CA Lyon, 1re ch. civ. a, 2 octobre 2025, n° 22/02580
LYON
Arrêt
Autre
N° RG 22/02580 - N° Portalis DBVX-V-B7G-OHG7
Décision du Tribunal Judiciaire de LYON
Au fond du 11 janvier 2022
( chambre 9 cab 09 G)
RG : 17/05493
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE LYON
1ère chambre civile A
ARRET DU 02 Octobre 2025
APPELANTE :
S.A.R.L. GESTETUD
[Adresse 2]
[Localité 4]
Représentée par la SELARL ACTIVE AVOCATS, avocat au barreau de LYON, toque : 896
INTIMEE :
Mme [Y] [T] veuve [M], en son nom personnel et venant également aux droits, en tant que de besoin, de son frère décédé Monsieur [F] [V]
née le 14 Mai 1934 à [Localité 8]
[Adresse 1]
[Localité 5]
Représentée par Me Nathalie BOLLAND-SOLLE, avocat au barreau de LYON, toque : 101
* * * * * *
Date de clôture de l'instruction : 04 Avril 2023
Date des plaidoiries tenues en audience publique : 19 Juin 2025
Date de mise à disposition : 02 Octobre 2025
Audience tenue par Julien SEITZ, président, et Olivier GOURSAUD, magistrat honoraire, qui ont siégé en rapporteurs sans opposition des avocats dûment avisés et ont rendu compte à la Cour dans leur délibéré,
assistés pendant les débats de Séverine POLANO, greffier
A l'audience, un des membres de la cour a fait le rapport.
Composition de la Cour lors du délibéré :
- Anne WYON, président
- Julien SEITZ, conseiller
- Olivier GOURSAUD, magistrat honoraire
Arrêt Contradictoire rendu publiquement par mise à disposition au greffe de la cour d'appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,
Signé par Julien SEITZ, conseiller pour le président empêché, et par Séverine POLANO, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.
* * * *
FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES:
Mme [Y] [T] veuve [M], née le 15 mai 1934, a noué des relations amicales avec un dénommé '[N] [X]' rencontré au sein de son église évangélique de pentecôte alors qu'elle vivait seule avec son frère, Mr [F] [V] dont elle était la tutrice.
En mai 2012, au motif qu'elle aurait été victime d'escroqueries, elle a déposé plainte auprès du commissariat de [Localité 10] contre le dénommé '[N] [X]' indiquant qu'elle s'était aperçue que des loyers avaient été réglés à son insu au bénéfice d'une société Gestetud, spécialisée dans l'exploitation de résidences services disposant notamment d'une résidence dénommée Manufac sise [Adresse 3] [Localité 7] [Adresse 6], règlements débités à partir de son compte bancaire ouvert auprès de la BNP Paribas, pour un montant total de 10.919 €.
Le dénommé '[N] [X]' dont l'identité réelle était [C] [E], a été condamné par le tribunal correctionnel de Lyon le 1er décembre 2020 pour des faits d'escroquerie au préjudice de Mme [Y] [T] veuve [M] commis entre le 23 juin 2006 et le 31 décembre 2012.
Par exploit d'huissier du 24 avril 2017, Mme [Y] [T] veuve [M] et Mr [F] [V] ont fait assigner la société Gestetud devant le tribunal de grande instance de Lyon en restitution des sommes perçues.
Mr [F] [V] est décédé en cours d'instance et Mme [Y] [T] veuve [M] est venue aux droits de celui-ci.
Par jugement du 11 janvier 2022, le tribunal judiciaire de Lyon a :
- déclaré Mme [Y] [T] veuve [M] recevable en ses demandes dirigées contre la société Gestetud,
- condamné la société Gestetud à payer à [Y] [T] veuve [M] la somme de 10.919 € outre intérêts au taux légal à compter de la signification du jugement qui seront majorés à l'expiration d'un délai de deux mois à compter de l'acquisition, par la présente décision, du caractère exécutoire,
- rejeté la demande de Mme [Y] [T] veuve [M] tendant au paiement de dommages et intérêts,
- rejeté la demande reconventionnelle de la société Gestetud tendant au paiement de dommages et intérêts,
- condamné la société Gestetud à payer à Mme [Y] [T] veuve [M] la somme de 1.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- rejeté la demande de la société Gestetud au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné la société Gestetud aux entiers dépens de l'instance,
- ordonné l'exécution provisoire du jugement.
