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Décisions

CA Rouen, ch. de la proximite, 2 octobre 2025, n° 25/00138

ROUEN

Arrêt

Autre

CA Rouen n° 25/00138

2 octobre 2025

N° RG 25/00138 - N° Portalis DBV2-V-B7J-J3JS

COUR D'APPEL DE ROUEN

CHAMBRE DE LA PROXIMITE

ARRET DU 02 OCTOBRE 2025

DÉCISION DÉFÉRÉE :

24/02207

Jugement du Juge de l'exécution d'Evreux du 17 décembre 2024

APPELANTE :

S.A.R.L. METALLERIE [B] INDUSTRIES SERVICES

[Adresse 4]

[Localité 1]

représentée par Me Aurélie BLONDE de la SELARL THOMAS-COURCEL BLONDE, avocat au barreau d'EURE substituée par Me Simon BADREAU, avocat au barreau d'EURE

INTIMEE :

S.C.I. VRF

[Adresse 2]

[Localité 3]

représentée par Me Christophe SOLIN de la SELARL CABINET CHRISTOPHE SOLIN, avocat au barreau de ROUEN

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été plaidée et débattue à l'audience du 12 juin 2025 sans opposition des avocats devant Madame ALVARADE, Présidente, rapporteur.

Le magistrat rapporteur a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour composée de :

Monsieur TAMION, Président

Madame ALVARADE, Présidente

Madame TILLIEZ, Conseillère

DEBATS :

Madame DUPONT greffier

ARRET :

Contradictoire

Prononcé publiquement le 02 octobre 2025, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile,

signé par Monsieur TAMION, Président et par Madame DUPONT, greffière lors de la mise à disposition.

FAITS ET PROCEDURE

La SCI VRF expose avoir confié en octobre 2017 à la SARL Métallerie [B] Industries Services un marché de travaux en qualité de maître d''uvre et en qualité d'entrepreneur chargé de la réalisation du lot métallerie consistant en la création d'un plancher métallique (mezzanine) sur l'ensemble d'un local destiné à l'aménagement d'un futur hôpital de jour, qu'ayant eu à déplorer de nombreuses difficultés lors de l'exécution du chantier, elle a fait assigner le 10 juillet 2019 la SARL Métallerie [B] Industries Services, M. [P] [B] et la Compagnie AXA assurances devant le président du tribunal de commerce d'Evreux, statuant en référé, lequel a par ordonnance du 19 septembre 2019, ordonné une expertise judiciaire, que suivant acte d'huissier du 28 juin 2021, elle a assigné les mêmes au fond devant le tribunal de commerce d'Evreux, aux fins d'obtenir leur condamnation à lui payer diverses sommes en paiement de dommages et intérêts au titre des travaux de réparation et du retard de livraison, pour perte de chance, et en remboursement des travaux non réalisés et le 6 juillet 2021, la même assignation a été délivrée aux mêmes défendeurs devant le tribunal de commerce de Rouen.

Par jugement du 24 avril 2023, le tribunal de commerce de Rouen a :

- débouté la SARL Métallerie [B] Industries Services et M. [B] de leur demande tendant à annuler le rapport d'expertise de M. [G] [V],

- débouté la SARL Métallerie [B] Industries Services et M. [B] de leur demande de rejet de l'action de la société VRF pour forclusion,

- reçu la société VRF en ses demandes,

- débouté la société VRF de toutes ses demandes à l'encontre de M. [P] [B],

- condamné la SARL Métallerie [B] Industries Services à payer à la société VRF la somme de 180.452,92 euros TTC à titre de dommages-intérêts (réparations et retard de livraison) avec intérêts de droit à compter du 5 juillet 2021,

- débouté la société VRF de sa demande de condamnation de la SARL Métallerie [B] Industries Services au paiement de la somme de 18.692 euros,

- débouté la société Métallerie [B] Industries Services de sa demande de condamnation reconventionnelle de la société VRF à lui payer les sommes de :

* 9102 euros, outre les intérêts au taux de 10% à compter du 23 avril 2019

* 120 euros au titre des pénalités forfaitaires,

- débouté la société Métallerie [B] Industries Services et M. [P] [B] de toutes leurs autres demandes,

- condamné la société Métallerie [B] Industries Services à payer à la société VRF les sommes suivantes :

* 564,09 euros TTC au titre des frais et constat d'huissier

* 5.000 euros TTC au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamne la société Métallerie [B] Industries Services aux dépens,

dont les frais de greffe liquidés à la somme de 81,61 euros.

