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Décisions

CA Nancy, 1re ch., 6 octobre 2025, n° 24/01623

NANCY

Arrêt

Autre

CA Nancy n° 24/01623

6 octobre 2025

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

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COUR D'APPEL DE NANCY

Première Chambre Civile

ARRÊT N° /2025 DU 06 OCTOBRE 2025

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 24/01623 - N° Portalis DBVR-V-B7I-FNBP

Décision déférée à la Cour : jugement du tribunal judiciaire de NANCY,

R.G.n° 21/00729, en date du 29 janvier 2024,

APPELANTS :

Monsieur [T] [P]

né le 3 avril 1953 à [Localité 15] (54)

domicilié [Adresse 1]

Représenté par Me Jean-Dylan BARRAUD de la SELARL LIME & BARRAUD, substitué par Me Mathilde ROUSSEL, avocats au barreau de NANCY

Madame [E] [Y], épouse [P]

née le 26 juin 1954 à [Localité 22] (54)

domiciliée [Adresse 1]

Représentée par Me Jean-Dylan BARRAUD de la SELARL LIME & BARRAUD, substitué par Me Mathilde ROUSSEL, avocats au barreau de NANCY

INTIMÉE :

S.A. SAFER (SOCIETE D'AMENAGEMENT FONCIER ET D'ETABLISSEMENT RURAL) GRAND EST, prise en la personne de son représentant légal, pour ce domicilié au siège social, sis [Adresse 2]

Représentée par Me Julien JACQUEMIN de la SELARL AVOCATLOR, avocat au barreau de NANCY

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 12 Mai 2025, en audience publique devant la Cour composée de :

Madame Nathalie CUNIN-WEBER, Président de Chambre, chargée du rapport,

Monsieur Thierry SILHOL, Président de Chambre,

Madame Claude OLIVIER-VALLET, Magistrat honoraire,

qui en ont délibéré ;

Greffier, lors des débats : Madame Céline PERRIN ;

A l'issue des débats, le Président a annoncé que l'arrêt serait rendu par mise à disposition au greffe le 08 Septembre 2025, en application de l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile. À cette date, le délibéré a été prorogé au 06 Octobre 2025.

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Copie exécutoire délivrée le à

Copie délivrée le à

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ARRÊT : contradictoire, rendu par mise à disposition publique au greffe le 06 Octobre 2025, par Madame PERRIN, Greffier, conformément à l'article 450 alinéa 2 du Code de Procédure Civile ;

signé par Madame CUNIN-WEBER, Président, et par Madame PERRIN, Greffier ;

FAITS ET PROCÉDURE :

Le Centre Hospitalier Régional (CHR) de [Localité 22] était propriétaire de plusieurs parcelles sur le territoire de la commune de [Localité 15], au [Adresse 17], désignées ainsi que suit, pour une surface de 17 ha 78 a et 63 ca :

Section C :

- parcelle n°[Cadastre 8], au [Adresse 18], d'une surface de 4 a 65 ca

- parcelle n°[Cadastre 10] au [Adresse 20] d'une surface de 13 a 25 ca

- parcelle n°[Cadastre 13], au [Adresse 19] d'une surface de 75 a 08 ca

- parcelle n°[Cadastre 3], au [Adresse 20] d'une surface d'l ha 97 a 65 ca

- parcelle n°[Cadastre 4], au [Adresse 20] d'une surface de 4 ha 15 a 24 ca

- parcelle n°[Cadastre 5], au [Adresse 20] d'une surface de 35 a 76 ca

Section ZA :

- parcelle n°[Cadastre 6], au [Adresse 20] d'une surface de 94 a 95 ca

- parcelle n°[Cadastre 7], au [Adresse 20] d'une surface de 1 ha 08 a 91 ca

- parcelle n°[Cadastre 9], au [Adresse 20] d'une surface de 2 ha 00 a 84 ca

- parcelle n°[Cadastre 11], au [Adresse 20] d'une surface de 3 ha 97 a 29 ca

- parcelle n°[Cadastre 12], au [Adresse 20] d'une surface de 2 ha 35 a 01 ca

Monsieur [P] et Madame [Y] épouse [P] (les consorts [P]) ont manifesté l'intention d'acquérir ces parcelles. En ce sens, un compromis de vente a été signé le 28 octobre 2020 entre le CHR de [Localité 22] et les consorts [P] pour un prix de 80000 euros devant Maître [V], notaire associé de l'office notarial Narbey et associés à [Localité 22].

La vente était conclue sous la condition de la production avant le 31 décembre 2020 d'un rapport sur l'existence de pollution dans les installations édifiées sur les parcelles vendues.

Conformément aux dispositions de l'article L 143-8 et L 412-8 du code rural et de la pêche maritime, Maître [V] a notifié par courrier recommandé avec avis de réception le 4 novembre 2020 à la Safer Grand-Est (Safer), titulaire d'un droit de préemption sur lesdites parcelles, la déclaration d'intention d'aliéner (DIA) aux consorts [P].

La Safer a indiqué par courrier du 15 décembre 2020, adressé aux consorts [P], qu'elle entendait exercer son droit de préemption.

Par acte signifié le 16 mars 2021 par commissaire de justice, les consorts [P] ont assigné la Safer devant le tribunal judiciaire de Nancy afin de voir prononcer la nullité de la décision de préemption, ainsi que de tout acte subséquent pris par la SAFER sur les parcelles litigieuses.

