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Décisions

CA Saint-Denis de la Réunion, ch. com., 30 septembre 2025, n° 24/00266

SAINT-DENIS DE LA RÉUNION

Arrêt

Autre

CA Saint-Denis de la Réunion n° 24/0026…

30 septembre 2025

ARRÊT N°25/

SL

R.G : N° RG 24/00266 - N° Portalis DBWB-V-B7I-GA2M

S.A.R.L. FONCIERE DE LA REUNION

C/

[C]

COUR D'APPEL DE SAINT - DENIS

ARRÊT DU 30 SEPTEMBRE 2025

Chambre commerciale

Appel d'une décision rendue par le TRIBUNAL MIXTE DE COMMERCE DE SAINT-PIERRE en date du 12 FEVRIER 2024 suivant déclaration d'appel en date du 12 MARS 2024 RG n° 2022004068

APPELANTE :

S.A.R.L. FONCIERE DE LA REUNION

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représentant : Me Jean Claude DULEROY de la SELARL DULEROY & DIAZ-DULEROY, avocat au barreau de SAINT-PIERRE-DE-LA-REUNION

INTIMÉ :

Monsieur [K] [C]

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représentant : Me Alicia BUSTO de la SELARL PREVOST & ASSOCIES OCEAN INDIEN, avocat au barreau de SAINT-DENIS-DE-LA-REUNION, Postulant - Me Delphine GALLIN de la SARL GAROE AVOCATS ASSOCIES, avocat au barreau de MARSEILLE, Plaidant

DATE DE CLÔTURE : 19/05/2025

DÉBATS : en application des dispositions des articles 778, 804 et 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 02 Juillet 2025 devant la cour composée de :

Président : Madame Séverine LEGER, Conseillère

Conseiller : Madame Claire BERAUD, Conseillère

La présidente a indiqué que l'audience sera tenue en double rapporteur et Madame Séverine LEGER a fait son rapport. Les parties ne s'y sont pas opposées.

A l'issue des débats, la présidente a indiqué que l'arrêt sera prononcé, par sa mise à disposition le 30 Septembre 2025.

Il a été rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de:

Président : Madame Séverine LEGER, Conseillère

Conseiller : Madame Claire BERAUD, Conseillère

Conseiller : Madame Anne-Charlotte LEGROIS, Vice-présidente placée affectée à la cour d'appel par ordonnance de Madame la Première Présidente

Arrêt : prononcé publiquement par sa mise à disposition des parties le 30 Septembre 2025.

Greffiere lors des débats et de la mise à disposition : Madame Nathalie BEBEAU, Greffière.

* * *

LA COUR

EXPOSE DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE

Au cours de l'année 2010, M. [C] a remis à la SARL Foncière de la Réunion la somme de 270000 euros.

Alléguant que la cause de la remise des fonds dont il n'avait pas obtenu le complet remboursement tenait au financement d'un projet immobilier, par acte du 2 décembre 2022, M. [C] a assigné la SARL Foncière de la Réunion en paiement de la somme de 1 600 000 euros au titre de l'enrichissement sans cause et de 5 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Par jugement contradictoire du 12 février 2024, le tribunal mixte de commerce de Saint-Pierre de La Réunion a :

- déclaré recevable l'action en paiement au titre du remboursement du prêt ;

- condamné la SARL Foncière de la Réunion à payer à M. [K] [C] une somme de 100000 euros au titre du remboursement du prêt ;

- déclaré irrecevable et au surplus infondée la demande en répétition de l'indu;

- condamné la SARL Foncière de la Réunion à payer à M. [K] [C] une somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamné la SARL Foncière de la Réunion aux entiers dépens de l'instance, y compris les frais de greffe taxés et liquidés à hauteur de 62,92 euros ;

- maintenu l'exécution provisoire de droit du jugement.

Le tribunal a retenu que la société Foncière de la Réunion à laquelle avait été consenti un prêt d'un montant de 270 000 euros par M. [C] en 2010 avait renoncé de manière non équivoque à se prévaloir de la prescription dans un mail du 26 juin 2023 dans lequel elle reconnaissait devoir une somme de 100000 euros à M. [C].

