CA Paris, Pôle 1 - ch. 8, 3 octobre 2025, n° 24/19553
PARIS
Arrêt
Autre
Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 1 - Chambre 8
ARRÊT DU 03 OCTOBRE 2025
(n° , 16 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 24/19553 - N° Portalis 35L7-V-B7I-CKM62
Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 31 Octobre 2024 -Président du TJ de [Localité 19] - RG n° 24/00335
APPELANTE
S.A. ALLIANZ IARD, RCS de [Localité 25] sous le n°542 110 291 agissant poursuites et diligences en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
[Adresse 1]
[Localité 17]
Représentée par Me Jean-marc ZANATI de la SELAS COMOLET ZANATI AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque : P0435
INTIMÉES
S.A. IMMOBILIERE 3F, RCS de [Localité 27] sous le n°552 141 533 agissant poursuites et diligences en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
[Adresse 3]
[Localité 10]
Représentée par Me Edmond FROMANTIN, avocat au barreau de PARIS, toque : J151
LA SOCIETE MUTUELLE DES ARCHITECTES FRANCAIS (MAF), inscrite sous le n° SIREN 784 647 349 agissant poursuites et diligences en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
[Adresse 5]
[Localité 12]
Représentée par Me Nathalie BOUDE, avocat au barreau de PARIS, toque : L0018
Ayant pour avocat plaidant Me Antoine TIREL, avocat au Barreau de Paris
S.A. MMA IARD, RCS de [Localité 23] sous le n°440 048 882, recherchée en qualité d'assureur de la Société PROXISO agissant poursuites et diligences en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
[Adresse 4]
[Localité 8]
Représentée par Me Virginie FRENKIAN de la SELEURL FRENKIAN AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque : A0693
S.A. MMA IARD ASSURANCES MUTUELLES, RCS de [Localité 23] sous le n°775 652 126, recherchée en qualité d'assureur de la Société PROXISO agissant poursuites et diligences en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
[Adresse 4]
[Localité 8]
Représentée par Me Virginie FRENKIAN de la SELEURL FRENKIAN AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque : A0693
LA COMMUNE DE [Localité 26]
[Adresse 28]
[Localité 18]
Représentée par Me Marie-catherine VIGNES de la SCP GRV ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : L0010
Ayant pour avocat plaidant Me Rémy DEMARET, avocat au Barreau de Paris
S.A.R.L. JACQUES RIPAULT-ARCHITECTURE, RCS de [Localité 27] sous le n°378 662 746 agissant poursuites et diligences en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
[Adresse 7]
[Localité 9]
Représentée par Me Nathalie BOUDE, avocat au barreau de PARIS, toque : L0018
Ayant pour avocat plaidant Me Antoine TIREL, avocat au Barreau de Paris
L'AUXILIAIRE, société d'assurance à forme mutuelle agissant poursuites et diligences en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
[Adresse 6]
[Adresse 20]
Représentée par Me François TEYTAUD de l'AARPI TEYTAUD-SALEH, avocat au barreau de PARIS, toque : J125
Ayant pour avocat plaidant Me Guillaume CADIX, avocat au Barreau de Paris
S.A.S. INGENIERIE COORDINATIONS ETUDES TECHNIQUES (INCET), RCS de [Localité 27] sous le n°394 538 953 agissant poursuites et diligences en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
[Adresse 2]
[Localité 13]
Représentée par Me François TEYTAUD de l'AARPI TEYTAUD-SALEH, avocat au barreau de PARIS, toque : J125
Ayant pour avocat plaidant Me Guillaume CADIX, avocat au Barreau de Paris
S.A.S. ITB 77, RCS d'[Localité 22] sous le n°422 478 909 agissant poursuites et diligences en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
[Adresse 30]
[Adresse 14]
[Localité 16]
Représentée par Me Benjamin MOISAN de la SELARL BAECHLIN MOISAN Associés, avocat au barreau de PARIS, toque : L34
Ayant pour avocat plaidant Me Stella BEN ZENOU, avocat au Barreau de Paris
SA SMA COURTAGE, en qualité d'assureur dommage-ouvrage et constructeur non réalisateur de la société I3F agissant poursuites et diligences en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
[Adresse 15]
[Localité 11]
Représentée par Me Sarra JOUGLA, avocat au barreau de PARIS, toque : C0431
Ayant pour avocat plaidant Jean-Pierre COTTE, avocat au Barreau de Paris
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 804 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 10 juillet 2025, en audience publique, les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Florence LAGEMI, Président de chambre, chargée du rapport et Marie-Catherine GAFFINEL, Conseiller.
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de:
Florence LAGEMI, Président de chambre,
Marie-Catherine GAFFINEL, Conseiller,
Patrick BIROLLEAU, Magistrat honoraire,
Qui en ont délibéré,
Greffier, lors des débats : Grégoire GROSPELLIER
ARRÊT :
- Contradictoire
- rendu publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Florence LAGEMI, Président de chambre et par Catherine CHARLES, Greffier, présent lors de la mise à disposition.
***
Le 12 décembre 2016, la Société publique locale d'aménagement de rénovation et d'équipement de [Localité 26] (SOCAREN) a vendu à la société Immobilière 3F ( I3F), un terrain formant le lot 5a de la [Adresse 31], à [Localité 26].
La société I3F a fait réaliser, en qualité de maître de l'ouvrage, sur ce lot 5a, [Adresse 29], un programme de construction d'un ensemble immobilier à usage de logements collectifs sociaux, de commerces et d'un établissement d'accueil de jeunes enfants.
Elle a souscrit auprès de la société SMA une police d'assurance Tous risques chantier (TCR), une police dommages-ouvrage (DO) et une police constructeur non réalisateur (CNR).
Sont intervenues à cette opération :
- la société Jacques Ripault Architecture, assurée auprès de la Mutuelle des Architectes Français (MAF), en qualité de maître d'oeuvre,
- la société Ingénierie Coordination Etudes Technique (INCET), en qualité de bureau d'études en charge des lots techniques, assurée auprès de la société L'Auxiliaire,
- la société SOCOTEC en qualité de contrôleur technique,
- la société ITB 77, assurée auprès de la société Allianz IARD, titulaire du lot gros oeuvre,
- la société Proxiso, assurée auprès des sociétés MMA IARD et MMA Assurances Mutuelles, en qualité de sous-traitant de la société ITB 77 pour les travaux de flocage.
Par acte du 25 avril 2019, la société I3F a vendu à la SOCAREN le lot de volume n° 2 brut de béton, fluides en attente, destiné à l'installation d'une crèche. Les travaux d'aménagement de la crèche ont été réalisés sous la maîtrise d'ouvrage de la SOCAREN, qui pour y parvenir, a contracté avec le groupement de maîtrise d'oeuvre constitué de la société [F] [C] et du BET Batitech et avec la société G.D Construction, en qualité d'entreprise générale. Ces travaux d'aménagement intérieurs ont été réceptionnés le 3 décembre 2019.
Le 6 janvier 2020, jour de l'inauguration de la crèche, une partie du flocage a chuté du plafond endommageant l'aménagement de celle-ci.
Les travaux entrepris par la société I3F ont été réceptionnés, avec réserves, le 18 décembre 2020.
L'expertise amiable diligentée par la société SMA en qualité d'assureur TRC n'ayant pas permis d'aboutir à un accord, la société I3F a assigné, devant le juge des référés du tribunal de commerce de Bobigny les sociétés Jacques Ripault Architecture, INCET, SOCOTEC, ITB 77, Proxiso et SOCAREN aux fins de désignation d'un expert judiciaire. Cette ordonnance a ultérieurement été déclarée commune aux assureurs. Le rapport d'expertise a été déposé le 16 février 2023.
Par acte du 12 mai 2023, la SOCAREN a vendu à la commune de [Localité 26] le local contenant la crèche litigieuse.
Par acte des 9, 12, 21 et 24 février 2024, la commune de Noisy-le-Grand a fait assigner les sociétés I3F, SMA Courtage en qualité d'assureur DO et CNR, ITB 77, Allianz IARD, Jacques Ripault Architecture, MAF, INCET et L'Auxiliaire devant le juge des référés du tribunal judiciaire de Bobigny en paiement, notamment, d'une provision de 300.000 euros. La société Allianz IARD a appelé à la cause les sociétés MMA IARD et MMA IARD Assurances Mutuelles, en leur qualité d'assureur de la société Proxiso.
Par ordonnance réputée contradictoire du 31 octobre 2024, le premier juge, après avoir ordonné la jonction des affaires pendantes devant lui, a :
- condamné in solidum les sociétés I3F, SMA Courtage, ITB 77, Allianz IARD, Jacques Ripault Architecture, Mutuelle des Architectes Français, INCET et L'Auxiliaire à verser à la commune de [Localité 26] la somme de 300.000 euros à titre de provision ;
- rejeté toutes autres demandes plus amples ou contraires des parties ;
- condamné in solidum les sociétés I3F, SMA Courtage, ITB 77, Allianz IARD, Jacques Ripault Architecture, Mutuelle de Architectes Français, INCET, L'Auxiliaire à verser à la commune de [Localité 26] la somme de 4.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens.
Par déclaration du 19 novembre 2024, la société Allianz IARD a relevé appel de cette décision en critiquant l'ensemble de ses chefs de dispositif (instance enregistrée sous le n°RG 24/19553).
Par déclaration du 28 novembre 2024, la société INCET et L'Auxiliaire ont interjeté appel de ladite ordonnance en critiquant l'ensemble de ses chefs de dispositif (instance enregistrée sous le n° RG 24/20225).
Ces instances ont été jointes le 20 mars 2025.