Par jugement contradictoire du 29 janvier 2024, le tribunal judiciaire de Nancy a :

- déclaré recevables les demandes des consorts [P],

- débouté cependant les consorts [P] de l'ensemble de leurs demandes,

- déclaré régulière et conforme à la loi la décision de préemption notifiée le 15 décembre 2020 par la Safer aux consorts [P],

- débouté la Safer de ses demandes tendant à constater qu'elle est devenue propriétaire des biens litigieux, à dire et juger que le jugement tiendra lieu d'acte authentique en l'absence de régularisation de l'acte authentique et à ordonner la transcription du jugement au service de la publicité foncière,

- condamné les consorts [P] à payer à la Safer la somme de 2000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné les consorts [P] aux dépens,

- rappelé que l'exécution provisoire du jugement est de droit.

* Sur la recevabilité de l'action des consorts [P], le tribunal a relevé que les consorts [P] justifiaient avoir transmis au service de la publicité foncière et de l'enregistrement aux fins de publication copie de l'assignation délivrée à la Safer et produisaient à cet effet le courrier adressé le 13 juillet 2022 à leur conseil, par lequel ce service rappelait leur avoir notifié le 2 juillet 2021 son refus de donner suite à cette demande, au motif qu'en présence seulement d'un compromis de vente, l'assignation ne concernait que des personnes ne détenant aucun droit au fichier immobilier sur les parcelles concernées.

Dès lors, le tribunal a retenu que l'action et les demandes des consorts [P] ne se heurtaient à aucune irrecevabilité et devaient être déclarées recevables.

* Sur la régularité formelle de la décision de préemption de la Safer

> Sur la signature de la décision de préemption,

le tribunal a relevé que la décision de préemption de la Safer du 14 décembre 2020 portait la signature électronique authentifiée de Monsieur [S], directeur opérationnel, en précisant qu'il importait peu qu'elle ne portait pas sa signature manuscrite et que les consorts [P] n'émettaient aucune observation sur la validité de la signature électronique.

Ensuite, pour soutenir que la décision signée par Monsieur [S] était entachée de nullité, les consorts [P] ont fait valoir que l'article R 143-6 du code rural et de la pêche maritime ne donnait pouvoir qu'au président du conseil d'administration pour signer les décisions de préemption, qui à défaut, ne pouvaient être signées que d'une personne ayant reçu délégation de signature, tel n'étant pas le cas de Monsieur [S] qui était détenteur d'une délégation de pouvoir et non de signature.

Cependant, le tribunal a constaté que le contenu du document daté du 17 décembre 2018 produit par la Safer, intitulé de manière impropre 'délégations de pouvoirs', démontrait qu'il s'agit en réalité d'une délégation de signature, comme l'indique la formulation employée 'Monsieur [I], directeur général délégué de la Safer en vertu des pouvoirs qui lui ont été conférés par le conseil d'administration' en date du 30 octobre 2018, délègue par la présente, à compter du 3 janvier 2019, à Monsieur [S], directeur opérationnel, les signatures...'.

En conséquence, les 1ers juges ont retenu que Monsieur [S] avait compétence par délégation de signature de Monsieur [I], lui-même compétent par délégation du conseil d'administration, pour signer la décision de préemption querellée en lieu et place du président du conseil d'administration de la Safer et donc que la décision n'était affectée d'aucune nullité à ce titre.

> Sur le respect par la Safer du délai d'exercice du droit de préemption,

le tribunal a rappelé les dispositions des articles L 143-8, L 412-8 et R 143-6 du code rural et de la pêche maritime qui énoncent que la Safer disposait, à compter de la notification de la DAI par le notaire chargé de la vente, d'un délai de deux mois pour prendre position et notifier sa propre décision de préemption au notaire.

En ce sens, les 1ers juges ont considéré que la Safer avait justifié par les éléments produits aux débats que la notification de la décision de préemption au notaire avait été transmise le 14 décembre 2020, soit dans le délai de deux mois à compter du 4 novembre 2020, ce qui apparaît cohérent avec la date de l'avis de préemption au notaire, à savoir le 14 décembre 2020 à 14h54 et avec l'envoi de cette même décision de préemption aux consorts [P] le 15 décembre 2020.

Ensuite, le tribunal a relevé que pour contester cette date transmission, les consorts [P] mettaient en doute la fiabilité technique de l'analyse de l'horodatage, sans argumenter davantage leur propos, et soutenaient que seul un accusé de réception par la poste présentait une valeur probante certaine. Cependant, il a considéré que cela était en contradiction avec les articles 1366 et 1367 du code civil, qui confèrent à l'écrit électronique la même valeur probante qu'à l'écrit sur support papier, à partir du moment où les garanties de l'article 1367 sont apportées.

En outre la juridiction a constaté que les consorts [P] affirmaient que Maître [V] n'avait accusé réception de la décision de préemption de la Safer que le 11 janvier 2021, soit après l'expiration du délai de deux mois. A cet effet, ils ont produit un accusé de réception de l'office mentionnant la date du 11 janvier 2021, sans qu'aucune heure ne soit précisée et sans qu'il soit possible de déterminer selon quelles modalités cet accusé de réception a été émis, et également une attestation de Maître [V] du 10 décembre 2021, attestant ne pas avoir réceptionné de décision de préemption dans le délai de deux mois ayant commencé à courir le 4 novembre 2020.