La société Métallerie [B] Industries Services a interjeté appel de cette décision.

Sur incident formé le 27 octobre 2023 par la société VRF, suivant ordonnance du 13 février 2024, le conseiller de la mise en état a ordonné la radiation de l'affaire au visa de l'article 524 du code de procédure civile et a condamné la société Métallerie [B] Industries Services au paiement d'une somme de 2500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Le 28 mai 2024, la société VRF a fait pratiquer une saisie-attribution entre les mains de la société BNP PARIBAS au préjudice de la société Métallerie [B] Industries Services, laquelle a formé une contestation par assignation du 24 juin 2024. Mainlevée de la saisie-attribution a toutefois été donnée le 28 mai 2024.

Le 15 juillet 2024, la société VRF a fait pratiquer une nouvelle saisie-attribution entre les mains de la société BNP Paribas, dénoncée le 19 juillet 2024 à la société Métallerie [B] Industries Services, laquelle en a contesté la validité suivant assignation du 5 août 2024. Cette saisie s'est révélée fructueuse à hauteur de 4.143,61 euros.

Par jugement en date du 17 décembre 2024, le juge de l'exécution du tribunal judiciaire d'Evreux a :

« (')

- déclaré la société Métallerie [B] Industries Services recevable en son action,

- débouté la société Métallerie [B] Industries Services de sa demande de nullité et de mainlevée de la saisie attribution pratiquée à son préjudice le 15 juillet 2024 par la SCI VRF

- accordé des délais de paiement à la société Métallerie [B] Industries Services et dit qu'elle devra se libérer de sa dette à l'égard de la société VRF telle que fixée par jugement du tribunal de commerce de Rouen du 24 avril 2023 et par ordonnance du président chargé de la mise en état de la première chambre civile de la cour d'appel de Rouen en date du 13 février 2024, par 23 versements de 7000 euros, le 24ème devant solder l'ensemble des sommes restant dues en principal, intérêts et frais, sauf meilleur accord entre les parties,

- dit que la première mensualité sera exigible le 15 du mois suivant le prononcé de la présente décision,

- dit que les mensualités porteront intérêts au seul taux légal,

- rappelé que les délais de paiement seront caducs, en cas d'absence de versement d'une seule mensualité, à l'expiration du délai de quinze jours suivant mise en demeure par lettre recommandée avec accusé de réception

- rappelé que les présents délais emportent suspension des voies d'exécution forcées diligentées par la SCI VRF à l'encontre de la société Métallerie [B] Industries Services

- rappelé qu'en application de l'article 1343-5 du code civil, les pénalités encourues en raison du retard cessent d'être dues pendant le délai fixé par le juge,

- condamné la société Métallerie [B] Industries Services à verser à la SCI VRF la somme de 1500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné la société Métallerie [B] Industries Services aux entiers dépens.

Pour se déterminer ainsi,

' Sur la nullité de la saisie-attribution, le juge de l'exécution a constaté que l'acte de saisie du 15 juillet 2024 mentionnait distinctement les créances issues du jugement du Tribunal de commerce de Rouen du 24 avril 2023 et de l'ordonnance de la Cour d'appel de Rouen du 13 février 2024, et que la société Métallerie [B] Industries Services ne justifiait pas de l'existence d'un grief et a par conséquent rejeté la demande de nullité.

' Sur l'exception tirée des effets de la procédure collective, après avoir relevé que la créance litigieuse était née postérieurement à l'arrêté du plan de redressement judiciaire (plan adopté le 31 août 2017), et qu'elle relevait donc du droit commun, il a rejeté l'argumentation de la société Métallerie [B] Industries Services fondée sur les dispositions des articles L.622-7 et L.622-17 du code de commerce.

' Sur la demande de délais de paiement, tenant compte des éléments financiers produits, il a accordé à la société Métallerie [B] Industries Services un échéancier de paiement sur 23 mois à hauteur de 7000 euros par mois, le solde devant être payé au 24ème mois, lesdits délais étant assortis d'une clause d'exigibilité immédiate en cas de non-respect de cet échéancier.

La société Métallerie [B] Industries Services a interjeté appel de ce jugement le 10 janvier 2025.