Dans ses dernières conclusions remises et notifiées le 29 avril 2025, la société Allianz IARD demande à la cour de :
- la déclarer tant recevable que fondée en son appel ;
- infirmer l'ordonnance entreprise en toutes ses dispositions dont elle a relevé appel ;
Statuant à nouveau,
- déclarer la commune de [Localité 26] irrecevable en ses prétentions faute de justifier sa qualité et son intérêt à agir ;
- déclarer que l'obligation alléguée à son encontre se heurte à de multiples contestations sérieuses ;
- déclarer que les demandes formées par la commune de [Localité 26] échappent à la compétence du juge des référés ;
- déclarer la commune de [Localité 26] mal fondée en ses demandes au visa des dispositions de l'article 835 alinéas 1 et 2 du code de procédure civile ;
En conséquence,
- déclarer n'y avoir lieu à référé ;
- débouter la commune de [Localité 26] de l'ensemble de ses prétentions formées à son encontre ;
A titre subsidiaire,
- condamner in solidum les sociétés MMA IARD et MMA IARD Assurances Mutuelles, Jacques Ripault Architecture, MAF, INCET et L'Auxiliaire à la relever et garantir indemne de toute éventuelle condamnation prononcée à son encontre au titre des demandes principales formées par la commune de [Localité 26] et la société ITB 77 ;
- débouter les sociétés INCET et L'Auxiliaire de leur demande de condamnation in solidum formée à son encontre et à l'encontre des sociétés Jacques Ripault Architecture, MAF, ITB 77, SMA, I3F, MMA IARD et MMA IARD Assurances Mutuelles à les relever et garantir indemnes de toute éventuelle condamnation, en principal, intérêts, avec capitalisation, frais et accessoires ;
- débouter la société I3F de sa demande de condamnation in solidum formée à son encontre et à l'encontre des sociétés ITB 77, MMA, INCET, L'Auxiliaire, Jacques Ripault Architecture, MAF et SMA à la relever et garantir indemne de toute condamnation en principal, intérêts et frais quelconque ;
- débouter la société SMA Courtage de sa demande de condamnation in solidum formée à son encontre et à l'encontre des sociétés ITB 77, INCET et L'Auxiliaire à la garantir intégralement en qualité d'assureur dommages-ouvrage et assureur constructeur non réalisateur des condamnations qui pourraient être prononcées à son encontre au profit de la commune de [Localité 26] ;
- débouter la société Jacques Ripault Architecture et la MAF de leur demande de condamnation in solidum formée à son encontre et à l'encontre des sociétés SMA Courtage, INCET, L'Auxiliaire, MMA IARD, MMA Assurances Mutuelles et I3F à les relever et garantir indemnes de toute condamnation qui serait prononcée à leur encontre ;
- débouter la société ITB 77 de sa demande de confirmation de l'ordonnance en ce qu'elle l'a condamnée à la garantir, et ce quel que soit le fondement juridique que la cour retiendrait;
- débouter la société ITB 77 de sa demande de condamnation in solidum formée à son encontre et à l'encontre des sociétés INCET, L'Auxiliaire, Jacques Ripault Architecture, MAF et MMA Assurances Mutuelles à la relever et garantir de toute condamnation ;
- débouter la commune de [Localité 26] de sa demande de confirmation de l'ordonnance entreprise en toutes ses dispositions ;
- débouter les sociétés MMA IARD et MMA IARD Assurances Mutuelles de leur demande de confirmation de l'ordonnance entreprise en ce qu'elle n'a prononcé aucune condamnation à leur encontre ;
- débouter les sociétés MMA IARD et MMA IARD Assurances Mutuelles de leur demande de condamnation in solidum et par provision formée à son encontre et à l'encontre des sociétés Jacques Ripault Architecture, MAF, ITB 77, SMA, I3F, INCET et L'Auxiliaire à les relever et garantir indemnes de toute condamnation éventuelle, en principal, intérêts, avec capitalisation, frais et accessoires ;
- condamner la commune de [Localité 26] ou toute autre partie succombante à lui verser la somme de 4.000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens, qui pourront être recouvrés dans les conditions prescrites par l'article 699 du même code.
Dans leurs dernières conclusions remises et notifiées le 2 juin 2025, la société INCET et la société L'Auxiliaire demandent à la cour de :
- infirmer l'ordonnance entreprise en ses dispositions dont elles ont relevé appel ;
- rejeter l'ensemble des prétentions de la commune de [Localité 26] ;
- condamner la commune de [Localité 26] aux dépens de première instance et à leur payer la somme de 3.600 euros au titre des frais non compris dans les dépens exposés en première instance ;
Subsidiairement,
- limiter le montant de la provision éventuellement allouée ;
- condamner in solidum et par provision la société Jacques Ripault Architecture, la société MAF, la société Allianz IARD, la société ITB 77, la société SMA, la société I3F, la société MMA IARD et la société MMA IARD Assurances Mutuelles à les relever et garantir indemnes de toute condamnation éventuelle, en principal, intérêts, avec capitalisation, frais et accessoires ;
- condamner in solidum les mêmes aux dépens de première instance et à leur payer la somme de 3.600 euros au titre des frais non compris dans les dépens exposés en première instance ;
- rejeter les appels incidents en ce qu'ils comportent des demandes contraires à leurs intérêts et des demandes de condamnations à leur encontre ;
- rejeter les demandes de la commune de [Localité 26] au titre des frais de la procédure d'appel ;
- condamner in solidum la commune de [Localité 26], la société Jacques Ripault Architecture, la société MAF, la société Allianz IARD, la société ITB 77, la société SMA, la société I3F, la société MMA IARD et la société MMA IARD Assurances Mutuelles aux dépens d'appel, avec faculté de recouvrement direct conformément à l'article 699 du code de procédure civile, et à leur payer la somme de 8.400 euros au titre des frais non compris dans les dépens exposés en cause d'appel.
Dans ses dernières conclusions remises et notifiées le 28 mai 2025, la commune de [Localité 26] demande à la cour de :
- débouter de leurs appels les sociétés INCET, L'Auxiliaire et Allianz IARD ainsi que de toutes leurs demandes ;
- dire n'y avoir lieu à statuer sur l'appel incident de la société SMA qui ne vise aucun chef de la décision à infirmer, à toutes fins la débouter de toutes ses demandes ;
- débouter de son appel incident la société I3F ainsi que de toutes ses demandes ;
- débouter de son appel incident la société ITB77 ainsi que de toutes ses demandes;
- débouter de leur appel incident la société Jacques Ripault Architecture et la MAF ainsi que de toutes leurs demandes ;
- confirmer l'ordonnance entreprise en toutes ses dispositions ;
- condamner in solidum les sociétés INCET, L'Auxiliaire et Allianz IARD à lui payer la somme de 5.000 euros au titre des frais irrépétibles et aux dépens.
Dans ses dernières conclusions remises et notifiées le 22 mai 2025, la société I3F demande à la cour de :
- infirmer l'ordonnance entreprise en ce qu'elle a prononcé une condamnation à son encontre ;
Statuant à nouveau,
- juger que la nature et l'étendue des droits et actions de la SOCAREN dans lesquels la commune de [Localité 26] a été subrogée par acte du 12 mai 2023 ne sont pas déterminées ;
- juger en conséquence que la qualité et l'intérêt à agir de la commune de [Localité 26] ne sont pas eux-mêmes déterminés ;
- dire qu'aucune obligation non sérieusement contestable au sens de l'article 835 alinéa 2 A titre subsidiaire, dans l'hypothèse où une condamnation serait prononcée à son encontre,
condamner in solidum :
' la société ITB 77 intervenue en qualité de titulaire du lot gros oeuvre ainsi que son assureur, la société Allianz IARD,
' les MMA, assureur de la société Proxiso, intervenue en qualité de sous-traitant d'ITB 77,
' la société INCET intervenue en qualité de maître d'oeuvre ainsi que son assureur L'Auxiliaire,
' la société Jacques Ripault Architecture intervenue en qualité de maître d'oeuvre ainsi que son assureur la MAF,
'la société SMA, assureur CNR,
à la garantir intégralement et relever indemne de toute condamnation en principal, intérêts et frais quelconque ;
- condamner tout succombant aux dépens.
Dans ses dernières conclusions remises et notifiées le 2 mai 2025, la société SMA Courtage en sa qualité d'assureur DO et CNR, demande à la cour de :
- la déclarer recevable et bien fondée ;
- infirmer l'ordonnance entreprise en toutes ses dispositions ;
Statuant à nouveau,
A titre principal,
- débouter la commune de [Localité 26] de ses demandes formées à son encontre, en sa qualité d'assureur DO, compte tenu des contestations sérieuses relatives à :
- l'inopposabilité du rapport d'expertise judiciaire,
- l'absence de déclaration de sinistre,
- la prescription biennale de l'assuré,
- l'absence de production du procès-verbal de réception,
- la contestation des montants,
- débouter la commune de [Localité 26] de ses demandes formées à son encontre, en qualité d'assureur CNR de la société I3F, compte tenu de contestations sérieuses relatives à :
- l'inopposabilité du rapport d'expertise judiciaire,
- l'analyse des responsabilités ne relevant pas de l'évidence,
- l'absence de responsabilité de la société I3F relevée par l'expert judiciaire,
- la contestation des montants ;
A titre subsidiaire,
- limiter le quantum des sommes à ce qui est strictement nécessaire pour la réparation des désordres, à l'exclusion de tout poste constitutif d'une amélioration de l'ouvrage ;
- condamner in solidum les sociétés ITB 77, INCET, L'Auxiliaire et Allianz IARD à la garantir intégralement des condamnations qui seraient prononcées à son encontre au profit de la commune de [Localité 26] ;
En toute hypothèse,
- condamner la commune de [Localité 26] ou tout succombant à lui payer la somme de 5.000 euros, outre les dépens.
Dans leurs dernières conclusions remises et notifiées le 28 mai 2025, la société Jacques Ripault Architecture et la MAF demandent à la cour de :
- les recevoir en leur appel incident et le déclarer bien fondé ;
- infirmer l'ordonnance entreprise en ce qu'elle :
- les a condamnées in solidum avec les sociétés I3F, SMA Courtage, ITB 77, Allianz IARD, INCET et L'Auxiliaire à verser à la commune de [Localité 26] une somme de 300.000 euros à titre de provision ;
- a rejeté toutes autres demandes plus amples ou contraires des parties ;
- les a condamnées in solidum avec les sociétés I3F, SMA Courtage, ITB 77, Allianz IARD, INCET et L'Auxiliaire à verser à la commune de [Localité 26] une somme de 4.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens ;
Statuant à nouveau,
A titre principal,
- débouter la commune de [Localité 26] de l'ensemble de ses demandes ;
- dire n'y avoir lieu à référé ;
- renvoyer la commune de [Localité 26] à se pourvoir devant le juge du fond ;
- débouter toutes parties de leurs demandes formulées à leur encontre ;
A titre subsidiaire,
- limiter les condamnations éventuellement prononcées à l'encontre de la société Jacques Ripault Architecture à la quote-part de 5% de la somme de 179.756,46 euros HT ;
- condamner in solidum les sociétés SMA Courtage, ITB77, Allianz IARD, INCET, L'Auxiliaire, MMA et I3F à les relever et garantir de toute condamnation qui serait prononcée à leur encontre ;
- débouter les sociétés Allianz IARD, ITB77, SMA, I3F, INCET, L'Auxiliaire et MMA IARD et MMA IARD Assurances Mutuelles de leur demande de condamnation in solidum formées à leur encontre ;
En tout état de cause,
- condamner la commune de [Localité 26] ou tout succombant à leur payer la somme de 4.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens.