Cependant, le tribunal a considéré qu'il ne pouvait être exclu que la notification électronique, faite le 15 décembre 2020 et attestée par l'horodatage, ait échappé à la vigilance du notaire et a retenu que la décision de préemption était intervenue dans le délai de deux mois et n'encourait aucune nullité pour tardiveté.

> Sur la motivation de la décision de préemption,

les 1ers juges ont rappelé que le contrôle du juge était un contrôle de légalité et ne portait pas sur l'opportunité de la préemption ; ainsi selon une jurisprudence constante, l'office du juge consistait à rechercher si la motivation retenue, en considération des circonstances propres au dossier, comportait des données suffisamment concrètes pour vérifier la réalité de l'objectif allégué.

Le tribunal a relevé que la décision de préemption prise par la Safer le 14 décembre 2020 était motivée en référence à l'article L 143-2 du code rural et de la pêche maritime et qu'elle se référait donc explicitement à l'un des objectifs fixés par la loi, à savoir la consolidation d'une exploitation afin de lui permettre d'acquérir une dimension économique viable, visée expressément au 2° de cet article.

De plus il a noté, que la référence à cet objectif légal était motivée par des éléments concrets, dans la mesure où il était précisé que l'exploitation concernée était une exploitation d'élevage ovin, située à proximité, dont il s'agissait de consolider et de pérenniser les ressources fourragères ; il a constaté que la Safer justifiait par ailleurs, par la production de la fiche relative aux enjeux environnementaux de l'élevage ovin, du fait que les terres non labourables constituées de taillis et de prairie fourragère étaient adaptées à ce type d'élevage.

Enfin, les 1ers juges ont énoncé qu'il n'était pas exigé que l'identité de l'attributaire potentiel soit précisée, étant donné que l'attribution définitive du bien ne pouvait intervenir qu'après examen des autres candidatures qui pourraient se manifester et que la précision de cette identité serait constitutive d'une rupture du principe de neutralité et possiblement d'un détournement de pouvoir.

Dès lors, le tribunal a retenu que la Safer avait suffisamment motivé sa décision de préemption et n'encourait aucune nullité de ce chef.

* Sur le bien fondé de l'acte :

Sur l'impossibilité de préempter alléguée en raison de la nature essentiellement de bois et de forêt des parcelles préemptées,

le tribunal a relevé que les parties ne contestaient pas que les parcelles, objet de la vente, étaient composées en partie de parcelles boisées et en partie de parcelles non boisées, mais que les divergences s'élevaient sur la part respective de chacun des deux types de parcelles.

Le tribunal a constaté que le CHRU, vendeur des parcelles litigieuses, dans sa première annonce de cession publiée le 5 août 2016, indiquait que la surface des terrains agricoles était de 109159 m2 et la surface des forêts de 70587 m2, de sorte que la part des forêts n'était pas majoritaire.

Dès lors, le tribunal a considéré que la référence à l'arrêt du 5 juin 2013 de la Cour de cassation par les consorts [P] n'était pas pertinente dans la mesure où cette décision concernait une parcelle unique composée de manière mixte de forêts et de terres cultivées, tandis que le litige était relatif à plusieurs parcelles dont certaines sont constituées de forêts et d'autres non.

La juridiction a ajouté que l'article L 143-4 du code rural et de la pêche était inapplicable au cas de vente d'une parcelle unique, les termes 'autres parcelles boisées' et l'exigence que les parcelles vendues dépendent d'une 'même exploitation agricole' ne pouvant de manière logique pas s'y référer.

Dès lors, ainsi que la Cour de cassation l'a jugé de manière constante, cet article n'exige pas que les parcelles non boisées soient prépondérantes, dès lors qu'il suffit qu'il y ait, avec des parcelles boisées, d'autres qui ne le soient pas, sans qu'une proportion soit exigée, pour que la préemption soit possible, à partir du moment où ces parcelles font partie de la même exploitation agricole.

En ce sens, les 1ers juges ont relevé que les parcelles litigieuses constituaient une unité foncière et le seul fait qu'elles appartenaient au CHRU, et antérieurement aux hospices civils de [Localité 22], sur le site de l'ancien centre Spillmann, ne leur avaient pas conféré une vocation médicale ou hospitalière.

Ils ont relevé également que ces terrains étaient référencés sur le site du registre parcellaire graphique en 2016 en prairie permanente et herbe prédominante et en 2020 comme surface agricole temporairement non exploitée.

Par conséquent, le tribunal a retenu qu'il n'y avait aucune impossibilité de préemption par application de l'article L 143-4 susvisé.

^ Sur l'impossibilité de préempter alléguée en raison de la nature non agricole des terrains et bâtiments,

le tribunal a relevé que, dans la DIA transmise à la Safer par le notaire, les parcelles concernées se trouvaient toutes en zone agricole ou en zone naturelle selon le plan local d'urbanisme intercommunal (PLUI) applicable à la commune de Lay-Saint-Christophe. De ce fait, le droit de préemption s'exerçait sur ces terrains à vocation agricole selon l'article L 143-1 du code rural et de la pêche maritime, comme classés en zone agricole ou naturelle sur un document d'urbanisme.

Il a également relevé que la DIA confirmait la présence sur les parcelles de bâti, qui n'étaient pas des bâtiments d'habitation, soit un groupe électrogène avec cuve enterrée associée sur la parcelle C [Cadastre 5], une station de pompage sur la parcelle ZA [Cadastre 11], une station d'épuration sur parcelle ZA [Cadastre 9], un incinérateur et de sa cuve enterrée sur ZA [Cadastre 12] ;

De plus la Safer indiquait, sans être démentie par les consorts [P], que ces installations étaient désaffectées depuis de nombreuses années et n'étaient plus en activité.