Il a considéré que le contrat de prêt entre les parties constituait une justification suffisante des différents profits initiés dont le demandeur tirerait profit à la mesure des parts détenues dans la société, éléments de nature à exclure la possibilité d'une action au titre de l'enrichissement sans cause.

Par déclaration du 12 mars 2024, la SARL Foncière de la Réunion a interjeté appel de cette décision.

L'affaire a été renvoyée à la mise en état par ordonnance du 8 avril 2024.

L'appelant a notifié ses conclusions par voie électronique le 7 juin 2024 et l'intimé le 6 septembre 2024.

Par ordonnance du 19 mai 2025, la procédure a été clôturée et l'affaire fixée à l'audience du 2 juillet 2025 et mise en délibéré par mise à disposition au greffe de la décision le 30 septembre 2025.

EXPOSE DES PRETENTIONS ET DES MOYENS

Dans ses dernières conclusions n°3 notifiées par voie électronique le 13 mars 2025, l'appelante demande à la cour d'infirmer en toutes ses dispositions le jugement dont appel et statuant à nouveau, de :

A titre principal,

- déclarer l'action en paiement de M. [C] dirigée à son encontre en remboursement du prêt d'un montant de 270 000 euros consenti à cette dernière prescrite et que les demandes de M. [C] à ce titre sont irrecevables ;

- débouter M. [C] de sa demande relative à l'enrichissement injustifié de la société Foncière de la Réunion, cette dernière étant irrecevable car prescrite et à défaut infondée ;

- débouter M. [C] de ses demandes relatives à la qualification de la somme consentie à la société Foncière de la Réunion de financement, à ses frais irrépétibles et aux dépens ;

- débouter M. [C] de l'intégralité de ses demandes ;

- condamner M. [C] à lui payer la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile correspondant aux frais irrépétibles exposés en première instance ;

- condamner M. [C] à lui payer les dépens de première instance, y compris les frais de greffe taxés et liquidés à hauteur de 62,92 euros ;

Subsidiairement,

- débouter M. [C] de sa demande en paiement à la somme de 200 000 euros au titre du prêt consenti ;

- fixer la créance de M. [C] à la somme de 100 000 euros et dire qu'il devra être tenu compte des paiements réalisés postérieurement par ses soins ;

- débouter M. [C] de sa demande relative à l'enrichissement injustifié de la société Foncière de la Réunion, cette dernière étant irrecevable car prescrite et à défaut infondée ;

- débouter M. [C] de ses demandes relatives à la qualification de la somme consentie à la société Foncière de la Réunion de financement, à ses frais irrépétibles et aux dépens ;

Y ajoutant,

- condamner M. [C] à lui payer la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile correspondant aux frais irrépétibles exposés en cause d'appel ;

- condamner M. [C] aux entiers dépens de l'appel.

L'appelante fait valoir que :

- la cause de la remise des fonds à hauteur de 270 000 euros s'analyse en un contrat de prêt destiné à permettre un apport ponctuel de trésorerie et non en une opération de financement du projet immobilier Adélaïde lequel n'a été concrétisé que quatre ans après la remise des fonds sans que les parties n'aient établi d'écrit au regard de leurs relations de confiance, ce qui permet d'appliquer les dispositions de l'article 1360 du code civil en matière probatoire; - l'action en remboursement du solde du prêt est prescrite car la reconnaissance de dette est intervenue postérieurement à l'expiration du délai quinquennal de prescription dont le point de départ doit être fixé au 4 octobre 2013, date du dernier remboursement effectué ;

- le mail du 4 décembre 2020 et non du 26 juin 2023 comme l'a retenu le premier juge ne constitue pas une renonciation à se prévaloir de la prescription en l'absence de mandat spécial donné à son auteur à cette fin par le représentant de la société ;

- les conditions d'une renonciation à la prescription ne sont pas remplies en l'absence de preuve de ce que l'auteur du message avait connaissance de la prescription de l'action et en l'absence de renonciation explicite à s'en prévaloir;

- l'action au titre de l'enrichissement injustifié dont le point de départ de la prescription quinquennale doit être fixé au 16 juillet 2016 au regard de la connaissance à cette date par M. [C] de la rentabilité de l'opération immobilière est prescrite et elle est infondée au regard de la convention de prêt existante entre les parties et le prêt consenti n'a pas été affecté au projet de lotissement de la SCI Adelaide ;

- l'appauvrissement allégué par M. [C] n'est pas établi.

