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Décisions

CA Montpellier, 2e ch. civ., 2 octobre 2025, n° 25/00007

MONTPELLIER

Arrêt

Autre

CA Montpellier n° 25/00007

2 octobre 2025

ARRÊT n°

Grosse + copie

délivrées le

à

COUR D'APPEL DE MONTPELLIER

2e chambre civile

ARRET DU 02 OCTOBRE 2025

Numéro d'inscription au répertoire général :

N° RG 25/00007 - N° Portalis DBVK-V-B7I-QP6T

Décision déférée à la Cour :

Ordonnance du 04 DECEMBRE 2024

JUGE DE LA MISE EN ETAT DE [Localité 21]

N° RG 22/01779

APPELANTES :

S.A. MMA IARD - en qualité d'assureur décennal - en qualité d'assureur dommages ouvrage SA à conseil d'administration au RCS [Localité 19] 440 048 882 prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié es qualité au siège social sis [Adresse 2]

Représentée par Me Alexandre SALVIGNOL de la SARL SALVIGNOL ET ASSOCIES, avocat au barreau de MONTPELLIER substitué par Me JULIE, avocat postulant et Me Cyril CARRIERE, avocat au barreau des Pyrénées orientales, avocat plaidant

S.A. MMA IARD ASSURANCES MUTUELLES - en qualité d'assureur décennal - en qualité d'assureur dommages ouvrage société d'assurance mutuelle au RCS [Localité 19] 775 652 126 prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié es qualité au siège social sis [Adresse 2]

Représentée par Me Alexandre SALVIGNOL de la SARL SALVIGNOL ET ASSOCIES, avocat au barreau de MONTPELLIER substitué par Me JULIE, avocat postulant et Me Cyril CARRIERE, avocat au barreau des Pyrénées orientales, avocat plaidant

INTIMES :

Monsieur [F] [D]

né le 04 Décembre 1941 à [Localité 18]

de nationalité Française

[Adresse 12]

[Localité 1]

Représenté par Me Philippe SENMARTIN de la SELARL CSA, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat postulant et Me PINET, avocat au barreau de NARBONNE, avocat plaidant

Madame [E] [V] épouse [D]

née le 13 Avril 1942 à [Localité 21]

de nationalité Française

[Adresse 12]

[Localité 1]

Représenté par Me Philippe SENMARTIN de la SELARL CSA, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat postulant et Me PINET, avocat au barreau de NARBONNE, avocat plaidant

Monsieur [N] [I] exploitant sous l'enseigne HBTC CONCEPT numero de siren 441 982 725

[Adresse 3]

[Localité 4]

assigné à étude le 4 avril 2025

SMABTP en qualité d'assureur de M. [N] [I] exerçant sous l'Enseigne HBTC CONCEPT et de la SARL SVB

[Adresse 11]

[Adresse 17]

[Localité 10]

Représentée par Me Jacques henri AUCHE de la SCP AUCHE HEDOU, AUCHE - AVOCATS ASSOCIES, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat postulant et Me BIVER, avocat au barreau de CARCASSONNE, avocat plaidant

S.A.S. CLE FRANCE, SAS au capital de 100.000 €, inscrite au RCS de [Localité 22] sous le N°540 019 478, dont le siège social est [Adresse 6], prise en la personne de son représentant légal en exercice, en son établissement à [Localité 21], [Adresse 16]

[Adresse 5]

[Localité 9]

Représentée par Me Karine JAULIN-BARTOLINI de la SCP PECH DE LACLAUSE-JAULIN-EL HAZMI, avocat au barreau de NARBONNE

La SA SWISSLIFE Assurances de biens, Société anonyme au capital de 80 000 000,00 euros, immatriculée au RCS de [Localité 20] sous le n° 391 277 878 dont le siège social est [Adresse 8], prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 7]

[Localité 14]

Représentée par Me Fanny MEYNADIER de la SELARL MEYNADIER - BRIBES AVOCATS, avocat au barreau de MONTPELLIER

Ordonnance de clôture du 10 Juin 2025

COMPOSITION DE LA COUR :

En application de l'article 914-5 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 16 JUIN 2025, en audience publique, le magistrat rapporteur ayant fait le rapport prescrit par le même article, devant la cour composée de :

Mme Michelle TORRECILLAS, Présidente de chambre

Madame Nelly CARLIER, Conseiller

Mme Anne-Claire BOURDON, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : M. Salvatore SAMBITO

ARRET :

- par défaut ;

- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;

- signé par Mme Michelle TORRECILLAS, Présidente de chambre, et par M. Salvatore SAMBITO, Greffier.

FAITS, PROCEDURE - PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES :

Par acte du 3 mai 2000, M. [F] [D] et Mme [E] [V], son épouse ont conclu un contrat de construction de maison individuelle avec fourniture de plans avec la SARL [S], afin de voir édifiée une maison à usage d'habitation, sur une parcelle située [Adresse 13] à [Localité 15] (34).

La société [S] était assurée pour sa responsabilité civile et décennale auprès de la société d'assurance Mutuelle du Mans Assurances Iard. Par ailleurs, elle avait souscrit, pour le compte du maître d'ouvrage, une assurance dommages-ouvrage auprès de cette même société d'assurance.

La déclaration d'ouverture du chantier est en date du 25 juillet 2000 et les travaux ont été réceptionnés le 26 mars 2001.

M. et Mme [D] ont constaté l'apparition de différents désordres (notamment un affaissement de la construction au niveau du salon et des fissures en façade), les amenant à effectuer sept déclarations de sinistre auprès de l'assureur dommages-ouvrage (2003, 2005, 2006, 2007, 2008, 2016), celui-ci ayant désigné pour l'assister, le cabinet languedocien d'expertises Cle [Localité 21].

Plusieurs séries de travaux ont été diligentées à l'initiative de l'assureur dommages-ouvrage :

- avril, juillet 2004 et novembre 2005 : injections de résine sur le dallage par la SARL Uretek,

- avril 2007 : modification du réseau d'eaux usées,

- novembre 2009 : travaux de drainage autour de la maison avec un géomembrane réalisés par la SARL S.V.B., sous la maîtrise d''uvre de M. [N] [I] (bureau d'études techniques HBTC Concept), les intervenants étant assurés auprès de la SA Swisslife et de la société mutuelle d'assurance SMABTP,

- décembre 2011 : travaux d'embellissements réalisés par la SAS Camif Habitat.