Suivant conclusions transmises par la voie électronique le 9 mai 2025, la société Métallerie [B] Industries Services demande à la cour de voir :

Infirmer le jugement rendu par le juge de l'exécution du tribunal judiciaire d'Evreux le 17 décembre 2024,

Statuant à nouveau :

1. A titre principal,

vu l'article R.211-1 3° du code de procédure civile d'Exécution et les articles L.622-7 et L622-17 du code de commerce,

Annuler la saisie-attribution pratiquée le 15 juillet 2024 entre les mains de la société BNP PARIBAS,

Ordonner la mainlevée de ladite saisie-attribution aux frais de la SCI VRF,

2. Subsidiairement, vu les articles 510 du code de procédure civile et 1343-5 du code civil,

L'autoriser à s'acquitter de sa dette envers la SCI VRF selon les modalités suivantes :

' 2500 euros par mois pendant 23 mois à compter du mois suivant la notification du jugement à intervenir, le solde le 24ème mois,

Juger que les échéances ainsi reportées emporteront intérêts calculés au taux légal non majoré.

3. Débouter la SCI VRF de toutes ses demandes.

Suivant conclusions transmises par la voie électronique le 12 mai 2025, la SCI VRF demande à la cour de :

Vu les articles R.211-1, R.121-1 du code des procédures civiles d'exécution,

Vu les articles L.622-7 et L.622-17 du code de commerce,

Vu l'article 1343-5 du code civil,

- confirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu le 17 décembre 2024 par le juge de l'exécution du tribunal judiciaire d'Évreux ;

- débouter la société Métallerie [B] Industries Services de toutes ses demandes,

Y ajoutant,

- condamner la société Métallerie [B] Industries Services à lui verser la somme de 3600 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- la condamner aux entiers dépens d'appel.

MOTIFS DE LA DECISION

1 - Sur la demande de nullité de la saisie-attribution

La société Métallerie [B] Industries Services sollicite l'annulation de la saisie-attribution du 15 juillet 2024 et qu'il en soit ordonnée la mainlevée, au motif qu'elle a été pratiquée en exécution de deux titres exécutoires sur la base d'un décompte unique, qui ne distingue pas les sommes dues en exécution de chacun d'eux, en contravention avec les dispositions de l'article R.211-1 3° du code des procédures civiles d'exécution et la jurisprudence de la Cour de cassation (Cass. Civ. 2ème, 23 février 2017, pourvoi n° 16-10338)

Elle estime que le premier juge a commis une erreur d'appréciation, alors qu'en présence de plusieurs titres exécutoires, une distinction précise doit être faite, l'acte de saisie-attribution doit pouvoir être compris de façon autonome, sans que le débiteur n'ait à rechercher dans différents titres les sommes éventuellement dues, qu'en l'espèce, le décompte fait en outre état de deux requêtes FICOBA, de frais au titre de la première saisie dont mainlevée a été donnée, d'intérêts, d'actes et de débours, mais également d'un droit proportionnel du commissaire de justice, sans que ne soit précisé à quel titre exécutoire ils se rattachent. Elle ajoute que l'omission de décompte distinct cause nécessairement un grief au débiteur saisi, la Cour de cassation ayant par ailleurs rejeté dans l'arrêt précité du 23 février 2017, l'argumentation tenant à l'absence de grief, considérant que l'irrégularité affectant l'acte de saisie est fondamentale et ne peut être régularisée, qu'en tout état de cause, l'irrégularité lui cause un grief évident, puisqu'elle l'empêche de procéder à la vérification des sommes qui lui sont réclamées.

L'intimée sollicite la confirmation du jugement faisant valoir que le premier juge a fait une exacte application des textes pour valider la saisie et observe, s'agissant de la jurisprudence évoquée que la Cour de cassation tient à s'assurer que le décompte permet au débiteur de connaître le montant des sommes restant dues au regard des sommes perçues et de l'imputation des paiements effectués sur les différents titres pris distinctement, ce que le décompte dans cette espèce ne permettait pas de savoir,

qu'en application de l'article 114 du code de procédure civile, aucune nullité pour vice de forme ne peut être prononcée sans que le demandeur ne démontre le grief que lui cause l'irrégularité alléguée, même lorsqu'il s'agit d'une formalité substantielle ou d'ordre public.

