CA Grenoble, ch. com., 2 octobre 2025, n° 24/02691
GRENOBLE
Arrêt
Autre
N° RG 24/02691 - N° Portalis DBVM-V-B7I-MK6W
C4
Minute N°
Copie exécutoire
délivrée le :
la SELARL GUMUSCHIAN-
ROGUET-BONZY
la SELARL LX GRENOBLE-
CHAMBERY
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE GRENOBLE
CHAMBRE COMMERCIALE
ARRÊT DU JEUDI 02 OCTOBRE 2025
Appel d'un jugement (N° RG 22/04541)
rendu par le TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de GRENOBLE
en date du 27 mai 2024
suivant déclaration d'appel du 15 juillet 2024
APPELANTE :
S.A.R.L. LA VIE MOINS CHERE au capital de 7 622,45 euros, immatriculée au Registre du Commerce et des Sociétés de GRENOBLE sous le numéro 393 430 871, prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité audit siège.
[Adresse 4]
[Localité 1]
représentée par Me David ROGUET de la SELARL GUMUSCHIAN-ROGUET-BONZY, avocat au barreau de GRENOBLE, substitué et plaidant par Me BARDOU, avocat au barreau de GRENOBLE,
INTIMÉE :
Société AEW COMMERCES EUROPE venant aux droits de la SC PIERRE-PLUS, Société civile de placement immobilier à capital variable, inscrite au RCS de PARIS sous le n° 500 156 229, agissant poursuites et diligences de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège
[Adresse 2]
[Localité 3]
représentée par Me Alexis GRIMAUD de la SELARL LX GRENOBLE-CHAMBERY, avocat au barreau de GRENOBLE, postulant et plaidant par Me Sabine CHASTAGNIER, avocat au barreau de PARIS,
COMPOSITION DE LA COUR :
LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :
Madame Marie-Pierre FIGUET, Présidente,
M. Lionel BRUNO, Conseiller,
Mme Raphaële FAIVRE, Conseillère,
Assistés lors des débats de Alice RICHET, Greffière.
DÉBATS :
A l'audience publique du 19 juin 2025, M. BRUNO, Conseiller, a été entendu en son rapport,
Les avocats ont été entendus en leurs conclusions et plaidoiries,
Puis l'affaire a été mise en délibéré pour que l'arrêt soit rendu ce jour,
Faits et procédure :
1. M. et Mme [S], aux droits desquels est venue la société DBS Patrimoine puis la société civile de placement immobilier Pierre Plus, devenue société AEW Commerces Europe, étaient propriétaires d'un local commercial situé [Adresse 4] à [Localité 1] (38). Ce local a été donné à bail commercial à la société La Vie Moins Chère, par acte du 24 novembre 1993, à compter du 27 novembre 1993 pour une durée de 9 années (soit jusqu'au 26 novembre 2022), aux fins d'exercice d'une activité de bijouterie fantaisie, articles de [Localité 5], articles et cadeaux pour la maison.
2. Par acte du 2 octobre 2013, les parties ont convenu d'un renouvellement du bail pour 9 ans à compter du 1er janvier 2013 jusqu'au 31 décembre 2021.
3. Le 28 janvier 2022, la société La Vie Moins Chère a signifié au bailleur une demande de renouvellement à compter du 1er avril 2022. Par acte signifié le 17 février 2022, le bailleur a accepté le principe du renouvellement mais moyennant un loyer de 25.676,04 euros HT, correspondant au loyer actuel.
4. En l'absence d'accord, le preneur a, par mémoire préalable à la saisine du juge des loyers notifié le 25 mai 2022, sollicité la fixation du loyer à la somme annuelle de 13.200 euros par an HT et HC.
5. Par acte d'huissier en date du 13 septembre 2022, la société La Vie Moins Chère a fait assigner le bailleur devant le juge des loyers commerciaux du tribunal judiciaire de Grenoble.
6. Par jugement du 27 février 2023, le juge a ordonné, avant dire-droit, une expertise judiciaire, et désigné pour y procéder M. [T] avec mission de déterminer le montant du loyer plafonné et de dire si la valeur locative des locaux donnés à bail est inférieure à ce montant.
7. L'expert a déposé son rapport, au terme duquel il a conclu à une valeur locative annuelle de 13.036 euros hors taxes et hors charges (HT/HC), inférieure au montant du loyer plafonné fixé au 1er janvier 2022 à 25.667 euros.
8. Par jugement du 27 mai 2024, le juge des loyers commerciaux du tribunal judiciaire de Grenoble a :
- fixé à 23.520 euros en principal par an à compter du 1er avril 2022, le loyer du bail renouvelé depuis cette date entre la société AEW Commerces Europe et la société La Vie Moins Chère pour les locaux situés [Adresse 4] à [Localité 1] (38), toutes autres clauses et conditions du bail expiré demeurant inchangées, sauf celles en contradiction avec la loi du 18 juin 2014,
- dit que cette somme porte intérêts au taux légal sur les loyers arriérés depuis le 13 septembre 2022, date de l'assignation,
- rappelé que conformément aux dispositions de l'article L 111-3 du code des procédures civiles d'exécution, la présente décision, lorsqu'elle aura force exécutoire, constituera un titre exécutoire permettant l'exécution forcée,
- rappelé que l'exécution provisoire de la présente décision est de droit,
- débouté les parties du surplus de leurs demandes,
- dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné chacune des parties par moitié aux dépens qui incluront le coût de l'expertise.