Suite à une nouvelle déclaration de sinistre de M. et Mme [D], les sociétés MMA Iard ont opposé un refus de garantie dans une lettre datée du 30 novembre 2016 eu égard à l'expiration de l'assurance dommages-ouvrage le 26 mars 2011.

Saisi par acte en date du 3 octobre 2017 délivré par M. et Mme [D] à l'encontre des sociétés MMA Iard, en leur qualité d'assureur décennal de la société [S], le juge des référés du tribunal de grande instance de Narbonne a, par ordonnance de référé en date du 14 novembre 2017, instauré une mesure d'expertise. Par ordonnances des 20 mars et 17 avril 2018, les opérations ont été étendues à l'initiative des sociétés MMA Iard à la SMABTP, assureur de M. [I] et de la SARL S.V.B. et à M. [I]. Par ordonnance du 27 novembre 2018, les opérations ont été étendues à l'initiative de la SMABTP à la société Swisslife, assureur de la société S.V.B.

Par ordonnance en date du 12 janvier 2021, le juge chargé du contrôle des expertises du tribunal judiciaire de Narbonne a, notamment, dit bien fondées et conformes à sa mission les investigations de l'expert le conduisant à examiner les terrasses et le mur de soutènement de l'immeuble.

Les opérations d'expertise ont été terminées le 10 mai 2022.

Par acte en date du 12 décembre 2022, M. et Mme [D] ont assigné devant le tribunal judiciaire de Narbonne la société MMA Iard, en sa qualité d'assureur responsabilité civile et décennale de la société [S], sur le fondement de la responsabilité contractuelle et décennale, afin de la voir condamnée notamment à leur régler le montant de la totalité des travaux de reprise tels que chiffés par l'expert judiciaire et à les indemniser de leurs préjudices pour un montant total de 383 318,96 euros.

Les sociétés d'assurance MMA Iard ont assigné les 17, 25 et 26 janvier 2023 les sociétés d'assurance SMABTP et Swisslife, assureurs de la société S.V.B. et M. [I], et ce dernier, afin de les voir les relever et garantir des condamnations pouvant être prononcées à leur encontre.

Ces deux instances (RG n°22/1779 et 23/214) ont été jointes par ordonnance du 7 juin 2023.

Par actes en date des 13, 16, 17 et 31 octobre 2023, M. et Mme [D] ont assigné la société MMA Iard en sa qualité d'assureur dommages-ouvrage sur le fondement de la responsabilité contractuelle, la SAS Cle France, sur le fondement de la responsabilité délictuelle, M. [I] et son assureur, la SMABTP, sur le fondement de la responsabilité contractuelle.

Ces deux instances (RG n°23/1681 et 22/1719) ont été jointes le 3 juillet 2024.

Saisi d'un incident par les sociétés MMA Iard, le juge de la mise en état du tribunal judiciaire de Narbonne a, par ordonnance du 4 décembre 2024 :

- pris acte de l'intervention volontaire de la MMA Iard Assurances Mutuelles,

- déclaré irrecevables les demandes de M. [F] [D] et Mme [E] [V] épouse [D] à l'encontre de la MMA Iard en sa qualité d'assureur responsabilité civile et décennale,

- dit que l'appel en garantie formée par les MMA à l'encontre de la société Swisslife est sans objet,

- rejeté la fin de non-recevoir tirée de la prescription soulevée par la SA MMA Iard et par la MMA Iard Assurances Mutuelle concernant l'action de M. et Mme [D] en responsabilité pour faute contractuelle des MMA assureur dommages-ouvrage (pré-financement de travaux inefficaces, et absence de réalisation des travaux préconisés par le bureau d'études techniques Cemer),

- rejeté la fin de non-recevoir opposée par la SMABTP à l'action engagée par les époux [D] à son encontre, en sa qualité d'assureur de M. [I],

- rejeté la fin de non-recevoir opposée par la société Cle France à l'action délictuelle des époux [D] à son encontre,

- débouté M. [F] [D] et Mme [E] [V] épouse [D] de leur demande de provision,

- dit que M. [F] [D] et Mme [E] [V] épouse [D] devront produire les devis sur lesquels l'expert s'est basé pour fixer le coût des travaux (devis de l'entreprise Sol Technic et des sous-traitants Solet bat et Lezi construction)

- réservé les demandes présentées sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- réservé les dépens,

- renvoyé les parties à l'audience de mise en état du 11 février 2025 pour conclusions des demandeurs.

Par déclaration reçue le 27 décembre 2024, les sociétés MMA Iard ont relevé appel partiel de cette ordonnance.

Par avis en date du 29 janvier 2025, l'affaire a été fixée à l'audience du 3 juin 2025 en application des dispositions de l'article 906 du code de procédure civile.

Par conclusions du 4 juin 2025, les sociétés MMA Iard et MMA Iard Assurances Mutuelle demandent à la cour, au visa des articles 1792 et 1792-4-1, 1231-1, 1346, 1346-1, 2224 du code civil, L 114-1, L 121-12, L 243-9 du code des assurances, 122, 367 et 789 du code de procédure civile, de :

- les juger recevables et bien fondées en leur appel,

- infirmer l'ordonnance déférée en ce qu'elle a rejeté la fin de non-recevoir tirée de la prescription concernant l'action de M. et Mme [D] en responsabilité pour faute contractuelle des MMA assureur dommages-ouvrage (préfinancement des travaux inef caces et absence de réalisation des travaux préconisés par le bureau d'études techniques Cemer) et dit que l'appel en garantie formé par les MMA à l'encontre de la société Swisslife était sans objet,

- confirmer l'ordonnance déférée en ce qu'elle a en revanche déclaré irrecevables les demandes de M. et Mme [D] à l'encontre de la MMA Iard en sa qualité d'assurer responsabilité civile et décennale et débouté M. et Mme [D] de leur demande de provision,

- statuant à nouveau :

- juger que l'action engagée par les époux [D] à leur encontre en leur qualité d'assureur dommages-ouvrage est irrecevable et à tout le moins prescrite,

- juger que l'action engagée par les époux [D] à leur encontre en leur qualité d'assureur décennal est irrecevable et à tout le moins forclose,

- juger que les demandes des époux [D] au titre de prétendus manquements en qualité d'assureur dommages-ouvrage sont prescrites,

- juger qu'il existe des contestations sérieuses s'opposant aux demandes de provisions formulées par les époux [D],

- débouter les époux [D] de toutes fins et prétentions contraires à leur encontre, en ce compris s'agissant des demandes de provisions,

- juger recevable leur action en garantie à l'encontre de SwissLife,

- juger qu'elles seront relevées et garanties de toutes condamnations prononcées à leur encontre par la SMABTP et Swisslife,

- condamner les époux [D] à leur porter et payer la somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

- les condamner aux entiers dépens.