Par déclaration du 7 avril 2022, la société Gestetud a interjeté appel de ce jugement.
Au terme de ses dernières conclusions notifiées le 1er février 2022, la société Gestetud demande à la cour de :
- réformer le jugement du tribunal judiciaire de Lyon du 11 avril 2022 en ce qu'il :
- déclare Mme [Y] [T] veuve [M] recevable en ses demandes dirigées contre la société Gestetud,
- condamne la société Gestetud à payer à [Y] [T] veuve [M] la somme de 10.919 € outre intérêts au taux légal à compter de la signification du jugement qui seront majorés à l'expiration d'un délai de deux mois à compter de l'acquisition, par la présente décision, du caractère exécutoire,
- rejette la demande reconventionnelle de la société Gestetud tendant au paiement de dommages et intérêts,
- condamne la société Gestetud à payer à Mme [Y] [T] veuve [M] la somme de 1.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- rejette la demande de la société Gestetud au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamne la société Gestetud aux entiers dépens de l'instance,
- ordonne l'exécution provisoire du jugement
statuant à nouveau,
- déclarer irrecevables les demandes formées par Mme [M] agissant en son nom personnel et aux droits de Mr [V], comme étant prescrites ;
- rejeter l'intégralité des demandes de Mme [M] agissant en son nom personnel et aux droits de Mr [V],
si par extraordinaire, la cour la condamnait à restituer la somme de 10.919 € à Mme [M],
- condamner Mme [M] à lui payer la somme de 10.919 € de dommages et intérêts au titre du préjudice subi,
- ordonner la compensation des sommes allouées à Mme [M] avec celles qui lui sont allouées,
- condamner Mme [M] à lui payer la somme de 5.000 € en application de l'article 700 du Code de procédure civile,
- condamner Mme [M] aux entiers dépens distraits au profit de Maître Valérie Moulin.
Au terme de ses conclusions notifiées le 31 août 2022, Mme [Y] [T] veuve [M] demande à la cour de :
in limine litis,
- rejeter la demande de communication de pièces présentée par la société Gestetud,
- confirmer le jugement en toutes ses dispositions,
- rejeter toutes les demandes contraires présentées par la société Gestetud,
- condamner la société Gestetud à lui régler une indemnité de 3.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, outre le règlement des dépens distraits au profit de Maître Nathalie Bolland-Solle, avocat, sur son affirmation de droit.
L'ordonnance de clôture est intervenue le 4 avril 2023.
Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, la cour se réfère, pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, à leurs conclusions écrites précitées.
MOTIFS DE LA DÉCISION
La cour relève au préalable que la société Gestetud sollicite dans les motifs de ses écritures la communication de différentes pièces, notamment le courrier de la banque du 25 avril 2012, ses conclusions de partie civile et l'entier dossier pénal, sans reprendre cette demande dans le dispositif de ses conclusions de sorte que par application de l'article 954 du code de procédure civile, elle n'est pas saisie de cette prétention.
1° sur la recevabilité de l'action de Mme [M] :
La société Gestetud conclut à l'irrecevabilité de la demande comme étant prescrite et déclare que lors de sa plainte le 11 mai 2012, Mme [M] a reconnu qu'à l'été 2009, Mr [X] était parti avec ses documents administratifs, notamment sa carte bancaire, et ses clés qu'elle a fait changer et que le premier règlement à son profit est intervenu le 1er février 2010, de sorte que le délai de prescription a nécessairement commencé à courir à compter de cette date à partir de laquelle elle savait qu'il détenait ses documents administratifs, notamment sa carte bancaire.
Elle soutient également que Mme [M] a fait à tout le moins preuve de négligence en laissant sa carte bancaire à disposition d'un tiers pendant trois ans sans formuler une quelconque opposition.
Mme [M] expose qu'elle a été victime des agissements de Mr [C] [E] se faisant passer pour [N] [X], que lors du dépôt de sa plainte, elle a découvert que des loyers avaient été réglés à son insu à partir de son compte bancaire au bénéfice de la société Gestetud Manufac, qu'elle n'avait pourtant jamais souscrit de contrat auprès de cet établissement, que le responsable de la société Gestetud lui a indiqué que deux contrats de bail avaient été consentis dans le courant de l'année 2009 (logement et garage) dont l'occupant était bien un certain Mr [X] et qu'ils avaient été rédigés sous le nom de son époux, M. [M], alors qu'il était décédé depuis 2002, et sous celui de son frère, lourdement handicapé, Mr [F] [V].