Dans ses dernières conclusions remises et notifiées le 2 juin 2025, la société ITB 77 demande à la cour de :
- infirmer l'ordonnance dont appel en ce qu'elle a jugé que l'obligation des constructeurs et la sienne au profit de la commune de [Localité 26] ne faisait pas l'objet de contestations sérieuses ;
- juger que la demande de provision de la commune de [Localité 26] se heurte à de multiples contestations sérieuses ;
En conséquence,
- la rejeter purement et simplement en condamnant la commune de [Localité 26] à lui verser une indemnité de 5.000 euros au titre des frais irrépétibles ;
Subsidiairement, dans l'hypothèse où par impossible la cour confirmerait dans son principe la provision accordée à la commune de [Localité 26],
- confirmer la décision dont appel en ce qu'elle a condamné la société Allianz IARD à la garantir, et ce quel que soit le fondement juridique que la cour retiendra ;
- réformer l'ordonnance en ce qu'elle a admis un montant de 300.000 euros outre 4.000 euros au titre des frais irrépétibles ;
- limiter la provision à la somme de 165.248 euros outre 5% au titre des frais de maîtrise d'oeuvre et rejeter toute demande plus ample ;
Tout aussi subsidiairement
- condamner in solidum les sociétés INCET, L'Auxiliaire, Jacques Ripault Architecture, MAF, Allianz IARD, MMA IARD et MMA Assurances Mutuelles à la relever et garantir de toute condamnation ;
- condamner tout succombant à lui payer une indemnité de 5.000 euros au titre des frais irrépétibles et aux entiers dépens.
Dans leurs dernières conclusions remises et notifiées le 31 mars 2025, les sociétés MMA IARD et MMA IARD Assurances Mutuelles demandent à la cour de :
- confirmer l'ordonnance entreprise en ce qu'elle n'a prononcé aucune condamnation à leur encontre, recherchée en qualité d'assureur de la société Proxiso ;
En conséquence,
- dire que l'obligation alléguée à leur encontre se heurte à de multiples contestations
- débouter la commune de [Localité 26], la société Allianz et toute autre partie de l'ensemble de leurs prétentions dirigées à leur encontre ;
- condamner la commune de [Localité 26] ou tout succombant à leur verser une somme de 4.000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens ;
Très subsidiairement,
- limiter le montant de la provision éventuellement allouée ;
- condamner in solidum et par provision les sociétés Jacques Ripault Architecture, MAF, Allianz IARD, ITB 77, SMA, I3F, INCET et L'Auxiliaire à les relever et garantir indemnes de toute condamnation éventuelle, en principal, intérêts, avec capitalisation, frais et accessoires ;
- les dire fondées à opposer leurs limites et plafonds de garanties, en application de l'article L.112-6 du code des assurances.
La clôture de la procédure a été prononcée le 2 juillet 2025.
Pour un exposé plus détaillé des faits, de la procédure, des moyens et prétentions des parties, la cour renvoie expressément à la décision déférée ainsi qu'aux conclusions susvisées, conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.
SUR CE, LA COUR
Sur la recevabilité des demandes de la commune de [Localité 26]
Il est soutenu d'une part, par les sociétés Allianz et ITB 77 que la commune de [Localité 26] serait irrecevable en son action et ses demandes au motif qu'elle n'aurait pas qualité ni intérêt à agir, d'autre part par les sociétés I3F, INCET et L'Auxiliaire qu'il existe une contestation sérieuse sur la détermination de la qualité et de l'intérêt à agir de cette partie, tandis que les sociétés MMA IARD et MMA Assurances Mutuelles s'en rapportent sur cette fin de non-recevoir.
Selon les articles 31 et 32 du code de procédure civile, l'action est ouverte à tous ceux qui ont un intérêt légitime au succès ou au rejet d'une prétention, sous réserve des cas dans lesquels la loi attribue le droit d'agir aux seules personnes qu'elle qualifie pour élever ou combattre une prétention ou pour défendre un intérêt déterminé ; toute prétention émise par ou contre une personne dépourvue du droit d'agir est irrecevable.
Au cas présent, ainsi que le rappelle justement la commune de [Localité 26], celle-ci a acquis, suivant acte du 12 mai 2023, la propriété de l'espace crèche et peut, à ce titre, exercer toute action afférente à son bien. Elle dispose donc de la qualité et de l'intérêt à agir à l'encontre des intervenants à l'opération de construction et de leurs assureurs ainsi qu'à l'encontre de l'assureur DO et CNR, étant en effet rappelé que l'intérêt à agir n'est pas subordonné à la démonstration préalable du bien-fondé de l'action.
Au surplus, l'acte de cession stipule que "le cessionnaire est subrogé dans tous les droits du cédant, dans les procédures actuellement pendantes devant les juridictions et les procédures à venir. Cette subrogation est une condition essentielle du contrat". Cette disposition de l'acte est précédée d'un rappel de la procédure diligentée par la société I3F en désignation d'un expert judiciaire en raison des chutes de flocages survenues en juin 2019 et janvier 2020 et du rapport d'expertise déposé le 16 février 2023, de sorte que contrairement à ce qui est soutenu la clause relative à la subrogation ne nécessite aucune interprétation.
Ainsi, l'action et les prétentions de la commune de [Localité 26] sont recevables. Le dispositif de l'ordonnance entreprise ne contenant aucune disposition sur la recevabilité de l'action et des prétentions de cette partie, il sera statué sur celle-ci au dispositif du présent arrêt.
Sur la demande de provision
Selon l'article 835, alinéa 2, du code de procédure civile, dans les cas où l'existence d'une obligation n'est pas sérieusement contestable, le président du tribunal judiciaire peut accorder une provision au créancier, ou ordonner l'exécution de l'obligation même s'il s'agit d'une obligation de faire.
La commune de [Localité 26] soutient que l'obligation des locateurs d'ouvrage et de leurs assureurs, de la société I3F et de l'assureur DO et CNR, telle que retenue par le premier juge, ne souffre aucune contestation sérieuse en raison de la nature décennale du désordre survenu. A cet égard, elle soutient que le désordre affectant le flocage présente un degré de gravité tel qu'il rend le local crèche impropre à sa destination, qu'il était caché à la date de la réception de la coque du lot de volume n°2 destiné à l'aménagement de la crèche, intervenue le 5 avril 2019, soit antérieurement aux premières chutes de flocage, ajoutant que les travaux de flocage ont nécessairement été réceptionnés à cette date afin de permettre à la SOCAREN de réaliser ses propres travaux d'aménagement.
Dans l'hypothèse où il serait retenu que les travaux de flocage incriminés auraient été réceptionnés le 18 décembre 2020, ainsi que le soutiennent les parties adverses, la commune de [Localité 26] fait valoir qu'il devrait alors être considéré que le désordre, dont il n'est pas démontré qu'il aurait été réservé, est apparu dans toute son ampleur postérieurement à la réception et n'était donc pas apparent lors de celle-ci. Elle indique que les chutes de flocage survenues en juin 2019 et janvier 2020 étaient isolées et que le caractère généralisé du désordre n'a été révélé que lors des opérations d'expertise judiciaire.
Selon l'article 1792 du code civil, tout constructeur d'un ouvrage est responsable de plein droit, envers le maître ou l'acquéreur de l'ouvrage, des dommages, même résultant d'un vice du sol, qui compromettent la solidité de l'ouvrage ou qui, l'affectant dans l'un de ses éléments constitutifs ou l'un de ses éléments d'équipement, le rendent impropre à sa destination. Une telle responsabilité n'a point lieu si le constructeur prouve que les dommages proviennent d'une cause étrangère.
L'article 1792-1 du même code répute constructeur de l'ouvrage :
1° Tout architecte, entrepreneur, technicien ou autre personne liée au maître de l'ouvrage par un contrat de louage d'ouvrage ;
2° Toute personne qui vend, après achèvement, un ouvrage qu'elle a construit ou fait construire ;
3° Toute personne qui, bien qu'agissant en qualité de mandataire du propriétaire de l'ouvrage, accomplit une mission assimilable à celle d'un locateur d'ouvrage.
En application de l'article 1792-2, la présomption de responsabilité établie par l'article 1792 s'étend également aux dommages qui affectent la solidité des éléments d'équipement d'un ouvrage, mais seulement lorsque ceux-ci font indissociablement corps avec les ouvrages de viabilité, de fondation, d'ossature, de clos ou de couvert.
Un élément d'équipement est considéré comme formant indissociablement corps avec l'un des ouvrages de viabilité, de fondation, d'ossature, de clos ou de couvert lorsque sa dépose, son démontage ou son remplacement ne peut s'effectuer sans détérioration ou enlèvement de matière de cet ouvrage.
Selon l'article 1792-4-1 toute personne physique ou morale dont la responsabilité peut être engagée en vertu des articles 1792 à 1792-4 est déchargée des responsabilités et garanties pesant sur elle, en application des articles 1792 à 1792-2, après dix ans à compter de la réception des travaux ou, en application de l'article 1792-3, à l'expiration du délai visé à cet article.
Enfin, l'article 1792-6 énonce que la réception est l'acte par lequel le maître de l'ouvrage déclare accepter l'ouvrage avec ou sans réserves. Elle intervient à la demande de la partie la plus diligente, soit à l'amiable, soit à défaut judiciairement. Elle est, en tout état de cause, prononcée contradictoirement.
Il résulte de ces textes que les constructeurs au sens de l'article 1792-1 sont tenus, à compter de la réception de l'ouvrage, d'une présomption de responsabilité dont ils ne peuvent s'exonérer qu'en rapportant la preuve d'une cause étrangère, pour les dommages résultant de désordres de nature décennale, soit de désordres portant atteinte à la solidité de l'ouvrage ou le rendant impropre à sa destination.
La mise en oeuvre de la garantie décennale suppose donc l'existence d'une réception des travaux et l'apparition, après celle-ci, d'un désordre présentant les critères susvisés, cette garantie ne s'appliquant pas aux désordres connus à la date de la réception, ayant fait ou non l'objet de réserves lors de celle-ci. Il est toutefois possible d'admettre cette garantie pour des vices apparents à la réception mais s'étant ultérieurement révélés dans toute leur ampleur.
Au cas présent, il est constant que la société I3F, maître de l'ouvrage de l'opération de construction, réalisée sous la maîtrise d'oeuvre des sociétés Jacques Ripault Architecture et INCET, cette dernière en qualité de BET structure, a confié à la société ITB 77 la réalisation du lot gros oeuvre comprenant des travaux de flocage dont la pose a été sous-traitée à la société Proxiso ; que la société I3F a vendu, le 25 avril 2019, à la SOCAREN, le lot de volume n°2, correspondant à la future crèche, en état brut de décoffrage, fluides en attente ; que les travaux d'aménagement de la crèche ont été conduits sous la maîtrise d'ouvrage de la SOCAREN qui a, notamment, mandaté la société [F] [C] en qualité de maître d'oeuvre et la société GD Construction en qualité d'entreprise générale ; que ces travaux devaient être entrepris alors que se poursuivaient les travaux de l'ensemble immobilier sous la maîtrise d'ouvrage de la société I3F.
Il est acquis qu'avant même le début des travaux d'aménagement de la future crèche, des chutes de flocage se sont produites, en juin 2019, dans ce lot de volume, ayant justifié une intervention de la société Proxiso et que le jour de l'ouverture de la crèche, le 6 janvier 2020, le flocage s'est détaché en plusieurs endroits, est tombé au sol entraînant dans sa chute les faux-plafonds, les luminaires et les éléments de climatisation.