Dès lors, il a considéré qu'elles constituaient, au sens de l'article précité, des 'friches' ou 'ruines' de sorte que les terrains les supportant doivent être assimilés à des terrains nus.

En conséquence, les 1ers juges ont retenu qu'aucun empêchement à ce que ces terrains soient préemptés n'était démontré et que la décision de la Safer du 15 décembre 2020 apparaît régulière et légale.

* Enfin s'agissant de l'absence de dépollution du site, la juridiction a relevé que la vente des terrains entre le CHR et les consorts [P] avait été conclue sous la condition de la production avant le 31 décembre 2020 d'un rapport sur l'existence de pollution dans les installations édifiées sur les parcelles vendues et qu'en tout état de cause, cette circonstance ne serait que de nature à remettre en cause l'opportunité de la préemption, qu'il ne lui appartenait pas d'apprécier. Dès lors, il a retenu que cette considération n'était pas un moyen d'annulation de la décision de préemption mais un simple argument de contexte, auquel il n'était pas tenue de répondre.

* Sur les autres demandes, les 1ers juges ont considéré qu'ils ne pouvaient faire droit aux demandes de la Safer, tendant à voir constater qu'elle était devenue propriétaire des biens cadastrés par effet de la préemption et aux demandes subséquentes, en l'absence de réalisation de l'acte authentique et de paiement du prix de vente.

¿¿¿

Par déclaration reçue au greffe de la cour, sous la forme électronique, le 7 août 2024, les consorts [P] ont relevé appel de ce jugement.

Au dernier état de la procédure, par conclusions reçues au greffe de la cour d'appel sous la forme électronique le 22 octobre 2024, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des prétentions et moyens, les consorts [P] demandent à la cour de :

- infirmer, réformer et en tant que de besoin annuler, le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Nancy en date du 29 janvier 2024, en toutes ses dispositions,

- infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté les appelants de l'ensemble de leurs demandes mais aussi en ce que le tribunal a :

- déclaré régulière et conforme à la loi la décision de préemption notifiée le 15 décembre 2020 par la Safer aux consorts [P],

- condamné les consorts [P] à payer à la Safer la somme de 2000 euros au titre de l'article 700,

- condamné les consorts [P] aux dépens,

- infirmer le jugement querellé en ce qu'il a rejeté l'ensemble des moyens soulevés par les consorts [P], en particulier de voir, à titre principal :

- déclarer la décision de préemption de la Safer irrégulière du fait de l'absence de signature d'une personne ayant reçu délégation régulière,

- déclarer la décision de préemption de la Safer tardive et, en tout état de cause, hors du délai légal de deux mois à compter de la DIA en ce que le premier juge avait rejeté la demande des consorts [P] de voir prononcer la nullité de la décision de préemption de la Safer,

- infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a rejeté la demande des appelants tendant à voir, à titre subsidiaire, prononcer nulle la décision de préemption de la Safer compte tenu de l'absence de motivation suffisamment précise et circonstanciée ; en ce que le premier juge a rejeté la demande des appelants tendant à voir dire et juger que la Safer ne pouvait, en aucune manière, préempter des parcelles litigieuses en l'absence d'exploitation agricole antérieure mais aussi compte tenu de la nature des parcelles à usage essentiellement de bois et forêts, également en présence de bâtiments n'ayant aucun usage agricole au cours des 5 dernières années et, enfin, en l'absence d'informations suffisantes sur la dépollution du site,

- infirmer le jugement en ce qu'il a rejeté la demande des appelants tendant à voir prononcer la nullité de la décision de préemption ainsi que la nullité de tout acte subséquent pris par la Safer sur les parcelles litigieuses et, enfin, de se voir rétablir dans leurs droits d'acquéreurs légitimes des parcelles litigieuses, outre la condamnation de la Safer à leur verser la somme de 3000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens de l'instance,

Et statuant à nouveau,

A titre liminaire,

- dire et juger que la décision de préemption n'est pas régulièrement signée par le président de la Safer ou par une personne ayant reçu délégation régulière,

- dire et juger que la Safer a exercé le droit de préemption tardivement, en tout cas, après expiration du délai légal de deux mois à compter de la DIA,

Dès lors,

- prononcer la nullité de la décision de préemption de la Safer,

A titre subsidiaire,

- prononcer la nullité de la décision de préemption de la Safer compte tenu de l'absence de motivation suffisamment précise et circonstanciée,

En tout état de cause,

- dire et juger que la Safer ne pouvait en aucune manière préempter les parcelles litigieuses en l'absence d'exploitation agricole antérieure, compte tenu de la nature des parcelles à usage essentiellement de bois et forêts, en présence de bâtiments n'ayant eu aucun usage agricole au cours des 5 dernières années, en l'absence d'information suffisante sur la dépollution du site,

Dès lors,

- prononcer la nullité de la décision de préemption de la Safer ainsi que la nullité de tout acte subséquent pris par la Safer sur les parcelles litigieuses (y compris tout acte translatif de propriété).

- rétablir les consorts [P] dans leurs droits d'acquéreurs légitimes des parcelles litigieuses,

- condamner la Safer à verser aux consorts [P] la somme de 3000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner la Safer aux entiers dépens de première instance et d'appel.