Elle sollicite la confirmation du jugement en ce qu'il a écarté la fin de non recevoir tirée de la prescription et soutient que le délai pour agir a couru à compter de sa plainte le 11 mai 2012 et non pas à compter de 2009, qu'elle avait en effet logé 'Mr [X]' entre 2007 et 2009 au rez-de-chaussée d'un logement dont elle était propriétaire et qu'elle a vendu à l'été 2009, que c'est à compter de cette date que 'Mr [X]' est parti vivre au sein de la résidence [9], qu'elle n'avait pas à cette époque de problèmes d'argent et qu'elle avait confiance en '[N] [X]' avant qu'elle ne découvre qu'elle avait été victime d'escroqueries commises par ce dernier qui a été condamné pour ces faits.
Sur ce :
En application de l'article 2224 du code civil, les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer.
En l'espèce, Mme [M] agit à l'encontre de la société Gestetud en restitution de loyers sur le fondement de la répétition de l'indu, estimant que les loyer réglés à partir de son compte n'étaient pas dus par elle, et que le fait lui permettant d'exercer cette action est constitué par l'inscription au débit de son compte bancaire des sommes réglées au profit de la société Gestetud.
Mme [M] verse aux débats les relevés de son compte bancaire qui font apparaître une première inscription au débit de la somme de 225 € au profit de la société Gestetud en date du 30 novembre 2009 puis de façon régulière de 970 € à compter du 1er février 2010.
C'est donc en principe à compter de cette date que Mme [M] aurait dû savoir qu'il était prélevé sur son compte des sommes dont elle n'était pas redevable.
Mme [M] fixe au 11 mai 2012, date de sa plainte auprès des services de police, le point de départ du délai de prescription ce qui revient à permettre au titulaire de l'action de fixer unilatéralement ce point de départ.
Elle indique avoir été victime d'une escroquerie de la part du dénommé [N] [X] ce qui n'est pas contestable, ce dernier ayant été condamné de ce chef par le tribunal correctionnel de Lyon.
Cet élément ne saurait toutefois suffire à justifier d'une suspension du délai de prescription et à cet égard, alors que Mme [M] ne verse pas la procédure pénale aux débats et que le jugement n'apporte aucune précision sur les conditions de réalisation de cette escroquerie et de l'emprise exercée par [C] [E] sur elle, la cour constate que les éléments produits sont insuffisants à démontrer que Mme [M] était dans l'incapacité de connaître plus tôt l'utilisation de son compte pour le règlement de loyers indus.
A cet égard, sa plainte est imprécise et ne permet pas de savoir à quelle date, elle a su que '[N] [X]' avait dérobé sa carte bancaire.
Aucun élément au dossier ne permet de considérer qu'elle était en situation de faiblesse.
Elle était âgée en janvier 2010 de 75 ans, ce qui ne constitue pas un âge très avancé, elle était tutrice de son frère, a apparemment pu déposer plainte en toute connaissance de cause et apporter des précisions sur ses relations avec '[N] [X]' et enfin la poursuite pénale vise des faits d'escroquerie et non pas d'abus de faiblesse.
Au vu de l'ensemble de ces éléments, la cour constate que Mme [M] était en mesure de constater dés le début de l'année 2010 par une simple vérification élémentaire de ses comptes, le caractère indu des prélèvements opérés sur son compte et qu'elle aurait du, dés le début de l'année 2010, connaître les faits lui permettant d'exercer son action en répétition de l'indu.
L'action a été engagée le 24 avril 2017, soit plus de cinq ans plus tard, et elle est donc prescrite.
Il convient, infirmant le jugement, de déclarer irrecevables les demandes formée par Mme [M].
2° sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile :
Mme [M] qui succombe en ses demandes est condamnée aux dépens de première instance et d'appel.
La cour estime, eu égard à la situation respective des parties et aux circonstances de fait que l'équité ne commande pas de faire application de l'article 700 du code de procédure civile au profit de la société Gestetud, tant en première instance qu'en cause d'appel.
PAR CES MOTIFS
LA COUR
Infirme le jugement déféré ;
statuant à nouveau et y ajoutant,
Déclare irrecevables, comme étant prescrites, les demandes de Mme [Y] [T] veuve [M] ;
Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile.