9. La société La Vie Moins Chère a interjeté appel de cette décision le 25 juillet 2024.
10. L'instruction de cette procédure a été clôturée le 5 juin 2025.
Prétentions et moyens de la société La Vie Moins Chère :
11. Selon ses conclusions n°3 remises par voie électronique le 4 juin 2025, elle demande à la cour, au visa de l'article L.145-34 du code de commerce, d'informer la décision déférée en ce qu'elle a :
- fixé à 23.520 euros en principal par an à compter du 1er avril 2022, le loyer du bail renouvelé depuis cette date entre la société AEW Commerces Europe et la concluante pour des locaux situés [Adresse 4] à [Localité 1] (38), toutes autres clauses et conditions du bail expiré demeurant inchangées sauf celles en contradiction avec la loi du 18 juin 2014,
- dit que cette somme porte intérêts au taux légal sur les loyers arriérés depuis le 13 septembre 2022, date de l'assignation,
- rappelé que conformément aux dispositions de l'article L. 111-3 du code des procédures civiles d'exécution, la présente décision lorsqu'elle aura force exécutoire constituera un titre exécutoire permettant l'exécution forcée,
- rappelé que l'exécution provisoire de la présente décision est de droit,
- débouté les parties du surplus de leurs demandes,
- dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné chacune des parties par moitié aux dépens qui incluront le coût de l'expertise.
12. Elle demande à la cour, statuant à nouveau :
- de fixer le loyer du bail renouvelé à la somme de 13.036 euros par an hors taxes hors charges, avec effet à compter de la date de renouvellement du bail, soit le 1er avril 2022 ;
- de condamner la société AEW Commerces Europe à payer à la concluante la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens qui devront comprendre les frais d'expertise.
13. L'appelante expose :
14. - que la valeur locative est inférieure au loyer en vigueur, puisque l'expert judiciaire a évalué le prix du bail renouvelé à 13.036 euros HT/HC, ce qui est proche de la valeur proposée par M.[I], expert mandaté par la concluante; que cependant le juge a retenu un loyer médian revenant à doubler le loyer que la concluante doit verser, alors que l'expert a noté que le local est implanté en centre-ville, lequel subit une érosion de l'ensemble des commerces ; que le commerce, exploité sous l'enseigne «Les Surprises de [U]» a été mis en vente, mais qu'en l'absence d'acquéreur du fait du loyer trop élevé, la gérante a décidé de notifier un congé pour faire valoir ses droits à la retraite ;
15. - concernant la surface du local, que le juge a retenu une superficie supérieure à la surface pondérée proposée par l'expert judiciaire (67,20 m²) et M. [I] (62,71 m² ), puisque la surface pondérée retenue par le juge (67,20 m²) entraîne une différence de 4,49 m² au préjudice du preneur, et ainsi un surplus annuel de loyer de 1.571,50 euros par an ; que c'est ainsi la surface retenue par l'expert amiable qui doit être retenue ;
16. - concernant le prix du bail, que le juge n'a pas tenu compte des prix pratiqués dans le voisinage, ce qui a généré une majoration ; qu'un commerce contiguë à celui de la concluante règle un loyer de 198,70 euros/ m² ; que dans la même rue, un autre commerce règle un loyer de 16.200 euros pour une surface équivalente à celle de la concluante ; qu'une comparaison rapide avec les loyers pratiqués dans le voisinage indique des prix inférieurs à celui retenu, qui correspond à un emplacement 1 bis et non à un emplacement 2 ; que le
barème établi par la FNAIM est pertinent, alors que l'expert judiciaire a d'abord effectué un tableau des valeurs pertinentes pour conclure au fait que la valeur qu'il a retenue était conforme au barème de la FNAIM ; que l'intimée vient de mettre en location les locaux objets du litige au prix de 225,35 euros / m² soit 16.000 euros HT/HC, se fondant sur une surface de 71 m² ;
17. - que la [Adresse 7] est une petite rue qui ne connaît pas la fréquentation par des emplacement n°1 et 1bis, sans implantation de grandes enseignes.
Prétentions et moyens de la société AEW Commerces Europe, venant aux droits de la société Pierre Plus :
18. Selon ses conclusions n°2 remises par voie électronique le 4 juin 2025, elle demande à la cour, au visa des articles L.145-1, L. 145-33, R. 145-7 du code de commerce, et 1102 et 1103 du code civil :
- de déclarer la société La Vie Moins Chère irrecevable et mal fondée en son appel,
- de recevoir la concluante en son appel incident, et y faisant droit,
- d'infirmer la décision entreprise en ce qu'elle a condamné chacune des parties par moitié aux dépens qui incluent le coût de l'expertise ;
- de confirmer la décision entreprise en ce qu'elle a fixé le montant du loyer du bail renouvelé au 1er avril 2022 à la somme annuelle en principal de 23.520 euros HT HC/ an ;
- de débouter l'appelante de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions;
- de condamner la société La Vie Moins Chère au paiement d'une somme de 5.000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile de première instance et d'appel, ainsi qu'aux entiers dépens, en ce compris l'intégralité des frais d'expertise, dont le recouvrement sera poursuivi par Me Alexis Grimaud conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
19. L'intimée soutient :
20. - que suite au congé donné par l'appelante pour le 31 mai 2025, puisque sa gérante a demandé à bénéficier de ses droits à la retraite, les locaux ont été restitués ; que cette décision est indépendante du présent litige, puisque la gérante a atteint l'âge de 65 ans au mois d'avril 2025 ;
21. - que le dernier rapport d'expertise amiable [K] produit par l'appelante (Nb : il concerne un autre commerce et est distinct du rapport du cabinet [X] produit par l'intimée) concerne un local de grande surface (391,80 m²) ainsi non comparable, alors qu'il n'est pas contradictoire, et indique un prix unitaire de 265 euros, supérieur à celui proposé par le preneur ;
22. - que l'expert judiciaire n'a pas tenu compte d'une destination large, puisque lors de l'avenant au bail initial, le preneur a été autorisé à vendre du prêt-à-porter féminin, de la bijouterie fantaisie et tous articles pour la maison ;