Dans ses dernières conclusions n°2 notifiées par voie électronique le 11 février 2025, l'intimé demande à la cour de :

- confirmer le jugement déféré en ce qu'il a déclaré recevable l'action en paiement et condamné la SARL Foncière de la Réunion à lui payer une somme de 100 000 euros assortie des intérêts au taux légal à compter du 25 février 2021, date à laquelle il a sollicité pour la dernière fois le remboursement des sommes restant dues ;

- infirmer le jugement déféré en ce qu'il a déclaré irrecevable et infondée la demande en répétition de l'indu ;

- condamner la société Foncière de la Réunion à lui payer la somme de 1919700 euros à titre de remboursement de l'enrichissement sans cause résultant des plus-values de cession réalisées et à réaliser lors de la vente des terrains acquis grâce au financement ainsi consenti ;

- condamner la SARL Foncière de la Réunion à lui payer une somme de 6 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens.

Il soutient que :

- aucun contrat de prêt n'a été valablement conclu entre les parties en l'absence d'établissement d'un écrit conformément aux dispositions de l'article 1359 du code civil et il ne saurait être tenu compte de la qualification retenue par M. [C] dans ses courriers, profane en la matière ayant évoqué tout à la fois la notion de créance et de prêt ;

- il a consenti un financement à l'appelante aux fins de réalisation d'un projet immobilier auquel il estimait être intéressé et il a précisément réclamé sa créance au titre d'un retour sur investissement et le point de départ de la prescription de son action en paiement doit être fixé au 25 février 2021, date de sa dernière demande ;

- la société a établi une reconnaissance de dette à hauteur de la somme de 100 000 euros par courriel du 4 décembre 2020 accompagné d'un extrait du grand livre du 3 décembre 2020 et le point de départ de la prescription doit être fixé à la date de cet acte ;

- il n'a jamais sollicité les versements réalisés par l'appelante à son profit en 2011 et en 2013 et a sollicité pour la première fois le remboursement de sa créance le 21 octobre 2022 après la vente des premiers lots du projet immobilier financé et le point de départ de la prescription de l'action au titre de l'enrichissement sans cause doit être fixé au 28 août 2022 ;

- il est bien fondé à obtenir le remboursement de la plus-value résultant du financement correspondant à la dette initiale multipliée par douze au regard de la valorisation des terrains ;

- les conditions de l'action fondée sur l'article 1303-3 du code civil sont réunies car il ne dispose d'aucune autre action pour permettre le remboursement des sommes dues car la qualification de prêt doit être écartée en l'absence de volonté de sa part d'obtenir la restitution des fonds prêtés, les fonds ayant été remis au titre d'un investissement dont il entendait tirer les fruits.

Il est fait renvoi aux écritures susvisées pour un plus ample exposé des éléments de la cause, des moyens et prétentions des parties, conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la qualification de l'opération litigieuse :

Les parties s'opposent en l'espèce sur la qualification de l'opération litigieuse constituée par la remise de fonds par M. [C] à la SARL Foncière de la Réunion pour un montant de 270 000 euros au cours de l'année 2010.

L'appelante excipe d'un prêt consenti par M. [C] afin de concourrir à un besoin ponctuel de trésorerie de la société tandis que l'intimé argue d'un financement consenti dans la perspective d'un investissement dans une opération immobilière.

Ces qualifications sont de nature à emporter des conséquences très différentes pour les parties, l'appelante considérant pour sa part n'être tenue qu'au remboursement des fonds prêtés tandis que l'intimé s'estime bien fondé à obtenir non seulement le remboursement des fonds prêtés mais aussi une somme réclamée au titre de l'enrichissement sans cause correspondant à la plus-value réalisée par la société lors de la vente des biens immobiliers financés par les fonds litigieux.