Au soutien de leur appel, elles font essentiellement valoir que :

- l'échéance du délai d'épreuve est intervenue le 26 mars 2011, les époux [D] n'ont agi contre les MMA en leur qualité d'assureur décennal que par assignation en référé-expertise du 3 octobre 2017,

- en l'absence d'interruption du délai décennal la notion de désordre évolutif est inapplicable,

- la déclaration de sinistre auprès de l'assureur dommages-ouvrage n'est pas un acte interruptif, la reconnaissance de garantie de l'assureur dommages-ouvrage ne vaut pas reconnaissance de responsabilité d'un constructeur et n'est pas interruptive du délai décennal,

- les nouveaux travaux concernant les terrasses ne les concernent pas, mais seulement la société S.V.B.,

- les désordres concernant le mur de soutènement sont apparus au-delà du délai décennal,

- l'action en responsabilité contre les MMA en qualité d'assureur pour manquement contractuel se prescrit par 2 ans, le point de départ de cette action court à compter de la manifestation du dommage à savoir en l'espèce le refus de l'assureur de prendre en charge la nouvelle déclaration de sinistre en novembre 2016,

- l'assignation en référé du 3 octobre 2017 constitue un aveu judiciaire de ce que les époux [D] connaissaient dès cette période les faits de nature à leur permettre d'engager la responsabilité des MMA en qualité d'assureur dommages-ouvrage, or, l'assignation délivrée contre les MMA assureur dommages-ouvrage est en date du 16 octobre 2023,

- la responsabilité contractuelle de l'assureur dommages-ouvrage pour une réparation non pérenne se prescrit par 5 ans, à compter de la date de la réapparition des désordres, qui, selon les époux [D] remonte à 2016,

- l'assureur n'a pas un devoir de conseil à l'égard du maître d'ouvrage sur le choix de ses recours,

- elles sont en droit en qualité d'assureur dommages-ouvrage d'appeler des constructeurs et leur assureur de responsabilité décennale respectifs en garantie.

Par conclusions du 5 juin 2025, formant appel incident, la SMABTP demande à la cour de :

- infirmer l'ordonnance en ce qu'elle a rejeté la fin de non-recevoir tirée de la prescription de l'action de M. et Mme [D] en responsabilité pour faute contractuelle des MMA assureur dommages-ouvrage (préfinancement de travaux inefficaces, et absence de réalisation des travaux préconisés par le bureau d'études techniques Cemer) et a rejeté la fin de non-recevoir opposée par la SMABTP,

- confirmer la même ordonnance en ce qu'elle a débouté M. et Mme [D] de leur demande de provision,

- statuant à nouveau :

- juger que la faute dolosive ne peut être retenue à 1'encontre de M. [I].

- juger que l'action des époux [D] à l'encontre des MMA est forclose.

- juger que l'action des époux [D] à l'encontre de la SMABTP et/ou de M. [I] est forclose et dans tous les cas prescrite.

- juger subsidiairement, si le dol est retenu, que l'article L. 113-1 du code des assurances et le contrat d'assurance CAP 2000 exclut le dol de la garantie de l'assureur,

- dire et juger, dans tous les cas, que 1'ensemble des demandes dirigées contre elle par la SA MMA Iard et la MMA Iard Assurances Mutuelle, mais aussi par les époux [D] se heurtent à des constatations pour le moins sérieuses et/ou encore celles de toutes autres parties et les rejeter,

- débouter par la SA MMA Iard et la MMA Iard Assurances Mutuelle ainsi que les époux [D] de toutes leurs demandes dirigées contre elle et/ou encore celles de toutes autres parties,

- condamner la partie qui succombe à lui payer la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner la partie qui succombe aux entiers dépens avec distraction.

Elle expose en substance que :

- le délai d'épreuve de forclusion a expiré sans aucun acte interruptif de prescription,

- la notion de désordre évolutif et l'existence de réparation ne sont pas interruptives de prescription,

- M. et Mme [D] n'ont pas assigné les MMA en qualité d'assureur dommages-ouvrage, mais uniquement en qualité d'assureur responsabilité décennal de la société [S],

- les travaux réalisés par la société S.V.B. et supervisés par M. [I] (HBTC) ont été achevés en novembre 2009, il n'y a pas eu d'acte interruptif de prescription dans les 10 ans qui ont suivi la réception de ces ouvrages

- la première demande à l'encontre de M. [I] et d'elle-même a été formée dans l'assignation du 16 octobre 2023,

- les conditions du dol reproché à M. [I] ne sont pas réunies, aucun élément ne démontre qu'il a eu connaissance du rapport du bureau d'études techniques Cemer,

- elle n'a jamais été l'assureur de la société S.V.B.

- les travaux de reprise n'ont pas occasionné les fissures et n'ont pas aggravé la situation,

- aucun recours subrogatoire des MMA n'est fondé, ni en qualité d'assureur décennal de la société [S] (seule responsable des désordres) ni en qualité d'assureur dommages-ouvrage (étant elle-même seule responsable),

- si le dol de M. [I] était retenu, il exclut toute couverture par l'assurance

- les demandes financières sont exagérées ; M. et Mme [D] ont toujours pu occuper leur maison, la moins-value de l'immeuble ne peut être équivalente au montant des travaux réalisés qui ont été financés par l'assureur dommages-ouvrage.