23. - que les locaux se situent à proximité immédiate du secteur piétonnier le plus commerçant de [Localité 1], desservi par deux lignes de tramway, bénéficiant d'un parking public, avec la présence de grandes enseignes, constituant l'hyper-centre de la ville, de sorte que leur emplacement est en adéquation avec l'activité exercée, avec une visibilité satisfaite, ainsi que constaté par l'expert [I]; que le quartier est identifié comme étant le deuxième plus riche de la ville, et le plus peuplé; qu'il s'agit ainsi d'un emplacement 1bis et non de catégorie n°2 comme retenu par l'expert judiciaire, alors que le barème de la FNAIM décrit la zone n°2 comme étant une zone ne se trouvant ni dans un centre ville, ni sur des grands boulevard, ni en périphérie ;
24. - que les facteurs locaux de commercialité doivent être appréciés sur la période concernant le bail expiré, de sorte que l'appelante ne peut invoquer la disparition d'enseignes postérieurement au 1er avril 2022 ;
25. - que l'expert judiciaire a mentionné des valeurs comprises entre 274,11 euros et 510,13 euros / m², pour ensuite arbitrairement redéfinir une fourchette comprise entre 103 et 397 euros afin de tenir compte de la moyenne haute constatée par la FNAIM pour des emplacements de catégorie 2 ; que l'expert a ainsi méconnu les articles L145-33 et R145-7 du code de commerce, puisque la valeur locative doit être déterminée au regard des prix couramment pratiqués dans le voisinage pour des locaux équivalents, avec, à défaut d'équivalence, l'application de correctifs; ainsi, que la valeur locative doit être individualisée et ne peut être établie à partir de données générales ou moyennes;
26. - que la concluante est libre de proposer à la location les lieux pour un loyer inférieur à la valeur locative de renouvellement, afin de retrouver au plus vite un preneur, d'autant que l'offre de location a été faite en 2025 ;
27. - que l'appelante ne détaille pas les éléments permettant de retenir une pondération des locaux pour 62,71 m².
*****
28. Il convient en application de l'article 455 du code de procédure civile de se référer aux conclusions susvisées pour Plus ample exposé des prétentions et moyens des parties.
MOTIFS DE LA DECISION :
29. Selon le premier juge, les locaux se trouvent au [Adresse 4] à [Localité 1], en rez-de-chaussée d'un immeuble ancien de quatre étages. Ils sont situés dans une large zone piétonne à vocation commerciale et d'habitation, dans ce qui est considéré comme le centre de [Localité 1]. Il s'agit donc d'un emplacement favorable, étant précisé que la [Adresse 7] est dépendante de la [Adresse 8], depuis laquelle elle est visible, et de la [Adresse 6], raison pour laquelle M. [T] l'a, à juste titre, classifiée comme un emplacement n°2. Les locaux sont constitués d'une surface en rez-de-chaussée de 70,76 m² ainsi que d'une cave en sous-sol de 30 m2. La superficie réelle n'est pas discutée, tout comme la surface pondérée qu'il convient de fixer à 67,2 m².
30. Concernant la valeur locative, le juge des loyers commerciaux a noté que les deux parties concluent à une valeur locative inférieure au loyer plafonné, mais ne s'entendent pas sur le montant de valeur locative à retenir. L'expert a recherché des termes de comparaison dans le quartier environnant pour des locaux similaires et rien n'interdit de les réactualiser, comme il l'a fait, en utilisant l'indice des loyers commerciaux, pour parvenir à une moyenne de 353,35 euros / m² . Bien qu'il soit justifié de retraiter ce montant, compte tenu du fait que les loyers de références concernent les baux de locaux situés en emplacement n°1 bis et non n°2, il n'est pas justifié de faire application du barème de la FNAIM pour ce faire, dès lors que cette méthode contrevient aux dispositions des articles L145-33, L145-34 et R145-7 du code de commerce. En effet, il revenait à l'expert de préciser les différences existant entre le local loué et les locaux de référence, et d'y apporter les correctifs afférents.
31. Le premier juge a indiqué que ne disposant pas de ces éléments, il convient, après avoir éliminé le loyer le plus bas (257,73 euros / m² ) et le loyer le plus élevé (479,64 euros / m² ) des références retenues par l'expert, de fixer le prix unitaire moyen à 351,15 euros le m² . Le bailleur concluant à 350 euros, il y a lieu de retenir ce montant. Il a ainsi fixé le prix HT/HC du m² à 350 euros par an, portant la valeur locative au montant annuel de 23.520 euros (350 x 67,2).
32. La cour constate, concernant la surface des locaux donnés à bail, que selon l'expert [I] consulté par le preneur, la surface pondérée est de 63,31 m². L'expert judiciaire a retenu une surface pondérée de 67,2 m². M.[X], consulté par le bailleur, a retenu une surface pondérée de 59,08 m².
33. La cour note que le bail initial n'a prévu aucune surface, précisant seulement que les locaux, situés au rez-de-chaussée, sont constitués d'une boutique d'un seul tenant donnant sur la [Adresse 7], avec au fond une sortie dans la cour commune de l'immeuble. Il n'est pas fait mention d'une cave.
34. Selon M.[T], expert désigné par le juge des loyers commerciaux, le local est constitué d'une surface en rez-de-chaussée, outre une cave en sous-sol, avec un accès depuis un escalier depuis le local commercial. Il n'a pu accéder à cette cave, mais les parties ont indiqué qu'elle a une surface de 30 m². Elle n'est pas directement exploitée par le preneur. La surface commerciale est de 70 m², outre les toilettes pour 2,5 m². En incluant cette cave, il retient une surface totale de 72,5 m², mais la cour constate que cette surface omet en réalité celle de la cave, la surface totale étant ainsi de 102,50 m². La surface totale pondérée est de 67,2 m², l'expert appliquant une pondération variable selon la zone d'exploitation en fonction de sa distance depuis la façade, les sanitaires et la cave.
35. L'évaluation réalisée par M.[I], à la demande du preneur, retient une surface totale, cave incluse, de 97,18 m², et une surface pondérée de 63,31 m².
