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Décisions

CA Versailles, ch. civ. 1-7, 4 octobre 2025, n° 25/05932

VERSAILLES

Ordonnance

Autre

CA Versailles n° 25/05932

4 octobre 2025

COUR D'APPEL

DE [Localité 6]

Chambre civile 1-7

Code nac : 14H



N° RG 25/05932 - N° Portalis DBV3-V-B7J-XOP2

Du 04 OCTOBRE 2025

ORDONNANCE

LE QUATRE OCTOBRE DEUX MILLE VINGT CINQ

A notre audience publique,

Nous, Florence SCHARRE, Conseillère à la cour d'appel de Versailles, déléguée par ordonnance de monsieur le premier président afin de statuer dans les termes de l'article L 743-21 et suivants du code de l'entrée et de séjour des étrangers et du droit d'asile, assistée de Maëva VEFOUR, Greffier, avons rendu l'ordonnance suivante :

ENTRE :

Monsieur [L] [Y]

né le 27 Décembre 2000 à [Localité 5] (TUNISIE)

Actuellement retenu au CRA de [Localité 4]

Comparant par visioconférence

assisté de Me Fatiha EDDICHARI DEBBAH, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 20, commis d'office, présent

et de M. [T] [X], interprète en langue arabe, inscrit sur la liste des experts de justice, présent

DEMANDEUR

ET :

PREFECTURE DE POLICE DE [Localité 3]

[Adresse 2]

[Localité 1]

représentée par Me Bruno MATHIEU de la SELAS MATHIEU ET ASSOCIE, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : R079, présent

substituant Me Sophie SCHWILDEN, avocat au barreau de Seine-saint-Denis

Me Jean-Paul TOMASI, avocat au barreau de LYON, vestiaire : 1405, non présent

DEFENDEUR

Et comme partie jointe le ministère public absent

Vu l'obligation de quitter le territoire français en date du 26 septembre 2023, notifiée à M. [L] [Y] par le préfet du Bas-Rhin le jour même ;

Vu l'arrêté du préfet de police de [Localité 3] en date du 3 septembre 2025 portant placement en rétention de M. [L] [Y] dans des locaux ne relevant pas de l'administration pénitentiaire pour une durée de quatre jours, notifié à l'intéressé à cette date à 12h00 ;

Vu la décision du magistrat du siège du tribunal judiciaire de Paris du 7 septembre 2025 qui a prolongé la rétention de M. [L] [Y] pour une durée de vingt-six jours à compter du 6 septembre 2025 et jusqu'au 2 octobre 2025 ;

Vu la requête du préfet de police de [Localité 3] en vue d'une deuxième prolongation de la rétention administrative de M. [L] [Y] en date du 2 octobre 2025 et enregistrée le même jour à 16h04 ;

Vu la décision du magistrat du siège du tribunal judiciaire de Versailles du 3 octobre 2025 qui a déclaré la requête en prolongation de la rétention administrative recevable, a déclaré la procédure diligentée à l'encontre de M. [L] [Y] régulière, et a prolongé la rétention de M. [L] [Y] pour une durée supplémentaire de 30 jours à compter du 2 octobre 2025 ;

Le 3 octobre 2025 à 16h23, M. [L] [Y] a relevé appel de l'ordonnance précitée, qu'il s'était vu notifiée en sa présence le même jour à 13h07.

Il sollicite dans sa déclaration d'appel l'annulation de l'ordonnance, à titre subsidiaire la réformation de l'ordonnance et la fin de la rétention.

A cette fin, il soulève :

- L'irrecevabilité de la requête de la préfecture en raison de l'absence de communication d'une copie actualisée du registre,

- L'irrecevabilité de la requête en raison de l'absence de pièces prouvant les diligences de l'administration,

- L'insuffisance de diligences de l'administration.

Les parties ont été convoquées en vue de l'audience.

A l'audience, le conseil de M. [L] [Y] a maintenu les moyens développés dans la déclaration d'appel y ajoutant que l'intéressé a besoin de soins médicaux urgents de nature psychologique et neurologique.