Par conclusions 12 mai 2025, formant appel incident, la société Cle France demande à la cour au visa des articles 122 du code de procédure civile et 2224 du code civil, de :

- infirmer la décision dont appel en ce que le premier juge a rejeté la fin de non-recevoir opposée par elle à l'action des époux [D] à son encontre,

- juger les époux [D] irrecevables en leurs demandes dirigées contre le cabinet Cle, la prescription quinquennale étant acquise à la date d'introduction de leur action ;

- en toutes hypothèses, confirmer la décision dont appel en ce que les époux [D] ont été déboutés de leur demande de condamnation provisionnelle et les en débouter en tant que de besoin comme tout contestant,

- condamner les époux [D] à lui payer 5 000 euros par application de disposition de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens de l'incident.

Elle expose en substance que :

- quels que soient les griefs fondés ou non, l'action des époux [D] à son égard est quasi délictuelle et se prescrit par 5 ans à compter du jour où ils ont connu ou auraient dû connaître les faits leur permettant de l'exercer,

- les époux [D] avaient connaissance de son intervention et d'une éventuelle faute depuis le rapport qu'elle a déposé le 29 novembre 2016,

- elle n'a été assignée au fond que par acte du 16 octobre 2023 sans acte interruptif dans l'intervalle, l'assignation en référé-expertise ne la concernant pas,

- dès la première réunion d'expertise le 31 janvier 2018, la question du bien-fondé des avis donnés en phase amiable par elle-même a été posée,

- son éventuelle responsabilité repose sur un régime de faute prouvée, que le juge de la mise en état ne peut apprécier ; aucune provision ne peut être accordée .

Par conclusions du 3 juin 2025, la société Swisslife demande à la cour, au visa des articles 1792 et suivants du code civil, de :

- confirmer dans son intégralité l'ordonnance déférée,

- débouter les sociétés MMA et les époux [D] de l'intégralité de leurs demandes,

- condamner « in solidum » les société MMA et les époux [D] à lui payer la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile outre les entiers dépens.

Elle expose en substance que :

- l'appel en garantie des sociétés MMA en qualité d'assureur responsabilité civile décennale à son encontre est fondée sur l'assignation de décembre 2022 au regard des dispositions de l'article 1792 du code civil et non sur l'assignation d'octobre 2023 à l'encontre des sociétés MMA en leur qualité d'assureur dommages-ouvrage,

- or, l'action des époux [D] sur le fondement de l'article 1792 du code civil est prescrite et rend sans objet l'appel en garantie formé sur ce fondement par les sociétés MMA à son encontre,

- ni les époux [D], ni les sociétés MMA n'ont interrompu le délai de prescription de la garantie décennale à son encontre et à celui de la société S.V.B., son assurée, qui a expiré en 2020,

- les époux [D] n'ont pas interrompu le délai décennal à l'encontre des sociétés MMA en qualité d'assureur responsabilité civile décennale,

- les nouveaux désordres ne sont pas caractérisés par l'expert judiciaire comme pouvant porter atteinte à la solidité ou la destination de l'immeuble, et n'ont pas été dénoncés dans le délai décennal puisque non mentionnés dans l'assignation signifiée aux sociétés MMA.

Par conclusions du 26 mai 2025, précédemment signifiées à M. [I] le 4 avril 2025, M. et Mme [D] demandent à la cour, au visa des articles 367 du code de procédure civile, 1231-1, 1792 et suivants, 2224 du code civil et 789 du code de procédure civile, de :

- recevoir leur appel incident sur les chefs de l'ordonnance suivants : déclaré irrecevables leurs demandes à l'encontre de la MMA Iard en sa qualité d'assureur responsabilité civile et décennale et débouté de leur demande de provision,

- confirmer pour le surplus l'ordonnance dont appel,

- rejeter toutes demandes, fins et conclusions contraires, comme injustes et infondées,

- et statuant à nouveau, sur les seuls chefs de leur appel incident :

- réformer la décision dont appel en ce qu'elle a déclaré l'action dirigée contre les MMA assureur décennal et contre les MMA assureur dommages-ouvrages irrecevable, et en ce qu'elle a rejeté la demande de condamnation provisionnelle à l'encontre des MMA assureur décennal et dommages-ouvrage, le cabinet Cle France, M. [I] et la SMABTP

- à titre principal, juger en conséquence leur action à l'encontre des MMA en qualité d'assureur décennal et dommages-ouvrage parfaitement recevable et non forclose,

- à titre subsidiaire, juger leur action à l'encontre des MMA en qualité d'assureur décennal et dommages-ouvrage, parfaitement recevable et non prescrite en ce que les MMA ont manqué à leur obligation de conseil,

- à titre infiniment subsidiaire, vu la faute dolosive,

- confirmer la décision dont appel en ce qu'elle a dit recevable l'action en responsabilité pour faute contre les MMA, M. [I], la SMABTP et Cle France,

- juger recevable et non prescrite l'action en responsabilité pour faute contractuelle à l'encontre :

- des MMA assureur dommages-ouvrage,

- de M. [I], et de son assureur la SMABTP,

- juger recevable et non prescrite l'action en responsabilité quasi délictuelle dirigée contre la SAS Cle France,

- juger que les MMA assureur dommages-ouvrage et M. [I] ont commis un dol en dissimulant délibérément les préconisations du bureau d'études techniques Cemer,

- juger que les MMA ont commis une faute contractuelle en laissant expirer le délai d'épreuve,

- juger que la SAS Cle France a commis une faute quasi délictuelle en refusant de suivre les préconisations du bureau d'études techniques Cemer, et en laissant expirer le délai d'épreuve,

- en toute hypothèse, vu l'article 789 du code de procédure civile, réformer la décision dont appel en ce qu'elle a rejeté leur demande de condamnation provisionnelle,

- dire recevable la demande reconventionnelle en condamnation provisionnelle in solidum des MMA, de M. [I] et de son assureur la SMABTP, et de la SAS Cle France,

- condamner en conséquence à titre provisionnel et in solidum les MMA, M. [I] et son assureur la SMABTP, et la SAS Cle France, à indemniser l'intégralité des préjudices subis, soit la somme totale de 593 318,96 euros décomposée comme suit :