Condamne Mme [Y] [T] veuve [M] aux dépens de première instance et d'appel et accorde à Maître Moulin, avocat le bénéfice des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
LE GREFFIER LE CONSEILLER POUR LE PRESIDENT EMPÊHCHÉ
Décision du Tribunal Judiciaire de LYON
Au fond du 11 janvier 2022
( chambre 9 cab 09 G)
RG : 17/05493
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE LYON
1ère chambre civile A
ARRET DU 02 Octobre 2025
APPELANTE :
S.A.R.L. GESTETUD
[Adresse 2]
[Localité 4]
Représentée par la SELARL ACTIVE AVOCATS, avocat au barreau de LYON, toque : 896
INTIMEE :
Mme [Y] [T] veuve [M], en son nom personnel et venant également aux droits, en tant que de besoin, de son frère décédé Monsieur [F] [V]
née le 14 Mai 1934 à [Localité 8]
[Adresse 1]
[Localité 5]
Représentée par Me Nathalie BOLLAND-SOLLE, avocat au barreau de LYON, toque : 101
* * * * * *
Date de clôture de l'instruction : 04 Avril 2023
Date des plaidoiries tenues en audience publique : 19 Juin 2025
Date de mise à disposition : 02 Octobre 2025
Audience tenue par Julien SEITZ, président, et Olivier GOURSAUD, magistrat honoraire, qui ont siégé en rapporteurs sans opposition des avocats dûment avisés et ont rendu compte à la Cour dans leur délibéré,
assistés pendant les débats de Séverine POLANO, greffier
A l'audience, un des membres de la cour a fait le rapport.
Composition de la Cour lors du délibéré :
- Anne WYON, président
- Julien SEITZ, conseiller
- Olivier GOURSAUD, magistrat honoraire
Arrêt Contradictoire rendu publiquement par mise à disposition au greffe de la cour d'appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,
Signé par Julien SEITZ, conseiller pour le président empêché, et par Séverine POLANO, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.
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FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES:
Mme [Y] [T] veuve [M], née le 15 mai 1934, a noué des relations amicales avec un dénommé '[N] [X]' rencontré au sein de son église évangélique de pentecôte alors qu'elle vivait seule avec son frère, Mr [F] [V] dont elle était la tutrice.
En mai 2012, au motif qu'elle aurait été victime d'escroqueries, elle a déposé plainte auprès du commissariat de [Localité 10] contre le dénommé '[N] [X]' indiquant qu'elle s'était aperçue que des loyers avaient été réglés à son insu au bénéfice d'une société Gestetud, spécialisée dans l'exploitation de résidences services disposant notamment d'une résidence dénommée Manufac sise [Adresse 3] [Localité 7] [Adresse 6], règlements débités à partir de son compte bancaire ouvert auprès de la BNP Paribas, pour un montant total de 10.919 €.
Le dénommé '[N] [X]' dont l'identité réelle était [C] [E], a été condamné par le tribunal correctionnel de Lyon le 1er décembre 2020 pour des faits d'escroquerie au préjudice de Mme [Y] [T] veuve [M] commis entre le 23 juin 2006 et le 31 décembre 2012.
Par exploit d'huissier du 24 avril 2017, Mme [Y] [T] veuve [M] et Mr [F] [V] ont fait assigner la société Gestetud devant le tribunal de grande instance de Lyon en restitution des sommes perçues.
Mr [F] [V] est décédé en cours d'instance et Mme [Y] [T] veuve [M] est venue aux droits de celui-ci.
Par jugement du 11 janvier 2022, le tribunal judiciaire de Lyon a :
- déclaré Mme [Y] [T] veuve [M] recevable en ses demandes dirigées contre la société Gestetud,
- condamné la société Gestetud à payer à [Y] [T] veuve [M] la somme de 10.919 € outre intérêts au taux légal à compter de la signification du jugement qui seront majorés à l'expiration d'un délai de deux mois à compter de l'acquisition, par la présente décision, du caractère exécutoire,
- rejeté la demande de Mme [Y] [T] veuve [M] tendant au paiement de dommages et intérêts,
- rejeté la demande reconventionnelle de la société Gestetud tendant au paiement de dommages et intérêts,
- condamné la société Gestetud à payer à Mme [Y] [T] veuve [M] la somme de 1.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- rejeté la demande de la société Gestetud au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné la société Gestetud aux entiers dépens de l'instance,
- ordonné l'exécution provisoire du jugement.
Par déclaration du 7 avril 2022, la société Gestetud a interjeté appel de ce jugement.