Afin de déterminer les causes de ces désordres, des prélèvements ont été effectués en novembre 2020 dans le cadre d'une expertise amiable diligentée par la société SMA, en qualité d'assureur TCR, puis lors de l'expertise judiciaire, un an plus tard.
Il résulte du rapport d'expertise judiciaire que les chutes du flocage n'ont pas pour origine les travaux d'aménagement entrepris par la société SOCAREN mais sont liées à :
- une rupture d'adhérence à l'interface entre le béton support et le flocage,
- des ruptures cohésives dans le flocage traduisant une faible cohésion de celui-ci,
- des masses volumiques apparentes supérieures aux prescriptions du dossier technique,
- une fragilité de la frange superficielle du flocage,
- l'absence ou l'insuffisance du primaire d'accrochage,
- la présence très probable d'huile de coffrage ou de matières organiques ayant contribué au défaut d'adhérence.
L'expert judiciaire a relevé d'une part, un non-respect du DTU 27.1 en soulignant que les locaux n'étaient pas totalement hors d'eau lors de la projection du flocage et qu'il avait été mis en oeuvre par des températures inadaptées et inférieures à 5°, le flocage ayant été posé en février 2019 alors que les locaux sont restés ouverts et non clos jusqu'à mi-septembre, et, d'autre part, un non-respect de l'avis technique du produit de flocage et du CCTP dressé par la société INCET quant au type de flocage mis en place.
Donnant son avis sur les responsabilités encourues, l'expert judiciaire a estimé que celle de la société Proxiso, ayant achevé les travaux de flocage en mars 2019, était engagée à 80 %, que celle de la société ITB 77, entreprise principale, l'était à hauteur de 10 %, le surplus étant mis à la charge de la maîtrise d'oeuvre et réparti de façon égale entre les sociétés INCET et Jacques Ripault Architecture (5 % chacun).
Si les chutes de flocage survenues à deux reprises dans le local crèche sont de nature à constituer un désordre portant atteinte à la destination de celui-ci, s'agissant d'un élément d'équipement devant faire indissociablement corps à un ouvrage d'ossature (béton du plancher haut), dont l'effondrement met en péril l'usage de ce local destiné à l'accueil de jeunes enfants, il n'apparaît cependant pas, avec l'évidence requise en référé, que ce désordre soit de nature à entraîner la responsabilité de plein droit des constructeurs et, par suite, l'existence d'une obligation non sérieusement contestable de ces derniers au paiement d'une provision destinée à sa réparation.
En effet, les parties sont en désaccord sur la date de la réception des travaux et donc, sur le caractère caché ou apparent du désordre, la commune de [Localité 26] soutenant que la réception est intervenue le 5 avril 2019, soit avant l'apparition du désordre, tandis que les autres parties affirment, majoritairement, que la réception a été prononcée avec réserves le 18 décembre 2020. La liste des réserves dressée lors de cette réception n'a pas été produite alors qu'il apparaît à la lecture du procès-verbal de réception que 116 réserves ont été mentionnées. Il est encore relevé que selon les écritures de la société ITB 77, non contredites sur ce point, aucune réserve n'a été formée sur le désordre litigieux. La cour observe que la société ITB 77 indique qu'après l'achèvement de la première phase de travaux, une réception de la coque a été formalisée le 5 avril 2019, le procès-verbal ayant été établi par le maître d'oeuvre de la SOCAREN, la société [F] [C], pour la remise de cette coque aux constructeurs mandatés par cette dernière.
S'il est exact que ce procès-verbal du 5 avril 2019 porte la mention "réception de la coque" et a pour intitulé "aménagement d'une structure d'accueil petite enfance de type crèche 60 berceaux [Localité 21] Type R de 5ème catégorie au sein d'un local livré brut", il n'apparaît pas pouvoir constituer un acte de réception au sens de l'article 1792-6 du code civil.
En effet, sont intervenus à cet acte la SOCAREN, les maîtres d'oeuvre (architecte et bureaux d'études) et l'entreprise générale mandatés par cette dernière ainsi qu'une entreprise en charge du lot plomberie, afin de recevoir la coque du lot de volume n° 2 (qui sera cédé à la SOCAREN par la société I3F le 25 avril 2019) en vue de la réalisation des travaux d'aménagement intérieur de ce lot.
Cette réception à laquelle ne sont pas intervenus la société I3F et les constructeurs ayant contracté avec cette dernière pour la réalisation de l'ensemble immobilier et, notamment, du flocage, ne peut, à leur égard, emporter les conséquences juridiques prévues par les textes susvisés et, notamment, constituer le point de départ des garanties légales dont la garantie décennale, recherchée par la commune de [Localité 26].
En revanche, le procès-verbal de réception de travaux en date du 18 décembre 2020, signé par la société I3F, en sa qualité de maître de l'ouvrage, la société ITB 77 et la société Jacques Ripault Architecture, maître d'oeuvre, en ce qu'il porte sur la réception des travaux réalisés sous la maîtrise d'ouvrage de la société I3F, comprenant la pose du flocage litigieux, est de nature à marquer le point de départ de la garantie décennale pour le désordre litigieux.
Or, à cette date, le désordre s'était déjà manifesté à trois reprises, une première fois, en avril 2019, dans la zone des locaux commerciaux, et deux autres fois dans le local crèche, en juin 2019 et janvier 2020, de sorte qu'il ne pouvait présenter le caractère d'un vice caché.
La commune de [Localité 26] fait valoir, en tout état de cause, qu'à la date du 18 décembre 2020, ce désordre n'était pas connu dans toute son ampleur puisque son caractère généralisé ne sera déterminé que par l'expertise judiciaire.
Mais, il est relevé à la lecture de la note d'information de la société Saretec (expert mandaté par la société SMA) du 26 août 2020 produite par les sociétés MMA, que la question de la généralisation du désordre s'était posée au cours de l'année 2020. A cet égard, cette note reproduit la position du maître d'oeuvre, la société Jacques Ripault Architecture, en date du 14 mai 2020, qui rappelait "les réserves (qu'elle avait) exprimées clairement depuis le début de cette affaire, concernant les éventuelles reprises partielles du flocage, notamment au-dessus de la crèche", indiquait qu' "on ne peut pas écarter le risque que cette anomalie puisse se reproduire dans le temps avec des conséquences peut-être bien plus dramatiques" et préconisait "la dépose totale du flocage existant et son remplacement par la pose d'un isolant en fixation mécanique (...)".
Cette note précise encore que plusieurs séries d'essais ont été effectuées dans la crèche et dans les commerces desquelles il résulte qu'il n'y a pas eu application de "primaire" ce qui expliquerait le défaut d'adhérence au niveau du support, laissant supposer un défaut de primaire généralisé et l'existence d'un risque généralisé de futurs décollements (message Saretec reproduit en page 9 de la note).
Au regard de ces éléments, il n'est pas démontré l'existence d'une obligation non sérieusement contestable des constructeurs au titre de la garantie décennale et, par suite, de leurs assureurs, la nature exacte du désordre, conditionnant l'existence de leur obligation, relevant de la seule appréciation du juge du fond.
Il n'entre pas davantage dans les pouvoirs du juge des référés d'apprécier les fautes commises par les intervenants à l'opération de construction et leur part de responsabilité, qui relèvent également de l'appréciation du juge du fond.
L'ordonnance entreprise sera donc infirmée en ce qu'ayant considéré que le désordre présentait une nature décennale et que l'obligation des constructeurs, tenus de garantir sa réparation rapide, n'était pas sérieusement contestable, les a condamnés in solidum avec leurs assureurs à payer à la commune de [Localité 26] une provision de 300.000 euros à ce titre.
A titre subsidiaire, la commune de [Localité 26], se fondant sur les dispositions de l'article 835, alinéa 1, du code de procédure civile, sollicite l'allocation d'une provision, soutenant que celle-ci peut être accordée en application de ce texte, même en présence d'une contestation sérieuse, dès lors qu'elle s'impose par l'existence évidente d'un trouble manifestement illicite constitué par l'effondrement du flocage et le risque persistant de chute de cet élément qui caractérise une situation anormale nécessitant des réparations urgentes pour permettre l'utilisation de la crèche.
Selon l'article 835, alinéa 1, du code de procédure civile, le président du tribunal judiciaire peut toujours, même en présence d'une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent, soit pour prévenir un dommage imminent soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite.
Le trouble manifestement illicite désigne toute perturbation résultant d'un fait matériel ou juridique qui, directement ou indirectement, constitue une violation évidente de la règle de droit. Le caractère illicite de l'acte peut résulter de sa contrariété à la loi, aux stipulations d'un contrat ou aux usages.
Cependant, la survenue d'un désordre, quel que soit son degré de gravité, à la suite de la réalisation de travaux exécutés dans le cadre d'un contrat de louage d'ouvrage susceptible d'entraîner la responsabilité du constructeur, ne saurait constituer un trouble manifestement illicite. En tout état de cause, à supposer un tel trouble avéré, l'octroi d'une provision, qui, par principe, suppose l'existence d'une obligation non sérieusement contestable de la part du débiteur, ne peut s'analyser comme une mesure conservatoire ou de remise en état propre à le faire cesser.
Il n'y a dès lors pas lieu à référé sur la demande de provision formée par la commune de [Localité 26] et ce sans qu'il soit utile d'examiner les autres moyens invoqués tenant à l'étendue des travaux de réparation et, par suite, au quantum de la provision sollicitée, et aux conditions de mobilisation des garanties des assureurs.
Sur les autres demandes
Au regard des motifs qui précèdent, les appels en garantie formés par les sociétés Allianz IARD, INCET, L'Auxiliaire, I3F, SMA Courtage, Jacques Ripault Architecture, MAF, ITB 77, MMA IARD et MMA Assurances Mutuelles sont sans objet.
Succombant en ses prétentions, la commune de [Localité 26] supportera les dépens de première instance et d'appel.
Au regard des circonstances du litige, aucune considération d'équité ne commande de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
Infirme l'ordonnance entreprise en toutes ses dispositions ;
Statuant à nouveau,
Déclare recevables l'action engagée par la commune de [Localité 26] et les prétentions qu'elle a formées ;
Dit n'y avoir lieu à référé sur la demande de provision formée par la commune de [Localité 26] ;
Déclare sans objet les appels en garantie formés par les sociétés Allianz IARD, Ingénierie coordination études technique, L'Auxiliaire, Immobilière 3F, SMA Courtage, Jacques Ripault Architecture, Mutuelle des Architectes Français, ITB 77, MMA IARD et MMA Assurances Mutuelles ;
Condamne la commune de [Localité 26] aux dépens de première instance et d'appel avec, pour ceux d'appel, faculté de recouvrement direct au bénéfice de [24] Zanati, Maître Teytaud et Maître Oudino, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile ;
Dit n'y avoir lieu à l'application de l'article 700 du code de procédure civile.