- 167 318,96 euros TTC au titre des travaux de reprise des désordres préconisés par l'expert judiciaire dans son rapport, indexé sur l'indice BT01, l'indice de référence étant celui du mois de mai 2022, soit 126,4 au titre des travaux de reprise des désordres préconisés par l'expert judiciaire dans son rapport,

- 12 500 euros au titre de l'atteinte aux conditions de jouissance, d'utilisation et d'occupation de leur bien immobilier durant le temps des travaux de reprise qui se sont avérés insuffisants et jusqu'à l'expertise,

- 3 500 euros au titre de l'atteinte aux conditions de jouissance, d'utilisation et d'occupation de leur bien immobilier durant le temps des travaux de reprise préconisés par l'expert judiciaire,

- 150 000 euros au titre de la moins-value de leur bien immobilier,

- 260 000 euros au titre de leur préjudice moral,

- condamner in solidum et à titre provisionnel les MMA, M. [I] et son assureur SMABTP et la SAS Cle France, à payer une provision « ad litem » de 20 000 euros ;

- condamner l'ensemble des défendeurs à leur régler la somme de 15 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens en ce compris les frais d'expertise judiciaire.

Ils exposent en substance que :

- l'intégralité des désordres affectant la maison, les terrasses et le mur de soutènement trouve leur siège dans un même ouvrage où un désordre identique avait été constaté avant l'expiration du délai de garantie décennale ; l'expert judiciaire met en évidence, dans son rapport, l'identité de pathologie dans tous les désordres dénoncés, à savoir les fondations insuffisantes,

- les désordres constatés par l'expert judiciaire constituent la récidive des mêmes désordres dénoncés dans le délai d'épreuve,

- à défaut, les désordres doivent être considérés comme évolutifs,

- chacune des interventions vaut mobilisation du contrat et reconnaissance de garantie des MMA, (injections de résine avril 2004, juillet 2004 et novembre 2005, déplacement des tuyaux d'assainissement avril 2007, réalisation du drainage périphérique en novembre 2009 ),

- les nouveaux désordres provoqués par des travaux de reprise sont de nature à engager la responsabilité décennale de l'entrepreneur ayant réalisé les travaux de reprise ; ces désordres ont été dénoncés judiciairement le 17 mars 2017 soit dans les 8 ans de la pose du drainage périphérique intervenu en novembre 2009,

- les MMA en qualité d'assureur dommages-ouvrages, en procédant aux différents travaux de reprise qui n'ont jamais résorbé définitivement les désordres ont manqué à leur obligation de préfinancement de travaux de réparations pérennes et efficaces. L'action en responsabilité pour faute dirigée contre l'assurance dommages-ouvrages peut être intentée dans un délai maximal de 12 ans,

- ils n'ont découvert les fautes commises par les MMA qu'à la lecture de rapport d'expertise du 10 mai 2022 et leur assignation en responsabilité pour faute d'octobre 2023 n'est pas prescrite,

- les MMA en qualité d'assureur dommages-ouvrage n'ont pas réalisé les travaux préconisés par le bureau d'études techniques Cemer en 2008, elles ont manqué à leur devoir de conseil et ont laissé expirer le délai d'épreuve alors qu'elles avaient connaissance de la nature décennale des désordres dès l'origine et à chaque déclaration de sinistre,

- M. [I] en qualité de maître d''uvre a commis une faute contractuelle en ne respectant pas les préconisations du rapport du bureau d'études techniques Cemer ils n'ont eu connaissance de cette faute que lors du dépôt du rapport le 10 mai 2022,

- M. [I] est responsable également au titre du dol commis envers le maître d'ouvrage, en ce qu'il a écarté le rapport du bureau d'études techniques Cemer et a laissé passer le délai d'épreuve,

- le cabinet Cle France a fait le choix de ne pas retenir la solution du bureau d'études techniques Cemer et ne les a pas alertés sur le régime des prescriptions,

- le calcul de leurs préjudices reflète ceux chiffrés par l'expert judiciaire.

- il n'existe aucune contestation sérieuse sur les fautes des différentes parties ; le rapport d'expertise, fondement de leur action, est incontestable quant à la nature des demandes, aux moyens d'y remédier et aux responsabilités.

Il est renvoyé, pour l'exposé exhaustif des moyens et prétentions des parties, aux conclusions susvisées, conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

L'ordonnance de clôture est en date du 10 juin 2025.

M. [I], destinataire par acte de commissaire de justice en date du 11 février 2025, délivré par procès-verbal de recherches infructueuses, de la déclaration d'appel et de l'avis de fixation, n'a pas constitué avocat.

MOTIFS de la DECISION :

1- sur la responsabilité des sociétés d'assurance MMA Iard

La réception des travaux concernant la maison, les terrasses et le mur de soutènement de M. et Mme [D] est intervenue le 26 mars 2001.

M. et Mme [D] ont déclaré auprès des sociétés MMA Iard, en qualité d'assureur dommages-ouvrage, plusieurs sinistres ; le 10 février 2003, un affaissement du revêtement du sol carrelé dans le séjour (avec fissures sur la cheminée), le 26 septembre 2005, un affaissement du dallage dans le salon, le séjour et dans une chambre (2) et des fissures dans le séjour et une chambre (1), le 21 août 2006, affaissement du dallage dans le séjour, la salle d'eau et une fissuration sur la cheminée, au niveau du plafond et d'une contre-cloison du séjour, le 8 août 2007, affaissement du dallage dans le séjour, des fissurations sur la cheminée, sur la façade Est et le pignon Ouest, dans la cuisine et le dégagement.

Les sociétés MMA Iard ont, à chaque déclaration de sinistre, diligenté un cabinet d'expertises, la société Cle France (localement Cle [Localité 21]).

Des travaux de reprise ont été effectués fin 2009 par la société S.V.B., entrepreneur général, sous la maîtrise d''uvre de M. [I], en qualité de bureau d'études techniques, sous l'enseigne HBTC Concept.

M. et Mme [D] ont dénoncé le 6 octobre 2016 de nouveaux désordres, concernant des fissurations sur les façades pignon Est, pignon Ouest et à l'intérieur, dans une chambre (1) et le séjour, auprès de la société MMA en qualité d'assureur dommages-ouvrage.