36. L'évaluation réalisée par M.[X], à la demande du bailleur, relève que les locaux bénéficient d'une façade linéaire d'environ 5 m, composée d'une vitrine sur 3,8 m. Le local est aménagé principalement en point de vente, avec un petit comptoir de caisse, et au fond, un petit local de réserve avec toilettes. Il existe une cave,non mentionnée dans le bail, accessible par une petite trappe depuis la surface de vente, inaccessible en raison de l'encombrement. Ce consultant a repris les données figurant dans le rapport [I] pour la cave, et a retenu une surface de 70,76 m² pour le rez-de-chaussée. Il a retenu une surface totale de 100,76 m², cave incluse, et une surface pondérée de 59,08 m².
37. La cour constate que ces différences résultent du fait que les experts [T] et [I] n'ont retenu que deux zones distinctes concernant la partie du rez-de-chaussée affectée à la boutique, selon leur emplacement par rapport à la façade, alors que l'expert [X] a retenu trois zone différentes, avec des pondérations diminuant selon la distance depuis la façade. Les photographies figurant dans les trois rapports indiquent en effet qu'il s'agit d'un local étroit, mais long. En conséquence, l'attraction de la clientèle décroît en raison de l'éloignement depuis la façade. La cour retient ainsi que la division de la partie commerciale en trois zones distinctes retenue par le rapport [X] est pertinente. Cependant, étant tenue par les limites des conclusions des parties, la cour ne peut retenir la surface pondérée de 59,08 m² figurant dans le rapport [X], puisque le preneur ne revendique qu'une surface pondérée de 62,71 m². C'est ainsi cette surface qui sera retenue.
38. Concernant l'emplacement des locaux commerciaux, la cour relève que selon l'expert judiciaire, le local commercial est installé dans une large zone piétonne à vocation commerciale et d'habitation, dans ce qui est considéré comme étant le centre de la ville. La [Adresse 7] est dépendante des [Adresse 8] et [Adresse 6], lesquelles sont des emplacements commerciaux 1bis. De ce fait, la [Adresse 7] correspond à des emplacement de type 2. Il y a cependant eu une érosion de l'ensemble des commerces du centre-ville, constatée par la Chambre de commerce et d'industrie. Le rapport [I] réalisé à la demande du preneur confirme que les locaux se trouvent dans l'hyper-centre, dans une zone piétonne comprenant des commerces d'alimentation, ameublement, librairie, équipement de la personne, opticien, tabac-presse. La situation commerciale est favorable, sur un axe piétonnier
passant, avec une visibilité satisfaisante. Le rapport [X] ajoute que l'hyper-centre comprend de grandes enseignes, ce qui est le cas de la [Adresse 8]. Les trois experts retiennent un très bon emplacement dans une rue commerçante de l'hyper-centre essentiellement piéton. La cour constate que la boutique est visible depuis la [Adresse 8].
39. Concernant les valeurs de référence figurant dans les trois rapports d'expertise, la cour constate que l'expert [T] a fourni des éléments de comparaison pour des locaux de surface similaires dans le secteur de l'hyper-centre, pour des valeurs au m² comprises entre 261,17 euros et 479,64 euros, après actualisation en fonction de l'indice des loyers commerciaux au 3ième trimestre 2022. L'expert [I] a procédé de même, mais dans une zone plus restreinte située dans le quartier où sont exploités les locaux donnés à bail, fournissant des valeurs comprises entre entre 131 et 189 euros/m² pondérés, pour des locaux présentant une surface pondérée comparable, la cour écartant les locaux présentant une surface nettement supérieure. Enfin, l'expert [X] a noté, pour des locaux présentant une surface comparable aux locaux donnés à bail, des valeurs au m² comprises entre 294,50 euros et 584 euros, s'agissant de locaux situés à proximité dans la [Adresse 8].
40. Au regard des différentes valeurs fournies par les trois experts, la cour retiendra un prix au m² pondéré de 265 euros, valeur la plus proche s'approchant d'un commerce d'une surface proche situé dans le quartier avoisinant. En conséquence, le prix du loyer du bail renouvelé sera fixé à 16.618,15 euros (265 € x 62,71 m2).
41. Il en résulte que le jugement entrepris sera infirmé en ce qu'il a fixé à 23.520 euros en principal par an à compter du 1er avril 2022, le loyer du bail renouvelé depuis cette date entre la société AEW Commerces Europe et la société La Vie Moins Chère. Il sera confirmé en ses autres dispositions soumises à la cour, notamment concernant le partage des dépens de première instance incluant le coût de l'expertise judiciaire, frais nécessaires à l'estimation du prix du loyer.
42. Succombant devant cet appel, l'intimée sera condamnée à payer à l'appelante la somme de 3.000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens d'appel.
PAR CES MOTIFS :
La Cour statuant publiquement, contradictoirement, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile, après en avoir délibéré conformément à la loi,
Vu les articles L145-1 et suivants du code de commerce ;
Infirme le jugement déféré en ce qu'il a fixé à 23.520 euros en principal par an à compter du 1er avril 2022, le loyer du bail renouvelé depuis cette date entre la société AEW Commerces Europe et la société La Vie Moins Chère pour les locaux situés [Adresse 4] à [Localité 1] (38) ;
Confirme le jugement déféré en ses autres dispositions soumises à la cour ;
statuant à nouveau ;
Fixe à 16.618,15 euros en principal HT et HC par an à compter du 1er avril 2022, le loyer du bail renouvelé depuis cette date entre la société AEW Commerces Europe et la société La Vie Moins Chère pour les locaux situés [Adresse 4] à [Localité 1] (38) ;
y ajoutant,
Condamne la société AEW Commerces Europe à payer à la société La Vie Moins Chère la somme de 3.000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamne la société AEW Commerces Europe aux dépens d'appel ;
Signé par Mme FIGUET, Présidente et par Mme Anne BUREL, Greffière présente lors de la mise à disposition à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
La Greffière La Présidente
C4
Minute N°
Copie exécutoire
délivrée le :
la SELARL GUMUSCHIAN-
ROGUET-BONZY
la SELARL LX GRENOBLE-
CHAMBERY
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE GRENOBLE
CHAMBRE COMMERCIALE
ARRÊT DU JEUDI 02 OCTOBRE 2025
Appel d'un jugement (N° RG 22/04541)
rendu par le TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de GRENOBLE
en date du 27 mai 2024
suivant déclaration d'appel du 15 juillet 2024
APPELANTE :
S.A.R.L. LA VIE MOINS CHERE au capital de 7 622,45 euros, immatriculée au Registre du Commerce et des Sociétés de GRENOBLE sous le numéro 393 430 871, prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité audit siège.