Sur ce,

En vertu de l'article R.211-1 3° du code des procédures civiles d'exécution, l'acte d'huissier par lequel le créancier procède à la saisie contient, à peine de nullité, le décompte distinct des sommes réclamées en principal, frais et intérêts échus, majorées d'une provision pour les intérêts à échoir dans le délai d'un mois prévu pour élever une contestation.

Les dispositions précitées n'exigent que la présentation d'un décompte distinguant le principal, les intérêts et les frais, et non pas un décompte par titre exécutoire en vertu duquel la saisie est pratiquée.

Il convient de préciser que, contrairement à ce que soutient l'appelante, que l'irrégularité tenant à cette absence de décompte distinct constitue une irrégularité de forme dès lors qu'elle n'entre pas dans la liste limitative des irrégularités de fond prévues à l'article 117 du code de procédure civile, de sorte que conformément à l'article 114 du même code, le prononcé de la nullité est subordonné à la justification d'un grief.

Par ailleurs, il est constant qu'une erreur éventuelle sur le montant des sommes figurant dans le décompte inséré à l'acte de saisie n'a pas d'incidence sur la validité de l'acte d'exécution, la faculté de contestation devant le juge de l'exécution prévue à l'article L 211-4 du code des procédures civiles d'exécution et exercée selon les modalités des articles R 211-10 et suivants du même code permettant aux parties de critiquer chacun des postes de la créance et d'obtenir, s'il y a lieu, la limitation de sa portée.

En l'espèce, la saisie-attribution du 15 juillet 2024 a été exécutée sur le fondement :

- d'un jugement du tribunal de commerce de Rouen du 24 avril 2023 condamnant notamment la société Métallerie [B] Industries Services à payer à la SCI VRF les somme de 180 452,92 euros à titre de dommages et intérêts (réparations et retards de livraison) avec intérêts de droit à compter du 5 juillet 2021, de 564,09 euros au titre des frais et constat huissier, de 5000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens dont les frais de greffe liquidée à la somme de 81,61 euros,

ainsi que d'une ordonnance du président de chambre chargée de la mise en état du 13 février 2024 condamnant la société Métallerie [B] Industries Services au paiement d'une somme de 2500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Le procès-verbal de saisie-attribution comporte un décompte de la somme réclamée en principal, frais et intérêts échus détaillée de la manière suivante :

« Article 700 du C.P.C. 2500,00 euros

Frais et constat d'Huissier 564,09 euros

Article 700 du CPC 5000,00 euros

Frais de greffe 81,61 euros

Signification de jugement du 07 juin 2023 73,38 euros

Notification de jugement à avocat du 26 mai 2023 76,28 euros

Dommages et intérêts 180.452,92 euros

Les intérêts 21.334,38 euros

Les Actes & Débours 1007,57 euros

Droit Proportionnel 338,24 euros

Coût de l'acte 120,20 euros

Total Dû ( Sauf erreur ou omission ) 211.548,67 euros

A ceci il faut ajouter :

Les Actes à Prévoir 290,77 euros

Un mois d'intérêts à prévoir 1579,22 euros

Soit un Total de 213.418,56 euros »

Le procès-verbal mentionne de façon distincte les montants dus au titre du jugement du 24 avril 2023 en principal, frais (frais et constat huissier frais de greffe, de signification du jugement, de notification du jugement à avocat) et intérêts (calculés depuis le 5 juillet 2021 sur 180 000 452,92 euros au taux légal majoré de cinq points depuis le 8 août 2023 et calculé depuis le 24 avril 2023 majoré de cinq points depuis le 8 août 2023 sur la somme de 5000 euros due au titre de l'article 700 du code de procédure civile) ainsi que celles dues au titre de l'ordonnance du 13 février 2024 en principal, et intérêts calculés depuis le 13 février 2024 sur 2500 euros au taux légal.

En l'espèce, ainsi que l'a retenu le premier juge, le décompte est très clairement présenté de manière à faire le départ entre les deux titres dont la société VRF poursuit l'exécution, et portant sur des condamnations aisément identifiables. La mesure n'encourt pas la nullité de ce chef.

Il sera précisé à toutes fins que l'appelante ne justifie pas de l'existence d'un grief dès lors qu'elle n'a pas été privée de l'exercice d'un quelconque recours relatif au montant réclamé, qu'elle était en mesure de vérifier la régularité du décompte des intérêts et qu'il n'y avait pas lieu en l'espèce de s'assurer de la bonne imputation des paiements qui n'ont pas été effectués.