1.1 sur la responsabilité des sociétés MMA Iard en qualité d'assureur décennal de la société [S]

M. et Mme [D] ont, par acte du 3 octobre 2017, assigné en référé la société MMA en qualité d'assureur de la responsabilité décennale de la société [S], sous la référence du contrat numéro 4 655 658 au titre des sinistres déclarés, ayant fait l'objet des rapports d'expertise du cabinet d'expertises Cle en 2003, 2004, 2005, 2006, 2007, 2008 et 2016.

Cette assignation ne concernait pas les sociétés MMA Iard en qualité d'assureur dommages-ouvrage.

Les interventions des sociétés MMA Iard en qualité d'assureur dommages-ouvrage depuis 2003 dans le cadre des déclarations de sinistre et des réparations ayant suivi, qui caractérisent une reconnaissance de garantie de cette dernière, n'ont pu interrompre le délai de la garantie décennale, dont bénéficiait la société [S], s'agissant de deux régimes d'assurance distincts dans leur objet et leur régime, indépendamment d'un seul numéro de contrat pour les deux polices d'assurance.

M. et Mme [D] soutiennent que les désordres affectant la maison, le mur de soutènement et les terrasses doivent être qualifiés de désordres évolutifs, ouvrant droit à la garantie de l'assureur décennal, en ce que ces désordres sont de même nature et présentent la même pathologie que ceux dénoncés dans le délai décennal. Ils font, également, valoir que ces désordres constituent une récidive des désordres constatés et dénoncés dans le délai décennal, ouvrant droit à la garantie de l'assureur décennal.

L'expert judiciaire, dans son rapport en date du 10 mai 2022, expose que les désordres affectant l'habitation (fissurations externes et internes) découlent de la nature argileuse du sol, dans lequel les fondations ne dépassent pas 70 centimètres au lieu de 1,50 mètres.

Les désordres affectant le mur de soutènement, réalisé par la société [S] et réceptionné en 2001, à savoir un basculement vers la tranchée de drainage et des fissurations, proviennent, selon l'expert judiciaire, d'une erreur de conception et ont été accentués par la réalisation des tranchées de drainage.

Les désordres affectant les terrasses, réalisées par la société [S] et réceptionnées en 2001, à savoir un affaissement au niveau de l'emprise de la tranchée et de la canalisation de drainage, proviennent, selon l'expert judiciaire, d'une malfaçon et d'un manquement aux règles de l'art dans la réalisation des tranchées de drainage.

Ainsi, les désordres affectant le mur de soutènement et les terrasses ne présentent pas la même pathologie que ceux dénoncés aux sociétés MMA entre 2003 et 2016. Ils ne constituent ni des désordres évolutifs, ni une récidive des désordres déjà constatés. Au demeurant, ils n'ont fait l'objet ni d'une déclaration de sinistre auprès des MMA Iard en qualité d'assureur décennal de la société [S], ni d'une demande de réparation en justice dans le délai décennal et ils sont susceptibles de relever de la responsabilité de la société S.V.B., qui a effectué les travaux de reprise, que les sociétés MMA Iard ne garantissent pas.

Concernant les fissurations présentes à l'extérieur et à l'intérieur de l'habitation, même si elles sont de même nature et présentent la même pathologie que les désordres dénoncés auprès des sociétés MMA Iard en qualité d'assureur dommages-ouvrage, ces désordres n'ont fait l'objet ni d'une déclaration de sinistre auprès des MMA Iard en qualité d'assureur décennal de la société [S], ni d'une demande de réparation en justice dans le délai de dix ans à compter de la réception de la maison d'habitation.

Ainsi, la demande de garantie des sociétés MMA Iard en qualité d'assureur décennal de la société [S], qui n'est intervenue que par une assignation au fond en date du 12 décembre 2022, est forclose.

L'ordonnance sera confirmée de ce chef.

1.2 Aux termes d'une assignation en date du 16 octobre 2023, M. et Mme [D] recherchent la responsabilité contractuelle de la société MMA, assureur dommages-ouvrage, pour faute au regard du pré-financement de travaux inefficaces et de l'absence de réalisation des travaux préconisés par le bureau d'études techniques Cemer pour des motifs économiques dans le cadre d'un manquement à son devoir de conseil.

La recherche de cette responsabilité est étrangère à l'application des garanties contractuelles de l'assureur dommages-ouvrage et n'est pas soumise au délai biennal de l'article L. 114-1 du code des assurances, peu important la présence, ou pas, d'un tel délai dans les conditions générales ou particulières souscrites par la société [S] pour le compte des maîtres d'ouvrage.

La responsabilité contractuelle de l'assureur dommages-ouvrage se prescrit par cinq années, à compter de la date de la connaissance des manquements contractuels de celui-ci, quels qu'ils soient, en ce compris le dol (même si le juge du fond n'était pas saisi, avant l'incident, d'un tel manquement), ou du moment où ceux-ci auraient dû être connus.

M. et Mme [D] ont eu connaissance en décembre 2015 et avril 2016, lors de la réapparition de désordres à l'intérieur et l'extérieur de leur maison, que les derniers travaux de reprise (notamment le drain) n'avaient pas permis de résoudre les désordres subis depuis 2003.

En effet, ils ont indiqué, eux-mêmes, dans un « historique » (sic) daté du 21 novembre 2017, à destination de l'expert judiciaire, que la solution préconisée par le bureau d'études techniques Cemer en mars 2008 n'avait pas été retenue au profit, principalement, de la réalisation d'un drain et qu'ils « pensaient en avoir fini avec les ennuis » à l'occasion de ces travaux.

Le rapport d'expertise judiciaire, en date du 10 mai 2022, ne fait qu'expliciter la cause des désordres, sans en caractériser la manifestation, celle-ci étant connue, puisque visée dans l'assignation saisissant le juge des référés le 3 octobre 2017 dans laquelle M. et Mme [D] se plaignent de l'absence de travaux pérennes ainsi que, dans l'exposé des faits, en pages 12 et 13 dudit rapport, qui reprend les propos de M. [D] lors d'une réunion du 31 janvier 2018, relatifs à la survenance des fissurations en 2015 et 2016 et au choix des travaux de reprise.