[Adresse 4]
[Localité 1]
représentée par Me David ROGUET de la SELARL GUMUSCHIAN-ROGUET-BONZY, avocat au barreau de GRENOBLE, substitué et plaidant par Me BARDOU, avocat au barreau de GRENOBLE,
INTIMÉE :
Société AEW COMMERCES EUROPE venant aux droits de la SC PIERRE-PLUS, Société civile de placement immobilier à capital variable, inscrite au RCS de PARIS sous le n° 500 156 229, agissant poursuites et diligences de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège
[Adresse 2]
[Localité 3]
représentée par Me Alexis GRIMAUD de la SELARL LX GRENOBLE-CHAMBERY, avocat au barreau de GRENOBLE, postulant et plaidant par Me Sabine CHASTAGNIER, avocat au barreau de PARIS,
COMPOSITION DE LA COUR :
LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :
Madame Marie-Pierre FIGUET, Présidente,
M. Lionel BRUNO, Conseiller,
Mme Raphaële FAIVRE, Conseillère,
Assistés lors des débats de Alice RICHET, Greffière.
DÉBATS :
A l'audience publique du 19 juin 2025, M. BRUNO, Conseiller, a été entendu en son rapport,
Les avocats ont été entendus en leurs conclusions et plaidoiries,
Puis l'affaire a été mise en délibéré pour que l'arrêt soit rendu ce jour,
Faits et procédure :
1. M. et Mme [S], aux droits desquels est venue la société DBS Patrimoine puis la société civile de placement immobilier Pierre Plus, devenue société AEW Commerces Europe, étaient propriétaires d'un local commercial situé [Adresse 4] à [Localité 1] (38). Ce local a été donné à bail commercial à la société La Vie Moins Chère, par acte du 24 novembre 1993, à compter du 27 novembre 1993 pour une durée de 9 années (soit jusqu'au 26 novembre 2022), aux fins d'exercice d'une activité de bijouterie fantaisie, articles de [Localité 5], articles et cadeaux pour la maison.
2. Par acte du 2 octobre 2013, les parties ont convenu d'un renouvellement du bail pour 9 ans à compter du 1er janvier 2013 jusqu'au 31 décembre 2021.
3. Le 28 janvier 2022, la société La Vie Moins Chère a signifié au bailleur une demande de renouvellement à compter du 1er avril 2022. Par acte signifié le 17 février 2022, le bailleur a accepté le principe du renouvellement mais moyennant un loyer de 25.676,04 euros HT, correspondant au loyer actuel.
4. En l'absence d'accord, le preneur a, par mémoire préalable à la saisine du juge des loyers notifié le 25 mai 2022, sollicité la fixation du loyer à la somme annuelle de 13.200 euros par an HT et HC.
5. Par acte d'huissier en date du 13 septembre 2022, la société La Vie Moins Chère a fait assigner le bailleur devant le juge des loyers commerciaux du tribunal judiciaire de Grenoble.
6. Par jugement du 27 février 2023, le juge a ordonné, avant dire-droit, une expertise judiciaire, et désigné pour y procéder M. [T] avec mission de déterminer le montant du loyer plafonné et de dire si la valeur locative des locaux donnés à bail est inférieure à ce montant.
7. L'expert a déposé son rapport, au terme duquel il a conclu à une valeur locative annuelle de 13.036 euros hors taxes et hors charges (HT/HC), inférieure au montant du loyer plafonné fixé au 1er janvier 2022 à 25.667 euros.
8. Par jugement du 27 mai 2024, le juge des loyers commerciaux du tribunal judiciaire de Grenoble a :
- fixé à 23.520 euros en principal par an à compter du 1er avril 2022, le loyer du bail renouvelé depuis cette date entre la société AEW Commerces Europe et la société La Vie Moins Chère pour les locaux situés [Adresse 4] à [Localité 1] (38), toutes autres clauses et conditions du bail expiré demeurant inchangées, sauf celles en contradiction avec la loi du 18 juin 2014,
- dit que cette somme porte intérêts au taux légal sur les loyers arriérés depuis le 13 septembre 2022, date de l'assignation,
- rappelé que conformément aux dispositions de l'article L 111-3 du code des procédures civiles d'exécution, la présente décision, lorsqu'elle aura force exécutoire, constituera un titre exécutoire permettant l'exécution forcée,
- rappelé que l'exécution provisoire de la présente décision est de droit,
- débouté les parties du surplus de leurs demandes,
- dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné chacune des parties par moitié aux dépens qui incluront le coût de l'expertise.
