CA Bordeaux, 4e ch. com., 6 octobre 2025, n° 25/00258
BORDEAUX
Arrêt
Autre
COUR D'APPEL DE BORDEAUX
QUATRIÈME CHAMBRE CIVILE
--------------------------
ARRÊT DU : 06 OCTOBRE 2025
N° RG 25/00258 - N° Portalis DBVJ-V-B7J-ODJU
S.A.S. PROXYME
c/
S.A.R.L. PAROSA AGROPOLE
Nature de la décision : RENVOI DE CASSATION
Grosse délivrée le :
aux avocats
Décision déférée à la Cour : Jugement rendu par le Tribunal Judiciaire d'Agen le 28 mai 2021 infirmé par un arrêt de la Cour d' Appel d' Agen le 21 juin 2022 cassé par arrêt rendu le 21 décembre 2023 par la Cour de Cassation suivant déclaration saisine du 15 janvier 2025
DEMANDERESSE :
S.A.S. PROXYME (Anciennement dénommée NOVA PAGE), inscrite au RCS de [Localité 5] sous le numéro 481 566 669, agissant poursuites et diligences de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social sis [Adresse 1]
Représentée par Maître Valérie JANOUEIX de la SCP BATS - LACOSTE - JANOUEIX, avocat au barreau de BORDEAUX, et assistée de Maître Christophe DEJEAN, avocat au barreau de BORDEAUX
DEFENDERESSE :
S.A.R.L. PAROSA AGROPOLE, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social sis [Adresse 2]
Représentée par Maître Henri Michel GATA, avocat au barreau de BORDEAUX
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 02 juin 2025 en audience publique, devant la Cour composée de :
Monsieur Jean-Pierre FRANCO, Président,
Madame Sophie MASSON, Conseiller,
Madame Anne-Sophie JARNEVIC, Conseiller
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Monsieur Hervé GOUDOT
ARRÊT :
- contradictoire
- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du Code de Procédure Civile.
* * *
EXPOSE DU LITIGE
1 - Le 8 septembre 2011, la société civile immobilière Parosa Agropole (société Parosa), bailleresse, a consenti à la société Novapage (actuellement Proxyme), locataire, un bail commercial concernant des locaux lui appartenant sis à [Adresse 7] au lieudit [Adresse 6] [Localité 3] [Adresse 4].
Par acte du 27 mars 2014, la société Novapage a donné son congé à effet au 30 septembre 2014.
Par courrier du 9 septembre 2014, la société agenaise bureautique informatique ( ci-après société Sabi), détenue par la société Vinci, elle-même détenue par la société Novapage a demandé, sous la signature de M. [K], président du groupe Novapage, à la société Parosa Agropole son accord pour occuper les locaux jusqu'à la vente de la société Sabi à la société Netmakers.
Par courrier du 11 septembre 2014, le bailleur lui a répondu accéder à son souhait de rester dans les locaux, tant que la vente ne serait pas finalisée.
Selon protocole d'accord du 29 janvier 2015, la société Vinci a vendu l'intégralité des 4 000 parts sociales lui appartenant composant le capital de la société Sabi à la société Netmakers.
Par courrier du 16 mars 2015, la société Novapage a écrit à la société Parosa pour lui confirmer la vente de la société Sabi à la société Netmakers en date du 29 janvier 2015. Elle lui a également indiqué ne plus occuper les locaux et lui a demandé d'adresser les factures directement à la société Sabi.
Par courrier du 18 mars 2015, la société Parosa a répondu que le contrat de bail établi entre les parties se poursuivait et qu'il lui était donc impossible de facturer le loyer au repreneur.
Par acte du 15 juin 2015, la société Parosa a fait délivrer à la société Novapage un commandement de payer la somme de 18 134,58 euros au titre des loyers et charge du 2ème trimestre 2015.
Par acte du 18 juin 2015, dénoncé à la société Nova Page le 22 juin 2015, la société Parosa a fait délivrer un procès-verbal de saisie conservatoire entre les mains du Crédit Coopératif.
Par courriers du 25 avril 2016, la société Parosa a sollicité de la société Nova Page, de la société Vinci et de la société Netmakers le paiement des loyers courant depuis le 1er avril 2015.
La société Parosa a réitéré ses demandes par courriers signifiés par commissaire de justice les 25 juillet 2016 et 4 août 2017.
2 - Par actes des 6, 10, 18 et 27 avril 2017, la société Parosa a fait assigner les sociétés Nova Page, Netmakers, Vinci et Sabi devant le tribunal de grande instance d'Agen aux fins de les voir condamner au paiement de loyers et charges.
Au cours de la procédure, elle a dirigé sa demande en paiement des loyers et/ou indemnités d'occupation contre la société Nova Page uniquement.
Par jugement rendu le 28 mai 2019, le tribunal de grande instance d'Agen a :
- prononcé la mise hors de cause de la société Vinci.
- condamné la société Novapage prise en la personne de ses représentants légaux à payer à la société Parosa Agropole prise en la personne de ses représentants légaux la somme de 215 138,53 euros, au titre des indemnités d'occupation dues du premier avril 2015 au 25 janvier 2018, avec intérêts au taux légal à compter de l'assignation.
- débouté la société Agropole Parosa de sa demande de dommages et intérêts pour résistance abusive.
- débouté la société Vinci et la société Novapage de leurs demandes en dommages et intérêts pour procédure abusive.