Au terme de ses dernières conclusions notifiées le 1er février 2022, la société Gestetud demande à la cour de :
- réformer le jugement du tribunal judiciaire de Lyon du 11 avril 2022 en ce qu'il :
- déclare Mme [Y] [T] veuve [M] recevable en ses demandes dirigées contre la société Gestetud,
- condamne la société Gestetud à payer à [Y] [T] veuve [M] la somme de 10.919 € outre intérêts au taux légal à compter de la signification du jugement qui seront majorés à l'expiration d'un délai de deux mois à compter de l'acquisition, par la présente décision, du caractère exécutoire,
- rejette la demande reconventionnelle de la société Gestetud tendant au paiement de dommages et intérêts,
- condamne la société Gestetud à payer à Mme [Y] [T] veuve [M] la somme de 1.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- rejette la demande de la société Gestetud au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamne la société Gestetud aux entiers dépens de l'instance,
- ordonne l'exécution provisoire du jugement
statuant à nouveau,
- déclarer irrecevables les demandes formées par Mme [M] agissant en son nom personnel et aux droits de Mr [V], comme étant prescrites ;
- rejeter l'intégralité des demandes de Mme [M] agissant en son nom personnel et aux droits de Mr [V],
si par extraordinaire, la cour la condamnait à restituer la somme de 10.919 € à Mme [M],
- condamner Mme [M] à lui payer la somme de 10.919 € de dommages et intérêts au titre du préjudice subi,
- ordonner la compensation des sommes allouées à Mme [M] avec celles qui lui sont allouées,
- condamner Mme [M] à lui payer la somme de 5.000 € en application de l'article 700 du Code de procédure civile,
- condamner Mme [M] aux entiers dépens distraits au profit de Maître Valérie Moulin.
Au terme de ses conclusions notifiées le 31 août 2022, Mme [Y] [T] veuve [M] demande à la cour de :
in limine litis,
- rejeter la demande de communication de pièces présentée par la société Gestetud,
- confirmer le jugement en toutes ses dispositions,
- rejeter toutes les demandes contraires présentées par la société Gestetud,
- condamner la société Gestetud à lui régler une indemnité de 3.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, outre le règlement des dépens distraits au profit de Maître Nathalie Bolland-Solle, avocat, sur son affirmation de droit.
L'ordonnance de clôture est intervenue le 4 avril 2023.
Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, la cour se réfère, pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, à leurs conclusions écrites précitées.
MOTIFS DE LA DÉCISION
La cour relève au préalable que la société Gestetud sollicite dans les motifs de ses écritures la communication de différentes pièces, notamment le courrier de la banque du 25 avril 2012, ses conclusions de partie civile et l'entier dossier pénal, sans reprendre cette demande dans le dispositif de ses conclusions de sorte que par application de l'article 954 du code de procédure civile, elle n'est pas saisie de cette prétention.
1° sur la recevabilité de l'action de Mme [M] :
La société Gestetud conclut à l'irrecevabilité de la demande comme étant prescrite et déclare que lors de sa plainte le 11 mai 2012, Mme [M] a reconnu qu'à l'été 2009, Mr [X] était parti avec ses documents administratifs, notamment sa carte bancaire, et ses clés qu'elle a fait changer et que le premier règlement à son profit est intervenu le 1er février 2010, de sorte que le délai de prescription a nécessairement commencé à courir à compter de cette date à partir de laquelle elle savait qu'il détenait ses documents administratifs, notamment sa carte bancaire.
Elle soutient également que Mme [M] a fait à tout le moins preuve de négligence en laissant sa carte bancaire à disposition d'un tiers pendant trois ans sans formuler une quelconque opposition.
Mme [M] expose qu'elle a été victime des agissements de Mr [C] [E] se faisant passer pour [N] [X], que lors du dépôt de sa plainte, elle a découvert que des loyers avaient été réglés à son insu à partir de son compte bancaire au bénéfice de la société Gestetud Manufac, qu'elle n'avait pourtant jamais souscrit de contrat auprès de cet établissement, que le responsable de la société Gestetud lui a indiqué que deux contrats de bail avaient été consentis dans le courant de l'année 2009 (logement et garage) dont l'occupant était bien un certain Mr [X] et qu'ils avaient été rédigés sous le nom de son époux, M. [M], alors qu'il était décédé depuis 2002, et sous celui de son frère, lourdement handicapé, Mr [F] [V].
