriels sur quatre jours attestant qu'il a effectué diverses tâches pendant ses arrêts maladie en lien avec sa subordonnée.

- Agression verbale par M. [H] le 15 juillet 2020

M. [K] ne produit aucune pièce relative à cette agression.

Ce fait n'est pas établi.

- Absence de maintien de salaire pendant l'arrêt maladie à l'automne 2020 et réponse sarcastique à sa demande

M. [K] soutient que son salaire devait être maintenu jusqu'au 21 octobre et non jusqu'au 7 octobre 2020 et il soutient que M. [X] a ironisé sur son arrêt maladie. Il verse un échange de courriels de novembre 2020 dans lequel effectivement M. [X] ironise sur l'existence d'un harcèlement envers M. [K].

M. [K] soutient qu'ensuite l'employeur a retardé le versement de sommes de la part de la prévoyance le privant de ressources à compter d'octobre 2020.

Il produit le courrier de l'employeur du 15 janvier 2021 reconnaissant finalement devoir la somme de 241, 44 euros pour le mois d'octobre et ne pas devoir régler des éléments de prévoyance pour des périodes de 2020 avec les courriers émanant de la société de prévoyance.

M. [K] produit son bulletin de salaire de janvier 2021 pour soutenir qu'il existait bien une somme due par la prévoyance qui lui a été versée.

Mais, d'une part, il n'est pas établi que la somme versée en janvier 2021 correspond à ce que M. [K] avait réclamé et il ne ressort pas d'une régularisation d'un montant de 241 euros que l'employeur avait volontairement retenu un maintien de salaire pendant un demi-mois.

Enfin, M. [K] soutient que l'employeur a négligé d'adresser le certificat à la caisse des congés payés du BTP.

L'échange de courriels établit que les formalités n'avaient pas été faites dans le mois suivant le licenciement.

- Fouille de son ordinateur et téléphone par un huissier le 22 novembre 2020 suivie du licenciement.

Il ressort des pièces produites que l'employeur a obtenu une ordonnance du tribunal de commerce d'Auxerre du 30 octobre 2020 afin de remise à un huissier de justice par M. [K] de son ordinateur et son téléphone.

- Récupération des effets professionnels le 24 décembre 2020

M. [K] soutient qu'un représentant de l'employeur est venu récupérer son matériel professionnel à son domicile le 24 décembre 2020.

- Atteinte à la santé

M. [K] établit avoir eu des problèmes de santé avec un diagnostic d'hypertension en mars 2019 et une pathologie rénale fin 2019 à mars 2020 ayant entraîné une opération.

Puis il a été arrêté en juillet 2020 pour syndrome anxiodépressif réactionnel.

Lors de la visite de de pré-reprise du 30 septembre 2020, le médecin du travail indiquait "Attention RPS et souffrance au travail. Risque de désinsertion professionnelle. Poste et

conditions de travail à voir, échanges avec l'employeur à prévoir ".

Dès lors, M. [K] établit qu'il a effectué certaines tâches pendant ses arrêts maladie de début 2020, que, début novembre 2020, l'employeur a sollicité de la justice une mesure d'instruction à son encontre avant de le licencier et de venir récupérer ses effets professionnels un 24 décembre et que M. [X] et l'administrateur judiciaire ont tenus des propos ironiques à son égard dans un échange de courriels en novembre 2020 et ont tardé à envoyer le certificat à la caisse des congés BTP.

Ces faits, pris dans leur ensemble, laissent présumer l'existence d'un harcèlement moral.

La mesure d'instruction a été accordée par une juridiction et la cour a retenu que la faute grave reprochée à M. [K] était fondée. Dès lors, ces faits sont justifiés.

L'envoi du certificat à la caisse des congés BTP a été régularisé.

Le 24 décembre constitue un jour ouvré.

Les seules circonstances que M. [K] ait travaillé depuis chez lui en lien avec sa subordonnée à quelques occasions début 2020 et que M. [X] et l'administrateur judiciaire ont échangés des propos ironiques sur l'existence d'un harcèlement envers M. [K] en novembre 2020 alors que les faits qui lui ont été reprochés étaient en train d'être découverts ne caractérisent pas des faits ayant pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.

Dès lors le jugement sera confirmé en ce qu'il a débouté M. [K] de sa demande de dommages-intérêts pour harcèlement moral et de nullité du licenciement.

Sur la demande au titre du manquement à l'obligation de sécurité

M. [K] évoque les autres salariés qui ont quitté l'entreprise entre 2019 et 2023, notamment par des démissions ou des licenciements contestés en justice.

Il en déduit l'existence d'un management par la terreur au sein de l'entreprise. Mais ce management à son encontre n'est pas établi par les attestations de trois salariées qu'il produit, ni par les deux décisions de justice rendues à l'égard de deux autres salariés.

En revanche, il est établi que M. [K] a travaillé pendant ses arrêts de travail de début 2020. Toutefois, il ressort des courriels produits que ce travail a été épisodique et a surtout consisté en quelques démarches informatiques depuis son domicile.

Cela ne caractérise pas un manquement à l'obligation de sécurité.

Par ailleurs, M. [K] reproche à l'employeur de n'avoir donné aucune suite à l'avis du médecin lors de la visite de pré-reprise du 30 septembre 2020.

Cet avis indiquait : "Attention RPS et souffrance au travail. Risque de désinsertion professionnelle. Poste et conditions de travail à voir, échanges avec l'employeur à prévoir". Il ne faisait pas état d'un harcèlement moral ou d'une situation justifiant une enquête interne.

Dès lors qu'aucune reprise du travail par M. [K] n'a été envisagée, il ne peut être reproché à l'employeur son inaction.

Enfin, M. [K] reproche à l'employeur le retard de versement du maintien de salaire et des indemnités de rupture mais la cour a écarté tout retard fautif et excessif.

Il reproche aussi à l'employeur d'avoir fait fi de la main désespérément tendue de M. [K] qui a tenté de sortir de ce marasme en sollicitant une rupture conventionnelle et d'avoir préféré lui maintenir la tête sous l'eau en le licenciant avec violence mais la cour a reconnu le bien-fondé du licenciement.

Dès lors, le jugement sera confirmé en ce qu'il a débouté M. [K] de cette demande.

Sur la demande au titre du manquement à l'obligation de loyauté

La cour a retenu qu'il n'était pas établi que la société avait volontairement retenu des sommes dues à M. [K] au titre du maintien de salaire et de la prévoyance ou qu'elle aurait retardé de manière déloyale l'établissement de documents liés à la fin du contrat de travail.

Par ailleurs, le fait de ne pas répondre à la demande de rupture conventionnelle du 9 octobre 2020 ne constitue pas une déloyauté, pas plus que la fixation de l'entretien préalable un mois après la convocation.

Le jugement sera également confirmé en ce qu'il a débouté M. [K] de cette demande.

Sur l'article 700 du code de procédure civile et les dépens

Le jugement sera confirmé de ces chefs et, y ajoutant, il y a lieu de condamner M. [K] aux dépens de l'appel.

En revanche, l'équité ne commande pas de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour,

CONFIRME le jugement en ses dispositions soumises à la cour,

Y ajoutant :

DÉBOUTE les parties de leurs demandes autres, plus amples ou contraires,

CONDAMNE M. [K] aux dépens d'appel,

DIT n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile.

LE GREFFIER LA PRESIDENTE

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