Relativement au décompte actualisé versé à hauteur de cour par l'intimée, sont mentionnés au décompte des frais de requête au fichier national des comptes bancaires (51,60 euros) et ceux afférents à la première saisie-attribution dont mainlevée a été donnée (66,06 euros). Il n'est toutefois formulé aucune demande à ce titre et s'agissant des frais d'acte qui se rapportent à la saisie-attribution actuellement opérée, l'article R 211-1 du code des procédures civiles d'exécution n'exige pas un décompte détaillé des frais d'exécution de l'étude mais exige seulement des mentions distinctes au titre du principal, des frais et des intérêts des condamnation résultant du titre exécutoire.

En conséquence, le jugement déféré qui a rejeté la demande de nullité de la saisie sera confirmé.

2 - Sur l'interdiction des voies d'exécution

Pour soutenir l'inopposabilité de la saisie à son encontre, la société Métallerie [B] Industries Services fait valoir que la date de naissance des créances de la SCI VRF se fixe antérieurement au jugement d'ouverture de la procédure collective,

que dès lors que les travaux litigieux ont été commandés et partiellement réalisés pendant la période d'observation, la créance indemnitaire de la société VRF, bien que constatée en 2023, est née pendant ladite période et le fait générateur naît postérieurement au jugement d'ouverture du 14 juin 2016,

que le premier juge a commis une erreur en jugeant que l'origine des créances de la SCI VRF était postérieure à l'adoption du plan de redressement du 31 août 2017 et que le fait générateur est constitué par le jugement du tribunal de commerce du 14 avril 2023, alors que la date de naissance d'une créance en cas d'inexécution d'un engagement contractuel s'opère à la date de la conclusion de l'acte d'origine en application des dispositions des articles 1101 et suivants du code civil,

que la réparation des conséquences de l'inexécution ou de la mauvaise exécution trouve sa source dans le contrat, et une créance de réparation, même ordonnée par un tribunal, ne peut avoir pour origine que la date du contrat,

que la société VRF vient soutenir pour les besoins de la procédure que le contrat de maîtrise d''uvre du 10 juillet 2017 n'a pas été signé et qu'il a été annulé par les parties le 10 octobre 2017 et que ces deux contrats sont distincts, ayant été confiée une mission d'assistance au maître d'ouvrage (AMO) suvant contrat du 10 juillet 2017 et de maîtrise d''uvre le 10 octobre 2017, alors que sa mission n'a d'ailleurs jamais été modifiée,

que cette mission a fait l'objet de travaux préparatoires et a immédiatement débuté par l'envoi au CCTP le 19 juillet 2017 des plans de l'opération,

que les créances de la société VRF sont donc nées postérieurement au jugement d'ouverture (14 juin 2016) et avant l'homologation du plan de redressement (31 août 2017),

qu'elles ne peuvent être qualifiées de créances postérieures privilégiées au sens de l' article L 622-17 du code de commerce puisqu'elles ne sont pas nées pour les besoins du déroulement de la procédure ni en contrepartie des prestations fournies pendant la période d'observation, de sorte qu'elles sont soumises à la discipline de la procédure collective,

qu'en outre, la société VRF n'est pas en mesure de démontrer que sa créance de dommages et intérêts est une créance utile au sens de l'article L.622 - 17 précité et ne peut donc procéder à l'exécution forcée des décisions de justice constatant sa créance.

La société VRF, pour s'opposer à l'argumentation de la société Métallerie [B] Industries Services, observe que c'est au stade de l'exécution que cette dernière soutient qu'aucune mesure d'exécution ne pouvait être prise contre elle au regard des dispositions de l'article L. 622 ' 17 du code de commerce,

que toutefois le débiteur ne peut valablement faire valoir devant le juge de l'exécution à l'occasion de la poursuite de l'exécution du titre exécutoire consistant en un jugement le condamnant au paiement d'une créance l'inopposabilité de cette créance, y compris au motif de son défaut de déclaration à sa procédure collective,

que contrairement à ce qui est soutenu, les créances de dommages-intérêts ne sont pas nées lors de la conclusion des contrats,

que la date de naissance des préjudices résultant de la mauvaise exécution de travaux et du retard de livraison est postérieure à l'adoption du plan de redressement, de sorte que ses créances ne sont pas soumises aux règles du code de commerce invoquées par la société Métallerie [B] Industries Services,