Le Conseil de la préfecture de police de Paris a fait valoir que le registre du CRA de Plaisir a été produit, que les diligences de l'administration sont établies et suffisantes dès lors que l'intéressé n'a remis aucun document de voyage. Il sollicite la confirmation de l'ordonnance entreprise.

M. [L] [Y], qui a indiqué être de nationalité tunisienne a été entendu par l'intermédiaire de l'interprète en langue arabe présent.

SUR CE

Sur la recevabilité de l'appel

En vertu de l'article R 743-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, l'ordonnance du magistrat du siège du tribunal judiciaire est susceptible d'appel dans les 24 heures de son prononcé, ce délai courant à compter de sa notification à l'étranger lorsque celui-ci n'assiste pas à l'audience.

L'article R 743-11 du même code prévoit que le premier président ou son délégué est saisi par une déclaration d'appel motivée. Le délai ainsi prévu est calculé et prorogé conformément aux articles 640 et 642 du code de procédure civile.

En l'espèce, l'appel a été interjeté dans les délais légaux et il est motivé.

Il doit être déclaré recevable.

Sur le moyen tiré de la recevabilité de la requête du préfet du fait de l'absence du registre actualisé

L'article R.743-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile prévoit que lorsque la requête est formée par l'autorité administrative, elle est accompagnée de toutes pièces justificatives utiles, notamment une copie du registre prévu à l'article L. 744-2 précité.

Il résulte de l'article L.744-2 du même code que l'autorité administrative, d'une part, tient à jour un registre relatif aux personnes retenues, d'autre part, tient à la disposition des personnes qui en font la demande les éléments d'information concernant les date et heure du début du placement de chaque étranger en rétention, le lieu exact de celle-ci ainsi que les date et heure des décisions de prolongation.

Le juge, gardien de la liberté individuelle, doit s'assurer par tous moyens, et notamment d'après les mentions figurant au registre, émargé par l'étranger, que celui-ci a été, au moment de la notification de la décision de placement en rétention, pleinement informé des droits qui lui sont reconnus et placé en mesure de les faire valoir ainsi que de les exercer effectivement (1re Civ., 31 janvier 2006, pourvoi n° 04-50.093).

Par ailleurs, le registre doit être actualisé et la non-production d'une copie actualisée, permettant un contrôle de l'effectivité de l'exercice des droits reconnus à l'étranger au cours de la mesure de rétention, constitue une fin de non-recevoir pouvant être accueillie sans que celui qui l'invoque ait à justifier d'un grief (1re Civ., 5 juin 2024, pourvoi n° 23-10.130 ; 1re Civ., 5 juin 2024, pourvoi n° 22-23.567).

A titre d'information, il est relevé que l'article 2 de l'arrêté du 6 mars 2018 portant autorisation du registre de rétention prévu à l'article L. 553-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et d'un traitement automatisé de données à caractère personnel dénommé « logiciel de gestion individualisée des centres de rétention administrative » (LOGICRA) prévoit que « Le registre et le traitement mentionnés à l'article 1er enregistrent des données à caractère personnel et informations, figurant en annexe du présent arrêté, et relatives :

- à l'étranger placé en rétention administrative et, le cas échéant, aux enfants mineurs l'accompagnant ;

- à la procédure administrative de placement en rétention administrative ;

- aux procédures juridictionnelles mises en 'uvre au cours de la rétention ;

- à la fin de la rétention et à l'éloignement. »

L'annexe de cet arrêté indique notamment que le registre comprend, au titre du "IV. - Concernant la fin de la rétention et l'éloignement " les éléments suivants :"réservation du moyen de transport national et international : date prévisionnelle de départ, moyen de transport utilisé, pays de destination, demande de routing, escorte ".

Enfin, il ne peut être suppléé à l'absence de ces pièces justificatives utiles par leur seule communication à l'audience, sauf s'il est justifié de l'impossibilité de les joindre à la requête (1re Civ., 26 octobre 2022, pourvoi n° 21-19.352).