LE GREFFIER LE PRESIDENT
délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 1 - Chambre 8
ARRÊT DU 03 OCTOBRE 2025
(n° , 16 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 24/19553 - N° Portalis 35L7-V-B7I-CKM62
Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 31 Octobre 2024 -Président du TJ de [Localité 19] - RG n° 24/00335
APPELANTE
S.A. ALLIANZ IARD, RCS de [Localité 25] sous le n°542 110 291 agissant poursuites et diligences en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
[Adresse 1]
[Localité 17]
Représentée par Me Jean-marc ZANATI de la SELAS COMOLET ZANATI AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque : P0435
INTIMÉES
S.A. IMMOBILIERE 3F, RCS de [Localité 27] sous le n°552 141 533 agissant poursuites et diligences en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
[Adresse 3]
[Localité 10]
Représentée par Me Edmond FROMANTIN, avocat au barreau de PARIS, toque : J151
LA SOCIETE MUTUELLE DES ARCHITECTES FRANCAIS (MAF), inscrite sous le n° SIREN 784 647 349 agissant poursuites et diligences en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
[Adresse 5]
[Localité 12]
Représentée par Me Nathalie BOUDE, avocat au barreau de PARIS, toque : L0018
Ayant pour avocat plaidant Me Antoine TIREL, avocat au Barreau de Paris
S.A. MMA IARD, RCS de [Localité 23] sous le n°440 048 882, recherchée en qualité d'assureur de la Société PROXISO agissant poursuites et diligences en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
[Adresse 4]
[Localité 8]
Représentée par Me Virginie FRENKIAN de la SELEURL FRENKIAN AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque : A0693
S.A. MMA IARD ASSURANCES MUTUELLES, RCS de [Localité 23] sous le n°775 652 126, recherchée en qualité d'assureur de la Société PROXISO agissant poursuites et diligences en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
[Adresse 4]
[Localité 8]
Représentée par Me Virginie FRENKIAN de la SELEURL FRENKIAN AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque : A0693
LA COMMUNE DE [Localité 26]
[Adresse 28]
[Localité 18]
Représentée par Me Marie-catherine VIGNES de la SCP GRV ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : L0010
Ayant pour avocat plaidant Me Rémy DEMARET, avocat au Barreau de Paris
S.A.R.L. JACQUES RIPAULT-ARCHITECTURE, RCS de [Localité 27] sous le n°378 662 746 agissant poursuites et diligences en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
[Adresse 7]
[Localité 9]
Représentée par Me Nathalie BOUDE, avocat au barreau de PARIS, toque : L0018
Ayant pour avocat plaidant Me Antoine TIREL, avocat au Barreau de Paris
L'AUXILIAIRE, société d'assurance à forme mutuelle agissant poursuites et diligences en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
[Adresse 6]
[Adresse 20]
Représentée par Me François TEYTAUD de l'AARPI TEYTAUD-SALEH, avocat au barreau de PARIS, toque : J125
Ayant pour avocat plaidant Me Guillaume CADIX, avocat au Barreau de Paris
S.A.S. INGENIERIE COORDINATIONS ETUDES TECHNIQUES (INCET), RCS de [Localité 27] sous le n°394 538 953 agissant poursuites et diligences en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
[Adresse 2]
[Localité 13]
Représentée par Me François TEYTAUD de l'AARPI TEYTAUD-SALEH, avocat au barreau de PARIS, toque : J125
Ayant pour avocat plaidant Me Guillaume CADIX, avocat au Barreau de Paris
S.A.S. ITB 77, RCS d'[Localité 22] sous le n°422 478 909 agissant poursuites et diligences en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
[Adresse 30]
[Adresse 14]
[Localité 16]
Représentée par Me Benjamin MOISAN de la SELARL BAECHLIN MOISAN Associés, avocat au barreau de PARIS, toque : L34
Ayant pour avocat plaidant Me Stella BEN ZENOU, avocat au Barreau de Paris
SA SMA COURTAGE, en qualité d'assureur dommage-ouvrage et constructeur non réalisateur de la société I3F agissant poursuites et diligences en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
[Adresse 15]
[Localité 11]
Représentée par Me Sarra JOUGLA, avocat au barreau de PARIS, toque : C0431
Ayant pour avocat plaidant Jean-Pierre COTTE, avocat au Barreau de Paris
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 804 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 10 juillet 2025, en audience publique, les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Florence LAGEMI, Président de chambre, chargée du rapport et Marie-Catherine GAFFINEL, Conseiller.
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de:
Florence LAGEMI, Président de chambre,
Marie-Catherine GAFFINEL, Conseiller,
Patrick BIROLLEAU, Magistrat honoraire,
Qui en ont délibéré,
Greffier, lors des débats : Grégoire GROSPELLIER
ARRÊT :
- Contradictoire
- rendu publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Florence LAGEMI, Président de chambre et par Catherine CHARLES, Greffier, présent lors de la mise à disposition.
***
Le 12 décembre 2016, la Société publique locale d'aménagement de rénovation et d'équipement de [Localité 26] (SOCAREN) a vendu à la société Immobilière 3F ( I3F), un terrain formant le lot 5a de la [Adresse 31], à [Localité 26].
La société I3F a fait réaliser, en qualité de maître de l'ouvrage, sur ce lot 5a, [Adresse 29], un programme de construction d'un ensemble immobilier à usage de logements collectifs sociaux, de commerces et d'un établissement d'accueil de jeunes enfants.
Elle a souscrit auprès de la société SMA une police d'assurance Tous risques chantier (TCR), une police dommages-ouvrage (DO) et une police constructeur non réalisateur (CNR).
Sont intervenues à cette opération :
- la société Jacques Ripault Architecture, assurée auprès de la Mutuelle des Architectes Français (MAF), en qualité de maître d'oeuvre,
- la société Ingénierie Coordination Etudes Technique (INCET), en qualité de bureau d'études en charge des lots techniques, assurée auprès de la société L'Auxiliaire,
- la société SOCOTEC en qualité de contrôleur technique,
- la société ITB 77, assurée auprès de la société Allianz IARD, titulaire du lot gros oeuvre,
- la société Proxiso, assurée auprès des sociétés MMA IARD et MMA Assurances Mutuelles, en qualité de sous-traitant de la société ITB 77 pour les travaux de flocage.
Par acte du 25 avril 2019, la société I3F a vendu à la SOCAREN le lot de volume n° 2 brut de béton, fluides en attente, destiné à l'installation d'une crèche. Les travaux d'aménagement de la crèche ont été réalisés sous la maîtrise d'ouvrage de la SOCAREN, qui pour y parvenir, a contracté avec le groupement de maîtrise d'oeuvre constitué de la société [F] [C] et du BET Batitech et avec la société G.D Construction, en qualité d'entreprise générale. Ces travaux d'aménagement intérieurs ont été réceptionnés le 3 décembre 2019.
Le 6 janvier 2020, jour de l'inauguration de la crèche, une partie du flocage a chuté du plafond endommageant l'aménagement de celle-ci.
Les travaux entrepris par la société I3F ont été réceptionnés, avec réserves, le 18 décembre 2020.
L'expertise amiable diligentée par la société SMA en qualité d'assureur TRC n'ayant pas permis d'aboutir à un accord, la société I3F a assigné, devant le juge des référés du tribunal de commerce de Bobigny les sociétés Jacques Ripault Architecture, INCET, SOCOTEC, ITB 77, Proxiso et SOCAREN aux fins de désignation d'un expert judiciaire. Cette ordonnance a ultérieurement été déclarée commune aux assureurs. Le rapport d'expertise a été déposé le 16 février 2023.
Par acte du 12 mai 2023, la SOCAREN a vendu à la commune de [Localité 26] le local contenant la crèche litigieuse.
Par acte des 9, 12, 21 et 24 février 2024, la commune de Noisy-le-Grand a fait assigner les sociétés I3F, SMA Courtage en qualité d'assureur DO et CNR, ITB 77, Allianz IARD, Jacques Ripault Architecture, MAF, INCET et L'Auxiliaire devant le juge des référés du tribunal judiciaire de Bobigny en paiement, notamment, d'une provision de 300.000 euros. La société Allianz IARD a appelé à la cause les sociétés MMA IARD et MMA IARD Assurances Mutuelles, en leur qualité d'assureur de la société Proxiso.
Par ordonnance réputée contradictoire du 31 octobre 2024, le premier juge, après avoir ordonné la jonction des affaires pendantes devant lui, a :
- condamné in solidum les sociétés I3F, SMA Courtage, ITB 77, Allianz IARD, Jacques Ripault Architecture, Mutuelle des Architectes Français, INCET et L'Auxiliaire à verser à la commune de [Localité 26] la somme de 300.000 euros à titre de provision ;
- rejeté toutes autres demandes plus amples ou contraires des parties ;
- condamné in solidum les sociétés I3F, SMA Courtage, ITB 77, Allianz IARD, Jacques Ripault Architecture, Mutuelle de Architectes Français, INCET, L'Auxiliaire à verser à la commune de [Localité 26] la somme de 4.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens.
Par déclaration du 19 novembre 2024, la société Allianz IARD a relevé appel de cette décision en critiquant l'ensemble de ses chefs de dispositif (instance enregistrée sous le n°RG 24/19553).
Par déclaration du 28 novembre 2024, la société INCET et L'Auxiliaire ont interjeté appel de ladite ordonnance en critiquant l'ensemble de ses chefs de dispositif (instance enregistrée sous le n° RG 24/20225).
Ces instances ont été jointes le 20 mars 2025.