que l'argumentation développée par la société Métallerie [B] Industries Services quant à la date de réalisation des prestations (avant/après l'adoption du plan) dépasse manifestement les limites du pouvoir du juge de l'exécution et de la Cour statuant en appel d'un jugement rendu par ce juge,

que s'agissant du contrat de maîtrise d''uvre, il n'est pas né avant l'adoption du plan de redressement et même si la société Métallerie [B] Industries Services a fait valoir qu'un contrat aurait été signé en juillet 2017, ce contrat a expressément été annulé par les parties, les fonctions cette dernière ayant été revues,

qu'en tout état de cause, elle lui a transmis le 30 octobre 2017 son devis relatif au lot métallerie daté du 25 octobre 2017, devis qui tenait compte des derniers changements intervenus,

que le contrat d'entreprise ne pouvait donc pas avoir une origine antérieure à la date à laquelle la société Métallerie [B] Industries Services avait établi son devis de travaux en tant qu'entreprise exécutante,

que quand bien même il convenait de retenir la date à laquelle les parties ont contracté , celle-ci est postérieurs à la date d'adoption du plan de cession,

que les créances dont il est poursuivi le recouvrement sont donc soumises aux règles du droit commun et le jugement de condamnation pouvait être exécuté au moyen d'une saisie-attribution.

Sur ce,

Selon l'article L. 622-7, I, alinéa 1er, du code de commerce, « le jugement ouvrant la procédure emporte, de plein droit, interdiction de payer toute créance née antérieurement au jugement d'ouverture ('). Il emporte également, de plein droit, interdiction de payer toute créance née après le jugement d'ouverture, non mentionnée au I de l'article L. 622-17 . (') »

L'article L. 622-17 I du même code énonce : « les créances nées régulièrement après le jugement d'ouverture pour les besoins du déroulement de la procédure ou de la période d'observation, ou en contrepartie d'une prestation fournie au débiteur pendant cette période, sont payées à leur échéance. »

Par ailleurs, en application des dispositions de l'article R 121-1 du code des procédures civiles d'exécution « Le juge de l'exécution ne peut ni modifier le dispositif de la décision de justice qui sert de fondement aux poursuites ni en suspendre l'exécution. Toutefois, après signification du commandement ou de l'acte de saisie ou à compter de l'audience prévue par l' article R. 3252-17 du Code du travail, selon le cas, il a compétence pour accorder un délai de grâce. ».

Il importe de préciser, ainsi que l'a justement rappelé le premier juge que ces dernières dispositions n'empêchent pas l'application des règles prévues en matière de procédure collective, lesquelles sont d'ordre public.

En l'espèce, il est constant que par jugement du 14 juin 2016, le tribunal de commerce d'Evreux a ouvert une procédure de redressement judiciaire au profit de la société Métallerie [B] Industries Services et que par jugement du 31 août 2017, un plan de redressement par voie de continuation a été homologué.

Est discutée la question de l'origine des créances ayant justifié la saisie mise en 'uvre par la société VRF.

La société VRF estime que lesdites créances sont nées après l'adoption du plan de redressement, que la société débitrice ayant recouvré tous ses droits, celles-ci doivent être soumises au droit commun, ainsi que l'a retenu le premier juge.

Pour sa part, la société Métallerie [B] Industries Services, soutient qu'elles ont pour origine le contrat, qui constate l'accord de volonté entre les parties et est créateur d'obligations qui leurs tiennent de loi.

Pour infirmation du jugement, elle fait valoir que les contrats ayant donné lieu à la créance de réparation de la société VRF ont été signés le 10 juillet 2017, le tribunal de commerce de Rouen ayant considéré dans son jugement du 24 avril 2023 que le marché de travaux avait été conclu à cette date et que ses prestations ont débuté en juillet 2017, soit pendant la période d'observation, qu'il ne saurait être retenu comme le soutient la société VRF que le contrat a été conclu le 10 octobre 2017, alors qu'il s'agissait d'une reprise du contrat du 10 juillet 2017, que sa mission n'a jamais été modifiée, sauf en la partie relative à sa rémunération, et ajoute que les créances de dommages et intérêts ne constituent pas des créances utiles au sens de l'article L.622-17 du code de commerce.