- débouté la société Vinci et la société Novapage de leurs demandes au titre de l'article 32-1 du code de procédure civile.
- débouté la société Netmakers de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive.
- condamné la société Novapage prise en la personne de ses représentants légaux à payer à la société Parosa Agropole pris en la personne de ses représentants légaux la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile;
- débouté la société Vinci, la société Novapage et la société Netmakers de leurs demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
- condamné la société Novapage aux entiers dépens, en ce compris le coût de constats d'huissier.
Par déclaration en date du 29 août 2019, la société Nova Page devenue la société Proxyme a relevé appel de ce jugement en ses chefs expressément critiqués intimant la société Parosa Agropole.
La société Nova Page a conclu en dernier lieu le 25 mai 2020 et la société Parosa le 26 février 2020. L'ordonnance de clôture est intervenue le 10 février 2021.
Par conclusions reçues au greffe le 15 février 2021, le conseil de la société Parosa a saisi le conseiller de la mise en état afin qu'il prononce le rabat de l'ordonnance de clôture et ordonne le renvoi de l'affaire à la mise en état, en même temps qu'il a transmis de nouvelles conclusions, au motif que son postulant venait de découvrir qu'il avait omis de signifier celles-ci lorsqu'il les lui avait adressées à cette fin le 5 juin 2020.
Par message transmis par voie électronique le 4 mars 2021, la société Nova Page a indiqué ne pas s'opposer au rabat de l'ordonnance de clôture et a joint de nouvelles conclusions.
Par arrêt du 21 juin 2021, la cour d'appel d'Agen a :
- déclaré irrecevables les conclusions déposées par les parties le 15 février 2021 et le 4 mars 2021
- infirmé la décision dans ses dispositions qui condamnent la société Proxyme à payer à la société Parosa la somme de 215 138,53 euros au titre des indemnités d'occupation dues pour la période du 1er avril 2015 au 25 janvier 2018 avec intérêts au taux légal, la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, et aux dépens en ce compris les coût des constats d'huissier,
- confirmé la décision pour le surplus dans les limites de sa saisine
Statuant de nouveau des chefs infirmés et y ajoutant,
- débouté la société Parosa de sa demande en paiement de la somme de 215 138,53 euros
- condamné la société Parosa aux dépens et à payer à la société Proxyme la somme de 4 000 euros au titre des frais non répétibles
La société Proxyme a formé un pourvoi en cassation.
Par arrêt rendu le 21 décembre 2023, la deuxième chambre civile de la Cour de cassation a :
- cassé et annulé, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 21 juin 2021, entre les parties, par la cour d'appel d'Agen ;
- remis l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Bordeaux ;
- condamné la société Proxyme, venant aux droits de la société Nova Page, aux dépens ;
- en application de l'article 700 du code de procédure civile, condamné la société Proxyme, venant aux droits de la société Nova Page, à payer à la société Parosa Agropole la somme de 3 000 euros.
Par déclaration en date du 15 janvier 2025, la société Proxyme a saisi la cour d'appel de Bordeaux sur renvoi de cassation.
PRÉTENTIONS DES PARTIES :
3 - Par dernières conclusions notifiées par RPVA, le 16 mai 2025, auxquelles la cour se réfère expressément, la société Proxyme demande à la cour de :
Vu les dispositions des articles 1134,1147 et 1315 (anciens) du code civil,
Vu les dispositions des articles 6 et 9 du code de procédure civile,
Vu le jugement du tribunal de grande instance de Bordeaux du 28 mai 2019,
Vu l'arrêt rendu par la chambre civile de la cour d'appel d'Agen le 21 juin 2021,
Vu l'arrêt de la deuxième chambre civile de la Cour de cassation du 21 décembre 2023,
- infirmer le jugement du tribunal de grande instance d'Agen du 28 mai 2019 en ce qu'il a :
- condamné la société Novapage à payer à la société Parosa Agropole la somme de 215 138,53 euros au titre des indemnités d'occupation dues du 1er avril 2015 au 25 janvier 2018 avec intérêts au taux légal à compter de l'assignation,
- condamné la société Novapage à payer à la société Parosa Agropole la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné la société Novapage aux entiers dépens en ce compris le coût de constats d'Huissier,
Statuant à nouveau :
- débouter la société Parosa Agropole de l'ensemble de ses demandes fins et conclusions, et notamment de sa demande en paiement de la somme de 215 138,53 euros.
- débouter la société Parosa Agropole de la demande qu'elle a formée au titre des frais irrépétibles
- condamner la société Parosa Agropole à payer à la société Proxyme la somme de 4 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ,
- condamner la société Parosa Agropole aux entiers dépens de première instance et d'appel.