9. La société La Vie Moins Chère a interjeté appel de cette décision le 25 juillet 2024.
10. L'instruction de cette procédure a été clôturée le 5 juin 2025.
Prétentions et moyens de la société La Vie Moins Chère :
11. Selon ses conclusions n°3 remises par voie électronique le 4 juin 2025, elle demande à la cour, au visa de l'article L.145-34 du code de commerce, d'informer la décision déférée en ce qu'elle a :
- fixé à 23.520 euros en principal par an à compter du 1er avril 2022, le loyer du bail renouvelé depuis cette date entre la société AEW Commerces Europe et la concluante pour des locaux situés [Adresse 4] à [Localité 1] (38), toutes autres clauses et conditions du bail expiré demeurant inchangées sauf celles en contradiction avec la loi du 18 juin 2014,
- dit que cette somme porte intérêts au taux légal sur les loyers arriérés depuis le 13 septembre 2022, date de l'assignation,
- rappelé que conformément aux dispositions de l'article L. 111-3 du code des procédures civiles d'exécution, la présente décision lorsqu'elle aura force exécutoire constituera un titre exécutoire permettant l'exécution forcée,
- rappelé que l'exécution provisoire de la présente décision est de droit,
- débouté les parties du surplus de leurs demandes,
- dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné chacune des parties par moitié aux dépens qui incluront le coût de l'expertise.
12. Elle demande à la cour, statuant à nouveau :
- de fixer le loyer du bail renouvelé à la somme de 13.036 euros par an hors taxes hors charges, avec effet à compter de la date de renouvellement du bail, soit le 1er avril 2022 ;
- de condamner la société AEW Commerces Europe à payer à la concluante la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens qui devront comprendre les frais d'expertise.
13. L'appelante expose :
14. - que la valeur locative est inférieure au loyer en vigueur, puisque l'expert judiciaire a évalué le prix du bail renouvelé à 13.036 euros HT/HC, ce qui est proche de la valeur proposée par M.[I], expert mandaté par la concluante; que cependant le juge a retenu un loyer médian revenant à doubler le loyer que la concluante doit verser, alors que l'expert a noté que le local est implanté en centre-ville, lequel subit une érosion de l'ensemble des commerces ; que le commerce, exploité sous l'enseigne «Les Surprises de [U]» a été mis en vente, mais qu'en l'absence d'acquéreur du fait du loyer trop élevé, la gérante a décidé de notifier un congé pour faire valoir ses droits à la retraite ;
15. - concernant la surface du local, que le juge a retenu une superficie supérieure à la surface pondérée proposée par l'expert judiciaire (67,20 m²) et M. [I] (62,71 m² ), puisque la surface pondérée retenue par le juge (67,20 m²) entraîne une différence de 4,49 m² au préjudice du preneur, et ainsi un surplus annuel de loyer de 1.571,50 euros par an ; que c'est ainsi la surface retenue par l'expert amiable qui doit être retenue ;
16. - concernant le prix du bail, que le juge n'a pas tenu compte des prix pratiqués dans le voisinage, ce qui a généré une majoration ; qu'un commerce contiguë à celui de la concluante règle un loyer de 198,70 euros/ m² ; que dans la même rue, un autre commerce règle un loyer de 16.200 euros pour une surface équivalente à celle de la concluante ; qu'une comparaison rapide avec les loyers pratiqués dans le voisinage indique des prix inférieurs à celui retenu, qui correspond à un emplacement 1 bis et non à un emplacement 2 ; que le
barème établi par la FNAIM est pertinent, alors que l'expert judiciaire a d'abord effectué un tableau des valeurs pertinentes pour conclure au fait que la valeur qu'il a retenue était conforme au barème de la FNAIM ; que l'intimée vient de mettre en location les locaux objets du litige au prix de 225,35 euros / m² soit 16.000 euros HT/HC, se fondant sur une surface de 71 m² ;
17. - que la [Adresse 7] est une petite rue qui ne connaît pas la fréquentation par des emplacement n°1 et 1bis, sans implantation de grandes enseignes.
Prétentions et moyens de la société AEW Commerces Europe, venant aux droits de la société Pierre Plus :
18. Selon ses conclusions n°2 remises par voie électronique le 4 juin 2025, elle demande à la cour, au visa des articles L.145-1, L. 145-33, R. 145-7 du code de commerce, et 1102 et 1103 du code civil :
- de déclarer la société La Vie Moins Chère irrecevable et mal fondée en son appel,
- de recevoir la concluante en son appel incident, et y faisant droit,
- d'infirmer la décision entreprise en ce qu'elle a condamné chacune des parties par moitié aux dépens qui incluent le coût de l'expertise ;
- de confirmer la décision entreprise en ce qu'elle a fixé le montant du loyer du bail renouvelé au 1er avril 2022 à la somme annuelle en principal de 23.520 euros HT HC/ an ;
- de débouter l'appelante de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions;
- de condamner la société La Vie Moins Chère au paiement d'une somme de 5.000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile de première instance et d'appel, ainsi qu'aux entiers dépens, en ce compris l'intégralité des frais d'expertise, dont le recouvrement sera poursuivi par Me Alexis Grimaud conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
19. L'intimée soutient :
20. - que suite au congé donné par l'appelante pour le 31 mai 2025, puisque sa gérante a demandé à bénéficier de ses droits à la retraite, les locaux ont été restitués ; que cette décision est indépendante du présent litige, puisque la gérante a atteint l'âge de 65 ans au mois d'avril 2025 ;
21. - que le dernier rapport d'expertise amiable [K] produit par l'appelante (Nb : il concerne un autre commerce et est distinct du rapport du cabinet [X] produit par l'intimée) concerne un local de grande surface (391,80 m²) ainsi non comparable, alors qu'il n'est pas contradictoire, et indique un prix unitaire de 265 euros, supérieur à celui proposé par le preneur ;
22. - que l'expert judiciaire n'a pas tenu compte d'une destination large, puisque lors de l'avenant au bail initial, le preneur a été autorisé à vendre du prêt-à-porter féminin, de la bijouterie fantaisie et tous articles pour la maison ;
23. - que les locaux se situent à proximité immédiate du secteur piétonnier le plus commerçant de [Localité 1], desservi par deux lignes de tramway, bénéficiant d'un parking public, avec la présence de grandes enseignes, constituant l'hyper-centre de la ville, de sorte que leur emplacement est en adéquation avec l'activité exercée, avec une visibilité satisfaite, ainsi que constaté par l'expert [I]; que le quartier est identifié comme étant le deuxième plus riche de la ville, et le plus peuplé; qu'il s'agit ainsi d'un emplacement 1bis et non de catégorie n°2 comme retenu par l'expert judiciaire, alors que le barème de la FNAIM décrit la zone n°2 comme étant une zone ne se trouvant ni dans un centre ville, ni sur des grands boulevard, ni en périphérie ;
24. - que les facteurs locaux de commercialité doivent être appréciés sur la période concernant le bail expiré, de sorte que l'appelante ne peut invoquer la disparition d'enseignes postérieurement au 1er avril 2022 ;
25. - que l'expert judiciaire a mentionné des valeurs comprises entre 274,11 euros et 510,13 euros / m², pour ensuite arbitrairement redéfinir une fourchette comprise entre 103 et 397 euros afin de tenir compte de la moyenne haute constatée par la FNAIM pour des emplacements de catégorie 2 ; que l'expert a ainsi méconnu les articles L145-33 et R145-7 du code de commerce, puisque la valeur locative doit être déterminée au regard des prix couramment pratiqués dans le voisinage pour des locaux équivalents, avec, à défaut d'équivalence, l'application de correctifs; ainsi, que la valeur locative doit être individualisée et ne peut être établie à partir de données générales ou moyennes;
26. - que la concluante est libre de proposer à la location les lieux pour un loyer inférieur à la valeur locative de renouvellement, afin de retrouver au plus vite un preneur, d'autant que l'offre de location a été faite en 2025 ;
27. - que l'appelante ne détaille pas les éléments permettant de retenir une pondération des locaux pour 62,71 m².