Le jugement du tribunal de commerce du 24 avril 2023 relève s'agissant des réparations que le rapport d'expert conclut que la société VRF a dû débourser une somme totale de 109 924,10 euros (131 908,82 euros TTC) pour pallier aux manquements de la société Métallerie [B] Industries Services et au titre des retards de livraison, que selon l'avis de l'expert, il peut être évalué à cinq mois de retard de loyer, soit un total de 48 587,50 euros TTC, et a en conséquence condamné la société Métallerie [B] Industries Services à payer à la société VRF une somme totale de 180 452,92 euros TTC.

Ainsi, les créances de la société VRF consistent pour l'une, en une créance liée aux frais engendrés par les retards pris par la société débitrice, pour l'autre, en une créance liée à l'inexécution ou la mauvaise exécution de certaines prestations ( travaux supplémentaires pour respecter les normes ERP ayant occasionné des frais additionnels). Or il est constant, qu'en un telle hypothèse, la détermination du caractère antérieur ou postérieur des créances dépend du point de savoir si cette créance trouve son origine dans des prestations effectuées antérieurement ou postérieurement au jugement d'ouverture. (Cass. Com 27 septembre 2017 n°16-14634).

Il ressort du jugement précité que les parties ont régularisé un contrat de marché d'assistance à maîtrise d''uvre le 10 octobre 2017 (page 8 du jugement), qu' une première tranche de travaux a été réalisée entre fin 2017 et début 2018, qu'une facture a été mise le 30 janvier 2018 portant sur cette première phase de travaux, que le chantier a été terminé le 7 octobre 2019.

S'il est indiqué page 9 du jugement que la société VRF a confié un marché de travaux à Métallerie [B] Industries Services le 17 juillet 2017, cette mention est sans incidence par rapport aux constatations faites ci-avant quant à la date d'exécution des travaux, étant ajouté que l'expert précise aux termes de son rapport que le 10 octobre 2017, la société VRF a proposé à la société Métallerie [B] Industries Services le lot métallerie et un contrat de maîtrise d''uvre partielle et qu'en janvier 2018 la société Métallerie [B] Industries Services a réalisé les travaux en cause, situant donc la réalisation des travaux postérieurement à la période d'observation et au plan de redressement du 31 août 2017, peu important que la société débitrice ait communiqué une estimation des travaux et des plans antérieurement à cette date (courriel du 21 juin 2017) qu'elle qualifie elle-même de travaux préparatoires.

Dès lors, le jugement qui a dit que les créances objet des mesures d'exécution litigieuses relèvent du droit commun sera confirmé.

3 - Sur la demande de délais de paiement

La société Métallerie [B] Industries Services explique que dans le cadre de son activité de fabrication de structures métalliques , elle a un besoin prégnant de trésorerie qu'elle ne possède pas du fait de son placement en redressement judiciaire et de l'adoption d'un plan,

que son chiffre d'affaires accuse une baisse sensible(-500 000 euros), directement imputable à l'atonie du marché immobilier,

que l'exécution immédiate de la décision du tribunal de commerce de Rouen entrainerait la cessation des paiements de la société et sa liquidation judiciaire

Elle sollicite l'autorisation de s'acquitter de sa dette à raison de 2500 euros par mois pendant 23 mois à compter du mois suivant la notification de la décision, le solde le 24e mois,

Elle fait grief au premier juge d'avoir jugé que la première mensualité sera exigible le 15 du mois suivant le prononcé de la présente décision, laquelle est datée du 17 décembre 2024, et n'a été communiquée aux avocats des parties que par lettre du 9 janvier 2025 et de l'avoir placée dans une situation difficile.

Elle lui reproche en outre d'avoir fixé les mensualités à 7000 euros alors qu'elle n'est pas en mesure d'y faire face, devant en outre apurer les annuités de son plan de redressement. Elle ajoute que l'échéancier qu'elle propose permettrait des règlements tout en évitant qu'elle ne soit placée en situation de cessation des paiements.

La société VRF conclut à la confirmation de la mesure de paiement ordonnée, estimant qu'elle tient compte à la fois des intérêts du créancier et des capacités réelles du débiteur, et observe qu'il est de fait accordé à la société Métallerie [B] Industries Services de nouveaux délais de règlement.

Pour rejeter la proposition de paiement formulée, le premier juge, procédant à l'examen de la situation financière de la société Métallerie [B] Industries Services au vu des seules pièces produites a relevé qu'au titre de l'exercice 2023, le résultat net comptable se fixait à 39.247 euros, regrettant l'absence de communication d'éléments actualisés sur le plan de redressement, qu'il a également tenu compte du comportement de la société débitrice qui n'avait procédé à aucun paiement.