En l'espèce, l'appelant soutient que l'administration devait fournir une copie du registre actualisé du centre de rétention de Plaisir et de Paris-Vincennes et en déduit que l'absence de copie d'un des deux registres conduit à l'irrecevabilité de la requête de la préfecture.

L'article L. 743-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dispose qu'à peine d'irrecevabilité prononcée d'office, aucune irrégularité antérieure à une audience à l'issue de laquelle le magistrat du siège du tribunal judiciaire a prolongé la mesure ne peut être soulevée lors d'une audience ultérieure.

Dès lors, la cour, constate concernant le placement au CRA de [Localité 3]-[Localité 7], à supposer que cette irrégularité soit constituée, que celle-ci elle est relative à la première prolongation de la rétention et ne peut donc plus être soulevée lors de la présente instance.

Concernant le placement au CRA de Plaisir, la cour observe que le registre produit dans le dossier de la préfecture était parfaitement actualisé à la date de saisine du juge des libertés et de la détention de Nanterre puisqu'il indique que l'intéressé, en provenance de la préfecture de police de Paris et du CRA 75 est arrivé au centre de Plaisir le 27 septembre 2025 à 10h20.

Dans ces conditions, il y a lieu de rejeter le moyen tiré de la recevabilité de la requête du préfet du fait de l'absence du registre actualisé, de constater que la procédure n'est pas entachée d'une nullité d'ordre public, et qu'elle doit être déclarée recevable.

Sur le moyen tiré de l'irrecevabilité de la requête en raison de l'absence de pièces prouvant les diligences de l'administration

S'il appartient au juge, en application de l'article L. 741-3 du Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, de rechercher concrètement les diligences accomplies par l'administration pour permettre que l'étranger ne soit maintenu en rétention que pour le temps strictement nécessaire à son départ (ce qui requiert dès le placement en rétention, une saisine effective des services consulaires étrangers compétents pour rendre possible le retour), en revanche les démarches liées à l'organisation interne de l'administration centrale française (telles que les saisines de l'Unité Centrale d'Identification) ne constituent pas une diligence suffisante en vue de l'exécution de la mesure d'éloignement (1re Civ., 12 juillet 2017, pourvoi n°16-23.458, Bull. 2017, I, n° 175).

S'il n'y a pas lieu d'imposer la réalisation d'actes sans véritable effectivité, tels que des relances auprès des consulats, dès lors que celle-ci ne dispose d'aucun pouvoir de contrainte sur les autorités consulaires (1re Civ., 9 juin 2010, pourvoi n°09-12.165, Bull. 2010, I, n° 129), en revanche le juge est tenu de vérifier que les autorités étrangères ont été requises de manière effective.

En l'espèce, l'appelant invoque sans autre précision que les pièces nécessaires à la demande de prolongation n'ont pas été produites.

Or, il résulte des pièces produites par la préfecture que l'autorité consulaire tunisienne a été saisie, et relancée par courriel, et ce dès le début de la procédure dans des circonstances dont la réalité n'est pas sérieusement contestée au regard de la copie figurant en procédure.

Dans ces conditions, il y a lieu de rejeter le moyen tiré de la recevabilité de la requête du préfet en raison de l'absence de pièces prouvant les diligences de l'administration et de constater que la procédure n'est pas entachée d'une nullité d'ordre public, et qu'elle doit être doit être déclarée recevable.

Sur le moyen tiré de l'insuffisance de diligences de l'administration

En l'espèce, l'appelant indique que l'administration n'a pas effectué les diligences nécessaires pour obtenir un laissez-passer et un vol.

Or, il est constant que la délivrance d'un laissez-passer, permettant la mise en 'uvre immédiate du retour, n'est pas intervenue lors de la première période de rétention et qu'elle n'est pas un obstacle à la poursuite de la rétention dès lors que l'éloignement demeure une perspective et qu'en l'espèce c'est l'absence de document de voyage qui est à l'origine du retard dans la mise en 'uvre du départ de M ; [L] [Y].

Dans ces conditions, il y a lieu de rejeter le moyen tiré de l'insuffisance de diligences de l'administration et de confirmer l'ordonnance entreprise.