4 - Par dernières conclusions notifiées par RPVA, le 25 avril 2025, auxquelles la cour se réfère expressément, la société Parosa Agropole demande à la cour de :
Vu les dispositions des articles 1134 et 1234 du code civil (ancien)
Vu le bail commercial en date du 10 septembre 2011,
Vu le jugement rendu le 28 mai 2019 par le tribunal de grande instance d'Agen
Vu l'arrêt rendu par la chambre civile de la cour d'appel d'Agen du 21 juin 2021
Vu l'arrêt de la 2ème chambre civile de la Cour de cassation en date du 21 décembre 2023
- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a condamné la société Proxyme (anciennement dénommé Novapage) au paiement d'une somme de 215 138,53 euros arrêtée au 25 janvier 2018, ce à titre d'indemnité d'occupation due du 1er avril 2015 au 25 janvier 2018 ;
- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a condamné la société Proxyme anciennement Novapage, prise en la personne de ses représentants légaux, à payer à la société Parosa Agropole, prise en la personne de ses représentants légaux, la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens, en ce compris le coût des constats d'huissier ;
- infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté la société Parosa Agropole de sa demande de dommages et intérêts pour résistance abusive ;
En conséquence, et ce faisant, statuant à nouveau
- juger que la société Proxyme anciennement dénommée Novapage a occupé un local commercial situé [Adresse 8] d'une superficie SHON de 361 m² comprenant 319 m² de bureaux au rez-de-chaussée, et 42 m² à l'étage (salle de réunion), faisant partie d'un immeuble à usage de bureaux ainsi que 10 places de parking et ce en accord avec le bailleur ;
- condamner la société Proxyme anciennement Novapage prise en la personne de ses représentants légaux à payer à la société Parosa Agropole prise en la personne de ses représentants légaux, la somme de 215 138,53 € au titre des indemnités d'occupation dues du 1er avril 2015 au 25 janvier 2018, avec intérêts au taux légal à compter de l'assignation.
- condamner la société Proxyme anciennement Novapage au paiement d'une somme de 10 000 euros pour résistance manifestement abusive quant au respect de ses obligations contractuelles à l'égard de leur bailleur ;
- condamner la société Proxyme anciennement Novapage prise en la personne de ses représentants légaux à payer à la société Parosa Agropole prise en la personne de ses représentants légaux, la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, frais irrépétibles de première instance.
- condamner la société Novapage aux entiers dépens de première instance en ce compris les constats d'huissier.
- condamner la société Proxyme anciennement dénommée Novapage au paiement d'une somme de 6 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, et ce devant la cour d'Appel ainsi qu'aux entiers dépens, et ce sur le fondement de l'article 699 du code de procédure civile,
En application de l'article 455 du code de procédure civile, la cour renvoie expressément aux dernières conclusions précitées des parties pour plus ample exposé de leurs prétentions et moyens.
L'ordonnance de clôture a été prononcée le 19 mai 2025.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur la demande en paiement d'une indemnité d'occupation de 215 138,53 euros pour la période du 1er avril 2015 au 25 janvier 2018
Moyens des parties
5 - La société Proxyme soutient, au visa des articles 1134, 1147 et 1315 du code civil, dans leur version applicable au litige, que le bail a pris fin le 30 septembre 2014 et qu'à compter du 29 janvier 2015, seule la société Sabi occupait les lieux.
6 - La société Parosa réplique que la société Proxyme s'est maintenue dans les lieux postérieurement au 29 janvier 2015, en dépit de la cession de la société Sabi à la société Netmakers. Elle s'appuie sur un constat d'huissier en date du 8 février 2017 et relève que l'appelante ne lui a pas communiqué l'acte de cession. Elle fait valoir qu'en application de l'article 16 du contrat de bail, la société Proxyme est garante et répond solidairement de son cessionnaire de l'ensemble des obligations convenues par le bail jusqu'à son expiration.
Réponse de la cour
7 - Il est constant en droit que la convention d'occupation précaire « se caractérise par le fait que l'occupation des lieux n'est autorisée qu'à raison de circonstances exceptionnelles autres que la seule volonté des parties constituant un motif légitime de précarité ».
Ainsi, n'est pas soumise aux dispositions du statut des baux commerciaux la convention d'occupation précaire qui se caractérise, quelle que soit sa durée, par le fait que l'occupation des lieux n'est autorisée qu'à raison de circonstances particulières indépendantes de la volonté des parties et pour une durée dont le terme est stipulé par d'autres causes que celles de la seule volonté des parties.
8 - En vertu des dispositions de l'article 1315 du code civil dans sa version applicable au litige :
'Celui qui réclame l'exécution d'une obligation doit la prouver.
Réciproquement, celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l'extinction de son obligation.'
9 - Dans ses écritures, la société Novapage évoque à la fois la poursuite du bail commercial et des indemnités d'occupation.
Or il est établi que le congé délivré par la société Novapage le 27 mars 2014 a pris effet le 30 septembre 2024, à l'expiration de la période triennale. Il n'y a donc pas eu de prolongation du bail commercial au-delà de cette date.
10 - Par courrier du 9 septembre 2014, le président du groupe Novapage a sollicité auprès de la société Parosa son accord pour occuper les locaux jusqu'à la vente de la société Sabi à la société Netmakers, laquelle ne pouvait être finalisée avant le 30 septembre 2014.
11 - Par courrier du 11 septembre 2014, l'intimée a répondu favorablement à la demande : 'Nous accusons réception de votre courrier en date du 9 septembre, et vous informons que nous accédons à votre souhait de rester dans les locaux tant que vous n'aurez pas finalisé votre vente'.
Les conditions d'application de l'article L 145-5-1 du code de commerce sont donc réunies puisque la vente de la société Sabi ne dépendait pas de la seule volonté des deux parties. La date de la vente constituait un motif légitime de précarité justifiant la qualification de convention d' occupation précaire
En conséquence, la société Novapage, devenue la société Proxyme, était tenue d'une indemnité d'occupation jusqu'à la libération effective des lieux par la société SABI, qui était occupante de son chef des locaux commerciaux.