Au dernier état de la procédure, par conclusions reçues au greffe de la cour d'appel sous la forme électronique le 16 janvier 2025, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des prétentions et moyens, la Safer demande à la cour, sur le fondement des articles L 143-1 et suivants du code rural, de :

- confirmer le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Nancy en date du 29 janvier 2024, en toutes ses dispositions et notamment en ce qu'il a :

- débouté les consorts [P] de l'intégralité de leurs demandes,

- déclaré régulière et conforme à la loi la décision de préemption notifiée le 15 décembre 2020 par la Safer aux consorts [P],

- condamné les consorts [P] à payer à la Safer la somme de 2000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Et en cause d'appel,

- condamner les consorts [P] à payer chacun à la Safer la somme de 4000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers frais et dépens de première instance et d'appel.

La clôture de l'instruction a été prononcée par ordonnance du 4 mars 2025.

L'audience de plaidoirie a été fixée le 12 mai 2025 et le délibéré au 8 septembre 2025 prorogé au 6 octobre suivant.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Vu les dernières conclusions déposées par les consorts [P] le 22 octobre 2024 et par la SA Safer le 16 janvier 2025 et visées par le greffe auxquelles il convient de se référer expressément en application de l'article 455 du code de procédure civile ;

Vu la clôture de l'instruction prononcée par ordonnance du 4 mars 2025 ;

Sur le bien fondé de l'appel

Après avoir reçu la signature d'un compromis de vente entre Monsieur et Madame [P] et le CHR de [Localité 22], sous condition suspensive de dépôt d'un rapport de dépollution du site sis à [Adresse 16]', Maître [B] [V], notaire, a notifié le 15 octobre 2025 la DIA à la Safer qui lui a notifié le 11 janvier 2021 qu'elle exerçait son droit de préemption sur les parcelles concernées ;

Monsieur et Madame [P] contestent l'exercice de ce droit de préemption, tant dans la forme que quant au fond ;

En la forme, il constatent en premier lieu, que le document portant droit de préemption est dénué de signature ; sa notification est signée par le directeur opérationnel Monsieur [N] [S], faute de justifier d'une délégation de pouvoir de la part du Président du conseil d'administration de la Safer ou d'une délégation de signature régulière ce qui justifie de constater sa nullité ;

En deuxième lieu, ils indiquent que le délai pour préempter n'a pas été respecté ; il est de deux mois après la DIA du 4 novembre 2020 ; or le notaire n'en accusera réception que le 11 janvier 2021 soit au delà de ce délai ; l'intimée se doit d'établir qu'elle a préempté dans le délai ce qu'elle ne fait pas ; ils contestent la régularité de la notification par horodatage dont ils mettent en doute la fiabilité d'autant que le notaire a indiqué ne pas avoir réceptionné de décision de préemption en décembre 2020 comme indiqué par la Safer et que son témoignage ne peut sérieusement être mis en doute ;

En réponse la Safer se prévaut d'une notification dématérialisée le 15 décembre 2020 à 21h14 réceptionnée à l'office notarial le lendemain à 9h14 laquelle est régulière selon la convention passée avec le Conseil Supérieur du Notariat ;

En troisième lieu, ils mettent en cause la motivation de la décision de préemption qu'ils considèrent comme insuffisante au regard des dispositions de l'article L. 143-3 du code rural et de la pêche ; ils affirment en effet qu'elle est vague et imprécise, et qu'aucune des données portées à la connaissance des acquéreurs, ne permet d'en connaître la réalité et l'objectif poursuivi ce qui entraîne sa nullité ;

- Sur la mise en cause de la régularité formelle de la préemption par la Safer

Aux termes de l'article R. 143-6 du code rural et de la pêche 'la société d'aménagement foncier et d'établissement rural qui exerce le droit de préemption notifie au notaire chargé d'instrumenter par lettre recommandée avec demande d'avis de réception ou sous forme électronique dans les conditions prévues aux articles 1366 et 1367 du code civil, sa décision signée par le président de son conseil d'administration ou par toute personne régulièrement habilitée à cet effet (...)

Cette décision ainsi motivée est notifiée également à l'acquéreur évincé, par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, dans un délai de quinze jours à compter de la date de réception de la notification faite au notaire' ;

En l'espèce et tel que relevé à juste titre par les premiers juges, la décision notifiant le 14 décembre 2020 l'exercice par la Safer de son droit de préemption, est signée par Monsieur [N] [S], Directeur Opérationnel ;

Il est justifié par la production de documents tels que, le procés-verbal du conseil d'administration de la Safer du 30 octobre 2018 ainsi que l'acte de délégation de pouvoirs du Directeur Général Délégué Monsieur [K] [I] à Monsieur [N] [S], que ce dernier a bénéficié d'une délégation de signature le 17 décembre 2018 ; l'opération en litige étant dans le périmètre des délégations sus énoncées, il y a lieu de constater la régularité formelle de cette délégation de signature effectuée par la personne délégataire du pouvoir de l'exercer ;

En conséquence, aucune nullité de la procédure n'est encourue de ce chef ;

Il résulte de l'article L 143-8 du code rural et de la pêche maritime que le délai pour agir de la Safer, est de deux mois à compter de la notification de la déclaration d'intention d'aliéner faite par le notaire chargé de la vente ;

L'article R 143-6 sus visé prévoit que la notification par la Safer au notaire de sa volonté de préempter, se fait soit par écrit au moyen lettre recommandée avec demande d'avis de réception soit dans les formes des articles 1366 et 1368 du code civil, c'est à dire sous la forme électronique ;