Sur la deuxième prolongation

En vertu de l'article L. 742-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, quand un délai de vingt-six jours s'est écoulé depuis l'expiration du délai de rétention de 4 jours, le magistrat du siège du tribunal judiciaire peut à nouveau être saisi aux fins de prolongation du maintien en rétention au-delà de trente jours, dans les cas suivants :

1° En cas d'urgence absolue ou de menace pour l'ordre public ;

2° Lorsque l'impossibilité d'exécuter la mesure d'éloignement résulte de la perte ou de la destruction des documents de voyage de l'intéressé, de la dissimulation par celui-ci de son identité, ou de l'obstruction volontaire faite à son éloignement ;

3° Lorsque, la décision d'éloignement n'a pu être exécutée en raison :

a) du défaut de délivrance des documents de voyage par le consulat dont relève l'intéressé, ou lorsque la délivrance des documents de voyage est intervenue trop tardivement pour procéder à l'exécution de la décision d'éloignement ;

b) de l'absence de moyens de transport ;

L'étranger peut être maintenu à la disposition de la justice dans les conditions prévues à l'article L.742-2.

Si le juge ordonne la prolongation de la rétention, celle-ci court à compter de l'expiration de la précédente période de rétention et pour une nouvelle période d'une durée maximale de trente jours. La durée maximale de la rétention n'excède alors pas soixante jours.

En l'espèce, malgré les diligences de l'administration, et alors que l'appelant est dépourvu de tout document de voyage, la mesure d'éloignement n'a pu être exécutée en raison de ce que malgré l'audition consulaire de M. [L] [Y] le 12 septembre 2025, l'autorité consulaire tunisienne a [Localité 3], qui a pourtant adressé le dossier aux autorités compétentes en Tunisie, et qui a été relancée par mail du 1er octobre 2025 à 10h45, n'a toujours pas identifié l'intéressé en vue de la délivrance d'un laissez-passer consulaire à son nom.

Le moyen sera rejeté.

Sur le moyen tiré de l'incompatibilité de l'état de santé avec la rétention

La cour constate au visa de l'article L.741-4 du CESEDA qu'aucun document n'est versé aux débats pour attester que M. [L] [Y] est suivi médicalement pour des problèmes neurologiques ou psychologiques.

Il n'est donc pas établi que l'état de santé de l'intéressé serait incompatible avec la mesure de rétention administrative.

Le moyen sera donc rejeté.

***

En conséquence, il y a lieu de confirmer l'ordonnance entreprise.

PAR CES MOTIFS

Statuant publiquement et par décision réputée contradictoire,

Déclare le recours recevable en la forme,

Déclare irrecevables les moyens tenant à la recevabilité de la requête,

Rejette les moyens tirés de l'insuffisance de diligences de l'administration et de l'état de santé de l'intéressé.

Confirme l'ordonnance entreprise.

Fait à [Localité 6], le samedi 04 octobre 2025 à heures

Et ont signé la présente ordonnance, Florence SCHARRE, Conseillère et Maëva VEFOUR, Greffier

Le Greffier, La Conseillère,

Maëva VEFOUR Florence SCHARRE

Reçu copie de la présente décision et notification de ce qu'elle est susceptible de pourvoi en cassation dans un délai de 2 mois selon les modalités laissée ci-dessous.

l'intéressé, l'interprète, l'avocat

POUR INFORMATION : le délai de pourvoi en cassation est de DEUX MOIS à compter de la présente notification.

Article R 743-20 du CESEDA :

' L'ordonnance du premier président de la cour d'appel ou de son délégué n'est pas susceptible d'opposition.

Le pourvoi en cassation est ouvert à l'étranger, à l'autorité administrative qui l'a placé en rétention et au ministère public. '.

Articles 973 à 976 du code de procédure civile :

Le pourvoi en cassation est formé par déclaration au greffe de la Cour de Cassation, qui est signée par un avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de Cassation ;

La déclaration est remise au secrétariat-greffe en autant d'exemplaires qu'il y a de défendeurs, plus deux ;

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