Dans ses dernières conclusions remises et notifiées le 29 avril 2025, la société Allianz IARD demande à la cour de :
- la déclarer tant recevable que fondée en son appel ;
- infirmer l'ordonnance entreprise en toutes ses dispositions dont elle a relevé appel ;
Statuant à nouveau,
- déclarer la commune de [Localité 26] irrecevable en ses prétentions faute de justifier sa qualité et son intérêt à agir ;
- déclarer que l'obligation alléguée à son encontre se heurte à de multiples contestations sérieuses ;
- déclarer que les demandes formées par la commune de [Localité 26] échappent à la compétence du juge des référés ;
- déclarer la commune de [Localité 26] mal fondée en ses demandes au visa des dispositions de l'article 835 alinéas 1 et 2 du code de procédure civile ;
En conséquence,
- déclarer n'y avoir lieu à référé ;
- débouter la commune de [Localité 26] de l'ensemble de ses prétentions formées à son encontre ;
A titre subsidiaire,
- condamner in solidum les sociétés MMA IARD et MMA IARD Assurances Mutuelles, Jacques Ripault Architecture, MAF, INCET et L'Auxiliaire à la relever et garantir indemne de toute éventuelle condamnation prononcée à son encontre au titre des demandes principales formées par la commune de [Localité 26] et la société ITB 77 ;
- débouter les sociétés INCET et L'Auxiliaire de leur demande de condamnation in solidum formée à son encontre et à l'encontre des sociétés Jacques Ripault Architecture, MAF, ITB 77, SMA, I3F, MMA IARD et MMA IARD Assurances Mutuelles à les relever et garantir indemnes de toute éventuelle condamnation, en principal, intérêts, avec capitalisation, frais et accessoires ;
- débouter la société I3F de sa demande de condamnation in solidum formée à son encontre et à l'encontre des sociétés ITB 77, MMA, INCET, L'Auxiliaire, Jacques Ripault Architecture, MAF et SMA à la relever et garantir indemne de toute condamnation en principal, intérêts et frais quelconque ;
- débouter la société SMA Courtage de sa demande de condamnation in solidum formée à son encontre et à l'encontre des sociétés ITB 77, INCET et L'Auxiliaire à la garantir intégralement en qualité d'assureur dommages-ouvrage et assureur constructeur non réalisateur des condamnations qui pourraient être prononcées à son encontre au profit de la commune de [Localité 26] ;
- débouter la société Jacques Ripault Architecture et la MAF de leur demande de condamnation in solidum formée à son encontre et à l'encontre des sociétés SMA Courtage, INCET, L'Auxiliaire, MMA IARD, MMA Assurances Mutuelles et I3F à les relever et garantir indemnes de toute condamnation qui serait prononcée à leur encontre ;
- débouter la société ITB 77 de sa demande de confirmation de l'ordonnance en ce qu'elle l'a condamnée à la garantir, et ce quel que soit le fondement juridique que la cour retiendrait;
- débouter la société ITB 77 de sa demande de condamnation in solidum formée à son encontre et à l'encontre des sociétés INCET, L'Auxiliaire, Jacques Ripault Architecture, MAF et MMA Assurances Mutuelles à la relever et garantir de toute condamnation ;
- débouter la commune de [Localité 26] de sa demande de confirmation de l'ordonnance entreprise en toutes ses dispositions ;
- débouter les sociétés MMA IARD et MMA IARD Assurances Mutuelles de leur demande de confirmation de l'ordonnance entreprise en ce qu'elle n'a prononcé aucune condamnation à leur encontre ;
- débouter les sociétés MMA IARD et MMA IARD Assurances Mutuelles de leur demande de condamnation in solidum et par provision formée à son encontre et à l'encontre des sociétés Jacques Ripault Architecture, MAF, ITB 77, SMA, I3F, INCET et L'Auxiliaire à les relever et garantir indemnes de toute condamnation éventuelle, en principal, intérêts, avec capitalisation, frais et accessoires ;
- condamner la commune de [Localité 26] ou toute autre partie succombante à lui verser la somme de 4.000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens, qui pourront être recouvrés dans les conditions prescrites par l'article 699 du même code.
Dans leurs dernières conclusions remises et notifiées le 2 juin 2025, la société INCET et la société L'Auxiliaire demandent à la cour de :
- infirmer l'ordonnance entreprise en ses dispositions dont elles ont relevé appel ;
- rejeter l'ensemble des prétentions de la commune de [Localité 26] ;
- condamner la commune de [Localité 26] aux dépens de première instance et à leur payer la somme de 3.600 euros au titre des frais non compris dans les dépens exposés en première instance ;
Subsidiairement,
- limiter le montant de la provision éventuellement allouée ;
- condamner in solidum et par provision la société Jacques Ripault Architecture, la société MAF, la société Allianz IARD, la société ITB 77, la société SMA, la société I3F, la société MMA IARD et la société MMA IARD Assurances Mutuelles à les relever et garantir indemnes de toute condamnation éventuelle, en principal, intérêts, avec capitalisation, frais et accessoires ;
- condamner in solidum les mêmes aux dépens de première instance et à leur payer la somme de 3.600 euros au titre des frais non compris dans les dépens exposés en première instance ;
- rejeter les appels incidents en ce qu'ils comportent des demandes contraires à leurs intérêts et des demandes de condamnations à leur encontre ;
- rejeter les demandes de la commune de [Localité 26] au titre des frais de la procédure d'appel ;
- condamner in solidum la commune de [Localité 26], la société Jacques Ripault Architecture, la société MAF, la société Allianz IARD, la société ITB 77, la société SMA, la société I3F, la société MMA IARD et la société MMA IARD Assurances Mutuelles aux dépens d'appel, avec faculté de recouvrement direct conformément à l'article 699 du code de procédure civile, et à leur payer la somme de 8.400 euros au titre des frais non compris dans les dépens exposés en cause d'appel.
Dans ses dernières conclusions remises et notifiées le 28 mai 2025, la commune de [Localité 26] demande à la cour de :
- débouter de leurs appels les sociétés INCET, L'Auxiliaire et Allianz IARD ainsi que de toutes leurs demandes ;
- dire n'y avoir lieu à statuer sur l'appel incident de la société SMA qui ne vise aucun chef de la décision à infirmer, à toutes fins la débouter de toutes ses demandes ;
- débouter de son appel incident la société I3F ainsi que de toutes ses demandes ;
- débouter de son appel incident la société ITB77 ainsi que de toutes ses demandes;
- débouter de leur appel incident la société Jacques Ripault Architecture et la MAF ainsi que de toutes leurs demandes ;
- confirmer l'ordonnance entreprise en toutes ses dispositions ;
- condamner in solidum les sociétés INCET, L'Auxiliaire et Allianz IARD à lui payer la somme de 5.000 euros au titre des frais irrépétibles et aux dépens.
Dans ses dernières conclusions remises et notifiées le 22 mai 2025, la société I3F demande à la cour de :
- infirmer l'ordonnance entreprise en ce qu'elle a prononcé une condamnation à son encontre ;
Statuant à nouveau,
- juger que la nature et l'étendue des droits et actions de la SOCAREN dans lesquels la commune de [Localité 26] a été subrogée par acte du 12 mai 2023 ne sont pas déterminées ;
- juger en conséquence que la qualité et l'intérêt à agir de la commune de [Localité 26] ne sont pas eux-mêmes déterminés ;
- dire qu'aucune obligation non sérieusement contestable au sens de l'article 835 alinéa 2 A titre subsidiaire, dans l'hypothèse où une condamnation serait prononcée à son encontre,
condamner in solidum :
' la société ITB 77 intervenue en qualité de titulaire du lot gros oeuvre ainsi que son assureur, la société Allianz IARD,
' les MMA, assureur de la société Proxiso, intervenue en qualité de sous-traitant d'ITB 77,
' la société INCET intervenue en qualité de maître d'oeuvre ainsi que son assureur L'Auxiliaire,
' la société Jacques Ripault Architecture intervenue en qualité de maître d'oeuvre ainsi que son assureur la MAF,
'la société SMA, assureur CNR,
à la garantir intégralement et relever indemne de toute condamnation en principal, intérêts et frais quelconque ;
- condamner tout succombant aux dépens.
Dans ses dernières conclusions remises et notifiées le 2 mai 2025, la société SMA Courtage en sa qualité d'assureur DO et CNR, demande à la cour de :
- la déclarer recevable et bien fondée ;
- infirmer l'ordonnance entreprise en toutes ses dispositions ;
Statuant à nouveau,
A titre principal,
- débouter la commune de [Localité 26] de ses demandes formées à son encontre, en sa qualité d'assureur DO, compte tenu des contestations sérieuses relatives à :
- l'inopposabilité du rapport d'expertise judiciaire,
- l'absence de déclaration de sinistre,
- la prescription biennale de l'assuré,
- l'absence de production du procès-verbal de réception,
- la contestation des montants,
- débouter la commune de [Localité 26] de ses demandes formées à son encontre, en qualité d'assureur CNR de la société I3F, compte tenu de contestations sérieuses relatives à :
- l'inopposabilité du rapport d'expertise judiciaire,
- l'analyse des responsabilités ne relevant pas de l'évidence,
- l'absence de responsabilité de la société I3F relevée par l'expert judiciaire,
- la contestation des montants ;
A titre subsidiaire,
- limiter le quantum des sommes à ce qui est strictement nécessaire pour la réparation des désordres, à l'exclusion de tout poste constitutif d'une amélioration de l'ouvrage ;
- condamner in solidum les sociétés ITB 77, INCET, L'Auxiliaire et Allianz IARD à la garantir intégralement des condamnations qui seraient prononcées à son encontre au profit de la commune de [Localité 26] ;
En toute hypothèse,
- condamner la commune de [Localité 26] ou tout succombant à lui payer la somme de 5.000 euros, outre les dépens.
Dans leurs dernières conclusions remises et notifiées le 28 mai 2025, la société Jacques Ripault Architecture et la MAF demandent à la cour de :
- les recevoir en leur appel incident et le déclarer bien fondé ;
- infirmer l'ordonnance entreprise en ce qu'elle :
- les a condamnées in solidum avec les sociétés I3F, SMA Courtage, ITB 77, Allianz IARD, INCET et L'Auxiliaire à verser à la commune de [Localité 26] une somme de 300.000 euros à titre de provision ;
- a rejeté toutes autres demandes plus amples ou contraires des parties ;
- les a condamnées in solidum avec les sociétés I3F, SMA Courtage, ITB 77, Allianz IARD, INCET et L'Auxiliaire à verser à la commune de [Localité 26] une somme de 4.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens ;
Statuant à nouveau,
A titre principal,
- débouter la commune de [Localité 26] de l'ensemble de ses demandes ;
- dire n'y avoir lieu à référé ;
- renvoyer la commune de [Localité 26] à se pourvoir devant le juge du fond ;
- débouter toutes parties de leurs demandes formulées à leur encontre ;
A titre subsidiaire,
- limiter les condamnations éventuellement prononcées à l'encontre de la société Jacques Ripault Architecture à la quote-part de 5% de la somme de 179.756,46 euros HT ;
- condamner in solidum les sociétés SMA Courtage, ITB77, Allianz IARD, INCET, L'Auxiliaire, MMA et I3F à les relever et garantir de toute condamnation qui serait prononcée à leur encontre ;
- débouter les sociétés Allianz IARD, ITB77, SMA, I3F, INCET, L'Auxiliaire et MMA IARD et MMA IARD Assurances Mutuelles de leur demande de condamnation in solidum formées à leur encontre ;
En tout état de cause,
- condamner la commune de [Localité 26] ou tout succombant à leur payer la somme de 4.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens.