La Safer a choisi ce dernier mode de notification, arguant en outre de l'existence d'une convention nationale ratifiée le 22 septembre 2015, entre les notaires et les sociétés d'aménagement foncier, ainsi que la sécurité de cette méthode de notification, dont il est attesté après analyse technique par la société ADSN ;

Il en résulte, tel que relevé à juste titre par le jugement déféré, que la notification de la Safer, a en l'espèce été émise le 14 décembre 2020 à 21h14 (horodatage) et que le notaire a reçu cette notification le 15 décembre 2020 à 9h14 (horodatage) ce qui vaut accusé de réception ;

Les époux [P] ont quant à eux, réceptionné cette décision de préemption, le 15 décembre 2020 ;

Aussi la fiabilité avérée de ce procédé technique ne peut être remise en cause par les appelants, quand bien même le notaire en charge de la vente, indique ne pas avoir réceptionné de notification de la part la Safer en décembre 2020, ce dont il atteste ;

En effet, outre la sécurité technique avérée de ce procédé, conforme au mode de notification prévu au code rural et de la pêche maritime, il y a lieu de rappeler que Monsieur et Madame [P] ont bien réceptionné la notification de l'exercice de son droit de préemption par la Safer, qui tel que justifié précédemment, a été effectuée dans le même temps auprès du notaire ;

Etant conforme au délai de 2 mois prévu par le code rural et de la pêche maritime sus cité, la régularité formelle de cette décision n'est pas valablement remise en cause par les appelants, pour les motifs sus visés, ajoutés à ceux déjà développés par le jugement déféré qui seront adoptés ;

Sur le troisième motif de contestation développé par les appelants, tenant à l'absence de motivation de la décision de la Safer ;

Ainsi l'article R. 143-6 du code rural et de la pêche maritime énonce que 'La décision de préemption indique l'identification cadastrale des biens concernés et leur prix d'acquisition. Elle précise en outre en quoi la préemption répond à l'un ou à plusieurs des objectifs prévus par les dispositions de l'article L. 143-2.

Cette décision ainsi motivée est notifiée également à l'acquéreur évincé, par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, dans un délai de quinze jours à compter de la date de réception de la notification faite au notaire' ;

L'article L. 143-2 sus visé prévoit que 'L'exercice de ce droit a pour objet, dans le cadre des objectifs définis à l'article L. 1 :

1° L'installation, la réinstallation ou le maintien des agriculteurs ;

2° La consolidation d'exploitations afin de permettre à celles-ci d'atteindre une dimension économique viable au regard des critères du schéma directeur régional des exploitations agricoles et l'amélioration de la répartition parcellaire des exploitations existantes, dans les conditions prévues à l'article L. 331-2 ;

3° La préservation de l'équilibre des exploitations lorsqu'il est compromis par l'emprise de travaux d'intérêt public ;

4° La sauvegarde du caractère familial de l'exploitation ;

5° La lutte contre la spéculation foncière ;

6° La conservation d'exploitations viables existantes lorsqu'elle est compromise par la cession séparée des terres et de bâtiments d'habitation ou d'exploitation ;

7° La mise en valeur et la protection de la forêt ainsi que l'amélioration des structures sylvicoles dans le cadre des conventions passées avec l'Etat ;

8° La protection de l'environnement, principalement par la mise en 'uvre de pratiques agricoles adaptées, dans le cadre de stratégies définies par l'Etat, les collectivités territoriales ou leurs établissements publics ou approuvées par ces personnes publiques en application du présent code ou du code de l'environnement ;

9° Dans les conditions prévues par la section 3 du chapitre III du titre Ier du livre Ier du code de l'urbanisme, la protection et la mise en valeur des espaces agricoles et naturels périurbains' ;

A ce stade de la contestation, il y a lieu de rappeler que le juge ne s'assure que de la régularité formelle de cette décision, en recherchant notamment l'existence d'éléments factuels précis permettant de vérifier le respect des dispositions sus énoncées ;

En l'espèce et tel que précédemment relevé par les premiers juges, la lettre de la Safer du 14 décembre 2020 vise spécialement le cas n°2 ;

En effet elle mentionne de manière non équivoque que l'objectif est de permettre ' la consolidation d'exploitations afin de permettre à celles-ci d'atteindre une dimension économique viable au regard des critères du schéma directeur régional des exploitations agricoles (SDREA) et l'amélioration de la répartition parcellaire des exploitations existantes, dans des conditions prévues à l'article L. 331-2" ;

Plus particulièrement elle précise que 'la préemption exercée par la Safer permettrait de consolider une exploitation agricole locale en élevage ovin.

Cette structure est de taille inférieure à la dimension économique viable, fixée par le SDREA, possède son siège d'exploitation à proximité. De surcroît, la surface agricole utile (SAU) de cette structure est essentiellement constituée de terrains mis à disposition de manière précaire (Plateau de [Localité 21] et aéroport d'[14]).