Il convient de fixer le montant de l'indemnité d'occupation au montant du loyer en vigueur jusqu'à la résiliation du bail, outre les charges dues par le preneur, puisque ces sommes correspondent effectivement au préjudice certain subi par le propriétaire, du fait du maintien dans les lieux au-delà du terme prévu.
12 - Par courrier recommandé avec accusé de réception du 16 mars 2015, la société Novapage a indiqué au bailleur : 'Comme convenu lors de nos précédents échanges, nous vous confirmons la vente de la société Sabi à la société Netmakers en date du 29 janvier 2015. La société Novapage n'est plus dans les locaux (...) depuis cette date'.
Toutefois, aucune copie de l'acte de cession n'a été notifié à la société Parosa, contrairement aux stipulations de l'article 16 du contrat de bail, aux termes duquel 'en cas de cession du fonds de commerce, le preneur devra prévenir le bailleur par acte d'huissier au moins 40 jours à l'avance, donnant toutes précisions sur le cessionnaire et les conditions de la cession envisagée en notifiant le projet complet de cession'.
La société Parosa a apposé le courrier qui lui a été adressé le 16 mars 2015 un tampon 'reçu le' indiquant la date du 17 mars 2015. Dès lors, le bailleur a bien été informé de la cession de la société Sabi à cette date.
13 - S'agissant de la libération effective des lieux, le procès-verbal de constat d'huissier établi à la demande de la société Parosa 8 février 2017, fait ressortir la présence dans les locaux de matériel tel que des photocopieurs.
Or la libération n'est considérée comme effective que si les locaux sont restitués libres de toute occupation et vidés de tout meuble.
Par ailleurs, il est constant en droit que seule la remise des clés au bailleur vaut libération effective des locaux par le locataire. La preuve de la remise des clés appartient au locataire. Or aucun élément n'est de nature à établir que la société Sabi a remis les clés au bailleur.
Ainsi, c'est à bon droit que le tribunal judiciaire d'Agen a considéré que la société Sabi n'avait pas libéré les lieux de façon effective à la date du 8 février 2017.
14 - Dès lors, la société Proxyme est tenue au paiement d'indemnités d'occupation du 1er avril 2015 au 25 janvier 2018, date du décompte établi par le bailleur.
Sur la période considérée, le montant des frais d'huissier s'élève à 2 980,96 euros, qu'il convient de déduire de ce décompte.
La société Proxyme sera donc condamnée à payer la somme de 212 157,57 euros à la société Parosa avec intérêts au taux légal à compter du 25 avril 2016, date du courrier recommandé avec accusé de réception adressé par le conseil l'intimée à la société Novapage et valant mise en demeure, pour les indemnités dues à cette date, et à compter de l'audience devant le tribunal de commerce en date du 26 février 2019, pour les indemnités ultérieures.
15 - La décision du tribunal judiciaire d'Agen sera infirmée de ce chef.
Sur la demande de dommages et intérêts au titre de la résistance abusive
Moyens des parties
16 - La société Parosa sollicite la somme de 10 000 euros, relevant que la société Prxyme a persisté à rester dans les lieux.
17 - La société Proxyme soutient qu'elle n'occupe plus les lieux depuis le 29 janvier 2015.
Réponse de la cour
18 - Aux termes de l'article 1240 du code civil, « Tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer ».
19 - Il en résulte que l'octroi de dommages-intérêts sur le fondement de la résistance abusive et injustifiée suppose que soient caractérisés l'existence d'un abus dans l'exercice du droit de résister ainsi que d'un préjudice subi en conséquence de cet abus.
20 - La résistance abusive désigne un comportement du débiteur tendant à refuser avec persistance à exécuter son obligation. Elle ne se traduit pas par une simple résistance.
En l'espèce, l'abus dans le refus de paiement n'est pas caractérisé. Par ailleurs, la société Parosa ne justifie pas d'un préjudice autre que celui indemnisé par les indemnités d'occupation.
21 - La décision du tribunal de commerce sera donc confirmée de ce chef.
Sur les demandes accessoires
22 - La société Proxyme sera condamnée aux dépens devant la cour d'appel d'Agen ainsi qu'aux dépens devant la cour d'appel de renvoi, et à payer la somme de 6 000 euros au titre des frais irrépétibles d'appel et devant la cour de renvoi.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire rendu en dernier ressort,
Infirme le jugement du tribunal judiciaire d'Agen en date du 28 mai 2019 en ce qu'il a condamné la société Proxyme à payer à la société Parosa la somme de 215 138,53 euros,
Confirme le jugement pour le surplus de ses dispositions dans les limites de sa saisine,
Statuant à nouveau et y ajoutant,
Condamne la société Proxyme à payer à la société Parosa la somme de 212 157,57 euros euros au titre des indemnités d'occupation dues du 1er avril 2015 au 25 janvier 2018, avec intérêts au taux légal à compter du 25 avril 2016 pour les indemnités dues à cette date, et à compter du 26 février 2019 pour les indemnités ultérieures,
Condamne la société Proxyme aux dépens devant la cour d'appel d'Agen, ainsi qu'aux dépens devant la cour d'appel de renvoi et autorise Maître Gata, avocat, à faire application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile,
Condamne la société Proxyme à payer à la société Parosa la somme de 6 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
Le présent arrêt a été signé par Monsieur Jean-Pierre FRANCO, président, et par Monsieur Hervé GOUDOT, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.