Sur ce,

L'article 510 alinéa 3 du code de procédure civile donne compétence au juge de l'exécution pour accorder un délai de grâce, après signification d'un commandement ou d'un acte de saisie. De même, l'article R.121-1 alinéa 2 du code des procédures civiles d'exécution dispose notamment que le juge de l'exécution peut, après la signification du commandement ou de l'acte de saisie, accorder un délai de grâce.

Il résulte de l'article 1343-5 du code civil que le juge peut, compte tenu de la situation du débiteur et en considération des besoins du créancier, reporter ou échelonner le paiement des sommes dues, dans la limite de deux années.

Il convient de préciser qu'en matière de saisie-attribution, le juge de l'exécution ne peut accorder des délais de paiement qu'en cas de saisie partiellement infructueuse, sur le solde de créance qui n'a pas été saisi-attribué.

A hauteur d'appel, la société Métallerie [B] Industries Services produit ses comptes au titre de 2023 joints à l'attestation établie par son expert-comptable dont il ressort un résultat d'exploitation déficitaire de - 69 106 euros au 31 décembre 2023, pour un résultat d'exploitation bénéficiaire de 103 066 euros au 31 décembre 2022, le compte de résultats affichant un résultat bénéficiaire de 39 247 euros, en hausse par rapport à 2022 (10 735 euros). Il apparaît en outre que le chiffre d'affaires a diminué passant de 1 844 947 en 2022 à 1 304 797 euros en 2023, ainsi que les disponibilités, passant de 86 004 euros à 10 547 euros.

La société Métallerie [B] Industries Services justifie ainsi d'une baisse du chiffre d'affaires et d'un résultat d'exploitation déficitaire au titre de 2023, alors qu'elle fait en outre l'objet d'un redressement judiciaire, avec un plan de redressement encore en vigueur. Le premier juge lui a octroyé des délais sur 24 mois sur la base d'une mensualité de 7000 euros, la société VRF ne s'opposant pas aux délais ainsi accordés qui permettraient de solder la dette.

La société Métallerie [B] Industries Services estime toutefois ne pas pouvoir faire face au paiement de ces mensualités telles que déterminées par le premier juge. Cependant, la proposition qu'elle formule à hauteur de 2500 euros sur 23 mois, soit 57.500 euros, n'est pas réaliste, alors qu'elle n'explicite pas les modalités de paiement du solde de la créance. En outre, la cour n'est pas en mesure d'appréhender sa situation financière actuelle alors qu'elle ne produit pas les comptes au titre de l'exercice 2024, clôturés à ce jour.

Il résulte de ces éléments que la société Métallerie [B] Industries Services n'apparaît pas être en capacité de payer la créance de la société VRF dans le délai légal maximum de 24 mois, étant ajouté qu'elle n'a pas mis à profit le délai de l'instance d'appel (9 mois) pour honorer le paiement de sa dette, ne serait-ce qu'à hauteur de la somme de proposée de 2500 euros.

Dès lors, le jugement qui a accordé des délais de paiement à la société débitrice, ne peut qu'être infirmé.

4 - Sur les frais du procès

Le sort des dépens et l'application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ont été exactement appréciés par le premier juge.

Il convient de confirmer la décision entreprise de ces chefs.

La société Métallerie [B] Industries Services, qui succombe, sera condamnée aux dépens d'appel.

Il est inéquitable de laisser à la charge de la société VRF les frais irrépétibles qu'elle a exposés dans la présente instance. Il lui sera alloué une somme de 1500 euros. La société Métallerie [B] Industries Services sera déboutée de sa demande de ce chef.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Confirme le jugement en ses dispositions soumises à la cour, sauf en sa disposition octroyant des délais de paiement à la SARL Métallerie [B] Industries Services,

Statuant à nouveau

Rejette la demande de délais formulée par la société Métallerie [B] Industries Services,

Y ajoutant,

Condamne la SARL Métallerie [B] Industries Services aux dépens de la procédure d'appel,

Condamne la SARLé Métallerie [B] Industries Services à payer à la SCI VRF une somme de 1500 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

Déboute la SARL Métallerie [B] Industries Services de sa demande d'indemnité de procédure en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Le greffier Le président

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