Aucun écrit n'a été établi par les parties qui étaient cependant en relations d'affaires comme en attestent les pièces versées aux débats.

Une cession de parts sociales au sein de la SCI Adelaide est intervenue le 16 avril 2009 au prix de 268 000 euros aux termes de laquelle M. [C] a fait l'acquisition de 1 045 parts sociales auprès de la SARL Foncière de la Réunion.

Il ressort du mail adressé le 4 décembre 2020 par M. [N] [H], associé fondateur de la SARL Foncière de la Réunion (suivant les statuts de la société) à M. [C] que le paiement des parts sociales est intervenu par trois règlements successifs de 150 000 euros le 19 mai 2008, de 50 000 euros le 31 mars 2009 et de 68 000 euros le 16 avril 2009.

Les fonds litigieux ont été remis par M. [C] à la SARL Foncière de la Réunion postérieurement à cette date, au cours de l'année 2010.

Comme le soutient M. [C], celui-ci n'avait aucun intérêt à consentir une avance de trésorerie à la société Foncière de la Réunion, ayant une activité de promotion immobilière et de marchands de biens dans laquelle il n'était pas associé, les seuls liens ayant été noués via la SCI Adelaide.

Il ressort des échanges de messages électroniques entre les parties que :

- le 15 juillet 2013, M. [C] a sollicité M. [H] en excipant d'une demande de régularisation 'de la somme de 270000 euros qui est mienne dans vos caisses depuis plus de trois ans sans jamais en avoir officialisé la provenance, ni la destination, c'est pourquoi je demande un écrit de votre part afin d'enlever toute inquiétude sur la restitution de cette créance au plus vite';

- le 26 septembre 2013, M. [C] a réclamé à propos de l'argent qui lui était dû un calendrier ainsi que les intérêts qui en découlaient ;

- le 7 décembre 2018, M. [C] a sollicité un récapitulatif des sommes d'argent dues ;

- le 18 octobre 2020, M. [C] a évoqué l'apport de la somme de 270 000 euros destinée à financer l'achat d'un terrain à [Localité 5] à [Localité 6] pour la réalisation d'un futur lotissement qui ne se fera pas pour des raisons ignorées mais que l'argent non restitué sera transféré sur le projet Adelaide auquel il était déjà associé ;

- le 25 février 2021, M. [C] a exposé 'être toujours dans l'attente du remboursement du prêt in fine accordé en 2010 ';

- le 4 décembre 2020, M. [H] a indiqué à M. [C] que 'après recherches approfondies et confirmation comptable, nous t'adressons le détail de ton compte chez Foncière Réunion qui s'élève bien à 100 000 euros selon détail ci-après justifié par l'attestation des tes paiements validés par notre société et toi-même pour l'acquisition de tes parts sociales dans la SCI Adelaide et l'état comptable des 100 000 euros restant dus à ce jour par la SARL Foncière de la Réunion'.

Il a été indiqué dans ce document la mention de deux prêts consentis à la SARL FDLR, l'un de 170 000 euros le 5 juillet 2010 et l'autre de 150 000 euros le 31 décembre 2010 ainsi que la mention de trois remboursements respectivement intervenus le 12 janvier 2011 pour 100 000 euros, le 19 janvier 2011 pour 50 000 euros et le 3 octobre 2013 pour 70 000 euros.

Il est justifié par la production des relevés bancaires de M. [C] de l'encaissement effectif de la somme de 100 000 euros le 13 janvier 2011 et de 70 000 euros le 4 octobre 2013, le premier ne mentionnant pas de motif et le second mentionnant le libellé 'remboursement de prêt' .

Sont également produits des échanges de messages électroniques le 31 mars 2016 concernant une proposition signée par M. [H] le même jour afférente à la SCI Adelaide listant 7 opérations de vente immobilière pour un montant global de prix de vente net vendeur de 2 002 105 euros libellée comme suit :

'La proposition est la suivante : Travaux Ventes

268 000 euros déjà payé 9 361 euros TTC 2 002 105 euros TTC

200 000 euros déjà payé

11 200 euros non payé

Acquisition foncière : Quote-part Quote-part Résultat

479 200 234 680 euros 1 001 052 euros TTC 287 172 euros'.