*****
28. Il convient en application de l'article 455 du code de procédure civile de se référer aux conclusions susvisées pour Plus ample exposé des prétentions et moyens des parties.
MOTIFS DE LA DECISION :
29. Selon le premier juge, les locaux se trouvent au [Adresse 4] à [Localité 1], en rez-de-chaussée d'un immeuble ancien de quatre étages. Ils sont situés dans une large zone piétonne à vocation commerciale et d'habitation, dans ce qui est considéré comme le centre de [Localité 1]. Il s'agit donc d'un emplacement favorable, étant précisé que la [Adresse 7] est dépendante de la [Adresse 8], depuis laquelle elle est visible, et de la [Adresse 6], raison pour laquelle M. [T] l'a, à juste titre, classifiée comme un emplacement n°2. Les locaux sont constitués d'une surface en rez-de-chaussée de 70,76 m² ainsi que d'une cave en sous-sol de 30 m2. La superficie réelle n'est pas discutée, tout comme la surface pondérée qu'il convient de fixer à 67,2 m².
30. Concernant la valeur locative, le juge des loyers commerciaux a noté que les deux parties concluent à une valeur locative inférieure au loyer plafonné, mais ne s'entendent pas sur le montant de valeur locative à retenir. L'expert a recherché des termes de comparaison dans le quartier environnant pour des locaux similaires et rien n'interdit de les réactualiser, comme il l'a fait, en utilisant l'indice des loyers commerciaux, pour parvenir à une moyenne de 353,35 euros / m² . Bien qu'il soit justifié de retraiter ce montant, compte tenu du fait que les loyers de références concernent les baux de locaux situés en emplacement n°1 bis et non n°2, il n'est pas justifié de faire application du barème de la FNAIM pour ce faire, dès lors que cette méthode contrevient aux dispositions des articles L145-33, L145-34 et R145-7 du code de commerce. En effet, il revenait à l'expert de préciser les différences existant entre le local loué et les locaux de référence, et d'y apporter les correctifs afférents.
31. Le premier juge a indiqué que ne disposant pas de ces éléments, il convient, après avoir éliminé le loyer le plus bas (257,73 euros / m² ) et le loyer le plus élevé (479,64 euros / m² ) des références retenues par l'expert, de fixer le prix unitaire moyen à 351,15 euros le m² . Le bailleur concluant à 350 euros, il y a lieu de retenir ce montant. Il a ainsi fixé le prix HT/HC du m² à 350 euros par an, portant la valeur locative au montant annuel de 23.520 euros (350 x 67,2).
32. La cour constate, concernant la surface des locaux donnés à bail, que selon l'expert [I] consulté par le preneur, la surface pondérée est de 63,31 m². L'expert judiciaire a retenu une surface pondérée de 67,2 m². M.[X], consulté par le bailleur, a retenu une surface pondérée de 59,08 m².
33. La cour note que le bail initial n'a prévu aucune surface, précisant seulement que les locaux, situés au rez-de-chaussée, sont constitués d'une boutique d'un seul tenant donnant sur la [Adresse 7], avec au fond une sortie dans la cour commune de l'immeuble. Il n'est pas fait mention d'une cave.
34. Selon M.[T], expert désigné par le juge des loyers commerciaux, le local est constitué d'une surface en rez-de-chaussée, outre une cave en sous-sol, avec un accès depuis un escalier depuis le local commercial. Il n'a pu accéder à cette cave, mais les parties ont indiqué qu'elle a une surface de 30 m². Elle n'est pas directement exploitée par le preneur. La surface commerciale est de 70 m², outre les toilettes pour 2,5 m². En incluant cette cave, il retient une surface totale de 72,5 m², mais la cour constate que cette surface omet en réalité celle de la cave, la surface totale étant ainsi de 102,50 m². La surface totale pondérée est de 67,2 m², l'expert appliquant une pondération variable selon la zone d'exploitation en fonction de sa distance depuis la façade, les sanitaires et la cave.
35. L'évaluation réalisée par M.[I], à la demande du preneur, retient une surface totale, cave incluse, de 97,18 m², et une surface pondérée de 63,31 m².