De même, le point de départ de cette prescription ne peut être le refus de garantie en date du 29 novembre 2016, fondé sur l'expiration du délai décennal depuis la réception.

Ainsi, la demande de garantie des sociétés MMA Iard en qualité d'assureur dommages-ouvrage pour des manquements contractuels au titre des travaux de reprise n'est intervenue que par une assignation au fond en date du 16 octobre 2023, soit plus de cinq années après la connaissance du dommage, de sorte qu'elle est irrecevable comme étant prescrite.

L'ordonnance sera infirmée de ce chef.

4- sur la responsabilité de M. [I] et la garantie de la SMABPT

M. [I], exerçant l'activité de bureau d'études techniques à l'enseigne HTBC Concept, a été le maître d''uvre des travaux de reprise réalisés courant octobre-novembre 2009, en qualité de cocontractant de M. et Mme [D].

Aux termes des assignations en date des 17 et 31 octobre 2023, M. et Mme [D] reprochent à M. [I] une faute considérant que ce dernier n'a pas respecté les préconisations du bureau d'études techniques Cemer, dont il avait nécessairement eu connaissance, dans le cadre d'un manquement à son obligation de conseil.

Sa responsabilité contractuelle de droit commun, quels que soient les manquements de celui-ci, en ce compris le dol (même si le juge du fond n'était pas saisi, au moment de l'incident, d'un tel manquement), est soumise à une prescription quinquennale, à compter de la manifestation du dommage en l'absence de réception. Aucune réception des travaux de reprise n'est évoquée.

Comme indiqué ci-dessus, M. et Mme [D] ont eu connaissance en décembre 2015 et avril 2016, lors de la réapparition de désordres à l'intérieur et l'extérieur de leur maison, que les derniers travaux de reprise n'avaient pas permis de résoudre les désordres subis depuis 2003.

Antérieurement aux travaux critiqués, ils avaient été destinataires d'un rapport d'expertise de M. [P], désigné par la société d'assurance MAIF, leur assureur protection juridique, daté du 10 novembre 2007, exposant qu'il conviendrait, sous réserve de l'étude des sols du bureau d'études techniques Cemer à venir, de réaliser des palplanches avec un drain, ou bien, « dans le pire des cas », au titre d'une «solution extrêmement onéreuse, mais radicale », une reprise en sous-'uvre par pieux. Ce rapport précisait que le résultat des sondages effectués par le bureau d'études techniques Cemer serait communiqué à M. [I], qui déterminerait, auprès du cabinet Cle, la nature des travaux de confortement à réaliser.

M. et Mme [D] étaient, ainsi, informés que face à la persistance des désordres, le cabinet d'expertises Cle avait commandé une seconde étude de sol, approfondie, auprès du bureau d'études techniques Cemer, réalisée le 25 mars 2008. Ils avaient connaissance que ce dernier avait préconisé la reprise des fondations de la maison par l'intermédiaire de micropieux et que « les experts de la MAAF [en réalité, les MMA] et de la MAIF » (sic) avaient trouvé cette solution onéreuse et décidé d'en adopter une autre, consistant dans la réalisation, notamment, d'une tranchée drainante. M. [D] a pu indiquer, auprès de l'expert judiciaire, que pendant ces travaux, il s'était interrogé sur l'efficacité de ces drains eu égard à une remontée d'eau dans les tranchées.

Le rapport d'expertise judiciaire préconise, à l'instar du bureau d'études techniques Cemer, une reprise en sous-'uvre par micro-pieux pour supprimer définitivement les désordres, sans, pour autant, indiquer que la solution mise en place en 2009, qui a permis de diminuer les effets des désordres existants à cette date, reflétait une violation des obligations contractuelles de chaque professionnel intervenant, a fortiori, volontairement.

M. et Mme [D] avaient connaissance de la solution de reprise choisie par les sociétés MMA Iard suivant les préconisations du cabinet Cle, qui étaient différentes de celles du bureau d'études techniques Cemer. Ils ont accepté ces travaux de reprise alors qu'ils avaient, également, connaissance des conclusions du rapport de leur expert en date du 10 novembre 2007.

Ils ont assigné M. [I] par acte de commissaire de justice en date du 31 octobre 2023, de sorte que leur action à son encontre fondée sur la responsabilité contractuelle de droit commun est prescrite.

La garantie de la société SMABTP, assureur responsabilité civile décennale de M. [I], ne peut, par voie de conséquence, être retenue, celle-ci démontrant, à titre superfétatoire, que la police d'assurance souscrite par ce dernier exclut la faute dolosive.

L'ordonnance sera infirmée de ces chefs.

5- sur la responsabilité de la société Cle France

Le cabinet d'expertises Cle [Localité 21], désigné par les sociétés MMA Iard, assureur dommages-ouvrage, en qualité d'expert, a effectué les préconisations de réparation en avril, juillet et septembre 2003, août 2004 et novembre 2005, puis en février 2007, octobre 2007 et mars 2008, rédigeant, à ce titre, dix rapports.

Aux termes de l'assignation en date du 13 octobre 2023, M. et Mme [D] lui reprochent une faute considérant qu'il n'a pas retenu la solution du bureau d'études techniques Cemer de mars 2008, faisant le choix de faire réaliser un drainage, qui n'a pas supprimé les désordres, mais les a aggravés (affaissement des terrasses et du mur de soutènement) dans le cadre d'un manquement à son obligation de conseil.

Sa responsabilité à l'égard de M. et Mme [D], de nature quasi-délictuelle, est soumise à une prescription quinquennale à compter de la date de la connaissance des fautes de celui-ci, quelles qu'elles soient, en ce compris les fautes dolosives (même si le juge du fond n'était pas saisi, au moment de l'incident, de telles fautes), ou du moment où celles-ci auraient dû être connues.

Le dépôt du dernier rapport du cabinet d'expertises Cle [Localité 21] le 29 novembre 2016 ne peut fonder le point de départ de la prescription, en ce qu'il ne concerne pas les travaux de reprise critiqués.

Comme indiqué ci-dessus, M. et Mme [D] étaient informés de la solution de reprise choisie par les sociétés MMA Iard suivant les préconisations du cabinet d'expertises Cle, qui étaient différentes de celles du bureau d'études techniques Cemer. Ils ont accepté ces travaux de reprise alors qu'ils avaient, également, connaissance des conclusions du rapport de leur expert en date du 10 novembre 2007.