Dans ses dernières conclusions remises et notifiées le 2 juin 2025, la société ITB 77 demande à la cour de :
- infirmer l'ordonnance dont appel en ce qu'elle a jugé que l'obligation des constructeurs et la sienne au profit de la commune de [Localité 26] ne faisait pas l'objet de contestations sérieuses ;
- juger que la demande de provision de la commune de [Localité 26] se heurte à de multiples contestations sérieuses ;
En conséquence,
- la rejeter purement et simplement en condamnant la commune de [Localité 26] à lui verser une indemnité de 5.000 euros au titre des frais irrépétibles ;
Subsidiairement, dans l'hypothèse où par impossible la cour confirmerait dans son principe la provision accordée à la commune de [Localité 26],
- confirmer la décision dont appel en ce qu'elle a condamné la société Allianz IARD à la garantir, et ce quel que soit le fondement juridique que la cour retiendra ;
- réformer l'ordonnance en ce qu'elle a admis un montant de 300.000 euros outre 4.000 euros au titre des frais irrépétibles ;
- limiter la provision à la somme de 165.248 euros outre 5% au titre des frais de maîtrise d'oeuvre et rejeter toute demande plus ample ;
Tout aussi subsidiairement
- condamner in solidum les sociétés INCET, L'Auxiliaire, Jacques Ripault Architecture, MAF, Allianz IARD, MMA IARD et MMA Assurances Mutuelles à la relever et garantir de toute condamnation ;
- condamner tout succombant à lui payer une indemnité de 5.000 euros au titre des frais irrépétibles et aux entiers dépens.
Dans leurs dernières conclusions remises et notifiées le 31 mars 2025, les sociétés MMA IARD et MMA IARD Assurances Mutuelles demandent à la cour de :
- confirmer l'ordonnance entreprise en ce qu'elle n'a prononcé aucune condamnation à leur encontre, recherchée en qualité d'assureur de la société Proxiso ;
En conséquence,
- dire que l'obligation alléguée à leur encontre se heurte à de multiples contestations
- débouter la commune de [Localité 26], la société Allianz et toute autre partie de l'ensemble de leurs prétentions dirigées à leur encontre ;
- condamner la commune de [Localité 26] ou tout succombant à leur verser une somme de 4.000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens ;
Très subsidiairement,
- limiter le montant de la provision éventuellement allouée ;
- condamner in solidum et par provision les sociétés Jacques Ripault Architecture, MAF, Allianz IARD, ITB 77, SMA, I3F, INCET et L'Auxiliaire à les relever et garantir indemnes de toute condamnation éventuelle, en principal, intérêts, avec capitalisation, frais et accessoires ;
- les dire fondées à opposer leurs limites et plafonds de garanties, en application de l'article L.112-6 du code des assurances.
La clôture de la procédure a été prononcée le 2 juillet 2025.
Pour un exposé plus détaillé des faits, de la procédure, des moyens et prétentions des parties, la cour renvoie expressément à la décision déférée ainsi qu'aux conclusions susvisées, conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.
SUR CE, LA COUR
Sur la recevabilité des demandes de la commune de [Localité 26]
Il est soutenu d'une part, par les sociétés Allianz et ITB 77 que la commune de [Localité 26] serait irrecevable en son action et ses demandes au motif qu'elle n'aurait pas qualité ni intérêt à agir, d'autre part par les sociétés I3F, INCET et L'Auxiliaire qu'il existe une contestation sérieuse sur la détermination de la qualité et de l'intérêt à agir de cette partie, tandis que les sociétés MMA IARD et MMA Assurances Mutuelles s'en rapportent sur cette fin de non-recevoir.
Selon les articles 31 et 32 du code de procédure civile, l'action est ouverte à tous ceux qui ont un intérêt légitime au succès ou au rejet d'une prétention, sous réserve des cas dans lesquels la loi attribue le droit d'agir aux seules personnes qu'elle qualifie pour élever ou combattre une prétention ou pour défendre un intérêt déterminé ; toute prétention émise par ou contre une personne dépourvue du droit d'agir est irrecevable.
Au cas présent, ainsi que le rappelle justement la commune de [Localité 26], celle-ci a acquis, suivant acte du 12 mai 2023, la propriété de l'espace crèche et peut, à ce titre, exercer toute action afférente à son bien. Elle dispose donc de la qualité et de l'intérêt à agir à l'encontre des intervenants à l'opération de construction et de leurs assureurs ainsi qu'à l'encontre de l'assureur DO et CNR, étant en effet rappelé que l'intérêt à agir n'est pas subordonné à la démonstration préalable du bien-fondé de l'action.
Au surplus, l'acte de cession stipule que "le cessionnaire est subrogé dans tous les droits du cédant, dans les procédures actuellement pendantes devant les juridictions et les procédures à venir. Cette subrogation est une condition essentielle du contrat". Cette disposition de l'acte est précédée d'un rappel de la procédure diligentée par la société I3F en désignation d'un expert judiciaire en raison des chutes de flocages survenues en juin 2019 et janvier 2020 et du rapport d'expertise déposé le 16 février 2023, de sorte que contrairement à ce qui est soutenu la clause relative à la subrogation ne nécessite aucune interprétation.
Ainsi, l'action et les prétentions de la commune de [Localité 26] sont recevables. Le dispositif de l'ordonnance entreprise ne contenant aucune disposition sur la recevabilité de l'action et des prétentions de cette partie, il sera statué sur celle-ci au dispositif du présent arrêt.
Sur la demande de provision
Selon l'article 835, alinéa 2, du code de procédure civile, dans les cas où l'existence d'une obligation n'est pas sérieusement contestable, le président du tribunal judiciaire peut accorder une provision au créancier, ou ordonner l'exécution de l'obligation même s'il s'agit d'une obligation de faire.
La commune de [Localité 26] soutient que l'obligation des locateurs d'ouvrage et de leurs assureurs, de la société I3F et de l'assureur DO et CNR, telle que retenue par le premier juge, ne souffre aucune contestation sérieuse en raison de la nature décennale du désordre survenu. A cet égard, elle soutient que le désordre affectant le flocage présente un degré de gravité tel qu'il rend le local crèche impropre à sa destination, qu'il était caché à la date de la réception de la coque du lot de volume n°2 destiné à l'aménagement de la crèche, intervenue le 5 avril 2019, soit antérieurement aux premières chutes de flocage, ajoutant que les travaux de flocage ont nécessairement été réceptionnés à cette date afin de permettre à la SOCAREN de réaliser ses propres travaux d'aménagement.
Dans l'hypothèse où il serait retenu que les travaux de flocage incriminés auraient été réceptionnés le 18 décembre 2020, ainsi que le soutiennent les parties adverses, la commune de [Localité 26] fait valoir qu'il devrait alors être considéré que le désordre, dont il n'est pas démontré qu'il aurait été réservé, est apparu dans toute son ampleur postérieurement à la réception et n'était donc pas apparent lors de celle-ci. Elle indique que les chutes de flocage survenues en juin 2019 et janvier 2020 étaient isolées et que le caractère généralisé du désordre n'a été révélé que lors des opérations d'expertise judiciaire.
Selon l'article 1792 du code civil, tout constructeur d'un ouvrage est responsable de plein droit, envers le maître ou l'acquéreur de l'ouvrage, des dommages, même résultant d'un vice du sol, qui compromettent la solidité de l'ouvrage ou qui, l'affectant dans l'un de ses éléments constitutifs ou l'un de ses éléments d'équipement, le rendent impropre à sa destination. Une telle responsabilité n'a point lieu si le constructeur prouve que les dommages proviennent d'une cause étrangère.
L'article 1792-1 du même code répute constructeur de l'ouvrage :
1° Tout architecte, entrepreneur, technicien ou autre personne liée au maître de l'ouvrage par un contrat de louage d'ouvrage ;
2° Toute personne qui vend, après achèvement, un ouvrage qu'elle a construit ou fait construire ;
3° Toute personne qui, bien qu'agissant en qualité de mandataire du propriétaire de l'ouvrage, accomplit une mission assimilable à celle d'un locateur d'ouvrage.
En application de l'article 1792-2, la présomption de responsabilité établie par l'article 1792 s'étend également aux dommages qui affectent la solidité des éléments d'équipement d'un ouvrage, mais seulement lorsque ceux-ci font indissociablement corps avec les ouvrages de viabilité, de fondation, d'ossature, de clos ou de couvert.
Un élément d'équipement est considéré comme formant indissociablement corps avec l'un des ouvrages de viabilité, de fondation, d'ossature, de clos ou de couvert lorsque sa dépose, son démontage ou son remplacement ne peut s'effectuer sans détérioration ou enlèvement de matière de cet ouvrage.
Selon l'article 1792-4-1 toute personne physique ou morale dont la responsabilité peut être engagée en vertu des articles 1792 à 1792-4 est déchargée des responsabilités et garanties pesant sur elle, en application des articles 1792 à 1792-2, après dix ans à compter de la réception des travaux ou, en application de l'article 1792-3, à l'expiration du délai visé à cet article.
Enfin, l'article 1792-6 énonce que la réception est l'acte par lequel le maître de l'ouvrage déclare accepter l'ouvrage avec ou sans réserves. Elle intervient à la demande de la partie la plus diligente, soit à l'amiable, soit à défaut judiciairement. Elle est, en tout état de cause, prononcée contradictoirement.
Il résulte de ces textes que les constructeurs au sens de l'article 1792-1 sont tenus, à compter de la réception de l'ouvrage, d'une présomption de responsabilité dont ils ne peuvent s'exonérer qu'en rapportant la preuve d'une cause étrangère, pour les dommages résultant de désordres de nature décennale, soit de désordres portant atteinte à la solidité de l'ouvrage ou le rendant impropre à sa destination.
La mise en oeuvre de la garantie décennale suppose donc l'existence d'une réception des travaux et l'apparition, après celle-ci, d'un désordre présentant les critères susvisés, cette garantie ne s'appliquant pas aux désordres connus à la date de la réception, ayant fait ou non l'objet de réserves lors de celle-ci. Il est toutefois possible d'admettre cette garantie pour des vices apparents à la réception mais s'étant ultérieurement révélés dans toute leur ampleur.
Au cas présent, il est constant que la société I3F, maître de l'ouvrage de l'opération de construction, réalisée sous la maîtrise d'oeuvre des sociétés Jacques Ripault Architecture et INCET, cette dernière en qualité de BET structure, a confié à la société ITB 77 la réalisation du lot gros oeuvre comprenant des travaux de flocage dont la pose a été sous-traitée à la société Proxiso ; que la société I3F a vendu, le 25 avril 2019, à la SOCAREN, le lot de volume n°2, correspondant à la future crèche, en état brut de décoffrage, fluides en attente ; que les travaux d'aménagement de la crèche ont été conduits sous la maîtrise d'ouvrage de la SOCAREN qui a, notamment, mandaté la société [F] [C] en qualité de maître d'oeuvre et la société GD Construction en qualité d'entreprise générale ; que ces travaux devaient être entrepris alors que se poursuivaient les travaux de l'ensemble immobilier sous la maîtrise d'ouvrage de la société I3F.
Il est acquis qu'avant même le début des travaux d'aménagement de la future crèche, des chutes de flocage se sont produites, en juin 2019, dans ce lot de volume, ayant justifié une intervention de la société Proxiso et que le jour de l'ouverture de la crèche, le 6 janvier 2020, le flocage s'est détaché en plusieurs endroits, est tombé au sol entraînant dans sa chute les faux-plafonds, les luminaires et les éléments de climatisation.
