Cass. crim., 7 octobre 2025, n° 25-81.760
COUR DE CASSATION
Autre
Cassation
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Bonnal
Rapporteur :
M. Charmoillaux
Avocat général :
M. Quintard
Avocat :
SCP Célice, Texidor, Périer
Faits et procédure
1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces soumises à l'examen de la Cour de cassation ce qui suit.
2. M. [Z] [S], mis en examen du chef susvisé, a présenté une requête en annulation de pièces de la procédure.
Examen des moyens
Sur les troisième, quatrième, cinquième et sixième moyens
3. Ils ne sont pas de nature à permettre l'admission du pourvoi au sens de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale.
Mais sur le premier moyen
Enoncé du moyen
4. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a dit n'y avoir lieu à annulation de la procédure, au-delà des seuls actes et pièces cotés D 48, D 50, D 55, D 58, D 692, D 693, D 695, D 697 et D 700, alors :
« 2°/ qu'est nulle la consultation du TAJ par un enquêteur ne disposant n'ayant pas été spécialement habilité à cette fin ; que doit dès lors figurer au dossier de la procédure un document ou une mention établissant que l'accès au fichier a été le fait d'un agent spécialement habilité à cette fin ; qu'au cas d'espèce, la défense faisait valoir que les enquêteurs [E] [T] et [C] [P] avaient accédé aux données du TAJ concernant Monsieur [S] sans qu'il ne soit possible de contrôler la réalité de leur habilitation à cette fin ; qu'elle relevait que le versement en procédure d'un procès-verbal se bornant à indiquer que les intéressés étaient « habilités à la consultation des traitements automatisés de données à caractère personnel », sans précision quant à la nature des « traitements » qu'ils étaient autorisés à consulter, ne saurait établir la réalité de l'habilitation de ces derniers ; qu'en retenant, pour dire régulière la consultation par ces enquêteurs des données le Monsieur [S] au TAJ, que le procès-verbal litigieux suffisait à établir la réalité de l'habilitation de ces derniers à consulter ce fichier, sans vérifier, au-delà de l'affirmation générale contenue dans l'acte litigieux, si les enquêteurs étaient spécialement et spécifiquement habilités à consulter les données du TAJ, la Chambre de l'instruction a violé les articles 15-5, 230-6, 230-10, R. 40-23, R. 40-28, 591 et 593 du Code de procédure pénale. »
Réponse de la Cour
Vu les articles 230-10, 15-5 et 593 du code de procédure pénale :
5. Selon le premier de ces textes, l'habilitation spéciale et individuelle autorisant un personnel à accéder aux informations figurant dans un traitement de données à caractère personnel précise la nature des données auxquelles elle autorise l'accès.
6. Il se déduit du deuxième que si l'absence de mention de cette habilitation n'emporte pas, par elle-même, la nullité de la procédure, il appartient à la juridiction saisie d'un grief tiré de cette absence de vérifier la réalité d'une telle habilitation en ordonnant, le cas échéant, un supplément d'information.
7. Tout arrêt de la chambre de l'instruction doit comporter les motifs propres à justifier la décision et répondre aux articulations essentielles des mémoires des parties. L'insuffisance ou la contradiction des motifs équivaut à leur absence.
8. Pour écarter le moyen de nullité tiré de l'absence d'habilitation des personnels ayant procédé à la consultation du traitement des antécédents judiciaires (TAJ), l'arrêt attaqué énonce que la pièce D 902 atteste de l'habilitation des rédacteurs des deux procès-verbaux contestés à la « consultation des fichiers automatisés de données à caractère personnel ».
9. Les juges retiennent qu'il se déduit de ce que ce procès-verbal a été établi à la suite de la requête en nullité présentée par M. [S] que le [2] est au nombre des fichiers sur lesquels porte l'habilitation ainsi attestée.
10. En se déterminant ainsi, par des motifs ne mettant pas la Cour de cassation en mesure de s'assurer que les deux fonctionnaires de police concernés étaient spécialement habilités à la consultation des données personnelles enregistrées au TAJ, la chambre de l'instruction, à qui il appartenait le cas échéant d'ordonner un supplément d'information aux fins de vérifier ce point, n'a pas justifié sa décision.
11. La cassation est par conséquent encourue de ce chef, sans qu'il y ait lieu d'examiner l'autre grief.
Et sur le deuxième moyen
Enoncé du moyen
12. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a dit n'y avoir lieu à annulation de la procédure, au-delà des seuls actes et pièces cotés D 48, D 50, D 55, D 58, D 692, D 693, D 695, D 697 et D 700 , alors « qu'il résulte des propres constatations de la Chambre de l'instruction que toutes les réquisitions délivrées par les enquêteurs entre le 9 octobre 2023 et le 18 octobre 2023 sont nulles pour l'avoir été en enquête préliminaire, sans autorisation du parquet ; qu'il résulte de la procédure que le procès-verbal en date du 25 octobre 2023 et de ses annexes, cotés D. 70, bien que postérieur à l'autorisation du parquet, relate l'exploitation d'une réquisition du 13 octobre 2023, antérieure à l'autorisation du parquet du 18 octobre suivant ; qu'en affirmant à tort, pour refuser d'annuler le procès-verbal du 25 octobre 2023, coté D. 70, qu'« il n'y a pas lieu d'annuler la cote D70 relative à des réquisitions faites à la société [1] le 25 octobre 2023, dans la mesure où le 18 octobre 2023, le procureur de la République autorisait les enquêteurs à effectuer toutes réquisitions utiles à l'enquête en cours conformément à l'article 77-1-1 du CPP », la Chambre de l'instruction a dénaturé les éléments de la procédure en sa possession et violé les articles 77-1-1, 591 et 593 du Code de procédure pénale. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 593 du code de procédure pénale :
13. Tout arrêt de la chambre de l'instruction doit comporter les motifs propres à justifier la décision et répondre aux articulations essentielles des mémoires des parties. L'insuffisance ou la contradiction des motifs équivaut à leur absence.
14. Pour refuser d'annuler le procès-verbal coté D 70, l'arrêt attaqué énonce que cette pièce est relative à une réquisition en date du 25 octobre 2023, quand seules sont irrégulières les réquisitions émises entre le 7 octobre 2023, date de la fin de la flagrance, et le 18 octobre 2023, date de l'autorisation donnée par le procureur de la République en application de l'article 71-1-1 du code de procédure pénale.
15. En se déterminant ainsi, alors que la Cour de cassation, qui a le contrôle des pièces de la procédure, est en mesure de s'assurer que le procès-verbal coté D 70, bien que lui-même daté du 25 octobre 2023, procède à l'exploitation de données obtenues en exécution d'une réquisition émise le 13 octobre 2023, la chambre de l'instruction n'a pas justifié sa décision.
16. La cassation est par conséquent de nouveau encourue.
Portée et conséquences de la cassation
17. La cassation à intervenir ne concerne que les dispositions ayant rejeté la demande d'annulation de pièces de la procédure en ce qu'elle portait sur les pièces cotées D 70, D 85 et D 255. Les autres dispositions seront donc maintenues.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
CASSE et ANNULE l'arrêt susvisé de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris, en date du 13 février 2025, mais en ses seules dispositions ayant rejeté la demande d'annulation de pièces de la procédure en ce qu'elle portait sur les pièces cotées D 70, D 85 et D 255, toutes autres dispositions étant expressément maintenues ;
Et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi, dans les limites de la cassation ainsi prononcée,
RENVOIE la cause et les parties devant la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris, autrement composée, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;
ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement annulé ;