M. [C] soutient que les versements effectués à son profit pour un montant total de 170 000 euros lui ont été versés spontanément sans aucune demande de sa part.

Cette argumentation ne peut cependant prospérer pour le règlement de la somme de 70 000 euros effectué à son profit le 4 octobre 2013 avec la mention du libellé 'remboursement de prêt', alors qu'il avait précisément réclamé le paiement de sa créance depuis le mois de juillet 2013.

Il n'est en revanche nullement établi que le règlement de la somme de 100 000 euros opéré le 13 janvier 2011 corresponde à un remboursement des fonds remis par M. [C] au cours de l'année 2010 en l'absence d'une quelconque mention à ce titre sur le libellé du prêt et alors que M. [C] n'a eu de cesse d'exciper d'une créance de 270 000 euros à la société Foncière de la Réunion dans les messages de réclamation adressés à l'appelante.

Le remboursement de la créance de M. [C] à hauteur de la somme de 70000 euros et non de 170 000 euros est d'ailleurs corroboré par la proposition signée par M. [H] faisant état du règlement d'une somme de 200 000 euros en sus de la part de 268 000 euros correspondant à l'acquisition des parts sociales de la SCI Adelaide.

Ces éléments permettent ainsi d'établir que suite à la remise de la somme de 270 000 euros par M. [C] à la société Foncière de la Réunion au cours de l'année 2010, la somme de 70 000 euros a été restituée à M. [C] le 4 octobre 2013 et que le solde restant à hauteur de 200 000 euros n'a pas été restitué mais a été investi par la société Foncière de la Réunion dans l'opération immobilière de la SCI Adelaide.

Sur la recevabilité de l'action :

Les premiers juges ont retenu que la prescription de l'action engagée par M. [C] au titre du remboursement du prêt était acquise mais que la société Foncière de la Réunion avait renoncé à la prescription dans le mail adressé le 26 juin 2023 dans lequel le gérant de la société reconnaissait devoir une somme de 100 000 euros à M. [C].

Le mail en question n'a pas été adressé le 26 juin 2023 mais le 4 décembre 2020 par M. [H] à M. [C] dans lequel a été attestée l'existence d'une créance s'élevant à la somme de 100 000 euros au profit de M. [C] sur la base des pièces comptables de la société Foncière de la Réunion.

Contrairement à l'appréciation du premier juge, ce document ne peut valoir renonciation sans équivoque de ne pas se prévaloir de la prescription.

Mais ce document constitue en revanche une reconnaissance de dette de la société Foncière de la Réunion au profit de M. [C] et le point de départ de la prescription de l'action engagée par M. [C] doit ainsi être fixé à la date de son émission le 4 décembre 2020 de sorte que l'action engagée par assignation du 2 décembre 2022 a bien été engagée dans le délai quinquennal de prescription et ne souffre ainsi d'aucune irrecevabilité contrairement à l'argumentation développée par l'appelante.

Sur la créance alléguée par M. [C] :

L'intimé sollicite tout à la fois la confirmation de la décision du premier juge sur le chef de dispositif de jugement ayant condamné la société Foncière de la Réunion à lui payer la somme de 100 000 euros au titre du remboursement du prêt et sollicite l'infirmation du jugement l'ayant débouté de sa prétention au titre de l'enrichissement sans cause.

Il entend ainsi cumuler une demande de remboursement du prêt et une demande au titre de l'enrichissement sans cause fondée sur les mêmes faits, ce qui est juridiquement impossible au regard du caractère subsidiaire de la seconde action.

Compte de la qualification de l'opération litigieuse telle que découlant de la volonté des parties précédemment mise en évidence à travers l'analyse des pièces produites, la demande de remboursement du solde du prêt ne peut prospérer et sera rejetée par voie d'infirmation du jugement déféré sur ce point.

Il est en revanche établi que M. [C], associé de la SCI Adelaide, a remis la somme de 270 000 euros dont 70 000 euros lui a été restituée mais que la somme de 200 000 euros a été investie par la SARL Foncière de la Réunion dans la SCI Adelaide pour le financement de travaux sans que le nombre des parts sociales de M. [C] qu'il détenait dans cette société n'ait été modifié.