L'intervention de la Safer permettrait de consolider et de pérenniser les ressources fourragères de cette exploitation' ;

Elle conclut enfin en indiquant 'qu'il ne peut être préjugé dès maintenant de l'attribution définitive du bien, attribution qui ne pourra intervenir qu'après étude des autres candidatures éventuellement révélées par la publicité légale' ;

Ainsi, faisant nôtres les motifs du jugement, il y a lieu de constater que la lettre du 14 décembre 2020 de la Safer est motivée conformément aux dispositions sus énoncées et décrit de manière précise les objectifs qu'elle poursuit en préemptant ;

Il y a lieu de rappeler que la désignation de l'attributaire de ce droit, n'est pas une condition de régularité formelle de l'exercice de ce droit ;

Dès lors cette décision n'encourt aucune nullité fondée sur l'absence de motivation suffisante ;

- Sur le bien fondé de la décision de préemption de la Safer

Les consorts [P] affirment à l'appui de leur recours, que les biens objet de la préemption de la Safer, ne peuvent en aucune manière être préemptés pour deux motifs :

^ les biens sont essentiellement en bois et forêts

^ les biens en litige ne sont pas agricoles (terrains et bâtiments) ;

Sur le premier point,

les époux [P] indiquent que, si l'article L.143-4 du code rural et de la pêche maritime les parcelles boisées peuvent faire l'objet de préemption, elles sont cédées avec d'autres parcelles non boisées dépendantes de la même exploitation ;

Ils ajoutent que dans cette hypothèse (parcelles mixtes) les parcelles non boisées doivent être prépondérantes ; or, en l'espèce la cession vise principalement des parcelles boisées (deux-tiers); les futaies et taillis y sont assimilés ;

Dès lors, ils considèrent que la Safer ne pouvait exercer son droit de préemption sur ces terrains, ce qui justifie leur demande d'annulation ;

Sur le second point,

les appelants ajoutent que les terrains n'ont aucune vocation agricole, étant la propriété du CHS de [Localité 22] ; avant la vente, ils n'avaient aucune vocation agricole ;

De plus les bâtiments visés dans le compromis de vente, ne sont pas des biens immobiliers à usage agricole ce qui, tout comme les terrains exclut toute préemption de la part de la Safer ; la seule hypothèse le permettant, contrairement aux affirmations de l'intimée, supposerait que les bâtiments soient d'habitation et fassent partie d'une exploitation agricole ou ont été utilisés pour l'exercice d'une activité agricole au cours des cinq dernières années qui ont précédé l'aliénation, conformément à l'article L. 143-1-2° du code rural et de la pêche maritime ;

Or , ce n'est pas le cas en l'espèce, les bâtiments cédés étant à usage professionnel ou médical, et pour le moins par leur objet, sont étrangers à toute activité agricole et ne sont pas non plus des bâtiments d'habitation (incinérateur, bassins, transformateurs ...) ce qui fonde leur contestation du droit de préemption de la Safer ;

Finalement les appelants précisent, que certains des bâtiments présent sont devenus des logements sociaux et que d'autres constructions d'habitations sont prévues ;

Le PLU mentionne de plus, que les terrains classés N, sont des zones protégées et boisées, non utilisables comme pâtures ;

Ils rappelant enfin, que la compromis de vente comprend une clause obligeant la partie acquéreur à dépolluer le site ;

La décision contestée apparaît donc inopportune ainsi qu'illégale ce qui justifie l'infirmation du jugement entrepris ;

En réponse la Safer, prenant en compte les dispositions de l'article L. 143-4- 6° du code rural et de la pêche maritime considère, s'agissant de la consistance des terrains, qu'elle peut préempter lorsque des parcelles boisées sont mises en vente avec des parcelles non boisées dépendant de la même exploitation agricole ;

Elle conteste l'analyse de la décision de la Cour de cassation du 5 juin 2013 faite par les appelants, s'agissant de parcelles à vocation agricole dans une proportion supérieure à celles en forêt ; elle affirme que cette jurisprudence ne s'applique qu'à la vente d'une parcelle mixte unique, ce qui n'est pas le cas ici ;

Elle se réfère à un autre arrêt de la Cour de cassation qui prévoit que 'la vente de plusieurs parcelles dont certaines sont boisées mais constituant une unité foncière et ayant eu, dans un passé lointain un usage agricole, sont soumises au droit de préemption de la Safer, à défaut pour le prix d'avoir été ventilé dans la notification (Cass. 3ème civ. 19 mars 2008 n°07-11383) ;

Elle en conclut que c'est le cas, en l'absence de ventilation du prix de vente des parcelles boisées, les terrains vendus constituant une unité foncière, même si les surfaces agricoles sont temporairement non exploitées ;

S'agissant du moyen tiré de l'absence de nature agricole des terrains et des bâtiments,

la Safer précise que l'article L. 143-1 du code rural et de la pêche maritime prévoit dans son premier alinéa, qu'elle peut préempter pour des bâtiments qui n'ont pas d'usage agricole ou jour de l'aliénation, si ces biens se situent dans une zone agricole ou naturelle ; or en l'espèce, les biens en litige sont tous classés en zone naturelle (N) ;

De plus, aucun immeuble d'habitation ou à usage industriel n'est visé par la préemption ; les bâtiments présents sont hors d'usage ou désaffectés, ce qui permet en application de l'article L. 143-1 alinéa 3 du même code, de considérer qu'il s'agit de terrains nus, comme étant des friches ou des ruines ou des installations temporaires, dont la présence n'est pas de nature à compromettre définitivement leur vocation agricole ;

Enfin le dernier argument tient aux obligations de dépollution du terrain, auxquelles elle se pliera, étant entendu qu'il n'en résulte aucune cause de nullité de son droit de préemption ;

Aux termes de l'article L. 143-4 du code rural et de la pêche maritime 'Ne peuvent faire l'objet d'un droit de préemption : (...)