Le Greffier Le Magistrat
QUATRIÈME CHAMBRE CIVILE
--------------------------
ARRÊT DU : 06 OCTOBRE 2025
N° RG 25/00258 - N° Portalis DBVJ-V-B7J-ODJU
S.A.S. PROXYME
c/
S.A.R.L. PAROSA AGROPOLE
Nature de la décision : RENVOI DE CASSATION
Grosse délivrée le :
aux avocats
Décision déférée à la Cour : Jugement rendu par le Tribunal Judiciaire d'Agen le 28 mai 2021 infirmé par un arrêt de la Cour d' Appel d' Agen le 21 juin 2022 cassé par arrêt rendu le 21 décembre 2023 par la Cour de Cassation suivant déclaration saisine du 15 janvier 2025
DEMANDERESSE :
S.A.S. PROXYME (Anciennement dénommée NOVA PAGE), inscrite au RCS de [Localité 5] sous le numéro 481 566 669, agissant poursuites et diligences de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social sis [Adresse 1]
Représentée par Maître Valérie JANOUEIX de la SCP BATS - LACOSTE - JANOUEIX, avocat au barreau de BORDEAUX, et assistée de Maître Christophe DEJEAN, avocat au barreau de BORDEAUX
DEFENDERESSE :
S.A.R.L. PAROSA AGROPOLE, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social sis [Adresse 2]
Représentée par Maître Henri Michel GATA, avocat au barreau de BORDEAUX
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 02 juin 2025 en audience publique, devant la Cour composée de :
Monsieur Jean-Pierre FRANCO, Président,
Madame Sophie MASSON, Conseiller,
Madame Anne-Sophie JARNEVIC, Conseiller
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Monsieur Hervé GOUDOT
ARRÊT :
- contradictoire
- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du Code de Procédure Civile.
* * *
EXPOSE DU LITIGE
1 - Le 8 septembre 2011, la société civile immobilière Parosa Agropole (société Parosa), bailleresse, a consenti à la société Novapage (actuellement Proxyme), locataire, un bail commercial concernant des locaux lui appartenant sis à [Adresse 7] au lieudit [Adresse 6] [Localité 3] [Adresse 4].
Par acte du 27 mars 2014, la société Novapage a donné son congé à effet au 30 septembre 2014.
Par courrier du 9 septembre 2014, la société agenaise bureautique informatique ( ci-après société Sabi), détenue par la société Vinci, elle-même détenue par la société Novapage a demandé, sous la signature de M. [K], président du groupe Novapage, à la société Parosa Agropole son accord pour occuper les locaux jusqu'à la vente de la société Sabi à la société Netmakers.
Par courrier du 11 septembre 2014, le bailleur lui a répondu accéder à son souhait de rester dans les locaux, tant que la vente ne serait pas finalisée.
Selon protocole d'accord du 29 janvier 2015, la société Vinci a vendu l'intégralité des 4 000 parts sociales lui appartenant composant le capital de la société Sabi à la société Netmakers.
Par courrier du 16 mars 2015, la société Novapage a écrit à la société Parosa pour lui confirmer la vente de la société Sabi à la société Netmakers en date du 29 janvier 2015. Elle lui a également indiqué ne plus occuper les locaux et lui a demandé d'adresser les factures directement à la société Sabi.
Par courrier du 18 mars 2015, la société Parosa a répondu que le contrat de bail établi entre les parties se poursuivait et qu'il lui était donc impossible de facturer le loyer au repreneur.
Par acte du 15 juin 2015, la société Parosa a fait délivrer à la société Novapage un commandement de payer la somme de 18 134,58 euros au titre des loyers et charge du 2ème trimestre 2015.
Par acte du 18 juin 2015, dénoncé à la société Nova Page le 22 juin 2015, la société Parosa a fait délivrer un procès-verbal de saisie conservatoire entre les mains du Crédit Coopératif.
Par courriers du 25 avril 2016, la société Parosa a sollicité de la société Nova Page, de la société Vinci et de la société Netmakers le paiement des loyers courant depuis le 1er avril 2015.
La société Parosa a réitéré ses demandes par courriers signifiés par commissaire de justice les 25 juillet 2016 et 4 août 2017.
2 - Par actes des 6, 10, 18 et 27 avril 2017, la société Parosa a fait assigner les sociétés Nova Page, Netmakers, Vinci et Sabi devant le tribunal de grande instance d'Agen aux fins de les voir condamner au paiement de loyers et charges.
Au cours de la procédure, elle a dirigé sa demande en paiement des loyers et/ou indemnités d'occupation contre la société Nova Page uniquement.
Par jugement rendu le 28 mai 2019, le tribunal de grande instance d'Agen a :
- prononcé la mise hors de cause de la société Vinci.
- condamné la société Novapage prise en la personne de ses représentants légaux à payer à la société Parosa Agropole prise en la personne de ses représentants légaux la somme de 215 138,53 euros, au titre des indemnités d'occupation dues du premier avril 2015 au 25 janvier 2018, avec intérêts au taux légal à compter de l'assignation.
- débouté la société Agropole Parosa de sa demande de dommages et intérêts pour résistance abusive.
- débouté la société Vinci et la société Novapage de leurs demandes en dommages et intérêts pour procédure abusive.
- débouté la société Vinci et la société Novapage de leurs demandes au titre de l'article 32-1 du code de procédure civile.