Ce faisant, c'est en définitive la SARL Foncière de la Réunion qui s'est enrichie grâce au financement consenti par M. [C] à hauteur de la somme de 200000 euros pour le financement des travaux de la SCI Adelaide sur laquelle il n'a pas obtenu de retour sur investissement en dehors de sa participation aux bénéfices au titre des parts sociales détenues par ses soins.

En application de l'article 1303 du code civil, en dehors des cas de gestion d'affaires et de paiement de l'indu, celui qui bénéficie d'un enrichissement injustifié au détriment d'autrui doit, à celui qui s'en trouve appauvri, une indemnité égale à la moindre des deux valeurs de l'enrichissement et de l'appauvrissement.

M. [C] réclame l'allocation de la somme de 1 919 700 euros au titre de l'enrichissement dont aurait bénéficié la société Foncière de la Réunion calculée sur la base d'un coefficient multiplicateur de 12 correspondant à la plus-value des terrains immobiliers financés par l'emploi des fonds avancés par ses soins.

L'appelante conteste non seulement le bien-fondé de l'action mais aussi l'évaluation de l'enrichissement allégué en indiquant que le bénéfice qui sera distribué aux associés au titre de l'opération Adelaide sera à hauteur de 507403 euros sur la base de 17 % de parts sociales pour M. [C] et de 1462515 euros à la SARL Foncière de la Réunion sur la base de 49 % de parts sociales, éléments permettant d'identifier un coefficient multiplicateur de 2 et non pas de 12.

Il est établi que M. [C] a remis la somme de 200 000 euros à la SARL Foncière de la Réunion qui l'a investie dans la SCI Adelaide pour le financement de l'opération et l'enrichissement de la bénéficiaire des fonds doit être calculé sur la seule quote-part de la plus-value effectuée à partir des fonds de M. [C].

Compte tenu des bénéfices de l'opération établissant un coefficient multiplicateur de 2, l'enrichissement injustifié de la SARL Foncière de la Réunion sur la remise des fonds à hauteur de 200 000 euros s'établit à la somme de 400 000 euros.

Mais en application des dispositions de l'article 1303 du code civil, M. [C] n'est bien fondé en sa demande qu'à hauteur de la moindre des deux sommes correspondant à l'appauvrissement et l'enrichissement corrélatif.

Or, l'appauvrissement de M. [C] s'établit à la somme de 200 000 euros remise à la SARL Foncière de la Réunion que celle-ci sera ainsi condamnée à lui payer au titre de l'enrichissement sans cause.

Sur les autres demandes :

Partie perdante, la SARL Foncière de la Réunion sera condamnée à régler les entiers dépens, de première instance et d'appel sur le fondement des dispositions de l'article 696 du code de procédure civile et sera déboutée de sa prétention au titre des frais irrépétibles.

L'équité commande également de la condamner à payer la somme de 5 000 euros à M. [C] sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais irrépétibles exposés par celui-ci en cause d'appel, la somme allouée par le premier juge à hauteur de 2 000 euros étant confirmée.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Infirme le jugement déféré dans l'intégralité de ses dispositions soumises à la cour sauf en ce qu'il a condamné la SARL Foncière de la Réunion à payer les entiers dépens et la somme de 2000 euros à M. [K] [C] au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Statuant à nouveau,

Rejette la fin de non-recevoir tirée de la prescription ;

Condamne la SARL Foncière de la Réunion à payer à M. [K] [C] la somme de 200 000 euros au titre de l'enrichissement sans cause ;

Y ajoutant,

Condamne la SARL Foncière de la Réunion à payer les entiers dépens de l'appel ;

Condamne la SARL Foncière de la Réunion à payer la somme de 5 000 euros à M. [K] [C] au titre des frais irrépétibles exposés en cause d'appel ;

Rejette toute autre demande plus ample ou contraire.

Le présent arrêt a été signé par Madame Séverine LEGER, Conseillère faisant fonction de Présidente de chambre, et par Madame Nathalie BEBEAU, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE

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