Le rapport d'expertise judiciaire préconise, à l'instar du bureau d'études techniques Cemer, une reprise en sous-'uvre par micro-pieux pour supprimer définitivement les désordres, sans, pour autant, indiquer que la solution mise en place en 2009, qui a permis de diminuer les effets des désordres, reflétait une violation des obligations contractuelles, susceptibles de caractériser une faute délictuelle, de chaque professionnel intervenant, a fortiori, volontairement.

Ils ont assigné la société Cle France par acte en date du 13 octobre 2023, de sorte que leur action à son encontre fondée sur la responsabilité quasi-délictuelle, est prescrite.

L'ordonnance sera infirmée de ce chef.

6- sur l'appel en garantie des sociétés MMA à l'encontre des sociétés SMABTP et Swisslife

6.1 La société S.V.B. a réalisé des travaux de reprise fin 2009 en qualité de cocontractante de M. et Mme [D]. Elle a été dissoute le 31 décembre 2010. Il est établi que seule la société Swisslife était son assureur responsabilité civile décennale, et non, la SMABTP.

La société Swisslife en qualité d'assureur décennal de la société S.V.B a été appelée par la SMABTP afin que les opérations d'expertise lui soient déclarées opposables. M. et Mme [D] ne forment aucune demande à l'encontre de la société Swisslife, appelée en garantie par les sociétés MMA Iard.

Si l'appel en garantie des sociétés MMA Iard à l'égard de la société Swisslife est intervenu le 25 janvier 2023, en réponse à l'assignation de M. et Mme [D] le 12 décembre 2022 à l'encontre des sociétés MMA Iard, attrayant ces dernières en leur qualité d'assureur décennal de la société [S] devant le juge du fond, il est expressément fondé sur la qualité d'assureur dommages-ouvrage des sociétés MMA Iard.

Toutefois, l'action de M. et Mme [D] à l'encontre des sociétés MMA Iard en leur qualité d'assureur dommages-ouvrage étant prescrite, ainsi, que celle, au demeurant, fondée sur sa qualité d'assureur décennal de la société [S], l'appel en garantie des sociétés MMA à l'encontre de la société Swisslife est sans objet.

L'ordonnance sera confirmée de ce chef.

6.2- De même, eu égard au caractère prescrit de l'action de M. et Mme [D] à l'encontre des sociétés MMA Iard en leur qualité d'assureur dommages-ouvrage et d'assureur décennal de la société [S], l'appel en garantie de ces dernières à l'égard de la SMABTP, assureur décennal de M. [I], est sans objet.

L'ordonnance sera complétée de ce chef.

7- sur les demandes de provision

La demande de provision en indemnisation de M. et Mme [D] se heurte au caractère contestable des obligations de l'assureur dommages-ouvrage, des constructeurs et de leurs assureurs, qui ne relèvent pas de la garantie décennale, mais de la responsabilité pour faute prouvée, nécessitant un examen au fond.

Les annexes du rapport d'expertise, comprenant les devis sur lesquels s'est fondé l'expert judiciaire, ne sont pas davantage produites en appel.

Les montants sollicités sont, eux-mêmes, contestables dans leur évaluation, prévoyant, notamment, la double indemnisation d'un même préjudice.

Il en résulte que la demande de provision en indemnisation doit être rejetée.

Le sort de la demande de provision ad litem ne pourra que suivre celui de la provision en indemnisation.

L'ordonnance sera confirmée de ces chefs.

8- sur l'article 700 du code de procédure civile et les dépens

Succombant principalement, M. et Mme [D] seront condamnés aux dépens et au vu des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, à payer la somme de 1 500 euros aux sociétés MMA Iard, à la société Cle France et à la SMABTP, le surplus des demandes sur ce fondement étant rejeté.

PAR CES MOTIFS :

La cour, statuant publiquement, par arrêt rendu par défaut,

Infirme l'ordonnance déférée en ce qu'elle a rejeté la fin de non-recevoir tirée de la prescription de l'action de M. et Mme [D] en responsabilité pour faute contractuelle de la SA MMA Iard et de la MMA Iard Assurances Mutuelle, assureur dommages-ouvrage, rejeté la fin de non-recevoir opposée par la SMABTP à l'action engagée par M. et Mme [D] à son encontre, en sa qualité d'assureur de M. [I] et rejeté la fin de non-recevoir opposée par la société Cle France à l'action délictuelle de M. et Mme [D] à son encontre,

Statuant à nouveau de ces chefs infirmés,

Déclare irrecevable l'action de M. [F] [D] et Mme [E] [V], son épouse à l'encontre des sociétés SA MMA Iard et MMA Iard Assurances Mutuelle MMA, assureur dommages-ouvrage, fondée sur la responsabilité contractuelle ;

Déclare irrecevable l'action de M. [F] [D] et Mme [E] [V], son épouse à l'encontre de la société mutuelle d'assurance SMABTP en sa qualité d'assureur de la responsabilité civile décennale de M. [N] [I] ;

Déclare irrecevable l'action de M. [F] [D] et Mme [E] [V], son épouse à l'encontre de la SAS Cle France, fondée sur la responsabilité quasi-délictuelle ;

La confirme pour le surplus et y ajoutant,

Rejette l'appel en garantie des sociétés SA MMA Iard et MMA Iard Assurances Mutuelle MMA à l'encontre de la société mutuelle d'assurance SMABTP ;

Condamne M. [F] [D] et Mme [E] [V], son épouse à payer aux SA MMA Iard et SA MMA Iard Assurances Mutuelle la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne M. [F] [D] et Mme [E] [V], son épouse à payer à la société mutuelle d'assurance SMABTP la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne M. [F] [D] et Mme [E] [V], son épouse à payer à la SAS Cle France la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

Rejette les demandes de la mutuelle d'assurance SMABTP et de la SAS Swisslife, fondées sur les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne M. [F] [D] et Mme [E] [V], son épouse aux dépens d'appel, qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du même code par l'avocat en ayant fait l'avance.

le greffier la présidente

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