Afin de déterminer les causes de ces désordres, des prélèvements ont été effectués en novembre 2020 dans le cadre d'une expertise amiable diligentée par la société SMA, en qualité d'assureur TCR, puis lors de l'expertise judiciaire, un an plus tard.
Il résulte du rapport d'expertise judiciaire que les chutes du flocage n'ont pas pour origine les travaux d'aménagement entrepris par la société SOCAREN mais sont liées à :
- une rupture d'adhérence à l'interface entre le béton support et le flocage,
- des ruptures cohésives dans le flocage traduisant une faible cohésion de celui-ci,
- des masses volumiques apparentes supérieures aux prescriptions du dossier technique,
- une fragilité de la frange superficielle du flocage,
- l'absence ou l'insuffisance du primaire d'accrochage,
- la présence très probable d'huile de coffrage ou de matières organiques ayant contribué au défaut d'adhérence.
L'expert judiciaire a relevé d'une part, un non-respect du DTU 27.1 en soulignant que les locaux n'étaient pas totalement hors d'eau lors de la projection du flocage et qu'il avait été mis en oeuvre par des températures inadaptées et inférieures à 5°, le flocage ayant été posé en février 2019 alors que les locaux sont restés ouverts et non clos jusqu'à mi-septembre, et, d'autre part, un non-respect de l'avis technique du produit de flocage et du CCTP dressé par la société INCET quant au type de flocage mis en place.
Donnant son avis sur les responsabilités encourues, l'expert judiciaire a estimé que celle de la société Proxiso, ayant achevé les travaux de flocage en mars 2019, était engagée à 80 %, que celle de la société ITB 77, entreprise principale, l'était à hauteur de 10 %, le surplus étant mis à la charge de la maîtrise d'oeuvre et réparti de façon égale entre les sociétés INCET et Jacques Ripault Architecture (5 % chacun).
Si les chutes de flocage survenues à deux reprises dans le local crèche sont de nature à constituer un désordre portant atteinte à la destination de celui-ci, s'agissant d'un élément d'équipement devant faire indissociablement corps à un ouvrage d'ossature (béton du plancher haut), dont l'effondrement met en péril l'usage de ce local destiné à l'accueil de jeunes enfants, il n'apparaît cependant pas, avec l'évidence requise en référé, que ce désordre soit de nature à entraîner la responsabilité de plein droit des constructeurs et, par suite, l'existence d'une obligation non sérieusement contestable de ces derniers au paiement d'une provision destinée à sa réparation.
En effet, les parties sont en désaccord sur la date de la réception des travaux et donc, sur le caractère caché ou apparent du désordre, la commune de [Localité 26] soutenant que la réception est intervenue le 5 avril 2019, soit avant l'apparition du désordre, tandis que les autres parties affirment, majoritairement, que la réception a été prononcée avec réserves le 18 décembre 2020. La liste des réserves dressée lors de cette réception n'a pas été produite alors qu'il apparaît à la lecture du procès-verbal de réception que 116 réserves ont été mentionnées. Il est encore relevé que selon les écritures de la société ITB 77, non contredites sur ce point, aucune réserve n'a été formée sur le désordre litigieux. La cour observe que la société ITB 77 indique qu'après l'achèvement de la première phase de travaux, une réception de la coque a été formalisée le 5 avril 2019, le procès-verbal ayant été établi par le maître d'oeuvre de la SOCAREN, la société [F] [C], pour la remise de cette coque aux constructeurs mandatés par cette dernière.
S'il est exact que ce procès-verbal du 5 avril 2019 porte la mention "réception de la coque" et a pour intitulé "aménagement d'une structure d'accueil petite enfance de type crèche 60 berceaux [Localité 21] Type R de 5ème catégorie au sein d'un local livré brut", il n'apparaît pas pouvoir constituer un acte de réception au sens de l'article 1792-6 du code civil.
En effet, sont intervenus à cet acte la SOCAREN, les maîtres d'oeuvre (architecte et bureaux d'études) et l'entreprise générale mandatés par cette dernière ainsi qu'une entreprise en charge du lot plomberie, afin de recevoir la coque du lot de volume n° 2 (qui sera cédé à la SOCAREN par la société I3F le 25 avril 2019) en vue de la réalisation des travaux d'aménagement intérieur de ce lot.
Cette réception à laquelle ne sont pas intervenus la société I3F et les constructeurs ayant contracté avec cette dernière pour la réalisation de l'ensemble immobilier et, notamment, du flocage, ne peut, à leur égard, emporter les conséquences juridiques prévues par les textes susvisés et, notamment, constituer le point de départ des garanties légales dont la garantie décennale, recherchée par la commune de [Localité 26].
En revanche, le procès-verbal de réception de travaux en date du 18 décembre 2020, signé par la société I3F, en sa qualité de maître de l'ouvrage, la société ITB 77 et la société Jacques Ripault Architecture, maître d'oeuvre, en ce qu'il porte sur la réception des travaux réalisés sous la maîtrise d'ouvrage de la société I3F, comprenant la pose du flocage litigieux, est de nature à marquer le point de départ de la garantie décennale pour le désordre litigieux.
Or, à cette date, le désordre s'était déjà manifesté à trois reprises, une première fois, en avril 2019, dans la zone des locaux commerciaux, et deux autres fois dans le local crèche, en juin 2019 et janvier 2020, de sorte qu'il ne pouvait présenter le caractère d'un vice caché.
La commune de [Localité 26] fait valoir, en tout état de cause, qu'à la date du 18 décembre 2020, ce désordre n'était pas connu dans toute son ampleur puisque son caractère généralisé ne sera déterminé que par l'expertise judiciaire.
Mais, il est relevé à la lecture de la note d'information de la société Saretec (expert mandaté par la société SMA) du 26 août 2020 produite par les sociétés MMA, que la question de la généralisation du désordre s'était posée au cours de l'année 2020. A cet égard, cette note reproduit la position du maître d'oeuvre, la société Jacques Ripault Architecture, en date du 14 mai 2020, qui rappelait "les réserves (qu'elle avait) exprimées clairement depuis le début de cette affaire, concernant les éventuelles reprises partielles du flocage, notamment au-dessus de la crèche", indiquait qu' "on ne peut pas écarter le risque que cette anomalie puisse se reproduire dans le temps avec des conséquences peut-être bien plus dramatiques" et préconisait "la dépose totale du flocage existant et son remplacement par la pose d'un isolant en fixation mécanique (...)".
Cette note précise encore que plusieurs séries d'essais ont été effectuées dans la crèche et dans les commerces desquelles il résulte qu'il n'y a pas eu application de "primaire" ce qui expliquerait le défaut d'adhérence au niveau du support, laissant supposer un défaut de primaire généralisé et l'existence d'un risque généralisé de futurs décollements (message Saretec reproduit en page 9 de la note).
Au regard de ces éléments, il n'est pas démontré l'existence d'une obligation non sérieusement contestable des constructeurs au titre de la garantie décennale et, par suite, de leurs assureurs, la nature exacte du désordre, conditionnant l'existence de leur obligation, relevant de la seule appréciation du juge du fond.
Il n'entre pas davantage dans les pouvoirs du juge des référés d'apprécier les fautes commises par les intervenants à l'opération de construction et leur part de responsabilité, qui relèvent également de l'appréciation du juge du fond.
L'ordonnance entreprise sera donc infirmée en ce qu'ayant considéré que le désordre présentait une nature décennale et que l'obligation des constructeurs, tenus de garantir sa réparation rapide, n'était pas sérieusement contestable, les a condamnés in solidum avec leurs assureurs à payer à la commune de [Localité 26] une provision de 300.000 euros à ce titre.
A titre subsidiaire, la commune de [Localité 26], se fondant sur les dispositions de l'article 835, alinéa 1, du code de procédure civile, sollicite l'allocation d'une provision, soutenant que celle-ci peut être accordée en application de ce texte, même en présence d'une contestation sérieuse, dès lors qu'elle s'impose par l'existence évidente d'un trouble manifestement illicite constitué par l'effondrement du flocage et le risque persistant de chute de cet élément qui caractérise une situation anormale nécessitant des réparations urgentes pour permettre l'utilisation de la crèche.
Selon l'article 835, alinéa 1, du code de procédure civile, le président du tribunal judiciaire peut toujours, même en présence d'une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent, soit pour prévenir un dommage imminent soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite.
Le trouble manifestement illicite désigne toute perturbation résultant d'un fait matériel ou juridique qui, directement ou indirectement, constitue une violation évidente de la règle de droit. Le caractère illicite de l'acte peut résulter de sa contrariété à la loi, aux stipulations d'un contrat ou aux usages.
Cependant, la survenue d'un désordre, quel que soit son degré de gravité, à la suite de la réalisation de travaux exécutés dans le cadre d'un contrat de louage d'ouvrage susceptible d'entraîner la responsabilité du constructeur, ne saurait constituer un trouble manifestement illicite. En tout état de cause, à supposer un tel trouble avéré, l'octroi d'une provision, qui, par principe, suppose l'existence d'une obligation non sérieusement contestable de la part du débiteur, ne peut s'analyser comme une mesure conservatoire ou de remise en état propre à le faire cesser.
Il n'y a dès lors pas lieu à référé sur la demande de provision formée par la commune de [Localité 26] et ce sans qu'il soit utile d'examiner les autres moyens invoqués tenant à l'étendue des travaux de réparation et, par suite, au quantum de la provision sollicitée, et aux conditions de mobilisation des garanties des assureurs.
Sur les autres demandes
Au regard des motifs qui précèdent, les appels en garantie formés par les sociétés Allianz IARD, INCET, L'Auxiliaire, I3F, SMA Courtage, Jacques Ripault Architecture, MAF, ITB 77, MMA IARD et MMA Assurances Mutuelles sont sans objet.
Succombant en ses prétentions, la commune de [Localité 26] supportera les dépens de première instance et d'appel.
Au regard des circonstances du litige, aucune considération d'équité ne commande de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
Infirme l'ordonnance entreprise en toutes ses dispositions ;
Statuant à nouveau,
Déclare recevables l'action engagée par la commune de [Localité 26] et les prétentions qu'elle a formées ;
Dit n'y avoir lieu à référé sur la demande de provision formée par la commune de [Localité 26] ;
Déclare sans objet les appels en garantie formés par les sociétés Allianz IARD, Ingénierie coordination études technique, L'Auxiliaire, Immobilière 3F, SMA Courtage, Jacques Ripault Architecture, Mutuelle des Architectes Français, ITB 77, MMA IARD et MMA Assurances Mutuelles ;
Condamne la commune de [Localité 26] aux dépens de première instance et d'appel avec, pour ceux d'appel, faculté de recouvrement direct au bénéfice de [24] Zanati, Maître Teytaud et Maître Oudino, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile ;
Dit n'y avoir lieu à l'application de l'article 700 du code de procédure civile.
LE GREFFIER LE PRESIDENT