36. L'évaluation réalisée par M.[X], à la demande du bailleur, relève que les locaux bénéficient d'une façade linéaire d'environ 5 m, composée d'une vitrine sur 3,8 m. Le local est aménagé principalement en point de vente, avec un petit comptoir de caisse, et au fond, un petit local de réserve avec toilettes. Il existe une cave,non mentionnée dans le bail, accessible par une petite trappe depuis la surface de vente, inaccessible en raison de l'encombrement. Ce consultant a repris les données figurant dans le rapport [I] pour la cave, et a retenu une surface de 70,76 m² pour le rez-de-chaussée. Il a retenu une surface totale de 100,76 m², cave incluse, et une surface pondérée de 59,08 m².
37. La cour constate que ces différences résultent du fait que les experts [T] et [I] n'ont retenu que deux zones distinctes concernant la partie du rez-de-chaussée affectée à la boutique, selon leur emplacement par rapport à la façade, alors que l'expert [X] a retenu trois zone différentes, avec des pondérations diminuant selon la distance depuis la façade. Les photographies figurant dans les trois rapports indiquent en effet qu'il s'agit d'un local étroit, mais long. En conséquence, l'attraction de la clientèle décroît en raison de l'éloignement depuis la façade. La cour retient ainsi que la division de la partie commerciale en trois zones distinctes retenue par le rapport [X] est pertinente. Cependant, étant tenue par les limites des conclusions des parties, la cour ne peut retenir la surface pondérée de 59,08 m² figurant dans le rapport [X], puisque le preneur ne revendique qu'une surface pondérée de 62,71 m². C'est ainsi cette surface qui sera retenue.
38. Concernant l'emplacement des locaux commerciaux, la cour relève que selon l'expert judiciaire, le local commercial est installé dans une large zone piétonne à vocation commerciale et d'habitation, dans ce qui est considéré comme étant le centre de la ville. La [Adresse 7] est dépendante des [Adresse 8] et [Adresse 6], lesquelles sont des emplacements commerciaux 1bis. De ce fait, la [Adresse 7] correspond à des emplacement de type 2. Il y a cependant eu une érosion de l'ensemble des commerces du centre-ville, constatée par la Chambre de commerce et d'industrie. Le rapport [I] réalisé à la demande du preneur confirme que les locaux se trouvent dans l'hyper-centre, dans une zone piétonne comprenant des commerces d'alimentation, ameublement, librairie, équipement de la personne, opticien, tabac-presse. La situation commerciale est favorable, sur un axe piétonnier
passant, avec une visibilité satisfaisante. Le rapport [X] ajoute que l'hyper-centre comprend de grandes enseignes, ce qui est le cas de la [Adresse 8]. Les trois experts retiennent un très bon emplacement dans une rue commerçante de l'hyper-centre essentiellement piéton. La cour constate que la boutique est visible depuis la [Adresse 8].
39. Concernant les valeurs de référence figurant dans les trois rapports d'expertise, la cour constate que l'expert [T] a fourni des éléments de comparaison pour des locaux de surface similaires dans le secteur de l'hyper-centre, pour des valeurs au m² comprises entre 261,17 euros et 479,64 euros, après actualisation en fonction de l'indice des loyers commerciaux au 3ième trimestre 2022. L'expert [I] a procédé de même, mais dans une zone plus restreinte située dans le quartier où sont exploités les locaux donnés à bail, fournissant des valeurs comprises entre entre 131 et 189 euros/m² pondérés, pour des locaux présentant une surface pondérée comparable, la cour écartant les locaux présentant une surface nettement supérieure. Enfin, l'expert [X] a noté, pour des locaux présentant une surface comparable aux locaux donnés à bail, des valeurs au m² comprises entre 294,50 euros et 584 euros, s'agissant de locaux situés à proximité dans la [Adresse 8].
40. Au regard des différentes valeurs fournies par les trois experts, la cour retiendra un prix au m² pondéré de 265 euros, valeur la plus proche s'approchant d'un commerce d'une surface proche situé dans le quartier avoisinant. En conséquence, le prix du loyer du bail renouvelé sera fixé à 16.618,15 euros (265 € x 62,71 m2).
41. Il en résulte que le jugement entrepris sera infirmé en ce qu'il a fixé à 23.520 euros en principal par an à compter du 1er avril 2022, le loyer du bail renouvelé depuis cette date entre la société AEW Commerces Europe et la société La Vie Moins Chère. Il sera confirmé en ses autres dispositions soumises à la cour, notamment concernant le partage des dépens de première instance incluant le coût de l'expertise judiciaire, frais nécessaires à l'estimation du prix du loyer.
42. Succombant devant cet appel, l'intimée sera condamnée à payer à l'appelante la somme de 3.000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens d'appel.
PAR CES MOTIFS :
La Cour statuant publiquement, contradictoirement, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile, après en avoir délibéré conformément à la loi,
Vu les articles L145-1 et suivants du code de commerce ;
Infirme le jugement déféré en ce qu'il a fixé à 23.520 euros en principal par an à compter du 1er avril 2022, le loyer du bail renouvelé depuis cette date entre la société AEW Commerces Europe et la société La Vie Moins Chère pour les locaux situés [Adresse 4] à [Localité 1] (38) ;
Confirme le jugement déféré en ses autres dispositions soumises à la cour ;
statuant à nouveau ;
Fixe à 16.618,15 euros en principal HT et HC par an à compter du 1er avril 2022, le loyer du bail renouvelé depuis cette date entre la société AEW Commerces Europe et la société La Vie Moins Chère pour les locaux situés [Adresse 4] à [Localité 1] (38) ;
y ajoutant,
Condamne la société AEW Commerces Europe à payer à la société La Vie Moins Chère la somme de 3.000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamne la société AEW Commerces Europe aux dépens d'appel ;
Signé par Mme FIGUET, Présidente et par Mme Anne BUREL, Greffière présente lors de la mise à disposition à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
La Greffière La Présidente