- débouté la société Netmakers de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive.
- condamné la société Novapage prise en la personne de ses représentants légaux à payer à la société Parosa Agropole pris en la personne de ses représentants légaux la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile;
- débouté la société Vinci, la société Novapage et la société Netmakers de leurs demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
- condamné la société Novapage aux entiers dépens, en ce compris le coût de constats d'huissier.
Par déclaration en date du 29 août 2019, la société Nova Page devenue la société Proxyme a relevé appel de ce jugement en ses chefs expressément critiqués intimant la société Parosa Agropole.
La société Nova Page a conclu en dernier lieu le 25 mai 2020 et la société Parosa le 26 février 2020. L'ordonnance de clôture est intervenue le 10 février 2021.
Par conclusions reçues au greffe le 15 février 2021, le conseil de la société Parosa a saisi le conseiller de la mise en état afin qu'il prononce le rabat de l'ordonnance de clôture et ordonne le renvoi de l'affaire à la mise en état, en même temps qu'il a transmis de nouvelles conclusions, au motif que son postulant venait de découvrir qu'il avait omis de signifier celles-ci lorsqu'il les lui avait adressées à cette fin le 5 juin 2020.
Par message transmis par voie électronique le 4 mars 2021, la société Nova Page a indiqué ne pas s'opposer au rabat de l'ordonnance de clôture et a joint de nouvelles conclusions.
Par arrêt du 21 juin 2021, la cour d'appel d'Agen a :
- déclaré irrecevables les conclusions déposées par les parties le 15 février 2021 et le 4 mars 2021
- infirmé la décision dans ses dispositions qui condamnent la société Proxyme à payer à la société Parosa la somme de 215 138,53 euros au titre des indemnités d'occupation dues pour la période du 1er avril 2015 au 25 janvier 2018 avec intérêts au taux légal, la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, et aux dépens en ce compris les coût des constats d'huissier,
- confirmé la décision pour le surplus dans les limites de sa saisine
Statuant de nouveau des chefs infirmés et y ajoutant,
- débouté la société Parosa de sa demande en paiement de la somme de 215 138,53 euros
- condamné la société Parosa aux dépens et à payer à la société Proxyme la somme de 4 000 euros au titre des frais non répétibles
La société Proxyme a formé un pourvoi en cassation.
Par arrêt rendu le 21 décembre 2023, la deuxième chambre civile de la Cour de cassation a :
- cassé et annulé, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 21 juin 2021, entre les parties, par la cour d'appel d'Agen ;
- remis l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Bordeaux ;
- condamné la société Proxyme, venant aux droits de la société Nova Page, aux dépens ;
- en application de l'article 700 du code de procédure civile, condamné la société Proxyme, venant aux droits de la société Nova Page, à payer à la société Parosa Agropole la somme de 3 000 euros.
Par déclaration en date du 15 janvier 2025, la société Proxyme a saisi la cour d'appel de Bordeaux sur renvoi de cassation.
PRÉTENTIONS DES PARTIES :
3 - Par dernières conclusions notifiées par RPVA, le 16 mai 2025, auxquelles la cour se réfère expressément, la société Proxyme demande à la cour de :
Vu les dispositions des articles 1134,1147 et 1315 (anciens) du code civil,
Vu les dispositions des articles 6 et 9 du code de procédure civile,
Vu le jugement du tribunal de grande instance de Bordeaux du 28 mai 2019,
Vu l'arrêt rendu par la chambre civile de la cour d'appel d'Agen le 21 juin 2021,
Vu l'arrêt de la deuxième chambre civile de la Cour de cassation du 21 décembre 2023,
- infirmer le jugement du tribunal de grande instance d'Agen du 28 mai 2019 en ce qu'il a :
- condamné la société Novapage à payer à la société Parosa Agropole la somme de 215 138,53 euros au titre des indemnités d'occupation dues du 1er avril 2015 au 25 janvier 2018 avec intérêts au taux légal à compter de l'assignation,
- condamné la société Novapage à payer à la société Parosa Agropole la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné la société Novapage aux entiers dépens en ce compris le coût de constats d'Huissier,
Statuant à nouveau :
- débouter la société Parosa Agropole de l'ensemble de ses demandes fins et conclusions, et notamment de sa demande en paiement de la somme de 215 138,53 euros.
- débouter la société Parosa Agropole de la demande qu'elle a formée au titre des frais irrépétibles
- condamner la société Parosa Agropole à payer à la société Proxyme la somme de 4 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ,
- condamner la société Parosa Agropole aux entiers dépens de première instance et d'appel.