Elle sollicite la confirmation du jugement en ce qu'il a écarté la fin de non recevoir tirée de la prescription et soutient que le délai pour agir a couru à compter de sa plainte le 11 mai 2012 et non pas à compter de 2009, qu'elle avait en effet logé 'Mr [X]' entre 2007 et 2009 au rez-de-chaussée d'un logement dont elle était propriétaire et qu'elle a vendu à l'été 2009, que c'est à compter de cette date que 'Mr [X]' est parti vivre au sein de la résidence [9], qu'elle n'avait pas à cette époque de problèmes d'argent et qu'elle avait confiance en '[N] [X]' avant qu'elle ne découvre qu'elle avait été victime d'escroqueries commises par ce dernier qui a été condamné pour ces faits.
Sur ce :
En application de l'article 2224 du code civil, les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer.
En l'espèce, Mme [M] agit à l'encontre de la société Gestetud en restitution de loyers sur le fondement de la répétition de l'indu, estimant que les loyer réglés à partir de son compte n'étaient pas dus par elle, et que le fait lui permettant d'exercer cette action est constitué par l'inscription au débit de son compte bancaire des sommes réglées au profit de la société Gestetud.
Mme [M] verse aux débats les relevés de son compte bancaire qui font apparaître une première inscription au débit de la somme de 225 € au profit de la société Gestetud en date du 30 novembre 2009 puis de façon régulière de 970 € à compter du 1er février 2010.
C'est donc en principe à compter de cette date que Mme [M] aurait dû savoir qu'il était prélevé sur son compte des sommes dont elle n'était pas redevable.
Mme [M] fixe au 11 mai 2012, date de sa plainte auprès des services de police, le point de départ du délai de prescription ce qui revient à permettre au titulaire de l'action de fixer unilatéralement ce point de départ.
Elle indique avoir été victime d'une escroquerie de la part du dénommé [N] [X] ce qui n'est pas contestable, ce dernier ayant été condamné de ce chef par le tribunal correctionnel de Lyon.
Cet élément ne saurait toutefois suffire à justifier d'une suspension du délai de prescription et à cet égard, alors que Mme [M] ne verse pas la procédure pénale aux débats et que le jugement n'apporte aucune précision sur les conditions de réalisation de cette escroquerie et de l'emprise exercée par [C] [E] sur elle, la cour constate que les éléments produits sont insuffisants à démontrer que Mme [M] était dans l'incapacité de connaître plus tôt l'utilisation de son compte pour le règlement de loyers indus.
A cet égard, sa plainte est imprécise et ne permet pas de savoir à quelle date, elle a su que '[N] [X]' avait dérobé sa carte bancaire.
Aucun élément au dossier ne permet de considérer qu'elle était en situation de faiblesse.
Elle était âgée en janvier 2010 de 75 ans, ce qui ne constitue pas un âge très avancé, elle était tutrice de son frère, a apparemment pu déposer plainte en toute connaissance de cause et apporter des précisions sur ses relations avec '[N] [X]' et enfin la poursuite pénale vise des faits d'escroquerie et non pas d'abus de faiblesse.
Au vu de l'ensemble de ces éléments, la cour constate que Mme [M] était en mesure de constater dés le début de l'année 2010 par une simple vérification élémentaire de ses comptes, le caractère indu des prélèvements opérés sur son compte et qu'elle aurait du, dés le début de l'année 2010, connaître les faits lui permettant d'exercer son action en répétition de l'indu.
L'action a été engagée le 24 avril 2017, soit plus de cinq ans plus tard, et elle est donc prescrite.
Il convient, infirmant le jugement, de déclarer irrecevables les demandes formée par Mme [M].
2° sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile :
Mme [M] qui succombe en ses demandes est condamnée aux dépens de première instance et d'appel.
La cour estime, eu égard à la situation respective des parties et aux circonstances de fait que l'équité ne commande pas de faire application de l'article 700 du code de procédure civile au profit de la société Gestetud, tant en première instance qu'en cause d'appel.
PAR CES MOTIFS
LA COUR
Infirme le jugement déféré ;
statuant à nouveau et y ajoutant,
Déclare irrecevables, comme étant prescrites, les demandes de Mme [Y] [T] veuve [M] ;
Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile.
Condamne Mme [Y] [T] veuve [M] aux dépens de première instance et d'appel et accorde à Maître Moulin, avocat le bénéfice des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
LE GREFFIER LE CONSEILLER POUR LE PRESIDENT EMPÊHCHÉ