6° Les acquisitions de parcelles classées en nature de bois et forêts au cadastre, sauf :

a) Si ces dernières sont mises en vente avec d'autres parcelles non boisées dépendant de la même exploitation agricole, l'acquéreur ayant toutefois la faculté de conserver les parcelles boisées si le prix de celles-ci a fait l'objet d'une mention expresse dans la notification faite à la société d'aménagement foncier et d'établissement rural ou dans le cahier des charges de l'adjudication ;

(...)' ;

Il résulte des écritures et pièces produites, que l'analyse de la nature des terrains visés par le droit de préemption en litige, pose question s'agissant de la proportion de terrains boisés et non boisés , les appelants affirmant qu'ils recouvrent 11 ha 49 a 80 ca sur la totalité des 17 ha 78 a 63 ca ;

En revanche le CHRU , partie venderesse énonçait 109159 m² de terrains agricoles pour 70587 m² de forêts ;

En tout état de cause la question de la prépondérance de la nature des parcelles cédées telle que visée par l'arrêt de la Cour de cassation le 5 juin 2013, ne s'applique pas au cas d'espèce, s'agissant de parcelles multiples cédées ;

En effet et tel que retenu par les premiers juges dont les motifs sur ce point seront adoptés, cette jurisprudence n'a de sens, que lorsqu'elle concerne la vente d'une seule parcelle de nature mixte hypothèse distincte des dispositions du code rural et de la pêche maritime sus visé ;

Or en l'espèce, les terres cédées font partie d'une unité foncière sans que son affectation à l'utilisation d'un centre hospitalier ou médical ne soit déterminante quant à la nature des terres ;

S'agissant de leur vocation agricole, il est constant qu'elle n'a pas été exercée sur une période plus ou moins longue avant la vente ;

Cette notion est prévue et définie ainsi par l'article L. 143-1 du code rural et de la pêche maritime : '(...) Sont considérés comme à vocation agricole pour l'application du présent article, les terrains situés soit dans une zone agricole protégée créée en application de l'article L. 112-2 du présent code, soit à l'intérieur d'un périmètre délimité en application de l'article L. 113-16 du code de l'urbanisme, soit dans une zone agricole ou une zone naturelle et forestière délimitée par un document d'urbanisme. En l'absence d'un document d'urbanisme, sont également regardés comme terrains à vocation agricole les terrains situés dans les secteurs ou parties non encore urbanisés des communes, à l'exclusion des bois et forêts.

Il peut également être exercé en cas d'aliénation à titre onéreux des bâtiments situés dans les zones ou espaces mentionnés au premier alinéa du présent article (...) et qui ont été utilisés pour l'exercice d'une activité agricole au cours des cinq dernières années qui ont précédé l'aliénation, pour leur rendre un usage agricole (...)';

'Sont assimilés à des terrains nus, les terrains ne supportant que des friches, des ruines ou des installations temporaires, occupations ou équipements qui ne sont pas de nature à compromettre définitivement leur vocation agricole (...)' ;

Il résulte des développements précédents et des mentions de la notification le 15 décembre 2020 au notaire, de son droit de préempter par la Safer, qu'il porte sur des terrains situés en zone agricole ou naturelle (N), donc conformes aux dispositions sus énoncées ;

De plus et tel que relevé à juste titre par les premiers juges, les bâtiments ou installations qui ne sont pas à usage d'habitation, présents sur le site visé par le droit de préemption, ne sont plus utilisés de longue date, sont assimilés à des bâtiments désaffectés, ruines ou friches au sens des dispositions du code rural et de la pêche maritime sus visé ;

En conséquence, le jugement déféré sera confirmé en ce qu'il a considéré que les terres visées par l'acte de cession au bénéfice de Monsieur et Madame [P], sont valablement préemptés par la Safer, étant conformes aux dispositions du code rural et de la pêche maritime sus énoncé ;

Enfin et tel que valablement relevé par le jugement déféré, la clause du contrat de vente portant sur l'obligation à la dépollution du site, n'est pas de nature à faire obstacle à l'exercice par la Safer, qui a au demeurant pleine connaissance de cette clause, de son droit de préemption ;

En conséquence, le recours de Monsieur et Madame [P] sera rejeté et le jugement déféré confirmé en toutes ses dispositions ;

Sur l'article 700 du code de procédure civile et les dépens

Monsieur et Madame [P], partie perdante, devront supporter les dépens ; en outre ils seront condamnés à payer à la Safer Grand-Est la somme de 2500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, en sus de la somme déjà allouée en première instance ; en revanche ils seront déboutés de leur propre demande de ce chef.

PAR CES MOTIFS,

LA COUR, statuant par arrêt contradictoire prononcé publiquement, par mise à disposition au greffe,

Confirme le jugement déféré et y ajoutant,

Condamne Monsieur [T] [P] et Madame [E] [Y] épouse [P] à payer à la Safer du Grand-Est, la somme de 2000 euros (DEUX MILLE EUROS) au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Déboute Monsieur et Madame [P] de leur demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne Monsieur [T] [P] et Madame [E] [Y] épouse [P] aux dépens.

Le présent arrêt a été signé par Madame CUNIN-WEBER, Présidente de la première chambre civile de la Cour d'Appel de NANCY, et par Madame PERRIN, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Signé : C. PERRIN.- Signé : N. CUNIN-WEBER.-

Minute en seize pages.

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