4 - Par dernières conclusions notifiées par RPVA, le 25 avril 2025, auxquelles la cour se réfère expressément, la société Parosa Agropole demande à la cour de :
Vu les dispositions des articles 1134 et 1234 du code civil (ancien)
Vu le bail commercial en date du 10 septembre 2011,
Vu le jugement rendu le 28 mai 2019 par le tribunal de grande instance d'Agen
Vu l'arrêt rendu par la chambre civile de la cour d'appel d'Agen du 21 juin 2021
Vu l'arrêt de la 2ème chambre civile de la Cour de cassation en date du 21 décembre 2023
- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a condamné la société Proxyme (anciennement dénommé Novapage) au paiement d'une somme de 215 138,53 euros arrêtée au 25 janvier 2018, ce à titre d'indemnité d'occupation due du 1er avril 2015 au 25 janvier 2018 ;
- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a condamné la société Proxyme anciennement Novapage, prise en la personne de ses représentants légaux, à payer à la société Parosa Agropole, prise en la personne de ses représentants légaux, la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens, en ce compris le coût des constats d'huissier ;
- infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté la société Parosa Agropole de sa demande de dommages et intérêts pour résistance abusive ;
En conséquence, et ce faisant, statuant à nouveau
- juger que la société Proxyme anciennement dénommée Novapage a occupé un local commercial situé [Adresse 8] d'une superficie SHON de 361 m² comprenant 319 m² de bureaux au rez-de-chaussée, et 42 m² à l'étage (salle de réunion), faisant partie d'un immeuble à usage de bureaux ainsi que 10 places de parking et ce en accord avec le bailleur ;
- condamner la société Proxyme anciennement Novapage prise en la personne de ses représentants légaux à payer à la société Parosa Agropole prise en la personne de ses représentants légaux, la somme de 215 138,53 € au titre des indemnités d'occupation dues du 1er avril 2015 au 25 janvier 2018, avec intérêts au taux légal à compter de l'assignation.
- condamner la société Proxyme anciennement Novapage au paiement d'une somme de 10 000 euros pour résistance manifestement abusive quant au respect de ses obligations contractuelles à l'égard de leur bailleur ;
- condamner la société Proxyme anciennement Novapage prise en la personne de ses représentants légaux à payer à la société Parosa Agropole prise en la personne de ses représentants légaux, la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, frais irrépétibles de première instance.
- condamner la société Novapage aux entiers dépens de première instance en ce compris les constats d'huissier.
- condamner la société Proxyme anciennement dénommée Novapage au paiement d'une somme de 6 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, et ce devant la cour d'Appel ainsi qu'aux entiers dépens, et ce sur le fondement de l'article 699 du code de procédure civile,
En application de l'article 455 du code de procédure civile, la cour renvoie expressément aux dernières conclusions précitées des parties pour plus ample exposé de leurs prétentions et moyens.
L'ordonnance de clôture a été prononcée le 19 mai 2025.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur la demande en paiement d'une indemnité d'occupation de 215 138,53 euros pour la période du 1er avril 2015 au 25 janvier 2018
Moyens des parties
5 - La société Proxyme soutient, au visa des articles 1134, 1147 et 1315 du code civil, dans leur version applicable au litige, que le bail a pris fin le 30 septembre 2014 et qu'à compter du 29 janvier 2015, seule la société Sabi occupait les lieux.
6 - La société Parosa réplique que la société Proxyme s'est maintenue dans les lieux postérieurement au 29 janvier 2015, en dépit de la cession de la société Sabi à la société Netmakers. Elle s'appuie sur un constat d'huissier en date du 8 février 2017 et relève que l'appelante ne lui a pas communiqué l'acte de cession. Elle fait valoir qu'en application de l'article 16 du contrat de bail, la société Proxyme est garante et répond solidairement de son cessionnaire de l'ensemble des obligations convenues par le bail jusqu'à son expiration.
Réponse de la cour
7 - Il est constant en droit que la convention d'occupation précaire « se caractérise par le fait que l'occupation des lieux n'est autorisée qu'à raison de circonstances exceptionnelles autres que la seule volonté des parties constituant un motif légitime de précarité ».
Ainsi, n'est pas soumise aux dispositions du statut des baux commerciaux la convention d'occupation précaire qui se caractérise, quelle que soit sa durée, par le fait que l'occupation des lieux n'est autorisée qu'à raison de circonstances particulières indépendantes de la volonté des parties et pour une durée dont le terme est stipulé par d'autres causes que celles de la seule volonté des parties.
8 - En vertu des dispositions de l'article 1315 du code civil dans sa version applicable au litige :
'Celui qui réclame l'exécution d'une obligation doit la prouver.
Réciproquement, celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l'extinction de son obligation.'
9 - Dans ses écritures, la société Novapage évoque à la fois la poursuite du bail commercial et des indemnités d'occupation.
Or il est établi que le congé délivré par la société Novapage le 27 mars 2014 a pris effet le 30 septembre 2024, à l'expiration de la période triennale. Il n'y a donc pas eu de prolongation du bail commercial au-delà de cette date.
10 - Par courrier du 9 septembre 2014, le président du groupe Novapage a sollicité auprès de la société Parosa son accord pour occuper les locaux jusqu'à la vente de la société Sabi à la société Netmakers, laquelle ne pouvait être finalisée avant le 30 septembre 2014.
11 - Par courrier du 11 septembre 2014, l'intimée a répondu favorablement à la demande : 'Nous accusons réception de votre courrier en date du 9 septembre, et vous informons que nous accédons à votre souhait de rester dans les locaux tant que vous n'aurez pas finalisé votre vente'.
Les conditions d'application de l'article L 145-5-1 du code de commerce sont donc réunies puisque la vente de la société Sabi ne dépendait pas de la seule volonté des deux parties. La date de la vente constituait un motif légitime de précarité justifiant la qualification de convention d' occupation précaire
En conséquence, la société Novapage, devenue la société Proxyme, était tenue d'une indemnité d'occupation jusqu'à la libération effective des lieux par la société SABI, qui était occupante de son chef des locaux commerciaux.
Il convient de fixer le montant de l'indemnité d'occupation au montant du loyer en vigueur jusqu'à la résiliation du bail, outre les charges dues par le preneur, puisque ces sommes correspondent effectivement au préjudice certain subi par le propriétaire, du fait du maintien dans les lieux au-delà du terme prévu.
12 - Par courrier recommandé avec accusé de réception du 16 mars 2015, la société Novapage a indiqué au bailleur : 'Comme convenu lors de nos précédents échanges, nous vous confirmons la vente de la société Sabi à la société Netmakers en date du 29 janvier 2015. La société Novapage n'est plus dans les locaux (...) depuis cette date'.
Toutefois, aucune copie de l'acte de cession n'a été notifié à la société Parosa, contrairement aux stipulations de l'article 16 du contrat de bail, aux termes duquel 'en cas de cession du fonds de commerce, le preneur devra prévenir le bailleur par acte d'huissier au moins 40 jours à l'avance, donnant toutes précisions sur le cessionnaire et les conditions de la cession envisagée en notifiant le projet complet de cession'.
La société Parosa a apposé le courrier qui lui a été adressé le 16 mars 2015 un tampon 'reçu le' indiquant la date du 17 mars 2015. Dès lors, le bailleur a bien été informé de la cession de la société Sabi à cette date.
13 - S'agissant de la libération effective des lieux, le procès-verbal de constat d'huissier établi à la demande de la société Parosa 8 février 2017, fait ressortir la présence dans les locaux de matériel tel que des photocopieurs.
Or la libération n'est considérée comme effective que si les locaux sont restitués libres de toute occupation et vidés de tout meuble.
Par ailleurs, il est constant en droit que seule la remise des clés au bailleur vaut libération effective des locaux par le locataire. La preuve de la remise des clés appartient au locataire. Or aucun élément n'est de nature à établir que la société Sabi a remis les clés au bailleur.
Ainsi, c'est à bon droit que le tribunal judiciaire d'Agen a considéré que la société Sabi n'avait pas libéré les lieux de façon effective à la date du 8 février 2017.
14 - Dès lors, la société Proxyme est tenue au paiement d'indemnités d'occupation du 1er avril 2015 au 25 janvier 2018, date du décompte établi par le bailleur.
Sur la période considérée, le montant des frais d'huissier s'élève à 2 980,96 euros, qu'il convient de déduire de ce décompte.
La société Proxyme sera donc condamnée à payer la somme de 212 157,57 euros à la société Parosa avec intérêts au taux légal à compter du 25 avril 2016, date du courrier recommandé avec accusé de réception adressé par le conseil l'intimée à la société Novapage et valant mise en demeure, pour les indemnités dues à cette date, et à compter de l'audience devant le tribunal de commerce en date du 26 février 2019, pour les indemnités ultérieures.
15 - La décision du tribunal judiciaire d'Agen sera infirmée de ce chef.
Sur la demande de dommages et intérêts au titre de la résistance abusive
Moyens des parties
16 - La société Parosa sollicite la somme de 10 000 euros, relevant que la société Prxyme a persisté à rester dans les lieux.
17 - La société Proxyme soutient qu'elle n'occupe plus les lieux depuis le 29 janvier 2015.
Réponse de la cour
18 - Aux termes de l'article 1240 du code civil, « Tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer ».
19 - Il en résulte que l'octroi de dommages-intérêts sur le fondement de la résistance abusive et injustifiée suppose que soient caractérisés l'existence d'un abus dans l'exercice du droit de résister ainsi que d'un préjudice subi en conséquence de cet abus.
20 - La résistance abusive désigne un comportement du débiteur tendant à refuser avec persistance à exécuter son obligation. Elle ne se traduit pas par une simple résistance.
En l'espèce, l'abus dans le refus de paiement n'est pas caractérisé. Par ailleurs, la société Parosa ne justifie pas d'un préjudice autre que celui indemnisé par les indemnités d'occupation.
21 - La décision du tribunal de commerce sera donc confirmée de ce chef.
Sur les demandes accessoires
22 - La société Proxyme sera condamnée aux dépens devant la cour d'appel d'Agen ainsi qu'aux dépens devant la cour d'appel de renvoi, et à payer la somme de 6 000 euros au titre des frais irrépétibles d'appel et devant la cour de renvoi.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire rendu en dernier ressort,
Infirme le jugement du tribunal judiciaire d'Agen en date du 28 mai 2019 en ce qu'il a condamné la société Proxyme à payer à la société Parosa la somme de 215 138,53 euros,
Confirme le jugement pour le surplus de ses dispositions dans les limites de sa saisine,
Statuant à nouveau et y ajoutant,
Condamne la société Proxyme à payer à la société Parosa la somme de 212 157,57 euros euros au titre des indemnités d'occupation dues du 1er avril 2015 au 25 janvier 2018, avec intérêts au taux légal à compter du 25 avril 2016 pour les indemnités dues à cette date, et à compter du 26 février 2019 pour les indemnités ultérieures,
Condamne la société Proxyme aux dépens devant la cour d'appel d'Agen, ainsi qu'aux dépens devant la cour d'appel de renvoi et autorise Maître Gata, avocat, à faire application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile,
Condamne la société Proxyme à payer à la société Parosa la somme de 6 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
Le présent arrêt a été signé par Monsieur Jean-Pierre FRANCO, président, et par Monsieur Hervé GOUDOT, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.
Le Greffier Le Magistrat